Émission Libre à vous ! diffusée mardi 18 octobre 2022 sur radio Cause Commune


Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Étienne Gonnu : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.

Bibliothèques et libertés informatiques, c’est le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme la chronique « Les humeurs de Gee » sur la « Fin de l’open bar pour Microsoft au ministère des Armées  » et aussi la chronique de Marie-Odile Morandi sur « Logiciel libre et communs numériques ». Nous parlerons de tout cela dans l’émission du jour.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Je suis Étienne Gonnu, chargé de mission affaires publiques pour l’April.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour, avec tous les liens et références utiles, et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toutes questions.

Nous sommes mardi 18 octobre 2022, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission, Frédéric Couchet. Salut Fred.

Frédéric Couchet : Salut Étienne. Bonne émission.

Étienne Gonnu : Nous saluons également Karim qui suit en direct, pour radio Cause Commune, la manifestation parisienne pour les salaires et contre les réquisitions dans les raffineries et salut à toute personne qui lutte pour des conditions de vie digne.

Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « Les humeurs de Gee » sur le thème « Fin de l’open bar pour Microsoft au Ministère des Armées »

Étienne Gonnu : Pour notre premier sujet, première chronique, nous allons écouter « Les humeurs de Gee » sur le thème, si je ne me trompe pas, de la « Fin de l’open bar pour Microsoft au ministère des Armées  ». Salut Gee, es-tu avec nous ?

Gee : Oui, je suis là. Salut Étienne.

Étienne Gonnu : À toi la parole.

Gee : Salut à toi, public de Libre à vous !. Si tu me suis sur les Internets, tu sais sans doute que je suis parfois d’humeur ronchonne et que j’ai une certaine tendance à m’énerver, notamment quand on parle du traitement du numérique par l’État en France.

Eh bien pour une fois que j’ai quelque chose de positif à en dire, ne boudons notre plaisir. Oui, c’est vrai, on l’a appris il y a peu, c’est la fin de l’accord dit « Open Bar » entre Microsoft et le ministère des Armées. Une nouvelle qui me donne envie de citer le groupe Blur : Woo Hoo ! Pardon, je sais que la chanson n’est pas sous licence libre, mais disons que j’utilise mon droit de courte citation.

Cher public de Libre à vous !, si tu ignores ce qu’était cet accord « Open Bar », je vais te l’expliquer. En temps normal, je ne saute pas de joie quand on m’annonce la fin d’un open bar, mais c’est sans doute un reste de mes années d’étudiant. Non, là, ce qui me fait plaisir, c’est que c’est la fin d’un accord « Open Bar » entre Microsoft et notre ministère de la Défense, enfin des Armées, moi j’étais resté à la Défense, mais il paraît que c’est le ministère des Armées maintenant.

Bref ! Cet accord, en gros, faisait de Microsoft le fournisseur de logiciel principal de la Défense nationale française. Microsoft étant une multinationale étasunienne, soumise aux lois étasuniennes, ça pose quand même quelques questions en termes d’indépendance technologique et même de sécurité sur la confidentialité de nos données : si on a inventé l’expression « secret défense », c’est bien que c’est un sujet un poil sensible !

Personnellement, j’avais découvert cet accord, comme pas mal d’autres gens je pense, grâce à une émission Cash Investigation en octobre 2016, émission au cours de laquelle Élise Lucet avait interviewé le vice-amiral Arnaud Coustillière sur les problèmes évidents que posait cet accord en termes de sécurité. Accroche-toi, je te lis sa réponse : « En termes de sécurité, moi, personnellement, ça ne m’inquiète pas plus que ça. J’m’en fous de ce débat-là. Pour moi, c’est un débat d’informaticiens. » Cette réponse, en gros, on pourrait la traduire par : « Cette question est une question de gens qui connaissent le sujet, moi qui n’y connais rien, je ne vois vraiment pas le problème. » Eh bien c’est super ! Quand t’entends ça, tu comprends pourquoi on préfère quand l’armée s’appelle « la grande muette » ! Après, soyons indulgents avec monsieur le vice-amiral, cette déclaration date de 2016, seulement trois ans après les révélations d’Edward Snowden sur le programme de surveillance globale de la NSA ; laissons-lui le temps d’intégrer la nouvelle !

Je disais que Microsoft est une multinationale étasunienne. Petit aparté d’ailleurs, je dis « étasunienne » et pas « américaine », parce que j’ai une pote brésilienne qui n’aime pas trop qu’on confonde Amérique et États-Unis. Mais bon ! Quand je remarquais que Microsoft est une multinationale étasunienne, ce n’était pas pour le plaisir de cracher sur les États-Unis gratuitement, même si ça m’arrive ! Non ! Si les gens, comme moi, s’indignaient de cet accord, c’est parce qu’on SAIT que les services de renseignement étasuniens espionnent absolument tout ce qu’ils peuvent, notamment en s’appuyant sur des logiciels privateurs comme ceux de Microsoft ! On ne le soupçonne pas, on ne le devine pas, on le SAIT. Refuser d’utiliser du Microsoft dans des domaines aussi sensibles que l’armée, ce n’est pas de la paranoïa, ça devrait juste être du bon sens !

Je sais ! J’avais dit que j’allais être de bonne humeur et j’ai quand même fini par grogner. Pardon ! C’est vrai, la fin de cet accord entre Microsoft et le ministère des Armées, c’est plutôt une bonne nouvelle. Après, ne tombons pas dans les excès d’optimisme non plus ! On n’en est pas encore à voir le ministre des Armées venir danser en sarouel sur de la musique Creative Commons aux apéros de l’April. Non ! La seule chose que ça veut dire, c’est que pour acquérir des logiciels, le ministère devra passer par l’UGAP, l’Union des groupements d’achats publics. L’UGAP, qui n’est pas spécialement pro-logiciel propriétaire, mais pas spécialement pro-logiciel libre non plus.

Rien ne s’oppose donc à ce qu’on continue à avoir, au ministère des Armées, du logiciel fermé avec porte d’accès privilégiée pour la NSA. Car c’est là que le bât blesse : en mettant en concurrence logiciel libre et logiciel propriétaire sur un pied d’égalité, en se mettant dans la position du simple consommateur, il y a de fortes chances que le logiciel propriétaire gagne. Pas qu’il soit intrinsèquement meilleur, encore qu’on n’est quand même plus à la grande époque de Windows 95 et de ses écrans bleus de la mort ! Simplement, de grosses boîtes comme Microsoft ont un pouvoir immense, avec des budgets de communication et de lobbying colossaux, face auxquels même des boîtes comme Red Hat ou Canonical, des boîtes qui fournissent des distributions GNU/Linux professionnelles, ont du mal à rivaliser.

Pour avoir du sens, le choix du logiciel libre devrait se faire non pas comme simple consommateur, mais comme acteur, partie prenante de son développement ! Ainsi, en embauchant des équipes de développement, les ministères français pourraient adapter et améliorer les logiciels libres existants, en profitant d’un code propre et sans logiciel espion. Ils pourraient ainsi contribuer à ces mêmes logiciels, stimulant leur activité, provoquant d’autres contributions dans un grand cercle vertueux, le tout, en payant des gens qui travailleraient et paieraient leurs impôts en France, ce qui ne gâcherait rien !

Ah ! On me fait signe dans l’oreillette que ces gens s’appelleraient alors des fonctionnaires et que ça, malheureusement, c’est le mal incarné ! Les fonctionnaires c’est un coût, une dépense à réduire, alors qu’un logiciel étasunien payé à prix d’or avec de l’argent public, c’est bien, c’est flexible, c’est moderne. Vous ne pouvez pas comprendre !

Bref ! Bifurquer vers du logiciel libre pour les outils numériques des différents ministères, ça ne reviendrait pas à simplement changer de rayon à la Fnac. Ça impliquerait une politique qui verrait un peu plus loin que le bout du libre marché et qui arrêterait de considérer que la puissance publique doit tout externaliser et, surtout, ne posséder aucune compétence. Autant dire qu’avec un gouvernement néolibéral aux manettes, on aura plus vite fait de monter nos propres alternatives libres à ces différents ministères !

Je vais m’arrêter là, car on va finir par me soupçonner de sédition, et ce serait quand même dommage de me faire interdire d’antenne après seulement deux chroniques !

Je vous laisse, je vous souhaite une bonne émission et je vous dis salut !

Étienne Gonnu : Merci Gee pour cette chronique de très bonne humeur. Je te dis effectivement au mois prochain pour une prochaine chronique.

Gee : Oui. Au mois prochain. Salut.

