
Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Étienne Gonnu : Bonjour à toutes, bonjour à tous. Bienvenue dans Libre à vous !. C’est le moment que vous avez choisi pour vous offrir une heure trente d’informations et d’échanges sur les libertés informatiques et également de la musique libre.
Nous vous donnons rendez-vous aujourd’hui au Café libre pour discuter des actualités autour du logiciel libre et des libertés informatiques. Également au programme, la chronique d’Antanak, « Que libérer d’autre que du logiciel », et une nouvelle « Pituite de Luk » sobrement intitulée « Khan est niqué ».
Soyez les bienvenu·es pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Étienne Gonnu, chargé de mission affaires publiques pour l’April.
Le site web de l’émission est libreavous.org, vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter.
N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.
Nous sommes mardi 10 juin. Nous diffusons en direct sur radio Cause Commune, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast. Nous saluons également les personnes qui nous écoutent sur la webradio Radio Cigaloun et Radios Libres en Périgord.
À la réalisation de l’émission du jour, ma collègue Isabella Vanni. Salut Isa.
Isabella Vanni : Salut Étienne. Bonne émission.
Étienne Gonnu : Nous vous souhaitons une excellente écoute.
[Jingle]
Chronique « Que libérer d’autre que du logiciel », proposée par Isabelle Carrère, d’Antanak
Étienne Gonnu : « Que libérer d’autre que du logiciel ». Isabelle Carrère et d’autres personnes actives de l’association Antanak se proposent de partager des situations très concrètes et/ou des pensées mises en acte et en pratique au sein du collectif : le reconditionnement, la baisse des déchets, l’entraide sur les logiciels libres, l’appropriation du numérique par tous et toutes.
Salut Isabelle.
Isabelle Carrère : Salut. Bonjour à tout le monde. Salut tous et toutes.
Oui, en effet Étienne, en ce moment, trouver quoi libérer d’autre que du logiciel, puisque telle est notre quête ici dans cette chronique, est hélas assez facile, non ? Je m’explique. Il y a tant d’éléments autour du numérique qui se referment, qui se montrent de plus en plus sous leur vrai jour, c’est-à-dire comme étant à la main des pouvoirs et non pas des capacités, des autoritarismes et non pas des partages, du fric et non pas de l’entraide, que, du coup, on ne peut que chercher à s’en libérer. Ce ne sont pas les sujets qui manquent !
Enfin, ce que plusieurs disent depuis longtemps est enfin partagé par beaucoup, en tout cas par plus de monde.
Enfin, ce que nous combattons à Antanak est mieux compris, peut-être mieux évalué, même si du chemin reste encore à faire. Mais il faut être prudent, prudente, parce que, quand les gens ont peur, en général ils et elles font des choses imbéciles.
En tout cas, voilà les grands sujets débattus en ce moment à Antanak que je voulais évoquer avec vous et certains sont redondants avec ce dont on va parler ensuite dans le Café libre, je ne m’étendrai donc pas dessus.
D’abord liberté du matériel, à propos, donc, des ordinateurs dont les gens ou les institutions, les collectifs, se débarrassent à cause de l’évolution des systèmes d’exploitation. Vous savez ici, et les auditeurices habitués le savent eux aussi, qu’à Antanak c’est un de nos premiers sujets de combat. Tous les jours, on est content, contente, quand on arrive à faire fonctionner un ordinateur, fixe ou portable, avec l’une des merveilleuses distributions sous GNU/Linux. On continue tous les jours d’installer du Debian, bien sûr, MX Linux en XFCE ou KDE, Linux Mint, Kubuntu qui est très belle sous Plasma désormais dans sa nouvelle version, Xubuntu qui a pas mal de pilotes utiles pour les périphériques de certains vieux postes, j’en passe.
Et voilà qu’on apprend que les flics vont jeter, se débarrasser de 18 746 ordinateurs, c’est précis, qui leur appartiennent, à eux, la direction générale de la police, plus 4846 postes de la préfecture de Paris. Tout ça pourquoi ? Pourquoi 23 600 postes largués ? Parce que les flics continuent d’utiliser Microsoft comme OS et que ces postes ne supportent pas le passage à la version 11 de Windows. Les gendarmes, eux, se sont débarrassés de cette accoutumance à Microsoft depuis maintenant 2009. Mais que fait la police ! Dans Le Canard enchaîné, j’ai lu que les budgets de la police nationale sont de 7,1 millions d’euros rien que pour les licences Microsoft et on raconte qu’on cherche à faire des économies !
Voilà que 15 millions d’euros vont être dépensés pour remplacer ces 23 592 postes et qu’il a été également renouvelé, dans un silence médiatique assez profond, la dépendance à Microsoft à l’Éducation nationale, pour quatre ans à nouveau ! Je n’ai pas entendu beaucoup de gens protester là-dessus !
On pourrait rigoler si c’était une farce, mais ça ne semble pas en être une ! On continue donc, comme si de rien n’était, non seulement à promouvoir ici, sur le continent d’Europe, les façons de faire et les prises abusives de pouvoir de sociétés capitalistes, on continue à promouvoir le numérique, potentiellement fasciste, qui nous vient tout droit des choix d’Amérique du Nord ! On accepte donc que les entreprises de la tech et les libertariens continuent de donner les règles du jeu, les règles de vie pour l’humanité entière !
Ça me donne le second sujet de libération possible : libérer les pratiques à propos de la sécurité des données personnelles et du choix des contenus.
Beaucoup de personnes qui viennent à Antanak, y compris pour qu’on les aide à faire leurs démarches administratives, ont des téléphones, des ordiphones, et ces appareils-là ne sont pas libérés du tout. Il y fleurit des habitudes d’utilisation de Google, de Facebook, d’Instagram qui sont préinstallés ou simples à installer, de WhatsApp pour appeler à l’étranger parce que c’est moins cher, et on peut le comprendre. Et quand on discute avec elles et eux de ce qu’on trouve dans ces outils, dans ces applications, et des règles qui sont désormais de mise, c’est assez compliqué : comment continuer d’utiliser des applications qui ont décidé désormais de laisser passer les insultes, les agressions et tous les propos racistes, sexistes, homophobes, transphobes, etc. ? C’est une affaire de conscience politique et pas simplement « ne t’inquiète pas, moi je ne regarde pas ces contenus ! ». Quand on les utilise, on n’est évidemment pas à l’abri d’être la proie de ces entreprises mangeuses de données, d’informations de toute nature, non plus que de ne pas recevoir des informations qui n’en sont pas, mais qui sont de la propagande on le voit tous les jours.
Sauf que ce n’est pas du tout évident de faire lâcher ces habitudes-là et de voir comment elles et eux pourraient utiliser, mais aussi faire utiliser à leurs familles, loin d’elles, Signal, par exemple, ou d’autres outils. La tâche est rude ! Elle est d’autant plus rude que quand on met dans la main d’enfants, de jeunes, des outils tellement alléchants, qui manient la récompense et la facilité en permanence, que combattre ces modèles, c’est grave dur !
Et mon troisième thème de libération du jour sera libérer les associations. Les carcans se resserrent également autour des associations. J’en ai parlé dernièrement, dans la chronique du 8 avril dernier. Je retraçais les discussions et les échanges qui avaient eu lieu lors d’une rencontre avec le Conseil national des associations. Vous pouvez, chères auditeurices, retrouver ces chroniques dans la très belle page que met en œuvre et maintient l’April, dans le site libreavous.org, en podcast audio et même en transcription et c’est assez génial et fort utile quand on veut se resservir d’un contenu qui se trouve là, tout rédigé. Merci encore, j’en profite puisque j’ai le micro, merci aux équipes de l’April là-dessus, merci Marie-Odile et les autres.
Donc libérer les associations, oui il faut s’en préoccuper parce que ça devient de plus en plus compliqué de ne pas se faire embarquer dans des plateformes, des présences numériques quasi obligées sur les outils institutionnels, mais avec des démarches ou des informations qu’on n’a pas spécialement envie de donner sans plus de maîtrise sur l’utilisation qui en sera faite. J’aurais plein d’histoires à raconter sur ce thème et Antanak est obligée, depuis peu, de ne pas répondre à telle ou telle demande de subvention, parce que de plus en plus nombreuses sont les institutions qui demandent en parallèle à se conformer à des remplissages de données en ligne ou de répondre exactement à des attentes de contrôle, des actions, voire des personnes qu’elles appellent « vos publics » ! J’ai horreur de cette formule, qui est pourtant reprise partout, y compris, parfois, par des associations elles-mêmes. « Donnez-nous des informations précises sur vos publics : qui sont-ils ? Qui sont-elles ? Quel âge ? Quel statut ? Quel genre ? » et non pas, comme jusqu’à présent, sous forme anonyme et pour des statistiques, on l’a toujours fait, c’est légitime de dire à quoi on utilise les fonds publics. Non ! Là, on nous demande des données qui sont beaucoup plus personnelles.
Ou bien on nous prend pour des petites mains. On nous demande de venir faire, à la place de tel ou tel service institutionnel, des accompagnements aux personnes pour qu’elles utilisent leurs outils. Récemment, un bailleur social est venu vers nous, parce qu’il venait de mettre une application pour des charges locatives, pour nous demander de former les gens à s’en servir, comme si cela faisait partie d’une démarche administrative nouvelle, que nous, en tant qu’écrivain numérique public, nous devions bien évidemment prendre en charge.
Bref ! Les associations sont souvent aux prises de modalités et de fonctionnements que certaines grosses associations sont d’accord pour avoir, du coup nous autres, les plus petites, serions comme obligées de faire pareil ? En fait, celles-là sont comme des entreprises, ce ne sont pas vraiment des associations. D’association elles ont le nom, peut-être la souplesse théorique, mais pas beaucoup plus.
Par contre, nous sommes très contents que plusieurs nouvelles associations, avec tout ce qui se passe là actuellement autour du numérique, viennent vers nous pour échanger sur ces sujets et/ou prendre les ordinateurs libérés.
Je vais m’en tenir là pour aujourd’hui et ne pas déborder sur le Café.
Étienne Gonnu : Merci Isabelle pour cette nouvelle chronique et puis aussi de continuer à libérer d’autres choses que du logiciel.
Nous allons à présent faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Étienne Gonnu : Après la pause musicale, comme Isabelle vient de le dire, nous vous donnons rendez-vous Au café libre pour discuter des actualités autour du logiciel libre et des libertés informatiques.
Avant cela nous allons écouter If Only to Kill par Holizna. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : If Only to Kill par HoliznaCC0.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter If Only to Kill par Holizna, disponible sous licence libre Creative Commons CC0.
[Jingle]
Étienne Gonnu : Nous allons à présent passer à notre sujet principal.
[Virgule musicale]
Au café libre, débat autour de l’actualité du logiciel libre et des libertés informatiques
Étienne Gonnu : Bienvenue au Café libre, votre rendez-vous mensuel pour discuter des actualités autour du logiciel libre et des libertés informatiques. Avec moi, comme d’habitude, une équipe de choc : Isabelle Carrère, d’Antanak, toujours avec nous, re-salut, Bookynette, présidente de l’April, Salut Booky.
