Émission Libre à vous ! diffusée mardi 11 octobre 2022 sur radio Cause Commune


Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Étienne Gonnu : Bonjour à toutes, bonjour à tous.
Oui, on peut jouer à des jeux vidéo sous un système d’exploitation libre, c’est le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme « Que libérer d’autre que du logiciel », la chronique d’Antanak. Et Jean-Christophe Becquet nous parlera, en fin d’émission, du Musée des Sons Disparus.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Je suis Étienne Gonnu, chargé de mission affaires publiques pour l’April.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles, et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toutes questions.

Nous sommes mardi 11 octobre 2022. Nous diffusons en direct, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission, mon collègue Frédéric Couchet. Salut Fred.

Frédéric Couchet : Salut à vous et puis amusez-vous bien !

Étienne Gonnu : Merci. Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « Que libérer d’autre que du logiciel » avec Antanak

Étienne Gonnu : Nous allons commencer par la chronique « Que libérer d’autre que du logiciel ? », proposée par nos amis d’Antanak. J’ai le plaisir de recevoir Isabelle, avec moi en studio. Isabelle, je crois que tu voulais nous parler des actualités d’Antanak, aujourd’hui.

Isabelle Carrère : Non, pas des actualités d’Antanak, justement. En septembre on avait fait ça, j’avais fait, pour la rentrée, les actualités d’Antanak même. Là je voulais plutôt aborder des sujets qui ne sont pas directement ceux d’Antanak, mais qui concernent Antanak, de fait, peu ou prou, et qui sont des éléments d’actualité plus générale, plus globale.

Peut-être en avez-vous parlé mardi dernier, je ne sais pas, désolée, si c’est le cas, parce que je n’ai pas écouté l’émission de la semaine dernière… Il ne faut pas m’en vouloir !

Étienne Gonnu : Tu seras blâmée.

Isabelle Carrère : Oui, je suis blâmée, voilà c’est fait. En tout cas, nous nous réjouissons – même si c’est une toute petite victoire – de ce que, mardi dernier, le Parlement européen a donné son feu vert pour la mise en place du chargeur unique pour les appareils électriques/électroniques portables.

Étienne Gonnu : On n’en avait pas parlé.

Isabelle Carrère : Ouf, alors ça va ! Ce n’est pas une grosse victoire, ce n’est pas un truc extraordinaire, mais quand même !

Qui ne s’est pas retrouvé un jour avec une problématique de « tiens, j’ai un chargeur, qu’est-ce que j’en fais ? », ou bien je change de téléphone, d’ordinateur, etc., et ce n’est pas le bon chargeur. Là, je parle des individus, mais mettez-vous à la place deux minutes des collectifs qui, comme nous, sont des acteurs du reconditionnement. Nous manipulons toute une série de chargeurs dans tous les sens. Ces chargeurs nous arrivent parce qu’ils nous sont donnés en vrac, dans des sacs, des chargeurs dont nous avons besoin pour les ordinateurs portables que nous reconditionnons.

Une précision : pour le moment, ce que le Parlement, la Commission a décidé, a validé, au grand dam d’Apple, puisqu’on se souvient que cette affaire-là a commencé en 2009. En 2009 ils ont commencé à réfléchir à cette question, à négocier ce qu’il serait possible, etc., avec les sociétés productrices de matériel. Et en fait Apple, évidemment, ne voulait pas et a fait traîner jusqu’à ce jour, donc jusqu’à mardi dernier.

Ça va concerner aussi – évidemment pas tout de suite – les ordinateurs portables, ça va concerner d’abord les smartphones, les appareils photo numériques, les écouteurs sans fil, les consoles de jeux vidéo portables, les GPS, les enceintes, les claviers, les souris… Bref ! Tout le matériel et ça en 2024. Ça veut dire qu’il y aura obligation de présence de port USB-C pour tout ce qui va sortir des usines, des fabricants, de la production à partir de 2024. En 2026, ce sera vrai également pour les ordinateurs.

Bon ! Ça ne va pas changer la face du monde tout de suite, mais ça fait partie des choses dont on se réjouit, qui sont censées quand même faciliter un petit peu la vie de tout le monde et qui prennent en considération les consommateurs-consommatrices que nous sommes, parfois malgré nous, et qui nous permettent d’imaginer qu’un jour ce sera plus facile et nous n’aurons plus des caisses à n’en plus finir de chargeurs différents. Vous savez que dans les ordinateurs on a à la fois la problématique du voltage, sur les portables ça commence à 18, ça termine à 20 à peu près. À côté on a la problématique de l’ampérage, en plus du voltage, pour faire les watts. Vous vous souvenez ? Vous avez des souvenirs de ça ? Du collège, lycée, tout ça ? Non !

Étienne Gonnu : C’est un peu lointain !

Isabelle Carrère : Si, allez : volt multiplié par ampère égal watt. Bref !, c’est très compliqué pour nous autres [car il y a des tas de configurations, Note de l’intervenante] ! et, en plus, il y a évidemment la question de cet embout qui est une fois carré, une fois rond, avec un petit point au milieu, pas de petit point au milieu, bref !, toutes les choses sont possibles. Voilà ! Donc nous sommes contents, nous sommes contentes de pouvoir nous réjouir de temps en temps avec des sujets.

Notre deuxième sujet de réjouissance, c’est donc cette année, vous en avez peut-être déjà parlé, les 15 ans de La Quadrature du Net.

Étienne Gonnu : Je ne sais plus si on leur a souhaité. On en profite, bravo La Quadrature du Net, à elles et eux, pour ces 15 ans !

Isabelle Carrère : Exactement, parce que ce n’est quand même pas rien, je ne sais pas s’il faut la présenter encore, j’imagine que les auditeurs et auditrices connaissent un peu cette association. En tout cas les libristes, toutes celles et ceux qui sont habitués à ces sujets de défense des libertés.

Étienne Gonnu : On ne sait jamais ! En deux mots, comment définirais-tu La Quadrature du Net ? C’est une association qui défend les libertés informatiques sur Internet.

Isabelle Carrère : Voilà, qui a mené à la fois des combats de grande portée et, en même temps, des choses hyper-pointues, précises, de sensibilisation, j’allais dire d’un grand public, même si ce n’est pas obligatoirement toujours un très grand public. Actuellement leur thématique, en plus de la liberté sur Internet, c’est tout ce qui est Technopolice.

Étienne Gonnu : Tout à fait.

Isabelle Carrère : Tout le combat contre les caméras, la surveillance, le contrôle. Toutes les opérations de contrôle en fait, d’un côté sur Internet, de l’autre côté dans la rue, dans nos villes, toutes ces caméras qui sont installées un peu partout, qui nous suivent et nous pistent.

Étienne Gonnu : On partagera le lien pour les personnes qui s’intéressent à cette campagne, si elles veulent creuser cette question.

Isabelle Carrère : Tout à fait. Je la trouve très intéressante, à Antanak nous la trouvons très intéressante.
Mathieu Labonde et Benoît Piédallu sont les coauteurs de la première biographie, c’est rigolo, de La Quadrature du Net. Ils ont appelé ça Internet et libertés, au pluriel bien entendu. Je vous lis l’extrait de présentation : « Partout où le numérique est venu changer nos vies, le respect de nos libertés fondamentales est un combat.
Pendant que Facebook, Google et compagnie se targuent de protéger nos données tout en les exploitant pour booster la publicité ciblée, les lois sécuritaires s’enchaînent et les expérimentations illégales aussi : des micros dans les rues, des tests de reconnaissance faciale dans les stades ou les transports, des drones aux mains des policiers... La dérive vient des pouvoirs publics autant que des entreprises. »

Les membres de La Quadrature du Net sont de ceux qui, comme vous l’April, sont vigilants sur toutes les questions liées à la liberté, aux libertés au pluriel. Ils et elles ont été actifs/actives depuis toujours sur les thématiques de droit d’auteur, de censure, etc. Ils et elles veillent beaucoup plus largement à la protection de notre vie privée. Il y a des campagnes d’information que nous trouvons suffisamment importantes et présentes pour qu’on en parle.

Et puis un dernier petit point, une dernière actualité. Samedi dernier, le 8 octobre, se sont tenus, vous le savez, plusieurs rassemblements pour demander que Paris donne l’asile politique à Julian Assange, en tout cas qu’il ne soit pas extradé vers les États-Unis. Les auditeurs et auditrices doivent se souvenir de Julian Assange. L’informaticien et cybermilitant australien, fondateur de l’entreprise de Wikileaks, vit depuis dix ans maintenant sous la menace et il est menacé de 175 ans de prison s’il retourne aux États-Unis. C’était important qu’il y ait pas mal de monde, un peu partout en France et dans le monde d’ailleurs, qui se soulève à nouveau pour demander quelque chose. Il est en dans une prison de haute sécurité au Royaume-Uni, sa santé est déclinante ; il a 51 ans et on ne sait pas ce que ça va donner.
Une trentaine d’associations et de collectifs sur Paris étaient partie prenante de ces appels et rassemblements, dont deux qu’on aime bien :
Halte au contrôle numérique, qui est à l’initiative d’un petit guide d’autodéfense numérique écrit en 2017 – peut-être que certains et certaines le connaissent -, qui est toujours d’actualité sur la façon dont on peut se protéger sur Internet, notamment ;
et puis une association qui s’appelle Le Mouton numérique, qui organise des choses publiques dont vous avez, je crois, déjà parlé ici. Ils organisent des choses régulièrement, y compris dans le 18e arrondissement de Paris. Samedi prochain, le 15 octobre, il y aura un atelier-conférence dans le 18e, organisé par Le Mouton numérique, qui s’appelle « Immersion dans la matérialité du numérique ». Ça nous concerne puisque, enfin, des gens se mettent à parler un peu plus de la question matérielle et pas simplement faire comme si tout ça, le numérique et l’informatique, n’était que du virtuel.

Voilà ! C’était ma petite contribution aux annonces. Merci à tous et toutes pour votre écoute et à bientôt pour de prochaines aventures.