Étienne Gonnu : Salut Gee. Nous allons faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Étienne Gonnu : Après la pause musicale, nous parlerons de bibliothèques et libertés informatiques, le sujet principal de notre émission d’aujourd’hui.
Nous commencerons par écouter Crime Time par Leonard Richter. Leonard Richter compose de la musique cinématographique, c’est-à dire pour les films. Nous avons découvert ce morceau grâce à l’équipe du site Au bout Du Fil. Un extrait de la présentation par Alice d’Au Bout Du Fil nous dit donc : « Composer une bonne musique de film est loin d’être évident ! La musique d’une bande originale respecte une codification bien précise. C’est ainsi qu’elle est capable de déclencher certaines émotions fortes chez le spectateur mais aussi de donner de la profondeur à l’intrigue et de renforcer l’ambiance du film. Selon moi – Alice d’Au Bout Du Fil – on reconnaît donc une bonne musique de film à son ambiance et aux émotions qu’elle peut provoquer chez l’auditeur. Dans Crime Time, le compositeur allemand Leonard Richter a réussi ce double pari. Sa musique est non seulement auréolée d’une ambiance bien à elle mais en plus, elle transmet une montagne russe d’émotions chez l’auditeur… le tout sans image ni paroles ! »

Pause musicale : Crime Time par Leonard Richter.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Crime Time par Leonard Richter, disponible sous licence libre Creative Commons CC BY 3.0. Occasion pour moi de rappeler que toutes nos pauses musicales sont sous des licences libres qui permettent de les partager librement avec ses proches, de les télécharger parfaitement légalement, de les remixer y compris pour des usages commerciaux. Ce sont des licences type Creative Commons Attribution CC BY, Creative Commons Partage dans les mêmes conditions CC BY SA, ou encore licence Art libre. La licence Creative Commons Attribution CC BY, celle sous laquelle cette musique est publiée, permet la réutilisation, la modification, la diffusion, le partage de cette musique pour toute utilisation, y compris commerciale, à condition de créditer l’artiste – le nom et la source du fichier original –, d’indiquer la licence et d’indiquer si des modifications ont été effectuées.

Vous pouvez retrouver la présentation complète de l’artiste sur le site auboutdufil.com, dont je vous ai lu un extrait, et vous pouvez la retrouver, bien sûr, sur le site libreavous.org/156, le numéro de cette édition.

[Jingle]

Étienne Gonnu : Passons maintenant à notre sujet suivant.

[Virgule musicale]

Bibliothèques et libertés informatiques, avec Régine Hauraix et Chloé Lailic

Étienne Gonnu : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui porte sur le thème Bibliothèques et libertés informatiques, avec Régine Hauraix, responsable des missions Culture et diffusion des savoirs et Accessibilité pour tous pour les bibliothèques universitaires de Nantes Université, coorganisatrice du festival Les Journées des libertés numériques et Chloé Lailic, responsable de la Bibliothèque et Déléguée à la Protection des Données à l’INSA Rennes.

Je profite de ce moment de l’émission pour remercier ma collègue Isabella qui a préparé cette émission et, en particulier, qui a organisé ce sujet long. Elle n’a malheureusement pas pu être là pour animer l’échange aujourd’hui et je la remplacerai donc du mieux que je peux.
Je vous rappelle que vous pouvez participer à notre échange sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat ».

Bonjour, Chloé Lailic, est-ce que tu es avec nous ?

Chloé Lailic : Oui, bonjour. Vous m’entendez bien ?

Étienne Gonnu : Très bien, la régie me fait signe que oui. Bonjour Régine Hauraix, tu es en ligne ?

Régine Hauraix : Oui, je suis bien là avec vous. Bonjour.

Étienne Gonnu : Super. Déjà merci à toutes les deux de vous être rendues disponibles pour cet échange qui m’a l’air d’être très intéressant. Je l’ai découvert hier, quand ma collègue m’a demandé si je pouvais la remplacer et, en creusant le sujet, je comprends pourquoi elle s’est elle-même penchée sur la question.
Je vous propose de commencer de manière très classique, par une présentation de vos parcours. Qui êtes-vous, Régine Hauraix ?

Régine Hauraix : Je suis conservateur de bibliothèque à la bibliothèque universitaire de Nantes. J’ai commencé mon parcours très classiquement, en faisant des études à l’université, en passant des concours de bibliothécaire. J’ai été bibliothécaire adjointe et ensuite, par les concours, je suis devenue conservateur. J’ai travaillé un petit peu à Paris, un petit peu en Martinique, et me voici à Nantes.

Étienne Gonnu : Chloé ?

Chloé Lailic : Je redis bonjour et bonjour à Régine.

Régine Hauraix : Bonjour Chloé.

Chloé Lailic : Je suis bibliothécaire, responsable de la bibliothèque à l’INSA de Rennes, une école publique d’ingénieurs. Un peu comme Régine, j’ai suivi un parcours universitaire : après avoir fait une licence d’information-communication, j’ai fait une licence pour être bibliothécaire, une licence Métiers du livre, et je suis devenue responsable de la bibliothèque. Je suis aussi Déléguée à la protection des données dans le cadre du RGPD, tu l’as dit tout à l’heure en me présentant, ça fait partie des missions que j’ai en plus de mon poste de responsable.

Étienne Gonnu : Est-ce que vous pourriez nous présenter ce qu’est une bibliothèque et quelles sont les spécificités d’une bibliothèque universitaire ? Chloé, puisque tu avais la parole.

Chloé Lailic : Je n’aurais jamais pensé que j’aurais dû définir ce qu’est une bibliothèque ! C’est un lieu, déjà, et des gens. C’est un lieu où on peut venir travailler, un lieu où on peut venir consulter de la documentation sous toutes ses formes. C’est un lieu où on peut se connecter à l’information sous toutes ses formes, je vais être très large, une acception très large de ce qu’est l’information. On peut trouver des ordinateurs, des livres, des DVD, des CD, en fonction de l’endroit où l’information est stockée. C’est aussi un lieu, comme je disais, où il y a des gens, donc des bibliothécaires et, en tout cas dans une bibliothèque universitaire, on a des étudiants qui viennent travailler, qui viennent consulter notre documentation, on a des enseignants-chercheurs. C’est aussi un lieu où il se passe des choses : il y a des événements dans les bibliothèques, ce que nous appelons, dans notre jargon, l’action culturelle, le fait d’organiser des événements en lien avec nos collections, en lien avec nos publics et de faire un peu du lien entre tout ça. Peut-être que Régine peut compléter ce que j’ai oublié.

Régine Hauraix : Tu as dit déjà l’essentiel. Les bibliothèques universitaires sont des bibliothèques publiques ouvertes à tous. Elles ne sont pas réservées uniquement aux gens qui composent les communautés universitaires, elles sont ouvertes à toute personne intéressée, il faut le dire parce que, souvent, les gens l’ignorent. On accueille vraiment tout le monde, comme une bibliothèque municipale et, effectivement, c’est un lieu où il peut se passer plein de choses. Classiquement on s’y installe, on regarde la documentation, mais on peut très bien aussi y dormir, on peut très bien aussi jouer si cela ne dérange pas les autres. On peut faire son travail dans son coin ou en groupe, on peut admirer une exposition, on peut participer à un atelier. Voilà !, il se passe plein, plein de choses. Effectivement, il y a les étudiants et les étudiantes, mais aussi le personnel de l’université, toutes les personnes administratives, informaticiennes, techniciennes, etc., et puis les enseignants-chercheurs et les personnes extérieures.

Étienne Gonnu : Oui, ce sont des lieux de vie, pas seulement des endroits où on vient « consommer » – j’utilise un peu à dessein ce terme – de la documentation. On vient vraiment aussi échanger, rencontrer d’autres personnes. J’ai des souvenirs, quand j’étais étudiant, de la bibliothèque universitaire ; ce sont des endroits de calme mais aussi d’échanges, de conversations et de vie.

Régine Hauraix : Exactement. On essaye de plus en plus de modifier les espaces des bibliothèques universitaires pour qu’elles comprennent des espaces de rencontre et de travail en commun, c’est ce qu’on appelle des tiers-lieux. Il y a plein de tiers-lieux maintenant dans les villes, dans les autres organismes. Ça permet justement d’approcher l’univers des bibliothèques de façon beaucoup plus détendue et surtout de s’y sentir presque comme chez soi. Donc ça favorise l’échange, ça favorise le bien-être.

Chloé Lailic : Je vais juste ajouter que la bibliothèque est aussi un lieu physique. Hélas, c’est la partie immergée de l’iceberg, on a l’impression que, justement, c’est juste un lieu physique, mais c’est aussi, j’ai envie de dire, un lieu numérique. C’est aussi beaucoup de contenus disponibles en ligne, c’est tout un travail de mise à disposition de contenus en ligne via des portails, des sites internet, etc. C’est une partie du travail qui est souvent très peu connue du grand public, mais qui nous prend beaucoup de temps. Donc il y a ce lieu qu’on essaye de faire évoluer vers quelque chose de plus accueillant, etc., et il y a aussi ce lieu en ligne qu’on veut accueillant et fait pour faciliter l’accès à la documentation en ligne. Pour compléter le tableau j’ajoute ça.

Étienne Gonnu : Ça m’inspire une question. Libre à vous ! est une émission de l’April qui est une association dédiée aux logiciels libres et on sait qu’au cœur de l’éthique du logiciel libre il y a cette idée de la libre circulation des savoirs, du partage de la connaissance. J’imagine qu’elle est assez centrale dans les missions d’une bibliothèque publique et, à priori, encore plus d’une bibliothèque universitaire. Quelle importance a, pour vous, cette idée du libre partage des connaissances ?

Régine Hauraix : Je dirais qu’une des missions fondamentales des bibliothèques, depuis toujours, c’est de faciliter l’accès du plus grand nombre à l’information. On sait que ça contribue à une forme d’émancipation et de liberté pour les personnes qui ont l’information, qui sont informées, qui peuvent donc avoir leur libre arbitre, faire des choix et puis se créer aussi une conscience citoyenne. Pour moi c’est vraiment ça : c’est faciliter l’accès à l’information pour tous et ensuite les gens sont libres d’en faire ce qu’ils veulent.