Bookynette : Bonjour.
Étienne Gonnu : Et Florence Chabanois, cofondatrice et présidente de La Place Des Grenouilles. Salut Florence.
Florence Chabanois : Bonjour tout le monde.
Étienne Gonnu : N’hésitez pas à participer à notre conversation au 09 72 51 55 46 ou sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat ». Toutes les références de l’émission seront rendues disponibles sur la page consacrée à l’émission, libreavous.org/250, car c’est déjà la 250e émission de Libre à vous !, le temps file, ou dans les notes de l’épisode si vous écoutez en podcast.
[Clochette]
Microsoft a supprimé le compte e-mail du procureur de la Cour pénale internationale
Étienne Gonnu : Cette sonnette que tout le monde attend ! C’est presque pavlovien maintenant !
Pour commencer une actu qui, me semble-t-il, mais c’est vrai que nous avons nos biais de veille et de lecture, a fait pas mal de bruit : Microsoft a supprimé le compte e-mail du procureur de la Cour pénale internationale, ainsi que le relayait notamment Next le 16 mai dernier. « En février, Donald Trump avait annoncé les sanctions contre la Cour pénale internationale – ce qui parait déjà assez dingue à dire – en réaction aux enquêtes lancées contre Israël pour des crimes de guerre perpétrés à Gaza. Une des conséquences, Karim Khan, le procureur de la CPI, la Cour pénale internationale, a vu son compte e-mail supprimé par Microsoft. » À ce stade, je suis obligé de compléter une information : ce matin dans le cadre d’une audition de la commission d’enquête sénatoriale sur la commande publique, le directeur des affaires publiques et juridiques de Microsoft France a dit, sous serment, que Microsoft n’avait pas coupé techniquement les accès mails de la Cour pénale internationale, qu’ils ont juste eu un dialogue et que ce n’est pas allé tellement plus loin. On a surtout compris que ce qui s’est passé n’est pas vraiment clair et je pense que ça ne change pas fondamentalement le problème de la dépendance sous-jacente. En tout cas, c’est vrai que je trouve ces actus, quand on les lit, assez flippantes sur l’état du monde actuel. Je ne sais pas comment vous avez réagi quand vous avez vu passer ça, qui se lance ?
Bookynette : La sidération totale. Après, je suis de moins en moins surprise vu ce qui se passe depuis le 20 janvier, depuis que Trump est entré en fonction. On pensait que c’était impossible, il l’a fait, il le refait et il le re-refait, mais là, s’attaquer à la Cour pénale, je trouve ça franchement dément.
Isabelle Carrère : En même temps, je trouve que c’est intéressant parce que ça met en lumière pas mal de choses sur le fonctionnement et sur ce que nos sociétés sont en capacité d’accepter, ou pas, et jusqu’où. En fait, jusqu’où ça va tenir ? Jusqu’où le fait que ce personnage ouvre la bouche, ait des incidences aussi fortes sur tout le monde va continuer, quand est-ce que ça va s’arrêter ? Je ne sais pas. Je trouve que c’est vraiment intéressant sociologiquement, même philosophiquement, de se dire que lui et une équipe autour de lui, parce qu’il est pas tout seul, tout seul il ne pourrait pas faire tout ce qui est en train de se faire, il ne pourrait pas dire tout ce qu’il est en train de dire s’il n’y avait pas un appui assez costaud de beaucoup de forces en présence. Ne trouvez-vous pas que c’est intéressant ?
Florence Chabanois : Intéressant, je ne sais pas.
Étienne Gonnu : Ce n’est pas le premier adjectif que j’aurais utilisé.
Florence Chabanois : Je suis trop distanciée, ça ne reflète pas mon état. Je suis plus proche de la sidération, en effet. En même temps, dans les processus de dictature, on déplace la ligne de ce qui est acceptable, on s’habitue et il n’y a pas de limites, tous les coups sont permis. C’est du chantage à tout. Tu as raison sur le côté intéressant. Ça met en lumière les dépendances américaines qu’on a, en réalité les dépendances tout court, et, quelle que soit la personne au pouvoir dans le pays qui détient ces outils, on a une dépendance politique : si on nous coupe ces outils, est-ce que ça nous empêche de travailler ? Même sur la dispute entre les deux zigotos internationaux, on va dire les divorcés, Trump et l’autre, et Musk – je n’aime pas trop dire leur nom –, avec le côté « si tu vas à soutenir les démocrates, je ne te subventionnerai plus », tout ça montre qu’il n’y a plus de morale ou de « ça se fait, ça ne se fait pas ». Pour moi, en réalité, c’est assez flippant.
Isabelle Carrère : Oui, c’est flippant, mais en même temps, pardon j’insiste, pour moi ça ressemble tellement, en plus petit, à ce que nous sommes capables de faire ici aussi en Europe. Par exemple, qui me dit qu’un Macron qui aurait le même pouvoir, la même emprise globale sur un monde aussi grand, ne ferait pas la même chose ? Je n’en sais rien. Je ne sais pas s’il est aussi barge, mais les actes ! Tout à l’heure, hors antenne, nous parlions de Darmanin. Regardons ce que Darmanin et Retailleau osent dire et faire, est-ce que ce n’est pas de même nature ? Voilà ! Nous pensions tous et toutes que c’était de la Chine qu’allaient venir l’horreur et le désastre, que ça devait venir de ce côté-là, on se disait « oh là, là, les Chinois, Internet, ils sont méchants, ils coupent, ils contrôlent, puis, etc. », mais en fait pas du tout, c’est l’autre côté que ça vient !
Bookynette : Ce qui est extraordinaire, aussi, c’est la question d’argent. C’est clair qu’avec autant d’argent ils peuvent se permettre pas mal de choses. Quand nous passions pour des paranos en disant « arrêtez de tout mettre dans Microsoft, arrêtez de leur donner ce pouvoir », on ne nous écoutait pas. Quand nous disions « il va se passer des choses moches ; si on leur laisse tout ce monopole, il peut se passer des choses moches », on ne nous croyait pas. Eh bien paf, là on est en plein dedans, on disait qu’ils allaient en profiter, qu’ils allaient bloquer un jour. Karim Khan est quand même le procureur de la Cour pénale, ce n’est pas n’importe qui ! Je ne le connaissais pas avant cette histoire-là, mais je pense qu’il est connu par pas mal de journalistes et de médias et on lui a coupé ses accès. Ils en ont la possibilité, ils ne s’en sont pas privés.
Florence Chabanois : C’est vrai que les institutions ne sont plus intouchables. On voit la limite de la loi, de tout ce sur quoi on pensait pouvoir s’appuyer. Finalement on voit la fragilité de tout ça aujourd’hui.
Isabelle Carrère : Et puis pardon, je fais de la pub pour ma chronique de tout à l’heure, mais quand même, le même Microsoft, c’est le même, celui qui est en train d’empêcher, celui qui est en train de faire en sorte que toute la police doive renouveler un quart de son parc informatique, mais ça ne fait rien, on continue, on va le faire quand même !
Bookynette : Il faut militer pour que ça ne continue pas.
Isabelle Carrère : Il faut militer, je suis d’accord, je suis là, nous sommes là, nous essayons, nous tentons. Ce que je veux dire c’est que les gens qui sont au pouvoir, aux manettes, peuvent, dans le même temps, dire « oh là, là, ce n’est pas très bien, quand même, que Microsoft… » et puis, dans le même temps, qu’est-ce qu’ils font ? Ils continuent à lui donner du pouvoir.
Étienne Gonnu : Je trouve très intéressant, tout en étant flippant, ça peut être plusieurs choses en même temps, que ça révèle bien la continuité en fait, déjà à quel point tout est très politique. Je pense que Microsoft a fait ce travail, bien aidé par de nombreux politiques, pour dire que ce n’est que de la technique, qu’il n’y a rien de politique là-dedans. On voit vraiment que tout est lié. En plus le droit international, on a grandi, surtout dans l’après Seconde Guerre mondiale, avec ce truc un peu immuable, qui rassemble toutes les nations civilisées, etc., là c’est un coup dur. de toute façon, je pense que depuis un ou deux ans le droit international prend cher, je n’ai pas d’autre manière de le dire, et là c’est un coup dur porté à la crédibilité, à la stabilité du droit international, aussi parce qu’ils se sont soumis à utiliser des technologies dont ils n’ont pas la maîtrise. Ça aurait pu être autre chose que Microsoft, ça aurait pu être Apple, Google ou de la technologie chinoise, la situation serait la même. De toute façon, tant que tu n’as pas la maîtrise, s’il y a des enjeux politiques qui viennent se greffer dessus, tu peux perdre. Je trouve donc que ça montre vraiment toute la continuité. Et pareil sur les enjeux, on va en parler encore un peu après avec Windows 11. Microsoft a fait des choix de politique tarifaire, écocides, qui coûtent très cher pour toutes les administrations, eh bien, de toute façon, elles sont obligées de suivre si elles veulent continuer d’utiliser l’outil. Cette situation est révélatrice de beaucoup de choses.
Isabelle Carrère : Du coup, ça permet à chacun et chacune, de se positionner.
Florence Chabanois : C’est vrai qu’il y a des personnes qui étaient plus distantes, moi la première. J’ai toujours essayé de ne pas rentrer trop dedans, vraiment le strict minimum, mais là ça m’a grave motivée ! Allez, on y va ! C’est vrai qu’il y a des personnes qui n’étaient vraiment pas du tout sensibles au Libre, on va en parler un peu plus à tout à l’heure sur les outils. Je pense que le temps est propice, on va dire. Après, il faut arriver à convertir, etc.
Bookynette : Ce qui m’énerve c’est que c’est notre argent, c’est l’argent de nos impôts qui va payer des renouvellements d’ordinateurs parce que, bien sûr, ils vont reprendre des PC, ils vont installer Windows 11. Je me dis que tout cet argent pourrait tellement être utilisé à autre chose, les hôpitaux, l’éducation, à des trucs qui sont vraiment utiles à notre société.
Étienne Gonnu : Pour les hôpitaux aussi, on paye du Microsoft.
Bookynette : Oui, mais si on fait déjà des économies à ce niveau-là, cet argent peut être donné pour plus d’infirmières, plus de médecins, pas forcément à changer le matériel. Ce qui m’a un peu traumatisée dans l’article de Next c’est que, manifestement, il y aura des sanctions, pour Karim Khan et les personnes la CPI, mais aussi pour des personnes de leur famille : si elles voyagent aux États-Unis, elles risquent de se faire arrêter. Je n’arrive même pas à comprendre un monde où des gens qui travaillent pour une Cour de justice internationale puissent se faire arrêter parce qu’ils vont aux États-Unis ! C’est démentiel, c’est incroyable ! Dans quel monde vit-on !
Étienne Gonnu : C’est surtout pour la raison. S’ils avaient commis un acte qui relève d’une qualification pénale quelconque aux États-Unis, mais pas là.