Étienne Gonnu : Merci Isabelle. C’est bien aussi d’ouvrir un peu nos horizons, de voir ce que font par ailleurs nos camarades, pour pouvoir faire avancer notre cause commune.

Isabelle Carrère : Joli ! Merci Étienne.

Étienne Gonnu : Je te dis au mois prochain, Isabelle, et je te souhaite une bonne après-midi.
Nous allons maintenant faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Étienne Gonnu : Après la pause musicale, nous verrons que oui, il est possible de jouer à des jeux vidéo sous un système libre. Avant cela, nous allons écouter Greensleves (HapiNes version) par Ehma. On se retrouve dans deux minutes environ. Belle journée à l’écoute de Cause commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Greensleves (HapiNes version) par Ehma.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Étienne Gonnu : Nous voilà de retour sur Cause Commune, la voix des possibles. Nous venons d’écouter Greensleves (HapiNes version) par Ehma, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By. Une licence qui permet la réutilisation, la modification, la diffusion, le partage de cette musique pour toute utilisation, y compris commerciale, à condition de créditer l’artiste – c’est-à-dire son nom, la source du fichier original – d’indiquer la licence et d’indiquer si des modifications ont été effectuées.

[Jingle]

Étienne Gonnu : Nous allons passer à notre sujet suivant.

[Virgule musicale]

Jouer à des jeux vidéo sous un système d’exploitation libre avec Antoine Le Gonidec, développeur de ./play.it

Étienne Gonnu : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui porte aujourd’hui sur les jeux vidéo sous système libre. Un sujet à la croisée de nombreux enjeux et bien plus politique qu’il ne pourrait y paraître. Le sujet va être animé par Laurent Costy, vice-président de l’April et chargé de mission éducation et communs numériques aux Ceméa [Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active].

Je vous rappelle qu’il est possible de participer à notre conversation au 09 72 51 55 46 ou sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat ».

Laurent, je te passe la parole.

Laurent Costy : Merci Étienne.
Nous allons effectivement parler aujourd’hui un peu de jeu vidéo. Je pense qu’on refera d’autres émissions parce que, en creusant le sujet, je me suis aperçu qu’il y a une quantité de points de vue à aborder et nous allons plus particulièrement parler de ./play.it. On va essayer d’appréhender ce qu’est ./play.it et quelle place il occupe dans la constellation d’outils dont on entend parler quand on souhaite jouer sous GNU/Linux.

Préalablement je souhaite excuser Mopi qui aurait dû se joindre à nous aujourd’hui, qui n’a pas pu pour des raisons de santé, et remercier les gens qui nous ont aidés à préparer cette émission, ils se reconnaîtront.

Je vais donner une petite introduction que j’ai trouvée sur linuxfr.org qui permet d’appréhender globalement ce qu’est ./play.it. Antoine Le Gonidec, qui est notre invité, nous expliquera évidemment dans les détails ce dont il s’agit puisqu’il est le développeur principal du projet. « Le projet ./play.it est dédié à un seul but : tordre le cou à la rumeur la plus persistante au sujet de GNU/Linux. Il s’agit bien sûr du fameux : "Ton linusque, là, c’est nul, il n’y a aucun jeu qui tourne dessus  !" »

Je pense qu’on a posé le cadre. On va commencer par demander à Antoine Le Gonidec de se présenter et de nous raconter un petit peu pourquoi il en est arrivé à initier le projet ./play.it.

Antoine Le Gonidec : Salut Laurent. Salut Étienne, merci pour l’invitation.
C‘est un peu atypique d’inviter quelqu’un qui va parler de jeux vidéo commerciaux dans une émission qui tourne beaucoup autour du logiciel libre. Je vais essayer de convaincre tout le monde que ça reste un sujet pertinent, même dans les combats autour du logiciel libre.

Laurent Costy : Merci. Je pense que c’est effectivement important de le préciser.

Antoine Le Gonidec : Tu résumes bien le début : ce qui a lancé ./play.it, cette rumeur assez persistante, que je savais déjà fausse à ce moment-là parce que je jouais depuis longtemps sous GNU/Linux à énormément de jeux différents, mais qui était beaucoup ce que j’entendais de mes potes autour de moi quand je parlais de mon système, qui est un petit peu passée de mode aujourd’hui. On joue beaucoup plus facilement sous GNU/Linux depuis une dizaine d’années que ça a pu être le cas avant.

Pour résumer un petit peu ce que fait ./play.it, c’est un logiciel qui aide à intégrer des jeux vidéo commerciaux, aussi bien des petits jeux indés que les gros succès du moment, au sein de logiciels libres. C’est quelque chose que je développe maintenant depuis à peu près 2013, qui est devenu un projet un peu plus sérieux quelques années plus tard, autour de 2016, et sur lequel je passe le gros de mon temps libre depuis.

Laurent Costy : D’accord. Je me suis un petit peu intéressé aux jeux sous GNU/Linux puisque je suis sous GNU/Linux depuis plusieurs années, je croise énormément d’objets. Moi qui ne suis pas technicien, parfois je suis complètement perdu entre ces différents objets, par exemple Wine, Lutris, GOG, PlayOnLinux. J’ai entendu parler de tout ça et évidemment de ./play.it. Quelle est la différence entre ces différents objets, ces différents programmes, ces différentes approches du jeu vidéo sous GNU/Linux ?

Antoine Le Gonidec : Ta liste est un bon exemple de la complexité, parce que ce sont presque tous des trucs très différents. Par exemple GOG, que tu as cité, est tout simplement une boutique qui n’a absolument aucun lien avec le logiciel libre, parce que c’est un concurrent direct à la boutique très connue Steam. Ce qu’ils font c’est vendre des jeux vidéo commerciaux.

Laurent Costy : Il y a peut-être une différence entre les deux : GOG propose des jeux vidéo sans DRM, c’est peut-être ça qui fait la différence entre les deux ?

Antoine Le Gonidec : Oui. C’est la différence, c’est ce qui fait que cette boutique a une pertinence.

Laurent Costy : Une pertinence plus importante que Steam. D’accord, très bien. Donc GOG. Il y a aussi Wine qui est très ancien.

Antoine Le Gonidec : Wine est presque aussi vieux que Linux lui-même, si je ne me trompe pas, ça a dû démarrer la même année ou peut-être un an plus tard. C’est un logiciel de compatibilité. L’idée c’est de faire tourner sous GNU/Linux des logiciels qui ont été écrits pour Windows, qui n’est pas à l’origine spécialisé dans le jeu vidéo, ça pourrait être utilisé pour faire tourner des suites Office, des logiciels métiers, mais, en effet, aussi du jeu vidéo. C’est devenu une de ses utilisations principales au fur et à mesure que l’offre libre pour les logiciels, on va dire utilitaires, est devenue vraiment très performante. Il y a de moins en moins de raisons d’utiliser Wine pour autre chose que du divertissement, à part dans quelques cas spécifiques de logiciels métiers en entreprise qui ne sont pas redéveloppés pour tout un tas de raisons qui sont généralement économiques.

Après Wine on a PlayOnLinux qui est assez lié. Wine est un outil qui s’utilise en ligne de commande, ce qui peut-être un petit peu intimidant, un petit peu compliqué à utiliser. PlayOnLinux est un outil, lui aussi assez ancien, qui essaye d’automatiser l’utilisation de Wine pour tout un tas de jeux vidéo.

Laurent Costy : D’accord. En fait on prend des briques, c’est souvent le cas dans le logiciel libre. Il y a des briques qui ne sont pas très accueillantes, on va dire, donc des gens disent « on va faire un programme pour que la brique soit plus accueillante », on fait une surcouche, puis on essaye d’interconnecter ces programmes-là et faire que ce soit le plus simple possible pour l’utilisateur final.

Antoine Le Gonidec : C’est l’idée. C’est une surcouche conviviale à Wine.

Lutris, qui est un logiciel très à la mode chez les joueurs en ce moment, est un client tout intégré. Les gros joueurs sont habitués à ce genre de chose. Le client le plus connu, qui n’est absolument pas libre, c’est Steam. L’idée c’est que ça va gérer l’installation des jeux, leur lancement. Ça permet à ceux qui ont beaucoup de jeux à installer de naviguer, d’en choisir un, ça peut intégrer d’autres systèmes, les systèmes de succès, les systèmes de chat.

Laurent Costy : Du coup GOG et Lutris sont finalement des systèmes assez similaires. Ils sont différents ?

Antoine Le Gonidec : La différence c’est que Lutris est vraiment uniquement le logiciel, ils ne vendent rien, là où GOG a une boutique qui propose son propre client, qui s’appelle GALAXY, qui lui n’est pas open source, donc beaucoup de personnes ne veulent pas l’utiliser. C’est toujours un peu embêtant, quand tu achètes un jeu, qu’on te demande d’installer un logiciel tiers dont on ne peut pas savoir ce qu’il fait vraiment, et qui, en plus, a une fâcheuse tendance à se lancer au démarrage du système, à partager, qu’on le veuille ou non, « machin est en train de jouer à ça en ce moment », à tenir des statistiques « tu as joué tant de temps sur tel jeu » ; les systèmes de succès jouent aussi beaucoup là-dessus « tu as fini le premier chapitre, tu as fini le deuxième chapitre... ».

Laurent Costy : « Et si tu faisais le troisième chapitre ? ». Ce sont des systèmes très intrusifs. En tout cas c’est aussi pour ça que, parfois, des joueurs libristes n’ont pas envie d’utiliser ce type d’outil.
Est-ce que j’ai oublié des briques dans tout ce que j’ai cité ?

Antoine Le Gonidec : Non. Il y a d’autres exemples, mais tu as bien listé les différents rôles, je pense.

./play.it se glisse au milieu de tout ça comme encore une autre réponse. C’est-à-dire que c’est aussi quelque chose qui tourne au-dessus de Wine, qui vise à faciliter l’utilisation pour les personnes qui ne veulent pas un client tout intégré et qui propose vraiment une expérience complète, un peu façon console de jeux.

