Émission Libre à vous ! diffusée mardi 20 décembre 2022 sur radio Cause Commune


Voix off : Libre à vous ! l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes, bonjour à tous dans Libre à vous !
C’est le moment que vous avez choisi pour vous offrir 1 heure 30 d’informations et d’échanges sur les libertés informatiques et également de la musique libre. D’ailleurs, pour cette dernière émission de l’année 2022, le sujet principal sera « La fête de la musique libre ». Avec également au programme la chronique de Gee intitulée « Numérique versus digital » et aussi la chronique de Luk intitulée « Vivre dans un monde meilleur ».
Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.

Nous avons d’ailleurs un questionnaire pour mieux vous connaître, auditeurs et auditrices de Libre à vous !. Y répondre vous prendra cinq minutes et nous permettra d’évaluer l’impact de notre émission. C’est également une occasion pour vous de nous faire des retours et de nous aider à améliorer l’émission. Retrouvez le questionnaire sur le site libreavous.org.

Nous sommes mardi 20 décembre 2022. Nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission du jour, avec sa bonne humeur habituelle, ma collègue Isabella Vanni. Bonjour Isa.

Isabella Vanni : Bonjour Fred. Bonne émission.

Frédéric Couchet : Merci. Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « Les humeurs de Gee » sur « Numérique vs digital »

Frédéric Couchet : Nous allons commencer par la chronique « Les humeurs de Gee ». Gee, auteur du blog BD Grise Bouille vous expose son humeur du jour. Des frasques des GAFAM aux modes numériques en passant par les dernières lubies anti-Internet de notre classe politique, il partage ce qui l’énerve, l’interroge, le surprend ou l’enthousiasme, toujours avec humour. Occasion peut-être, derrière les boutades, de faire un peu d’éducation populaire au numérique.
Bonjour Gee.

Gee : Bonjour Fred.

Frédéric Couchet : Le thème du jour, « Numérique vs digital ».

Gee : Exactement.

Salut à toi, public de Libre à vous !
Tu le sais peut-être, avant d’être chroniqueur radio, comme l’a dit Fred, je suis aussi auteur de BD. Au cours de ces chroniques, il est possible que je parle parfois d’actualité, mais il peut aussi arriver que je me base sur d’anciennes BD pour te parler de choses plus générales.

Aujourd’hui, je vais donc te causer d’un sujet que j’ai déjà abordé en bande dessinée – les liens seront sur la page du podcast – et sur lequel les différentes communautés de la tech se fritent régulièrement : numérique versus digital.

Je t’explique. Tu as sans doute déjà entendu parler de transformation digitale ou de montre à affichage digital. Eh bien sache que si tu emploies cet adjectif, digital, dans ces contextes, certaines personnes risquent de venir faire leurs intéressantes en te disant « mais non, on ne dit pas « digital », on dit « numérique » ». Je suis bien obligé d’admettre que je fais partie de ce genre de casse-bonbons qui lutte ardemment contre l’usage du mot « digital » dans le sens « qui se rapporte à l’informatique ». Pourquoi ? Eh bien faisons un petit point langue. À la racine de notre problème, on a le mot latin digitus, veut dire « doigt ». C’est à cause digitus, que « doigt » s’écrit avec un « g » silencieux et c’est aussi de là que vient l’adjectif français « digital », adjectif qui, tout à fait logiquement, désigne ce qui se rapporte aux doigts et qu’on utilise principalement dans l’expression « empreintes digitales ». Usage que personne ne conteste, même pas les casse-bonbons sus-nommés.
Là où ça se complique, c’est que le latin digitus a mené au mot anglais digit qui, en anglais, ne signifie pas « doigt » ; « doigt », en anglais, c’est finger , comme dans finger in the nose. Non, digit, en anglais, veut dire « chiffre ». Alors pourquoi le mot latin digitus pour doigt a donné le mot anglais digit pour chiffre ? Eh bien tout simplement parce que, en général, on apprend à compter sur les doigts. Voilà, c’est tout bête ! De fait, lorsque les anglophones ont cherché un adjectif se rapportant aux chiffres, c’est tout simplement digit qui s’est imposé. Car, encore une fois, chez les anglophones, la racine digitdésigne un chiffre. En revanche, chez nous autres francophones, le mot « digital » n’a aucun rapport avec les chiffres ou les nombres ou quoi que ce soit dans ce domaine. Digital en français, ça parle des doigts, c’est tout ! La traduction du digitalanglais, c’est bien « numérique ».