Isabelle Carrère : C’est du grand n’importe quoi.
Étienne Gonnu : C’est vrai que cette situation c’est du grand n’importe quoi, mais là on dépasse le sujet des libertés informatiques.
Encore un mot sur cette mise en bouche ?
Isabelle Carrère : Non, ça suffit !
[Clochette]
Endof10, fin de Windows 10 – Initiatives et projets pour aider les personnes à franchir le pas vers du logiciel libre
Étienne Gonnu : On ne change pas tant que ça de sujet puisqu’on parlait de dépendance à Microsoft. Isabelle parlait de la mise à jour forcée vers Windows 11, à l’automne 2025, qui aura, comme tu l’as dit, entre autres conséquences, la mise au rebut d’ordinateurs pas assez récents pour faire tourner ce nouveau système même s’ils peuvent être encore complètement fonctionnels par ailleurs. Je n’évoque pas cela pour qu’on continue de parler de Microsoft mais pour parler des initiatives et projets qui se sont lancés pour aider les personnes à franchir le pas vers le logiciel libre en installant des systèmes libres sur leur machine. En fait, il y a déjà plein d’initiatives et une structure comme Antanak peut aider à ça. C’est, comme tu disais Florence, peut-être le bon moment pour convaincre des gens à franchir le pas. Il y a des initiatives comme endof10, la fin de Windows 10, la fin de la version 10 de Windows, on mettra de toute façon le lien, une initiative internationale pour faciliter ces démarches, avec la mise en relation de personnes qui souhaitent franchir le pas avec des personnes qui pourront les accompagner.
Je vais aussi mentionner, avant de l’oublier, une initiative locale française, portée par un militant du Libre, Cédric Frayssinet, qu’on remercie pour cette action, qui, inspiré par endof10, a mis en place une carte collaborative où des gens qui souhaitent être parrain ou marraine pour accompagner des gens à installer tout simplement très concrètement des ordinateurs, peuvent se déclarer, s’inscrire sur une carte et quelqu’un qui cherche une marraine ou un parrain pourra le trouver sur cette carte interactive. On mettra le lien sur la page de l’émission.
C’est vrai que c’est un bon moment. On a évoqué plein d’outils libres, des systèmes exploitation libres, notamment certains qui sont faits spécifiquement pour faire tourner des vieilles machines.
Je ne sais pas ce que vous pensez de ces initiatives, si vous voulez parler d’exemples dans la logique de ce moment propice. Au-delà de la situation américaine, juste la fin de Windows 10, de toute façon les gens vont devoir changer d’ordinateur ou pas.
Florence Chabanois : Je n’ai pas suivi cette partie Windows, c’est dur de quitter Windows 10 ou 11, plus que les autres Windows ?
Étienne Gonnu : C’est tellement gourmand !
Isabelle Carrère : Le passage de Windows 7 et 8 à la 10, c’était déjà quelque chose. On a vu énormément de gens qui ont lâché leur ordinateur à ce moment-là.
Vous savez qu’il manque un chiffre, on est d’accord, Windows 9 n’a jamais existé, vous l’avez remarqué. Vous vous souvenez pourquoi. Vous vous souvenez de cette histoire. Non ! Après Windows 8 Microsoft a dit « attention les gars, on va faire quelque chose de vraiment bien parce qu’on a bien compris que notre système devient trop gourmand et prend trop de place parce qu’on est venu coller des choses à un noyau. Du coup, ne vous inquiétez pas, on va tout nettoyer, on va faire une 9 qui sera aux petits oignons. » Après, derrière, ils se sont aperçus que oui mais non, c’était beaucoup trop compliqué, ça leur demandait beaucoup trop de travail, donc ils ont dit « on ne va rien faire, puis on va ressortir avec une 10, tellement belle, avec un nouvel affichage graphique trop génial et puis aussi des choses un peu nouvelles à l’intérieur, du coup les gens vont oublier qu’il n’y a pas eu la 9. » On a déjà perdu plein de monde à ce moment-là, parce que déjà la 10 ne passait pas sur plein d’ordinateurs et sur la 11 ils ont encore rajouté exprès des éléments, des choses pour que ça passe encore moins.
À Antanak, on a constaté sur la 11 un truc vraiment compliqué, du coup j’en profite : Microsoft a fait en sorte que le système vienne prendre la main sur le BIOS. C’est-à-dire qu’on n’est pas simplement sur quelque chose pour lequel « ce n’est pas grave, on enlève le système puis on vient mettre à la place de », il faut aller trafiquer des choses dans le BIOS du système, c’est-à-dire le petit développement qui est lié au matériel ; ce n’est pas Microsoft qui met le BIOS, jusqu’à présent c’étaient les fabricants, les HP, Dell, Asus, Acer, Lenovo et compagnie, bref, toutes les marques d’ordinateurs, et là, maintenant, c’est Microsoft qui vient le mettre. Du coup, nous allons aussi galérer pour enlever ce truc-là.
Étienne Gonnu : On va lancer un autre sujet là-dessus. On parlait des dépendances et on voit qu’une entreprise comme Microsoft a un tel poids qu’elle peut aussi imposer ses choses aux constructeurs mêmes. On voit à nouveau tout l’enjeu politique.
Isabelle Carrère : C’est vrai que c’est un autre sujet et c’est le même, c’est-à-dire que tant qu’il y a cette emprise-là et qu’on est en dépendance aussi quand on veut acheter un ordinateur – je ne suis pas pour aller acheter des ordinateurs, vous le savez bien –, mais quand les gens vont le faire, ils n’ont pas le choix. On n’a toujours pas le choix en Europe, en France, d’aller acheter un ordinateur et de dire « je voudrais choisir mon système d’exploitation ». Tu parlais des choses positives. Pour moi, la chose positive majeure qui devrait être mise en place, c’est celle-là : tu rentres dans n’importe quelle boutique, tu n’achètes pas tout, tu achètes juste ce que tu veux !
Bookynette : Déjà obliger les vendeurs à mettre les prix différenciés du matériel et des logiciels et ainsi de suite, c’est hyper compliqué, je sais que plein d’associations se battent pour ça, dont l’April même si nous nous sommes un peu éloignés du sujet mais ça revient régulièrement. Imagine si on dit au vendeur « je veux différentes choses, que vous me désinstalliez, que vous m’installiez et ainsi de suite », là, littéralement, on le perd. Je suis entièrement d’accord avec toi et c’est pour cela que je vais sur des sites où je peux acheter mon ordinateur sans OS – je dis ça, mais je n’achète plus d’ordinateur depuis à peu près dix ans. Je sais qu’il existe des sites où on peut choisir de ne pas avoir de système d’exploitation ou, alors, c’est souvent Ubuntu, ça existe, mais c’est une exception ! Il doit y en avoir deux ou trois en France, pas plus.
Étienne Gonnu : Je me permets, chère présidente, de te corriger, je suis désolé, ce n’est pas si compliqué. L’April l’a un peu porté, c’est la vente forcée, on peut appeler ça de la vente forcée, il faudrait que ce soit reconnu comme tel, malheureusement on a du mal.
Bookynette : On a du mal à le faire reconnaître.
Étienne Gonnu : On a défendu l’idée d’optionnalité qui, en fait, existe déjà pour plein d’autres logiciels, le truc peut même être préinstallé, tu achètes la clef d’activation, sinon tu la supprimes. En fait, on achète des assurances en même temps, on peut déjà acheter le logiciel de bureautique, on peut déjà acheter des trucs. On rajoute dans la liste des choses à acheter l’option « système d’exploitation ».
Bookynette : Je crois que Dell, sur son site, permet ce genre de différenciation, en tout cas pas assez, ce n’est pas dans la norme.
Étienne Gonnu : En fait, il n’y a pas de frein technique, le frein est politique.
Isabelle Carrère : Il n’y avait pas de frein technique, mais là, techniquement, je ne suis pas sûre.
Florence Chabanois : Pour moi c’est possible, mais c’est assez confidentiel, c’est plutôt pour les gens qui vont aller délibérément mettre leur propre OS, s’ils ont une préférence. Mais sur le grand public, je suis quand même plutôt de ton avis, dans le sens où, par défaut, c’est Windows et on ne réfléchit pas.
Étienne Gonnu : Excusez-moi. On a un appel téléphonique.
Bookynette : On a un appel téléphonique !
Florence Chabanois : Ça n’arrive jamais !
Étienne Gonnu : Allô, bonjour.
Auditeur : Bonjour. Je me présente, je suis ingénieur système et réseaux.
Étienne Gonnu : Bienvenue Au café libre. Que voulez-vous partager avec nous ?
Auditeur : Je voulais parler de ce que j’utilise. J’utilise un Macintosh, un Mac OS X, un Windows et un Linux.
Étienne Gonnu : D’accord, donc vous connaissez les trois.
Auditeur : Je voulais parler de logiciel libre, comme c’est le sujet du jour. Je voulais parler du logiciel libre en tant que lecture du code source. Depuis quelque temps, j’essaye de lire du code source – VLC, WordPress –, c’est assez difficile, ça demande vraiment une grande expertise, c’est pour être corvéable et travailler régulièrement. Sinon, dernièrement, j’étais ingénieur prod, dévops et le but, maintenant pour moi, c’est de pouvoir développer des applications simples mais avancées. Voilà ce que j’avais à dire.
Étienne Gonnu : Merci pour ce témoignage. Super. Bon courage dans vos démarches. Bonne journée.
Auditeur : Je vous en prie. Merci Monsieur.
Bookynette : Pour une fois qu’on a une intervention par téléphone, je suis contente. Trop bien ! Merci.
Florence Chabanois : Merci beaucoup.
Étienne Gonnu : Où en est-on ? Nous nous sommes un peu égarés, le sujet est vaste.
DéMAILnagement
Isabelle Carrère : Tu parlais des nouvelles initiatives qui sont prises là-dessus. On avait parlé d’une autre, je crois, c’était pour d’enlever son Gmail. Là on n’est plus sur Microsoft mais sur Google. Je vois tout le temps, tous les jours, des gens qui ont une adresse Gmail mais qui ne savent pas ce que représente le « G », c’est quand même drôle. Bref. Là, l’idée c’est le DéMAILnagement, c’est joli.
Bookynette : C’est un joli jeu de mots.
Étienne Gonnu : Ce n’est pas évident à dire, mais je trouve ça bien.
Isabelle Carrère : DéMAILnagement. C’est l’idée de ce collectif, dont La Contre-Voie, qui a lancé, avec d’autres Chatons, cette initiative qui est de dire « tu as du mal à quitter ton Gmail, viens, je t’aide », c’est un peu comme ce que tu disais : « Tu as du mal à quitter ton Microsoft, viens, je t’aide. » Du coup je pense que là aussi, plus on va être nombreux à dire « oui, on peut lâcher une application et ce n’est pas si compliqué que, ça se fait petit à petit. Oui, bien sûr, il faut aller redonner son adresse mail à toutes les administrations, en plus de ses potes et de ses copains, etc., oui c’est un travail, mais ce n’est pas si terrible, c’est comme déménager », c’est pour cela que je trouve cette appellation très futée. En fait, quand on déménage on va changer ses habitudes, la boulangerie n’est plus trois rue à droite, elle est sur la gauche, il y a des choses qui changent, l’école du petit…
Bookynette : Il faut prévenir les copains pour qu’ils n’aillent pas à l’ancienne adresse.