L’approche qu’on a eue avec ./play.it c’est de se dire que, finalement, nos distributions Linux nous fournissent déjà une manière très agréable d’installer, de lancer les logiciels via les systèmes de paquets qui sont l’inspiration derrière les /stores qu’on a maintenant chez les OS propriétaires type Apple Store, je crois que Windows doit avoir le sien, Microsoft Store ou un truc dans ce genre-là. On s’est dit qu’on n’allait pas réinventer un nouveau système mais juste essayer de proposer une petite couche d’automatisation et d’intégration pour que les jeux commerciaux qu’on a achetés s’installent de la même manière que les jeux libres qu’on a à disposition dans les dépôts des distributions.

Laurent Costy : Pour les gens qui nous écoutent et qui découvrent un peu tout ça, si on devait faire une comparaison entre le programme qu’on installe sous Windows, ça fait longtemps que je ne l’ai pas utilisé. Donc de mémoire, sous Windows, il y a un.exe, on lance un .exe et ça installe le jeu sur le système d’exploitation.

Antoine Le Gonidec : Généralement on va d’abord essayer de le trouver sur un site web. On ne sait pas toujours lequel est le bon, à moins de connaître le nom de l’éditeur du logiciel, on a tendance à fouiller un peu, voir qu’il y a 15 sites de téléchargement qui le proposent, on ne sait pas lequel est le bon, on ne sait pas lequel va rajouter une barre de pub.

Laurent Costy : Très bien. Si on doit faire le parallèle, quand tu disais qu’on prépare les paquets sous GNU/Linux avec ./play.it, ça veut dire finalement que ./play.it fait l’équivalent d’un .exe quelque part. Si on devait faire un parallèle vraiment grossier, c’est-à-dire qu’on fait un programme qui va être facilement lançable par GNU/Linux. Est-ce que c’est ça l’idée ?

Antoine Le Gonidec : C’est l’idée. On va partir du .exe qui existe déjà pour Windows et on va le transformer en l’équivalent pour la distribution Linux de l’utilisateur. On gère différents formats selon ce qui tourne sur ce qui est utilisé.

Laurent Costy : Pour les « p·auditeurs » et « p·auditeuses » qui ne connaissent pas, chaque distribution Linux a effectivement son système de package, ce qui complexifie parfois l’utilisation d’un système ; quand on essaye de basculer d’un système à l’autre ça reste compliqué pour le néophyte.

Antoine Le Gonidec : C’est ça.

Laurent Costy : ./play.it permet finalement de transformer un .exe en différents paquets possibles en fonction de la distribution GNU/Linux qu’on utilise.

Antoine Le Gonidec : Et qui vont ensuite s’installer via ce qui est déjà fourni dans la distribution, comme on aurait installé un autre logiciel qui, lui, serait directement fourni.

Laurent Costy : Écoute, c’est encore plus clair pour moi que dans la préparation de l’émission, c’est parfait ! Je pense que ça éclaire déjà pas mal de choses sur la place de ./play.it dans tout l’écosystème qu’on a pointé là.

Étienne Gonnu : Je vais me permettre une question que je vais relayer du chat. Tu as régulièrement parlé des jeux commerciaux que tu opposes aux jeux libres. Qu’est-ce que tu appelles un jeu commercial ? Classiquement on va plutôt opposer les logiciels libres à ce qu’on appelle les logiciels privateurs, qui nous privent de nos libertés. Quelle distinction fais-tu justement entre les jeux commerciaux libres, parce qu’on pourrait vendre, on pourrait commercialiser des jeux libres, ce n’est pas antithétique. Qu’est-ce que c’est, pour toi, un jeu commercial ?

Antoine Le Gonidec : C’est vrai que quand j’utilise le terme commercial, ici c’est très proche de privateur. J’ai tendance à utiliser ce terme-là pour englober tout ce qui n’est pas redistribuable. C’est vrai que commercial est peut-être un petit peu bancal parce que ça va inclure différents jeux gratuits mais qu’on ne peut pas intégrer aux dépôts des distributions pour différentes raisons, qui, d’ailleurs, ne sont pas forcément des raisons de licence, il peut y avoir d’autres trucs qui bloquent.

Pour les personnes qui sont plus à l’aise avec privateur c’est à peu près synonyme dans ce que je dis. J’ai beaucoup l’habitude de m’adresser à un public qui est parfois peu libriste, pour qui privateur ou non-libre sont des termes un peu obscurs. Commercial, dans ce cas-là, veut souvent dire que c’est un jeu qu’on a acheté sur une boutique en ligne.

Étienne Gonnu : Ça me paraît clair. Merci.

Laurent Costy : Tu as peut-être commencé à répondre à la question, mais est-ce qu’il y a eu un déclencheur pour le développement de cet outil-là ? Est-ce qu’il y a un jeu en particulier pour lequel tu t’es dit « tiens, je vais me lancer dans un programme ! » 

Antoine Le Gonidec : Le déclencheur n’était pas du tout lié à un jeu vidéo en particulier. Autour de 2013 il y a eu un moment où je ne m’intéressais plus trop à mes études, j’avais pas mal de temps libre devant moi et j’ai eu envie d’apprendre à programmer, à écrire du code. J’ai commencé à regarder un petit peu des guides en ligne et, à chaque fois, ils proposaient des exercices que je trouvais très ennuyeux, programmer des trucs dont je ne voyais pas l’utilité. Je me suis dit je vais m’inspirer de ça, mais je vais faire quelque chose qui me parle un petit peu plus, qui va m’occuper une semaine ou deux comme ça j’aurais appris quelques bases de programmation. J’ai eu cette idée : je me suis dit « j’installe mes jeux un petit peu en vrac, en bricolant, il faut rajouter des bidouilles à droit à gauche, je pourrais peut-être automatiser ça, puis sortir un format propre qui va être facile à installer sur plusieurs PC derrière. »

J’ai appris quelques bases comme ça. Ça ne s’est pas du tout arrêté à deux semaines parce qu’une fois que j’ai géré un jeu ou deux, j’ai voulu en gérer un autre puis un autre. Je me suis rendu que de nouvelles problématiques arrivaient. Par exemple, au début, je ne gérais que les systèmes d’exploitation GNU/Linux de la famille Debian et Ubuntu. Après je me suis dit il y a d’autres formats. Voilà ! Je me retrouve maintenant, presque dix ans plus tard, à toujours bosser sur ce qui devait être à la base juste un petit exercice auto-imposé pour apprendre quelques bases de programmation.

Laurent Costy : Du coup je vais revenir à une question initiale qui était : quel est ton parcours ? Je me penche sur GNU/Linux depuis plus de 20 ans maintenant ; au bout de deux lignes de commande je suis perdu ! Je pense que techniquement, il faut quand même avoir acquis pas mal de compétences, il faut avoir pas mal creusé le sujet. Quel est ton parcours scolaire initial ? Tu expliques que tu as fait ça un peu par hobby, mais comment ça s’est complété ? Comment ça s’est articulé ?

Antoine Le Gonidec : Au niveau de mes études, je m’intéressais à l’informatique depuis quelques années, j’étais passé à GNU/Linux autour de 2006, que je gardais en parallèle de Windows, et j’ai gardé GNU/Linux seul à partir de 2008 de mémoire. Il a fallu que j’apprenne à bricoler un peu plus pour faire tourner mes jeux, mais j’étais déjà un grand passionné d’informatique, ce qui fait que quand je me suis lancé là-dessus en 2013, ça faisait quand même cinq ans que j’utilisais GNU/Linux au quotidien et que je bidouillais beaucoup. Par contre, je n’avais pas de formation réellement scolaire parce que les études que j’avais entamées ont toutes été interrompues au bout de quelques mois. J’aime bien dire que j’ai une sorte de bac + 1 + 1 + 1 + 1, parce que j’ai enchaîné beaucoup de débuts de première année sans la motivation pour pousser plus loin.

Laurent Costy : À la Silicon Valley, ils adorent ça, les cursus complètement éclatés. C’est vraiment un profil qu’ils aiment.

Antoine Le Gonidec : C’est justement ce qui a très bien fonctionné et ce qui m’a permis de trouver des emplois dans l’informatique ensuite. J’ai eu la chance de tomber, je crois que c’est en 2015 ou en 2016, sur ce qui était le début de ce qui est à la mode en ce moment, les formations accélérées en six/huit mois pour faire de quelqu’un un développeur pas cher dont les boîtes ont beaucoup besoin en ce moment. C’est ce qui m’a permis d’avoir un diplôme qui, ensuite, me permettait de décrocher des entretiens d’embauche.

Ensuite, en entretien, on oubliait tout ça, je parlais de ./play.it, des développements que j’avais faits dessus et c’est ça qui intéressait les recruteurs. C’est très rigolo. Pour mon premier emploi dans l’informatique j’avais postulé pour une offre de développeur web, ce qui était ma formation, et, à la fin de l’entretien, on m’a proposé de me recruter comme administrateur système, une activité qui n’a à peu près rien à voir, mais sur laquelle j’avais quelques expériences en amateur. Suite à ./play.it, justement, je me suis retrouvé, par exemple, à vouloir partager ça sur un site web, il a fallu que j’apprenne à mettre en place un serveur, un site web, ce genre de choses.

C’est le développement de ./play.it qui m’a permis de développer les compétences que j’ai aujourd’hui en informatique et pas dans l’autre sens. J’ai commencé en ne connaissant pas vraiment rien non plus, mais pas plus que quelqu’un qui aime bidouiller un peu ce que fait son ordinateur, qui essaye de comprendre ce que font les différents logiciels. Pas plus, en fait, que n’importe qui s’étant suffisamment intéressé pour commencer à remplacer ses logiciels propriétaires par des logiciels libres ou changer d’OS et passer à GNU/Linux.

Laurent Costy : Donc, la passion comme moteur au fil du temps et on cherche, on continue sur sa lancée.

Étienne Gonnu : Que le logiciel libre a permis aussi d’explorer. Je trouve que tu fais un très beau plaidoyer pour le logiciel libre.