Chloé Lailic : Oui, je suis complètement d’accord, c’est la base de notre métier. La question du libre partage et du libre accès à l’information est essentielle dans une démocratie, parce qu’on a envie que ce soit une démocratie, et c’est pour ça que les bibliothèques sont des lieux très importants, politiquement et stratégiquement, pour plein de communautés, pour plein de personnes y compris dans l’enseignement supérieur, où on est quand même plus sur des missions de soutien à la formation, de soutien à la recherche. Ce sont aussi des lieux où, justement, se crée du partage en action. Ce sont des lieux importants pour ça.

Étienne Gonnu : Tu as commencé à poser cet aspect de la problématique, Chloé, puisque tu disais que ce n’est pas qu’un lieu physique, mais aussi un accès par les outils technologiques, par les outils informatiques. On imagine bien, dans une bibliothèque, que l’outil informatique a une place assez centrale. J’imagine ce que ça peut permettre en termes d’archivage et peut-être d’accès à des ressources qui n’étaient pas encore physiquement disponibles. Quelle est l’évolution de cette importance de l’outil informatique et, là-dedans, quelle est la place du logiciel libre ? On parle de libre accès à la connaissance, la connaissance informatique est elle-même une connaissance importante, que pouvez-vous dire sur ces questions ?

Chloé Lailic : En fait, les bibliothèques sont en perpétuelle évolution. Notre objectif est de donner accès à l’information, là où elle est, donc pas que via les livres. Aujourd’hui, effectivement, nos étudiants font des recherches sur Google et notre posture est une posture d’accompagnement par rapport à ça. C’est une posture de formation, d’accompagnement, une posture de comment on va aider à réfléchir à ce que sont des outils, comme Google, qui permettent d’avoir accès à de l’information et, en même temps, qui récupèrent beaucoup de données sur nous, sur nos vies, et qui, derrière, empêchent peut-être notre émancipation, justement.

Il y a donc aussi cette question de l’accès à la documentation électronique par des outils qui, parfois, ne sont pas libres. On a du logiciel libre en bibliothèque, mais on a aussi beaucoup de logiciels propriétaires et des accès à des bases de données via des éditeurs qui peuvent nous bloquer des accès, par moment. C’est un business model à comprendre, je ne sais pas si je peux l’expliquer maintenant, mais aujourd’hui on ne peut pas faire sans. Peut-être que Régine veut compléter.

Régine Hauraix : Je vais essayer. Effectivement, on propose maintenant beaucoup d’outils et de ressources en ligne. Nous sommes contraints, par les contrats avec les éditeurs, de choisir des formes d’accès propriétaires, c’est clair. On essaye de se battre pour proposer aussi d’autres formes d’outils ou d’accès de plus en plus libres, je vais dire ça comme ça, ce n’est pas évident.

D’un autre côté, nous autres bibliothécaires utilisons beaucoup d’outils libres, sur le plan professionnel. Je citerais tout simplement la suite bureautique LibreOffice ou des systèmes d’exploitation comme GNU/Linux ; des outils que nous mettons à disposition des publics, comme Zotero qui permet de créer des bibliographies assez facilement. À Nantes, nous allons bientôt nous équiper d’un système de gestion de bibliothèque libre qui s’appelle Folio. Nous utilisons évidemment la messagerie Thunderbird, le navigateur Mozilla Firefox, les outils Framasoft. Nous pouvons utiliser aussi des logiciels de traitement ou d’édition comme Inkscape ou Gimp, des logiciels d’édition comme Latex ou des serveurs de partage de fichiers comme Samba, Nextcloud. On essaie quand même et on est plutôt dans cette philosophie-là d’utiliser des outils libres qui, en général, sont très bien faits et qui permettent aussi, c’est très important, d’avoir un niveau de sécurité important. Les directions des systèmes d’information et du numérique dans les universités sont très sensibles à ça.

Et puis maintenant, on demande aussi des outils qui proposent une certaine sobriété numérique.

Donc on essaye de faire des choix entre des logiciels libres et propriétaires, mais, le plus souvent, on arrive à choisir du Libre.

Étienne Gonnu : Chloé, tu fais le même constat à l’INSA de Rennes ?

Chloé Lailic : Effectivement, tous les logiciels qu’a cités Régine, je pense qu’on a la même posture. À Rennes, nous fournissons vraiment tout ce qu’il est possible en logiciel libre sur les postes de la bibliothèque et nous, les personnels, nous avons cette culture du Libre au maximum. On donne aussi accès au logiciel Tor, le Tor Browser, Régine ne l’a pas cité. Il fait aussi partie des outils qu’on met mis à disposition pour protéger sa vie privée quand on fait des recherches sur le Web.

Ce que je constate, cette fois en tant que DPO, Déléguée à la protection des données, c’est qu’il y a quand même beaucoup d’outils libres qui commencent à être institutionnalisés via, notamment, Renater, le fournisseur d’accès à Internet de l’enseignement supérieur, si je résume. Ça ne veut pas dire que derrière, dans les établissements, les services nous parviennent. On a aussi beaucoup de services comme Zoom ou Microsoft Teams. La suite Office de Microsoft est aussi très présente dans les habitudes des enseignants-chercheurs. Je parle de Zoom parce qu’il y a vraiment eu une « vague de Zoom », entre guillemets, pendant le Covid, je pense que tout le monde l’a vécue, mais, chez nous, c’est vraiment devenu quelque chose de très habituel et c’est dur de proposer autre chose, parce que des anciens chercheurs se sont habitués à utiliser ces outils, donc quand vient le moment de réfléchir à quel outil de visio on va prendre, eh bien on va prendre Zoom !

En tant que DPO, mon travail c’est aussi d’alerter sur les problématiques de conformité au RGPD [Règlement sur la protection des données], de dire que ces outils ne respectent pas, à des endroits, la législation européenne sur la protection des données. Mais, en fait, l’usage surpasse souvent ces alertes donc je me retrouve d’un côté à promouvoir le Libre et, de l’autre, à être obligée, quelque part, d’utiliser des outils propriétaires. C’est très ambivalent comme posture !

Dans le chat je vois que quelqu’un parle d’évangélisation auprès du public. On ne fait pas d’évangélisation, on fait de la facilitation, on accompagne, on promeut des outils, mais pas d’évangélisation en tant que telle.

Étienne Gonnu : Oui, c’est sûr qu’on évolue tous aussi dans des contextes sur lesquels on a une maîtrise forcément relative. Je me rends compte qu’on part du principe que vous êtes toutes les deux convaincues par le logiciel libre, c’est un cheminement politique qui se construit. Je pense qu’il serait intéressant de savoir comment vous avez découvert le logiciel libre, comment vous en êtes venues à vous poser les questions et les enjeux que vous avez déjà pu évoquer. Chloé ?

Chloé Lailic : J’ai fait mes études à Rennes 2 et, à l’époque à la fac, on distribuait des logiciels libres sur des clés USB ou sur des cédéroms, je ne sais plus. C’est comme ça que j’ai pu avoir accès à plein de logiciels d’un coup sur mon ordinateur, tout plein de logiciels libres. Ça a été mon premier contact et ce n’était pas encore politisé, c’était surtout parce que c’était intéressant économiquement, c’était gratuit, en tout cas dans cet usage-là. C’est, derrière, quelque chose que j’ai construit au fur et à mesure de mon travail, notamment en bibliothèque, la question du lien entre notre documentation et comment on y donne accès, etc.
La question du logiciel libre est venue grâce à la possibilité de lire le code source d’un logiciel, de pouvoir le comprendre, même si je ne le comprends pas je connais des gens qui peuvent le comprendre, je sais qu’on peut le modifier, l’adapter. C’était, pour moi, dans une optique de protection de la vie privée, c’est dans ce cadre-là que je m’y suis intéressée et, derrière, j’organisais des événements en lien avec ça dans ma bibliothèque.
C’est vrai qu’au-delà de l’aspect protection de la vie privée, l’aspect de s’approprier des savoirs et de les adapter à son usage, en sortant d’une logique marchande, c’était important pour moi. Je n’explique pas tout, mais j’ai eu tout un cheminement autour de ça.

Étienne Gonnu : C’est difficile, j’imagine, de résumer des années de cheminement en quelques minutes. En tout cas c’était très clair, merci. Régine.

Régine Hauraix : J’ai découvert les logiciels libres dans mon milieu de travail, notamment par les informaticiens des bibliothèques qui ont commencé à nous parler de ces outils et à nous expliquer pourquoi ils existaient parce que je n’avais aucune idée de l’existence d’un milieu parallèle. Et nous avons aussi des collègues bibliothécaires comme Chloé, qui sont sensibilisés au logiciel libre depuis très longtemps, qui s’y intéressent, qui nous en ont parlé aussi.

Je n’étais pas spécialement attirée par ces outils. J’avais, au début, une idée un petit peu préconçue, me disant que c’était peut-être du bricolage, moins intéressant que du logiciel propriétaire. Et puis, finalement, on a commencé à nous installer ces outils, j’ai trouvé qu’ils étaient très bien, j’ai trouvé la philosophie vraiment intéressante. C’était aussi dans une période où on s’interrogeait effectivement sur tout ça. C’était aussi le boom de l’Internet et on commençait à voir les biais de tout ça.

