Le numérique, c’est politique ! - Numérikoff Table ronde

Médias, réseaux sociaux et (dés)informations, quelles menaces sur le débat démocratique ? Quels outils pour se libérer ?

Grégory Gutierez : Messieurs, Mesdames, bonsoir et bienvenue à cette réunion dans le cadre du Numérikoff de Malakoff. Avant toute chose, je vais passer la parole à Jeanine qui va vous présenter en quoi consiste ce centre dans lequel nous nous retrouvons ce soir. Merci beaucoup d’être parmi nous.

Jeannine Deketelaere : Merci. Bonsoir à tous.
Je ne vais pas rester très longtemps, je vais prendre la parole juste pour vous dire qu’ici on est sur un lieu qui est un espace de vie sociale municipal, c’est important, où on fait du social, mais on fait aussi de l’inclusion numérique. Ça fait trois ans qu’on a ouvert en année pleine et on a une semaine, à chaque fois, qu’on appelle Numérikoff, où on essaye d’élargir le débat sur l’enjeu social, planétaire si on veut, si on y arrivait. On ouvre des espaces, comme cela, pour se faire connaître, mais aussi pour accueillir un public un peu différent de celui qu’on accueille d’habitude.
Cet espace est lié à la direction Solidarité - Vie des quartiers de Madame Mira, qu’ici il y a deux élus de la ville de Malakoff, après il y en a d’autres dans la salle, qui sont Monsieur Aouad de la direction Vie des quartiers et Monsieur Gutierez qui est sur le numérique et Jonathan [Benainous], que je n’oublie pas, qui est notre formateur numérique.

Grégory Gutierez : Merci beaucoup pour cette présentation.
On a donc un débat ce soir sur les réseaux sociaux, les médias en ligne, les fake news et les menaces pour la démocratie. C’est un menu riche, on a toute la soirée, on termine vers une heure, deux heures du matin. Non, je ne pense pas ! On a prévu deux heures.
On va commencer par quelque chose d’assez simple. Vous allez essayer, en quelques minutes seulement, de répondre aux questions suivantes : déjà qui vous êtes et à quel titre vous êtes ici ce soir, ça devrait être assez simple, et ensuite quel est votre usage des réseaux sociaux aujourd’hui, c’est-à-dire quels réseaux sociaux vous utilisez pour vous informer et quels réseaux sociaux vous utilisez pour vous divertir ? Qui veut commencer parmi vous ? Peut-être toi, Magali, vu que tu es à côté de moi, je n’ai pas le bras suffisamment long.

Magali Garnero : Je m’appelle Magali Garnero, mais je suis plus connue, dans ma communauté, sous le pseudo de Bookynette, Bookynette parce que je suis libraire et Bookynette parce que je fais moins d’un mètre soixante.
J’utilise les réseaux sociaux surtout professionnellement parce je suis dans le commerce, donc il faut apparaître sur tous ces réseaux sociaux pour récupérer une clientèle qui n’est pas locale, donc ça a très peu d’intérêt, mais si on n’y est pas, c’est louche. Je suis donc sur Facebook, Twitter, Instagram, ce sont les trois que j’aime le moins, mais je suis aussi sur Mastodon [1], c’est celui où je m’éclate le plus et c’est le seul où je suis aussi à titre privé. Je ne suis pas sur les autres à titre privé. Tu as dit « les réseaux sociaux sur lesquels on s’amuse » ?

Grégory Gutierez : Ceux sur lesquels on s’informe et ceux sur lesquels on s’amuse.

Magali Garnero : Ceux sur lesquels on s’informe ? Je fais ma veille politique et professionnelle surtout sur des forums de discussion. Et ceux sur lesquels on s’amuse ? Aucun, je préfère lire des livres !

Hervé Poirier : Bonjour. Hervé Poirier. Je suis un des fondateurs d’un nouveau magazine qui s’est monté il y a quatre ans, ce n’est plus si nouveau mais, pour nous, on est encore dans le début, qui va être un peu un anti-modèle par rapport à la discussion, puisqu’on a décidé d’aller contre le vent, de faire du papier. On s’est monté sans site, on ne donne pas d’informations sur les réseaux sociaux.
Personnellement, je n’ai pas d’existence sur les réseaux sociaux, je ne vais jamais sur les réseaux sociaux, je ne m’informe pas sur les réseaux sociaux, je ne me divertis pas sur les réseaux sociaux. J’ai la chance de travailler avec une équipe de 25 journalistes dont l’objet principal est de trouver des informations et de les produire. Eux pratiquent l’information, moi je suis un peu en dehors du monde. On a essayé plutôt d’aller en dehors, de faire baisser le niveau de saturation d’informations, donc d’avoir une information qui est très chère, ce qu’on fait est très cher, ça coûte très cher à produire, donc de payer l’information, de ne jamais la donner, en essayant de convaincre que la fiabilité et la sincérité sont le propre du journalisme, que ça a un coût, et on n’a pas envie d’informer sur les réseaux sociaux. On a envie, sur les réseaux sociaux, de partager la vie – comment on travaille –, de montrer, avec transparence, nos moyens, quelles sont les conditions de production de l’information dans une rédaction au sein d’Epsiloon [2], mais on n’a pas envie de donner des informations sur les réseaux sociaux. Donc, quelque part, je serai sans doute un anti-modèle. En tout cas, nous nous sommes montés contre le vent sur un marché en chute libre sur tous ses pilirs : la publicité, le papier, la distribution, la fermeture des kiosques, les habitudes de lecture, tout est dans le rouge et on s’est dit « c’est là qu’il faut aller ». Nous sommes des grands stratèges et bizarrement, l’année dernière, nous avons fait nos premiers bénéfices, donc on commence à trouver un modèle dans un anti-modèle. Ça sera peut-être un contre-pied.

Grégory Gutierez : Votre magazine s’appelle Epsiloon. On le trouve en librairie, en kiosque.

Hervé Poirier : Je vous montre un exemplaire, celui qui sortira la semaine prochaine, ce n’est pas pour faire de la publicité, nous sommes très peu connus. Il doit y avoir 3 à 4 % de la population française qui nous connaît, ce qui est très positif, puisque ça veut dire qu’on a énormément à gagner, on a territoire fantastique à conquérir. On a une très faible notoriété, mais, j’ai l’impression, une très bonne réputation et on essaye d’être à la hauteur.

Grégory Gutierez : Merci beaucoup. Renaud, à ton tour après ça.

Renaud Chaput : Bonsoir à tous et à toutes. Je suis l’opposé ? Non ? Je suis Renaud Chaput, je suis le responsable technique du projet Mastodon, un réseau social, on en reparlera peut-être tout à l’heure, fédéré, libre, open source, qui se pose en alternative aux réseaux sociaux commerciaux que vous connaissez tous. On pense que le modèle commercial, pour un réseau social, est voué à l’échec à terme à cause des problématiques d’argent, des problématiques commerciales et ainsi de suite.
Travaillant pour un réseau social je suis sur les réseaux sociaux, mais, pour m’informer je n’utilise plus que Mastodon. J’étais un très gros utilisateur de Twitter à l’époque, je ne postais jamais mais je lisais beaucoup parce que ça fédérait l’ensemble des gens que je trouvais intéressants et qui postaient là. Depuis que j’ai rejoint Mastodon, j’utilise Mastodon pour cela et c’est peu près le seul réseau social sur lequel je m’informe.
Après, pour m’amuser, Mastodon un peu mais surtout YouTube que je considère comme un réseau social avec tout cet aspect recommandations, tout cet aspect découverte de contenus et c’est là où je trouve le contenu amusant, rigolo, qui m’intéresse le plus.

Grégory Gutierez : Merci beaucoup. Gaëtan, c’est à toi.

Gaëtan Le Feuvre : Je suis Gaëtan Le Feuvre, je suis responsable des réseaux sociaux à Mediapart. Nous sommes une équipe de trois CM, trois community managers, en français on dit chargé d’édition sur les réseaux sociaux, chargé d’édition sur les réseaux. Je suis responsable de l’équipe. Ça fait sept ans que je suis pas à Mediapart. On est présent sur plein de réseaux, j’en parlerai peut-être un petit peu après. Mon travail, avec mon équipe, c’est de valoriser l’information, ce que fait le journal, sur les réseaux, donc Instagram, YouTube, TikTok. On est sur les nouveaux réseaux, je pense à Bluesky mais aussi Mastodon. On a créé une instance, un serveur, on en parlera peut-être, sur laquelle nous sommes très actifs, on essaye vraiment d’avoir une présence active sur ce réseau et de réfléchir à la façon dont on occupe justement les nouveaux espaces numériques un peu alternatifs aux GAFAM. Voilà. On va parler de tout ça.

Grégory Gutierez : Merci beaucoup.
Je précise une petite chose avant de commencer. On a essayé de faire en sorte que notre panel soit paritaire. Vous vous rendez compte que ce n’est pas vraiment le cas. On a lancé pas mal d’invitations et finalement, vous êtes les quatre qui avez répondu, on s’est dit qu’on n’allait pas en sacrifier un. On trouve que vous avez tous des parcours et des expériences très complémentaire sur le sujet. Magali, tu es la seule représentante de la gent féminine, je vais te repasser le micro parce que, dans ta présentation, tu n’as pas parlé de l’April [3].

Magali Garnero : Ce n’est pas parce que je suis libraire que je suis invitée, même si je pense que ma librairie est la plus jolie du monde, je suis invitée surtout parce que je suis présidente d’une association qui s’appelle l’April, l’association pour la promotion et la défense du logiciel libre.
Le logiciel libre, certains connaissent – des gens font oui de la tête –, sont des logiciels qui répondent aux quatre lois [4] : n’importe qui peut les étudier, n’importe qui peut les utiliser, n’importe qui peut les modifier, n’importe qui peut les redistribuer. Ce sont vraiment beaucoup de libertés qui sont données aux utilisateurs, donc, forcément, ça va s’opposer à Microsoft, à Apple et à tous les Big Tech genre les GAFAM.

Grégory Gutierez : Merci beaucoup.
Une première thématique pour ouvrir le débat. On a choisi, dans le sujet de ce soir, de parler de menaces pour la démocratie. Je m’explique deux secondes sur ce sujet de menaces pour la démocratie avec la réélection de Trump et la manière dont Elon Musk est devenu une espèce de président bis aux États-Unis, capable de faire tout et n’importe quoi, y compris d’accéder aux données les plus personnelles des Américains.
En avril 2022, Elon Musk, à l’époque connu pour ses entreprises Tesla, Space X et d’autres, un multimilliardaire originaire d’Afrique du Sud, annonce qu’il veut racheter Twitter. À l’époque, j’étais beaucoup sur Twitter et connaissant un peu les opinions politiques du bonhomme que je suivais pas mal, en tout cas ce qu’on pouvait en savoir, je me suis dit « ça commence à sentir mauvais pour Twitter » et Twitter c’est un espace de débat super important, pas forcément pour le grand public, mais pour les journalistes, pour les politiques, pour tous les personnels qui travaillent avec des personnalités politiques et pour les influenceurs, y compris les influenceurs étrangers qui essayent d’influencer le débat, notamment ici en France. Je me suis dit que ça allait dévier de plus en plus, dans les mois qui venaient, si Elon Musk mettait la main sur Twitter, ce qui est arrivé, malheureusement à mon sens.
Je voulais donc savoir si, selon vous, il y a des menaces actuelles sur le débat démocratique du fait des événements récents de ces deux dernières années sur les réseaux sociaux. Si oui, lesquelles identifiez-vous ? Qui veut commencer ? Qui veut se lancer en premier ou en première ? Renaud.

Renaud Chaput : Oui. Il y a clairement un problème et je veux commencer par dire que ce n’est pas un problème nouveau. C’est un problème que certaines personnes qui étudient tous ces domaines-là, qui étudient ces gens-là, qui étudient les milliardaires, leur influence, dénoncent depuis longtemps, qui n’existe pas que sur Internet. C’est aussi un problème qu’on voit en France avec les milliardaires qui rachètent les médias, qui, bizarrement, se mettent à arrêter de faire des reportages sur certains sujets, à orienter le débat public et ainsi de suite. Depuis longtemps, les gens qui travaillent sur la question numérique alertent « attention, ça va se produire aussi sur Internet. ». Et là, depuis deux ans, malheureusement on avait raison, ça se voit, c’est venu dans le débat public, tout le monde en parle, tout le monde en a conscience mais ça fait des années et des années qu’on tire la sonnette d’alarme en disant « attention, laisser le contrôle du numérique, laisser le contrôle de l’expérience des humains sur Internet à quelques hommes blancs, milliardaires, américains, qui ont une certaine vision de la société, au bout d’un moment ça va mal tourner. »
Elon Musk est clairement le pire à l’heure actuelle, Zuckerberg n’est pas forcément mieux. On s’en doutait depuis longtemps, mais là, maintenant, ils ont vu qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent, qu’il n’y a pas de conséquences, ils y vont.
Récemment, Zuckerberg a dit qu’il y a un problème parce que n’y a pas assez de masculinité chez Facebook, qu’il fallait remettre des valeurs masculines sur Internet parce que nous, les hommes, nous nous faisons un peu persécuter, nous ne pouvons plus rien dire. Quand quelqu’un dit cela, en fait, avec son pouvoir, il a les moyens de le faire. Il suffit que les algorithmes de modération ne mettent plus en avant la parole des femmes sur les réseaux sociaux, qu’ils mettent en avant certaines publications plus orientées extrême droite, beaucoup de recherches ont été faites sur le sujet. En Allemagne, je crois que ça a été prouvé par des recherches sur les dernières élections : les contenus de l’AfD, le parti d’extrême droite allemand, étaient principalement des contenus affichés par les réseaux sociaux ; à quantités postées équivalentes, les gens voyaient beaucoup plus de contenus d’extrême droite que d’autres contenus. Est-ce que c’est volontaire ? Est-ce que ce n’est pas volontaire ? Est-ce que c’est parce que les contenus d’extrême droite sont ceux qu’on appelle, un mot que je n’aime pas du tout, controversés ? Est-ce que quelqu’un d’extrême droite, est quelqu’un de controversé ? Non, c’est quelqu’un de nazi !, mais ça fait plus cliquer, donc ce sont ceux qui sont mis en avant. En fait, on ne peut même plus savoir.
Je discutais avec David Chavalarias [5], un chercheur au CNRS qui étudie la désinformation sur les réseaux sociaux et ainsi de suite, et qui dit : « Maintenant, on ne peut même savoir ce qu’il se passe, ce sont des boîtes noires, pourquoi, que voient les gens, est-ce qu’ils voient un contenu plus nuancé ou autre, on ne sait pas. » Les seules personnes qui savent, ce sont des créateurs de ces choses-là qui maintenant n’ont plus de problèmes à dire « on va au gouvernement, Elon Musk aux États-Unis ». En France, Pierre-Édouard Stérin, un milliardaire, dit ouvertement « il va falloir financer l’extrême droite pour faire une révolution et prendre le contrôle du pays parce qu’il faudrait que nos idées gagnent. » Ils ont de l’argent. Quand ils disent qu’ils vont mettre 100 millions d’euros dans la prochaine campagne pour éduquer des élus d’extrême droite pour qu’ils puissent prendre le pouvoir en France, on est dans la même chose.
Dans le numérique, je vais finir là-dessus, il y a eu ce côté d’idéalisation de ces génies américains du numérique, ces startupeurs qui ont réussi. « S’ils sont devenus riches à milliards, c’est forcément qu’ils le méritent, ils sont forcément plus intelligents que nous ! ». Je pense que la classe politique, en France et à l’étranger, s’est perdue et a fait une erreur en disant « ça ne sert à rien d’essayer d’aller parler avec ces gens-là, ils ont forcément raison, regardez comment ils ont réussi, ce sont des génies ! ». Peut-être que ces gens-là sont très brillants, mais ils ont une vision de la société qui finit par être la même par tous, une société d’extrême droite, masculiniste, très peu démocratique au final, et les politiques leur ont laissé les mains libres pendant 20 ans en disant « il ne faut surtout pas réguler. Regardez, ils commencent à grossir – en ce moment c’est l’IA –, regardez comment l’IA va venir partout. Il ne faut surtout pas réguler sinon on va perdre. » Sur le numérique, on les a beaucoup laissés tranquilles et maintenant, je pense que c’est trop tard, il ont réussi leur coup. Un peu défaitiste, désolé !