Antoine Le Gonidec : C’est pour ça qu’à aucun moment je me suis dit que ce logiciel que j’ai développé était un truc que j’allais garder. Quand je l’ai lancé je ne pensais pas que ça allait intéresser grand monde. La licence libre c’était vraiment une question de principe plus que de volonté de diffusion. C’est grâce au logiciel libre que j’ai commencé à m’intéresser à tout ça et à me rendre compte que n’importe qui peut développer quelque chose. Je me suis dit qu’il y a aussi une forme de justice à garder ce genre de licence et à rendre à ces communautés qui m’avaient donné l’envie de me lancer.

Laurent Costy : Oui. Tu es passionné par ton objet, ce que tu as développé. Tu te dis que c’est libre, c’est sous licence libre, donc les gens peuvent se l’approprier, s’ils veulent faire un fork, ils font un fork !

Antoine Le Gonidec : Exactement.

Étienne Gonnu : Excuse-moi, j’ai perturbé Laurent en déplaçant son micro que je trouvais un peu éloigné.

Laurent Costy : La communauté est relativement réduite autour de ./play.it. Comment cela se fait-il ? Ce sont des gens qui consolident un petit coup de temps en temps ? Qui envoient des patchs ?, je ne sais même pas comment on dit.

Antoine Le Gonidec : La communauté de développeurs est généralement réduite dans le sens où il y a rarement plus de deux ou trois personnes à la fois à bosser régulièrement dessus et qui ont changé pas mal au fil du temps. Sur la durée de vie du logiciel, je pense qu’on a dû avoir 20 à 25 contributeurs, ce qui, dans le domaine du logiciel libre, est déjà beaucoup. On connaît un peu les mastodontes comme Firefox et VLC dont on se dit pour faire des trucs pareils il faut énormément de monde. C’est vrai dans le cas de Firefox, beaucoup moins dans le cas de VLC. En fait, pour une grande partie des logiciels libres, ce sont de toutes petites équipes, parfois des personnes toutes seules.

Laurent Costy : On imagine souvent de grosses communautés et on est très surpris de voir qu’il y a très peu de personnes derrière et souvent c’est vrai que ce sont des personnes seules qui sont sollicitées, sursollicitées. C’est intéressant parce que ça permet d’appréhender un peu comment peuvent fonctionner des communautés autour des logiciels libres.

Étienne Gonnu : Fred nous fait remarquer que ce n’est pas vrai pour VLC, par exemple.

Laurent Costy : Tu veux dire que la communauté est importante ? C’est ce que tu veux dire ?

Étienne Gonnu : Fred va parler pour lui.

Frédéric Couchet : Pour VLC, c’est relativement inexact parce que la communauté n’est pas très grande et je renvoie à l’émission 42 de Libre à vous !, donc sur libreavous.org/42.

Laurent Costy : Oui, la communauté n’est pas très grande.

Étienne Gonnu : Ce qui permet d’être efficace par ailleurs.

Laurent Costy : C’est ce qu’on disait. On ne s’est peut-être pas compris, ce n’est pas très grave, on va continuer et on mettra le lien.

Étienne Gonnu : Comparé à Firefox.

Laurent Costy : Oui, comparé à Firefox, c’est ce que disait Antoine. La communauté de Firefox est un peu plus importante et, surtout, il y a une fondation, des moyens privés derrière, beaucoup de salariés. Il peut y avoir des développements de logiciels libres avec des salariés, ce qui a été le cas aussi de toute la suite LibreOffice, mais, souvent, on constate quand même des logiciels avec des toutes petites communautés.

Merci déjà pour cet éclairage. Je trouve ce parcours-là très intéressant. J’aimerais bien que tu donnes ton point de vue de l’histoire des jeux vidéo sous GNU/Linux. C’est une petite histoire.

Antoine Le Gonidec : Ce sera forcément très subjectif parce que ce n’est pas un sujet que j’ai creusé très profondément. Jusqu’ici je racontais une histoire qui était plus ou moins en trois étapes, mais une quatrième s’est lancée il y a très peu de temps, donc ça étoffe un petit peu tout ça.

J’ai l’impression que pendant longtemps, jusqu’au début des années 2000, il y avait une toute petite poignée de jeux non-libres qui avaient une version Linux proposée, mais la plupart des jeux qu’on avait sous Linux étaient des jeux libres.

Laurent Costy : Peux-tu en citer quelques-uns de tête ? En 2000, quels étaient les jeux libres sous GNU/Linux ? Battle for Wesnoth était déjà fonctionnel ?

Antoine Le Gonidec : Je ne sais pas s’il existait déjà. Warzone 2100 était probablement déjà libéré. Je ne sais pas si 0AD avait déjà commencé son développement. Dans l’ensemble il n’y avait certainement pas grand-chose.

Ensuite, autour du tout début 2000, on a eu une tentative d’un studio de portage, Loki, de faire des portages commerciaux de jeux pour Linux. C’est-à-dire que le jeu existait déjà pour Windows, il était en vente depuis un an ou deux, on s’est dit il y a peut-être une clientèle, on va faire du cédérom pour Linux. Ils ont porté une poignée de jeux. Techniquement ça fonctionnait très bien, mais commercialement ils ont mis la clé sous la porte peut-être moins de deux ans avant leur lancement. Je crois que ça a été une des premières tentatives commerciales qui ne soit pas juste un studio qui décide de faire une version Linux de son propre jeu.

Laurent Costy : D’accord. Qu’avaient-ils porté ? Sais-tu quels jeux ils avaient portés sous Linux ?

Antoine Le Gonidec : On devait avoir un Civilization Alpha Centauri et je crois qu’il y avait eu un travail commencé sur Deus Ex, mais qui n’a pas abouti. Je crois que leur site web existe encore, est conservé en ligne en lecture seule depuis maintenant 20 ans, donc on voit la poignée de jeux qu’ils vendaient. De mémoire, il y en a peut-être une dizaine ou une douzaine.

Laurent Costy : D’accord, j’irai voir, c’est intéressant.

Antoine Le Gonidec : Ensuite, on en avait de plus en plus de jeux libres, mais sur le plan commercial ça n’a pas beaucoup bougé jusqu’à à peu près dix ans plus tard, quand on est arrivé, bien, dans la période du jeu dématérialisé et que Valve a lancé une version GNU/Linux de son client Steam. Là on a commencé à voir une diffusion un peu plus large de jeux avec des versions Linux natives, en partie aussi grâce aux nouveaux moteurs de jeux qui étaient disponibles et qui permettaient un peu plus facilement de faire des versions pour GNU/Linux, y compris pour des développeurs indépendants.

Dix ans plus tard, on arrive sur la période actuelle. Encore une fois c’est Valve qui lance un nouveau mouvement. Ils voulaient faire une console de jeux portables, qui est sortie il y a peu de temps, le Steam Deck. Ils se sont dit que la seule manière de concurrencer ceux qui ont un gros catalogue comme Nintendo et son Switch, c’est de promettre aux gens qu’ils vont pouvoir faire tourner leurs jeux PC dessus et les jeux PC restent quand même beaucoup des jeux Windows. Un effort a été fait pour améliorer Wine pour faire tourner un maximum de jeux.

Aujourd’hui nous sommes arrivés à cette situation qui semble un peu hallucinante à ceux qui s’intéressent aux jeux vidéo sous GNU/Linux depuis longtemps, c’est que les jeux Windows qui ne tournent pas sous GNU/Linux sont devenus des exceptions. Une grande majorité des jeux pour Windows tourne vraiment très bien sous GNU/Linux.

Laurent Costy : D’accord. Je refais un lien vers GOG qui est une plateforme qu’on peut critiquer. On a effectivement la capacité de chercher dans la liste des jeux ceux qui tournent nativement sous GNU/Linux et ceux qui tournent sous Windows. On s’aperçoit que le catalogue n’est pas nul, loin de là, il y a pas mal de propositions. Les jeux les plus récents, souvent, ne tournent pas directement sous GNU/Linux, mais c’est vrai que ça s’est beaucoup étoffé et on voit bien qu’il y a nativement des portages possibles sous GNU/Linux.

Étienne Gonnu : Pour bien comprendre : Valve avait un besoin technique pour sa plateforme Steam et pour sa console à distance et répondre à ce besoin leur a permis, finalement, de développer et de faire que les jeux puissent tourner sous GNU/Linux.

Antoine Le Gonidec : C’est l’idée, oui.

Étienne Gonnu : C’est intéressant de voir comment des besoins matériels peuvent aussi impacter.

Antoine Le Gonidec : Comme ils sont très forts en marketing, l’histoire qui circule plus parmi les joueurs c’est que c’est parce qu’ils aiment beaucoup Linux et qu’ils voulaient aider Linux qu’ils ont fait tout ça.

Étienne Gonnu : Ça se saurait !

Antoine Le Gonidec : Si on fouille un peu plus dans l’histoire de la boîte, on voit que Gabe Newell, qui l’a fondée, est un ancien de chez Microsoft, qu’il a quittée en assez mauvais termes. Il y a d’assez bonnes raisons de penser que l’accent mis beaucoup sur GNU/Linux depuis maintenant une dizaine d’années est aussi une manière de faire passer un message : si un jour vous essayez de mettre en place des restrictions, par exemple avec le Microsoft Store ou autre chose de ce genre-là, on peut se passer de vous. Eux ne s’attendent pas à ce que tout le monde passe sous GNU/Linux, que ce soit sur le court ou sur le long terme, mais ils veulent se prévoir une porte de sortie au cas où Windows devienne un peu comme macOS, quelque chose de très fermé et très contrôlé au niveau de la distribution logicielle.

Laurent Costy : C’est intéressant d’approcher l’histoire du jeu vidéo sous cet angle-là. Ça veut bien dire qu’ils ont contribué au développement de Wine, qui est un logiciel libre, et ça retourne à la communauté, c’est plutôt intéressant.