Isabelle Carrère : Il faut prévenir les copains. Eh bien c’est un peu pareil. En fait, il faut dédramatiser ça, comme Antanak dédramatise : on peut quitter et avoir sur son ordinateur autre chose, du moment qu’on reconnaît les icônes de LibreOffice ou de Firefox, on peut avoir n’importe quelle distribution, ça n’a pas d’incidence, celle qu’on aime, c’est un choix. De la même manière, là aussi on peut dédramatiser, oui on peut changer de boîte mail. D’ailleurs, quand je vois parfois le bordel qu’il y a sur les boîtes mail des gens, parce que les gens gardent des choses, des gens arrivent avec 9000 mails non lus, tu demandes « pourquoi tu as tout ça ? C’est non lu ! Pourquoi tu gardes tout ça ? À quoi ça sert ? »
Florence Chabanois : Je regarde, j’en ai 22 000, depuis que j’ai 18 ans. Je n’ai pas Gmail.
Isabelle Carrère : C’est bien. Pour faire les cartons pour ton déménagement ça sera mieux, ça sera plus facile.
Florence Chabanois : Tu as raison sur le ménage et un des grands arguments pour lesquels j’ai arrêté d’essayer de nettoyer ma boîte mail, c’est parce que j’en ai pour quelques années, je pense, et je n’ai aucun logiciel qui arrive allez jusqu’au bout en profondeur. Le fait de me dire « je crée une nouvelle adresse web et je migre »…
Isabelle Carrère : Que fais-tu de tout cela ? Où vont rester les informations ?
Florence Chabanois : Je les laisse mourir tranquillement ou alors je vais faire une purge.
Isabelle Carrère : Mourir où ?
Florence Chabanois : Je peux les purger, les apporter sur Thunderbird, en local, peu importe.
Isabelle Carrère : Pas « peu importe », c’est ça la question. Il faut les supprimer du serveur avant de faire ça. Même si tu ne les as pas lus, on s’en fout, tu télécharges tout sur son Thunderbird, après tu vires, tu crashes Thunderbird, mais au moins, ils ne sont plus sur le serveur.
Florence Chabanois : Je ne suis pas prête, mais je retiens.
Isabelle Carrère : En direct, messieurs-dames, vous venez d’assister à un déménagement qui est compliqué.
Étienne Gonnu : Je suis comme Florence, je n’ai pas tout supprimé de mon ancien Gmail.
Isabelle Carrère : Ne crashez pas, si vous voulez, gardez-les sur Thunderbird, mais au moins, s’il vous plaît, enlevez-les des serveurs sur lesquels ils se trouvent. La question de quitter Google c’est pourquoi ? C’est d’abord à cause de tout ce que fait Google par ailleurs, en dehors également des choses numériques, mais c’est aussi parce que les serveurs sont remplis de nos données, de nos informations sur lesquelles tout un chacun, chacune va pouvoir aller continuer de se nourrir et grossir.
Florence Chabanois : C’est vrai, mais je pense que c’est trop gros. C’est ce que j’essaie de faire tous les ans, je me dis « allez, je vais nettoyer ».
Isabelle Carrère : Ne nettoie pas. Rapporte-les. Il y a une fonction, dans Thunderbird, qui te permet de dire « tu rapatries tout sur mon ordinateur, tu enlèves tout du serveur. »
Étienne Gonnu : Je précise que Thunderbird est un logiciel qui permet de lire des courriels. Tu as raison, il faudrait supprimer toutes nos données de Gmail. Je pense déjà que ça n’a pas besoin d’être fait tout de suite, il ne faut pas que ça soit un frein psychologique à franchir ce pas qui est, effectivement, assez simple et honnêtement quand même très peu onéreux, je pense qu’il y en a même qui le proposent gratuitement. J’ai pris Infomaniak, je leur fais de la pub, ça doit me coûter dix euros par an, un truc comme ça, pour avoir un mail propre, basé sur du logiciel libre. On envoie le truc, on envoie le nouveau mail, on fait les changements, ça prend une après-midi et on avance. Donc déjà faire ce premier pas.
Je vois effectivement tout le sens de supprimer ses données. Le problème c’est qu’on agit aussi pour les autres. Si on a encore Gmail, qu’on échange avec quelqu’un qui n’est pas chez Gmail, on envoie ses données. Donc à terme, si on a tous déménagé, il n’y aura plus ce problème-là, mais en attendant !
Isabelle Carrère : DéMAILnageons !
Bookynette : Je rajoute une petite chose sur l’initiative DéMAILnagement. Parmi les Chatons, il y a aussi Le Cloud Girofle, ce sont surtout eux qui nous ont contactés. On peut choisir certaines options : quel genre de fournisseur on veut, quel genre de besoin on a.
Étienne Gonnu : Désolé, j’ai presque mis un coup de micro.
Bookynette : J’ai vu un micro qui se rapprochait de moi. Je n’ai pas l’habitude d’avoir un truc aussi gros près de la bouche, désolée pour le sous-entendu. J’ai vu Isabella réagir, je me suis dit « aie ». Bref !
On peut choisir le budget qu’on veut consommer par mois, on peut choisir si on veut que son hébergeur soit une association, une entreprise ou si on n’a pas d’avis. Bref ! On peut vraiment configurer son futur service de messagerie et je trouve que c’est sympa de se poser ces questions-là.
Isabelle Carrère : Le Cloud Girofle ? Au singulier ?
Bookynette : Dans mes souvenirs, cette initiative a été portée par quatre Chatons, honte à moi je ne me souviens pas des quatre. Tu as cité La Contre-Voie.
Étienne Gonnu : On peut dire ce qu’est un Chaton, ce n’est pas la première fois qu’on l’évoque. CHATONS c’est le Collectif des Hébergeurs alternatifs Transparents Ouverts Neutres et Solidaires.
Isabelle Carrère : Bravo ! Ouverts Neutres et Solidaires. Youhou !
Bookynette : Je vous ai laissé faire, tout le monde sait que je sais.
Étienne Gonnu : C’est un collectif qui propose des services basés sur du logiciel libre et hébergés en confiance, avec de l’humain remis un peu dans la boucle.
Isabelle Carrère : J’en profite pour dire que les Chatons font un rassemblement en Corrèze au mois d’août, du 7 au 10 août.
Étienne Gonnu : Je chercherai un lien à partager.
Bookynette : Pour la crédibilité de la chose, il faut savoir que ces Chatons, dont La Contre-Voie dont tu parlais, proposent du mail depuis sept ans. Si on se dit « mon Dieu, c’est une initiative trop naissante, j’ai peur, ils ne vont pas durer sur le long terme », eh bien La Contre-Voie fait ça depuis sept ans, ils savent faire.
Étienne Gonnu : Je pense que c’est effectivement important de le redire : ce n’est pas lâcher Google pour aller faire héberger ses mails chez un militant dans son garage ou sur un vieil ordinateur qu’il a dans son grenier. Il y en a qui ont commencé comme ça. Si on a le recul, qu’on peut le faire, mais ça peut faire peur à des personnes qui n’ont pas ces connaissances-là. Des entreprises peuvent le proposer. Je trouve bien l’interface du site DéMAILnagement, elle est sobre, elle pose quelques questions. D’ailleurs, elle ne s’adresse pas qu’aux particuliers, elle vise aussi les associations, des petites entreprises, des coopératives.
Isabelle Carrère : Ce ne serait pas mal qu’elles s’y mettent aussi.
Étienne Gonnu : Elle propose l’accompagnement pour la synchronisation des contacts et des messages, tout cela est tout à fait accessible.
Bookynette : J’ai trouvé la liste des fournisseurs alternatifs, mais quand je clique sur le bouton, ça me remet sur la page DéMAILnagement, donc je ne peux pas vous dire, je suis désolée. Bref ! Ce n’est pas grave, ça restera un mystère.
Étienne Gonnu : Un dernier mot sur DéMAILnagement ou on avance dans ce gros sujet, je vois que le temps file.
Bookynette : Un petit dernier mot. Là on a DéMAILnagement, on propose de quitter Windows 10. Je rappelle juste qu’on avait eu la même chose avec X, avec l’initiative HelloQuitteX qui proposait de quitter Twitter pour aller sur Mastodon ou sur une alternative que je ne nommerai pas parce qu’elle est propriétaire, privatrice. Je trouve qu’il y a de plus en plus d’initiatives, comme cela, pour nous permettre de quitter les Big Tech. Il faut leur faire de la publicité, les utiliser et en parler autour de soi.
Go European, une extension pour Firefox
Étienne Gonnu : Et on ne perd pas en usage, on gagne même !
On ne quitte pas complètement les mails. Florence, tu voulais parler d’un plugin Firefox, un petit module logiciel qu’on installe dans son navigateur web, qui s’appelle Go European. De quoi s’agit-il ?
Florence Chabanois : De la même façon que sur les Chatons ou Framasoft on voit des alternatives aux outils qu’on peut utiliser, du coup c’est une démarche proactive dans le sens où on se dit « allez, je décide de migrer, de quitter les GAFAM et de rejoindre le monde du Libre et je vais faire mon shopping en misant sur tel outil, tel outil pour migrer. » C’est un peu en mode projet, on va dire, donc ce n’est jamais la priorité, en tout cas pas souvent.
L’intérêt de ce plugin Firefox est qu’il est assez discret : quand on arrive sur un site, il y a une lightbox, une petite fenêtre qui s’affiche en disant « les alternatives européennes – pas forcément libres – à ce site-là sont : tac, tac, tac ». Et surtout, on peut contribuer en faisant rajouter des sites, via un formulaire tout bête, qui permet d’enrichir cette base de données.
J’en profite pour compléter par rapport à DéMAILnagement.
Étienne Gonnu : DéMAILnagement, je me suis beaucoup entraîné, ce n’est pas facile à dire.
Florence Chabanois : Souvent, avec la suite Google, ce n’est pas seulement un mail, c’est aussi le calendrier, c’est le drive et tout ça, et ils en tiennent compte dans l’accompagnement, donc c’est plutôt cool. Et ce n’est pas juste « j’appuie, je change », c’est vraiment tout le suivi, c’est un processus un peu long et je pense que c’est un peu là le nerf de la guerre, se dire que sur plusieurs semaines, plusieurs mois, petit à petit on migre et, surtout, on change ses habitudes. Parce que techniquement c’est bon, ce n’est pas si compliqué d’utiliser un outil par rapport à un autre, il faut juste avoir des exemples.