Finalement, avec le temps, les universités se sont intéressées à ces outils, on nous pousse un petit peu à les utiliser. Et j’ai découvert sur le site du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche une liste de logiciels libres recommandés pour les établissements.

Tout ça est venu pour moi assez lentement, on va dire, mais sûrement, puisque maintenant j’apprécie ces outils et mes camarades bibliothécaires les utilise aussi volontiers.

Étienne Gonnu : Ça m’évoque une fameuse phrase de l’association Framasoft que vous avez évoquée : « La route est longue, mais la voie est libre ». C’est la direction qu’on prend et la construction du cheminement qui est importante, pas d’y arriver à toute vitesse ; c’est un enjeu collectif.
Je trouve intéressant ce que disait Chloé : tu n’es pas capable de lire du code, mais, pour toi, ce n’est pas un enjeu individuel mais bien un enjeu collectif, avoir un contrôle collectif, populaire, des outils informatiques que nous utilisons. Je pense que l’enjeu est bien là.

Vous êtes toutes les deux sensibilisées, avec vos cheminements respectifs. Est-ce que vous vous considérez un peu comme des exceptions, dans votre métier ? Ou, au contraire, parmi les bibliothécaires, est-ce que c’est une conviction plutôt partagée ? Tu disais, Régine, que des collègues comme Chloé ont pu t’aider à parcourir ce cheminement. On devine qu’il y a aussi une communauté des bibliothécaires universitaires.

Régine Hauraix : Je ne suis pas une exception, les bibliothécaires sont vraiment convaincus, maintenant, par ces outils. On a aussi un groupe d’informaticiens en bibliothèque universitaire qui œuvrent pour que ce genre d’outil soit déployé à tous les niveaux, donc on suit le mouvement, il n’y a pas de problème. En plus, c’est corrélé avec notre besoin, notre ressenti aussi d’amener l’information à tout le monde de manière libre, gratuite, ouverte, c’est donc vraiment dans notre philosophie de bibliothécaire.

Chloé Lailic : Oui, je suis assez d’accord, c’est assez partagé dans le métier. Je mettrais, entre guillemets, « un petit bémol ». Là on parle des bibliothèques universitaires, nous sommes bibliothécaires dans les universités, mais il y a aussi des bibliothèques municipales, etc. On fait à peu près le même métier, celui dont on parle depuis le début, et je pense que les bibliothécaires des collectivités territoriales se reconnaîtraient en grande partie. Nous avons la chance d’avoir des services informatiques, des DSI [Direction des systèmes d’information], qui nous soutiennent et qui ont aussi cette culture du libre, en tout cas, j’ai l’impression, c’est ce que je constate depuis que j’ai commencé à travailler dans l’enseignement supérieur. Je pense que dans des collectivités territoriales ce serait peut-être un peu différent, il y aurait peut-être un autre son de cloche, les bibliothécaires seraient peut-être un peu frustrés ou bloqués du fait de ne pas être soutenus, en termes informatiques, par des personnes de la ville. Je pense que ça dépend vraiment des équipes sur place et, dans le milieu de l’enseignement supérieur et de la recherche en particulier, la question du libre accès est quand même très présente. Tout à l’heure on parlait d’archivage, je crois que c’est toi, Étienne, qui en parlait, il y a aussi la question de comment valoriser l’archivage dans des archives ouvertes, on parle de science ouverte. Il y a beaucoup de choses autour de l’ouverture, c’est aussi quelque chose qui s’implante à plein d’endroits de l’université, donc la bibliothèque, évidemment, est un lieu où ça germe bien.

Étienne Gonnu : Je serais incapable de me souvenir du numéro de l’émission, mais on avait fait une émission justement sur la science ouverte [Émission 130 : libreavous.org/130]. L’échange était passionnant et on voit l’importance des enjeux qui s’attachent aux questions que tu soulèves.

Tu réagissais tout à l’heure, Chloé, au chat où Marie-Odile parlait d’évangélisation et tu disais que ce n’est pas tout à fait le bon terme. Comment percevez-vous le rôle des bibliothèques dans la sensibilisation aux enjeux de l’informatique libre et aux autres enjeux qui s’y rattachent, effectivement le partage de l’information, le libre accès, etc. ? Régine.

Régine Hauraix : C’est une grande question. On essaye de trouver tous les moyens possibles de faire une médiation sur ces sujets-là, par exemple dans les formations à la recherche documentaire que nous proposons aux étudiants. Tous les ans, chaque année, on fait beaucoup de séances de formation sur tous les sujets avec l’aide des enseignants-chercheurs aussi. On parle toujours des outils libres, par exemple Zotero que je citais tout à l’heure, c’est le pendant de Endnote, et on l’utilise beaucoup ; la plupart du temps les étudiants le découvrent et ils sont assez intéressés.
Il y a donc ce moyen de médiation par les formations que nous pouvons faire.
Il y a aussi la médiation qu’on peut faire au moment de l’accueil du public dans une bibliothèque. Nous faisons de l’accueil, de l’orientation, du renseignement. À cette occasion, en fonction des questions qui nous sont posées, on peut aussi orienter vers nos postes informatiques ou vers notre site web, vers d’autres gisements documentaires et autres et à chaque fois on précise quand il y a des outils libres à disposition.
On peut aussi aider ponctuellement une personne à installer quelque chose sur ses outils numériques.

Il y a plein d’autres formes de médiation possibles. On peut le faire aussi durant des animations culturelles, dans les bibliothèques ou à l’extérieur et puis, on en parlera certainement, au cours de grands événements. On a cité le Festival des libertés numériques que Chloé a organisé pendant pas mal d’années et aussi pendant Les Journées des libertés numériques qui se passent maintenant à Nantes.

Étienne Gonnu : Oui, je pense qu’on consacrera la deuxième partie de notre échange à ces deux illustrations de ce qu’il est possible de faire. Ces événements sont vraiment devenus majeurs pour les libertés numériques.

Chloé, sur cette question, comment perçois-tu ton rôle et le rôle des bibliothèques dans la sensibilisation aux enjeux de l’informatique libre ?

Chloé Lailic : Je pense qu’on est au bon endroit, en fait, pour faire ça, et c’est quelque chose que les militants pour les logiciels libres, les militants libristes ont découvert. Quand j’ai travaillé sur le Festival des libertés numériques, dont on parlera peut-être après, j’ai rencontré beaucoup de militants libristes à cette occasion, en organisant l’événement. Je vois bien que la découverte de ce qu’est une bibliothèque est toujours une sorte de choc pour certaines personnes qui ne pensaient pas trouver des gens comme nous dedans, avec des compétences de formation – nous sommes bibliothécaires, nous sommes nombreux à être formateur/formatrice –, avec aussi une appétence pour ces outils – on a parlé de Zotero –, mais aussi le fait transmettre ; nous sommes quand même assez au fait des innovations pédagogiques.

On se forme à former, on essaye d’innover, de faire des jeux. On parlait de science ouverte. J’ai récemment animé un Escape Game sur la science ouverte à la bibliothèque et ça paraît incroyable, quand on ne connaît pas les bibliothèques, mais, en fait, ça fait partie de notre quotidien. Donc on forme sous toutes ses formes, dès que c’est possible, auprès d’étudiants. On a aussi organisé des install-parties.
Comme le dit Régine, c’est aussi une posture globale et générale à l’accueil. En fait on est tout le temps là-dedans.

Il y a aussi les collections et ce qu’on donne, entre guillemets, « à manger ». Je pense à nos étudiants, nos élèves ingénieurs qui sont en informatique. C’est aussi comment on va essayer de soutenir le développement des logiciels libres, le fait qu’ils adhèrent à des communautés de logiciels libres et, au-delà de ça, à des projets libres. Je pense, par exemple, à Wikipédia, on a fait des ateliers de contribution à Wikipédia. Donc ça passe par plein de choses.

Étienne Gonnu : Ça paraît très clair. L’exemple de Wikipédia, je pense que quasiment tout le monde connaît cet incroyable outil qu’est Wikipédia, une encyclopédie collective, disponible en ligne. On comprend bien comment vous pouvez vous appuyer dessus pour former.

Je ne veux pas vous paraphraser. Avant de passer à la deuxième partie de notre émission où on pourra rentrer, justement, dans le détail du Festival des libertés numériques et des Journées des libertés numériques que vous avez toutes les deux pu évoquer, je vous propose de faire une pause musicale. Nous allons écouter La ville, par ZinKarO. On se retrouve juste après, belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : La ville, par ZinKarO.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter La ville par ZinKarO, disponible sous licence Creative Commons, CC BY SA.

[Jingle]

Étienne Gonnu : Je suis Étienne Gonnu de l’April et nous parlons, au cours de cette émission, de bibliothèques et de libertés informatiques avec nos deux invitées, Régine Hauraix pour les bibliothèques universitaires de Nantes Université, coorganisatrice du festival Les Journées des libertés numériques, et Chloé Lailic, pour la Bibliothèque de l’INSA Rennes.