Hervé Poirier : Je veux réagir. Je suis sans doute d’accord, mais je pense que l’intervention rate vraiment l’essentiel. Je pense que la phrase clé de Musk, si on reprend cet exemple-là, a été « vous êtes le média ». Il parlait à tous les utilisateurs de X.
Ce qu’imprime le plus profondément dans la société, avec les réseaux sociaux, c’est la désintermédiation. Quand je vois une institution comme Mediapart qui a travaillé pour que sa voix soit digne de confiance et ne soit pas la même qu’une autre, que son information ait été enquêtée, sourcée, et que je puisse avoir confiance, je ne la mets pas au même niveau que les autres informations. Or, le réseau social est fondamentalement organisé pour qu’il y ait une désintermédiation qui dépasse les médias. Ce mot-là montre la disparition des agences, la disparition de toutes les institutions qui faisaient les liens entre toutes les couches de la société. Le rêve numérique c’est la disparition de tout ce qui fait ces liens pour lier directement l’humain avec son écran. En effet, derrière l’écran, il y a peut-être des enjeux politiques d’individus qu’on trouve géniaux, à qui on donne à tort les clés. Pour moi, le point clé c’est que ça fait disparaître les médias classiques, mais aussi les syndicats, les agences, tout ce qui fait la fibre. Il y a donc une égalisation, parce qu’un tweet c’est 146 mots pour tout le monde et ça prend sa place dans le fil. Or, il y a des paroles qui ont plus de valeur que d’autres. Le succès colossal de Mediapart montre qu’il y a encore une confiance dans des institutions. L’action principale du monde numérique, c’est la perte des institutions plus que le fantasme, selon moi, du pouvoir de quelques individus.
C’est pour cela que je ne suis pas d’accord avec l’analyse, je pense qu’elle rate sa cible, le ver est beaucoup plus profond que ça.

Grégory Gutierez : Merci beaucoup. Gaëtan, si tu veux.

Gaëtan Le Feuvre : Je veux bien dire un petit mot. D’ailleurs, j’ai oublié de raconter les réseaux sur lesquels je vais. En fait, je ne vais quasiment sur aucun réseau, puisque je passe ma vie sur les réseaux ! J’aimerais bien vous lister, j’en profite, les réseaux sur lesquels on est à Mediapart, parce que c’est hyper parlant : on est sur Instagram et Facebook qui appartiennent à Meta, on est sur YouTube qui appartient à Google, on est sur Linkedin, c’est Microsoft, on est sur Threads, toujours Meta, on est sur Twitch, c’est Amazon, on est sur Bluesky, pour l’instant ça reste une entreprise privée.

Magali Garnero : Ça ne va pas durer !

Gaëtan Le Feuvre : ça ne va peut-être pas durer.TikTok, une entreprise chinoise dont j’ai oublié le nom [ByteDance] et puis on est aussi sur Mastodon, un réseau qui n’appartient à personne. C’est un logiciel libre, on va en reparler. C’est vraiment intéressant. On voit que tous les réseaux sur lesquels on est appartiennent aux GAFAM, appartiennent à des grands groupes. Et je n’ai pas cité X, parce que nous avons quitté X le 20 janvier, d’ailleurs comme Epsiloon, je crois que vous aviez un compte.

Hervé Poirier : C’était même notre principal réseau.

Gaëtan Le Feuvre : On voit bien comment le rachat de X, il y a deux ans, par Elon Musk, a permis ensuite, quelque part, un détournement gigantesque des utilisateurs, de 400 millions de comptes qui sont maintenant exposés à une véritable propagande d’extrême droite qui, en plus, est maintenant carrément au service l’État fédéral américain, contrôlé par l’extrême droite trumpiste. Il y a deux ans ça a été vraiment, quelque part, le casse du siècle de la part d’Elon Musk de racheter Twitter. En fait, ce sont les puissances d’argent, le fait de pouvoir posséder le capital de X qui permet ensuite de détourner, de faire ce qu’on veut de cette plateforme, ce qui est le risque pour l’ensemble des plateformes qui sont privées et fermées.
Tout ça pour dire qu’on est dans ce contexte-là.
Je vais quand même ajouter un petit truc sur les réseaux. Il ne faut pas oublier que, dans le passé, les réseaux ont eu aussi beaucoup de vertus, je pense qu’ils en ont encore, même si aujourd’hui c’est un grand danger, notamment en France et en Europe, aux États-Unis aussi, ça a quand même eu la vertu de libérer la parole. Les réseaux ça a été évidemment MeToo, ça a été Black Lives Matter, ça a été même les révolutions arabes. Ça a été des espaces sur lesquels on a pu, dans de nombreuses régions du monde, partager, témoigner, faire valoir des choses, des témoignages, des choses qu’on met en commun et qui font avancer les choses. Ça montre bien qu’on a besoin d’espaces d’information, d’espaces d’échanges, de participation, de discussion et qu’il faut vraiment cultiver ça. Donc les réseaux sociaux ce n’est pas mal, ce n’est pas mauvais. Il faut vraiment les défendre. Le problème, c’est quand ils sont achetés, contrôlés, récupérés et détournés au service d’intérêts personnels, d’intérêts privés tel qu’on peut le voir en ce moment avec Elon Musk.

Grégory Gutierez : Merci beaucoup.
Magali, est-ce que tu veux réagir sur cette question-là et peut-être nous expliquer une expression qu’on utilise quand on commence à être habitué au logiciel libre, la notion de « logiciel privateur » ?

Magali Garnero : Je rebondis sur ce que tu dis parce que c’est exactement ça. Les réseaux sociaux ne sont pas le mal, c’est un outil. Le problème ce qu’ils peuvent apporter beaucoup d’avantages, pour nous, puisque ça va permettre du relationnel, on va discuter avec des gens, mais le véritable souci c’est que toujours, quasiment toujours – j’ai fait une liste de tous réseaux sociaux que je connaissais, y compris deux que je ne connaissais pas, en tout cas sur lesquels je ne vais pas – ce sont toujours des grosses entreprises qui sont derrière, souvent américaines, parfois chinoises, et le but de ces entreprises c’est de faire de l’argent. C’est logique, ce sont des entreprises. Donc, pour faire de l’argent, elles vont récupérer vos données, elles vont les vendre. Elles vont faire des appels à épargne, elles vont faire des levées de fonds, elles vont aller en bourse. À partir du moment où ces entreprises veulent faire de l’argent, pas besoin de se poser de questions, on se fait entuber ! Il n’y a pas d’autre terme, elles vont regarder ce que vous écrivez, elles vont pouvoir vous envoyer de la publicité ciblée. « On est content ! ». Non, pas du tout. J’ai horreur de la pub.
Dès qu’il y a une grosse entreprise derrière, on sait que ce n’est plus vraiment du lien social qu’on est en train de faire, on est en train d’enrichir d’autres gens que nous, parce que nous, bien sûr, on ne s’enrichit pas en mettant nos données.
Tu parles de logiciel privateur, c’est le terme opposé à logiciel libre, ce sont des logiciels qui gardent tout secret : leur code source, leurs algorithmes, tout ce qui peut leur raporter des sous, peut-être, sûrement d’ailleurs, ils vont le garder secret, contrairement aux logiciels libres où le code va être ouvert, chacun va pouvoir se l’approprier. Mastodon est un est un logiciel libre. Merci à vous [Magali se tourne vers Renaud Chaput, NdT], quand on voit l’étendue de ce projet ! L’April l’utilise, nous avons notre propre instance, peut-être faudra-t-il que j’explique ce qu’est une instance, peut-être seras-tu mieux placé que moi.
Dès que le logiciel est libre, ça veut dire que n’importe qui peut l’utiliser, peut le récupérer, peut l’installer chez soi.
J’aurais tendance à prendre un exemple comme Firefox [6], qui est un navigateur pour aller sur Internet. Vous connaissez peut-être Internet Explorer, vous connaissez peut-être Safari, vous connaissez peut-être Netscape, il faudrait que je me rince la bouche après avoir dit ça, il y a d’autres logiciels comme Firefox qui permettent d’aller sur Internet sans passer par les précédents, que j’ai cités, qui sont privateurs.
Vous connaissez peut-être la suite Office de Microsoft, il y a des alternatives comme LibreOffice [7] qui va vous permettre de faire exactement la même chose, en mieux, mais qui, au moins, ne récupérera pas vos données, qui ne vous obligera pas à avoir tous vos documents sur le cloud de Microsoft, vous les garderez en interne sur votre ordinateur.
C’est un peu ça le logiciel libre, c’est proposer des alternatives éthiques à tous les logiciels propriétaires, privateurs, que vous utilisez, qui sont vendus dans les grandes surfaces.

Grégory Gutierez : Merci.
Tu as parlé d’une notion en particulier qui, à mon avis, est cruciale dans ce débat, c’est la notion d’algorithme dans les réseaux sociaux. Est-ce que l’un d’entre vous peut nous expliquer ce qu’est un algorithme dans les réseaux sociaux ? Renaud.

Renaud Chaput : Juste avant, je voulais parler d’algorithme en réponse à ce que tu disais. Je suis assez d’accord : le réseau social a tendance à écraser ce qu’on appelle le graphe social, globalement les connexions entre les gens. Pendant longtemps c’était la télé, c’était le journal, c’était la presse, vous aviez votre information de là. Le réseau social vous permet d’avoir plein d’informations de tout le monde. Effectivement, n’importe qui peut poster n’importe quoi, qu’on soit un journal ou n’importe qui. Par contre, oui, il y a un problème là-dessus. Ça permet de créer du lien humain, mais normalement, avant, les publications de renom étaient vues plus que n’importe quoi. Je poste quelque chose, tout le monde se moque de mon avis, personne ne va le repartager, il va disparaître. Mediapart poste un article, des centaines, des milliers de personnes vont dire « waouh, c’est intéressant, je repartage », il y avait donc un côté viralité.
Et là, justement, cela n’existe plus sur ces réseaux sociaux. Si vous allez sur Instagram, je prends probablement le plus connu, le plus utilisé, vous regardez votre flux, ce ne sont plus forcément les gens que vous suivez, les gens vous avez choisi, ceux pour qui vous avez dit « je veux voir le contenu de Mediapart, je veux voir le contenu d’Epsiloon, je veux voir le contenu peut-être même d’un expert d’un sujet que vous adorez » ; je fais de la sculpture sur bois et j’ai décidé de suivre cette personne-là parce qu’elle fait vraiment des superstructures. La moitié de ce que vous voyez, je crois que c’est 41, 42 %, c’est du contenu que vous n’avez pas choisi de voir et que l’algorithme en l’occurrence d’Instagram, les gens qui font le code derrière Instagram, qui veulent afficher la publicité, ont décidé que c’était ça qu’il fallait que vous voyiez. Et ça amplifie énormément le problème, parce que même si vous dites « sur mes réseaux sociaux, j’ai choisi de ne suivre et de ne voir les informations que des personnes en qui j’ai confiance », en fait un petit peu moins de la moitié de ce que vous voyez ne vient plus de ces gens-là et c’est quelque chose sur lequel vous n’avez aucun contrôle. Vous ne pouvez pas dire « je veux voir des publicités sur ce sujet. ». Non, c’est Instagram qui va dire « on a considéré plein de choses, on sait que vous êtes un homme de 38 ans, habitant en France qui a voulu suivre ça, ça, et ça, donc on va vous afficher cette publicité-là parce qu’on a quelqu’un qui est prêt à nous donner de l’argent pour afficher ça, quelqu’un qui connaît votre profil », même si vous n’avez pas dit votre âge. Chez Instagram, ils savent très bien votre âge, votre orientation sexuelle, ce que vous aimez faire. Ils ne vous demandent pas d’inscription, mais ils ont des algorithmes très efficaces pour déduire tout ça. Donc ça amplifie ces algorithmes. Ce qu’on appelle algorithme dans un réseau social, c’est ce que qu’on affiche aux gens.
Chez Mastodon, on a tendance à dire qu’on n’a pas d’algorithme, parce qu’on est revenu à l’origine des réseaux sociaux qui était : les gens auxquels vous êtes abonné, dans l’ordre dans lequel ils postent, et rien d’autre. Donc si quelqu’un vient de poster quelque chose, ça s’affiche en haut et, quand vous venez, c’est le contenu que vous voyez. Il y a dix ans, c’était ça sur tout réseau social.
Maintenant sur les réseaux sociaux, le pire étant TikTok – je ne suis pas utilisateur de TikTok –, de ce que j’ai compris dans TikTok, vous ne contrôlez même plus ce que vous voulez voir. Le principe, c’est que vous ouvrez l’application et on va vous afficher à l’infini des vidéos dont on pense qu’elles vont vous intéresser.
On sort complètement de ce côté qu’on appelle la curation, c’est le terme anglais, c’est-à-dire pouvoir choisir ce qu’on veut voir, pour aller vers des plateformes qui ont des algorithmes magiques – en vrai, ce n’est pas magique, ce sont des mathématiques, c’est de l’informatique, des trucs comme ça – qui ont un seul but qui est de rapporter le plus d’argent possible à leurs créateurs. Donc, vous ne choisissez plus ce que vous voyez, mais vous voyez ce qui va rapporter plus d’argent à la plateforme, au réseau social sur lequel vous êtes. Pourquoi font-ils ça ? Parce qu’ils sont cotés en bourse, ils ont des actionnaires qui demandent plus d’argent, et ils ont très bien vu – il y a plein d’études, David Chavalarias a fait des études là-dessus – que ce qui fait cliquer les gens sur les réseaux sociaux ce sont des contenus qui sont subversifs ; ce sont des contenus qui vont choquer « ah !, ça me choque, ce n’est pas bien, mais j’ai envie d’en voir plus », c’est humain, la presse people, les choses comme ça a toujours marché.
Récemment, pour finir sur les algorithmes, il y a eu un bug sur Instagram, ils ont fait sauter toute la partie des algorithmes qui essayait de ne pas mettre des trucs trop moches, il y a juste eu le côté des algorithmes des trucs qui font cliquer, qui font rester les gens, qui vont leur en faire voir plus. Tout d’un coup, dans les flux des gens, c’étaient des massacres, des assassinats, des gens qui se font décapiter, des scènes de guerre et du sexe. Pendant une heure, il y a un bug sur Instagram, le côté « on essaye de rester humain » a été enlevé, il n’y a plus eu plus que l’algorithme qui fait le maximum pour que les gens restent et ce n’était que du contenu illégal, horrible.
Donc, si on laisse faire aux algorithmes ce qui rapporte de l’argent aux gens, ce sera afficher du contenu comme cela, parce qu’il y a ce côté curiosité malsaine humaine. On est parti d’un réseau social qui à la base était « je choisis de voir du contenu qui m’intéresse, je vois du contenu qui m’intéresse, je m’informe et je peux l’utiliser comme information » à un contenu généré par ces algorithmes qui n’a ni queue ni tête à part générer de l’argent, générer de l’attention et faire en sorte que vous soyez toujours « je veux voir la vidéo suivante ». Ils embauchent des psychiatres pour travailler sur cela, c’est du contenu qui va vous créer de la dopamine, qui va vous créer cette hormone de l’addiction, « je vais rester ». À l’origine de ces études-là, ce sont les jeux vidéo sur Facebook. Je ne sais pas si vous avez déjà joué à des jeux, par exemple à Farmville, Angry Birds au début, ils se sont mis à embaucher des psychologues dans les équipes pour qu’ils disent comment rendre le jeu vidéo le plus addictif possible. À un moment, ces gens-là sont passés dans les réseaux sociaux : comment rendre un réseau social addictif et c’est cela qu’on appelle algorithme.
Pour moi, le vrai problème à l’heure actuelle, c’est que vous ne contrôlez plus vous vous voyez, vous voyez ce que l’algorithme veut vous faire voir et l’algorithme va vous montrer des trucs qui génèrent de la dopamine, qui génèrent de l’addiction, qui ne sont pas bons pour vous, on peut le dire. Pareil, il y a eu des études sur les jeunes : tu les mets sur TikTok, leurs capacités scolaires sont en chute, leurs capacités de réflexion sont en chute, mais ils ont toujours envie d’en avoir plus, ils ont toujours envie d’être dessus et ce n’est pas un hasard, ce sont vraiment des scientifiques, des psychiatres, des psychologues qui ont travaillé là-dessus, sur comment faire pour rendre les gens addicts. C’est le très mauvais côté des algorithmes.