On me fera remarquer que le digital anglais se rapporte aux chiffres et le « numérique » français aux nombres. C’est vrai, mais c’est déjà assez le bazar comme ça alors Oh ! Hé ! Hein ! Bon !, un argument dont vous reconnaîtrez l’incroyable pertinence.

Bref ! Tout ça c’est très joli, c’est très clair : « digital », en français, ne se rapporte qu’aux doigts, l’utilisation de « digital » en rapport avec l’informatique n’est qu’un vilain anglicisme, pas beau, que tout le monde devrait abandonner pour « numérique », la traduction correcte de l’anglais digital.

D’accord. OK. Sauf que là, j’ai une petite dissonance cognitive avec ce que je pense de la construction de la langue et des normes qu’on essaie d’imposer sur le français, parce que, comment vous dire ! En tant que grand auditeur des chroniques de Laélia Veron sur France Inter ou des podcasts de Linguisticae sur Internet, je suis assez persuadé que c’est l’usage qui fait la langue et non pas des espèces de règles plus ou moins savantes imposées par une bande de couillons, quand bien même cette bande de couillons se rassemblerait à 40 dans un gros truc bien pompeux qu’on appellerait l’Académie française. Oui, c’est l’usage qui fait la langue et son évolution. C’est pour ça que, personnellement, je continue à dire « le » Covid malgré ce qu’en dit l’OMS ou « la » Game Boy malgré ce qu’en dit Nintendo – oui, si vous l’ignoriez, c’était LE Game Boy, à la base. J’utilise aussi des termes de gaucho-wokiste comme « autrice », parce que ce n’est pas plus idiot que « actrice ». Enfin, toutes les injonctions les plus péremptoires des vieux réacs de l’Académie ne me feront jamais remplacer « follower » par « acolyte des illustres » – si, si, je vous assure, c’est une recommandation officielle de l’Académie française, il ne faut pas dire follower mais « acolyte des illustres ». Je ne sais pas ce qu’ils fument, mais, franchement, ils pourraient être sympas et faire tourner !

Bon ! J’en reviens donc à mon sujet. Si c’est l’usage qui fait la langue et que les gens utilisent le mot « digital » comme synonyme de « numérique », est-ce que ça ne valide pas, de fait, cet usage ? Oui et non. Vous ne pensiez tout de même pas que j’allais abandonner si facilement !
Admettons que ça valide, pour digital, un sens différent du sens premier, qui se rapporte aux doigts, mais est-ce que ce sens est vraiment synonyme de numérique ? C’est ce qu’on va voir.

Cherchons tout d’abord la définition de « numérisation ». Sur mon moteur de recherche, c’est Wikipédia qui tombe en premier et qui me dit : « La numérisation est la conversion des informations d’un support ou d’un signal électrique en données numériques que des dispositifs informatiques ou d’électronique numérique pourront traiter ». Voilà ! Pour résumer, je passe un document papier dans un scanner, je récupère un fichier informatique fait de 0 et de 1, je l’ai numérisé.