Je finis. Tout à l’heure, tu disais que si je n’utilise pas Gmail, si je quitte Gmail que j’utilise Infomaniak, par exemple, et que quelqu’un d’autre l’utilise, j’envoie des messages qui vont être utilisés, etc., mais je trouve que c’est quand même du militantisme un peu caché de dire « c’est quoi ce truc ? Ce Framapad ou je ne sais quoi ? ». Plus on interagit avec des gens qui utilisent des outils des GAFAM, plus ça fait de la pub cachée, plus il y a de la découverte. Je pense que c’est quand même une démarche qui peut être efficace.
Bookynette : Je peux rassurer les gens. En 2014, quand Framasoft a lancé l’opération Déglooglisons Internet, ils ont passé un an, ça leur a pris un an pour que tout le monde se passe de Gmail et des produits Google. S’il faut un an à une association, c’est peut-être un peu plus pour certains mais ça se voyait moins. C’est normal que ça prenne du temps, il ne faut pas s’inquiéter. Même si tu préviens tes copains que tu as changé de boîte mail, le temps que ça enregistre au niveau du cerveau, ça va prendre aussi du temps, mais c’est faisable.
Florence Chabanois : Et surtout ne pas faire peur aux gens en disant qu’il faut investir pendant un an.
Bookynette : C’est souvent le mail qui prend le plus de temps. Quand tu décides de changer d’outil, tu changes d’outil, tu prends des bonnes habitudes. Mais même si tu n’utilises plus ce mail, les gens continuent à envoyer des messages à cette adresse. Donc le temps que tout le monde comprenne que c’est une adresse que tu n’utilises plus, ça prend du temps.
Isabelle Carrère : Juste une interrogation. Je ne connais pas trop, je ne vois pas trop de gens qui sont sur MacOS dont parlait la personne qui a appelé tout à l’heure, puisqu’il y a aussi le monde Apple dont on parle peu parce que ce n’est pas pareil, c’est beaucoup plus compliqué de les libérer.
Bookynette : C’est tellement fermé !
Isabelle Carrère : Préconisent-ils une boîte mail ?
Florence Chabanois : On peut utiliser n’importe laquelle.
Isabelle Carrère : Quand tu es dans le monde Apple, ce n’est pas comme dans le monde Google. Il y a iTunes sur lequel on va mettre les trucs.
Florence Chabanois : Il y en a un. Ça s’appelle Apple Mail.
Isabelle Carrère : Comment quitte-t-on celui-là ? Il y a peut-être des auditeurices qui ne sont pas sur un PC.
Bookynette : Apple est tellement fermé, fait tellement son matériel, que même le mot interopérabilité est un truc qu’ils ne connaissent pas.
Étienne Gonnu : Mais les protocoles du mail restent ouverts. Je pense que si on se crée une adresse mail chez un fournisseur à droite ou à gauche, à priori on peut rentrer les informations. Il y a sans doute une démarche à suivre. Peut-être qu’ils proposent un service, mais il y a peu de chances que leur logiciel n’accepte pas les protocoles habituels IMAP, etc., je pense que ça doit être tout à fait gérable. Ma compagne a un iPhone et on utilise une boîte mail familiale qui est chez Infomaniak, elle l’utilise sur son téléphone, donc, à priori, ça marche.
Isabelle Carrère : Oui. Dans ce sens-là ça marche.
Étienne Gonnu : Le matériel n’est pas un frein pour utiliser une alternative.
Bookynette : Apple ne propose pas des mais comme le fait Google, peut-être que c’est aussi pour ça. Si ?
Florence Chabanois : Il y a un iCloud, du coup. Pour moi, c’est le même processus : on crée une nouvelle boîte, on fait des redirections et, petit à petit, on met la bonne adresse mail.
Isabelle Carrère : Ça marche.
Étienne Gonnu : Si quelqu’un veut nous préciser cela en commentaire de l’émission, comment ça fonctionne. On se rend compte que nous ne sommes pas des experts et expertes Apple autour de cette table experte.
Bookynette : C’est étonnant d’ailleurs.
Une alternative au système d’exploitation Android, Murena, sort sa troisième version majeure
Étienne Gonnu : On va avancer sur une autre belle nouvelle. On parle de la centralité des usages, c’est vraiment le nerf de la guerre, surtout quand on veut changer ses habitudes. On sait maintenant que le mobile est un outil quand même omniprésent en informatique, que ce sont les ordiphones que tu as évoqués, Isabelle. On sait à quel point c’est déjà difficile de libérer des ordinateurs, les ordiphones c’est encore un cran au-dessus. Une alternative au système d’exploitation Android, Murena, sort sa troisième version majeure. De version en version, c’est de plus en plus accessible, je ne connais pas encore cette version, je ne suis pas technicien moi-même. Je ne sais pas si vous savez ce qu’elle a dans le ventre, si elle est facilement installable, etc. En tout cas, il y a des propositions, des alternatives au système d’exploitation Android, qu’on ne peut sans doute pas installer sur un Apple ou avec difficulté, mais sur des téléphones qui acceptent Android, à priori, on pourrait installer cela. Je pense qu’on peut se faire accompagner par des associations du Libre. Je ne sais pas si vous avez un avis sur cette troisième version majeure de Murena, une alternative libre à Android.
Florence Chabanois : Je l’ai pas utilisée, mais je sais combien c’est galère à installer, il faut vraiment prévoir pas mal de temps. Par contre, troisième version majeure, c’est plutôt rassurant et surtout il y a une liste de modèles de téléphones qui le supportent, qui est assez impressionnante. On est pas uniquement sur quelques modèles type FairPhone et basta. Sur le site de la distribution Murena, on voit qu’il y a du Asus, du FairPhone évidemment, du Google, du Galaxy Samsung, du LG. C’est une liste incroyable de versions qui supportent, aussi des vieilles versions de téléphones qui ont été livrées, on va dire, en 2018. C’est vraiment un signe fort en termes d’interopérabilité et de durabilité. Je pense que ça vaut vraiment le coup de tester, si on a encore un téléphone qui marche, si on peut acheter une batterie compatible, pour faire durer les produits.
Isabelle Carrère : Par contre, toujours pas les iPhones.
Florence Chabanois : Et non, parce que c’est une version Android.
Isabelle Carrère : Je ne connais pas Murena, mais si tu dis qu’il y a une liste, à Antanak, nous allons regarder un peu plus, nous n’avons pas encore eu le temps, nous installons souvent, nous préconisons LineageOS ou /e/OS. Il y a aussi une liste qui n’est pas mal mais qui est peut-être moins longue que celle que tu décris pour Murena. Il faudra qu’on regarde ça.
Étienne Gonnu : Ce n’est pas iOS, il y a un problème de nommage, ils ont changé, ça s’appelait /e/OS, ça s’appelle Murena.
Isabelle Carrère : Donc Murena, c’est le nouveau nom.
Étienne Gonnu : C’est le nom de la boîte ou je ne sais pas, mais c’est le même outil.
Bookynette : Donc tu la connais. C’est ça qui est magique avec le Libre : on l’utilise sans savoir qu’on l’utilise.
Le fondateur de Murena c’est Gaël Duval. Pour les libristes, Gaël Duval est celui qui a mis en place un système d’exploitation pour ordinateur qui s’appelait Mandrake, il y a très longtemps, qui est devenu Mageia. Là, il est sur le téléphone portable parce qu’il a su prendre la vague au moment où elle arrivait. C’est vraiment quelque chose de fonctionnel, de fiable, de stable. Il a su s’entourer de personnes motivées, nous les avons rencontrées aux RPLL [Rencontres Professionnelles du Logiciel Libre] à Lyon. C’est du bon produit, il ne faut donc pas hésiter à changer. Je ne l’ai pas sur mon téléphone, mais je l’ai testé ce week-end avec des personnes qui l’avaient. On a comparé LineageOS et /e/OS alias Murena, nous avons comparé quelles étaient les applications qu’on pouvait installer et je ne me suis pas du tout sentie dépaysée, c’est fluide, ce n’est pas totalement mature mais ça vient tout à fait en concurrence avec le reste, il n’y a aucun souci.
Isabelle Carrère : Par exemple, à Antanak, on a effectivement mis Murena sur un Samsung, que j’appelais /e/OS, très bien. La question, après, est toujours la même, c’est-à-dire quels usages on veut avoir. Par exemple, les problématiques bancaires sont une des premières problématiques sur lesquelles tout le monde tombe quand on veut aller sur un ordiphone libéré : ça ne marche pas, ça ne fonctionne pas !
Bookynette : Il faut donc se renseigner avant, pour savoir si sa banque passe ou pas, c’est important.
Isabelle Carrère : Sérieusement. C’est hallucinant.
Bookynette : Dans le cas où ça ne passe pas, il faut faire pression sur la banque.
Isabelle Carrère : Pour que son application passe, parce que, maintenant, elles sont soi-disant toutes obligées de faire des applications pour que tu les aies sur ton ordiphone, pour pouvoir donner un code, la double authentification voulue par Bruxelles, blablabla, ces trucs chiants, on ne reçoit pas seulement un SMS, maintenant c’est beaucoup plus, et là, du coup, ces applications ne sont pas prévues pour être installables, comme ça. C’est un des freins.
Le deuxième frein, c’est qu’un nombre incalculable de gens ont quand même un iPhone et je ne sais pas comment, un jour, on va se débarrasser de cette histoire.
Campagne de financement pour Peertube de Framasoft : PeerTube dans votre poche
Étienne Gonnu : Je propose quand même d’avancer. Je vais mentionner, on peut faire un tour rapide de parole, je pense que c’est le gros sujet que je voulais qu’on évoque parce qu’il est positif et que c’est bien d’avoir aussi des sujets positifs à évoquer, qu’il est utile : Framasoft a lancé un appel au financement participatif pour PeerTube. PeerTube est une plateforme de partage de vidéos, basée sur du logiciel libre et sur un fonctionnement de fédérations, c’est-à-dire que les différents serveurs sont partagés entre tous les utilisateurs et utilisatrices – je ne sais pas à quel point ce que je fais est un bon résumé. Ils font donc cet appel à financement participatif pour développer une application mobile, centralité des usages. On voit donc l’intérêt de proposer, d’anticiper la création d’une application mobile. N’hésitez pas à aller soutenir Framasoft.
Bookynette : Je réagis parce que l’application existe. Elle est sortie en début d’année 2025. C’était un des petits sujets de la dernière campagne de crowdfunding. L’application existe, sauf qu’elle a besoin d’améliorer pas mal de petites fonctionnalités, donc, pour cela il faut payer les salariés et ce crowdfunding c’est vraiment pour aider à payer les salariés qui s’en occupent. Je dis les salariés parce qu’avant il y avait juste Chocobozz, mais un stagiaire – je ne sais pas comment je vais l’appeler, je vais dire wicklow, c’est le pseudo qu’il met – a développé l’appli mobile lui-même, il l’a proposée, et maintenant on améliore. Le crowdfunding est en plusieurs étapes. J’ai vu passer ce matin qu’on avait atteint la deuxième étape des 35 000 euros. Merci à tous les gens de soutenir PeerTube, de continuer. Là, on n’est plus en mode création, on est en mode amélioration, distribution et rajout de fonctionnalités.
