Émission Libre à vous ! diffusée mardi 3 octobre 2023 sur radio Cause Commune Sujet principal : Mastodon, réseau social libre et décentralisé, avec Cécile Duflot et Benjamin Sonntag


Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous dans Libre à vous !. C’est le moment que vous avez choisi pour vous offrir une 1 heure 30 d’informations et d’échanges sur les libertés informatiques et également de la musique libre.
Mastodon, le réseau social libre et décentralisé, ce sera le sujet principal de l’émission. Avec également au programme la chronique de Jean-Christophe Becquet sur les générateurs d’avatars libres de David Revoy et la chronique de Marie-Odile Morandi sur les intelligences artificielles parmi nous. S’en méfier ? Les apprivoiser ? Apprendre à s’en servir ?

Cette émission Libre à vous !est proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.

Nous sommes mardi 3 octobre 2023, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

Il est de retour à la régie, sa dernière régie c’était en avril dernier, mais nul doute qu’il sera au top. À la réalisation de l’émission du jour mon collègue Étienne Gonnu. Bonjour Étienne.

Étienne Gonnu : Salut Fred et très content de retrouver la régie.

Frédéric Couchet : Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « Pépites libres » de Jean-Christophe Becquet, vice-président de l’April, sur les générateurs d’avatars libres de David Revoy

Frédéric Couchet : Texte, image, vidéo ou base de données sélectionnée pour son intérêt artistique, pédagogique, insolite, utile, Jean-Christophe Becquet nous présente une ressource sous une licence libre. Les auteurs et autrices de ces pépites ont choisi de mettre l’accent sur les libertés accordées à leur public, parfois avec la complicité du chroniqueur. C’est la chronique « Pépites libres » de Jean-Christophe Becquet, vice-président de l’April.
Le sujet du jour : les générateurs d’avatars libres de David Revoy.
Bonjour Jean-Christophe.

Jean-Christophe Becquet : Bonjour.
J’ai déjà salué le travail de David Revoy dans ma chronique de janvier 2021 consacrée à la bande dessinée Pepper&Carrot. Aujourd’hui, je vous emmène à la découverte de ses générateurs d’avatars.

J’ai d’abord découvert celui qui permet de générer des petites pieuvres inspirées de Sépia, la mascotte de PeerTube. Pour mémoire, PeerTube est un logiciel libre très important initié par Framasoft pour héberger des plateformes de vidéos décentralisées.

Concrètement, pour réaliser votre avatar, il suffit de vous rendre sur la page web dont je vous partage généreusement l’adresse dans les références de l’émission, de choisir un nom pour votre mascotte et de cliquer sur le bouton « Générer ». Quelques secondes plus tard, vous obtenez l’image d’une pieuvre dont les couleurs mais aussi la forme des yeux et de la bouche ou encore les accessoires sont personnalisés.

Les dessins et le code source du générateur d’avatars sont partagés sous licence libre Creative Commons BY, Attribution. Les auteurs sont David Revoy pour les images et Andreas Gohr pour le code.

David Revoy a aussi développé d’autres générateurs d’avatars. Un s’inspire de Rose, la fennec de Mobilizon. J’en profite pour rappeler que Mobilizon est un autre logiciel libre développé par Framasoft pour gérer l’organisation d’événements. Vous trouverez aussi un générateur de chats, un générateur d’oiseaux ou un générateur d’images abstraites.

C’est pour se débarrasser des mouchards présents dans les services en ligne comme Gravatar que David Revoy a travaillé sur des générateurs d’avatars libres.
On voit donc qu’à travers un projet qui peut sembler juste amusant, voire futile, l’auteur adresse des enjeux fondamentaux pour nos libertés sur Internet. En effet, dès que vous intégrez des services privateurs dans votre système d’information, se déclenche toute une cascade de dépendances et de renoncements. Tel service prétend respecter et protéger vos données, mais qu’en est-il réellement ? Vous avez opté pour l’offre gratuite, mais êtes-vous sûr qu’elle le restera ? Quelle est la pérennité de ce service, ne risque-t-il pas d’être tout simplement supprimé ? En faisant le choix d’un service basé sur des ressources libres, vous reprenez le contrôle de votre informatique. Vous pouvez vérifier vous-même le comportement du logiciel ou bien choisir la personne en laquelle vous placez votre confiance pour ce travail. Vous pouvez changer d’hébergeur si nécessaire ; vous maîtrisez le suivi des versions et le paramétrage de vos outils. Bien sûr, cela demande un effort, mais c’est très important.

Avec ses générateurs d’avatars, David Revoy contribue à libérer une des briques de l’édifice Internet.

Frédéric Couchet : Merci Jean-Christophe. Excuse-moi, j’étais ailleurs, je réfléchissais à un des usages des générateurs d’avatars libres de David Revoy. Actuellement je suis sur le salon web de la radio, sur le site web causecommune.fm, bouton « chat », salon #libreavous. Vous pouvez vous créer un compte et vous pouvez vous choisir un avatar. Je vois que mon collègue Étienne Gonnu a choisi un baby Gnou. Moi, ma tête est dessinée par Antoine Bardelli, le graphiste de l’April. Si vous voulez vous créer un compte, vous pouvez. J’ai utilisé le générateur d’avatars libres de David Revoy pour créer un avatar. Vous pouvez créer un compte et venir discuter avec nous sur le salon web de la radio.

Jean-Christophe Becquet : Tout à fait. C’est une des possibilités. On trouve effectivement souvent ces avatars dans les systèmes de discussion, de conversation en temps réel, ou alors dans les systèmes, et c’était le cas pour David Revoy, de commentaires sur des billets de blog.
L’avantage, avec la solution proposée par David Revoy, c’est que tout est libre, à la fois le code du générateur, mais aussi les images qui sont ensuite composées pour générer les différents avatars.

Frédéric Couchet : Je crois qu’on aura bientôt David Revoy dans l’émission, je crois qu’il fait partie des invités sur le sujet prévu sur la bande dessinée libre, je ne sais pas à quelle date exactement, en tout cas on vous tiendra au courant.
Je vais juste rappeler que vous pouvez retrouver toutes les références de ce dont tu as parlé sur le site de l’émission, sur libreavous.org/#185, c’est le numéro de l’émission, c’est facile ; vous retrouverez tous les liens vers ce que Jean-Christophe a cité.

C’était la chronique « Pépites libres » de Jean-Christophe Becquet, vice-président de l’April. Je te souhaite une belle fin de journée et on se dit au mois prochain.

Jean-Christophe Becquet : Merci. Belle fin de journée et bonne fin d’émission. Bonne écoute à tous et à toutes.

Frédéric Couchet : Merci. Nous allons faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Après la pause musicale nous parlerons de Mastodon, réseau social libre et décentralisé.
En attendant, nous allons écouter Un fantôme dans la maison par Odysseus. On se retrouve dans une minute quarante. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Un fantôme dans la maison par Eric Querelle aka Odysseus.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Un fantôme dans la maison par Odysseus, disponible sous licence Art Libre.

[Jingle]

Frédéric Couchet : Nous allons passer au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Mastodon, réseau social libre et décentralisé, avec Cécile Duflot et Benjamin Sonntag (rediffusion d’un sujet de novembre 2022)

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui va porter sur le réseau social libre et décentralisé Mastodon. Ce sujet est une rediffusion d’une émission du 22 novembre 2022. On se retrouve juste après.

[Virgule sonore]

Frédéric Couchet : Nous allons aborder notre sujet principal qui va porter aujourd’hui sur Mastodon, le réseau social libre et décentralisé qui fait l’actu, avec nos deux invités que je laisserai se présenter après, Cécile Duflot et Benjamin Sonntag.

Je rappelle que vous pouvez participer à notre conversation par téléphone au 09 72 51 55 46 ou sur le salon web dédié à l’émission sur le site causecommune.fm, bouton « chat », salon #libreavous.

Nous allons donc parler de Mastodon, mais on va déjà laisser nos invités se présenter. On va commencer par Cécile Duflot.

Cécile Duflot : Bonjour. Je suis Cécile Duflot. Je suis aujourd’hui la directrice générale d’Oxfam France, une ONG qui lutte contre la pauvreté et les inégalités. Auparavant j’ai eu un engagement politique puisque j’ai été députée, ministre et secrétaire nationale du parti écologiste Europe Écologie Les Verts.

Frédéric Couchet : Merci Cécile. Benjamin Sonntag.

Benjamin Sonntag : Bonjour. Je suis Benjamin Sonntag, je suis gérant d’une petite entreprise d’hébergement de serveurs sur Internet qui s’appelle Octopuce et, par ailleurs, cofondateur, avec mes camarades, il y a très longtemps, de La Quadrature du Net, une association de défense des libertés à l’ère numérique. Dans le cadre de cette émission, plus précisément, un des fondateurs d’une instance Mastodon qui s’appelle Mamot et, plus récemment, d’une autre qui s’appelle Piaille. On va pouvoir découvrir aujourd’hui de ce dont il s’agit.

Frédéric Couchet : Exactement. On va en parler tout à l’heure. Pourquoi ça fait l’actu ? Ça fait l’actu parce que, notamment, le rachat de Twitter a été fait par un milliardaire américain, Elon Musk. Peut-être que tout le monde ne suit pas à la fois ce qu’est Twitter et les activités récentes sur Twitter. La première question qui va être assez rapide, je précise tout de suite, le but n’est pas de parler de tous les problèmes posés par Twitter, mais d’expliquer un peu quels sont les problèmes généraux posés par Twitter globalement, les lister, et qu’est-ce que qui fait que, tout d’un coup, avec le rachat d’Elon Musk, ça a entraîné, en quelque sorte, un questionnement encore plus important, donc l’arrivée de personnes sur Mastodon dont on parlera après.
Qui veut commencer ? Cécile.

Cécile Duflot : Si je commence, je vais commencer par dire les choses bien de Twitter.

Frédéric Couchet : Commence par dire les choses bien !

Cécile Duflot : J’ai fait partie des gens qui ont eu un compte Twitter très tôt, en 2008, parce que j’étais entourée par des jeunes qui étaient très attentifs aux nouveaux réseaux sociaux. Au départ j’étais très grognon : je ne comprenais pas comment ça marchait, je ne voyais pas du tout l’intérêt de faire un message en quelques dizaines de caractères, ça ne me permettait pas de parler de politique, je ne voyais pas du tout l’intérêt, jusqu’au jour où j’ai fait une blague. Le jour où j’ai fait cette blague, que ça a bien marché, j’ai compris et, du coup, ça m’a intéressée. J’ai trouvé que c’étaient des interactions marrantes.

Ensuite sont arrivées plusieurs choses qui, pour moi, ont été fondatrices dans ma relation à Twitter. C’est d’abord la révolution en Tunisie où Twitter a joué un rôle très important : il était utilisé pour se prévenir les uns les autres de la présence de forces armées et il a été aussi, je pense, un des outils assez décisif au moment où Ben Ali a fui la Tunisie et où la question de l’accueillir, ou plutôt d’essayer de bloquer son accueil en France qui, de l’avis d’un certain nombre de militants tunisiens, aurait gelé la révolution, a été permise en partie parce que des gens ont identifié qu’il s’était posé à Malte, je crois, en tout cas ça a permis à un certain nombre de réagir et de bloquer son arrivée en France.
Ensuite il y a eu #MeToo et #MeToo n’aurait pas existé dans Twitter.

Frédéric Couchet : Il y a cinq ans.

Cécile Duflot : Voilà. Il faut dire les choses : #MeToo n’aurait pas existé sans Twitter et, en tant que femme, en tant que féministe, je considère qu’on a, non pas une dette à l’égard de Twitter, mais quand même ! C’est un outil fabuleux, c’est un outil d’interaction mondiale, avec aussi plein de défauts, mais je voulais qu’on sache d’abord pourquoi c’était bien, ce qui fait que, potentiellement, on a envie de le remplacer, qu’on n’a pas envie de le perdre complètement.

Frédéric Couchet : C’est une bonne introduction.
Benjamin, est-ce que tu veux compléter sur la partie positive et aussi, peut-être, sur la partie problématique ?