Grégory Gutierez : Merci. Tu voudras peut-être intervenir juste après, Hervé, mais avant juste une réflexion. Je suis un grand utilisateur de smartphone, c’est un outil de travail principal au quotidien, je suis aussi beaucoup en mobilité et, pour me renseigner sur l’information du moment, pendant longtemps j’ai utilisé l’application Google News que vous avez tous sur votre téléphone Android quand vous créez votre compte. Google News est un parfait exemple d’algorithme où, en fonction des grandes thématiques qu’on a choisies, mais aussi des publicités, des traqueurs qu’on a sur le Net par ailleurs quand on utilise Google Chrome depuis son compte Google aussi, qui va vous afficher les news qu’il pense être les plus intéressantes pour vous, celles qui vont vous faire le plus réagir. Tout ça mélangé aussi avec énormément d’articles publicitaires au milieu de véritables articles de revues. Je me souviens que quand j’étais sur Google News, je ne sais pas si Epsiloon existait déjà, j’avais déclaré que je m’intéressais aux questions de science. À part des articles sur les nouvelles technologies et les nouveaux réseaux à la mode, qui étaient considérés comme sciences, mais je ne voyais quasiment jamais des articles vraiment scientifiques, de Nature ou autres, il n’y avait rien à vendre dedans. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai abandonné Google News, je suis repassé à la technologie par flux RSS dont on reparlera peut-être plus tard.
Gaëtan, tu voulais réagir.

Gaëtan Le Feuvre : Rapidement. En t’écoutant [Gaëtan se tourne vers Renaud Chaput, NdT], je pensais aussi aux machines à sous, c’est vraiment ça, le lever to refresh, si vous voyez, le mouvement comme ça [abaisser une poignée, NdT], c’est vraiment le mouvement qu’on a sur son téléphone [mouvement du pouce, NdT], en fait rafraîchir en permanence pour avoir si on a une nouvelle actu, une nouvelle info, la prochaine fois sera la bonne, il va y avoir un truc. TikTok c’est typiquement ça, c’est vraiment ça. Je pense à cela sur l’algorithme. L’année dernière, au moment de la dissolution, on avait vu l’émergence du compte de Jordan Bardella qui était extrêmement présent sur TikTok. Je ne sais plus qui avait révélé ça, mais on avait découvert que la simple création d’un compte Tiktok, même totalement vierge, qui n’avait pas encore nourri son algorithme personnel pour savoir ce qui intéresse la personne, montrait du contenu justement d’extrême droite avec des contenus TikTok de Jordan Bardella en permanence.
Je ne sais pas quelles sont les intentions derrière, on voit bien que même sans nourrir l’algorithme, il y a quand même des contenus qui sont un peu imposés aux utilisateurs malgré eux.
Juste un truc sur l’algorithme. J’aurais tendance à dire que les algorithmes entravent quasiment l’accès à l’information, l’information vraie, vérifiée, recoupée, documentée, les vérités de faits, les faits scientifiques, les faits sociaux, les faits politiques, les faits économiques. C’est vraiment important d’avoir accès à cela, c’est vraiment fondamental, c’est vraiment ce qui fait qu’on peut vivre ensemble, qu’on peut parler ensemble, qu’on peut être d’accord sur un certain nombre de faits indiscutables, par exemple 2 + 2 = 4, des faits sur les discriminations, les violences de genre, sur la colonisation, sur l’histoire, sur le fait que les chambres à gaz ont existé. Des choses vraiment basiques sur lesquelles on est tous d’accord. C’est important d’avoir ces bases-là et c’est important d’avoir des espaces qui permettent d’avoir accès à cette information pour l’ensemble des citoyens.
Les réseaux sociaux peuvent être aussi des espaces qui permettent d’accéder à ces informations-là. À partir du moment où les algorithmes polluent l’espace de l’information, l’accès au savoir, l’accès à la connaissance, l’accès aux informations, à la vérité des faits, ils empêchent l’accès à l’information. À partir du moment où on entrave, on empêche avec des contenus qui visent à divertir, comme la télé, et surtout qui visent à créer du clash, qui favorisent les publications d’extrême droite, on empêche l’accès à l’information.
C’est pour cela qu’il ne faut pas forcément être contre, opposé aux algorithmes, en tout cas être vraiment transparents sur la façon fonctionne un algorithme, qui le contrôle, qui l’utilise, pour quel motif. Si le motif est uniquement économique, ce qui est le cas de chaque plateforme, forcément on voit bien que l’intérêt n’est pas général, n’est pas de valoriser des informations d’intérêt public.

Grégory Gutierez : Merci. Est-ce que tu veux rebondir sur cette question-là ou on passe à autre chose ?

Hervé Poirier : J’avais deux choses à dire.
La première, la réalité, c’est de la puissance incroyable des algorithmes. À Epsiloon, pour s’en sortir, on a besoin d’avoir 20 à 25 nouveaux abonnés par jour. Pour notre équilibre, il faut qu’on en trouve 25 tous les jours.

Grégory Gutierez : Abonnés au journal.

Hervé Poirier : Au journal, 95 % de nos revenus ce sont les lecteurs, 3 % c’est la publicité. On reçoit un peu d’argent de la publicité et on dépense auprès des GAFAM, sur les réseaux sociaux, en publicité, pour aller chercher des nouveaux abonnés, deux à trois fois plus que ce qu’on a en budget publicité pour l’année. Il y a donc 6 à 7 % de notre budget qui est dévolu aux réseaux sociaux pour aller chercher de nouveaux abonnés, parce qu’on ne voit pas d’autre moyen d’en trouver 25 par jour.
On est face à une terrible puissance. On ne voit pas comment trouver 25 abonnés par jour autrement qu’en mettant de la publicité sur Google, en mettant de la publicité sur Facebook, en mettant de la publicité sur les réseaux sociaux. Là on réfléchit à une façon peut-être sur Linkedin. C’est un réseau social sur lequel on a un avenir, est-ce qu’on va investir ? On est à 20, 30 000 euros par mois en investissement publicitaire. On est aussi un journal qui coûte très cher : 4 millions de dépenses par an et on a décidé que 300 à 400 000 euros sont destinés à de la publicité. On gagne 100 000 euros de publicité sur l’année, des pages qu’on publie.
Les équilibres économiques sont terribles et nous sommes obligés de donner beaucoup d’argent, l’argent qu’on donne à Facebook et à Google, c’est considérable C’est le témoignage humble de celui qui est obligé de nourrir les puissances que l’on peut penser un peu maléfiques.
L’autre point. Nous nous vivons, nous aussi, comme des vendeurs de drogue. Notre modèle étant la fidélité, si quelqu’un achète, il aura envie de revenir. On est sur le modèle du dealer, on veut vendre une drogue dure, à accoutumance immédiate, le modèle du vendeur de drogue est fondamentalement celui de la presse. Il s’agit d’une drogue fiable, sincère, qui fait du bien !

Magali Garnero : Est-ce que la première dose est gratuite ?

Hervé Poirier : Oui, on a essayé. Une fois par an on a une formule, on dit « le premier numéro a un euro », mais non, la première dose gratuite, notre modèle principal n’est pas dans le gratuit, on ne donne pas de l’information gratuite.

Magali Garnero : Ce qui est terrible, c’est que vous dépensez une quantité astronomique d’argent pour faire de la pub sur les réseaux sociaux qui vont vous noyer totalement dans plein d’autres choses, dans plein d’autres pubs. Vous apparaîtrez un million de fois et, si ça se trouve, vous aurez payé 20 fois plus cher que telle autre entreprise qui fera la même pub que vous au même moment, mais vous n’êtes pas, comment tu as dit tout à l’heure, controversé, donc forcément vous avez moins de succès.

Grégory Gutierez : Il y a encore un an ou deux, des gens très enthousiastes disaient « Twitter est en train de s’effondrer, ça ne va pas durer longtemps, il y a des alternatives qui arrivent. » Il y a eu plusieurs migrations de Twitter vers d’autres réseaux. J’aimerais qu’on parle des alternatives qui existent aujourd’hui. En écoutant les infos hier ou avant-hier, j’entendais un journaliste à la radio qui disait « le communiqué de l’Élysée sur X dit que, etc. » Je me suis dit « mince, Macron continue à poster sur X comme si de rien n’était ». À partir du moment où le président de la France poste toujours sur X, aujourd’hui, c’est difficile pour les journalistes, pour les citoyens et citoyennes engagés en politique de ne pas y aller, ne serait-ce que pour voir ce qui s’y passe.
J’ouvre un autre pan du débat : quelles sont les alternatives aujourd’hui ? Quelles sont les forces en présence exactement en nombre d’utilisateurs fréquents de ces réseaux ? Derrière, la question qu’on va peut-être aborder c’est comment fonctionnent ces réseaux et comment sont-ils financés ?

Renaud Chaput : Je vais commencer avec une petite anecdote sur le côté politique. Oui, Macron qui poste sur X c’est un problème. La SNCF qui nous dit « pour savoir pourquoi votre train est en retard et quand sera le suivant, allez voir notre compte sur X. » Donc je dois m’inscrire sur un service américain pour aller les suivre, pour savoir pourquoi mon train est en retard, parce qu’ils ne sont pas capables de l’afficher sur leurs panneaux, il faut aller les suivre sur Twitter parce qu’il y a une info à jour, c’est un problème.

Magali Garnero : Ils ont un site internet. Ils peuvent l’afficher sur leur site internet, il n’y a pas forcément besoin...

Renaud Chaput : Tout à fait mais, apparemment, ce n’est pas possible !
On a réussi à monter un dossier pour Mastodon, pour aller parler de Mastodon, de la souveraineté numérique, de communication sur Internet, qui est remonté jusqu’à la secrétaire d’État pour le Numérique, Clara Chappaz, qui a dit « je m’en fous ! », c’était sa réponse, « je m’en fous, il faut faire de l’intelligence artificielle ! »
Côté politique, il n’y a pas de conscience de ce qui se passe et c’est un problème à l’heure actuelle. J’ai discuté avec des gens à la Commission européenne. Je tiens à saluer l’Europe qui, pour l’instant, avec les Allemands, sont les seuls gouvernements qui pensent vraiment à ces questions-là et les gens au département communication de la Commission européenne nous disaient qu’ils réfléchissent au fait que si jamais il y a une nouvelle pandémie et qu’il faut faire une campagne de vaccination, ils ne sont pas certains qu’ils aient le droit de la faire sur X, ils ne sont pas certains que leurs posts soient lus, ils ne sont pas certains qu’ils aient le droit de faire des posts sur Facebook pour informer la population, pour dire « allez vous faire vacciner ». Ils se disent « si on ne peut pas le faire là, est-ce que les gens vont nous voir ? ». Les gens ne regardent plus la télé, la radio est en désuétude, tout est sur Internet. Aux États-Unis ils sont devenus anti-vaccin, anti–science, anti tout ça. Qu’est-ce qu’il se passe s’il y a un conflit plus ou moins larvé, plus ou moins direct avec les États-Unis et que le gouvernement américain dit à Musk, Zuckerberg et compagnie « merci de couper les comptes des réseaux sociaux de tous les gouvernements européens. » L’Europe va dire « oh là, là ce n’est pas bien », mais en attendant les citoyens vont perdre leur accès à l’information.
Tout a été construit, ces dix dernières années, pour que l’accès à l’information de la population soit principalement sur ces réseaux qui sont contrôlés par les Américains. C’est un problème, c’est un vrai problème. Il n’y a aucune conscience de la classe politique en France, à part quelques personnes, surtout chez les écolos, qui ont vraiment conscience de ce sujet et toutes les tentatives qu’on fait d’aller leur parler rebondissent, sont ignorées, ils nous disent « on n’a pas le temps, ce n’est pas urgent » ou, si ce sont des gens qui ont une appétence technologique, ils disent « il faut faire de l’intelligence artificielle en ce moment. »
Je voulais revenir sur ce point-là. Oui, il y a un vrai problème et, en tout cas de mon point de vue, il y a très faible prise de conscience du problème dans la classe politique à l’heure actuelle.

En termes d’alternatives, c’est vaste, on a cité beaucoup de réseaux sociaux, je vais rester peut-être sur les réseaux sociaux qu’on va dire d’information textuelle, ceux dont on parle un peu, qui sont à la base Twitter. Pour ceux qui ne connaissent pas, vous suivez des gens, ils postent des messages courts, ça va être 300 à 500 caractères maximum. Vous pouvez répondre aux gens, vous pouvez discuter sur un média principalement écrit avec des petites vidéos et des images.
Sur ce secteur-là, pendant très longtemps il y a eu Twitter et toutes les autres tentatives ont échoué parce qu’il y avait une hégémonie. Tous les hommes politiques étaient dessus, donc les journalistes étaient dessus, les journalistes parlaient de ce qui se passait sur Twitter, ce qui faisait venir plus d’hommes politiques, ce qui faisait venir ensuite des médias, ce qui faisait venir ensuite des marques et Twitter a grossi, comme ça, jusqu’à avoir 600 millions d’utilisateurs et d’utilisatrices actifs, je crois, dans le monde. Ça s’est construit en parallèle de Facebook qui a passé 1,5 milliard d’utilisateurs et utilisatrices, Instagram deux milliards, je crois que c’est à peu près les ordres de grandeur à l’heure actuelle pour que vous ayez une idée du nombre d’utilisateurs qui, tous les mois, viennent dessus. Ce n’est pas au total, ce sont vraiment des gens qui reviennent tous les mois.
À côté de ça, quand Musk a racheté Twitter, Bluesky s’est créé, un projet interne à Twitter qui est devenu indépendant, qui a dit « on va faire un meilleur Twitter » avec des promesses de fédération, des promesses d’ouverture, des choses comme ça, revenir à ce qu’était Twitter avant. Ils annoncent 30 millions de comptes au total. C’est un réseau fermé, globalement, on n’a pas d’informations sur le nombre de gens actifs et reviennent tous les mois, c’est plus ou moins fermé, mais ils annoncent à peu près 30 millions ce qui est très peu.
Une autre alternative qui existe à l’heure actuelle, c’est Threads, un réseau social créé par Meta, qui contrôle aussi Instagram et Facebook. Ils annoncent à peu près 300 millions d’utilisateurs et utilisatrices actives. C’est un chiffre absolument énorme, ça s’explique par le fait que quand vous ouvrez Instagram, ce que font deux milliards de personnes dans le monde, vous avez, à chaque fois que vous l’ouvrez, une grosse pub pour venir sur Threads. Évidemment, c’est facile quand on a déjà deux milliards d’utilisateurs et utilisatrices d’en avoir 300 millions qui viennent sur son autre logiciel, ce qui reste globalement sous le contrôle de Meta et ainsi de suite.
Ça c’est pour les grosses d’alternatives.
Dans les plus petites alternatives, je vais parler de Mastodon qui est le logiciel sur lequel je travaille avec toute une équipe. C’est un logiciel libre qui a été fondé il y a huit ans, en Allemagne, par Eugen Rochko, un jeune ingénieur, il était même encore à l’université, qui s’est dit « je vais faire mon Twitter, mais en logiciel libre, ouvert à tous, participatif, pour avoir un espace non commercial similaire. » Et en 2022, en fait ça s’est produit plusieurs fois depuis, quand Elon Musk a dit « je vais racheter Twitter », les gens ont dit « il faut partir parce que cet homme est mauvais », ce qui est vrai, et ils sont venus sur Mastodon qui est passé de 50 000 utilisateurs et utilisatrices à 100 000/200 000. Quand Elon Musk a racheté Twitter, six millions de personnes ont décidé de créer un compte en une semaine. Il faut imaginer Eugen qui vivait encore chez ses parents à l’époque, qui gérait des serveurs à la main. Évidemment, maintenant il n’y a pas que Eugen, plein de gens contribuent, c’est un logiciel libre, tout le monde peut venir contribuer, mais à l’époque il essayait de gérer ça avec ses petites mains. Ça a été catastrophique. Sur les six millions, 300 000 sont restés, ils ne pouvaient pas accéder à leur compte dès qu’on chargeait, c’était tout le temps en panne et tout, mais il y a eu cette première vague. Il y a eu d’autres vagues depuis.
Mastodon est un réseau qui n’appartient à personne. Eugen Rochko a récemment dit : « Je ne veux pas être le chef de Mastodon, je veux redonner Mastodon à sa communauté. » On est donc en train de créer une fondation pour dire « on veut que la communauté assure le contrôle de ce réseau social ». Jamais Elon Musk ne dira « je ne veux pas du pouvoir, je veux le redonner aux gens », ça ne marche pas, personne ne fait ça ! Nous, nous sommes vraiment dans cet état l’esprit. On a autour d’un million d’utilisateurs et utilisatrices actifs dans le monde, ce qui est très faible par rapport à ces gens-là.
Mastodon est financé par des dons, je ne l’ai pas dit mais c’est un point important. On ne vend rien, il n’y a pas de publicité, il n’y a pas d’intérêts commerciaux, il y a juste des gens qui disent « c’est vachement bien, c’est le réseau social sur lequel je passe beaucoup de temps. J’ai des échanges, c’est humain, c’est génial, donc je vais donner dix euros par-ci, dix euros par là ». Peut-être que le modèle vous fait penser à celui de Wikipédia, c’est la même chose. On parlait d’accès au savoir, Wikipédia c’est le savoir humain à un endroit qui ne peut pas être racheté et récemment Elon Musk a fait des diatribes énormes sur Wikipédia comme quoi c’est le site de diable, il faut que ça disparaisse, juste parce qu’il ne peut pas le racheter pour pouvoir mettre ce qu’il veut dedans. Oui, sur Wikipédia il y a des gens qui disent « attention, Elon Musk a des propos fascistes » et, quand les gens disent ça, il n’aime pas car il ne peut pas leur filer un billet pour qu’ils arrêtent de le dire.
Nous voulons être le Wikipédia du réseau social, financé par nos utilisateurs et utilisatrices, qui appartient, qui est contrôlé par les utilisateurs et les utilisatrices, mais nous sommes tout petits, notre budget 2023 c’était 500 000 euros, on va dire 500 000 dollars, c’est à peu près le coût total d’un ingénieur qui bosse chez Facebook. Sur Threads, par exemple, ils sont 400 dans leur équipe. Nous faisons avec le budget d’une personne et on essaye de faire les choses.
Nous sommes beaucoup plus petits, nous avons moins d’utilisateurs et d’utilisatrices, mais nous sommes là pour durer. Nous sommes certains que ces réseaux-là, à un moment, ne vont plus être viables, ils vont exploser. Là, c’est Musk qui a fait exploser Twitter ; à un moment Zuckerberg va faire exploser Threads. Threads a 300 millions d’utilisateurs, il n’y a pas de pub. C’est « la première dose est gratuite », ils savent le faire, ils disent « venez sur notre réseau social, il n’y a pas de pub. » Est-ce que vous croyez qu’il ne va pas y avoir de pub pendant longtemps ? Ils auront tendance à rajouter de la pub et souvent, quand on commence à rajouter de la pub, on commence à vendre des publications sponsorisées, des gens payent pour que vous voyiez leurs vidéos, et c’est le début de la fin pour la majorité des réseaux sociaux. Au bout d’un moment ça devient, ce que je disais tout à l’heure, 40 % de pub et 60 % de contenu qui vous intéresse, à peu près.
Nous sommes là pour durer. Mastodon a huit ans. Là on fait tout, on se construit structurellement, on recrute, on essaye de trouver des financements, pour être là dans dix ans quand tous les autres réseaux sociaux auront explosé.
J’ai pris un peu de temps, mais je pense avoir fait un panel de ce qui existe à l’heure actuelle en termes d’alternatives. Mastodon n’est pas tout seul, d’autres logiciels libres font la même chose, sont même compatibles avec Mastodon dans ce qu’on appelle le fédiverse [8]. Nous sommes dans un esprit d’ouverture. Vous n’êtes pas obligé d’utiliser Mastodon pour interagir avec Mastodon. De la même manière que vous créez votre e-mail chez Google, chez Gmail, et vous pouvez envoyer un e-mail à des gens chez Microsoft ; vous pouvez changer d’adresse e-mail et vous pouvez toujours communiquer entre vous peu importe votre fournisseur.
Donc Mastodon n’est pas le seul, on a tout un réseau de logiciels libres.
Il faut qu’on arrête avec ces grosses boîtes américaines et chinoises maintenant, il faut que les utilisateurs et utilisatrices soient au contrôle, parce que sinon, forcément, au bout de cinq ans, dix ans, quinze ans, nos réseaux sociaux vont tous retomber dans le même travers « il faut faire de l’argent, il faut mettre de la pub, il faut mettre des publications controversées » et vont devenir un problème.
Je pense que Mastodon et les logiciels associés sont la seule alternative à ce modèle que, pour l’instant, tous les autres s’efforcent à reproduire.