Avant la pause, nous avions commencé à évoquer deux évènements importants autour des libertés numériques. D’abord le Festival des Libertés Numériques qui a été lancé par l’INSA Rennes, qui a été arrêté après trois éditons, qui a commencé en 2018, et puis, prenant le relais quelque part, on verra comment ça a pu se passer, les Journées des libertés numériques, coordonnées par les bibliothèques universitaires de Nantes Université. On attend la troisième édition en 2023. Je vais rappeler qu’il me semble qu’il est possible, jusqu’au 28 octobre, de proposer des conférences, en tout cas des propositions de participation à cet évènement.
Tu me confirmes juste la date, Régine, du 28 octobre.

Régine Hauraix : Oui. L’appel à participation peut nous être envoyé jusqu’au 28 octobre. Si nous en recevons début novembre nous les regarderons aussi.

Étienne Gonnu : D’accord. On va revenir en détail sur cette question. Je vous propose de prendre la chronologie dans l’ordre. Si j’ai bien compris, en 2018 l’INSA Rennes a lancé un Festival des Libertés Numériques. Chloé, est-ce que tu peux nous expliquer un petit peu l’histoire ? Comment cette idée est-elle venue et comment s’est-elle organisée, manifestée ?

Chloé Lailic : Oui, je peux ! Il faut que je remette le nez dans mes chiffres. En 2018, on a effectivement lancé le Festival des Libertés Numériques, mais on va dire que c’était déjà la suite de quelque chose qu’on avait développé à l’INSA au début tout seuls, ensuite avec l’Université Rennes 1 et avec l’association Actux qui est l’association de promotion du logiciel libre à Rennes.

Il me semble que depuis 2015 on organisait des CryptoParties. Les CryptoParties sont des évènements pour former et informer sur la question de la protection de la vie privée et sur la préservation des libertés. On avait lancé ça avec des collègues qui travaillaient à l’INSA, des enseignants-chercheurs, des doctorants. C’étaient des conférences, des ateliers, sur une journée. On avait aussi, justement, une install-partie dans ce cadre-là. Des moments où on peut venir installer, apprendre à installer GNU/Linux sur son ordinateur par exemple. On a fait ça pendant trois ans à la bibliothèque de l’INSA.

En 2018 on a eu envie de grossir, de travailler avec encore d’autres personnes. On a élargi nos partenaires. On a travaillé avec l’université Rennes 2, avec Sciences Po, avec la ville de Rennes, avec la ville de Saint-Malo, plein de partenaires hors monde académique aussi et des partenaires, on va dire, plus militants du monde associatif, notamment, par exemple, je disais Actux, Nothing2Hide qui est une association qui forme des journalistes aux questions de protection de la vie privée.

Au fur et à mesure des années, on a élargi, on a grossi sur tout le Grand Ouest. En 2020 on a eu jusqu’à une centaine d’évènements programmés, principalement dans des bibliothèques, tout type de bibliothèques, une grosse majorité dans le Grand Ouest et on avait quand même quelques évènements par exemple à Lyon ou à Paris, mais c’était quand même plutôt ciblé Grand Ouest.

On a quand même bien essaimé jusqu’à Nantes, donc je fais le pont, j’ai résumé très rapidement. Je pense qu’on avait l’envie de vouloir diffuser la philosophie qui était partagée par ailleurs, de se dire « on est capable de le faire en bibliothèque ». C’est un lieu pour ça, c’est un lieu où on peut former aux questions des libertés numériques et de protection de la vie privée. C’est un lieu important aussi parce qu’il y a des postures professionnelles de ne pas surveiller les gens, d’être dans une posture de faciliter l’accès à l’information, de lutte contre l’autocensure. Dans ce cadre-là j’ai notamment organisé des journées d’étude, je suis venue faire une intervention à Pas Sage en Seine, j’ai été beaucoup sollicitée dans plein de lieux militants et académiques. Nous étions un groupe qui organisions ça, nous étions des bibliothécaires, il y avait des gens plutôt du monde associatif, il y avait des doctorants et puis, en 2020, nous sommes arrivés au bout. C’était beaucoup de travail, il n’y avait pas forcément un énorme soutien financier de la part de l’INSA qui portait déjà beaucoup et, j’ai envie de dire, qu’on ne pouvait pas aller plus loin en moyens financiers et en moyens humains, du coup nous avons arrêté. 2020 a été notre dernière année, après il y a eu le covid et c’est tombé, entre guillemets, un peu « à pic ». Il n’y aura plus de Festival des Libertés Numériques, mais, derrière, ça avait tellement bien essaimé que ça a continué à germer à Nantes, donc je passe la parole à Régine.

Régine Hauraix : En fait, au cours des années 2018, 2019 et 2020 il y a eu une conjonction d’évènements très favorables. À Nantes, on commençait à s’intéresser de près à la culture numérique, à tous ces outils, ces usages numériques qui changent nos comportements, nos manières de penser, nos valeurs, nos relations aux autres. Côté bibliothécaires on regardait ça de près. On a fait une journée d’étude là-dessus destinée aux bibliothécaires de Nantes. Nos collègues de la bibliothèque universitaire de La Roche-sur-Yon organisaient déjà des Journées du numérique sur leur campus avec les étudiants, les enseignants-chercheurs, mais aussi d’autres personnes localement ou régionalement, afin de montrer comment, dans la pédagogie et dans la recherche, on utilisait le numérique pour créer des choses ou faire avancer la résolution de certains problèmes.

On était dans ce bouillonnement et, un jour, Chloé m’a appelée et m’a dit : « Franchement là il faudrait que vous fassiez quelque chose à Nantes, il faudrait que vous participiez au Festival des Libertés Numériques ». C’est comme ça que tout a commencé en fait. Chloé a dû m’appeler en 2019, juste après la journée d’étude. Quand j’ai pris connaissance du programme du FDLN, j’ai dit « OK. Oui, il faut absolument qu’on participe à ça », ça correspondait tout à fait à notre axe de travail et de lutte. Donc nous avons participé à l’édition de 2020. Ça s’est très bien passé, on a eu une quinzaine d’évènements, vraiment très divers et variés, qui allaient de la conférence sur la protection des données privées, jusqu’à, effectivement, une install-partie ou un repair café pour réparer, pour mettre du logiciel libre sur sa machine.

Nous avons appris avec effroi, en 2020, que le festival s’arrêtait et là, à Nantes, nous nous sommes dit que nous ne pouvions pas nous arrêter comme ça, le festival était trop bien. Cette participation régionale, même un peu plus, était formidable, était vraiment motivante. Nous avons donc décidé de créer les Journées des libertés numériques, mais à Nantes, à La Roche-sur-Yon et à Saint-Nazaire. Nous n’avions pas d’ambition nationale comme le Festival des Libertés Numériques.

On a creusé la question. On a eu le soutien de nos institutions universitaires, de la direction de la bibliothèque universitaire et on a commencé à chercher des subventions, des personnes qui pourraient nous aider à travailler et à mettre ce projet en place.

Étienne Gonnu : D’accord. Si j’entends bien, la principale différence est plus sur l’échelle qui a été voulue pour les Journées des libertés numériques, une échelle plus locale par rapport au Festival des Libertés Numériques qui a été pensé dans une dimension plus nationale, comme un méta évènement quelque part. Sinon ce sont sensiblement les mêmes objectifs, les mêmes publics ciblés, les mêmes typologies d’évènements.

Régine Hauraix : Exactement. C’est exactement la même chose. Notre ambition est moindre pour l’instant parce que nous avons moins de recul que nos collègues de Rennes, donc il nous faut aussi du temps, une espèce de temporalité et aussi des compétences à acquérir, de notre côté, pour qu’on pose vraiment l’évènement, sachant qu’en 2021 la première édition a été complètement tronquée à cause de la crise sanitaire. La première édition, en 2021, n’en a pas vraiment été une. En 2022, cette année, la deuxième édition était en fait notre première édition ; elle s’est passée complètement et de manière très intéressante.

Maintenant nous sommes prêts à poursuivre les éditions sur plusieurs années et peut-être à étendre nos partenariats sur un territoire plus large, nous verrons. En tout cas nous avons aussi développé des partenariats locaux, ce qui était important pour nous.

Étienne Gonnu : Du coup les évènements ont lieu dans les bibliothèques universitaires et les bibliothèques ou c’est dans divers endroits sur la région ?

Régine Hauraix : C’est effectivement dans divers endroits dans la région. Il y a, bien sûr, des choses qui se passent en bibliothèque universitaire, mais il y a aussi des lieux qui sont investis à Nantes et à la Roche-sur-Yon. À La Roche-sur-Yon je citerais notamment le théâtre la Scène nationale Le Grand R et aussi le cinéma le Concorde dans lesquels on peut prévoir des évènements. À Nantes il y a un lieu emblématique qui s’appelle la Halle 6 dans le quartier de la création, en centre-ville. Il peut y avoir Stereolux qui est un lieu de création autour de la culture numérique, ça peut être de la musique, du théâtre et autre chose. On essaye aussi de sortir et d’aller sur le territoire, bien sûr, à la rencontre des Nantais et tous ceux qui seraient intéressés.

Étienne Gonnu : D’accord. Avant, peut-être, de rentrer un petit peu dans les détails de l’édition 2023 qui aura donc lieu, si j’en crois mes notes, en mars et avril, j’aimerais demander à Chloé quelle importance a pu avoir pour elle cette prise de relais. Parfois c’est bien aussi de savoir conclure un effort quand on voit qu’on est au bout et que ça ne convient plus, mais j’imagine, quand on a investi autant de temps dans la création et la construction d’un festival, que ça doit être très satisfaisant de voir que ça a pu essaimer de cette manière-là.