Étienne Gonnu : D’accord. Merci pour ces précisions.
On va quand même faire une pause musicale et après nous continuerons notre échange. Nous allons écouter Hic Sunt Dracones par Stone From The Sky. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Hic Sunt Dracones par Stone From The Sky.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Hic Sunt Dracones par Stone From The Sky, disponible sous licence Libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC-By-SA. Stone From The Sky est un groupe français, originaire du Mans si l’on en croit sa page web, que nous aimons beaucoup à Libre à vous !, ça fait partie des premières musiques libres qu’on avait diffusées. Nous sommes très heureux et heureuses qu’il ait publié un nouvel album, en mai 2025, d’où ce morceau provient. Nous vous encourageons vivement à découvrir le reste de l’album.
[Jingle]
Étienne Gonnu : Sur le webchat, on me signale que nous avions interviewé ce groupe dans le cadre de Libre à vous !, dans l’émission 39. Nous sommes à la 250e émission, le temps passe. Nous vous invitons vivement à découvrir cette interview, libreavous.org/39.
Nous sommes toujours au Café libre où nous discutons, en compagnie de Bookynette, Florence et Isabelle, des actualités autour du logiciel libre.
Vous pouvez participer à notre au 09 72 51 55 46 ou sur le salon web dédié à l’émission sur le site causecommune.fm, bouton « chat ».
Geek Faëris et escape game pour faire découvrir le Libre
Étienne Gonnu : Nous allons rester dans la logique émancipatrice, nous avons parlé des alternatives pour s’émanciper et, dans cette logique, nous avons une information de Booky qui revient des Geek Faëris, une information que tu voulais partager avec nous, du moins une nouveauté.
Bookynette : Ceux qui me suivent sur Mastodon sont déjà au courant, mais pour tous les autres : le groupe Sensibilisation de l’April a mis en place un jeu, un escape game avec des cartes, on ne va pas vous demander de fouiller chez vous. Il y a moyen de télécharger et d’imprimer des petites cartes pour résoudre des énigmes. L’objectif principal, caché, pas vraiment caché, c’est de faire découvrir des logiciels libres, donc ça parle de Wikipédia, ça parle de l’April, ça parle d’OpenStreetMap, ça parle de Framasoft, ça parle d’Exodus Privacy, ça parle de VLC, ça parle de plein de choses sous forme de petites énigmes ou de chiffres à regarder, il faut être très observateur, parfois des chiffres sont bien cachés. C’est vraiment pour découvrir ça. C’est assez ludique. Ça prend entre 45 minutes et une heure et demie à faire, 45 minutes quand on est quand même assez habitué à ce genre de jeu, une heure et demie quand on discute en même temps de chaque alternative qui est proposée. Je l’ai testé aux Geek Faëris et ça a bien fonctionné.
Étienne Gonnu : Cool. Tu as fabriqué ce jeu toi-même. Où en est la diffusion ? Des plans sont-ils disponibles quelque part à imprimer ? Faut-il te contacter pour venir animer un atelier ? Y a-t-il besoin de quelqu’un pour animer ou on joue soi-même ?
Bookynette : Spoiler alert, je vais sûrement écrire un article tout simple sur le site de l’April où je vais le permettre en téléchargement et je vais demander la validation au CA pour que ça devienne une ressource April. Mais, dans tous les cas, vous pourrez le récupérer et je vais le mettre sous deux formats : PDF, le truc facilement imprimable, et SVG puisque j’ai utilisé Inskape pour le faire, pour qu’on puisse le choper, le modifier, l’améliorer, l’adapter à ses besoins l’imprimer et le faire soi-même.
Florence Chabanois : Qu’est-ce que tu veux dire quand tu dis « ressource de l’April » ?, dans le sens où on a juste envie de l’acheter, qu’on n’a pas envie de l’imprimer et de découper !
Bookynette : Pour l’instant, un seul jeu existe, il n’est pas vraiment en vente, je peux te le prêter si tu veux !
Ressource de l’April dans le sens où il est estampillé April. Ça sera officiel, tu n’auras plus besoin de tomber sur le bon article pour le trouver, il sera sur le site internet de l’April, « Ressources » pouf, il est là.
Étienne Gonnu : J’imagine que tu vas l’emporter avec toi sur des événements pour le présenter. Est-ce que tu as une idée de ces évènements ?
Bookynette : La prochaine fois que je le sors, ça sera à Pas Sage en Steïr 21 au 23 août à Quimper. Il y a de grandes chances que je l’emporte aussi à la Fête de l’Huma, il est possible que je l’emporte au Capitole du Libre et je me dis que je devrais peut-être faire une conférence sur ce sujet, « Faites un jeu libre vous-même », je vais y réfléchir, je vais en parler avec moi-même, je suis un peu multi-personnalités en ce moment. Mais oui, il est possible que j’emporte sur tous les événements libristes qui arrivent et peut-être que je fasse plusieurs jeux, peut-être plusieurs tailles parce que le format que j’ai utilisé, en mode particulier, c’est rigolo, mais en mode événement, quand ils sont six ou sept autour de la table c’est déjà beaucoup trop, à éviter, six ou sept c’est vraiment trop ; s’ils sont nombreux peut-être qu’un format plus grand, en tout cas plus lisible, ça peut le faire. Donc aux prochains événements ou alors à chacune des rencontres de l’April qui seront organisées au local.
Isabelle Carrère : Pardon, je suis un peu bête, mais escape game, pourquoi ? On cache les cartes ? Comment ça se passe ?
Bookynette : Logiquement un escape game c’est dans une pièce, tu fouilles, tu cherches des indices et ainsi de suite. Je ne cache pas les cartes, mais elles sont mélangées, elles ne sont pas dans l’ordre, tu perds du temps à trouver la bonne carte, c’est comme si tu fouillais, mais pas vraiment.
Étienne Gonnu : On fait tinter la sonnette ?
Bookynette : Vas-y.
[Clochette]
DMA : Apple ne veut rien savoir et fait appel de sa condamnation
Étienne Gonnu : Une actualité qu’on peut traiter rapidement. On a le temps d’en dire un mot, si vous en avez envie.
Une autre actualité tirée de Next : « Digital Markets Act – un règlement européen : Apple ne veut rien savoir et fait appel de sa condamnation ». Je vous fais un résumé rapide. En avril, l’entreprise a en effet été condamnée à 500 millions d’euros d’amende pour de multiples infractions à ce règlement, le DMA. Cela concernait particulièrement son magasin applicatif où les applications tierces, de celles d’Apple, ne pouvaient pas vraiment communiquer sur leurs prix, surtout si c’était moins cher que les solutions natives Apple – étonnant ! Plus généralement, et je vais citer l’article, « dans le cadre de ce règlement européen, l’Europe a demandé à Apple de se conformer à d’autres exigences dont l’ouverture de certaines technologies – on sait que ce n’est pas le point fort d’Apple, loin de là. Ces points avaient été détaillés par la Commission européenne qui souhaitait qu’Apple ouvre ses notifications aux montres connectées, l’exécution en tâche de fond de certaines tâches, la bascule audio automatique ou encore les transmissions sans fil à courte distance, laissant la possibilité de créer des alternatives à AirDrop – si je ne dis pas de bêtises ce sont ces écouteurs sans fil d’Apple, ces petits écouteurs blancs.
Vas-y, merci de me corriger.
Florence Chabanois : J’avoue que j’ai un peu Mac, enfin beaucoup, mais ce n’est pas bien. C’est le réseau courte distance. Par exemple, là nous sommes à un mètre l’un de l’autre, vous ne le savez pas, mais je peux t’envoyer des fichiers. C’est pour cela qu’on parle de sécurité. C’est très utilisé par les utilisateurs et utilisatrices de Mac.
Étienne Gonnu : En termes d’usages, c’est vrai que tout de suite on peut se dire que ça peut être…
Apple conteste cette décision, va faire appel, ils sont dans le jeu et on sait très bien qu’il y a un enjeu pour eux de rester dans ce silo. Et tu l’as évoqué, leur argument, mais c’est presque un argument ancestral, une tautologie : on ne fait pas ça pour le marketing, ce n’est pas pour maintenir tout le monde captif dans nos trucs, c’est pour une question de sécurité et de vie privée.
Bookynette : C’est fou comme la sécurité et la vie privée sont hyper importantes quand c’est pour combattre des lois, alors que sinon ! Je vais encore dire du mal, désolée !
Étienne Gonnu : On avance ou vous voulez dire un mot là-dessus.
Isabelle Carrère : Non, on avance.
Étienne Gonnu : On avance.
[Clochette]
Actu de Numerama sur le traitement de données par META AI
Étienne Gonnu : Vous le saviez où vous ne le saviez pas, mais, depuis le 27 mai, Meta AI a « le droit », avec des guillemets, de pomper toutes les données depuis Facebook, Instagram et tous les autres de la panoplie de leurs services. Isabelle, je crois que c’est toi qui voulais évoquer ce sujet.
Isabelle Carrère : C’est un peu en lien avec ce que tu viens de dire juste avant parce que c’est encore à propos de l’Union européenne et de Bruxelles. Théoriquement, le 2 mai, l’Europe devait devenir, nous avait-il été annoncé, le premier continent à se doter d’un code de bonnes pratiques en matière d’intelligence artificielle. Une date avait été publiée au Journal officiel de l’Union européenne, pour l’été 2024, et puis Trump est arrivé. Zut alors ! Et Breton a quitté Bruxelles ! Du coup la régulation, hop là, on oublie ! Normalement, c’était censé limiter les risques de pillage des médias, freiner la désinformation, etc., protéger le droit d’auteur. Le texte était coincé. On avait un droit d’opposition pour l’utilisation de ses données. Toutes les personnes qui utilisent Facebook, Instagram, etc., avaient jusqu’au 26 mai pour dire « non, je ne veux pas qu’on utilise », n’est-ce pas, vous l’avez tous su. Du coup, depuis le 27 mai, vous êtes d’accord, vous êtes tous d’accord pour qu’on aille chercher vos informations.
Bookynette : Et bizarrement, il n’y a pas eu de petit truc à cliquer, tout simple, genre je ne suis pas d’accord. Non, il fallait remplir un formulaire. Et si les deux comptes, Facebook et Instagram, ne sont pas connectés, il faut remplir deux formulaires différents. Ils auraient voulu faire plus compliqué, ils ne pouvaient pas.
Isabelle Carrère : C’était beaucoup trop compliqué pour la majorité des personnes et je ne parle même pas des gens qui ont des difficultés, qui, en plus, ont juste un ordiphone et pas un ordinateur, donc on voit moins les choses, et ce n’est pas dans plusieurs langues. Bref ! Tout a été fait pour que ça ne soit pas fait, donc voilà, maintenant tout est bon.
Bookynette : C’est bon, on a consenti !
Isabelle Carrère : C’est bon ! On a consenti à se faire piquer !