Benjamin Sonntag : J’ai découvert Twitter assez tôt aussi et j’ai tout de suite compris qu’il y avait une grosse différence avec Facebook, nos auditeurs qui l’utilisent peut-être aussi, s’il y en a. Avec Facebook, on parle avec des gens qu’on appelle des « amis », avec des gros guillemets, surtout des gens que l’on connaît plus ou moins, mais c’est une liste précise de gens. Quand on envoie des messages sur Facebook, ça part à une liste de gens et on a une petite idée de qui il s’agit.

Avec Twitter, il y avait cette espèce de nouveauté que j’ai découverte tout de suite et je me suis dit « wahouh ! On a fait ça, l’humanité a fait ça » : on parle sur la place publique et tout le monde peut venir nous lire. Il y a un moteur de recherche, on peut se retrouver recommandé par d’autres gens par les retweets, etc., et, tout à coup, on a cette espèce de plateforme mondiale, monopolistique, privée et capitaliste – c’est un gros bémol qu’il va falloir mettre autour de ça –, mais une grosse plateforme mondiale où on peut discuter entre nous complètement librement. Ça peut être super parce que, tout à coup je me mets à discuter avec des gens genre un avocat connu, un chercheur en informatique du MIT, à l’autre bout du monde, qui me répond, qui est hyper-intéressé parce qu’on discute d’un sujet qu’on a en commun, un truc complètement microscopique, de niche. Des choses comme ça sont arrivées à plein de gens autour de moi qui utilisent Twitter, qui se retrouvent en interaction avec plein de gens super et c’était super.

Moi, en tant qu’homme, j’ai découvert que sur Twitter toutes les personnes que je connais, qui sont présentes comme femme sur leur profil ou avec leur prénom, se faisaient assez régulièrement harceler et Twitter ne faisait rien contre ça. Je ne compte plus le nombre de femmes qui m’ont dit : « Même pas en rêve j’ouvre mes DM sur Twitter ! »

Frédéric Couchet : Les DM ce sont les messages directs.

Benjamin Sonntag : « Même pas en rêve j’ouvre mes messages privés sur Twitter aux inconnus, sinon, direct, je reçois des dick pics, des photos de bites, des messages de harcèlement, c’est une horreur ! ». Et là, en tant qu’homme, j’ai dit « mince, c’est vrai qu’il y a ça en fait ». On découvre que Twitter c’est bien mais ils ont oublié un truc, ils ont fait ça à l’américaine, en gros c’est très free speech, il n’y a pas trop de limites à la liberté d’expression. Sauf que la liberté d’expression, quand on fait comme ça, c’est aussi la liberté de harceler son voisin et sa voisine. Je ne connais aucune place publique ou bar où, quand il y a un relou, il ne finit pas par se faire mettre dehors par les autres autour qui disent « c’est bon, fous-lui la paix ». Le problème c’est que, pour moi, comme Twitter est une immense place publique mondiale, ils ont très mal géré ces aspects-là.

Frédéric Couchet : Les aspects haine, harcèlement.

Benjamin Sonntag : Les aspects harcèlement, haine, persécution de gens sous prétexte qu’ils sont des minorités, qu’ils sont des femmes, des homosexuels et c’était un vrai problème pour moi. Et clairement, c’est peu dire que l’arrivée d’Elon Musk n’a rien amélioré là-dessus !

Frédéric Couchet : Justement, qu’est-ce que l’arrivée d’Elon Musk a provoqué, parce que, clairement, ça a provoqué quelque chose ? On l’a vu sur Mastodon, on en parlera tout à l’heure, ça a clairement provoqué quelque chose ! Mais, au fond, quelle est la crainte des gens par rapport à Twitter, tel que les gens le connaissent aujourd’hui, suite au rachat par Elon Musk ? Est-ce que c’est juste le rachat par Elon Musk, est-ce que ce sont ses annonces ? Cécile Duflot.

Cécile Duflot : Ce qui est étonnant c’est que c’était à la fois une plateforme privée, mais comme il n’y avait pas, on va dire, de propriétaire bien identifié, ça restait un peu flou, du coup on avait le sentiment que Twitter réagissait d’abord sous la pression. C’est vrai qu’il régulait mal le harcèlement, qu’il régulait mal aussi la création de plein de faux comptes. Moi j’ai tout vécu, tous ces évènements négatifs : le harcèlement, l’astroturfing c’est-à-dire les fermes de faux comptes qui alimentaient, donc un truc qui ne devient plus vrai ; il y avait déjà un début de fatigue à l’égard de Twitter parce que c’était moins vrai qu’avant. Même si c’étaient des pseudonymes, et moi je n’ai aucun problème avec le pseudonymat, les interactions dont parle Benjamin c’étaient avec des vraies personnes derrière, ce n’était pas une personne qui activait 25 comptes. Depuis j’ai découvert que c’est assez facile à identifier, j’en ai été victime plusieurs fois, des fois de façon anecdotique sur des sujets marginaux. Du coup, ça perd complètement sa saveur parce qu’on ne peut plus suivre les réponses, on n’est plus qu’émetteur, il n’y a plus d’interaction, donc ça perd une grande partie de son intérêt.

Un, il y avait la folie d’Elon Musk et son choix, son côté très capricieux avec ses foucades, ses licenciements, et le côté instinctif assez rapide, que tout le monde a compris, que le truc pouvait s’écrouler, que le truc pouvait disparaître. Je pense, en tout cas je fais partie de cette vague-là, qu’une grande partie de gens se sont dit « ce sera quoi le plan B ? Et tant qu’à avoir un plan B, il faut un truc qui existe déjà ». Et là, on comprend que la logique libre est quand même beaucoup plus secure que le fait que ça puisse être privatisé par un mec milliardaire, capricieux. Je pense que c’est vraiment cet élément-là qui a fait basculer, outre le fait qu’on se dit, évidemment, que la régulation était déjà limitée et, qu’avec Elon Musk, on est parti vers le grand n’importe quoi.

Il y a quand même un élément assez décisif, que Benjamin a dit : il y avait aussi la présence d’un certain nombre de personnalités. Quand je dis personnalités, ce ne sont pas forcément des gens connus, mais des gens sur-spécialistes des fossiles de tel dinosaure qui, de temps en temps, racontent des découvertes et c’est passionnant. Mais, pour cela, on a besoin d’identifier que ces gens étaient vraiment les personnes qu’elles disaient être, d’où cette fameuse authentification par la coche bleue. À partir du moment où ça devenait quelque chose en vente déjà ce n’est plus du tout la même histoire, plein ont fait la démonstration qu’on pouvait se faire passer pour vous. Du coup, du fait de savoir si c’est la bonne personne ou pas, la valeur même du réseau disparaissait.

Frédéric Couchet : D’accord. Benjamin là-dessus.

Benjamin Sonntag : Je trouve ça intéressant. Ça fait longtemps que je suis convaincu que Twitter n’est pas la bonne réponse, en tant qu’outil numérique, pour échanger entre tout le monde parce qu’il est privatisé, parce que c’est une plateforme unique. En biologie, quand il y a un seul truc qui existe, eh bien il ne se reproduit pas et il meurt ! Pour moi, la vie n’existe que dans la diversité, c’est consubstantiel de ce qu’est la vie, la définition de la vie c’est la diversité et Twitter n’était pas diverse, au contraire. Jack Dorsey avait monté son projet, il avait mis ses règles et fin du game. Non ! Au bout d’un moment, il faut qu’il y ait de la diversité.

Mastodon, dont on parle aujourd’hui, est un logiciel libre qui a été inventé par un Allemand, Eugen Rochko, qui a développé ce truc-là et qui, depuis, est aidé par d’autres gens. Il est parti de l’idée qu’il fallait un système qui soit décentralisé, où on puisse avoir plein de petits Mastodon et chacun gère ses petites règles, un peu comme si on disait en France il y a un bar avec une grande place autour avec plein de tireuses à bière et un seul tenancier. Non ! En fait, il y a plein de bars dans plein de petits villages, il y a plein de places, on peut se déplacer, on peut aller dans le village d’à côté parce qu’on préfère les mecs et les femmes qu’on y trouve, parce que ce sont des copains ou on peut se retrouver ailleurs parce que..., etc. Il faut cette diversité. J’ai découvert Mastodon et je me suis dit c’est super.

Frédéric Couchet : Du point de vue historique. La création de Mastodon c’est en 2016. De mémoire tu as dû le découvrir en 2017.

Benjamin Sonntag : Oui. Il y a eu une première explosion. Et Cécile s’était créé un compte, je m’étais créé un compte. J’avais monté une première instance, mamot.fr, avec La Quadrature du Net.

Frédéric Couchet : Une association de défense des libertés informatiques.

Benjamin Sonntag : Une association de défense des libertés numériques. On se retrouve avec cette instance et il y a une première explosion de gens qui disent « c’est bien ce truc décentralisé » et qui viennent parce qu’ils comprennent les enjeux. On n’était quand même pas très nombreux, mondialement 100, 200, peut-être 300 000 personnes, une goutte d’eau dans l’océan des réseaux. Mais cette année, il y a 15 jours, avec le rachat de Musk, ses gabegies et ses n’importe quoi – il a licencié les trois quarts de son équipe, ce qui fait que la maintenance technique de Twitter n’est plus assurée aujourd’hui, il faut être très clair.

Frédéric Couchet : S’il y a un problème, on ne sait pas si ça va redémarrer.

Benjamin Sonntag : Il y a des trucs qui ne marchent déjà plus. Si on a un système de double mot de passe, comme on peut l’activer si on est peu sécurisé, ça ne marche plus. Il y a des gens qui font de la pub sur Twitter qui se barrent parce qu’ils disent que leurs outils de diffusion de pub ne marchent plus. Ils sont en train de casser le nerf financier de Twitter. C‘est en train de partie en quenouille à vitesse grand V. Suite à ça, les gens ont fait comme Cécile, ils se sont dit « il faut un plan B ».

J’ai vu ça dans ma communauté, notamment la cybersécurité informatique, toute une communauté de gens qui discutent sur Twitter et nous sommes plein qui ne nous connaissons que via Twitter. Et en 48 heures, jeudi dernier je crois, j’ai vu notamment toute la sphère US, tard le soir pour nous, dans la nuit, tous en train de s’exciter en disant « où se retrouve-t-on ?, parce qu’en fait machin connaît machine, machine connaît bidule ». Et entre nous, hommes et femmes du monde de la cybersécurité, nous nous sommes dit « il faut que nous nous retrouvions ailleurs. Si Twitter s’éteint là, dans une demi-heure, nous ne nous retrouvons plus, c’est notre seul moyen de communication, mais nous sommes cons ! ». Une instance, une version de Mastodon, a été déployée par des Américains, elle s’appelle IOC.exchange !, tous les gens de la cybersécurité se sont retrouvés dessus. Ce qui est super c’est que moi, avec mon compte sur Mamot, je peux leur parler.
Toute cette communauté de gens s’est retrouvée. Du jour au lendemain chacun a monté son plan B dans son petit coin. On arrive à se parler entre nous, c’est super, vous savez quoi ? On peut se passer de Twitter maintenant !

La nouvelle phase de « on quitte tous Twitter, on parallélise en ayant un plan B qui est ouvert et qui est super », est beaucoup plus grosse ; depuis 15 jours ça explose un peu.

Cécile Duflot : Je peux dire pourquoi je ne suis pas restée sur Mastodon. En 2017 j’ai créé mon compte, je crois que c’est Benjamin qui m’en avait parlé, sauf que d’abord je ne comprenais pas, il n’y avait pas d’applis. Je fais partie des gens qui sont politiquement très convaincus par le Libre, je suis très ouverte à la question, mais je ne parle pas couramment le Python ou tout ça.

Frédéric Couchet : Python est un langage de programmation.