Antoine Le Gonidec : Autant leur logiciel phare, Steam, est quelque chose de fermé, dont on a d’excellentes raisons de se méfier. Mais en effet, comme ils se sont basés sur des logiciels libres déjà établis – Wine existait depuis plusieurs dizaines d’années quand ils ont commencé à travailler dessus –, beaucoup de leurs contributions ont été reversées. Ils ont travaillé aussi sur les pilotes graphiques. Beaucoup du travail qu’ils ont fait bénéficie à tous les libristes, mais il faut faire attention et ne pas croire au discours de bienveillance, ce n’est pas pour aider le logiciel libre qu’ils ont fait ça, c’est que le logiciel libre était, pour eux, un excellent outil pour leurs plans commerciaux et on en bénéficie par effet de bord grâce à la conception du logiciel libre.

Étienne Gonnu : Puisque ça fait une demi-heure que nous discutons et c’est vrai qu’il y a pas mal de points un peu techniques, je vous propose de se donner quelques minutes pour nous aérer l’esprit, donc de faire une pause musicale. Nous allons écouter Libre 1.0 par Dag-Z. On se retrouve dans 4 minutes 30. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Libre 1.0 par Dag-Z.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Libre 1.0 par Dag-Z, disponible sous licence libre Art Libre.

[Jingle]

Étienne Gonnu : Nous allons reprendre notre discussion. Je vous rappelle qu’il est possible de participer à notre conversation au 09 72 59 55 46 ou sur le salon web dédié à l’émission sur le site causecommune.fm, bouton « chat ».

Je vais redonner la parole à Laurent Costy qui anime ce sujet avec Antoine Le Gonidec développeur de ./play.it

Laurent Costy : « ./play.it est un logiciel libre qui automatise la construction de paquets natifs pour plusieurs familles de distributions GNU/Linux, à partir d’installateurs sans DRM, pour une collection de jeux commerciaux. », c’est la définition que j’ai retrouvée sur LinuxFr. Il faut évidemment écouter un peu l’émission pour comprendre tous les termes que je viens de redonner, mais l’idée c’est finalement de simplifier le lancement d’un jeu sous GNU/Linux, ce qui a longtemps été reproché à ce système d’exploitation et ce qui n’est plus vraiment le cas à notre époque. ./play.it. contribue justement à faciliter cela.

Avant la pause on évoquait les plateformes qui vendent des jeux privateurs et commerciaux, en particulier Steam. J’ai retrouvé une citation d’Adam Smith qui s’applique très bien à ce que disait Antoine tout à l’heure : « Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du brasseur ou du boulanger que nous attendons notre dîner, mais plutôt du soin qu’ils apportent à la recherche de leurs propres intérêts. Nous ne nous en remettons pas à leur humanité, mais à leur égoïsme. » Adam Smith disait cela, donc oui, Steam et Valve prétendent adorer le Libre, mais ce sont d’abord, évidemment, des enjeux de concurrence, des enjeux commerciaux ; c’est vis-à-vis des plateformes dominantes qu’ils se battent. Il ne faut pas tout mélanger, pas tout confondre, même s’ils contribuent, de fait, à Wine comme on l’évoquait juste avant la pause.

On a évoqué la question de DRM en première partie. Je pense que ça peut être intéressant d’expliciter ce que sont les DRM et les problèmes que ça pose vis-à-vis de ./play.it, vis-vis des jeux vidéo en particulier, vis-à-vis de GNU/Linux.

Antoine Le Gonidec : C’est en effet une question assez centrale parce c’est la particularité principale de ./play.it. C’est le seul logiciel que je connaisse, parmi tous ceux qui visent à faciliter l’utilisation de jeux vidéo sous GNU/Linux, qui s’est fixé cette contrainte dès le début : ne gérer que des jeux qui n’incluent pas de DRM.

Pour comprendre ce que ça veut dire, il faut savoir un peu ce qu’est un DRM, c’est d’ailleurs plus ancien que le jeu vidéo. Grosso modo, c’est tout système de contrôle ou d’authentification qui vise à contrôler ou limiter la manière dont on utilise quelque chose. Généralement on utilise ça dans l’informatique, ça peut être, par exemple, une limitation qui va empêcher de copier un fichier musical sur plus de trois appareils différents. Quand on utilise Windows, c’est le système qui nous empêche de l’installer facilement sur plusieurs machines et de les utiliser en même temps.

En gros, ce sont tous ces systèmes de restriction. Dans le cas du jeu vidéo, Steam, le plus connu, a réussi à faire oublier qu’il est, à la base, un système de DRM ; il s’est même déguisé ensuite en client de bibliothèque de jeu. Ne serait-ce que pour installer un jeu qu’on a acheté sur leur boutique, on est obligé d’installer ce logiciel tiers. C’est la seule manière officielle de télécharger un jeu et de l’installer et qui, ensuite, reste obligatoire pour une bonne partie de leurs jeux, ne serait-ce que pour les lancer.

Étienne Gonnu : Donc il faut passer par la plateforme qui s’appelle Steam pour pouvoir lancer les jeux qu’on a achetés dessus ; on ne peut pas les lancer en dehors de cet environnement !

Antoine Le Gonidec : Dans la pratique, si on est un peu bricoleur, une partie de leurs jeux peut être lancée sans.

Étienne Gonnu : Il faut être bricoleur !

Antoine Le Gonidec : C’est l’idée. Une autre partie, par contre, va refuser de se lancer si le logiciel Steam n’est pas installé et en train de tourner.

Laurent Costy : Donc, pour installer un jeu, on est obligé d’installer deux programmes sur son ordinateur. Là aussi ça encourage à des disques durs toujours plus importants puisqu’on est obligé d’installer plus de programmes. On est toujours dans des logiques de surenchère et, évidemment, de traçage derrière puisque, dedans, il y a de la centralisation de données. Tous les jeux sont centralisés sur la plateforme, on sait le temps que vous passez, cumulé sur tous les jeux. C’est assez terrifiant quelque part ! Steam sait tout le temps que vous avez passé à jouer à tous les jeux que vous avez achetés chez lui.

Antoine Le Gonidec : Steam n’est pas le seul, mais c’est de loin le plus gros. Il est dans une situation de quasi-monopole même si quelques gros acteurs proposent aussi des clients similaires. On remarque, depuis peu de temps, qu’ils commencent tous à faire quelques petites tentatives pour demander, par exemple, les numéros de portable. Parfois ils reviennent un peu en arrière, et puis ils réessayent un peu plus tard. On se rend compte qu’ils se préparent à utiliser les mêmes que les géants du capitalisme de surveillance, les GAFAM et toute leur bande.

Ils ont réussi à faire adopter leurs différents logiciels avec la carotte du jeu vidéo, ce qui a d’ailleurs été très difficile. Quand Steam s’est lancé, les gens ont tout de suite compris que c’était uniquement quelque chose pour contrôler, vérifier en permanence qu’ils avaient bien acheté leurs jeux. Ça a été lancé pour Half-Life 2, de mémoire, il y a très longtemps. Les joueurs n’ont pas été dupes, ils ont hurlé quand ils ont vu ça, ils ont demandé à ce que ça s’arrête tout de suite. Le coup d’éclat de Valve a été de maquiller ce logiciel pour le rendre sympathique, rajouter des fonctionnalités de chat, un système de découverte de jeux vidéo, ils ont intégré leur boutique dedans, ce qui fait qu’aujourd’hui ça paraît normal, pour beaucoup de joueurs, d’utiliser un client de ce genre, que ce soit Steam ou un autre, pour installer un jeu. Ça leur paraît presque étrange qu’on puisse faire sans.

Laurent Costy : C’est toujours la démarche des GAFAM, de tenter des choses, de faire des marches arrière, de préparer les esprits pour deux/trois années plus tard. Ça a été démontré par plusieurs chercheurs. Dans la Silicon Valley c’est vraiment le principe : on teste des trucs, on y va bourrin, tous les gens hurlent, hop !, on fait marche arrière, par contre on a mis une couche qui va permettre de faciliter les choses quelques années plus tard. Récupérer le numéro de portable des gens permet évidemment de collecter toujours plus de métadonnées : les gens vont laisser leur géolocalisation, on va savoir où ils sont, on va savoir ce qu’ils font, etc. Donc toujours plus de données, donc toujours plus de capacité à revendre de la donnée pour cibler de la publicité. On continue à s’enfoncer dans une espèce de mécanisme où, d’ailleurs, la publicité est devenue quelque chose de complètement fantasmé puisqu’on a beaucoup de mal à savoir ce qu’il en est exactement. Certains prétendent même qu’on est à la veille de l’explosion d’une bulle de la publicité, que ça ne devrait pas tarder à se produire selon certains, en l’occurrence Tim Hwang qui a travaillé chez Google. C’est tout ce processus-là qu’il vaut mieux essayer d’éviter, effectivement.

Juste pour préciser, DRM veut dire Digital rights management en anglais, ce qu’on traduit par « menottes numériques » en français, ce n’est pas la traduction littérale, mais ça permet de bien cerner ce que ça veut dire : on est fixé, on est attaché à un appareil et on ne peut pas déplacer ce que l’on a acheté sur un autre appareil.

Antoine Le Gonidec : La traduction généralement officielle neutre serait « gestion des droits numériques ». Il faut comprendre ici gestion dans le sens de restriction. On n’est pas là pour s’assurer que les droits des personnes sont respectés, on est là pour s’assurer qu’on contrôle en permanence ce qu’elles ont le droit de faire.

Laurent Costy : Gestion du point de vue de l’éditeur et non pas gestion du point de vue de l’utilisateur, bien sûr.

Antoine Le Gonidec : Exactement.

Laurent Costy : Je pense que c’était bien de faire cette parenthèse-là. On parle régulièrement de DRM, ça a été un des combats de l’April dans les années passées, mais c’est toujours quelque chose qui peut ressurgir.

Étienne Gonnu : Au-delà des jeux vidéo, ça va concerner les livres numériques, ça va concerner les DVD, ça va concerner beaucoup de choses différentes, comme tu le disais effectivement.

Laurent Costy : On pourrait même presque faire une parenthèse. J’ai récemment essayé de réutiliser des DVD sur des lecteurs DVD, ils ne fonctionnent plus. C’est très certainement lié à ces DRM. Sur deux lecteurs différents, un même DVD n’a pas été lu.