Étienne Gonnu : Je n’ai pas hyper creusé le sujet, mais j’ai compris qu’en fait il y a des choses consenties où on peut s’opposer, ça fait partie de ces catégories par rapport au Règlement général sur la protection des données, pour qu’ils puissent utiliser et traiter nos données ; une des manières de le faire c’est avec le consentement des personnes sur leurs données. Et puis il y a ce qu’on appelle l’intérêt légitime par rapport au service. Là, ils disent qu’ils pompent ces données pour les utiliser pour entraîner leurs IA, ils considèrent que ça rentre dans la catégorie de l’intérêt légitime, ce qui peut être contesté, d’ailleurs ce sera peut-être contesté face à une juridiction ou par la Commission européenne, on ne sait pas encore. On peut espérer des issues positives à tout ça. Là c’était presque le fait du prince : « On a le droit de le faire, mais on vous donne jusqu’au 27 mai, parce qu’on est sympa, pour vous y opposer. » Je pense que juridiquement ils n’étaient même pas obligés de le faire. Je dis ça aussi parce que je pense qu’il est raisonnable d’imaginer que peut-être des associations vont se montrer, je pense à NOYB de Max Schrems, un avocat, None Of Your Business, une association qui défend la vie privée, l’intimité en ligne, le juste traitement des données personnelles. Je n’en sais rien, mais peut-être qu’elle fera une action, peut-être que la Commission européenne saisira, ce sont des vœux pieux. On verra.
Isabelle Carrère : Oui, je pense que ce sont des vœux pieux.
Florence Chabanois : Même sur l’intérêt légitime, le droit d’opposition est obligatoire. Le fait que le lien soit aussi caché ! Honnêtement, pour moi, heureusement qu’il y a eu un article de Mathilde Saliou sur Next pour me mettre le lien sous le nez, pour pouvoir cliquer dessus, remplir le formulaire, etc., sinon je ne l’aurais jamais trouvé. De toute façon, Meta s’en moque complètement. Ce n’est pas leur premier procès, n’est-ce pas ! De toute façon, ils attendent de se faire taper sur les doigts cinq ans et après ils disent « non, ce n’est pas vrai, ce n’est pas juste », donc ils ont le temps de voir venir, ils ont tout à fait un intérêt économique à se dire « d’abord on plaide l’intérêt légitime pour tout et après on voit comment ça se passe. »
Bookynette : Il faut voir le côté positif. Je suis sûre que Mark Zuckerberg s’excusera dans cinq ans.
Florence Chabanois : C’est vrai ! Heureusement ! Qu’est-ce qu’il est gentil ! Brave homme !
Bookynette : C’est merveilleux !
Un petit conseil à toutes les personnes qui utilisent Facebook ou Instagram et ainsi de suite : faites des fautes d’orthographe, mettez des mots compactés, prenez des photos d’images générées par des intelligences artificielles, bref, pourrissez vos échanges exprès et dites à vos contacts que c’est fait exprès, c’est pour enrichir l’IA Meta.
Étienne Gonnu : J’avais vu et j’ai trouvé ça génial, je pense que c’était un chercheur, quelqu’un qui écrivait ce qu’il avait à écrire et puis, une phrase sur deux, il intercalait n’importe quoi « le canard a mangé ma chaussure ». Un humain va très facilement évincer tout ça, sauf que c’est inutilisable pour une IA parce qu’elle va fonctionner par suites logiques, elle va chercher le mot d’après. Ce serait dommage qu’on en soit réduit à ça pour se défendre, mais si tout le monde écrit comme ça, c’est aussi une manière de s’organiser pour ça. Du coup, c’était assez marrant à lire.
Bookynette : Ça va être amusant à faire, des faux dessins.
Étienne Gonnu : Dans le contexte géopolitique actuel, avec, en plus, les enjeux sur les réglementations européennes, et on voit bien que Meta a très vite et volontiers embrassé le nouveau pouvoir en place aux États-Unis.
Bookynette : J’ai une idée : faites des phrases féministes, ça équilibrera tout le côté un peu machiste des intelligences artificielles.
Isabelle Carrère : Il y a de la marge !
[Clochette]
Trois associations lancent une enquête sur les cyberviolences sexistes et sexuelles
Étienne Gonnu : Encore une actu de Next, décidément : trois associations lancent une enquête sur les cyberviolences sexistes et sexuelles. Florence, je crois que c’est toi qui voulais évoquer cette information.
Florence Chabanois : Oui, rapidement. Plusieurs associations, #StopFisha, Féministes contre le cyberharcèlement et Point de Contact ont créé un questionnaire, je ne connaissais pas Point de Contact, ont ouvert une enquête nationale pour cartographier les cyberviolences sexistes et sexuelles. C’est un questionnaire qui est en ligne, auquel vous pouvez tous et toutes répondre, que vous soyez directement concerné ou pas, justement pour mesurer un peu l’état des lieux. Il y a aussi des termes qui sont évoqués, comme cela vous pouvez tester votre culture générale là-dessus. Je vous invite à y répondre pour contribuer. Je ne l’ai pas encore fait, mais je vais bientôt le faire.
Étienne Gonnu : Toi qui suis ces sujets, cette initiative a-t-elle des précédents ?
Florence Chabanois : Non, en tout cas pas ma connaissance.
Isabelle Carrère : Et l’objectif après ? Qu’est-ce qui va être fait de ces données ?
Florence Chabanois : Déjà, pour moi, la première chose c’est de rendre visible l’état des lieux, sinon on va se dire « c’est un cas particulier ». Les questionnaires à fréquence régulière, c’est l’affaire de tous les baromètres et des mesures : mesurer pour ensuite se dire où on en est, comment on s’améliore ou pas, en tout cas pour ne pas pouvoir nier ces situations qui sont systémiques, plutôt que se dire que c’est un cas isolé parce que lui c’est un petit filou ou il était dérangé, ce qui est complètement validiste. C’est plus une démarche pour faire un état des lieux pour ensuite pouvoir avancer. Ce sont des associations, ce n’est pas du tout une initiative gouvernementale.
Isabelle Carrère : Tant mieux !
Florence Chabanois : Oui. Pour moi, c’est toujours utile de faire ce genre de document.
Isabelle Carrère : Pour moi aussi, c’est utile. Ma question c’était plutôt comment elles montrent et elles disent.
Florence Chabanois : Ce que je veux dire en disant que c’est utile, c’est qu’ensuite ça sert de matière quand on évoque ce sujet. Dire qu’avec l’étude que #StopFisha a faite, une association dont on ne conteste pas la légitimité, pareil pour Féministes contre le cyberharcèlement, on sait, je dis n’importe quoi, que 50 % des femmes qui mettent leur vrai nom sur des forums de jeux vidéo reçoivent des insultes au bout de six mois, par exemple.
Une autre étude sur les femmes dans l’informatique a été faite à l’époque, il y a très longtemps, ressort toujours et fait référence : la moitié des femmes de l’informatique s’en va après dix ans, après leurs 35 ans en fait. Une autre étude, aux États-Unis, dit que c’est après leurs dix ans. Cette étude a été faite, il y a un certain temps quand même, mais elle sert ensuite d’éléments et d’arguments sur ces sujets pour justement pouvoir faire avancer les choses, c’est moins contestable.
Étienne Gonnu : L’enquête vise, je le lis, aussi bien les victimes et leur entourage, les témoins des violences. Ce sont vraiment les violences presque qualifiées ? On sait qu’il y a tout le spectre de la violence qui part des micro-agressions, etc. Qui peut participer ? Tout monde peut et avoir des choses à dire ?
Florence Chabanois : Tout le monde peut. Par exemple, quand on parle de harcèlement ou de violences sexistes et sexuelles, spontanément on va se dire qu’on n’est pas du tout concerné, en tout cas c’est une tendance, même les personnes qui sont concernées, parce que c’est tout un imaginaire, il y a un certain poids derrière ces termes-là. Là, par exemple, il y a des questions genre qu’est-ce que c’est que la sextorsion ? L’idée de ces questions c’est déjà d’apporter de la connaissance pour pouvoir poser des mots sur ces situations et ensuite se reconnaître, ou pas d’ailleurs, ou reconnaître ces situations quand on en est témoin et se dire « on est bien et, si ça arrive, on est capable de dire des choses. » Par exemple, je pense que tout le monde ne connaît pas le doxing.
Étienne Gonnu : C’est quoi, du coup ?
Florence Chabanois : Le doxing, c’est le fait de divulguer des informations privées sans le consentement de la personne et ça peut être dévastateur. C’est une forme de harcèlement, c’est du vol de données personnelles juste pour faire du mal. Par exemple, si on divulgue l’adresse de quelqu’un, une fois que c’est divulgué, c’est divulgué et ça peut être utilisé à très mauvais escient du fait que tout le monde connaît.
Le grooming aussi, qui est le fait de solliciter, je ne sais pas si je peux rentrer dans cela parce que c’est un peu glauque, un peu violent. Je vous invite à regarder l’article.
Étienne Gonnu : C’est aussi une manière de se former à ces enjeux, de se rendre compte qu’on a été témoin de violences, qu’on n’avait pas forcément assimilées à des violences sexistes et sexuelles.
Florence Chabanois : Oui, parce qu’on va soit imaginer un peu le pire en se disant « là ce n’est pas une violence parce qu’elle n’a pas de bleus, elle ne se fait pas taper dessus, elle s’en est remise », même si ça nous concerne alors que c’est juste illégal et qu’il y a un cadre juridique pour ces choses-là.
Isabelle Carrère : Les termes sont toujours en anglais comme ceux que tu as cités ?
Florence Chabanois : Oui, mais parfois il y a des traductions. C’est vrai que sur les récents, là c’est plutôt écrit en anglais.
Isabelle Carrère : C’est dommage. Les Québécois avaient trouvé quand même pas mal de traductions assez intéressantes.
Bookynette : Après, le questionnaire est tout en français et ça n’aborde pas que le sexe, si je puis dire, il y a aussi ici des choses sur le racisme, sur la grossophobie, sur les religions et ainsi de suite, c’est vraiment très vaste et c’est en français. Heureusement, certains termes n’existent pas encore dans notre langue, ce qui prouve qu’ils ne sont pas encore devenus normaux, ça ne va pas tarder.
Isabelle Carrère : Ou alors c’est qu’ils ne sont pas visibilisés.
Bookynette : Ils ne sont pas encore visibilisés, donc, associations, unissez-vous pour traduire ces termes en français ou alors on va aller voir comment ils font au Canada.
Étienne Gonnu : On invite les personnes qui nous écoutent à aller le voir pour se former. Le lien avec les libertés informatiques, le but c’est aussi de permettre un environnement, un espace numérique un peu plus accueillant pour tout le monde, tout simplement.
On me fait remarquer, malheureusement, qu’apparemment c’est basé sur du Google Docs, il ne faut pas que ça nous empêche de nous saisir d’outil !
Bookynette : Je propose qu’on leur envoie un petit message.
Isabelle Carrère : C’est exactement ça ! On pourrait leur dire attendez, on va vous le mettre sur autre chose.