Grégory Gutierez : OK. Magali, tu veux réagir ou compléter ?

Magali Garnero : Il y a quelque chose que tu n’as pas dit, je suis super contente que tu ne l’aies pas dit, je vais pouvoir le dire : pourquoi j’aime Mastodon. Comme c’est un logiciel libre, tout le monde peut s’en emparer. C’est-à-dire qu’au lieu que tous les serveurs soient en Californie, modérés par des entreprises américaines, chaque personne peut installer son propre serveur chez soi et le rendre disponible aux personnes qui vont vouloir l’utiliser et tous les serveurs vont discuter ensemble. C’est ce que j’ai appelé tout à l’heure des instances.
L’April a son instance pouet.chapril.org [9]. Une autre association qui s’appelle Framasoft a son instance framapiaf [10] et toutes ces instances discutent entre elles. Je pense que c’est pour cela que c’est impossible, ou quasiment, de savoir combien de personnes utilisent Mastodon ou le fédivers, parce que toutes les instances ne sont pas là en train de dire « mon dieu, combien est-ce qu’on a d’utilisateurs ! »
Je trouve que le meilleur community manager de Mastodon c’est Elon Musk, parce que, à chaque fois qu’il dit quelque chose, les gens quittent Twitter et viennent sur nos instances. À l’April, on a fermé les inscriptions pendant plusieurs mois parce qu’on avait trop de demandes. Ça nous a fait ça en 2020, ça nous a fait ça en 2022, ça nous a fait ça le 20 janvier 2025, vous voyez pourquoi. Il est formidable pour ça, parce que les gens viennent sur ces instances-là, découvrent les instances qui existent. Ce que j’aime bien aussi c’est que chacune a ses particularités. Si vous voulez faire de la science, je sais qu’il y a une instance vraiment axée scientifique, donc les gens vont aller sur cette instance-là parce que, dans leur flux local, il y a les gens qu’ils suivent, il y a les gens qui font partie de la même instance, donc si on s’intéresse à la science, on verra, dans le flux local, tous les gens qui parlent de ce sujet-là.
Il faut donc bien choisir l’instance où on va, parce qu’on a accès aux informations qu’on choisit, aux informations de son instance, donc ce qui nous intéresse, et après, si on le veut, on peut avoir le flux global, mais c’est juste impossible à lire parce que c’est dans toutes les langues, c’est sur tous les sujets, c’est très divers.

Public : On n’a pas évoqué le contrôle des données.

Grégory Gutierez : On va l’évoquer. Un monsieur, au fond, lève la main depuis tout à l’heure, il veut prendre la parole. On va vous donner la parole si vous avez une question. Je vous donne la parole dans deux secondes, juste après. Gaëtan, si tu veux parler de l’instance Mediapart sur Mastodon, parce que c’est un exemple journalistique très intéressant de ce que à quoi peuvent servir ces réseaux sociaux décentralisés, expliquer en quoi ça consiste, tu l’as déjà dit un peu. Mais peut-être d’abord Monsieur, vous pouvez expliquer ce que vous vouliez dire.

Public : Bonjour. Adrien, adhérent au Libre Vanvéen [11] et à l’April.
Tu parlais de l’inconscience politique, ce n’est pas tout à fait juste. J’ai d’abord travaillé dans l’industrie puis j’ai été enseignant. Quand tu vas voir les gens pour leur vendre, à la place de Microsoft, des logiciels libres, ils te répondent « non, parce que nous avons un contrat. » Je viens donc de l’industrie et je me souviens des surcouches par rapport aux brevets, la brevetabilité est quelque chose qui cimente tout parce que plus l’Agence des brevets a de personnes qui vont collapser ce truc-là, plus elle a d’argent et ça verrouille totalement tout ce que tu peux faire comme initiative, comme transaction ; ce sont des boîtes noires. C’est ce qu’avait négocié RMS, Stallman, un industriel qui travaillait sur une imprimante IBM qui était bloquée ; il y avait une boîte noire. Il la déplombe, il téléphone à IBM et il dit « j’ai trouvé le bug » et on lui dit « vous n’avez pas le droit, parce que, même si le bug existe, il est sous brevet ».
J’ai eu quantité de choses et pas seulement dans le domaine informatique. J’ai travaillé à Kourou en tant qu’enseignant. Quand tu vas au centre spatial, pour Jupiter, tu vois que tout est sous Microsoft. J’ai posé la question à mon copain ingénieur qui m’a dit « tous les serveurs sont sous Linux, mais ça ne fait pas sérieux. » Il faut savoir que toutes ces personnes, ces hauts responsables, ces hauts dignitaires sont effectivement sous la coupe d’ordres et ce n’est pas de l’inconscience. Quand tu leur parles, je ne sais pas si certains ont vu la réaction de madame Borne quand les enseignants viennent la voir, elle préfère tourner les talons plutôt que donner une réponse. Ils n’ont rien à répondre à ça. Le logiciel libre, les atteint dans leur ego, dans leur action, dans leur action politique, il ne faut pas oublier ça.
J’étais avec ma classe sur thefacebook [thefacebook.com], on échangeait des correspondances entre classes dans le monde entier et c’était intéressant, des gens disaient : « Des éléphants sont arrivés chez nous, ils ont tout dévasté. – Nous, nous n’avons pas pu sortir parce qu’il y avait la glace. – Nous, il y avait un ours polaire » et on nous dit « il faut tout fermer. » Qu’est-ce qui s’est passé ? L’université qui nous avait demandé de participer à l’expérience de The Facebook, s’était mise dans ce truc-là parce que eux aussi ont des brevets libéraux, et qui a racheté ? Un petit gars qui était là, qui a dit « on peut faire de l’argent, je vais mettre ça sur un serveur » et hop ! C’est devenu Facebook. Qu’est-ce que tu veux, nous nous sommes désinscrits de cette plateforme-là. Ce n’est pas de l’inconscience.

Grégory Gutierez : Renaud va répondre, et après, Renaud, si tu veux bien passer le micro au monsieur en bleu là-bas, qui est Michel Aouad, un de nos élus.

Renaud Chaput : Quand je disais qu’il n’y a pas de prise de conscience, en fait il n’y a pas de prise de conscience du problème et de la dépendance aux États-Unis. Je ne parle pas de logiciel libre, il ne faut même pas aller les voir en parlant de parler de logiciel libre, mais leur dire « attention, vous savez que s’il y a un conflit avec les États-Unis, on est vraiment mal », sans parler de logiciel libre, sans rien. Même ça, ils ne captent pas !

Grégory Gutierez : Monsieur Aouad voudrait prendre la parole.

Public, Michel Aouad : Je ne vais pas être très long. Déjà, j’aimerais remercier les équipes des Maisons de quartier et la DSI [Direction des Services Informatiques] aussi pour l’organisation de ces maisons. Remercier les intervenantes et les intervenants, parce que vous êtes venus, peut-être de loin, ça fait plaisir de vous avoir à Malakoff. Je trouve le débat, comment dire, pas animé, mais il faut qu’il y ait un peu de contradiction dans le débat, sinon ce n’est pas drôle, je vais en amener une, déjà un constat. Les réseaux sociaux, on le sait, c’est démontré pas simplement depuis Elon Musk, boycottent les partis politiques de gauche, on l’a vu dans les algorithmes, dans les parutions et dans les rythmes de parution, et ce n’est pas depuis Elon Musk, c’est depuis très longtemps. Vous disiez ça tout à l’heure, ça avait été démontré à un moment donné et même, pour aller plus loin que les forces politiques de gauche, Macron a été le président, lors de sa première campagne, le plus visible de tous les temps sur une campagne présidentielle française, tous médias confondus. Des gens ont fait des recherches pour quantifier tout ça, c’était exceptionnel, juste pour donner un exemple.
Maintenant, pourquoi contradiction ? J’espère que je ne vais pas vous brusquer, on va tous se comprendre : nous sommes face à un combat idéologique très fort des réactionnaires, des régressistes, je vais appeler ça des conservateurs, et des gens des forces de progrès. Si les forces de progrès ou les citoyens qui ont à cœur qu’elles avancent ou un citoyen qui n’est même pas encarté, qui a à cœur la liberté et tout ça, quitte X, donc, en quelque sorte, on laisse la place à des forces réactionnaires, régressistes et conservatrices, à la fin c’est quand même abdiquer face à un combat. Je sais que les gens de progrès seront boycottés, je sais que l’algorithme favorisera les autres, mais, en quelque sorte c’est laisser le terrain à ces gens-là. Est-ce qu’on a vraiment envie d’abdiquer, de laisser le terrain à ces gens-là ?
Je comprends la démarche, je ne suis pas en train de juger, je ne suis pas là-dedans. Je comprends les réseaux sociaux, la forme responsable qu’il faut, Mastodon, tout ça, je comprends le boycott d’Elon Musk, mais, en quelque sorte on leur laisse du terrain et si on leur laisse du terrain, leur puissance de nuisance, leur force de nuisance va encore s’accentuer. C’est aussi ça une difficulté. Elle n’a pas été évoqué ce soir, mais je l’ai vu évoquée par pas mal de personnes et on était pris dans une espèce de prison, parce que sortir, abdiquer ou rester mais, en même temps, se prendre de la publicité, être diminué, être malmené, violenté, tout ça. À mon avis, c’est une question difficile à traiter et je ne voudrais pas laisser penser que quitter ces réseaux sociaux-là est une solution de facilité, je ne suis pas là-dedans.

Grégory Gutierez : Non, bien sûr. Vous faites une excellente objection.
Jonathan, est-ce que tu voulais prendre la parole ? Pas tout de suite. OK. Est-ce que quelqu’un veut réagir à ces intentions et tu pourras parler de l’expérience mediapart.social.

Gaëtan Le Feuvre : Rapidement, je vais vraiment faire court. Ça fait deux ans qu’on est en questionnement, dès le rachat de Twitter par Elon Musk, qui est devenu X il y a deux ans. On s’est posé la question collectivement, nous nous sommes réunis, nous nous sommes dit « il faut faire quelque chose, est-ce que c’est bien de partir ou pas ? ». À ce moment-là, on a décidé que non, qu’il fallait attendre pour voir un peu comment ça se passait, c’est ce qu’on a fait. La question est revenue vraiment au galop dès l’automne dernier, avec l’élection de Donald Trump en novembre 2024. D’ailleurs, ce qui a vraiment bousculé les choses, c’est The Guardian qui a décidé de quitter X le premier, donc premier média britannique à quitter X, et qui a vraiment fait boule de neige. En France, le premier média qui a quitté X c’est Ouest-France suivi par Sud Ouest, je crois. C’est vraiment la presse quotidienne régionale qui a réagi, d’ailleurs en mettant en avant des questions plutôt démocratiques.
En gros, nous avons décidé de partir. L’argument, très simplement, c’est de dire « X est devenu une arme de désinformation massive ». C’est devenu très clair à partir du moment où on a vu comment l’intégralité de la plateforme a été mise au service de l’extrême droite, de l’élection de Trump et voilà. On ne peut plus lutter, à un moment il faut faire un choix, il faut prendre une décision claire, on a donc pris cette décision-là.
La deuxième chose à dire, c’est aussi qu’il faut penser aux personnes qui nous suivent, les personnes qui sont des lecteurs, des lectrices, des sympathisants, des gens qui nous suivent de près ou de loin. On considère que rester c’est aussi une façon de les mettre en danger, c’est aussi une responsabilité en tant que média, même en tant qu’institution, en tant qu’acteur qui a du pouvoir dans le débat public, de ne pas rester sur un espace comme celui-là. C’est la raison. Évidemment, ça a été débattu, on a beaucoup discuté, ce n’était pas facile de trancher, il y avait des avis très différents au sein du journal, mais globalement la tendance était quand même assez claire et on a pris cette décision-là. Je pense que c’est très bien et c’est le cas de pas mal de médias indépendants.

Hervé Poirier : Nous, nous avons quitté avant le 20 janvier, pas immédiatement avec The Guardian ou Ouest-France, j’étais contre, je voulais rester. C’était de plus en plus gênant, nous étions de plus en plus interpellés.
Nous n’avons pas de décideur, nous sommes quatre chefs, on s’arrange pour être d’accord ; si on ne peut pas prendre de décision, il n’y a personne qui a cette autorité, ça a été le principe de fonctionnement dès le début. Peut-être que moi, lâchement, je me suis dit, de façon très honteuse, « lâchons pour protéger notre réputation. Si rester sur X commence à entacher notre réputation, la valeur de notre petite entreprise va souffrir. » Ce ne sont pas des raisons glorieuses, mais la majorité des gens était pour quitter X. On prend grand soin d’Epsiloon qui n’est pas un journal engagé politiquement, on laisse le monopole de l’engagement politique au lecteur qui est plus intelligent que nous, qui connaît mieux le monde dans lequel il vit que nous, nous sommes juste à son service, nous faisons beaucoup d’efforts pour être plus bête que le lecteur. On n’a jamais de leçon à lui donner, il comprend beaucoup mieux les choses, on fait donc un grand travail de bêtise, c’est le fondement de notre travail : être plus bête que notre lecteur.
J’étais gêné, je ne voulais surtout pas qu’on parte de Twitter comme un étendard fier du combat qu’on mène contre l’obscurantisme, contre les forces rétrogrades, sans doute pas conservatrices, tristement progressistes. Je crains que Musk ne soit pas un conservateur, c’est ce qui le rend plus dangereux, je ne voulais surtout pas qu’on soit fiers de quitter X, je ne voulais pas en faire un étendard de politique. Nous sommes nés sur Twitter, on a eu un soutien énorme de la communauté des journalistes qui ont été sensibles à notre combat pour l’indépendance éditoriale quand on a quitté un très respectable journal dans lequel j’ai travaillé pendant 25 ans, Science & Vie, toute l’équipe d’Epsiloon a travaillé à Science & Vie. Par désaccord avec le nouvel actionnaire, nous sommes partis et nous avons fondé Epsiloon sur un coup de tête. Nous avons été très soutenus par les journalistes. C’est par Twitter qu’on a existé, c’est par le financement participatif qu’on a existé, donc nous sommes nés numériques quelque part.
Personnellement, ça ne me gênait pas de rester sur Twitter, j’entends l’argument et puis surtout, l’argument le plus gênant, si Zuckerberg devient masculiniste et si Bezos devient… où est-ce qu’on est, où est-ce que je vais trouver mes 25 lecteurs ? C’est compliqué.