Chloé Lailic : Oui, c’est très satisfaisant. Après je n’ai pas l’impression d’avoir tant que ça évangélisé mes collègues, je reprends l’expression que je ne voulais pas utiliser. Je pense que nous avons donné la possibilité à des personnes, derrière, de se sentir légitimes ou de se lancer dans l’organisation de quelque chose. On a aussi lancé une liste de diffusion à cette époque, qui s’appelle Cryptobib, qui ne fonctionne plus énormément aujourd’hui mais qui a eu son heure d’utilité, j’allais dire de gloire, mais plutôt de forte utilité à plein de moments. On sait que c’est important de traiter ces sujets-là en bibliothèque et on ne se sent pas bon techniquement, pas assez bon, pas assez doué, du coup on voulait aussi essayer de débloquer ça, accompagner les collègues sur ça.

Je ne sais pas si c’est ce qui s’est vraiment passé à Nantes, mais je trouve super que ça ait continué pas très loin de chez nous et que, potentiellement, je peux venir voir des évènements des JDLN du coup. Derrière, il y a quand même eu un groupe de personnes qui a voulu continuer le Festival des Libertés Numériques et ça n’a encore rien donné à cause de la crise sanitaire, je pense, du coup les gens se sont aussi, quelque part, perdus de vue.

Oui, c’est très satisfaisant, même si, moi-même, j’étais très triste que ça s’arrête, d’avoir mis de l’énergie dans un projet qui finit par s’arrêter. C’est toujours un peu triste aussi pour soi, mais je continue autrement et ce n’est pas grave en fait. Je suis contente d’avoir pu donner un relais, quelque part c’est super.

Étienne Gonnu : Ce que vous avez fait a produit des effets. Il y a un sens puisque ça émule et ça a pu avoir des impacts sur les gens. En tout cas, je pense qu’il ne faut jamais se dire que ça a été pour rien.

Chloé Lailic : Oui, bien sûr.

Étienne Gonnu : Régine, il y a la préparation de l’édition 2023 des JDLN, les Journées des libertés numériques. J’imagine que vous êtes au cœur de l’organisation parce que c’est un évènement qui paraît assez important en termes d’organisation. Donc des questions assez classiques : est-ce qu’il y a un thème spécifique pour cette nouvelle édition ? Des évolutions par rapport à l’édition 2022 ? Vous pouvez nous rappeler les dates ou les types d’activités qu’il s’agit de proposer.

Régine Hauraix : Les JDLN auront lieu du 1er mars au 5 ou 6 avril 2023. On a resserré un petit peu le calendrier. Il n’y a pas de thème particulier. Nous acceptons tous les projets de façon très large, très souple. Un comité opérationnel, qui s’appelle le comité tempête de cerveaux, recueille, en fait, les réponses à l’appel à participation. Nous étudions ensemble l’intérêt, la faisabilité de chaque projet et, ensuite, nous l’inscrivons dans le programme.

Pour être précis il y a deux appels à participation pour l’année prochaine, c’est une évolution : un appel à participation destiné aux associations étudiantes de l’université, ce qui est nouveau, nous avons déjà deux retours. Et puis un appel à participation classique, celui qui a été utilisé auparavant, pour toute personne contributrice qui serait intéressée.

Ensuite, bien sûr, nous travaillons aussi avec un comité de pilotage qui regarde si tout se passe bien, si nous restons aussi dans les axes de réflexion et de travail de l’université et qui nous conseille. Ce comité de pilotage réunit la vice-présidente culture à l’université, le vice-président du numérique, le directeur de la bibliothèque universitaire, une personne responsable d’un département des services au public, notre responsable comm’ et Sandrine Laurens, la responsable de la BU de La Roche-sur-Yon et moi-même. Donc la structure est bien ancrée maintenant.

Chaque année, dans les JDNL, il y a un évènement phare en plus de toutes les animations qui sont proposées. L’année dernière c’était la venue d’Alain Damasio, écrivain de science-fiction bien connu maintenant, qui a animé deux tables rondes et deux concerts sur le thème de la furtivité numérique et ça a été très apprécié. On a eu à peu près 35 animations, 30 intervenants et à peu près 1300 personnes présentes, sans compter les personnes qui ont pu regarder aussi les captations vidéo ou les retransmissions en direct de certains évènements.

Pour l’édition 2023 on a reçu à peu près 25 réponses à l’appel à participation. On essaye de développer des partenariats, notamment avec la Bibliothèque municipale de Nantes. Nous allons essayer de coproduire un événement, on ne sait pas encore lequel, mais nous sommes en relation. Cet évènement pourrait aussi se placer en septembre 2023 lors de la Nantes Digital Week qui est un autre festival dédié aussi au numérique, qui a les mêmes valeurs que les JDLN, donc nous pourrions le placer aussi dans ce festival.

Cette année l’évènement phare sera la venue de François Saltiel qui est un auteur, un journaliste connu notamment sur Arte. Il était dans l’émission 28 minutes d’Élisabeth Quin. Il a maintenant une émission sur France Culture qui s’appelle Le Meilleur des mondes, qui traite, en fait, de nos vies numériques. Il a accepté de venir pour animer trois tables rondes et une conférence interactive. L’une des tables rondes est très importante pour nous, cette année, puisqu’elle réunira Lawrence Lessig qui a accepté d’être en visio avec nous depuis les États-Unis. Tout le monde le connaît, il est le fondateur de l’organisation des Creative Commons.

Étienne Gonnu : Je ne sais pas si tout le monde le connaît mais c’est effectivement une référence sur les enjeux politiques et légaux notamment autour du code informatique. Il a écrit un texte très connu qui s’appelle Code is Law, « Le code fait loi ». C’est impressionnent, c’est super qu’il ait accepté de participer à distance.

Régine Hauraix : Avec Sandrine Laurens nous sommes vraiment très contentes de cette participation. Il sera là. Il y aura Carine Bernault, la présidente de l’université de Nantes qui est professeur en droit civil et en propriété intellectuelle, donc c’est aussi un honneur. Il y a aura Benjamin Bayart qui est connu aussi, c’est l’un des fondateurs de La Quadrature du Net ; cette table ronde sera donc animée par François Saltiel. Nous sommes vraiment très contents.

Étienne Gonnu : Des noms qui poussent effectivement à venir, qui donnent envie d’écouter. Ce sera accessible à distance ? On pourra suivre à distance ?

Régine Hauraix : Oui, ce sera accessible à distance, Il y aura à la fois une captation vidéo, donc on pourra regarder quand on veut, et il y a aura une diffusion en direct sur la Web TV de l’université de Nantes.

Étienne Gonnu : Super. Un point extrêmement complet, tu as devancé toutes les questions subsidiaires que je m’étais notées, c’est parfait.

On arrive vers la fin de l’émission. Je voudrais ouvrir une parenthèse et m’adresser à Chloé. En préparant l’émission, d’ailleurs avec mes collègues, nous avons écouté une interview que tu as faite pour un podcast qui s’appelle Resnumerica – on mettra le lien dans la page des références de l’émission –, interview que, personnellement, j’ai trouvée très intéressante. Tu as abordé une question, l’articulation entre les problématiques féministes dans le cadre militant des libristes et des libertés numériques. Tu semblais dire qu’il y a encore des difficultés à articuler. Ce sont des luttes qui nous semblent assez essentielles justement. On veut bien avoir ta lecture en tant que féministe et libriste, si tu veux bien, en deux/trois minutes, te pencher un peu dessus.

Chloé Lailic : Oui !

Étienne Gonnu : Désolé. Ça tombe un peu en fin d’émission ! Il me semble important d’en parler.

Chloé Lailic : C’est super d’en parler. Ça fait partie des enjeux que je trouve hyper-importants d’articuler ensemble. Ce n’était pas si évident que ça pour moi quand j’ai commencé le Festival des Libertés Numériques et de me préoccuper des questions de liberté numérique. Au fur et à mesure des années c’est devenu une évidence que les libertés numériques ne sont pas que numériques et qu’on parle de liberté au sens large et aussi, du coup, d’égalité au sens large.
C’est vrai que se frotter au monde libriste c’est se frotter à un environnement où les questions féministes sont là, elles arrivent, elles sont à plein d’endroits. Il y a un moment où j’ai senti qu’elles n’étaient pas assez développées dans le groupe dans lequel je travaillais pour pouvoir continuer sereinement à travailler aussi ces questions-là là où j’étais. C’était vraiment un truc, à un moment, de comment je me suis sentie à un endroit.