Étienne Gonnu : Il n’y a pas de jugement de valeur à destination des personnes qui ont fait ça. On se forme aussi et il y a plein d’aspects sur lesquels se former, mais c’est dommage.
Isabelle Carrère : C’est vraiment dommage.
Florence Chabanois : D’où l’intérêt de faire partie de ces associations pour dire ce qui existe.
Isabelle Carrère : Absolument. Pour dire « servez-vous d’autre chose comme outil ».
Florence Chabanois : Le dernier point concernant le côté témoin, ça pose des questions sur comment on réagit en tant que témoin et si on sait quoi faire quand on reconnaît ces situations-là. Je pense que ça donne aussi un espace pour réfléchir à des scénarios, à la façon dont on pourrait se positionner, du coup, quand ça arrive, on est un peu plus préparé.
Étienne Gonnu : Très bien. On vous recommande vivement d’aller regarder ce questionnaire qui est partagé sur Next. À mon avis, il est en accès libre.
Florence Chabanois : Oui il est en accès libre. D’ailleurs, j’en profite pour dire merci à Mathilde Saliou qui travaille chez Next et qui aborde souvent ces sujets. La cyberviolence a explosé ces derniers temps, de façon encore plus exponentielle que les violences sexistes et sexuelles, et j’espère que d’autres personnes, pas qu’elle, pourront dans d’autres journaux, même au sein de cette rédaction, s’emparer aussi de ces sujets-là qui concernent quand même 52 % de la population.
Étienne Gonnu : Merci d’avoir porté ce sujet à notre attention aussi sur les ondes de la radio Cause Commune, dans Libre à vous !.
Le temps de ce Café libre arrive à sa fin, je vais juste évoquer, on n’a pas le temps d’en parler, je l’ai vu ce matin : Copenhague et Aarhus, deux villes du Danemark enclenchent leur divorce avec Microsoft. C’est une information de L’Usine Digitale, je partagerai l’article pour les personnes qui suivent et on en parlera sans doute lors d’un prochain Café libre.
En tout cas Florence, Isabelle, Booky, merci beaucoup pour ce temps d’échanges.
Isabelle Carrère : Merci à toi aussi.
Bookynette : Avec plaisir.
Étienne Gonnu : C’était le dernier Café libre de cette saison. On se retrouve en septembre pour le prochain Au café libre.
Nous allons à présent faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Étienne Gonnu : Après la pause musicale, nous entendrons une nouvelle pituite de Luk.
Avant cela, nous allons écouter Hypnocircle par ThunderComple. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Hypnocircle par ThunderComplex.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Hypnocircle par ThunderComplex, disponible sous licence Libre Creative Commons Attribution, CC-By.
[Jingle]
Étienne Gonnu : Je suis Étienne Gonnu de l’April. Nous allons passer à notre dernier sujet.
[Virgule musicale]
Chronique « La pituite de Luk » intitulée « Khan est niqué »
Étienne Gonnu : Nous allons poursuivre avec une nouvelle « Pituite de Luk », une chronique rafraîchissante, au bon goût exemplaire, aujourd’hui sobrement intitulée « Khan est niqué ».
[Virgule sonore]
Luk : Ah Microsoft ! Pour les vieux libristes, c’est l’ennemi héréditaire. Pourtant, ça fait plusieurs années que notre plaisir de détester Microsoft se heurte à une certaine frustration. Déjà, Microsoft a pris un petit virage vers l’open source, mais surtout, en termes de malveillance, ils restaient plutôt sur leurs acquis : quasi-monopoles sur l’OS et les outils de bureautique, vente liée, formats fermés et tout le bazar qu’on connaît de longue date.
Pendant ce temps, d’autres acteurs ont semblé bien plus créatifs. Amazon, par exemple, non content d’avoir construit son propre monopole, s’est surtout distingué en le faisant prospérer au détriment de la santé et de la vie de ses employés, de ses sous-traitants et du business de ses vendeurs tiers. Alors qu’il y a plein d’intégrateurs qui vivent confortablement à la faveur des solutions bancales et mal branlées de Microsoft, Amazon suce le sang de ses troupes jusqu’à la mort. C’est quand même un cran au-dessus ! Mais Amazon n’est qu’un exemple. Ils sont nombreux les aventuriers milliardaires, sans foi ni loi, de la Silicon Valley qui font passer cette honorable entreprise des années 80 pour un repère de papys pépères un peu perdus dans l’époque.
Difficile de leur donner complètement tort quand on considère la liste des échecs successifs de Microsoft. Ça fait bien 10 ans qu’on les moque plus qu’on ne le craint. La boîte n’a pas réussi à pourrir Internet malgré les efforts consentis, elle a raté le tournant du smartphone, celui des réseaux sociaux mais ouf, elle est là pour le cloud. Et c’est bien grâce à ça qu’ils reviennent dans le jeu. Ils avaient pourtant fait profil bas lors de l’avènement de Trump au pouvoir. Ils sont restés sobres, contrairement à pas mal d’autres qui ont fait ruisseler les millions sur lui et qui se sont adonnés à d’incroyables spectacles de léchage de fesses. Particulièrement Zuckerberg. Le sien était tellement spectaculaire qu’en le regardant j’ai eu la désagréable sensation que ma propre raie était poisseuse et humide. Quel talent !
Mais, nous y voilà ! Microsoft a coupé le mail de Karim Khan pour faire plaisir au pouvoir américain. Je précise que Karim Khan n’est pas le tyran décongelé et colérique d’un vieux film de Star Trek. Ça peut paraître évident, mais comme, par les temps qui courent, la réalité est priée de se plier au fantasme, autant prendre les devants. Karim Khan est le procureur général de la Cour pénale internationale et il est sous le coup de sanctions américaines parce qu’il a émis des mandats d’arrêt pour crime de guerre et crime contre l’humanité contre Netanyahou et un de ses sbires. Les comptes bancaires de ce dangereux terroriste ont également été gelés et une affaire de harcèlement sexuel a émergé pile au moment où il s’apprêtait à émettre ses mandats d’arrêt. Pour finir, il ira directement à la case prison s’il met les pieds sur le sol américain.
Donc voilà ! Microsoft, comme toutes les boîtes américaines, est une arme entre les mains du pouvoir américain. On avait pourtant déjà eu un coup de semonce en 2010 quand Visa, Mastercard et Paypal nous avaient bloqué la possibilité de faire des dons à WikiLeaks. Et cela, merci de faire des apostrophes avec vos doigts pendant deux secondes, « de leur propre initiative ».
Mais ce n’est pas tout ! Les salariés de Microsoft ont la conscience qui les gratte de plus en plus et tolèrent mal que les services cloud qu’ils font tourner puissent être utilisés pour le génocide en cours à Gaza. En effet, nombre de systèmes d’informations qui permettent à l’armée israélienne de mener ses opérations barbares, sont teintés d’un bleu azur. Des manifestations ont eu lieu, deux présentations de grands chefs ont été interrompues coup sur coup, Microsoft a pris des mesures : les mails contenant des mots relatifs à Gaza, à la Palestine et à ce genre de chose sont désormais bloqués. Il est fort probable qu’à brève échéance, Microsoft fasse comme Google qui a viré ses propres contestataires l’année dernière. Ils devraient bien pouvoir les remplacer par des IA, non ?
Il faut quand même se mettre dans la peau de ces grands patrons de la tech pendant une seconde, mais pas plus longtemps parce que c’est quand même dégueu. Il est de plus en plus clair que la mort est le nouvel eldorado du business et Microsoft sait ce qu’il en coûte de laisser passer les opportunités. Alors quoi ? Ni eux, ni les autres ne vont quand même pas se laisser freiner par des empêcheurs de génocider en rond ?
Staline avait dit : « La mort d’un homme est une tragédie. La mort d’un million d’hommes est une statistique. » La citation leur va comme un gant, à condition d’y rajouter « tant qu’on peut faire du fric avec ».
[Virgule sonore]
Étienne Gonnu : C’était une nouvelle « Pituite de Luk ».
Je précise juste, comme je le disais lors de notre échange pendant le Café libre, ce matin, dans le cadre d’une audition de commission d’enquête sénatoriale sur la commande publique, le directeur des affaires publiques et juridiques de Microsoft France a dit sous serment que Microsoft n’avait pas coupé techniquement les accès mail de la Cour pénale internationale, qu’ils ont juste un dialogue avec la Cour. On comprendra ce qu’on voudra y comprendre. On vous laisse libres de juger si cela change le fond du propos.
En tout cas merci à Luk qu’on retrouvera pour une prochaine chronique, une dernière chronique avant la fin de la saison.
Nous allons terminer par quelques annonces.
[Virgule musicale]
Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre
Étienne Gonnu : Une soirée de contribution au Libre a lieu jeudi 12 juin à la FPH, la Fondation pour le Progrès humain, à Paris dans le 11e arrondissement.
Laurent Costy, vice-président de l’April, interviendra dans le débat « Le numérique : frein ou levier pour la démocratie au sein de nos organisations ? » dans le cadre de la Rencontre des solidaires, « Nos démocraties désirables », organisée par l’APES Hauts-de-France, acteurs pour une économie solidaire, donc jeudi 12 juin à Lens. L’entrée est gratuite avec la nécessité de réserver une place sur la plateforme TiBillet de l’APES, une plateforme basée sur un logiciel libre.
On salue Jonas de TiBillet, qui nous a aidés à tenir des stands de l’April.
Du vendredi 13 juin 2025 à 8 heures au dimanche 15 juin 2025 à 16 heures, à Tours, auront lieu States of the Map France. Durant ces trois jours, toutes les personnes utilisant ou contribuant à la base de données libres du monde que représente OpenStreetMap, ou simplement les personnes qui sont curieuses de cette base de données, se retrouveront pour partager leurs expériences, se tenir informées, se former, découvrir l’écosystème et les multiples applications existantes ou imaginées autour d’OpenStreetMap.
Je vous invite à consulter l’Agenda du Libre, agendadulibre.org, pour trouver les événements en lien avec le logiciel libre et la culture libre près de chez vous.
Notre émission se termine
Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission : Isabelle Carrère, Bookynette, Florence Chabanois, l’incroyable Luk.
Aux manettes de la régie aujourd’hui, Isabella Vanni.
Merci également aux personnes qui s’occupent de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang 1, Julien Osman, bénévoles à l’April, ainsi qu’Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio.
Merci aussi aux personnes qui découpent les podcasts complets des émissions en podcasts individuels par sujet : Quentin Gibeaux, Théocrite, Tunui, bénévoles à l’April, et mon collègue Frédéric Couchet.
Vous retrouverez sur notre site web, libreavous.org/250, toutes les références utiles de l’émission de ce jour, ainsi que sur le site de la radio, causecommune.fm.
Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission.
Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et à faire connaître également la radio Cause Commune.
La prochaine émission aura lieu en direct mardi 17 juin 2025 à 15 heures 30. Notre sujet principal portera sur l’association La Mouette, une très belle association de promotion d’une bureautique libre et du format ouvert ODF, Open Document Format.
Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 17 juin et d’ici là, portez-vous bien.
Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.