Grégory Gutierez : Est-ce que vous avez ouvert des comptes sur des réseaux alternatifs à Twitter/X ou pas du tout ?

Hervé Poirier : On en a ouvert sur Bluesky. Pour l’instant, dans notre modèle, on a besoin d’être un média de masse. Le modèle de Mastodon, dont tu parles, est très proche des valeurs auxquelles la quasi totalité des gens d’Epsiloon croient, même si on n’est pas un journal d’opinion avec des opinions politiques, des engagements politiques. J’ai été délégué syndical de ma boîte pendant des années, mais ce n’est pas l’objet d’Epsiloon de se battre politiquement. Nous ne voulons surtout pas être plus intelligents, nus ne sommes jamais devant la mêlée à dire « voilà ce qu’il faut penser ». Je me perds dans ma réponse, je ne sais plus trop où j’en suis.

Grégory Gutierez : Très bien. Merci beaucoup.
Gaëtan tu n’as pas parlé de mediapart.social, tu pourras en parler. Est-ce que tu veux en parler maintenant ? En fait, à quoi ça vous sert d’avoir une instance sur Mastodon, aujourd’hui, pour le journal Mediapart ?

Gaëtan Le Feuvre : Par rapport à toutes les discussions qu’on a eues, c’est justement vraiment le moment de parler de la façon de construire la suite, construire des alternatives.
On prend la décision de quitter X. On commence à se poser un tout petit peu la question de la façon dont va évoluer Meta, va évoluer Facebook, on sait que ça bouge déjà, que ça va bouger, donc comment construire la suite.
On n’a pas attendu l’élection de Donald Trump pour être sur Mastodon. Mediapart est présent sur Mastodon depuis quasiment sa création en 2016/2017, nous sommes vraiment actifs depuis 2020/2021, et puis, depuis fin 2022/début 2023, nous avons notre propre instance.
Comme tu disais, n’importe qui peut s’approprier le logiciel, voire le modifier, en tout cas le mettre à jour, s’en occuper, le maintenir et héberger son propre serveur. C’est ce que Mediapart a choisi de faire. Nous avons créé notre propre serveur, nous l’hébergeons nous-mêmes, avec nos propres moyens, et on a pu, en plus, migrer. Mastodon est un réseau interopérable, si on veut changer de serveur sans problème, sans perdre ses contacts, ce qu’on ne peut pas faire quand on ferme avec son réseau Facebook, qu’on ferme son compte Twitter, on perd tout, c’est d’ailleurs pour cela que ce sont un peu des prisons, que ce sont un peu des pièges. L’avantage d’un réseau décentralisé et interopérable, c’est qu’on peut bouger sans problème.
À Mediapart, on a donc fait ça. À l’époque, je crois, 60 000 abonnés étaient hébergés sur l’instance principale de Mastodon qui est mastodon.social et nous les avons migrés sur notre instance mediapart.social. En fait, de façon totalement transparente, les gens qui nous suivaient nous suivent maintenant sur notre propre instance et aujourd’hui, en plus, on a gagné pas mal d’abonnés – comme tu le disais, Elon Musk est un formidable community manager –, on a quasiment 100 000 abonnés aujourd’hui sur Mastodon, sur notre instance Mastodon, en plus on a plusieurs comptes.

Grégory Gutierez : Je crois que vous avez plus d’abonnés sur Mastodon que le compte officiel du Monde sur Mastodon. Vous êtes le principal, le premier média francophone en nombre de followers sur Mastodon.

Gaëtan Le Feuvre : Pour moi, ce n’est qu’un début. Je pense qu’on est vraiment en train de poser les jalons de ce qui va suivre, c’est vraiment le premier réseau.
Pour répondre à ce que tu as dit tout à l’heure, qui m’a fait penser à ça, c’est la question de l’indépendance. À Mediapart, c’est quelque chose qui nous est vraiment très cher, évidemment, ceux qui sont abonnés le savent. L’indépendance économique de l’entreprise de presse qu’est Mediapart, c’est fondamental, ça permet d’être indépendant de toutes les formes de pouvoir, les formes de pouvoir économique, c’est une forme d’indépendance qui garantit ensuite l’indépendance éditoriale, donc des contenus qu’on produit, des vidéos, des articles. On n’a aucune pression de quiconque pour faire des enquêtes.
La troisième grande indépendance qui me semble très importante, c’est l’indépendance technique, c’est-à-dire que notre architecture technique, l’hébergement de nos données doit être géré de façon indépendante.
Je trouve qu’il y a un nouveau sujet qu’il est intéressant de discuter, c’est l’indépendance de l’accès au public, l’indépendance de l’accès aux audiences, comme tu disais, voir que les algorithmes empêchent l’accès aux audiences, rendent l’accès à l’information difficile. Quand je dis « accès aux audiences », ça va dans l’autre sens, c’est donner aux citoyens la possibilité d’accéder à l’information. Cet accès à l’information est rendu possible par les nouveaux réseaux qui se développent comme Mastodon, comme le fédiverse. Il y a énormément de potentialités, il reste juste à comprendre comment ça marche et à y aller. Quand je dis « comprendre comment ça marche », je ne parle pas des utilisateurs parce que, en réalité, c’est très simple, c’est vraiment très simple, je parle vraiment en termes politiques et en termes de décisions politiques dans nos journaux, dans nos institutions, il faut vraiment convaincre en interne pour qu’on y aille.

Grégory Gutierez : Merci beaucoup.
Ça fait un peu plus d’une heure qu’on discute, deux personnes ont fait signe qu’elles voulaient prendre la parole, ce sont deux hommes. J’ai compté qu’il y a au moins une dizaine de femmes dans la salle et, pour le moment, on n’a pas entendu une seule voix de femme. Merci Dominique qui lève la main. Tu es la première d’une longue liste. Tu peux te présenter.

Public, Dominique Trichet-Allaire : Merci. J’ai hésité à prendre la parole tout à l’heure quand tu as voulu faire le débat plus vif, Michel.
Je suis Dominique Trichet-Allaire. je suis investie en politique, je suis militante écologiste et en effet, dans notre parti, ça a déjà été dit, ça a été des grandes questions. D’abord, on est à fond sur les logiciels libres, sur la promotion des logiciels libres, on sait vraiment toute l’importance, la nécessité que ça a par rapport à la liberté, à la démocratie aussi. Je ne vais pas décliner plus que ça.
Pour revenir sur les réseaux sociaux, être sur Twitter, ne pas être Twitter, ça a fait l’objet de grands débats chez nous. Vous l’avez très bien dit, à l’origine, sur Twitter, il y avait beaucoup de personnes politiques, de journalistes, il y avait plus de personnes politiques que de journalistes, plus de journalistes que de personnes politiques. Moi-même il y a encore quelques années sur Twitter, j’étais en relation directe avec deux journalistes, un de France Inter et une de Mediapart, donc c’est génial, en tant que politique on peut discuter directement avec des journalistes.
Plein de personnalités politiques, chez les écologistes, ont énormément de followers, avaient énormément de followers chez Twitter. On parle de Twitter, je parle encore de Twitter et pas de X.
En effet, et vous l’avez dit, quelque part ça nous enferme, ça a donc été assez dur de prendre la décision, mais on l’a prise : ce n’est plus possible, on ne peut plus continuer à être sur ces comptes-là, sur Twitter, sur X vu ce qu’il s’y passe. À un moment donné, n’est-ce pas se compromettre, parce qu’on alimente un système qui véhicule des idées d’extrême droite, nauséabondes, contre lesquelles on lutte ? Comment peut-on lutter contre ces idées-là dans notre programme politique et continuer à utiliser les outils qui contribuent à ça ? À un moment donné, on devient schizophrène, ce n’est plus possible. Quelque part, je me suis dit c’est comme quand Sophie Binet, la responsable de la CGT, refuse de parler à CNews, elle se prive d’un média, mais, si elle le fait, c’est pour ne plus alimenter les idées nauséabondes de CNews. C’est exactement la même chose. À un moment donné, la question c’est : rester n’est-ce pas participer à la propagation des idées d’extrême droite ? Et nous, les écologistes, même si, du coup, on a perdu beaucoup d’audience, moi j’ai perdu le contact direct avec les journalistes, eh bien tant pis ! Je n’avais pas des dizaines de milliers de followers comme certains en avaient, j’en avais juste 3000. Maintenant je suis sur Mastodon, je n’en ai pas encore 3000 mais ce n’est pas grave, je sais que j’ai eu raison de le faire.
Je n’avais pas de question !

Grégory Gutierez : Merci.

Renaud Chaput : Je voulais juste réagir un petit peu parce que je discute beaucoup de ce sujet-là, quitter X, récemment c’était avec France Médias Monde, donc France 24, RFI, qui se posent la question : quoi faire ? Eux disent qu’ils ont une mission d’information, une mission de service public, beaucoup en Afrique. France Médias Monde c’est France TV à l’international, ils ont toutes les chaînes françaises qui émettent à l’international. Ils disent qu’ils ont besoin de transmettre tout ça, ils luttent beaucoup contre les fake news, ils luttent beaucoup pour la liberté de l’information, ils disent « si on s’en va de X, on perd 70 millions d’abonnés qui vont se retrouver à ne plus voir que des articles d’extrême droite, des articles orientés ».
Je ne dis pas qu’il faut forcément quitter. Oui, c’est important de fournir l’information là où sont les gens. Par contre, c’est important de ne pas légitimer ces réseaux. Si ces réseaux sont mauvais, au lieu de se dire « on n’a pas le choix, on y reste », il faut se demander quelles sont les solutions pour que dans cinq ans on n’ait plus besoin de ces réseaux et on n’ait plus à en sortir. Dans la discussion qu’on a avec eux, on leur dit qu’ils peuvent continuer à poster sur leurs réseaux, mais quand ils disent « suivez-nous », c’est simple, ils ne disent plus « suivez-nous sur X », ils vont dire « suivez-nous ailleurs ». Si un journal, si un politique, si Emmanuel Macron ou si les journalistes qui reprennent ses communiqués de presse arrêtent de dire « Emmanuel Macron a dit sur X », et disent « Emmanuel Macron a dit dans un communiqué, Emmanuel Macron a dit ailleurs », on va arrêter de faire implicitement de la pub pour ces réseaux et de mettre dans le débat public le fait qu’il faut être sur ces réseaux pour exister, pour communiquer.
Je reviens à mon exemple de la SNCF et des trains parce que ça m’énerve. Je les ai vus, ils ont dit « il n’y a personne sur Mastodon, on ne va pas venir dessus, les gens sont sur Twitter. » Mais, si sur tous les écrans SNCF, on écrit « pour savoir si votre train est en retard, venez nous voir sur Mastodon », les gens ne vont pas dire « ah non, je préfère ne pas aller sur Mastodon, je préfère ne pas savoir si mon train est en retard ! » Ils vont venir. Il y a donc une petite lâcheté de ces grands organismes publics, de ces politiques de dire « on ne vient pas sur ces nouveaux réseaux parce qu’il n’y a personne » ! S’ils parlaient de ces nouveaux réseaux, il y aurait des gens. C’est un peu le retournement de la charge, ce qui se produit dans beaucoup de débats, c’est une technique de débat assez malhonnête que de dire « c’est à vous Mastodon de devenir gros et ensuite on viendra », quand ce sont eux qui ont les clés pour faire en sorte qu’on grossisse et qu’on devienne connu.Il y a ce côté-là.
Je ne suis pas dans « il faut quitter X et tout ». Oui, il faut quitter X à terme, je comprends que c’est encore important pour communiquer avec les populations, mais au moins se poser la question des alternatives qui existent, commencer à exister ailleurs pour se donner la possibilité, dans quelques mois ou quelques années, de ne plus y être parce qu’on a réussi à faire grossir autre chose qui est mieux, qui convient plus à nos idées, à une certaine vision de la société, et c’est maintenant qu’il faut commencer à le faire.

Grégory Gutierez : Merci. Messieurs, nous monopolisons la parole en boys’ club. Est-ce que d’autres femmes veulent prendre la parole. Madame et après Bénédicte.

Public : On ouvre aussi la parole aussi aux hommes !

Public : Merci pour cette soirée très agréable. Je suis juste utilisatrice de Mastodon. Je me pose une question. Vous qui êtes certainement plus sachants que moi sur la dynamique des réseaux, vous avez probablement la réponse à cette question. Le principal problème de X, on va dire que c’est un nazi bar, c’est nazi, clairement. Quelle est l’audience de Truth Social, le truc de Trump ? Quelle est l’audience de Gab [12] ? À mon avis, ce n’est pas grand-chose, je n’ai pas les chiffres, si vous pouviez les donner, ce serait bien.
Un truc qui fait la force de Twitter, de X, c’est le fait que nous, gens progressistes, de diverses tendances, peu importe, ou apolitiques, on reste et on leur sert la soupe, on fait un peu les idiots utiles, je n’y suis pas, c’est un « nous » global. Du coup, si on s’en va, ils ne sont plus que Gab, ils n’ont plus rien, ils n’ont plus de force.

Grégory Gutierez : Peut-être qu’on peut passer la parole à Bénédicte et après expliquer ce qu’est Truth Social et Gab pour les gens qui ne connaissent pas.

Public, Bénédicte Ibos : Je suis aussi élue à Malakoff. J’avais une question, mais je pense qu’on n’aura pas la réponse tout de suite. Il faudrait qu’on se revoie pour qu’on voie la réponse à ma question. Je vous explique.
Petite parenthèse, j’ai quitté X dès que ça s’est appelé X, je ne me suis même pas posé de question, je ne me suis pas fait des nœuds au cerveau, je n’ai pas joué à pile ou face. J’ai dit « ça s’appelle X, bye », ça a été très clair. Une fois que j’ai dit ça, ma question.
Comme je suis élue locale à Malakoff, comme je participe à de magnifiques événements comme ce soir, je fais toujours mon petit post Facebook, je n’ai pas encore quitté Facebook, parce c’est vrai que c’est un lien direct avec la population.
Je me posais la question d’ailleurs avec ma voisine, nous nous posions la question puisque je suis sa porte-parole. Dans ce cas-là, je vais faire mon petit compte-rendu tout à l’heure, quand je vais rentrer, je sais déjà un peu son contenu. Qu’est-ce qui va se passer ? Est-ce que je vais avoir un gros message « nous censurons cette personne, elle ne peut rien dire », parce que je vais dire ce que je pense des réseaux sociaux. Est-ce que je vais avoir la liberté de le dire ? Est-ce qu’à un moment ou à un autre mes critiques ne vont plus passer ? Je vais le faire ce soir, mais je ne sais pas ce qui va se passer.

Grégory Gutierez : On vous donne la parole après. Je répondrai à Bénédicte après si tu veux bien. Vas-y sur Truth Social et Gab.

Renaud Chaput : Je vais répondre aux questions de Madame pour resituer.
Vous avez cité Truth Social et Gab. En fait, ce sont des réseaux sociaux qui se sont créés en mode « nous les nazis, nous l’extrême droite, on ne peut plus rien dire sur les réseaux, on va donc créer notre propre réseau social. »

Grégory Gutierez : À cause du virus woke.