Cécile Duflot : J’ai programmé un ordinateur quand j’avais 12 ans, c’était un TO7, et ça n’a jamais été mon truc. Je conçois qu’il y ait plein de gens qui, face à un écran noir, mettent des deux points, des mots, tout ça, et qu’ils parlent à leur ordinateur. Je ne fais pas du tout partie de ces gens-là. En plus, et je sais que plein de gens n’osent pas le dire, que quand ce n’est pas assez simple et qu’ils n’y arrivent pas, ils n’osent pas demander, parce qu’il y a un côté un peu snob. Je le dis, j’aime les libristes d’amour et pour toujours parce que je pense vraiment que c’est ultra-stratégique de connaître ce monde-là dans le monde dans lequel on vit, mais parfois ils ne se rendent pas compte qu’ils parlent un langage qui est un langage évident pour eux – je le dis parce que ma petite sœur, on a grandi dans la même famille, est très différente de moi –, mais qui n’est pas un langage compréhensible par beaucoup de gens. Il faut donc que ce soit facile d’accès. Mon combat c’est qu’on puisse dire à la fois : c’est Libre et c’est facile d’accès.
Mastodon, à l’époque, c’était compliqué, je ne comprenais pas le truc des instances. En fait, on peut expliquer beaucoup plus simplement cette histoire d’instance à plein de gens, je vais y revenir.

Frédéric Couchet : Tu l’expliqueras après.

Cécile Duflot : En fait, il n’y avait que des geeks, qui ne parlaient que de trucs de geeks, avec des mots qui étaient du français mais je n’en comprenais pas la moitié. Très rapidement je me suis sentie pas à ma place, juste pas à ma place, donc je suis repartie sur la pointe des pieds, du coup mon compte, qui était sur je ne sais même pas sur quelle instance, bref, a disparu.

Là il s’est passé deux choses. Un, il y a d’abord eu cette idée « je ne veux pas qu’on m’enlève cet outil, les gens que je lis ». Pour moi c’est une fenêtre ouverte sur le monde. J’ai une TL [Timeline], comme on dit, c’est-à-dire la liste des gens que je suis, ultra-diversifiée, chaque jour qui passe j’apprends plein de choses. Twitter c’est un peu comme une bibliothèque. C’est vrai que les gens disent « on est sur Twitter », mais des fois, quand je m’ennuie, j’y vais, je clique sur un article que quelqu’un a envoyé, auquel je n’aurais pas du tout pensé, dans un magazine que je ne connais pas ou un site que je connais pas, et j’apprends plein de choses. Je me suis dit « mince je ne veux pas qu’on m’enlève ça, donc je vais y retourner et je vais voir. » Il y a eu cette volonté d’y aller. En fait, pendant ce temps, le travail avait continué et un certain nombre de développeurs ont simplifié les choses, ont notamment créé des applis pour les téléphones portables qui sont, en tout cas pour celles que j’ai sur mon iPhone de base, aussi intuitives, simples et avec presque toutes les mêmes fonctionnalités que Twitter. C’est ultra-facile de changer, avec une chose différente : c’est qu’effectivement il y a une liste avec tous les gens qui sont abonnés à l’instance à laquelle je suis abonnée. Une instance, c’est la porte par laquelle vous rentrez dans le grand château.

Il faut dire, Benjamin, que les gens ont l’impression que s’ils s’abonnent à une instance, ils vont rester dans ce cercle-là. Pas du tout ! En fait, c’est la porte pour rentrer et ensuite c’est comme Twitter. Du coup, je peux lire, en français, une liste de gens que je ne connais pas, que, du coup, je peux aussi découvrir puisque c’est une instance francophone.

Frédéric Couchet : Je précise aux personnes qui sont sur le salon web que tout à l’heure on donnera les noms des clients, c’est prévu dans la deuxième partie de l’émission de donner ces informations. Là, on va essayer d’expliquer, Cécile a commencé à le faire, ce qu’est Mastodon.
La partie la plus simple, sans doute, c’est que c’est un logiciel libre. Benjamin, peux-tu rappeler ce qu’est un logiciel libre ?

Benjamin Sonntag : Un logiciel libre est un logiciel dont on a la recette de cuisine, c’est-à-dire qu’on peut voir comment il a été fabriqué. Non seulement on a la liberté de voir comment il a été fabriqué, mais de prendre la recette de cuisine, la modifier, redistribuer des versions modifiées et le tout librement, sans être obligé de, forcément, verser le coût d’une licence régulière aux grands monopoles américains en face. Donc ça a plein d’avantages parce que ça permet, certes surtout aux geeks et aux informaticiens, à tous ces gens-là, qui sont quand même très nombreux, d’échanger des recettes de cuisine, de les améliorer et de construire ensemble, plutôt que de construire les uns contre les autres, ce que font la plupart des autres humains quand ils font du logiciel non-libre ou propriétaire. Donc ça a quand même de super avantages.

Mastodon est en effet un logiciel libre. Ce qui est super c’est que, d’entrée de jeu, ça a permis à plein de gens de venir aider à contribuer. Mastodon est sorti et, quelque mois après, il était traduit en 45 langues, comme ça [claquement de doigts, NdT] ! C’est super. Il y a un côté magique et ça n’a rien coûté à l’auteur du logiciel parce qu’il y a un juste un mec, au Pakistan, qui a dit « j’ai envie que ce soit disponible en ourdu », en Iran en farsi, et il est disponible dans toutes ces langues-là ; des Bretons l’ont traduit en breton, c’est super ! Et plein de geeks ont pu contribuer à améliorer le système, le rendre plus facile, plus ergonomique. Finalement, il y a eu des applis pour Android, pour iPhone, dont on parlera tout à l’heure, c’est super ! Ça permet cette espèce de vibrionnance d’écosystème complètement fou où tout se déploie vraiment de manière assez fantastique et libre, ce qui fait qu’on peut prendre Mastodon, faire une petite modification et on ne doit rien à personne en fait. Typiquement on parlera de Piaille tout à l’heure, l’instance qu’on a montée avec Thibaut, on a choisi un côté visuel autour des oiseaux : le petit « poutou ! », quand il y a un nouveau message, c’est « cui-cui » ! On n’a rien demandé à personne pour changer les fonctions de l’appli, le logo, la tête que ça a, etc.

Frédéric Couchet : OK. C’est très clair sur la partie libre. La partie peut-être un peu plus difficile à comprendre pour les gens qui viennent de Twitter ou les gens qui découvrent Mastodon sans être passés par Twitter, c’est, comme le disait tout à l’heure Cécile, qu’il y a une seule porte d’entrée pour Twitter qui est twitter.com, qui est gérée par une entreprise ; pour Mastodon, il y a cette notion d’instance ou de serveur.
Cécile avait commencé à expliquer un petit peu ce que sont les instances serveurs. Comment l’expliques-tu aux gens de ton entourage ?

Cécile Duflot : J’explique en disant justement que Mastodon ou Twitter c’est un gros château dans lequel tout le monde peut rentrer. La différence c’est que, pour Twitter, il y a une seule porte, que c’est celui qui possède la porte, qui tient la clef, qui peut décider qui rentre et qui ne rentre pas. Il peut aussi décider de fermer la porte et que plus personne ne rentre. En l’occurrence, c’est Elon Musk.

La différence, pour le château Mastodon, c’est qu’il y a plein de portes, il faut donc choisir la porte par laquelle on rentre. Ça implique deux choses.
Une fois qu’on a choisi sa porte, cette porte peut choisir qu’elle ne veut pas que d’autres portes viennent : typiquement, s’il y a une porte qui est un serveur de gens de l’extrême droite, etc., elle peut dire que ceux-là ne viennent pas, on ne peut pas les voir quand on est entré par notre porte, donc on peut être protégé de ça.
Ça crée aussi un lieu où, dans le porche de la porte, tu peux lire tous les gens qui passent par ta porte.
Mais, une fois que tu es dedans, ça ne change strictement rien.
Du coup, ça veut dire aussi que personne ne peut décider de fermer ta porte, mais tu peux être protégé de gens qui arrivent par des portes différentes. Tu peux choisir si tu veux être dans une porte où, en fait, ce ne sont que des spécialistes de la tech qui viennent et du coup, dans le porche, tu entends des discussions autour de la tech, dans une porte qui parle français, dans une porte qui parle breton. Ce qui est particulier à comprendre, c’est qu’il faut simplement choisir la porte par laquelle rentrer.

Ensuite, pour les fonctionnalités, on fait des messages un peu plus longs que sur Twitter.

Frédéric Couchet : De 500 caractères maximum.

Cécile Duflot : Je vais parler en langage Twitter : on peut les retweeter, les repartager, on peut mettre des photos, on peut mettre des vidéos. Une fois qu’on est rentré dedans, ça ressemble vraiment beaucoup. La seule chose différente c’est qu’on ne peut pas reposter le message de quelqu’un.

Frédéric Couchet : On reparlera de ça après, Cécile, c’est justement intéressant, ce sont certains choix technologiques qui ont été faits. On en reparlera juste après. On va finir sur la partie serveurs, vas-y.

Benjamin Sonntag : Un parallèle que j’aime bien pour faire découvrir aux gens qui ne connaissent pas Twitter et même pour ceux qui connaissent, je compare plutôt Mastodon au mail. Mon mail c’est benjamin chez sonntag.fr. Si une amie qui s’appelle manon chez gmail.com a envie de m’écrire, elle peut m’écrire. On a tous compris que ce sont des instances différentes parce qu’après l’arobase ce n’est pas pareil, elle est chez gmail, moi je suis chez sonntag. J’écris aussi à Astrid qui est sur Yahoo, j’écris aussi à Philippe sur free.fr, j’écris aussi à Jérémie sur tofz.org. Nous nous écrivons entre nous et nous ne nous sommes jamais posé la question.

Il y a une différence. La seule différence avec Mastodon c’est que Mastodon, c’est comme si on avait un mail, mais, par défaut, quand on poste un message, il est posté à tout le monde : c’est public par défaut. C’est le mail avec, en plus, le fait que quand on ne se pose pas de question, le message qu’on envoie est envoyé à tout le monde. C’est super. Ça veut dire qu’on peut s’envoyer des messages entre nous, envoyer des messages à destination d’organisations, de groupes d’utilisateurs, de listes de personnes, aux gens qui nous suivent, ou seulement à ces trois personnes-là avec lesquelles on veut parler avec des messages privés. Mais, si on ne met personne, en fait c’est tout le monde, tout le monde reçoit nos messages. Ça veut dire que derrière, en tant qu’humanité, il faut qu’on apprenne ce que veut dire envoyer des messages à tout le monde. Il y a là un grand pouvoir, mais c’est aussi une grande responsabilité.

Frédéric Couchet : On va en parler justement un petit peu après. On va continuer à défiler la partie purement technique. J’explique juste, comme vous ne voyez pas l’écran, que sur le salon web on vous félicite pour vos comparaisons, notamment celle avec le courriel, etc.
On va continuer un petit peu sur la partie technique. Au niveau des messages, effectivement ce que tu disais Cécile, on peut poster des messages de 500 caractères maximum, on peut mettre des images, etc. Il y a quand même des choses un petit peu différentes. Avant de parler de ce qui n’est pas possible, peut-être expliquer, d’un point de vue graphique, qu’on a les messages qui sont envoyés par les personnes abonnées, sans algorithme, c’est peut-être important à expliquer.

Cécile Duflot : Là je ne suis pas d’accord. Tout le monde croit que Twitter c’est avec un algorithme. Depuis toujours, en appuyant sur « Voir plutôt les tout derniers tweets », on peut avoir Twitter sans algorithme, ce qui n’est pas possible pour Facebook, je ne suis pas une spécialiste, mais j’ai compris ça. Sur Twitter, si on choisit « Voir plutôt les tout derniers tweets », ce que j’ai toujours choisi parce que c’est chiant qu’on choisisse pour toi, en fait c’est exactement comme Mastodon.

Frédéric Couchet : On va juste préciser que, par défaut sur Twitter, il y a effectivement l’algorithme. Sinon, en appuyant sur le bouton « Voir plutôt les tout derniers tweets », on peut avoir la frise chronologique. Sur Mastodon c’est par défaut et, ce qui est intéressant en plus de ça, c’est qu’il y a deux fils différents : le fil de l’instance locale et le fil global.

Benjamin Sonntag : Il y en a même trois.

Frédéric Couchet : Il y a aussi les notifications.

Benjamin Sonntag : Le fil par défaut ce sont les gens dont on souhaite voir les messages de manière active, on s’est inscrit à leur compte, les gens qu’on suit : lui, elle, elle et lui.

Cécile Duflot : En Twitter langage, c’est la TL.

Frédéric Couchet : La frise chronologique ?