Antoine Le Gonidec : Il y a très longtemps, pour ceux qui s’en souviennent, on avait un système de zonage pour les lecteurs DVD : un lecteur de DVD ne pouvait lire que des DVD achetés dans une certaine zone géographique. Dans la pratique, les lecteurs DVD vendus permettaient de changer la zone deux ou trois fois, signe que c’était quelque chose de complètement arbitraire, qu’on aurait pu faire sauter, mais un compteur disait « tu l’as déjà changé trois fois, tu ne changeras plus, tu continueras à n’utiliser que des DVD achetés dans ta zone géographique ».

Étienne Gonnu : Je suis désolé de cette digression. Je préfère vous demander de garder votre temps pour finir le sujet principal. Si les gens veulent creuser la question des DRM un peu plus loin, on avait consacré une émission à ce sujet, l’émission n°4, libreavous.org/4 pour pouvoir l’écouter.

Laurent Costy : Merci Étienne.
On va se poser la question du modèle financier pour ./play.it, même si tu as déjà évoqué le fait que tu es salarié par ailleurs. Je veux bien que tu nous expliques un petit peu. C’est vrai qu’il est toujours bon de rappeler que c’est important de payer les développeurs du logiciel libre quand les développeurs ont fait ce choix d’être payés. Il peut évidemment y avoir du développement bénévole. En tout cas il faut que ce soit des choix et que ces choix puissent être assumés dans un sens ou dans l’autre.

Antoine Le Gonidec : Comme tu le dis, dans mon cas j’ai un travail salarié à côté. J’ai pris relativement tôt la décision de ne pas chercher à monétiser ./play.it. J’ai tenté, un petit moment, de passer par du don mais ça restait des sommes très faibles. Comme j’avais, de toute façon, besoin de continuer à gagner un salaire à côté, j’ai préféré dire aux gens d’arrêter de me donner de l’argent, je leur ai dit « payez-moi au moins un Smic ou pas du tout. En dessous ce n’est pas intéressant, il vaut mieux que vous gardiez votre argent pour autre chose et tant pis pour moi ! Je vais continuer à aller dans des trucs qui me plaisent plus ou moins ! ». En contrepartie je n’ai pas de pression particulière autour de la manière dont je développe ./play.it, autour de mon rythme de développement. Je peux faire des pauses, je peux bosser sur les bouts qui m’intéressent et laisser complètement de côté les bouts qui ne m’intéressent pas. Ça me permet de rester vraiment complètement libre dessus, de garder une approche un petit peu hobby du truc. Dans mon cas je n’ai pas cherché à me faire de l’argent par ce biais-là.

Laurent Costy : Tu dis systématiquement « je ». Mopi aurait dû nous rejoindre. Quelle articulation as-tu dans le travail avec elle sur ./play.it ? Elle est aussi bénévole ?

Antoine Le Gonidec : Personne n’est rémunéré, personne ne cherche à se faire rémunérer via ./play.it. Je suis le seul qui bosse dessus quasiment au quotidien. Mopi est clairement la contributrice la plus importante, mais elle est beaucoup moins fréquemment à travailler dessus. Quand un nouveau jeu l’intéresse, qu’elle veut faire tourner, elle va l’ajouter au catalogue des jeux qu’on gère. Les autres développeurs sont des développeurs plus occasionnels qui, je pense, ne se sont jamais dit qu’ils allaient chercher à faire de l’argent avec des contributions qui, en fait, sont quelques contributions par mois.

Laurent Costy : D’accord. Donc il n’y a pas de perspective de collecte d’argent dans le futur, c’est le modèle que vous avez envie de garder pour l’instant.

Antoine Le Gonidec : Non, je pense que ça va continuer à être ce modèle-là, au moins pour moi. Si d’autres contributeurs décident de relancer, par exemple, des appels au don, ça ne me pose absolument aucun souci. La licence permettrait même à n’importe qui n’ayant jamais travaillé dessus de le reprendre et de commencer à le vendre sans m’en verser un centime. Même si sur le plan éthique ça serait odieux, pas propre, c’est quelque chose de tout à fait permis.

Laurent Costy : Permis par le logiciel libre, effectivement.

Étienne Gonnu : Je vais prendre une ou deux minutes de ce temps précieux. J’ai une question qui, je pense, serait intéressante. Tu parles de hobby, donc c’est un plaisir. On parle de jeu vidéo, du coup quels sont les jeux vidéo qui te plaisent ?

Antoine Le Gonidec : Je suis surtout un grand fan de stratégie. Le jeu que j’aime le plus doit être Alpha Centauri qui est sorti en 1998 ou 99, qui a eu justement un portage sous Linux par Loki en 2000/2001. Peu de gens connaissent Alpha Centauri, beaucoup plus connaissent la série Civilization.

Étienne Gonnu : Pour les gens qui ne connaissent pas, c’est un jeu extrêmement connu.

Antoine Le Gonidec : Alpha Centauri est un spin-off de cette série-là. La condition de victoire scientifique, je crois, de Civilization 2 c’est de réussir à construire une fusée pour partir coloniser une planète dans le système Alpha du Centaure. Alpha Centauri reprend juste derrière ça et propose un twist science-fiction autour de cette thématique-là, de commencer juste avec une petite ville et essayer de conquérir, petit à petit, la planète.

La grosse différence de jeu avec Civilization c’est que dans Civilizations on joue justement les différentes civilisations, française, allemande, indienne, maya, à peu près tout ce qu’ils ont trouvé, et chacune a un petit côté particulier lié à l’histoire de la civilisation dont ça s’inspire.

Pour Alpha Centauri ils ont fait un choix radicalement différent qui, je pense, a joué dans beaucoup de trucs pour moi, c’est qu’ils n’ont fait que sept factions qui sont regroupées par idéologie politique. Comme c’est sur la fin des années 90, il y a, par exemple, une faction écologique qu’on qualifierait aujourd’hui d’écoterroriste, c’est-à-dire qu’ils n’hésitent pas à être violents si c’est pour protéger l’écosystème. On doit avoir une faction communiste autoritaire à la façon de l’URSS ou de la Chine. On a une faction religieuse extrémiste.

Contrairement à ce qui est souvent fait dans ce cas-là, ce n’est pas du tout pris à la parodie. On considère que tous les actes politiques qui sont présentés sont des choses qui méritent d’être prises au sérieux. C’est vrai que c’est un jeu qui m’a fasciné par rapport à ça, en plus j’ai dû le découvrir dans les années où j’ai commencé à m’intéresser à ces questions-là. Ça a été forcément un des jeux que j’ai pris le plus de plaisir à prendre en charge avec ./play.it.

Étienne Gonnu : En tout cas ça donne envie de le découvrir.

Laurent Costy : C’était ma question de fin, bonus, mais ce n’est pas grave !

Étienne Gonnu : Désolé, Laurent.

Laurent Costy : Pas du tout parce que je voulais absolument que cette question soit posée parce que, justement, on découvre des nouveaux jeux, donc c’est très bien. Merci Étienne.

Dans la préparation de l’émission tu m’as glissé une question que je n’ai pas comprise, je vais te la poser. Je l’ai trouvée très intéressante, du coup j’attends ta réponse. Tu m’écrivais sur les tendances politiques dans le jeu vidéo, c’était un point sur ce sujet-là : pourquoi les studios semblent-ils de gauche, mais les communautés de joueurs de droite ? Est-ce que tu peux expliciter ta propre question et nous éclairer sur ce que tu voulais dire ?

Antoine Le Gonidec : La question est volontairement un peu provocatrice. Ce serait comme dire que tous les profs de philo sont de gauche, tous les profs d’économie sont de droite. On sait que ce n’est pas le cas, mais ça désigne quand même des tendances qu’on peut assez facilement observer.

La plus facile à observer, c’est chez les joueurs, pas les joueurs qu’on a autour de soi. Si on s’intéresse aux communautés en ligne de joueurs, sur des forums ou sur des réseaux sociaux, on peut se rendre compte que les idées progressistes ont vraiment du mal à rentrer. On reste sur un milieu assez masculiniste, assez refermé. Pour moi ça s’explique assez simplement : ces personnes qu’on croise en ligne sont beaucoup plus souvent adeptes de jeux vidéo multijoueurs très souvent compétitifs. Cette vision de la compétition les a entre-poussées à se fermer à l’arrivée de nouveaux joueurs qui viendraient gâcher leur expérience de jeu.

Étienne Gonnu : Notamment de nouvelles joueuses.

Antoine Le Gonidec : Ça, pour eux, c’est le pire ! Voir leur petit milieu de jeunes mâles blancs et leur entre-soi parasité par des personnes qui vont demander d’autres choses dans les jeux vidéo, voire, horreur, un mode facile, c’est quelque chose qui, pour eux, dénature la manière dont ils voient le jeu vidéo. Ce n’est pas quelque chose dont ils sont entièrement responsables eux-mêmes : le marketing, autour des jeux vidéo, a tourné autour de ça pendant très longtemps. C’est moins le cas aujourd’hui, on commence à comprendre que les joueurs, maintenant, c’est vraiment tout le monde. On ne s’en rend pas compte quand on fréquente ces communautés-là, mais 50 % sont des joueuses qui ne sont, évidemment, pas du tout dans ces délires-là.

La plupart des personnes qui jouent à des jeux vidéo sont ce que eux appellent, de manière méprisante, des « casu », casual, des joueurs occasionnels qui ne sont pas en recherche de compétition, de performance, de prouver quelque chose.