Par contre, derrière, pas mal d’initiatives sont lancées. Je m’apprêtais à citer le hackerspace du Reset et puis je me suis souvenue qu’ils ont un petit peu arrêté leur activité, le hackerspace féministe qui était à Paris, qu’on avait d’ailleurs fait venir à l’INSA sur des ateliers en non-mixité. Ça n’avait pas été facile de faire ça parce que, dans plein d’endroits, ce n’est pas facile de faire valoir la non-mixité même si on sait que c’est très important. Il y a aussi des associations, comme Echap, qui travaillent la question des cyberviolences sexistes ; des associations qui montent, par exemple, des instances Mastodon, là c’est peut-être un peu technique, mais je sais que c’est travaillé à plein d’endroits dans le milieu libriste. Je n’étais pas à ces endroits-là, et peut-être que ça ne m’a pas suffi, ce qui fait qu’aujourd’hui j’ai une vision beaucoup plus large. Quand j’organise des évènements dans ma structure, j’organise plus spécifiquement des évènements autour des libertés numériques, sauf dans ma fonction de Déléguée à la protection des données. Derrière c’est vraiment une perspective politique plus large, le logiciel libre en fait partie, mais on va dire que c’est un moyen, ce n’est pas une fin ; je suis arrivée à ça. Peut-être qu’à un moment j’étais plus dans « c’est la fin et ce n’est pas un moyen ». En tout cas dans ma réflexion c’est arrivé comme ça. J’espère que j’ai répondu à la question.

Étienne Gonnu : C’est très impressionnant, en deux minutes à peine avoir aussi bien résumé ! Fred me dit que c’est même l’interview sur Resnumerica qui nous a donné envie de traiter le sujet d’aujourd’hui. Chloé a eu plus de temps et plus de tranquillité pour répondre à la question que je viens d’évoquer. Je vous invite donc à aller découvrir cette interview.

On arrive en fin d’émission, je propose à chacune, en une à deux minutes, de nous évoquer ce que sont pour vous les points forts à retenir de notre échange ou, si vous souhaitez partir complètement ailleurs, cette minute est à vous. Chloé puisque tu parlais, je te laisse la parole.

Chloé Lailic : Merci. Du coup je n’ai pas préparé alors qu’on m’avait dit qu’il faudrait quand même préparer !
Les points forts. Pour moi les bibliothèques sont des lieux très importants dans notre société. Ce sont des lieux qu’il faut maintenir, ce sont des lieux qu’il faut nourrir ; il faut aller visiter les bibliothèques et s’en saisir. De l’autre côté, petit message aux bibliothécaires, il faut ouvrir et continuer ce travail de facilitation autour de tous ces enjeux des communs au sens large. Je ne fais pas du tout deux minutes, mais je ne sais pas quoi dire de plus que ce que j’ai déjà dit !

Étienne Gonnu : C’est très bien, merci. Régine Hauraix.

Régine Hauraix : Je dirais évidemment la même chose que Chloé. Il faut venir en bibliothèque de quelque nature qu’elle soit. Il faut aller rencontrer les bibliothécaires qui sont des gens formidables et qui sont très en phase avec ce qui se passe dans la société, y compris du côté des outils numériques. Il faut partager avec elles, il faut monter des projets avec elles ou avec eux. Il se passe plein de choses dans ces sphères-là. Elles se transforment progressivement en espaces de tiers-lieux, donc débats, échanges, création, etc., c’est aussi très important comme mouvement.
Et puis je dirais respect pour les personnes qui continuent à travailler sur la création d’outils libres. Pour moi, créer et faire vivre des outils informatiques ou numériques libres c’est mettre des connaissances en commun, des compétences en commun au sein d’une communauté, pour le bien commun, donc ça me rappelle un petit peu ce qu’on fait aussi en bibliothèque.

Étienne Gonnu : Très belle conclusion, merci beaucoup.
Merci beaucoup à Régine Hauraix, responsable des missions Culture et diffusion des savoirs et Accessibilité pour tous pour les bibliothèques universitaires de Nantes Université et à Chloé Lailic, responsable de la Bibliothèque et Déléguée à la Protection des Données à l’INSA Rennes.
Merci beaucoup à toutes les deux et je vous souhaite une excellente fin de journée.

Régine Hauraix : Merci. Bonne fin de journée.

Chloé Lailic : Merci beaucoup.

Étienne Gonnu : Nous allons maintenant faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Étienne Gonnu : Après la pause musicale, nous entendrons la chronique de Marie-Odile Morandi sur « Logiciel libre et communs numériques ». Avant cela nous allons écouter Restabilized par Punch Deck. Nous avions déjà transmis le morceau Destabilized du même artiste dans une précédente émission. Nous refermons donc la boucle aujourd’hui.

Pause musicale : Restabilized par Punch Deck.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Restabilized par Punch Deck, disponible sous licence libre Creative Commons CC BY, que nous avons légèrement écourté pour avoir le temps de faire nos annonces de fin d’émission.

[Jingle]

Étienne Gonnu : Je suis Étienne Gonnu de l’April. Nous allons passer au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi sur le thème « logiciel libre et communs numériques ». Rediffusion de la chronique diffusée dans l’émission  Libre à vous ! du 28 juin 2022

Étienne Gonnu : Nous allons poursuivre avec la chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi sur le thème « Logiciel libre et communs numériques ». Il s’agit d’une rediffusion d’une chronique diffusée dans l’émission Libre à vous ! du 28 juin 2022. Je vous propose d’écouter ce sujet et on se retrouve juste après sur la radio Cause Commune.

[Virgule sonore]

Frédéric Couchet : Nous allons commencer par la chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi. Marie-Odile est animatrice du groupe Transcriptions de l’April et administratrice de l’association. Elle a rédigé la chronique qui est mise en voix par Laure-Élise Déniel, bénévole à l’April. Le thème du jour : Logiciel libre et communs numériques.

[Virgule sonore]

Marie-Odile Morandi, voix de Laure-Élise Déniel : Bonjour à toutes, bonjour à tous.
Le thème du sujet principal de l’émission Libre à vous ! du mardi 17 mai était « Les communs numériques ».
Claire Brossaud, sociologue, facilitatrice des communs, et Sébastien Broca, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication, auteur de l’ouvrage Utopie du logiciel libre paru en novembre 2013, étaient les invités de Laurent Costy et d’Étienne Gonnu.
Pour cette dernière chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de la saison 5 de votre émission préférée, auditeurs et auditrices, nous avons choisi de rappeler certains éléments de cette transcription pour vous encourager à la lire ou, si vous l’avez déjà fait, à la relire, l’intitulant « Logiciel libre et communs numériques ».

Laurent Costy, vice-président de l’April et animateur ponctuel de l’émission, rappelle que la notion de communs, qui a ressurgi depuis les années 2000, n’est pas toujours simple à appréhender au-delà de la seule question du numérique.
Des précisions sont apportées par Claire Brossaud.
Les biens, en économie, sont des ensembles non exclusifs de ressources qui peuvent être partagés, mais ces ressources peuvent s’épuiser.
Les biens publics sont les ressources comme l’air, l’eau, la terre, qui, elles aussi, ne sont pas appropriables.
Bien entendu, référence est faite plusieurs fois à Elinor Ostrom, chercheuse américaine, prix Nobel d’économie en 2009. Pour elle, les communs peuvent être utilisés par tous, mais les ressources en jeu s’épuisent.
Concernant les communs de la connaissance et du numérique, la situation est différente : le savoir, la connaissance sont des ressources qui s’amplifient et se développent quand on les utilise.

Pour qu’il y ait commun, il faut traditionnellement trois piliers : une ressource, une communauté et des règles d’accès et de partage de cette ressource.
La ressource peut être matérielle – une terre, un habitat, une rivière – ou immatérielle, intangible – les communs de la connaissance, les communs informationnels, les communs culturels.
Des humains formant une communauté gèrent ensemble, en commun, cette ressource, qui risque de s’épuiser, afin de la faire perdurer. Des règles d’usage, une gouvernance collective est mise en place par cette communauté qui est en relation avec son écosystème.
Le statut de commun d’une ressource dépend toujours d’une décision humaine, de la décision d’une personne ou d’un collectif de considérer ce bien comme un commun, d’en faire une ressource partagée. C’est valable pour les biens matériels ou physiques et pour les biens informationnels.

Au début des années 80 l’information et la connaissance ont été de plus en plus privatisées, soumises à des droits exclusifs de copyright aux États-Unis, empêchant, par exemple, les pratiques communautaires de partage des développeurs qui coproduisaient les logiciels. Le mouvement du logiciel libre est créé en 1983 et 1984 par Richard Stallman. C’est un des premiers mouvements à réagir à cette enclosure et à mettre en place une véritable alternative contre les restrictions posées par la propriété intellectuelle pour permettre l’accès ouvert et le partage des ressources informationnelles. Richard Stallman défend le droit fondamental des utilisateurs à accéder au code source, il crée les licences libres dont la première, la GNU GPL, va octroyer des libertés.
Les quatre libertés – exécution, copie, modification et redistribution aussi bien de la version originale que de celle qui est modifiée – sont au cœur du logiciel libre qui joue un rôle précurseur. D’autres mouvements suivront dont le dénominateur commun est le fait de résister aux excès de la propriété intellectuelle afin de s’opposer au mouvement de privatisation de l’information : création des licences Creative Commons, promotion du libre accès aux publications scientifiques mais aussi défense des semences paysannes contre les variétés hybrides.

Peut-on qualifier les logiciels libres de communs numériques selon la définition des communs ?, demande Laurent Costy.
Si ce projet de logiciel libre est mené par une seule personne, s’il n’y a pas de communauté, pas de gouvernance démocratique, la réponse est non, affirme Sébastien Broca. Cependant, de nombreux projets de logiciel libre ont un fonctionnement communautaire, auto-organisé, qui répond à la définition des communs. Donc les logiciels libres sont souvent des communs, mais il peut y avoir des logiciels libres qui ne respectent pas vraiment les critères de définition des communs.