Benjamin Sonntag : Ce sont les gens auxquels je suis abonné, je veux connaître leurs messages, c’est ce qui m’intéresse le plus. Ce sont les gens que j’ai découverts, je me suis dit « OK, lui je veux le suivre, elle je veux la suivre » ; je vois leurs messages, parce que je les ai choisis, ce n’est pas un algorithme et je vois d’abord leurs derniers messages.

Ensuite il y a les messages de notification, les gens qui me répondent, qui re-pouettent mes pouets, qui les forwardent, qui les transmettent à d’autres gens, ce sont les notifications.

Il y a ensuite ce qu’on appelle la timeline locale, où on a les messages locaux. En gros, ce sont tous les messages postés en public par tous les usagers, par tous les utilisateurs et utilisatrices de l’instance sur laquelle je suis. C’est là où le choix de la porte d’entrée est important parce que si on est dans une communauté qui a une couleur particulière – politique, technique, industrielle, artisanale, gamer, peu importe – eh bien les messages de la timeline locale vont être très dans cette couleur. En effet, pour Cécile à l’époque, l’instance était Trade Leak, donc c’était un peu bizarre.

Et la timeline fédérée c’est la world company, c’est le monde entier, ce sont tous les messages postés publiquement par tous les usagers de l’instance locale et qui ont des abonnés sur les autres instances distantes que ce serveur connaît. C’est donc quelque chose de beaucoup plus verbeux, beaucoup plus bavard, beaucoup plus versatile et là on peut voir un peu tout et n’importe quoi.

Cécile Duflot : Je regarde, je viens de recevoir le message d’un Suisse sur Mastodon qui dit que pour un Suisse c’est très simple, c’est comme la Suisse : il y a les messages que t’envoient les gens auxquels tu t’es abonné, ensuite il y a les messages de ton canton et ensuite il y a les messages de toute la Suisse. C’est vrai que nous ne sommes pas dans un pays qui a la culture de la fédération, mais pour les gens qui ont une culture de fédération, je pense que c’est très simple de faire partie de deux choses.

Je trouve super le côté instance. La liste, en l’occurrence Piaille puisque mon compte est sur Piaille, en plus elle est francophone, donc elle est facile à lire – parce qu’il manque l’option traduction automatique. Ça a vraiment changé la vie sur Twitter parce que je suis des gens coréens, japonais, donc ce n’est pas possible de les traduire – comme ça je découvre de nouvelles personnes.

Je voudrais dire aux gens qui nous écoutent que plein de gens qui arrivent sur Mastodon disent « je ne connais personne ». Pour info, quand nous sommes arrivés sur Twitter, nous ne connaissions personne. C’est pour ça qu’il y avait ce qu’on appelait les follow Friday : tous les vendredis les gens envoyaient des messages avec la liste des gens qu’ils connaissaient en disant « vous pouvez les suivre, ils sont intéressants pour ci et pour ça ». Du coup maintenant, comme ça fait un moment que je suis arrivée sur Mastodon – un moment c’est une semaine ou dix jours, une dizaine de jours –, je suis devenue une sorte de boussole pour un certain nombre de gens, c’est d’ailleurs assez rigolo comme statut, plein de personnes m’ont envoyé des messages pour me dire qu’ils vont regarder les gens que je suis ou les gens qui me suivent pour retrouver les gens qu’ils suivaient sur Twitter. Ça fait une sorte de boîte, c’est aussi un moyen et ça me fait marrer, c’est exactement ce qu’on faisait au début de Twitter.

Ça ressemble quand même beaucoup, sauf que c’est plus durable, ça ne dépend pas d’Elon Musk et surtout le but n’est pas de gagner de l’argent, donc de faire de la pub. C’est aussi ça l’élément chouette du Libre, on se dit qu’on va rester tranquillement à faire de la conversation, on ne va pas se retrouver otage de pub, du fait qu’on va utiliser nos données ou qu’on va regarder les tweets qu’on a likés ou pas pour nous envoyer telle ou telle pub, c’est aussi ça qui change tout. C’est la grande différence avec le Libre et je le redis, c’est pour ça que je suis très reconnaissante, c’est que ça marche parce qu’il y a des gens qui font ça bénévolement, juste parce qu’ils aiment bien, et heureusement qu’ils existent et c’est très bien !

Benjamin Sonntag : Après il y a plein de modèles économiques différents. Il y a des instances qui font appel au don pour payer le matos. Pour Piaille, l’instance que Thibaut a montée il y a 15 jours, mon entreprise a dit « on te file du matos, gratos pour l’instant, on verra plus tard », parce qu’il y avait urgence d’accueillir les twittos perdus. On a ouvert une instance gratuitement, c’est mon entreprise qui offre le matériel pro bono ; on fait l’administration technique et la modération avec des bénévoles et des gens autour de nous et on verra. Si ça se trouve, dans 15 jours ce sera organisé en association un peu stricte avec une gouvernance, etc. Chacun fait un peu son modèle. Il y a des entreprises qui mettent à disposition des instances Mastodon pour que d’autres professionnels discutent entre eux, etc.

Cécile Duflot : En fait, ça me fait un peu penser au modèle de Wikipédia. Je me souviens qu’au début de Wikipédia, on disait « ce truc ne peut pas marcher ! Ça ne peut pas reposer sur tout le monde, les gens vont forcément bidouiller ». Quand on atteint une sorte de masse critique, je le sais parce que j’ai une page qui a souvent été « attaquée », entre guillemets, et ça ne reste pas plus de 45 secondes. En fait, il y a des sortes de patrouilleurs, tu ne sais pas où ils sont, ce sont des mecs dont le truc, dans la vie, c’est de guetter les modifications. Et à la fin oui, j’ai aussi, au bout d’un moment, donné des sous à Wikipédia parce que je suis contente que ça existe, que je trouve ça bien. Autant jamais de la vie je ne paierai huit euros pour garder ma coche bleue, autant je sais aussi que ça coûte de l’argent d’héberger des données, donc s’il faut contribuer à ce que les données de mon instance soient stockées, ça ne me gênera pas, plus tard, ça ne me choquera pas de payer de façon volontaire, en sachant que ce n’est pas fait pour que ça rapporte de l’argent à qui que ce soit. Ce n’est pas un modèle commercial.

Il faut néanmoins, et je trouve ça important, que ça reste ultra-accessible. Si on veut que ça prenne le pas sur Twitter, il faut non seulement que ce soit mieux sur un plan éthique et d’esprit, mais il faut aussi que ce soit fastoche à utiliser, c’est ça qu’il faut réussir.

Frédéric Couchet : On va faire une petite pause musicale courte. Nous allons écouter Un fantôme dans la maison par Odysseus. On se retrouve dans une minute quarante. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Un fantôme dans la maison par Odysseus.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Un fantôme dans la maison par Odysseus, disponible sous licence libre Art Libre.

[Jingle]

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre notre sujet principal. Nous parlons de Mastodon, réseau social libre et décentralisé, avec nos invités Benjamin Sonntag et Cécile Duflot.

Juste avant la pause musicale nous parlions des instances, notamment des différents modèles économiques des instances. On peut même préciser qu’il peut y avoir des instances mono-personnelles, j’ai, par exemple, ma propre instance que je gère.

Avant d’entamer le sujet de la modération qui est intéressant, Cécile, tu parlais tout à l’heure de la certification de comptes sur Twitter. Un usage potentiel d’instance, pour une structure, c’est de gérer sa propre instance donc de certifier automatiquement les comptes des personnes qui travaillent sur son instance. Je sais qu’Oxfam a choisi de créer un compte sur une instance, mais typiquement une structure comme Oxfam ou un média de presse pourrait se créer sa propre instance, gérée éventuellement par un prestataire, donc avoir les personnes qui travaillent pour elle sur cette instance-là.

Cécile Duflot : Nous nous sommes créé un compte un peu pour découvrir, parce que nous sommes très peu d’ONG. En revanche, ce qui est sûr, c’est que toutes les ONG sont très présentes sur l’ensemble des réseaux sociaux, y compris parfois en payant parce que c’est ça qui est accessible en termes de publicité. Pourquoi les ONG payent plus de Google Ads et de trucs sur Facebook ? C’est parce que c’est moins cher que tous les autres types de publicité. Il faut se dire la vérité, mais ça ne veut pas dire que ça ne nous pose pas question. Là on essaye un peu, on tâtonne.

L’avantage de Mastodon c’est que, finalement, vous avez deux arobases, @votrenom et @lenomdel’instance. Si l’instance est très officielle, on peut imaginer, par exemple, France Médias, et là ce ne sont que les journalistes qui ont un numéro de carte de presse, eh bien on sait que si le nom de quelqu’un c’est ça, c’est sûr que c’est lui. J’étais allée sur une instance québécoise, comme ça, au hasard, où il y avait 60 personnes ; c’est évidemment une des raisons pour lesquelles j’ai changé d’instance, j’ai déménagé chez Piaille et je sais que personne ne va s’appeler cecileduiflot@pialle, donc qu’on ne peut pas me voler mon nom, parce que je fais confiance à l’administration et à la politique de l’instance. Je pense que ce sera une question que les organisations vont se poser petit à petit, si ça marche ; pour l’instant c’est encore un truc de pionniers.

Frédéric Couchet : Si ça marche effectivement, ce sera d’ailleurs le dernier sujet. Je précise juste un truc, ils le rappellent sur le salon web et c’est intéressant. Comme tu le dis, Cécile, on peut se créer un compte sur une instance et ensuite on peut migrer sur une autre instance, si on trouve que, finalement, on s’est trompé d’instance. Quand tu es arrivée sur Mastodon, j’ai vu un message disant Cécile Duflot est sur Mastodon, j’ai vu l’instance et je me suis dit « tu es sûre que c’est la bonne ? ». On peut migrer d’instance, on n’est pas fermé sur une instance.

Cécile Duflot : C’est génial ! Et quand on déménage, puisque du coup je l’ai fait, ce n’est pas très compliqué. Vous déménagez avec tous les gens qui vous suivent, c’est-à-dire que vous emmenez tous les gens qui vous suivent, mais pas les gens que vous suivez et pas vos messages. Peut-être, si les gens qui travaillent peuvent améliorer le déménagement en emmenant aussi la liste des gens qu’on suit…

Benjamin Sonntag : La liste des gens qu’on suit ce serait la moindre des choses. J’ai été étonné.

Frédéric Couchet : Il n’y a pas une notion d’export ?

Benjamin Sonntag : Le problème c’est qu’il faut exporter à la main, alors que la liste des gens qui vous suivent suit toute seule, il faut juste donner au nouveau compte le nom de l’ancien, à l’ancien le nom du nouveau et pouf ! C’est magique.

Cécile Duflot : Si on pouvait aussi déménager les messages, ce serait vachement bien !

Benjamin Sonntag : Les messages, c’est une autre histoire, on parle de temporalité passée, présente, future, mais au moins les gens qu’on suit ; c’est pénible, il faut le faire à la main ! L’ordinateur, c’est fait pour ne pas faire à la main des trucs qu’on pourrait ne pas faire à la main !

Frédéric Couchet : Tu voulais ajouter quelque chose.

Benjamin Sonntag : Oui, sur la certification. Des gens se sont amusés à mettre une petite coche verte, juste un émoji coche verte ou coche bleue à la fin de leur login. Cécile s’est amusée à ça, moi aussi, on peut l’enlever, ce n’est pas la question, ça ne veut rien dire, c’est juste un émoji qu’on met à la fin de son nom. Il ne faut pas croire, si on voit un émoji « sapin de Noël » à la fin du nom, que c’est le père Noël, ça ne marche pas.

Par contre, un truc qu’on peut faire et c’est à la portée de n’importe qui : si vous avez un site web, que vous êtes une organisation, genre une entreprise ou un particulier qui a un blog, vous pouvez, en faisant une petite modification sur le code de la page web de votre site, dire quel est votre compte sur Mastodon. Ainsi, quand on voit votre profil sur Mastodon, il y a le nom du site web, il y a une coche verte à côté, il n’y a que les gens qui ont pu officiellement modifier le site web qui peuvent le montrer.

Cécile Duflot : C’est pour cela que ce n’est pas à la portée de n’importe qui.

Frédéric Couchet : Ce n’est pas à la portée de n’importe qui, mais c’est faisable.