Renaud Chaput : « Parce qu’on nous censure, parce qu’aux États-Unis les boîtes technologiques sont progressistes et censurent les voix conservatrices. » Toutes les études ont prouvé que c’est faux, mais les conservateurs sont persuadés qu’ils ne peuvent plus rien dire de nos jours, on ne leur donne plus le micro à la télé, ils n’ont plus de chaîne, ils ne peuvent plus parler, Le Figaro n’existe plus, tout ça. Ils ont donc créé leur propre réseau social et il y a quelque chose de rigolo. On a dit que Mastodon est un logiciel libre, tout le monde peut se l’approprier, ils ont pris le code de Mastodon, ils l’ont renommé truth.social et ils ont créé leur réseau social basé sur Mastodon qui est à l’antithèse de leurs idées, mais on ne peut pas l’interdire, on a dit que tout le monde peut le réutiliser. Quand ils l’ont créé, le premier truc qu’ils ont fait c’est de fermer ce qu’on appelle la fédération, ils ont fermé la possibilité de discuter avec d’autres instances, avec d’autres serveurs, juste pour rester entre eux. Donc ils ont créé leur réseau social. Globalement si vous venez, vous êtes d’extrême droite, vous parlez avec des gens d’extrême droite. Leur audience est ridicule, c’est une communauté restreinte qui s’auto-alimente. Ils postent beaucoup, ils vont poster 50 fois par jour pour dire « attention, les femmes ce n’est pas bien, les gays ce n’est pas bien… », ils repostent, ils repostent et c’est un vase clos. Malheureusement, leurs chiffres ne sont pas publics, je ne peux donc pas les donner. Ce n’est pas public parce que, derrière, les gens qui ont fait ça pour se faire de l’argent en mode « on va créer un réseau social de conservateurs qui vont nous donner de l’argent pour exister, pour pouvoir donner leurs idées sans aucune modération, sans aucune censure. »
Un attentat a été organisé sur Gab, le gars a posté pendant des mois « je vais faire aller me faire des Noirs » et tous les gens disaient « oui, mec, vas-y » et il l’a fait parce qu’ils sont entre eux. Et malheureusement, des gens, derrière, se disent « ces gens-là sont motivés, ils cliquent, ils vont nous donner d’argent », donc ils affichent de la pub pour des armes. Ce sont vraiment des réseaux sociaux ignobles, ne mettez jamais la main là-dessus, c’est très américain, n’allez jamais regarder ce qui se passe là-dessus. Donc, on ne sait pas parce que ces réseaux sociaux sont en bourse ; truth.social appartient en partie à Donald Trump, c’est en bourse, il y a des investisseurs qui mettent de l’argent dedans, qui disent « cool, c’est un bon investissement, je vais mettre mes économies là-dedans pour gagner plus d’argent à la fin du mois. » On n’a donc pas leurs chiffres. En fait, c’est très ridicule, il n’y a quasiment personne, par contre, les gens qui y sont sont extrémistes. Ces réseaux sont vraiment ignobles.
Donc oui, ça peut exister, et c’est ce qui se passe quand il n’y a pas ce que j’appelle la défense immunitaire du réseau. La majorité des gens, j’en suis convaincu, sont bons, n’ont pas la haine de leur prochain et compagnie. Quand vous commencez à publier ça sur un réseau social, même s’il n’y a pas de modération, vous allez avoir les gens qui vont venir vous voir, vous allez avoir la famille sur Facebook si vous commencez à poster des idées nauséabondes qui va vous dire « arrête de poster ça, tu me fais honte » ou qui va arrêter d’interagir avec vous. Il y a ce côté défense immunitaire, c’est donc pour cela que ce genre de chose n’arrive pas pour l’instant.
Pour faire le parallèle avec X, maintenant on en est à un mode où ils mettent ça en avant.
J’ai discuté avec Sandrine Rousseau qui disait qu’elle a arrêté de faire gérer ses réseaux sociaux par ses assistants parlementaires, qui travaillent pour elle, parce qu’elle en avait une qui était partie en arrêt maladie pour dépression en lisant juste les messages que Sandrine Rousseau recevait dessus, des messages qui étaient mis en avant. Ils se sont aperçus, au bout d’un moment, qu’il y avait aussi des messages de soutien, mais ce n’était pas ceux que Twitter affichait. Twitter devait faire une sélection « qu’est-ce que j’affiche à madame Sandrine Rousseau ? Je regarde les réponses à ses posts. Je vais afficher tous ceux qui l’insultent. » Il y a donc un vrai côté malsain qui n’a pas existé pendant longtemps mais qui existe sur Gap, qui existe sur truth.social, qui commence à exister de plus en plus sur X. Il faut avoir conscience que ça existe aujourd’hui.

Grégory Gutierez : Merci.
Je vais me permettre de répondre à la question de Bénédicte Ibos qui est aussi élue locale ici à Malakoff, qui veut chroniquer la soirée de ce soir sur Facebook. Ça m’intéresse d’avoir ton expérience là-dessus. Il y a un réseau social qui fait partie de ce qu’on appelle le fédiverse, à base de logiciels libres, un réseau social qui s’inspire d’Instagram, de l’Instagram des débuts, c’est-à-dire un réseau social où on poste des photos, on commente des photos et on s’échange des photos, et uniquement ça, en mettant aussi des vidéos depuis peu, ce réseau social s’appelle Pixelfed [13]. Vous pouvez vous-même créer un compte dès demain et commencer à poster des photos dessus. Il y a quelques mois, je crois, des articles de presse avaient mentionné Pixelfed comme une alternative à Instagram et sur Facebook on s’était aperçu que des utilisateurs d’Instagram venaient sur leur Facebook pour dire « j’ai aussi ouvert un compte sur Pixelfed pour voir si ça marche » et leurs commentaires étaient supprimés, ils ne respectaient pas les règles de Facebook du moment. Je ne sais pas si c’est encore le cas aujourd’hui, en tout cas il y a eu plusieurs exemples comme ça. Il y a eu aussi d’autres exemples sur Twitter au moment de la grande migration de novembre 2022 de Twitter vers Mastodon. À un moment, les liens que vous mettiez vers mastodon.social/le nom de votre compte, n’apparaissaient plus sur Twitter, c’était censuré de manière silencieuse, rien ne disait que c’était fait, juste l’information n’apparaissait pas.
Donc, si ce soir ou demain tu postes sur Facebook en donnant le lien vers ton compte Mastodon que tu as créé récemment, je suis curieux de savoir si ça va apparaître ou pas. Tu me le diras.
Je laisse la parole. Vous prendrez la parole après. Madame voulait prendre la parole. Depuis tout à l’heure, Rodéric et Hugo veulent prendre la parole, mais d’abord Madame, je vous donne le micro.

Public : Merci. Je s’appelle Christine. Je suis syndicaliste. Je suis malakoffiote. Je suis libriste. Je suis aussi adhérente à l’April. Je voulais dire trois trucs.
D’abord sur la prise de conscience politique et syndicale. Dans mon syndicat, j’essaye de promouvoir le Libre depuis 30 ans maintenant, ça fait bien longtemps, et en fait non, ce n’est pas possible. C’est difficile, je ne sais pas, on dit que c’est technique, donc on est très loin. Ce que tu as dit tout à l’heure sur Mastodon est hyper important, il faut le savoir, mais ça échappe encore, je ne sais pas pourquoi.
La deuxième chose que je voulais dire, c’est l’aspect fragile, ce que tu as aussi dit, la fragilité qu’on a en n’utilisant que des réseaux centralisés et même, à la limite, le jour où on n’aura plus de courant on n’aura effectivement plus de moyens de communiquer, c’est aussi le jour où on n’aura plus de réseau téléphonique, réseau par fibre, etc. Il faut aussi qu’on ait un peu en tête cette fragilité. Au moment des émeutes, on a coupé je ne sais plus quel réseau, TikTok, qui permettait aux jeunes de…
Le troisième que je voulais dire, c’est que j’étais sur Facebook, je n’y vais plus souvent, mais si j’y vais c’est pour voir ce qui se passe à Malakoff, je rebondis sur ce que tu disais tout à l’heure. J’ai des amis, des amis lointains, mais aussi des amis locaux. Tout à l’heure, dans la réunion des femmes juste avant, on a mentionné une plateforme que je ne connaissais pas, nous.malakoff.fr [plateforme participative]. Du coup, je me demande si, pour la ville, on ne pourrait pas créer une instance Mastodon qui permettrait de faire Malakoff sur Mastodon, qui nous permettrait de faire de la pub sur tous les groupes malakoffiots sur Facebook et de partir. C’est une idée.

Grégory Gutierez : Je réagirais après, si vous voulez bien, mais Rodéric et après Hugo qui avait aussi demandé la parole. N’hésitez pas à vous présenter.

Public, Rodéric Aarsse : Bonjour à toutes et à tous. Je me présente, je suis Rodéric Aarsse je suis aussi élu à Malakoff, désolé.
Je voulais dire qu’au mandat précédent j’avais la délégation qui s’appelait « réseaux numériques ». C’est la première fois qu’à Malakoff la question sortait. On a discuté avec Greg [Grégory Gutierez] et, sur cette mandature, on l’a appelée la délégation « Numérique et citoyenneté ». Pour nous, c’est un vrai acte politique.
Je voulais aborder ça aussi sous l’angle politique, peut-être faire un peu mon vieux dans l’histoire et parler du siècle dernier. Au siècle dernier, au début d’Internet si vous voulez, il y avait le réseau Altern.org, je ne sais pas si vous vous souvenez, qui hébergeait gratuitement, etc. Altern.org a été poursuivi parce que quelqu’un publiait des photos d’Estelle Halliday et c’est l’hébergeur qui a été tenu responsable. Valentin Lacambre a fermé son réseau Altern.org en disant « je suis là pour ouvrir des serveurs, faire du partage, des trucs en commun, pas pour aller en prison, donc je ferme. »
J’ai fait partie de l’équipe de départ de Ouvaton [14], la coopérative d’hébergement internet qui s’appelle Ouvaton. On a monté Ouvaton, qui était membre de l’April. Ouvaton était justement sur la question de la liberté. La force d’une coopérative c’est que tous les membres, tous les actionnaires membres de Ouvaton pouvaient prendre des décisions en commun et ça n’a pas manqué : le jour où on a eu une plainte en justice, c’est-à-dire que la RATP et Métropub, le publiciste, nous ont attaqués parce qu’on hébergeait Stopub qui donnait des rendez-vous pour repeindre les publicités dans les stations de métro, ils ont attaqué l’hébergeur, ils nous ont traînés en justice. On a demandé à nos coopérateurs « qu’est-ce qu’on fait ? On donne les infos ou on ne les donne pas ? ». Ils ont dit « non, on meurt debout s’il faut, mais on ne donnera jamais les infos, on reste dans le cadre judiciaire, etc. ». J’ai la fierté de dire qu’à l’époque Ouvaton a fait de la jurisprudence par rapport à ça sur la liberté, etc. Je suis encore chez Ouvaton, d’autres personnes ont pris le relais, etc., et j’en suis ravi.
Tout à l’heure on a parlé de ces mass media, de ces forces que sont Twitter, Facebook, tous ces trucs-là. La question que je me pose, la question que je vais vous poser : pourquoi sommes-nous si divisés ? Excusez-moi, l’hébergeur c’est quand même la base du truc, c’est là où on met les serveurs, c’est quand même le nœud de départ de l’histoire. On est obligatoirement sur des datacenters, on n’arrive même pas à avoir nos propres datacenters.
Quand Ouvaton a proposé à d’autres l’alternative d’Internet, dont l’April, en disant « on a des baies on met des serveurs, est-ce que d’autres veulent venir ? ». Non, chacun était sur son serveur, dans son coin, etc. Mon analyste du problème c’est qu’à l’époque ceux qui géraient les serveurs étaient plutôt des programmeurs et les programmeurs, quand on les met ensemble, ce n’est jamais un truc super convivial où ils arrivent à travailler ensemble. Désolé, je suis un peu cash. En fait, c’était compliqué de créer de la dynamique. Ce qui me rend triste, c’est que 25 ans après, Ouvaton c’est 2001, avec des aspects différents parce que ce sont des réseaux sociaux, on se pose un peu les mêmes questions. Soyons moins divisés pour proposer une véritable alternative, par exemple qui connaît CHATONS [15] ? CHATONS, c’est-à-dire le regroupement des hébergeurs alternatifs sur Internet. Avec les sous que nous donns tous les mois, etc., faisons le choix, même si ça nous coûte un petit peu plus cher, d’aller dans le milieu coopératif, d’aller dans le milieu alternatif, dans militant. Tout ça c’est politique, il faut aussi que ça s’inscrive dans notre démarche quotidienne.

Magali Garnero : Je vais prendre la parole. Je vais remonter très loin en arrière. Je ne me souviens plus de votre prénom, Monsieur en bleu, Michel. J’ai eu la même interrogation que la tienne avec les réseaux sociaux comme le fédiverse, j’ai toujours l’impression qu’on fait de l’entre-soi. Nous sommes entre nous, nous sommes tous convaincus et c’est vrai que ne plus poster sur Twitter, ça fait perdre des gens. Oui, mais on est invisibilisé, on est totalement invisibilisé sur ces réseaux-là, donc même les gens qui nous suivent ne voient pas nos messages. Est-ce que ça vaut encore le coup de poster ? Je ne sais pas. L’April a décidé de laisser une page, mais elle est figée, c’est juste « si vous voulez des nouvelles, allez-là : le site internet et le compte Mastodon. » On y est encore, mais avec la possibilité de nous suivre ailleurs.
Je me dis que tu as raison : si la SNCF, si les villes, si le gouvernement disaient « allez nous suivre sur Mastodon, les gens seraient obligés – je n’aime pas trop obliger les gens – de venir sur ces réseaux-là et forcément ces réseaux-là grossiraient. C’est en montrant l’exemple qu’on va avoir des réseaux qui seront plus importants, où il y aura plus de monde et où ce sera plus intéressant d’aller parce que, justement, il y aura tel journaliste, il y aura tel élu local, il y aura telle personne qui répondra plus rapidement sur Mastodon que sur Twitter.
Ensuite, j’ai entendu autre chose de Rodéric. D’ailleurs, tu as le bonjour de Fred Urbain. J’ai été missionnée, sur les réseaux sociaux, pour te donner le bonjour de Fred Urbain, j’espère que tu vois qui c’est.
Tu parles de solidarité des développeurs, des programmeurs et ainsi de suite. Je trouve que Mastodon est un exemple parfait pour montrer à quel point il est possible que des développeurs, des programmeurs discutent, parce que toutes les instances différentes sont reliées les unes aux autres. Ce n’est pas vrai parce que nous avons bloqué certaines instances un peu nauséabondes. Donc parfois, il y a un travail qui est fait par la modération, on n’a pas beaucoup parlé de la modération. La modération ce sont les gens qui disent « tel message, tel post n’est pas beau, il est nauséabond, il est raciste, il est sexiste et ainsi de suite » et chaque instance a sa propre politique de modération. Si vous voulez voir des propos racistes, vous pouvez choisir votre instance qui modérera tous les propos non racistes de son instance. Au contraire, si vous voulez des instances sympathiques, dans ces instances-là il y aura des gens adorables qui feront ce qu’on appelle la modération, qui effaceront certains messages pas très sympathiques, qui fermeront les comptes de personnes qui ont rien à faire là, qui bloqueront des instances qui n’ont pas non plus à apparaître.
J’ai parlé de la solidarité, en même temps j’ai parlé de l’exclusion.
Tu as dit le mot interopérabilité ou interopérable, je ne sais plus qui a dit ce mot-là. C’est toi ? Je t’adore [en se tournant vers Gaëtan Le Feuvre, NdT].
On a tendance à utiliser le mot compatibilité qui est pas mal, mais qui n’a pas ce côté un peu technique du mot interopérabilité ; ce mot doit rapporter vachement de points au scrabble !
Tu as parlé des chatons, je suis désolée, j’ai pris des notes à chaque fois. Les chatons ce sont des petites associations, à part trois/quatre entreprises un peu plus grosses, qui sont solidaires entre elles, qui vont vous proposer des alternatives à tous les produits des GAFAM. Par exemple, vous ne voulez pas utiliser Google Docs, vous allez avoir Etherpad ; vous ne voulez pas utiliser Google Forms, vous allez avoir plein d’autres logiciels, plein d’alternatives. C’est chatons.org. Vous trouverez forcément votre bonheur là-dessus et, derrière, ce ne sont pas des entreprises qui sont là pour voler vos données, ce sont plutôt des entreprises qui sont là pour essayer de survivre, souvent, mais aussi pour proposer des services éthiques.
La dernière question sur les gouvernements qui n’ont pas cette vision. Ça fait bientôt 30 ans que l’April existe, ça fait 30 ans qu’on fait du plaidoyer politique, ça fait 30 ans que des gens votent des lois liberticides et parfois, de temps en temps, il y a une loi qui passe comme quoi maintenant l’administration ne doit plus utiliser les services de cloud de Amazon et Google et là on fait waouh ! Et on découvre que le ministère du Travail s’autorise, se donne des dérogations d’année en année pour pouvoir continuer à utiliser le cloud d’Amazon ou le cloud de Google [il s’agit du de Microsoft et de la suite Office 365,NdT] [16] alors qu’une loi devrait l’empêcher de le faire.
Certaines personnes ont des visions politiques et arrivent à les faire passer de temps en temps, mais il a quand même ces contrats avec les grosses entreprises tech qui sont toujours là pour faire de l’argent. J’ai l’impression que c’est un peu ça le sujet, ce ne sont pas les réseaux sociaux, c’est faire de l’argent ; il y a ceux qui veulent faire de l’argent et ceux qui veulent respecter les droits des citoyens. On a donc des contrats genre « Open Bar » de Microsoft. Au départ la dose est gratuite, tu avais raison sur la drogue, et après il faut payer et nos impôts vont à Microsoft, vont payer des licences qui pourraient être totalement inutiles si on utilisait autre chose, mais c’est dur de sortir de sa zone de confort parce que tout le monde connaît les produits Microsoft et il faudrait former les gens à utiliser autre chose.