L’ouverture des codes sources a permis de créer des œuvres de manière itérative et collaborative. Wikipédia, encyclopédie mondiale de la connaissance, naît au début des années 2000 ; OpenStreetMap, base libre de données géographiques, le système d’exploitation libre GNU/Linux, les logiciels libres comme Firefox, les œuvres sous Creative Commons, sont des communs numériques qu’on trouve sur Internet, créés grâce à la contribution de milliers de personnes, qui permettent à ces ressources de croître et non de se réduire.
La connaissance, une idée, des biens informationnels ne courent pas le risque de s’épuiser lorsqu’on les consomme, on peut les partager à l’infini, mais on peut quand même les privatiser, on peut faire du logiciel propriétaire ! La présence d’une licence libre ne fait pas forcément d’un logiciel un commun ; un logiciel libre peut être entièrement géré par une entreprise privée, sans communauté.

Pour Sébastien Broca, la différence entre Libre et open source est philosophique, c’est une différence d’approche, de positionnement. Le logiciel libre est un mouvement social qui met au premier plan une exigence éthique. L’open source va se promouvoir avec des arguments un peu plus pragmatiques, expliquant que les logiciels sont meilleurs, qu’ils permettent des méthodes de développement ouvertes efficaces, des économies d’argent pour les entreprises. Il remarque qu’un nouveau clivage s’est mis en place depuis quelques années avec, d’un côté, le logiciel libre canal historique et ses quatre libertés et, de l’autre, une position moins rigoriste sur ces droits fondamentaux. Apparaissent ainsi des licences qui vont avoir un objectif plutôt économique de réciprocité : demande de participation au développement du code source du logiciel et, à défaut, demande de versement d’une somme d’argent.

Plus récemment une nouvelle génération arrive qui porte des combats, des valeurs ou des exigences qui n’étaient peut-être pas assez été prises en compte par la génération précédente, notamment celle des pères fondateurs du logiciel libre. Les thématiques concernant en particulier les inégalités de genre ont acquis de l’importance, ont questionné et fait réfléchir un certain nombre de communautés qui se sont aperçues de l’homogénéité sociale qui régnait, de la domination écrasante des hommes assez technophiles, blancs, favorisés socialement, accusant parfois des comportements machistes ou misogynes. Des questions de gouvernance démocratique se posent : comment s’auto-organiser, comment faire pour mener un projet communautaire respectueux ? Le mouvement des communs a ainsi pu ouvrir le monde du Libre à des thèmes qui provenaient de mondes sociaux assez différents, permettant une gouvernance plus collective au sein de certains projets de logiciel libre.

Le logiciel libre est essentiel dans le fonctionnement d’Internet : 90 % des serveurs tournent avec GNU/Linux. On a constaté une forme de récupération ou d’intégration du Libre par les GAFAM dont le monopole ne s’est, semble-t-il, pas affaibli, ainsi qu’une forme d’appropriation par l’industrie qu’on pourrait dire culturelle. Les éléments de langage, le vocabulaire de la communauté – collaboration, ouverture, partage – ont été repris, peut-être de manière hypocrite, par les grands acteurs du numérique.
Parce qu’il y a des enjeux de souveraineté des données par rapport à ces GAFAM, mais aussi des enjeux d’innovation collaborative, on constate une appropriation assez récente des communs numériques par certaines institutions avec volonté de les favoriser. On peut citer l’Agence nationale de la cohésion des territoires ainsi que l’IGN, l’Institut géographique national, qui ont choisi d’utiliser désormais OpenStreetMap.

Au cours du temps, diverses transcriptions concernant ces sujets ont été publiées. Le site Libre à lire ! met à disposition un moteur de recherche qui permet aux personnes intéressées, par exemple en insérant le terme « communs », de les retrouver. Une attention particulière peut être réservée à la transcription d’une conférence donnée en 2019 par Lionel Maurel, bibliothécaire, juriste, expert du droit d’auteur et des licences, intitulée « Faire atterrir les Communs numériques », c’est-à-dire sur un sol terrestre. Les communs de la connaissance ont une dimension matérielle et les communs matériels sont aussi des communs de la connaissance.
Lionel Maurel cite l’exemple d’une bibliothèque : les idées sont dans les livres qui sont des objets, eux-mêmes sont dans une bibliothèque qui est l’infrastructure. Sébastien Broca prend l’exemple du fab lab, le laboratoire de fabrication, qui a une dimension matérielle, qui existe dans le tissu urbain, dont l’activité est fondée sur beaucoup de communs numériques particulièrement au niveau logiciel. Il est donc difficile de séparer ces éléments qui forment un agencement.

Le Libre ne concerne pas seulement les informaticiens ou les hackers, il s’inscrit dans un projet politique plus vaste, plus global, véritable alternative, nous explique Claire Brossaud, à la mondialisation néolibérale telle qu’elle a été conduite depuis quelques décennies. Le logiciel libre n’a pas vraiment eu besoin des communs pour exister, pour progresser. Il a réussi à maintenir l’ouverture de certaines ressources informationnelles et nous pouvons dire que c’est un réel succès.
Certes, on s’est aussi aperçu que l’informatique, même quand elle est libre, peut être critiquée, remise en cause par sa participation à une numérisation du monde qui a un effet positif mais aussi des effets néfastes, notamment du point de vue écologique.

Les communs se généralisent, ce sont des modèles d’organisation sociale qui sont de plus en plus efficients dans la société. Les acteurs des communs se disent à l’interface public/privé de manière à créer une troisième voie afin d’avoir la main sur la gestion et l’allocation des ressources à l’échelle de petites communautés mais aussi à l’échelle de grandes communautés quand il s’agit des communs de la connaissance.

Depuis les années 2020 on voit s’institutionnaliser la notion de communs dans divers domaines, à fortiori dans le numérique. Les changements à accomplir en matière écologique, en matière sociale, sont considérables et les communs portent une vraie alternative. Pour Claire Brossaud, il est nécessaire d’articuler le développement des communs avec le soutien des acteurs publics et de l’État, cependant sans que les communs y perdent leur spécificité. C’est une question majeure, voire le défi des prochaines années sans oublier, comme nous le rappelle Lionel Maurel, l’imbrication des communs numériques à la technostructure physique, c’est-à-dire leur aspect matériel.

Puissent les transcriptions que nous vous suggérons de relire – vous trouverez bien entendu les liens sur la page des références de l’émission – permettre d’aider à la compréhension des communs en évitant les simplifications qui entraînent quelquefois des déformations. Certes, « tout cela est bien compliqué », mais fort intéressant, voire passionnant par son actualité.

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Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter la chronique de Marie-Odile Morandi mise en voix par Laure-Élise Déniel. Le thème du jour c’était « Logiciel libre et communs numériques ». Vous pourrez retrouver les transcriptions en référence sur le site libreavous.org. Le site dédié aux transcriptions est librealire.org où vous avez près de 900 transcriptions. Si vous voulez passer un été studieux en lisant, vous pouvez vous connecter sur librealire.org et retrouver toutes les transcriptions.

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Étienne Gonnu : Nous sommes de retour en direct sur radio Cause Commune, nous allons terminer par quelques menues annonces.

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Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre

Étienne Gonnu : Une annonce en lien avec le sujet principal de l’émission du jour, « Bibliothèques et libertés informatiques » : une journée professionnelle NumaHOP, une plateforme mutualisée pour la gestion des chaînes de numérisation, est organisée le 24 novembre 2022 à Paris-Saclay. Nous vous partagerons un lien pour s’y inscrire.

Un apéro April aura lieu le jeudi 20 octobre 2022 à partir de 19 heures, à l’Atelier des Pigistes à Montpellier. Vous pouvez vous inscrire pour faciliter la logistique, mais ce n’est bien sûr pas nécessaire pour participer.

Reprise également des Soirées de Contribution au Libre organisées par l’association Parinux. La prochaine soirée a lieu jeudi 20 octobre de 19 heures 30 jusqu’à 22 heures 30, au laboratoire La Générale, dans le 14e arrondissement à Paris.

Notre émission se termine.

Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission : Gee, Chloé Lailic, Régine Hauraix, Marie-Odile Morandi.
Aux manettes de la régie aujourd’hui, Frédéric Couchet.
Merci également aux personnes qui s’occupent de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang1.
Merci également à Quentin Gibeaux, bénévole à l’April, qui découpe le podcast complet en podcasts individuels par sujet et à Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio.
Enfin merci à Isabella Vanni qui a préparé cette émission.

N’hésitez pas à parler de cette émission le plus possible autour de vous. Vous pouvez partager avec nous ce qui vous a plus mais aussi des points d’amélioration en nous contactant à contact chez libreavous.org.

Vous trouverez sur notre site libreavous.org toutes les références utiles, ainsi que sur le site de la radio, causecommune.fm.

La prochaine émission aura lieu en direct mardi 25 octobre 2022 à 15 heures 30. Notre sujet principal portera sur Le Médialab de Sciences Po, un laboratoire interdisciplinaire qui interroge la place prise par les technologies numériques dans nos sociétés.

Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 25 octobre et d’ici là, portez-vous bien.

Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.