Benjamin Sonntag : Ce n’est pas à la portée de n’importe qui, mais dès que vous avez une organisation de type petite boutique en ligne, une PME, un artisan du coin qui a un site web, il peut demander à son webmaster ou à quelqu’un qui s’y connaît de faire cette petite opération technique qui permet de faire un réseau de confiance, sans même être obligé de dépendre de l’instance et c’est super. Ça veut dire que vous n’êtes pas obligé d’aller sur l’instance lesartisansducoin.fr avec des gens qui valident que vous êtes bien des artisans, pour dire c’est moi l’artisan, c’est moi la souffleuse sur verre que tout le monde connaît qui a tel site, c’est bien mon compte Mastodon.

Cécile Duflot : Je ne devrais peut-être pas dire ça publiquement, mais si je dois être confrontée à ça, je suis moyennement convaincue. Si quelqu’un crée un compte cécileduflot, crée un site internet www.cecileduflot.eu ou je ne sais pas quoi, il remplit comme si c‘était le mien et ensuite il certifie.

Benjamin Sonntag : Ça rejoint ce que l’on dit tout le temps sur les enjeux du numérique : dans le numérique il se passe la même chose que dans la vraie vie, il y a des gens qui peuvent se faire passer pour toi à divers endroits. Au bout d’un moment, c’est le droit qui entre en branle ou les hébergeurs à qui ont dit « vous êtes gentils, vous hébergez un truc qui est manifestement une usurpation d’identité, c’est manifestement illégal, si vous êtes au courant faites quelque chose ! ». Après il y a des enjeux qui sont plus ou moins forts.

Cécile Duflot : C’est pour ça que la clef ce sont les humains, ça ne marche que s’il y a des humains derrière, c’est-à-dire qu’on a un mail et qu’on peut écrire à Piaille en disant « il y a là quelqu’un qui vient de faire un compte, mais ce n’est pas moi. »

Benjamin Sonntag : Ou ailleurs.

Frédéric Couchet : On va justement parler de la modération après, mais j’ai une petite question. Cécile, tu es une femme, militante, ex-responsable politique, tu coches donc beaucoup de cases pour subir de la haine et du harcèlement. Tu viens d’arriver sur Mastodon, il y a une dizaine, une quinzaine de jours : comment se passent ces premiers pas ? Comment est l’accueil ?

Cécile Duflot : C’est marrant parce qu’au début les gens doutaient, ils ne croyaient pas que c’était vrai. En gros, plein de gens me posaient des questions. Ensuite c’était, on va dire, globalement plutôt amical, mais quand même un peu donneur de leçons « tu ne devrais pas faire comme ci ou comme ça. Tu sais quoi, ce n’est pas l’esprit de mettre la coche bleue », en fait je le fais parce que je sais que les gens qui vont arriver vont se demander quel est le vrai compte de Cécile Duflot et c’est ça le code pour des gens qui sont complètement néophytes. Je m’en fous complètement, j’ai eu ce truc bleu sans jamais l’avoir demandé parce que ça fait très longtemps que j’étais sur Twitter.

Il y a globalement des gens sympas. J’ai senti quand même un peu, mais là je crois que c’est dépassé, le côté genre « ah, on était entre nous, s’il y a Duflot qui arrive ça va être tout de suite le bordel ; ce n’est pas qu’on ne t’aime pas, mais c’est le signe que ce n‘est plus chez nous ». Il y avait un peu de ça, mais c’était plutôt globalement sympathique.

Par ailleurs j’aime bien les pionniers, je suis une écologiste depuis 20 ans et je trouve super chouette qu’il y ait des purs écologistes, qui étaient déjà écologistes il y a 20 ans, mais ça ne suffit pas pour faire changer les choses. Donc quand on fait un truc bien, c’est mieux si tout le monde s’en empare et je considère que ça fait partie de ma mission de parler justement un peu les deux langues, de pouvoir dire, parce que c’était quand même compliqué au début, « expliquez les choses simplement, faites en sorte que ce soit accessible ». Je vois encore plein de gens sur Twitter qui résistent, qui n’ont pas envie. Il y a aussi des gens qui m’ont dit : « Maintenant que tu es là, il faut que tu te barres de Twitter ». En fait non, parce qu’il y a plein de gens qui regardent Twitter genre une fois toutes les trois semaines, ils ne sont pas forcément encore au courant, il faut gérer les deux choses.

Du coup j’ai trouvé un gros plaisir : j’écris des choses sur Mastodon que je n’écrirais plus sur Twitter, parce que le climat n’est pas du tout le même.

Frédéric Couchet : Est-ce que tu as un exemple ?

Cécile Duflot : J’ai écrit des trucs politiques que je n’écris plus sur Twitter parce que c’est trop public et que ça deviendrait un article, parce qu’il y a des pigistes qui font une sorte de veille : je fais un pauvre tweet et ça fait une brève sur Gala, c’est chiant ! Du coup je me sens plus libre et il y a la possibilité d’avoir un peu de dialogue et c’est intéressant, ça m’a beaucoup manqué sur Twitter.

Je veux juste dire, parce qu’on n’en a pas parlé tout à l’heure, qu’il y a une fonctionnalité qui n’existe pas sur Mastodon, qu’on appelle le RT, re-tweeter en citant le tweet. Je veux dire aux gens qui ont décidé ça en disant « on ne le fait pas pour éviter le harcèlement », que ce n’est pas du tout vrai. Je ne me suis jamais fait harceler par des RT, je me suis fait harceler juste par des réponses à des messages et le seul truc qui est capable de les bloquer c’est justement le fait de fermer les réponses, parce que ce sont les réponses qui harcèlent et c’est tout à fait ouvert sur Mastodon. Je pense que là, pour le coup, il y a une erreur d’appréciation de ce que ça signifie.

Benjamin Sonntag : Je pense que c’est un enjeu qu’il faut qu’on gère. Il y a la modération, mais il y a surtout le fait que Eugen Rochko, qui a développé Mastodon à l’époque, était un peu tout seul ; aujourd’hui il est à la tête d’une instance qui a un million d’utilisateurs, je ne sais pas combien ils sont, 100 000, 200 000. Il y a de vraies responsabilités qui arrivent et il est encore un peu tout seul, je crois qu’ils sont deux ou trois à gérer ça de manière un peu collégiale. Pour moi ça pose de vrais problèmes. C’est là où le logiciel libre peut peut-être nous aider, parce qu’on peut faire des forks ou des versions différentes de Mastodon. Il y a déjà des logiciels différents de Mastodon, qui ont des noms différents, qui mettent en œuvre le même protocole qui s’appelle ActivityPub, ce qu’on appelle la filière, tous les protocoles techniques qui sont en dessous mais qui ne sont pas Mastodon. C’est cool parce que ça permet qu’il y ait à nouveau une diversité, y compris dans la façon dont on utilise le logiciel, dans la façon dont on échange les messages, etc. Mais ça met à la tête d’une vraie responsabilité.

Aujourd’hui Eugen Rochko a une vraie responsabilité, notamment sur le respect du RGPD [Règlement général sur la protection des données] sur la protection des données personnelles, parce qu’il y a des fonctions de Mastodon qui sont un petit peu borderline, un peu à la limite, sur le fait de réfléchir à ce que signifie d’avoir des instances, pourquoi on met en œuvre telle ou telle fonction et pourquoi on ne la met en œuvre. Par exemple ils ont fait le choix, historiquement, de ne pas avoir de moteur de recherche complet, donc il n’y a pas de système avec lequel on puisse chercher tous les messages sur Mastodon et c’est fait exprès par Eugen Rochko qui a dit « on ne veut pas de ça parce que ça aide énormément le harcèlement ». C’est peut-être un peu vrai, mais il a ça sorti de sa tête, il est tout seul à avoir réfléchi à ce truc-là. Même s’il y a plein de gens qui y ont réfléchi, c’est une toute petite nébuleuse de geeks et de gens autour de ces geeks qui ont dit que ça serait peut-être une bonne idée. Ça part d’un bon sentiment, et je trouve ça super, prendre soin des communautés, des usagers, des utilisateurs et utilisatrices du service, mais je pense qu’il faut rouvrir le dossier régulièrement pour se reposer la question : quelles sont les fonctions qu’on veut garder et celles qu’on ne veut pas garder ? Il y a de vraies questions là-dessus.

Frédéric Couchet : Je voudrais juste préciser, parce qu’on a eu des remarques demandant d’évoquer d’autres logiciels que Mastodon. En 2023, on fera d’autres sujets sur le Fédivers, les logiciels. Là c’est vraiment une première émission centrée sur Mastodon. Il faut rappeler que nous sommes une émission de radio bande FM, donc il y a des gens qui découvrent totalement ça, donc on parle avant tout à ces gens-là. Promis, en 2023 on parlera du Fédivers, de tous les logiciels du Fédivers. Vas-y Cécile.

Cécile Duflot : J’allais dire en souriant qu’il faudrait peut-être parler avec des gens qui ont fait l’expérimentation du harcèlement, de ce qui harcèle ou de ce qui ne harcèle pas. Par exemple cette idée de limiter les RT avec commentaire, en fait c’est hyper-dommage parce qu’il y a plein de moments où tu as envie, en tout cas je l’ai beaucoup utilisé, de reprendre le message de quelqu’un en disant « et en plus il y a ça et ça », pour ajouter, pour faire écho.

Frédéric Couchet : Pour soutenir.

Benjamin Sonntag : En mettant tes propres mots.

Cécile Duflot : En mettant tes propres mots, c’est mieux que de le renvoyer comme ça et c’est hyper-frustrant de ne pas pouvoir le faire. Je trouve que c’est vraiment très dommage et ça n’enlèvera absolument pas la possibilité de harcèlement.
Après, c’est vrai que le moût général ressemble quand même un peu à Twitter du début. Il faut dire qu’en 2010 Twitter n’était pas du tout un lieu de harcèlement, pas du tout, alors que déjà j’étais une personnalité publique assez connue. L’ambiance était vraiment hyper-sympa et j’ai pourtant bloqué le premier compte sur Mastodon avant-hier !

Benjamin Sonntag : Ah !

Frédéric Couchet : Le temps passe vite et je sais qu’en plus vous avez un rendez-vous après. Je voulais qu’on aborde quand même un petit peu la modération et qu’ensuite on aborde, de façon très simple, les conseils pratiques pour les gens qui s’y mettent.

Sur la modération – j’allais t’appeler vincib, c’est son pseudo —, Benjamin, tu cogères l’instance mamot.fr de La Quadrature du Net qui n’accepte plus de comptes aujourd’hui. Tu as créé récemment avec un collègue, Thibaut, piaille.fr qui est une nouvelle instance qui a, je crois, j’ai regardé hier, 12 ou 13 000 comptes. Une partie du travail, au-delà de l’aspect technique, c’est la gestion de la modération. Comment se passe la gestion de la modération sur une instance Mastodon ?

Benjamin Sonntag : On est à priori comme beaucoup d’instances, on est parti sur ce qu’on appelle de la modération à posteriori : on ne va modérer les messages pour les diffuser si on veut. Les messages sont diffusés et les gens peuvent nous les signaler. N’importe qui, usager local ou usager d’un autre serveur, peut nous dire : ce message de ton utilisateur ou ce message d’un utilisateur d’un autre serveur – dans ce cas-là c’est un usager de chez nous qui nous le dit – pose problème. On a défini un certain nombre de règles : quand vous vous inscrivez sur le site, il vous donne les règles en disant : attention, les messages faisant l’apologie de la haine, du racisme, de l’antisémitisme, de l’homophobie, etc., sont interdits. La pédopornographie est interdite parce que c’est la loi en France et que, même si c’est dessiné, c’est la loi en France et on agira immédiatement. Il y a plusieurs règles, notamment on ne continue pas de répondre à quelqu’un qui vous a demandé d’arrêter de lui répondre et c’est une règle à laquelle on va s’attacher parce que ça rentre dans le harcèlement. Le harcèlement est explicitement cité comme étant interdit, etc.