En fait, on est un peu sorti de cette culture de l’Arcade et de son high score où il fallait à tout prix être dans les meilleurs pour pouvoir rentrer son nom qui allait rester affiché sur la borne. On en arrive à la question : dans ce cas-là pourquoi les studios ne proposent-ils pas du contenu aussi conservateur et réactionnaire pour plaire à leur public ? Dans la pratique, les gros studios le font encore beaucoup, c’est-à-dire qu’on voit énormément, par exemple, de jeux de tir de type simulation militaire où on va jouer les défenseurs de la liberté des Blancs face à, pendant longtemps ça a été les nazis, après ça a été les Russes, maintenant c’est toute personne à l’air typé un peu arabe et, apparemment, ça ne pose aucun souci aux studios de continuer ce genre de choses. En même temps, on a eu une grosse montée sur la scène de jeux vidéo indépendants ne venant pas des gros studios avec besoin de s’assurer le support de ce public-là, qui ont commencé à apporter des sujets plus intéressants, plus progressistes. D’ailleurs aujourd’hui on voit qu’il y a beaucoup plus de jeux vidéo qui permettent de jouer avec un protagoniste féminin ou non-blanc, des choses qui paraissaient exceptionnelles, étaient quasi inexistantes ne serait-ce qu’il y a 10 ou 20 ans, avant la grosse montée sur la scène du jeu vidéo indépendant.

Étienne Gonnu : Je me permets de faire remonter une remarque qui est sur le salon web. Quelqu’un nous dit que ça dépend des communautés de jeux vidéo, c’est sûr que toutes les communautés ne sont pas les mêmes. Ils nous dit qu’au niveau de la communauté du Speedrun - speed run c’est finir un jeu aussi vite possible -, lui ou elle constate moins ce problème.

Antoine Le Gonidec : Je connais assez peu le Speedrun. Le dernier évènement sur lequel je suis allé était très mixte au niveau des intervenants, c’est quelque chose qui ne semblait pas présent en tout cas.

Étienne Gonnu : Alors que c’est très compétitif par définition.

Laurent Costy : Je me posais la question des jeux coopératifs. Dans les jeux de société, hors jeux vidéo, c’est quelque chose qui, je trouve, se développe beaucoup. En tout cas je constate ça, je ne l’ai pas forcément vu dans le jeu vidéo. As-tu une capacité à nous éclairer là-dessus ?

Antoine Le Gonidec : Ça existe un petit peu. Le plus connu c’est Minecraft où il y avait beaucoup cette idée de se retrouver entre potes pour construire des choses ensemble. C’est vrai que ce n’est pas le style majeur de jeu multijoueur. Le multijoueur reste encore très lié à la compétition, même si ça s’ouvre petit à petit, en effet, sur des expériences multijoueurs un petit peu différentes où ça peut être de la coopération face à un adversaire contrôlé par l’ordinateur ou même de la coopération pure, sans notion d’adversité.

Étienne Gonnu : Je vais faire une pub. Tu as parlé de Minecraft, un jeu effectivement très connu qui appartient à Microsoft. Il existe une alternative libre, autant la mentionner, qui s’appelle Minetest, que vous pouvez facilement découvrir, on partagera le lien sur la page des références.

Laurent Costy : Tout à fait. C’est pareil dans Battle for Wesnoth. De mémoire, il y a avait des possibilités de coopérer pour battre l’intelligence artificielle du jeu. Je ne sais pas comment il a évolué, ça fait longtemps que je n’ai pas joué à Battle for Wesnoth. C’est vrai que ce jeu m’a marqué. En tant que jeu libre, je le trouvais assez intéressant à l’époque et je me suis pas mal amusé avec au départ.

Antoine Le Gonidec : Il fait partie des quelques jeux libres qui sont d’excellente qualité et développés depuis très longtemps, ce qui leur permet d’avoir une certaine aura chez les libristes.

Laurent Costy : Avec une communauté importante qui développe des modules, de nouvelles aventures de manière autonome, qu’on peut choisir. C’est vrai que c’est assez infini comme capacité à découvrir toujours plus le jeu.

Je comprends mieux ta question maintenant. Avec la réponse c’est plus simple et je pense que c’est assez éclairant pour les gens, pour les « p·auditeurs » et les « p·auditeuses ».

Tu voulais nous parler aussi un peu de l’hégémonie d’une poignée d’acteurs dans le domaine du jeu vidéo.

Antoine Le Gonidec : Oui. Le plus gros, le plus connu c’est Valve et sa boutique Steam parce qu’ils ont eu le flair de se lancer dans le jeu dématérialisé au bon moment, c’est-à-dire au moment où les gens étaient prêts à abandonner un peu l’idée du jeu physique sur cédérom et commençaient à avoir des connexions haut-débit chez eux qui sont nécessaires pour télécharger le jeu.

Je ne sais pas pourquoi ils n’ont pas été concurrencés plus rapidement. Il est possible que beaucoup d’autres studios ne les ont pas pris assez au sérieux au début, donc maintenant, quand ils essayent de les concurrencer, il y en a une petite poignée, je crois qu’Electronic Arts a son client Origin. Depuis peu de temps on a Epic Games Store du studio Epic ; Activation Wizard a aussi son client sur lequel il y a une poignée de jeux. Ils sont quelques-uns, mais ils sont très gros, ils dominent très largement le marché, surtout Steam qui est presque devenu un synonyme de jeux vidéo PC.

Certaines personnes aujourd’hui, même gros joueurs, se retrouvent à ne pas comprendre qu’on parle de jeux en dehors de Steam, pour eux ça n’existe plus. Ils ont tous ce point commun du client tiers imposé, du système de DRM. C’est en effet un point assez inquiétant. En fait, on se retrouve exactement comme dans d’autres domaines avec une poignée d’acteurs qui ont verrouillé le marché. Il reste quelques outsiders comme GOG ou itch.io, quelques-uns qui proposent justement de ne pas t’enfermer chez eux quand tu achètes tes jeux. Mais ils sont minoritaires, ils ne sont pas en train de grossir. Donc on est dans une situation assez inquiétante sur le sujet de la distribution des jeux vidéo.

Laurent Costy : Du coup quelle est ta recommandation par rapport à ça ? Ne pas les intégrer à ./play.it déjà ?

Antoine Le Gonidec : Exactement. Ma recommandation est dans le critère de base que j’ai choisi pour les jeux qui peuvent, ou pas, être intégrés à ./play.it : on refuse tout jeu qui utilise un de ces systèmes de client ou de DRM et pourtant aujourd’hui ./play.it gère à peu près un millier de jeux. Ça montre qu’il y a du choix et que c’est, en fait, une toute petite fraction de ce qu’on pourrait prendre en charge, c’est juste limité par le nombre que nous sommes, notre temps, notre motivation et nos goûts.

Chaque contributeur va forcément ajouter la prise en charge des jeux que lui ou elle aime bien, donc il y a beaucoup de styles qui sont quasiment absents parce que ce ne sont pas des styles que j’avais gérés au début quand j’étais tout seul dans mon coin. Le projet a forcément attiré des personnes qui avaient des goûts similaires aux miens, parce que c’est par les jeux qui étaient déjà gérés qu’elles sont arrivées. Donc on tourne un petit peu autour de certains styles un peu particuliers. De temps en temps, des contributeurs nous amènent de nouvelles choses et ça peut ouvrir de nouveaux pans même pour les utilisateurs.

Donc oui, la seule manière vraiment efficace de limiter ça, c’est une forme de boycott, c’est refuser d’installer ces systèmes-là. Et si la suite de cette série de jeux qu’on adore n’est disponible que par ce biais, eh bien tant pis !

Laurent Costy : On s’en passe !

Antoine Le Gonidec : C’est ça, je m’en passe, mais maintenant j’envoie quand même un mail au développeur ou à l’éditeur pour dire que j’adore cette série, que c’est génial, le dernier épisode a l’air vraiment bien, mais la manière dont il est proposé ne me convient pas. J’explique un petit peu cette situation-là, que je suis donc bien embêté parce que je ne peux ni l’acheter ni le recommander.

Laurent Costy : C’est vachement intéressant ce que tu dis là, c’est presque une démarche citoyenne de faire cela. Qui le fait dans son quotidien ? Les gens passent à autre chose, soit ils l’achètent soit ils ne l’achètent pas ! C’est vrai que faire la démarche d’écrire à l’éditeur pour lui dire « là, vous dépassez un peu les bornes », je trouve que cette démarche-là est remarquable et importante.

J’avais peut-être une dernière question, le temps file. On n’a pas évoqué les abandonwares. Je pense que c’est lié à des soucis, à des problèmes de droit, ce sont toujours des zones grises. Est-ce que tu peux nous dire quelle est la position de ./play.it par rapport aux abandonwares ? Réexpliquer ce que sont les abandonwares et puis la position de ./play.it.

Antoine Le Gonidec : Le concept d’abandonware est un concept qui est très mal compris, en général, parce que ça arrange les personnes qui le comprennent mal. À ma connaissance ça n’existe que dans le jeu. En gros ce sont les logiciels, les jeux dont les ayants-droit ne surveillent plus la distribution. Ce sont des trucs qui, généralement, sont sortis il y a 20 ou 30 ans. Comme ce n’est plus en vente, beaucoup de joueurs aiment se dire que c’est une sorte de zone grise, semi-légale. Non ! Très clairement c’est un système de distribution totalement illégal, mais qui est souvent pratiqué sans risque parce que, justement, on sait que les ayants droit ne cherchent plus à forcer leur copyright dessus.

Étienne GonnuJuste préciser, pour les personnes qui, peut-être, ne sont pas familières du droit d’auteur, qu’un ayant droit est une personne qui détient les droits sur un jeu vidéo par exemple, et ça ne tombe dans le domaine public que 70 ans après la mort de l’auteur. Après 20 ou 30 ans, on est encore loin de la disponibilité.

Antoine Le Gonidec : Dans le jeu vidéo ça n’existe pas encore pour l’instant. Il faut savoir que les ayants droit sont très rarement les personnes ayant développé le jeu, ce sont souvent des studios de production qui ne sont pas non plus ceux qui avaient édité le jeu, parce que, depuis, ils ont été rachetés puis re-rachetés.