Grégory Gutierez : C’est un débat passionnant qu’on ne va pas entamer à 21 heures 30.

Public : On a déjà parlé l’an dernier ic, on avait parlé de logiceil libre.

Grégory Gutierez : C’est vrai. L’an dernier on avait diffusé le documentaire LoL – Logiciel libre, une affaire sérieuse [17].

Magali Garnero : Par contre, j’ai une réponse pour Facebook. Ça fait plus de 12 ans que sur Facebook, ils ont tendance à fermer des groupes et à fermer les comptes qui vont à l’encontre du système. Plein de petites associations ont des petits groupes Facebook parce que tout le monde est sur Facebook, partagent un agenda avec des événements et, du jour au lendemain, ça disparaît. Je ne dis pas que ton agenda, que tes événements vont disparaître, tu es élue locale, peut-être que tu es protégée et je te souhaite, mais dis-toi que s’ils ne le font pas à toi, ils vont le faire à d’autres. Donc aller faire des choses là-bas c’est aussi les cautionner et leur permettre de te le faire subir.

Grégory Gutierez : Merci. Je voulais répondre à Madame, la syndicaliste, Christine, sur Malakoff. Le site internet qu’on a évoqué lors de l’autre évènement, tout à l’heure, sur une maison des femmes à Malakoff, c’est un site internet qui s’appelle nous.malakoff.fr, qui a été proposé par la mairie. C’est pour les Malakoffiots et les Malakoffiotes qui le souhaitent, qui peuvent créer un compte gratuitement, évidemment, sur cette plateforme et participer à plusieurs initiatives citoyennes, notamment l’élaboration des ordres du jour des prochains conseils de quartier, le budget participatif qu’on propose et d’autres initiatives.
C’est un prestataire technique qui a ouvert pour nous ce site internet et qui le gère. Il y a beaucoup de choses à faire, notamment en termes de modération des publicités sauvages qui essayent d’arriver sur les commentaires dans les différents projets. C’est un travail quotidien et lourd pour les études de la mairie. Ce prestataire est français, une petite boîte française, utilise un logiciel libre qui s’appelle Decicim [18]. En catalan, decidim veut dire « nous décidons ». C’est un logiciel qui a été développé en 2015 je crois, à Barcelone, à l’époque où la gauche, que certains appellent la gauche extrême, radicale, la gauche, avait pris le pouvoir à Barcelone et avait décidé de développer, en suivant les principes de l’open source et du logiciel libre, ce logiciel de fédération des gens pour décider ensemble. Ce logiciel a fait florès. Aujourd’hui, beaucoup de collectivités territoriales ou de mairies utilisent Decicim, évidemment avec un nom local. Chez nous c’est nous.malakoff.fr.
En revanche, pour ce qui est de Mastodon, Malakoff n’a pas ouvert d’instance Mastodon, vous n’avez pas une instance qui s’appelle malakoff.social où vous pouvez créer votre compte. C’est techniquement faisable et possible, après est-ce que c’est intéressant, on ne s’est pas posé la question. J’avoue que je me suis posé la question et je me suis dit qu’il faudrait que j’essaye d’attirer l’attention de mes collègues élus pour en discuter, mais je ne sais pas, après c’est beaucoup de modération, c’est quand même un peu chaud.
En revanche en janvier, lors d’une discussion avec madame Jacqueline Belhomme, la maire, on a parlé de X et des problématiques. Elle m’a dit : « Je n’en peux plus de X, c’est horrible ! Quand j’ouvre mon compte sur X, j’ai des propos homophobes, sexistes, tout le temps, alors que je n’ai rien demandé, c’est insupportable, on ne peut pas rester là, c’est impossible, il faut faire quelque chose. J’ai entendu parler d’un truc qui s’appelle Mastodon, qui est très bien. » Je lui en ai parlé et on a décidé. Ça a fait débat au sein des élus de la majorité municipale, mais on a décidé de fermer le compte X de la mairie, justement parce qu’on ne voulait pas que les Malakoffiots et les Malakoffiotes soient obligés d’aller sur un site comme X pour avoir des informations locales, tout en ayant à côté la dernière diatribe de Elon Musk sur le virus woke qui contamine les gens ou pour dire qu’il considère qu’un de ses enfants qui est trans est mort pour lui. Il l’a écrit comme ça, c’est vraiment violent. On a donc fermé le compte X et on a ouvert, en parallèle, un compte sur Mastodon et un autre sur Bluesky. L’équipe en charge de la communication publie sur les deux comptes, en parallèle, et on regarde comment les gens réagissent sur chacun de ces comptes. Dans quelques mois, peut-être on prendra-t-on la décision de fermer l’un ou l’autre ou de garder les deux.
J’ai quelques exemples de comptes politiques qui ont ouvert en même temps sur Bluesky et sur Mastodon et étonnamment, parce que la mode c’est « Bluesky c’est bien, c’est là où il faut aller, il y a 30 millions de personnes », il y a beaucoup plus de réaction des gens sur Mastodon, et il y a plus de followers. On parle de quelques dizaines, ce n’est pas énorme, mais Mastodon prend bien, sans doute parce que la plupart des instances Mastodon sont en Europe et pas aux États-Unis ou en Amérique latine. Sur Bluesky il y a beaucoup plus de monde, 30 fois plus que sur Mastodon, mais beaucoup de personnes sont à l’étranger, au Japon, aux États-Unis ou en Amérique latine et qui ne parlent pas français.
On fait un dernier round, une ou deux questions peut-être. Pardon Hugo, je t’ai oublié, je suis vraiment désolé. Hugo et d’autres personnes, vous Monsieur, et après on va terminer avec un dernier tour de table. Hugo.

Public, Hugo : Bonsoir à tous. Merci pour les échanges, c’est très intéressant. Pour le coup, je n’utilise pas du tout Mastodon, par contre j’ai ouvert un compte Bluesky, je m’y intéresse forcément et puis j’utilise les réseaux sociaux dans mon travail, ça m’ouvre aussi des fenêtres sur ce que c’est.
D’abord une petite question pour Gaëtan sur l’affluence sur le site de Mediapart depuis que vous avez quitté X : est-ce que ça a joué, ou pas ? Je suis un peu curieux de le savoir.
Et puis, deuxième chose, c’est plutôt une réflexion globale sur le débat qu’il y a eu là.
D’abord, je ne pense pas que Mark Zuckerberg soit né nazi, Trump non plus d’ailleurs. Par contre, ce qui est sûr, c’est qu’aujourd’hui les grands, les capitalistes de manière générale, ont décidé de marcher main dans la main avec l’extrême droite. L’avènement de Trump aujourd’hui et ce qu’il représente, on en vient là, c’est-à-dire que c’est l’aboutissement du soutien des capitalistes à l’extrême droite.
Je trouve très intéressant ce qu’a dit Madame, le nazi bar en parlant de X. Je trouve que dans le débat public et même en allant au bar, tout simplement, on est de plus en plus confronté à des discours xénophobes, sexistes, validistes, etc., mais tout cela c’est aussi l’aboutissement de quelque chose. C’est-à-dire que ce n’est pas seulement sur les réseaux sociaux que l’extrême droite fait son chemin, c’est aussi à la télévision, on peut le voir aujourd’hui avec Touche pas à mon poste ! [émission de télévision créée et présentée par Cyril Hanouna, NdT], le groupe Bolloré de manière générale. Le service public résiste encore un peu à tout ça, mais, en tout cas les groupes privés font la part belle à l’extrême droite, ce qui provoque donc le fait d’avoir un nazi bar sur X et dans la vraie vie aussi.
Ce que vous dites sur nous.malakoff ou autre est intéressant. Il y a la version open source, libre d’accès, etc., qui ne viendrait pas en contradiction avec ça. Est-ce qu’on ne pourrait pas se poser aussi la question de la création d’un service public du réseau social d’une certaine manière ? À ce moment-là, ça voudrait dire que la SNCF, la RATP, etc., pourraient communiquer de manière propre, Emmanuel Macron également, on l’a évoqué. D’une certaine manière, ne pourrait-on pas en venir à un service public lieu du réseau social ? Débat ouvert, vous pourrez répondre.
Je m’interroge aussi un petit peu sur les limites de Mastodon. J’ai bien compris qu’il y a des généreux donateurs et des gens qui ont des serveurs chez qui permettent d’héberger, tout cela a-t-il une limite ? On peut se poser la question, forcément. Aujourd’hui, tout le monde est attaché à Wikipédia parce qu’il y a une accoutumance à Wikipédia, quand on cherche une information on va regarder sur Wikipédia. Demain, si je me pose une question, si j’ai envie de suivre l’actualité, je vais forcément me tourner vers Mastodon, essentiellement le service public du réseau social, mais du coup, sur les financements, j’ai du mal à évaluer la limite du truc. Et sur Wikipédia, quand ce n’est pas modéré, il y a un avertissement, c’est-à-dire qu’il y a écrit « trop peu sourcé, pas assez d’articles de presse sont relayés, etc. » . Comment Mastodon répond-il à cette question-là ? J’imagine que ça va être la communauté qui fait des notes, comme il y avait sur Twitter. En tout cas, si on va vers un service public, ça veut dire qu’on paye des gens pour faire de la modération, en tout cas qu’on arrive à répondre concrètement à toutes les questions qu’on se pose là.
J’ai terminé. Juste un petit truc. Sur la situation actuelle et le boycott, ça m’intéresse. La question est de dire qu’on boycotte Twitter pour ne pas être à la botte de Elon Musk, pour ne pas jouer le jeu des fascistes, etc., mais du coup la vraie question qu’on peut se poser c’est pourquoi est-ce qu’on légifère pas aujourd’hui, ou l’Union européenne, pour interdire ces réseaux sociaux qui ne respectent pas, en tout cas qui prônent des fausses vérités ?

Renaud Chaput : Je vais essayer d’aller très vite. Service public du réseau social, il y a une instance officielle gérée par la Direction interministérielle du numérique, qui est social.numerique.gouv.fr [19], qui est ouverte à toutes les institutions du gouvernement qui veulent être présentes sur Mastodon. Elles n’ont rien besoin de faire, elles écrivent un mail à l’adresse indiquée dessus, elles ont un compte officiel. Il y a l’INSEE dessus, il y a le parquet national financier, l’Adème, il y a de plus en plus d’institutions. C’est porté à bout de bras par Marie Pupo, de la DINUM, qui fait ça en plus de son boulot, qui porte cette instance-là, qui essaye de contacter les administrations pour les faire venir.
Tout à l’heure, j’ai dit que la ministre a dit « on s’en fout ». Marie est allée la voir, avec son équipe, pour dire que ce serait bien d’avoir du soutien et globalement, côté politique, il n’y a pas de volonté de faire ça. Côté SIG, le service de communication du gouvernement, ils disent « on est payé pour faire des vues, il n’y a pas assez de vues sur Mastodon pour qu’on vienne. » Il y a des choses qui se font. Il y a aussi une instance qui s’appelle colter.social, gérée par la ville d’Échirolles, qui est ouverte à toute collectivité territoriale qui veut une instance, qui n’est ouverte qu’à des collectivités territoriales.
Par contre, service public du réseau social, je suis chez Mastodon, je pourrais vous dire « oui, c’est une bonne idée », non, c’est une très mauvaise idée, il ne faut pas que n’importe quelle organisation politique puisse contrôler ce que vous dites sur un réseau social, parce qu’un jour quelqu’un va étudier ça à des fins personnelles, à des fins politiques, qui va utiliser la modération. Oui, s’il y a des associations comme Framasoft, comme l’April qui ouvrent des instances, qui gèrent des instances associatives, c’est très bien. Pour moi, il ne faut pas que le débat public soit soumis à une censure possible du politique, parce que, à un moment, ça va mal tourner. C’est pour cela que je dis à Malakoff « n’ouvrez pas uns instance pour les citoyens de Malakoff. Il ne faut pas qu’un jour la mairie puisse décider ce qu’un habitant de Malakoff peut ou ne peut pas dire sur un réseau social. » Financer une association locale en donnant du financement public, en disant « cette association indépendante qui gère une instance pour les habitants locaux », oui, parce que c’est une association qui est indépendante du pouvoir politique, mais il ne faut surtout pas que le pouvoir politique devienne capable de décider ce que vous avez le droit, ou pas, de dire sur un espace comme Internet.

Public : Du coup, la mairie va arrêter de financer.

Renaud Chaput : Oui. Mais l’association peut avoir d’autres sources de financement.
Justement en parlant du financement, on parlait de Wikipédia et je vais juste dire ça : connaissez-vous le budget annuel de Wikipédia ? C’est 170 millions de dollars par an de dons.
Vous donnez 170 millions de dollars de dons par an à Mastodon, on fait des trucs et on devient un concurrent de X. Mastodon fonctionne avec 500 000 euros, à peu près, par an, et cette année, on va passer à deux millions d’euros. En fait, les libristes, les développeurs ne savent pas aller chercher de l’argent, ce n’est pas passionnant, ce n’est pas leur truc. C’est un peu mon truc, c’est pour cela que je fais changer les choses chez Mastodon.
On a recruté une personne pour faire un truc, attention, c’est un gros mot dans certains projets libres, pour faire de la communication et du lobbying.

Magali Garnero : Il faut dire plaidoyer.

Renaud Chaput : On peut dire plaidoyer. Nous nous sommes inscrits au registre des lobbyistes à Bruxelles pour aller faire du lobbying officiel au Parlement européen. Si on veut que les politiques prennent conscience, il faut des gens pour faire ça. On a embauché quelqu’un qui est dédié à faire de la levée de fonds et on va faire des levées de fonds, on va faire des campagnes de financement, pas en bourse, mais juste aller dire aux utilisateurs et aux utilisatrices : « Vous voyez, c’est gratuit, il n’y a pas de pub, donnez-nous dix euros par an. » On a calculé, il faudrait que tous les utilisateurs et utilisatrices nous donnent cinq centimes par an, ce n’est pas grand-chose et on ne veut pas dire « donnez-nous deux euros par an, c’est payant », parce que ça met une barrière à l’entrée, il y a des gens qui ne peuvent pas se permettre de mettre deux euros par an ou par mois sur un réseau social, on ne va pas mettre une barrière. Mais si 1 % des gens nous donnent dix euros par an, c’est bon, on est bien, on est tranquille on peut grossir.
C’est le côté financement. C’est un sujet dont on pourra parler si vous le voulez, que je prends très à cœur et je bosse beaucoup de choses sur ce sujet-là en ce moment.
L’autre aspect c’est la modération, je ne sais plus exactement sur quoi c’était. La modération c’est un boulot. Sur mastodon.social, on a à près 250 000 utilisateurs et utilisatrices, on a quatre modérateurs qui sont payés. On les paye, ils ne sont pas salariés parce qu’ils sont dans plein de pays différents, mais on paye notre modération. Plein d’instances payent la modération. C’est un boulot. On veut pouvoir grossir sur ce sujet, on sait qu’on peut le grossir et on n’a pas de notes de la communauté pour l’instant, mais c’est quelque chose auquel on réfléchit. Encore une fois, pour l’instant on arrive à s’en sortir avec une modération humaine, je crois qu’on gère à peu près 6000 rapports de contenus malveillants par mois avec quatre personnes, on a plein d’outils pour gérer ça correctement, mais on voudrait investir dessus. On adorerait que l’Union européenne, on est en train de discuter avec eux, nous finance des projets pour qu’on puisse développer ça. On a plein d’idées, ce n’est pas le truc qui nous fait le plus peur.
Dernier truc. Pourquoi ces réseaux sociaux qui font n’importe quoi ne sont-ils pas interdits ? En vrai, il y a une entité qui travaille vraiment à réglementer tout ça, dont plein de gens aiment dire que c’est la cause de tous les problèmes de notre quotidien, c’est l’Europe. En fait, l’Europe c’est la seule entité politique à l’heure actuelle qui légifère sur ces questions du numérique, sur ces questions d’expression en ligne, sur ces questions de la modération des contenus haineux. En fait, ils sont détestés par les capitalistes américains qui disent « ah, là, là, l’Europe met des règlements, elle nous empêche de faire ce qu’on veut. Ils ralentissent l’innovation. » Mais mec, si l’innovation c’est une IA qui balance des clichés racistes et sexistes en permanence ! Nous, en Europe, on n’en veut pas et ils disent « oh, là, là, ce n’est pas bien, vous l’Europe, vous nous interdisez de faire.. » À l’heure actuelle, c’est l’Europe. La France, même l’Allemagne ne sont pas trop là-dessus. L’Europe, avec des règlements – DSA [Digital services Act, DMA [<em<Digital markets Act – des trucs qui viennent un petit peu dans l’actualité, légifère là-dessus. Ils sont détestés, ils sont la bête noire de tous ces milliardaires capitalistes parce que, à l’heure actuelle, c’est le seul gouvernement mondial qui prend ce sujet à bras-le-corps et qui légifère dessus. C’est au point où des capitalistes américains, des investisseurs américains disent : « À un moment, on va arrêter de sortir nos logiciels en Europe parce qu’on nous embête, on nous oblige à publier des informations sur ce que sont nos algorithmes, combien on a de modérateurs. On nous force à faire des études pour montrer qu’on modère les contenus violents, c’est inadmissible. »

Magali Garnero : C’est une bonne nouvelle.