Sauf que nous, derrière, il faut que nous prenions des décisions. Quand on nous remonte un message disant « règle numéro 11, il a harcelé un autre usager », il faut qu’on aille voir, il faut qu’on décide et, l’air de rien, c’est une responsabilité. Pour la décision, on a une granularité très fine, il y a beaucoup de choses possibles :

  • on peut choisir d’écrire à l’usager incriminé en disant « bonjour, ce serait bien que vous enleviez ce message parce qu’il ne respecte pas la règle ;
  • on peut ne rien faire en disant que ça respecte quand même la règle à nos yeux ;
  • on peut dire à l’usager « tes cinq derniers messages ne sont que des bordées d’insultes envers des inconnus, tu sautes, on ne veut pas de toi dans notre bar ; il y a des règles, tu ne les as pas respectées et ce n’est pas la première fois ! » ;
  • on peut même faire un truc intermédiaire, ce qu’on appelle le « silencié » ou le « limité » qui est, en gros, que cet usager pourra continuer à utiliser le service, mais il n’apparaîtra pas dans la place publique ni dans la place publique locale. Ça veut dire qu’on ne le verra plus trop, donc ça lui enlève cette espèce d’amplificateur que Mastodon peut autoriser.

On a vraiment plein de petites possibilités de réponse.

Frédéric Couchet : Actuellement, combien êtes-vous à faire ce travail sur Piaille ? Et ça représente combien de signalements par jour ? As-tu une idée ?

Benjamin Sonntag : Ça fait 15 jours qu’on existe, on en est au 400e signalement, 430e. Il faut voir que c’est nouveau. Sur Mamot on a eu ça mais en trois ans. Sur Piaille on en a eu beaucoup les premiers jours parce que les premiers jours tout le monde prend un peu ses marques. On a plein d’utilisateurs et utilisatrices qui arrivent, qui découvrent le truc, qui font n’importe quoi. On leur dit « ce n’est pas la règle. — Ah bon, désolé ». Et d’autres « ce n’est pas la règle. — Va te faire foutre ! — Bon, eh bien toi, tu sautes ». C’est très clair. Au bout d’un moment « oui, il y a des portes de château, mais tu es rentré par notre porte, si tu veux faire ces conneries-là, trouve-toi une autre porte ». Et ce n’est pas de la censure, c’est juste qu’il y a plein de portes. Tu es venu chez nous, tu as coché comme quoi tu n’allais pas harceler les gens, pas insulter les gens, pas avoir des propos racistes. Tu n’as pas respecté les règles, tu déménages et c’est la vie !

On en a fait 430 en deux semaines. Pour l’instant nous sommes quatre à gérer ça, trois très actifs. Ça va bien parce qu’on dit que c’est la règle de Pareto, comme on dit, du 80/20 ; 80 % des cas sont très faciles, genre quelqu’un dont on ne comprend pas pourquoi il a été signalé, on n’a même pas la raison, donc signalement ignoré. Quelqu’un avec insultes racistes, porn, c’est facile, hop !, tu sautes.
Entre deux, on a 20 % de cas qui sont un petit peu plus problématiques et je trouve ça super intéressant comme sujet parce qu’on se pose vraiment la question : quelle place publique veut-on construire ? Et là il y a deux aspects qu’il faut prendre en compte : nos usagers, nos utilisateurs et utilisatrices, et la couleur qu’on veut donner à l’instance. En fait, on peut choisir de laisser ce type de message apparaître sur la place publique, donc dans la timeline locale, ou pas, et c’est la couleur qu’on donne à l’instance. C’est important parce que ça va donner la réputation de piaille.fr : est-ce que c’est une instance surtout de geeks, de cas généralistes, où les gens sont plutôt sympas ? C’est vachement important.

On a la deuxième action qui est : est-ce qu’on veut protéger les utilisateurs et utilisatrices de personnes visiblement néfastes ? Là il y a des choix à faire qui ne sont pas évidents. Par défaut, dans le doute, sur Piaille on a plutôt tendance à dire qu’on va laisser les gens bloquer eux-mêmes. C’est très facile sur Piaille, comme sur Twitter, comme sur toutes les autres instances Mastodon, la plupart du temps, de bloquer des utilisateurs. Si quelqu’un vous embête, vous faites « bloquer », il ne voit plus vos messages, il ne peut plus vous écrire.
Le truc c’est que si que si quelqu’un embête une première personne qui le bloque, une deuxième personne qui le bloque et, qu’au bout d’un moment, on se rend compte que cette personne n’arrête pas de harceler les hommes ou les femmes de l’instance, on va dire « non, ce n’est pas possible ». C’est là où il y a des seuils, c’est très subtil, et ces 20 % sont un peu compliqués. Je trouve ça intéressant et c’est là où on se rend compte d’une chose : on est en train d’essayer de rentrer en communication avec d’autres administrateurs et administratrices d’instances pour leur demander de discuter entre nous, équipes de modération, pour parler de nos pratiques et publier des trucs sur ces pratiques. Peut-être aussi améliorer les outils de modération parce qu’ils sont un peu péraves. Mastodon est super, mais les outils de modération sont un peu roots, donc ça ne nous facilite pas la tâche. On essaye de provoquer la prise de conscience de la nécessité de gouvernance à plusieurs niveaux des instances pour faire des endroits qui soient un peu sains et sympas pour venir papoter.

Frédéric Couchet : Je précise juste qu’on a consacré un sujet sur la modération orientée Linuxfr et Framapiaf, c’était l’émission 104 de Libre à vous !, donc libreavous.org/104.

Je regarde le temps parce qu’il file très vite. Pour être sûr de traiter ce point on va le faire tout de suite. Les gens qui nous écoutent aujourd’hui se disent « OK, vous m’avez convaincu, je veux donner une chance à Mastodon ». Concrètement comment fait-on ? Les étapes ? Je précise qu’on va le faire de la façon la plus simple possible, c’est-à-dire pas avec le fait de choisir les instances, etc. Comment fait-on concrètement ? Quelle application installe-t-on sur son téléphone ? Je crois que tu es sur iOS, Cécile, de mémoire.

Cécile Duflot : Tout d’abord j’ai mis l’application Mastodon de base que j’ai trouvée. Plein de trucs me manquaient, j’ai posé la question et on m’a donné des conseils. Du coup j’ai adopté l’appli qui s’appelle Metatext et j’ai fait un message, parce qu’il y avait le nom du mec qui l’a créée, pour le remercier. À part qu’on ne peut pas enregistrer les brouillons, c’est le truc qui me manque, je suis franchement comme un poisson dans l’eau et je ne suis pas une super douée. J’ai besoin que ce soit assez intuitif et, en vrai, ça ressemble à Twitter vraiment beaucoup. Donc c’est aussi facile, c’est aussi facile de faire des threads, c’est-à-dire des messages attachés pour raconter une histoire.

On m’a dit que sur Android celles qui sont les plus faciles sont Fedilab ou Tusky, pour les gens qui viennent de Twitter et qui ont envie de retrouver leurs petits.

Frédéric Couchet : Il y a toujours la version web évidemment.

Benjamin Sonntag : Si on est sur mobile sur iOS, donc sur les iPhones, on peut installer Metatext. Sur Android, Tusky ou Fedilab. Il y a aussi une appli qui s’appelle tout simplement Mastodon, qui est l’appli officielle. Franchement les trois sont à tester : jouez, ce n’est pas trop difficile, ou allez sur le site de l’instance sur laquelle vous voulez vous créer un compte. Dans tous les cas, au moment où vous allez lancer l’appli ou aller sur le site web, derrière vous allez dire « je veux créer un compte » qui va être votre identité, vous allez choisir un pseudo, par exemple moi c’est benjamin chez piaille.fr. Vous entrez votre mail, un mot de passe, on vous envoie un mail pour confirmer votre adresse mail, vous cliquez et pouf !, vous avez un compte. C’est à ce moment-là qu’il faut choisir l’instance.

Frédéric Couchet : Justement, simplifions les choses pour les gens qui nous écoutent, quelle est l’instance qu’on leur conseille ?

Benjamin Sonntag : Je vais voter pour ma chapelle, je vous conseille d’aller sur piaille.fr, pour des raisons toutes simples :

  • c’est une instance majoritairement francophone, dont la maintenance est assurée par des Français dont c’est le métier, des gens du monde de l’infogérance des serveurs ;
  • c’est une instance qui est partie pour être sur le temps long, parce que c’est important de se demander si ces gens-là ont l’intention de garder ce truc-là pendant des années, à priori c’est notre intention ;
  • qui a une modération qui est relativement transparente pour l’instant, on essaie de s’améliorer là-dessus, où les règles sont connues – pas de racisme, pas de harcèlement, les trucs classiques – qui vont, certes, au-delà de ce que le droit français prévoit, mais c’est comme dans tous les bars : si vous faites n’importe quoi, au bout d’un moment le tenancier vous fout dehors et, en général, personne ne dit rien dans le bar, les gens sont plutôt contents.

Donc je vous recommande d’aller sur piaille.fr. Vous pouvez cliquer sur créer un compte. Si vous êtes sur l’appli mobile vous tapez « piaille.fr » et il vous dit « créer un compte », vous mettez votre login/mot de passe, pareil, et vous allez obtenir un compte sur cette instance que je vous recommande.

Si vous êtes un peu plus geek, vous fouillez, vous cherchez sur Internet, avec votre moteur de recherche favori, d’autres instances. Il y a éventuellement joinmastodon.org où vous pouvez trouver des listes d’instances plus thématiques, certaines communautés, dans certaines langues etc., que vous pouvez aussi aller voir.

Frédéric Couchet : OK. Je précise qu’on a mis tous ces liens sur le site de l’émission sur libreavous.org. On encourage les gens qui voudraient découvrir à aller sur piaille.fr parce qu’on a totalement confiance en l’équipe d’admins, la meilleure preuve c’est que tu es là, dans l’émission.

Benjamin Sonntag : C’est gentil !

Frédéric Couchet : Je sais que vous avez un rendez-vous après. On va passer directement à la dernière question, la question perspective prendrait un peu plus de temps. En deux minutes chacun et chacune, quels sont les éléments essentiels sur le sujet que vous voudriez faire passer aux personnes qui nous écoutent ? Qui veut commencer ? Benjamin.

Benjamin Sonntag : C’est comme dans le vrai monde. N’ayez pas peur et si ça ne va pas, n’ayez pas peur de demander de l’aide, venez discuter avec nous, c’est super. J’ai découvert récemment sur Mastodon des super artisans, des gens qui écrivent des bouquins, des gens qui font des jeux de rôles. J’adore, y compris les gens qui développent des logiciels que j’aime beaucoup, j’aime découvrir de nouveaux logiciels, c’est mon truc, ils sont super, venez, il y a plein de gens super. N’hésitez pas à appeler à l’aide s’il y a des trucs pas cool qui vous arrivent, parce que c’est vraiment une communauté qui a envie qu’on puisse rediscuter comme aux débuts de Twitter. Viendez quoi ! C’est cool.

Frédéric Couchet : OK. Cécile.

Cécile Duflot : Je trouve que ce réseau est une fenêtre sur le monde. J’espère qu’il va se développer. En fait, j’aimerais bien qu’il prenne la place de Twitter parce que, si j’ai bien compris, Elon Musk veut transformer Twitter en banque, on aura un compte, on pourra acheter des trucs, vendre des trucs, c’est autre chose et c’est moins sympa. J’ai aussi un compte sur Instagram, une publication sur deux est une pub et d’ailleurs, quand ce sont des publications par des gens, on ne sait pas s’ils sont payés ou pas. Pour le coup, l’avantage c’est que c’est effectivement comme la vie, c’est plutôt libre, ouvert. Il y a des gens qui font des messages pour identifier des objets bizarres, il y a des super scientifiques, super solides sur des choses ; Mathilde Larrère fait des fils pour raconter un événement historique.

Moi j’aime, ça satisfait ma curiosité. Ça satisfait aussi ma possibilité de communiquer directement avec les gens, d’échanger et puis de recevoir des infos et de découvrir des choses que je n’aurais pas eu l’idée de chercher. Ça me met sous les yeux des choses auxquelles je n’aurais pas pensé. Quand on est curieux, c’est chouette.