La question s’était posée pendant un moment pour ./play.it parce que ce sont quand même des jeux qui, même si on sait que c’est illégal, sont faciles à récupérer avec un risque légal quasi nul, auxquels beaucoup de personnes aimeraient avoir accès parce que c’est gratuit. Je m’étais un peu posé la question, j’ai interrogé les autres contributeurs : « êtes-vous d’accord pour qu’on prenne ça en charge ?, parce que ça va être lié à votre nom, vous êtes dans la liste des auteurs du logiciel. » Quelques personnes n’étaient pas très à l’aise avec ça. J’ai commencé à faire une branche un petit peu à part de ./play.it, une collection de jeux à part, une collection d’abandonwares qu’on active ou n’active pas selon ce qu’on est prêt à faire, mais qui n’a pas décollé pour l’instant. Pour l’instant on ne gère pas de jeux en <em<abandonware.

Laurent Costy : Très bien. Je pense que c’est un éclairage important. Comprendre ce que sont les abandonwares est aussi intéressant.

Il nous reste une ou deux minutes. Je ne sais pas si tu veux nous partager encore quelque chose que tu aurais oublié de nous dire ou passer un message.

Étienne GonnuOu le point à retenir de l’émission, ce que tu veux.

Antoine Le Gonidec : Il y a un sujet que je trouve assez important, c’est cette idée qu’on se considère comme libristes et militants libristes, alors qu’on ne prend en charge que des jeux non-libres. L’idée c’est qu’on ne veut pas marcher sur les pieds des mainteneurs des distributions. Un jeu libre devrait être intégré directement aux dépôts des distributions Linux et ne pas passer par notre système. Quelqu’un qui développe un jeu libre et viendrait nous demander si on peut le gérer avec ./play.it, la réponse serait non. Par contre nous sommes en contact avec des gens qui travaillent dans ces distributions et on peut aider à rentrer là-dedans.

En fait le jeu vidéo a une situation un petit peu particulière, ce n’est pas comme un logiciel utilitaire où on peut abandonner Microsoft Office pour passer à LibreOffice qui fournit quelque chose de proche. Là on est sur des œuvres culturelles qui ne se remplacent pas simplement. On ne peut pas demander aux joueurs d’arrêter les jeux propriétaires, de ne jouer qu’à des jeux libres, en tout cas pas pour l’instant parce que l’offre n’est pas encore suffisante, il y a trop peu de jeux, même si certains sont vraiment excellents dans leur domaine, on tournerait un petit vite en rond, d’où cette idée d’avoir quand même une prise en charge du jeu propriétaire même chez des libristes.

Laurent Costy : Merci beaucoup Antoine. On va en rester là pour le sujet long de cette émission. Je vais repasser la parole à Étienne.

Étienne Gonnu : Merci Laurent, merci Antoine. En tout cas j’ai trouvé cet échange passionnant. Peut-être au plaisir de rediscuter de ce sujet dans une prochaine émission.

En attendant nous allons faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Étienne Gonnu : Nous allons écouter The Epic Hero par Keys of Moon. On se retrouve juste après pour la chronique de Jean-Christophe Becquet. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : The Epic Hero par Keys of Moon.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter The Epic Hero par Keys of Moon, disponible sous licence Creative Commons Attribution, CC By.

[Jingle]

Étienne Gonnu : Avant de passer à notre dernier sujet, je vais relayer quelques retours qu’on a sur le salon web : « Bravo Antoine » deux fois, « Dev on t’aime », je ne sais pas à qui c’est adressé. En tout cas l’échange de ce sujet principal a visiblement beaucoup plu.

Je vous propose de passer à notre dernier sujet.

[Virgule musicale]

Chronique « Pépites libres » de Jean-Christophe Becquet, vice-président de l’April, sur le sujet du Musée des Sons Disparus de Joseph Sardin

Étienne Gonnu : Nous allons poursuivre avec la chronique « Pépites libres » de Jean-Christophe Becquet, qui devrait nous parler aujourd’hui, je crois, d’un musée un peu particulier, le Musée des Sons Disparus. Jean-Christophe, es-tu avec nous ?

Jean-Christophe Becquet : Oui, bonjour à tous. Bonjour à toutes.

Étienne Gonnu : Quel est donc ce drôle de musée ?

Jean-Christophe Becquet : Celles et ceux qui ont découvert Internet au siècle dernier se souviennent forcément du grésillement du modem 56k. C’est le premier son de la collection du Musée des Sons Disparus. Suivent le bruit de la carte papier que l’on dépliait avant l’usage généralisé du GPS, le son d’un téléphone à cadran, puis d’un moulin à café à manivelle…

Les sons sont triés par ordre chronologique inversé. On termine à la préhistoire avec le bruit de l’allumage d’un feu par percussion d’un silex sur une marcassite.

Le Musée des Sons Disparus est une des pages du site lasonotheque.org de Joseph Sardin. « Cette page est destinée à rassembler et à rendre accessible à tous ce patrimoine sonore et collectif » explique l’auteur.

Joseph Sardin est preneur de son et bruiteur. Les fichiers qu’il partage sur son site « sont mis à disposition gratuitement et librement pour tous vos projets, qu’ils soient commerciaux ou non et dans le monde entier. » La page consacrée au droit d’auteur précise dans des termes compréhensibles par tous l’étendue des permissions accordées sur ces enregistrements. L’auteur a fait le choix d’écrire sa propre licence qui me semble correspondre avec la notion d’œuvre libre. Il précise que ces conditions s’apparentent à la licence Creative Commons Zero, la licence WTFPL ou le domaine public.

La licence WTFPL, Do What The Fuck You Want to Public License ou « Licence publique Foutez-en ce que vous voulez » en français » est une licence libre très permissive. Rappelons au passage que le domaine public volontaire n’existe pas en droit français, c’est-à-dire qu’il n’est pas possible de renoncer à son droit d’auteur en versant une œuvre de manière anticipée dans le domaine public.

lasonotheque.org héberge, en plus du Musée des Sons Disparus, une large sélection d’enregistrements classés selon le système UCS – Universal Category System – pour la classification des effets sonores. Vous pourrez entendre, pour ne citer que quelques exemples :

  • des sons humains (battements de cœur, bruits de foule ou rires d’enfants...), d’animaux ou de créatures imaginaires ;
  • des phénomènes météorologiques comme un orage, du vent ou de la glace qui craque ;
  • des ambiances sonores comme la cour de récréation d’une école maternelle, un petit ruisseau ou une bouteille que l’on débouche.

Peut-être que l’équipe de la radio trouvera sur lasonotheque.org quelques pépites pour agrémenter les émissions. Des développeurs de logiciels libres, par exemple pour des jeux, ou des enseignants pourraient également mobiliser cette ressource. Car c’est là toute la puissance de la licence libre, elle permet la réutilisation des sons et leur adaptation, quel que soit le contexte.

Je voudrais, pour terminer, adresser une requête à Joseph Sardin. En effet, il propose une émission présentant à chaque épisode une astuce pour la réalisation d’un bruitage. Sa chaîne s’appelle le Labo du Bruiteur, mais je n’y ai pas trouvé de mention de licence libre. Alors Joseph, accepteriez-vous de libérer ces vidéos ?

Étienne Gonnu : L’appel est lancé, on va suivre cette affaire, ce ne serait pas la première pépite libre dont tu serais à l’origine en incitant les personnes à libérer leur contenu.
Merci beaucoup pour ces nouvelles pépites, Jean-Christophe. Je me suis beaucoup amusé à parcourir ce musée dématérialisé. Je te dis au mois prochain pour une nouvelle pépite.

Jean-Christophe Becquet : Absolument, rendez-vous le mois prochain. Merci et bonne fin d’émission.

Étienne Gonnu : Merci Jean-Christophe. Nous approchons de la fin de l’émission, nous allons terminer par quelques annonces.

Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre

Étienne Gonnu : Dans les annonces.
Une décision importante de la cour de cassation, la semaine dernière, dans un litige opposant Entr’ouvert, société éditrice de logiciels libres, à Orange. Il y a plus de dix ans, Entr’ouvert avait assigné Orange en contrefaçon du droit d’auteur, pour non-respect de la licence libre GNU GPL version 2, sous laquelle était diffusée la bibliothèque libre Lasso. Je vais faire vite parce que le temps file. Après plusieurs péripéties la cour de cassation a cassé les arrêts précédents qui étaient, on va dire, au désavantage d’Entr’ouvert. La cour de cassation a donc bien rappelé le droit : une violation de licence logicielle, y compris libre, est bien un délit de contrefaçon.
La prochaine étape, à présent, sera de nouveau la cour d’appel qui devra prendre en compte cette interprétation ; elle ne pourra pas en faire fi. Plus de détails sur le site de l’April avec un lien, en description, sur la page web de l’émission et félicitations à Entr’ouvert.

Le temps aussi de vous dire que vous pouvez nous retrouver ce vendredi 14 octobre, à l’heure de l’apéro. N’hésitez pas à venir à notre rencontre. Ce sera dans les locaux de l’April, dans le 14e arrondissement de Paris, à partir de 19 heures. Tout le monde est bienvenu.

N’hésitez pas à aller sur l’Agenda du Libre, agendadulibre.org, pour retrouver d’autres événements en lien avec les logiciels libres et la culture libre, près de chez vous.

Notre émission se termine.

Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission : Isabelle Carrère, Laurent Costy, Antoine Le Gonidec, Jean-Christophe Becquet.
Aux manettes de l’émission aujourd’hui, Frédéric Couchet accompagné de Thierry qui est en train de se former à la régie.
Merci également aux personnes qui s’occupent de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang1, tous bénévoles à l’April, et Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio.
Merci également à Quentin Gibeaux, bénévole à l’April, qui découpera le podcast complet en podcasts individuels par sujet.

Vous retrouverez sur notre site web, libreavous.org, toutes les références utiles, ainsi que sur le site web de la radio, causecommune.fm. N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu, mais aussi des points d’amélioration.

Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission. Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et à faire connaître également la radio Cause Commune, la voix des possibles.

La prochaine émission aura lieu en direct mardi 18 octobre 2022 à 15 heures 30. Notre sujet principal portera sur les bibliothèques et les libertés informatiques.

Nous vous souhaitons de passer une très belle fin de journée. On se retrouve donc en direct mardi 18 et d’ici là, portez-vous bien.

Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.