Renaud Chaput : C’est peut-être une bonne nouvelle, peut-être qu’à un moment ils vont partir. Est-ce que c’est une bonne nouvelle ou pas ? Ça enlève aussi un service public, ça enlève l’accès à l’information à plein de gens. Il y a des vraies contraintes sociétales derrière, mais l’Europe agit. En ce moment, c’est l’Europe qui fait les évolutions réglementaires.
L’Europe a deux enquêtes ouvertes en ce moment. Ils nous sollicitent, Mastodon, pour les aider à comprendre ces sujets-là, ils nous sollicitent à la manière européenne. Ils nous ont envoyé un formulaire de 64 pages en nous disant « on fait une consultation, la deadline c’est la semaine prochaine, merci de nous envoyer la réponse. » On discute avec eux pour leur dire « c’est bien, mais je n’ai pas envie de passer mes huit soirs prochains à répondre à votre questionnaire. » Ils ont deux enquêtes ouvertes sur lesquelles ils nous sollicitent, c’est contre TikTok et contre X. En ce moment il y a des enquêtes européennes, du régulateur européen, qui sont ouvertes. Malheureusement, on aura les conclusions dans trois ans ou quelque chose comme ça.
La réponse sur la réglementation est : à l’heure actuelle, il n’y a que l’Europe qui avance vraiment sur ce sujet-là à l’échelle politique.

Public : Puis-je juste avoir la réponse pour Mediapart ?

Gaëtan Le Feuvre : Rapidement.
On s’est posé la question : est-ce que quitter X va nous faire baisser le trafic ? Évidemment oui, un tout petit peu, comme chez tout le monde, mais en fait vraiment pas beaucoup. Grosso modo, si on quitte X, les publications de Mediapart ne sont plus cliquées, mais, il y a toujours Mediapart, les articles circulent toujours sur X. Il reste encore un petit peu des gens qui partagent. On a identifié en gros, qu’on perd un tiers du trafic qui vient de X. On n’a pas encore mesuré, c’est à priori ce qui devrait se passer. Par rapport au trafic total, c’est vraiment peanuts, parce que, en gros, Twitter c’est 1,5 % du trafic global de Mediapart, donc on peut dire qu’en gros on a perdu 0,5 % des clics qui venaient de X.
En fait, il faut désacraliser totalement ce truc. Je pense qu’on perd surtout en notoriété, on va dire, en visibilité, mais sur l’accès à l’information en vrai, ça n’a pas énormément d’impact. Il y en a un mais ce n’est vraiment pas grand-chose, c’est léger. Je pense qu’il faut le dire, il faut vraiment que les autres médias le sachent. Si on regarde de près, ce n’est vraiment pas tant que ça.

Grégory Gutierez : Merci.
Magali, tu voulais dire quelque chose et après, je ne vais pas oublier la question de Monsieur, qui va essayer de faire en sorte qu’elle soit relativement courte parce qu’on va terminer. Et après on va clore le débat.

Magali Garnero : En France, il y a quelque chose qui s’appelle le RGPD, le Règlement général sur la protection des données.

Renaud Chaput : Ça vient de l’Europe.

Magali Garnero : Ça vient de l’Europe, c’est merveilleux, et c’est extrêmement utilisé par la CNIL. La CNIL s’en sert pour protéger les citoyens et, régulièrement, il y a des affaires contre Google. Il y a une autre affaire contre Meta, il y a plein de petites affaires. On ne leur prend pas beaucoup d’argent, ça prend un temps fou, mais ça existe, ça a le mérite d’exister.

Grégory Gutierez : Merci. Oui La Quadrature du Net [20] a un site très intéressant, elle est très active sur Mastodon et sur ces questions.
Monsieur.

Public : Merci beaucoup pour les interventions. J’avais un tout petit point et une petite question.
Le petit point. Je participe à des projets publics pour un certain ministère, en open source et sur du Microsoft. Microsoft, quand on achète des trucs qui ne sont pas à grande échelle, et on ne fait pas de l’open source à grande échelle, assez peu, ça coûte beaucoup moins cher et ils ont des arguments commerciaux qui sont malheureusement très puissants. Vous savez tous que la structure des projets publics nous oblige souvent à prendre le moins-disant, même si derrière on sait qu’on va avoir des problèmes. Ce qui nous aide, c’est le côté de la souveraineté des données, je peux en parler après si vous voulez.
Ma question c’était sur la régulation. On voit que l’Europe a tendance quand même à dire qu’ils vont réguler et, sur les réseaux sociaux, pendant des années ils se sont dit « on va arriver à contrer toutes ces dérives qu’on a vu venir. » À partir du moment où Twitter est devenu un concentrateur des politiques et des journalistes, on a dit « ce n’est qu’une question de temps avant que quelqu’un en profite. » Ça eu lieu avec Facebook avec la campagne du Labour Party, en 2016, qui a utilisé des boîtes d’analyse, ça n’a eu un énorme impact mondial, ce n’est pas le coup de tonnerre qu’on voit aujourd’hui. L’Europe a dit « on va réguler », la France a dit « on va réguler, on va trouver des moyens pour forcer ces gens-là à obéir à nos normes. » On voit que ça ne marche pas. Est-ce que ce n’est pas un peu, pas un combat perdu ? Comme tu dis, dans dix ans on aura peut-être autre chose, mais, en attendan il y a peut-être d’autres façons de se battre.

Grégory Gutierez : Merci beaucoup. Qui veut réagir, répondre à cette question ? Peut-être Hervé, tu as un déficit de parole par rapport aux autres.

Hervé Poirier : Je suis un peu comme vous, je vais rentrer super optimiste, je suis malakoffiot, je n’aurai pas à aller loin. Ça ne va pas être une réponse, je crois franchement que c’est une bêtise que d’être fondamentalement confiant dans l’intelligence des gens. Je pense que personne n’est dupe. En tout cas, il y a une chose dont je suis sûr, c’est que plus personne n’est dupe sur les trucs des journalistes. Par exemple, la façon dont ils titrent, la façon dont ils accrochent, la façon dont ils peuvent distordre. Mettre en valeur c’est un métier, ce sont des techniques. Aujourd’hui, il y a un degré de conscience dans la population sur la puissance et les outils de l’édition qui est signe d’une énorme intelligence.
J’ai l’impression, je vous le dis franchement, c’est le témoignage de quelqu’un qui se pense bête, j’ai une grande confiance dans l’intelligence des gens. Bien sûr il y a les infrastructures, mais à la fin les réseaux sociaux sont lus par des humains qui ne sont pas aussi dupes, je suis convaincu qu’ils ne sont pas aussi dupes que ce qu’on croit, qui ne sont pas aussi influençables que ce qu’on croit, qui peuvent avoir des élans de dopamine qui n’affectent pas si profondément que ça leurs opinions. Je pense qu’une grande partie des défaites de la gauche est due à une intelligence de la droite, à une réflexion plus profonde de la droite, à des bêtises de la gauche. Je pense qu’accuser les infrastructures des défaites, c’est une façon de ne pas remettre en cause les raisons pour lesquelles les podcasts de droite sont plus cool à écouter que les podcasts de gauche, pourquoi on se sent plus détendu dans des émissions d’extrême droite, pourquoi ils sont plus accueillants envers quelqu’un d’extrême gauche que le contraire. J’ai l’impression. Bref ! Je me perds.
En tout cas, je me réjouis de voir que Mediapart, l’année dernière, a eu des dizaines de milliers d’abonnés en plus, 30 000 en plus. Il y a quand même des institutions qui sont solides et des gens qui sont suffisamment intelligents beaucoup plus qu’on croie.
On va tous sortir un peu déprimés au sujet de l’infrastructure que le monde a construite. Je vais sortir toujours aussi bête qu’avant, mais j’ai trouvé ça très intéressant, j’ai écouté plus que participé, mais je repars avec le sentiment, la conviction stupide que j’ai quand même énormément confiance dans l’intelligence et j’ai toujours le sentiment qu’on sous-estime l’intelligence de celui qui nous lit.

Grégory Gutierez : Merci beaucoup.
On va clore le débat. Je vous propose de clore très simplement, on va se passer le micro. Chacun d’entre vous va prendre la parole une dernière fois. Si vous avez une dernière phrase à dire à notre public ce soir et, dernière question, sur quel compte de quel réseau social peut-on vous suivre ?

Gaëtan Le Feuvre : Je suis sur Mastodon et Bluesky, mais suivez-moi sur Mastodon, c’est mieux.

Grégory Gutierez : Si on veut te suivre sur Mastodon il faut taper ton nom, Gaëtan Le Feuvre, dans un moteur de recherche et on te trouve.

Gaëtan Le Feuvre : Oui, @gaetan chez mediapart.social, je suis sur l’instance de Mediapart.
Juste un petit mot rapidement. Merci beaucoup pour cette discussion, c’est vraiment intéressant. Il faut continuer à discuter, c’est important, continuer à évoquer, à discuter de ces sujets-là. Avancer doucement, tranquillement, je trouve que ces réflexions sont la force de Mastodon. Par contre ne pas perdre de temps, on n’a vraiment pas de temps à perdre, il y a vraiment urgence. Ce que je dis n’est pas contradictoire, il faut juste y aller, il faut vraiment avancer.
C’est ce qu’on fait à Mediapart, ça fait un moment qu’on avance sur ce sujet-là, on va continuer à aller un peu plus loin. On n’a pas parlé de PeerTube [21], de la vidéo, comment on héberge nos contenus vidéos de façon indépendante. Imaginons, par exemple, qu’un jour Google décide de fermer YouTube en Europe, ça pourrait arriver, comment fait-on pour continuer à accéder à l’information chez nous, ici, là où on se trouve en fait, pour qu’on puisse continuer à vivre ensemble et de façon démocratique.

Grégory Gutierez : Merci Gaëtan. Renaud.

Renaud Chaput : Sans surprise, vous pouvez me suivre sur Mastodon. Vous pouvez taper mon nom, Renaud Chaput, sinon renchap chez oisaur.com. Ne me demandez pas pourquoi ce nom-là, c’est le nom de mon serveur. Un ami a fait un logo d’un oiseau que je trouvais joli, donc le domaine c’est oisaur. Ce n’est pas vendeur en fait, Il faudrait que je change de compte. Tapez mon nom, Renaud Chaput.
Et puis un dernier mot. Je suis assez d’accord avec toi, j’ai très confiance dans l’intelligence humaine. Ce qui me fait peur c’est qu’on a une intelligence humaine, mais on a aussi un côté instinctif et beaucoup de gens comptent sur ce côté instinctif, c’est ce que je disais tout à l’heure, la dopamine et les choses comme ça. On a beau avoir toute l’intelligence qu’on veut, on est quand même sensible à ces choses-là, on est quand même aussi une machine chimique qui, parfois, obéit à des stimuli.
L’élection américaine a été décidée par moins de 1 % de la population, ce qui représente 3 % des utilisateurs de Twitter aux États-Unis. Donc, même s’ils sont intelligents, il a suffi d’influer 3 % des gens dans le mauvais sens pour que l’élection aille d’un côté ou de l’autre. Il y a quand même ce côté-là qui me chiffonne un peu, mais je suis optimiste. On a des solutions, on a des choses. Je pense qu’en face ils se tirent tellement de balles dans le pied, j’espère que ça ne va pas aller jusqu’à des événements désastreux, mais il y a une vraie volonté, il y a un vrai truc comme ça.
Ça fait deux ans et demi que je m’investis dans Mastodon. Ça commence à grossir, ça commencé à cliquer, il y a plein de gens, il y a des réunions comme ça où on nous invite, on nous laisse la parole, on nous met en valeur, je suis très optimiste. J’ai peut-être semblé très négatif sur certains trucs, mais ce qu’on fait c’est vraiment cool et on fait ça entre humains, on ne fait pas ça pour l’argent, loin de là, je serais beaucoup plus riche si j’avais un vrai boulot. On ne fait pas ça pour l’argent, on ne fait pas ça pour être les rois du monde, on ne le fait pas pour tout ça, on fait ça pour l’humanité. C’est ce qui me motive, c’est ce qui nous motive tous. On construit quelque chose qui est vraiment très optimiste dans les relations humaines, dans l’Internet, dans l’approche qu’on a de la technologie. Je voudrais finir là-dessus. Il y a plein de gens qui bossent là-dessus, il y a plein de gens qui ont cette foi, il ne faut pas l’oublier même si ce monde est un peu sombre, c’est aussi l’occasion de construire des choses belles et qui vont durer.

Grégory Gutierez : Merci Renaud pour ta conclusion très brève comme je l’avais demandé.
Hervé.

Hervé Poirier : On ne peut pas me suivre, ma parole est très chère, c’est 5,90 euros. Je ne donne rien gratuitement. Je n’existe sur aucun réseau. J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt ces discussions et, je vous l’avoue, je suis celui qui comprend le moins le sujet de tous ceux qui sont là. C’est vrai qu’on travaille la fonction d’émetteur qui n’a pas de sens si les émissions ne sont pas médiatisées.
C’était peut-être intéressant d’avoir un novice qui est exclusivement obnubilé par la sincérité et la fiabilité de ce qu’il émet. Je ne pense pas avoir apporté grand-chose sur l’objet central, mais j’ai témoigné de quelqu’un qui ne comprend pas le monde dans lequel il vit, qui ne comprend pas du tout ce qui se passe là. Je travaille avec des gens beaucoup plus intelligents que moi, rassurez-vous. Epsiloon essaye de dire des choses assez pertinentes. Je suis exclusivement concentré sur le rôle d’émission.

Grégory Gutierez : OK. Merci beaucoup.

Magali Garnero : Vous pouvez me trouver sur Mastodon, bookynette chez framapiaf.org, parce que l’instance @chapril n’existait pas à ce moment-là.
Vous pouvez aussi m’envoyer des mails à bookynette chez april.org, j’adore les mails, l’échange de mails est quand même un des premiers réseaux sociaux qui a été mis en place. N’oubliez pas les mails, c’est bien, on les consulte quand on veut et c’est de la longueur qu’on veut.
Pour finir sur une petite dose d’espoir, parce que c’est vrai que tout ce qu’on a dit est un peu négatif, on n’est pas emprisonné. Si on veut rester emprisonné, on peut, mais si on veut en sortir, plein d’alternatives libres existent pour quasiment tous les usagers numériques. Donc une touche d’espoir. On peut se libérer, on peut se délivrer, et voilà ! La chanson me vient en tête, tant pis ! On peut se libérer de tout ce dans quoi on est emprisonné si on le veut, c’est toujours un choix à faire et c’est le vôtre.

Grégory Gutierez : Merci beaucoup. Merci à tout le monde d’avoir participé à ce débat. Je vous donne rendez-vous l’année prochaine, pour le Numérikoff 2026, qui sera en mars, ça sera peut-être influencé, remué des élections locales, ou peut-être pas en mars l’année prochaine. On continuera à creuser ce sillon.

[Applaudissements]