Frédéric Couchet : Merci.
Je vais en profiter, juste parce que ça a été signalé tout à l’heure sur le salon web, pour dire qu’il y a une grosse réactivité des personnes sur Mastodon qui étaient déjà présentes, pour produire de la documentation, beaucoup de tutoriels, etc., d’accueil.
Je voudrais également féliciter tous les admins de toutes les instances qui existaient déjà, saluer notamment en particulier Quentin Gibeaux qui gère l’instance de l’April. On a dû fermer les inscriptions tout simplement parce qu’on était un peu dépassés. Toutes ces personnes ont été super réactives pour gérer l’arrivée en masse de milliers de comptes, ce qui n’était absolument pas prévu parce qu’on n’avait pas anticipé cette chose-là. Vraiment, un grand merci à toutes ces personnes et également un grand merci à nos deux invités, parce que c’est un très grand plaisir de vous avoir avec deux profils différents. C’était vraiment super.
Je répète qu’en 2023 on consacrera plusieurs émissions à ce qu’on appelle le Fédivers, qui est encore au-dessus de Mastodon, avec plein de logiciels libres qui existent, qui communiquent entre eux. C’est prévu en 2023.

Nos invités étaient Cécile Duflot et Benjamin Sonntag ; le sujet était Mastodon. Je vous souhaite une belle fin de journée.

Benjamin Sonntag : Merci. À bientôt.

Cécile Duflot : Merci beaucoup.

[Virgule sonore]

Frédéric Couchet : Nous sommes de retour le 3 octobre 2023. Cette émission a été diffusée il y a à peu près un an. Cécile Duflot était active sur Mastodon depuis simplement quelques jours. Cécile est toujours sur Mastodon, elle utilise toujours Metatext. Dans le cadre de l’interview, à un moment Benjamin Sonntag a parlé pialle.fr qui avait été créé quelques jours avant l’émission et qui, peut-être un jour, se constituerait en association, eh bien c’est le cas depuis quelques semaines, pialle.fr est devenu une association.

Si vous avez été attentifs et attentives à l’émission vous vous êtes dit « j’ai déjà entendu la pause musicale ». Effectivement, Un fantôme dans la maison, d’Odysseus, a été diffusée en double, c’est une erreur de programmation de ma part. Vous avez pu profiter de cette chanson à deux reprises !

Depuis l’émission de novembre 2022, l’intérêt pour Mastodon n’a cessé d’augmenter. Il y a d’ailleurs une nouvelle version de Mastodon, la version 4.2 vient d’être publiée fin septembre 2023 avec de nombreuses nouvelles fonctionnalités, notamment le mécanisme de recherche et, je crois, de confidentialité, vie privée, et bien d’autres. Le lien vers un texte en français et en anglais qui donne les détails est disponible sur la page consacrée à l’émission du jour, sur libreavous.org#185.

Nous allons passer une pause musicale.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Après la pause musicale, nous entendrons la chronique de Marie-Odile Morandi sur le thème « Les intelligences artificielles parmi nous. S’en méfier ? Les apprivoiser ? Apprendre à s’en servir ? »
En attendant, nous allons écouter Outrain par Lumpini. On se retrouve dans trois minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Outrain par Lumpini.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Outrain par Lumpini, disponible sous licence libre Creative Commons, Partage dans les mêmes conditions.

[Jingle]

Frédéric Couchet : Nous allons passer au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi, animatrice du groupe Transcriptions et administratrice de l’April, sur le thème « Les IA parmi nous. S’en méfier ? Les apprivoiser ? Apprendre à s’en servir ? » Chronique écrite par Marie-Odile et lue par Laure-Élise Déniel

FrédéricCouchet : Les choix, voire les coups de cœur de Marie-Odile Morandi qui met en valeur deux ou trois transcriptions dont elle conseille la lecture, c’est la chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture », de Marie-Odile Morandi, animatrice de notre groupe Transcriptions. C’est une chronique écrite par Marie-Odile et mise en voix par Laure-Élise Déniel, bénévole à l’April, qui est aussi la voix des jingles.
Le thème du jour : Les intelligences artificielles parmi nous. S’en méfier ? Les apprivoiser ? Apprendre à s’en servir ?

[Virgule sonore]

Marie-Odile Morandi, voix de Laure-Élise Déniel : Durant cet été, je suis restée chez moi, laissant volontiers ma place sur les lieux de vacances aux personnes qui travaillent toute l’année, qui ont des enfants. Qu’ai-je donc fait durant cette période estivale ? Des transcriptions, et l’une d’elles fut un véritable coup de cœur, qui m’a mis le sourire aux lèvres pendant que je transcrivais ou relisais.

Au mois de juin 2023, s’est tenue à Paris une manifestation intitulée « La conférence IA & éducation ». Il s’agissait d’un ensemble de rencontres, de débats, de tables rondes et de présentations.
Je souhaite signaler aujourd’hui la transcription de la conférence donnée pour l’occasion par Luc Julia.
Luc Julia est ingénieur informaticien, cocréateur de l’assistant vocal Siri, actuellement directeur scientifique chez Renault. C’est un spécialiste de l’intelligence artificielle. Pourtant, dès le titre, « L’intelligence artificielle n’existe pas », et dès le début de son intervention, le ton est donné. Il affirme que l’intelligence artificielle, au singulier, n’existe pas, en tout cas celle qu’il nomme l’intelligence artificielle d’Hollywood, celle qu’on présente dans les médias comme quelque chose de magique, qui fait peur ou qui fait rêver. Pour lui il existe DES intelligences artificielles, multiples et variées, chacune d’elle étant très spécialisée, donc très forte dans le domaine particulier pour lequel elle a été fabriquée et où elle est utile.

Lancelot Pecquet, professeur à l’université de Poitiers, avait donné une conférence au Paris Open Source Summit, en 2019, intitulée « Une intelligence artificielle open source est-elle libre et pourquoi il faut s’en soucier ? » qui a été transcrite. Il livre une définition : une intelligence artificielle est une machine qui calcule de manière symbolique et/ou numérique en utilisant des méthodes statistiques et qui interagit avec son environnement d’une manière qui a l’air d’être intelligente.
Il nous explique la différence entre un programme traditionnel, qui fait l’objet d’une implémentation algorithmique, et un programme qui utilise des méthodes statistiques.
Dans le premier cas, c’est un programmeur qui agit et comprend ce que le programme est censé faire ; c’est représenté par un code source et, si celui-ci est bien commenté, il est intelligible et reproductible !
Dans l’autre cas, c’est fait par un générateur automatique à partir d’un échantillon de données censé véhiculer un certain nombre d’informations pertinentes ; c’est représenté par un modèle complexe, numérique en général, dont il n’est pas évident de tirer quelque chose.

Les divers types d’intelligences artificielles sont définis par Luc Julia en donnant des exemples.
Les systèmes experts agissent à partir de règles. On rentre les règles du jeu, par exemple celles du jeu d’échecs dont on connaît exactement le nombre possible de coups. Sa puissance de calcul étant suffisante, la machine est capable de se rendre de n’importe quelle position à une position gagnante, donc une machine très forte, mais uniquement dans ce domaine.

Dans le machine learning, la machine va apprendre à partir de données. Cet apprentissage automatique se développe en force à partir de 1990 suite à l’avènement d’Internet qui arrive avec beaucoup de données et, pour faire des statistiques, il faut beaucoup de données.

Pour traiter le deep learnig, apprentissage en profondeur, Luc Julia utilise l’exemple du jeu de go dans lequel le nombre de coups est énorme, estimé jusqu’à 10600. La machine est capable de jouer à ce jeu, mais uniquement à ce jeu, en utilisant donc des méthodes statistiques. Cette machine est l’équivalent de 2000 ordinateurs. La comparaison avec l’être humain doté de son cerveau qui joue en face d’elle est significative : l’être humain sait faire la cuisine, sait parler le langage naturel, sait faire énormément de choses en consommant très peu d’énergie ! Encore une fois, cette machine est très forte, mais uniquement dans son domaine.

Le cas de ChatGPT est traité. Cet agent conversationnel est capable d’écrire des textes à partir des 175 milliards de morceaux de données stockées ; on estime entre 1000 et 2000 milliards le nombre de mots ingurgités par la machine. Cette intelligence artificielle générative ne crée rien. Elle répond à une consigne, un prompt, en allant chercher quelque part, dans cette masse de données, ce qui a été écrit un jour, qui existe déjà. Elle génère une réponse, il n’y a aucune créativité de sa part !
Vu leur énorme quantité, ces données sont souvent biaisées, certaines fausses, si bien que ChatGPT peut effectivement énoncer de grosses bêtises et parfois, ne trouvant pas de réponse, la machine invente quelque chose qui pourrait à peu près correspondre, ajoutant même des références n’ayant jamais existé ! Des hallucinations !
Comment remédier ?
Il est délicat d’envisager de supprimer des données. Cela signifierait faire des choix et pose un problème éthique. Ne risque-t-on pas d’entrer dans la machine des biais entraînant une amplification des inégalités, des discriminations vis-à-vis des femmes ou de certaines populations ?

Ces systèmes ont donc besoin de beaucoup de données et n’ont strictement rien à voir avec notre cerveau, avec notre intelligence. Certes, en 1956, des scientifiques américains avaient défini une fonction et avaient affirmé « cela a la capacité d’un neurone », donc on est capable, en mathématiques, de modéliser un neurone. Pour autant, peut-on dire qu’on peut modéliser l’intelligence ?

Les systèmes de vision par ordinateur sont représentés par des réseaux de neurones qui ont été entraînés pour réaliser leur tâche. De gros progrès ont été réalisés : on reconnaît automatiquement des visages, des véhicules, des chats. Je vous laisse lire les explications données par Luc Julia concernant les premiers « reconnaisseurs » de chats qui avaient besoin, dans les années 90/2000, de 100 000 morceaux de données pour ce faire ; cette lecture en fera sourire plus d’un, en particulier la comparaison faite avec les capacités d’un enfant à reconnaître des chats.
Je vous laisse lire l’anecdote concernant la voiture autonome dans les rues de Mountain View, versus les capacités à raisonner d’un être humain ; cette lecture aussi fera sourire.

Lancelot Pecquet rappelle ce qu’est un logiciel libre et résume les quatre libertés données à l’utilisateur : exécuter, étudier et modifier, partager des copies, éventuellement partager des copies modifiées. Pour lui, le code source est plus petit qu’un réseau de neurones, et, quand il est bien commenté, il est intelligible et reproductible. Il serait nécessaire que les IA produisent quelque chose d’intelligible par les humains, que le code source soit présenté de la meilleure manière pour permettre des modifications. Se pose aussi la question de la reproductibilité afin qu’il soit possible de tester et de modifier le calcul, etc.

Un code intelligible, écrit par un humain, permet en principe d’expliquer le comportement d’une machine. Si la machine apprend toute seule, que son comportement résulte d’un apprentissage automatique, comprend-on véritablement pourquoi elle arrive à tel résultat ? Même quand le code source est disponible, que les jeux de données sont disponibles, on n’est pas forcément en mesure de l’interpréter en termes humains.
Pour que les intelligences artificielles nous libèrent, il serait nécessaire qu’on comprenne ce qui se passe, qu’elles nous présentent les choses de manière intelligible et qu’on puisse faire de la reproductibilité dans des conditions satisfaisantes. On est libre, rappelle Lancelot Pecquet, quand on comprend ce qui se passe et qu’on peut utiliser cette connaissance pour en faire quelque chose.

Luc Julia, en référence à un moratoire signé par diverses personnalités au printemps dernier, estime qu’il serait très dommage qu’on arrête de travailler sur l’intelligence artificielle parce que, dans LES intelligences artificielles, il y en a plein qui sont particulièrement utiles. Il faut continuer, il faut s’éduquer, comprendre, expliquer, enseigner l’outil pour l’utiliser à bon escient. Pour lui c’est de « intelligence augmentée », IA : ces outils augmentent notre intelligence. Dans n’importe quel domaine particulier que l’on imagine, on peut, si on le désire, avoir un outil excessivement puissant et meilleur que nous. Mais il insiste sur le fait que c’est nous qui avons le pouvoir de création et que nous le gardons.

Pour lui, ce qu’on appelle une IA générale, capable de tout couvrir dans n’importe quel domaine, ne sera pas possible. Très peu de métiers vont être complètement remplacés. Il faut parler en termes de tâches. Dans les métiers, il y a plein de tâches. Les tâches les plus répétitives, les moins intéressantes, vont effectivement être remplacées par ces outils qui sont très puissants. Les tâches les plus difficiles à remplacer sont les tâches fondamentalement humaines, qui seront encore plus valorisées, voire glorifiées.
Les tâches glorifiées sont la substance de l’humanité. Pour lui nous allons tous, petit à petit, être encore plus valorisés dans nos métiers parce que ce que nous pouvons faire c’est ce que ne peuvent pas faire les machines.

Pour terminer, je souhaite signaler la transcription de l’émission CyberPouvoirs, sur France Inter, du 23 juillet, menée par Asma Mhalla, intitulée « Le phénomène ChatGPT et l’intelligence artificielle : l’Homme en évolution ou en révolution ? ». Asma Mhalla recevait dans cette émission Emmanuel Grimaud, anthropologue.
Pour lui, une vision très positive c’est de voir dans cette technologie un outil d’émancipation, ce qu’elle est effectivement si on se place du point de vue de ses capacités : l’intelligence artificielle permet de traiter des masses de données incroyables et sa mémoire est extraordinaire, c’est formidable ! Emmanuel Grimaud pense que nous vivons un grand moment d’expérimentation collective. Mais, alors qu’initialement l’innovation était au service du progrès, ne perd-on pas le sens de la finalité de ces développements technologiques, ne sommes-nous pas rendus à faire de l’innovation pour l’innovation ? Est-ce que l’être humain s’y retrouve dans tout cela ? Et dans quelle mesure est-ce que cela peut devenir une forme d’aliénation, ou créer de l’aliénation ? Que devient, à l’avenir, notre singularité d’Humains, avec un grand « H », face à la machine. À travers l’IA, c’est nous-mêmes, nos choix, notre société qu’on interroge. De nombreuses questions qui, de philosophiques, deviennent politiques ; il en va de nos libertés informatiques, de notre liberté tout court.
Depuis quelques mois, le sujet de l’intelligence artificielle est récurrent. Il faut calmer les paniques engendrées par les discours affirmant que l’intelligence artificielle détruirait l’homme ou, au contraire, qu’elle serait notre avenir ; la vérité se situera probablement entre les deux, affirme Asma Mhalla.

Les références sont, bien entendu, sur la page se rapportant à l’émission d’aujourd’hui sur le site libreavous.org. Diverses autres transcriptions ont été réalisées et publiées sur le thème de l’intelligence artificielle et d’autres suivront certainement. En utilisant le moteur de recherche disponible sur le site librealire.org, vous pouvez les retrouver, les lire, voire les relire, n’hésitez pas !

[Virgule sonore]

FrédéricCouchet : C’était la chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi, animatrice de notre groupe Transcriptions, et mise en voix par Laure-Élise Déniel, bénévole à l’April. Vous retrouverez toutes les références des transcriptions sur libreavous.org#185.

Nous allons terminer par quelques annonces.

[Virgule musicale]

Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre

FrédéricCouchet : Dans l’actualité, le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, actuellement examiné à l’Assemblée nationale, fait parler de lui. Je vais demander à mon collègue Étienne Gonnu qui, outre ses talents de réalisateur d’émission de radio, est surtout, à titre professionnel, chargé de mission affaires publiques à l’April, de nous faire un petit point en deux minutes/trois minutes maximum sur ce projet de loi.

Étienne.

Étienne Gonnu : Bien sûr, avec plaisir.
Effectivement un projet de loi qui vise, comme tu l’as dit, à sécuriser et réguler l’espace numérique, un bel acronyme, SREN. Il est actuellement examiné à l’Assemblée nationale. Avant l’été, il avait été examiné au Sénat dans le cadre de la navette parlementaire.
Il est emblématique de la France qui adore légiférer sur tout ce qui concerne les usages de l’informatique, sur les technologies numériques, tout en rappelant à qui veut l’entendre, d’ailleurs on l’a encore entendu pendant les débats, qu’Internet serait un Far West et que ce qui n’est pas autorisé dans la rue ne doit l’être en ligne. Or, généralement, ce n’est pas le cas !
Rappelons aussi le contexte dans lequel intervient ce projet de loi : un nouveau règlement européen est entré en vigueur en octobre 2022, il y a à peine un an, d’ailleurs, nous avons reçu la semaine dernière, le 26 septembre, Suzanne Vergnolle, docteure en droit qui a récemment écrit un rapport « Comment renforcer la coopération avec la société civile dans la mise en œuvre de ce règlement », le Digital Services Act, le DSA, un règlement européen sur les services numériques.

Le projet de loi a été discuté la semaine dernière en commission spéciale. À partir de demain [4 octobre 2023], il sera examiné en séance publique, c’est le cheminement habituel des projets de loi et des propositions de loi dans les chambres : d’abord examinés en commission puis par l’ensemble des représentants et représentantes en séance publique.
On avait pu suivre quelques amendements qui concernaient en particulier les libertés informatiques.
Le premier et celui qui, peut-être, a fait le plus de bruit concernait les navigateurs web. La fondation Mozilla avait lancé une alerte, une pétition avant que le projet de loi soit examiné en commission à l’Assemblée nationale, parce que le texte, tel qu’il était sorti du Sénat, pouvait amener à mettre à la charge des navigateurs, en fait créer une responsabilité pour les fournisseurs de navigateurs web, la responsabilité de bloquer les sites web considérés comme des arnaques en ligne. Cela pose d’évidentes et d’importantes questions, déjà en termes de libertés informatiques, d’accès à l’information et, pour les navigateurs, ce serait extrêmement compliqué à mettre en œuvre. Ça a donc fait l’objet de différents amendements, notamment un amendement de suppression de cette obligation porté par Philippe Latombe. Cet amendement a été rejeté. Un autre amendement d’un député de la majorité, Éric Bothorel, a été adopté. L’objet de cet amendement était de clarifier qu’il ne doit pas s’agir d’un blocage, mais simplement d’un filtrage avec une information aux utilisatrices et aux utilisateurs qui peuvent, ou non, suivre la recommandation du bandeau.

J’en profite pour préciser, pour donner la ligne de ce que propose de réguler un peu ce projet de loi. En fait, comme souvent les projets de loi, il part un peu dans tous les sens, mais les principaux points abordés c’est la lutte contre le harcèlement en ligne, la lutte contre les arnaques en ligne ; c’était un peu l’objet de cet amendement-là. Il est également question de l’accès avec des systèmes de vérification d’âge. On parle de la lutte contre la pornographie en ligne, il est notamment question d’imposer des systèmes de vérification d’âge pour l’accès aux sites. Il y avait justement un amendement intéressant du groupe Europe Écologie Les Verts, visant à rendre, à imposer la transparence sur les codes sources, en fait sur les spécificités techniques de ces systèmes de vérification d’âge, c’est un amendement qu’on a pleinement soutenu, qui a été redéposé pour la séance publique. La rapporteure Louise Morel, une députée de la majorité, a donné un avis défavorable à cet amendement – les rapporteurs sur les textes donnent un avis favorable ou défavorable avant que les amendements soient votés. Suite à la présentation de cet amendement, elle a dit que cet amendement était possible et souhaitable, mais, je cite : « Nous ne souhaitons pas le mettre de manière obligatoire dans le texte ». Il est donc souhaitable, « mais nous ne souhaitons pas le mettre de manière obligatoire dans le texte ». On interprétera cela comme on voudra, en tout cas il sera à nouveau débattu, et c’est intéressant, en séance publique.

Enfin, on peut peut-être citer plusieurs amendements déposés par le groupe LFI et le groupe Europe Écologie les Verts qui ont repris une proposition historique de La Quadrature du Net visant à imposer l’interopérabilité entre les plateformes en ligne, ce qui fait d’ailleurs suite au sujet qu’on vient d’entendre. Si on est sur un site, par exemple si on est sur Twitter, si on souhaite quitter cette plateforme, non seulement on peut récupérer les données nous concernant – ce que prévoit déjà, en réalité, le droit et ce sur quoi porte un petit peu ce projet de loi –, mais cette proposition permet d’aller plus loin, c’est-à-dire qu’on doit pouvoir reprendre ses données et pouvoir les utiliser sur d’autres services, d’autres services de microblogging par exemple. Donc prendre les contacts qu’on a sur Twitter, nos messages sur Twitter, et être en mesure de les utiliser sur un autre service comme Mastodon.

Voilà par exemple ce qui pourra être discuté à partir de demain sur ce projet de loi sécuriser et réguler l’espace numérique.

Frédéric Couchet : Merci Étienne. Comme tu le dis, les travaux reprendront en séance publique à partir de mercredi 4 octobre 2023.

Dans les autres annonces – là ce n’était pas une annonce, c’était un petit point d’actu –, Cause Commune vous propose un rendez-vous convivial chaque premier vendredi du mois à partir de 19 heures, dans ses locaux à Paris au 22 rue Bernard Dimey, dans le 18e arrondissement. C’est une soirée radio ouverte, donc réunion d’équipe ouverte au public avec apéro participatif à la clé. Occasion de découvrir le studio et de rencontrer les personnes qui animent les émissions. La prochaine soirée-rencontre aura lieu vendredi 6 octobre 2023 à partir de 19 heures et je serai présent à cet apéro. Je rappelle l’adresse : 22 rue Bernard Dimey, dans le 18e arrondissement de Paris.

Dans les annonces également ce qui concerne le site web de Libre à vous !. Jusqu’à présent, le site libreavous.org proposait un moteur de recherche, mais exclusivement sur le contenu de la description des émissions. Cependant, nos émissions sont transcrites et publiées sur un autre site, le site librealire.org, dont il a été question tout à l’heure par Marie-Odile, dédié aux transcriptions de documents audio et vidéos autour des libertés informatiques.
Désormais, le moteur de recherche de Libre à vous ! permet de faire une recherche avancée qui inclut le contenu des transcriptions des émissions. Vous pourrez ainsi rechercher à la fois sur la description des émissions – les titres, le nom des personnes invitées –, mais également sur le contenu des émissions et les transcriptions. Pour cela il suffit d’aller sur le site libreavous.org, cliquer sur le bouton de recherche et cliquer ensuite sur « Recherche avancée », et il y a des options pour la recherche avancée.
Techniquement, c’est basé sur un logiciel libre. J’en profite pour remercier Vincent Calame, bénévole à l’April, qui développe le moteur de recherche libre et également Antoine Bardelli pour la proposition graphique d’adaptation du client.

Notre émission se termine.

Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission du jour : Jean-Christophe Becquet, Cécile Duflot, Benjamin Sonntag, Marie-Odile Morandi, Laure-Élise Déniel.

Aux manettes de la régie aujourd’hui, Étienne Gonnu.

J’en profite également pour remercier les personnes qui travaillent et qui s’occupent de la post-production des podcasts, elles auront un petit peu de travail aujourd’hui pour remettre les bons jingles et enlever les petits ratés : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang1, Julien Osman, Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio.
Merci également à Quentin Gibeaux, bénévole à l’April, qui découpe le podcast complet en podcasts individuels par sujet.

Vous retrouverez sur notre site web, libereavous.org, toutes les références utiles ainsi que sur le site de la radio, causecommune.fm. N’hésitez à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu, mais aussi des points d’amélioration. Vous pouvez également nous poser toute question et nous y répondrons directement ou lors d’une prochaine émission.

Toutes vos remarques et questions sont les bienvenues à l’adresse contact chez libreavous.org.

Si vous préférez nous parler, vous pouvez nous laisser un message sur le répondeur de la radio pour réagir à l’un des sujets de l’émission, pour partager un témoignage, vos idées, vos suggestions, vos encouragements ou pour nous poser une question. Le numéro du répondeur : 09 72 51 55 46.
Vous pouvez également, je le répète, venir nous rencontrer vendredi 6 octobre à partir de 19 heures au studio de la radio, au 22 rue Bernard Dimey dans le 18e ; c’est la même chose chaque premier vendredi du mois, vous le notez dans votre agenda.

Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission du jour. Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et faites connaître également la radio Cause Commune, la voix des possibles.

La prochaine émission aura lieu en direct mardi 10 octobre 2023 à 15 heures 30. Notre sujet principal portera sur le podcasting. On parle souvent de podcasts dans l’émission, on va un peu parler de cette technologie et aussi de l’industrie qui tourne autour de ça.

Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve donc en direct mardi 10 octobre et d’ici là, portez-vous bien.

Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.