Passons maintenant à la définition de « digitalisation ». Et là, attention, on va être sur « deux salles, deux ambiances », accrochez-vous à vos calfouettes !
Tout d’abord, on tombe sur junto.fr, qui nous dit : « La digitalisation est une suite logique de l’évolution technologique et, plus particulièrement, d’Internet et de l’informatique. Désormais, tout peut se traiter en ligne et c’est le principe même de la digitalisation. Pour définir cette opération, on peut dire qu’il s’agit d’un procédé qui vise à transformer des processus traditionnels, des objets, des outils ou encore des professions par le biais de technologies digitales afin de les rendre plus performants. »

Voilà ! Des questions ? Non ! Je sens que vous n’êtes pas encore convaincu⋅es, alors on va tout de suite lire le deuxième lien, sur un site qui s’appelle Digitall Conseil, Digitall avec deux « l » cette fois, pour montrer que ça vole haut, j’imagine. Je cite : « La digitalisation d’un métier peut signifier que les processus et les méthodes de travail sont supportés par des solutions digitales, mais aussi que le rôle de l’informatique vient prendre une place prépondérante dans l’exécution des missions rattachées à ce métier. Quand cette digitalisation est conçue en collaboration avec les métiers concernés, cela permet de repositionner le rôle des collaborateurs et des tâches à forte valeur ajoutée et de créer de nouvelles opportunités de rentabilité ».
OK ! Autant, dans ma dernière chronique, je m’amusais d’avoir coché le bingo du gauchiste du Web avec des mots comme émancipation ou éducation populaire, autant là, on serait plutôt sur un bingo de bon gros bullshit de startupper.

Bon ! Je pense que vous avez compris où je voulais en venir : numérisation et numérique sont des termes techniques, des termes qui désignent des technologies basées sur le stockage et la manipulation de nombres, ça tombe sous le sens. En revanche, quand j’entends digital ou digitalisation, mon premier réflexe est de chercher à comprendre ce qu’on essaie de me vendre : digital est un terme marketing qui pue le solutionnisme technologique à plein nez, avec toujours, en sous-texte, les logiques de performance et de rentabilité.
Comment vous dire, en termes simples, digital, c’est de droite. Si, si, à un moment il faut dire les choses ! Voilà ! C’est dit. J’ai même déjà entendu l’argument, je vous jure, « oui, mais les écrans tactiles, ça s’utilise avec les doigts, alors pourquoi on ne dirait pas digital ?, comme ça c’est encore plus parlant ! » Oui ! Chacun sait que quand on écrit avec un stylo, on le tient entre les dents, ça n’a rien à voir.

Vous voyez le truc ! Face à une ambiguïté de sens, ici, entre digital-les-doigts et digital-numérique, vous avez deux comportements possibles. Soit vous considérez que l’ambiguïté apporte de la confusion et qu’il vaut donc mieux la lever, c’est en général le comportement que vous avez si vous avez une démarche scientifique, éducative ou émancipatrice. Soit vous considérez que l’ambiguïté permet de semer un peu plus de confusion et de faire de jolies publicités enrobées de bon gloubi-boulga managérial, et hop !, vous sautez les deux pieds dedans. Le résultat est que, quand on vous a vendu la transformation digitale, vous trouvez génial que votre n + 1 vous donne un super smartphone dernier cri. Alors que si vous êtes calé en émancipation numérique, vous lui opposerez sans doute le droit à la déconnexion et lui suggérerez, par la même occasion, de se carrer le fameux smartphone dans le fondement, avec doigté, bien sûr, pour le côté digital !

Pour conclure, oui, en langue, c’est bien l’usage qui prime. Et quand je vois comment est utilisé le mot « digital », j’ai d’autant plus envie de continuer à dire « numérique » !

Sur ce, je vous souhaite une bonne émission, une bonne fin d’année, de joyeuses fêtes. Je vous dis à l’année prochaine et salut !

Frédéric Couchet : Merci Gee. Est-ce que la référence du Oh ! Hé ! Hein ! Bon ! c’est Nino Ferrer ?

Gee : Exactement.

Frédéric Couchet : Je me demandais si c’était Nino Ferrer. Sinon, c’est assez marrant parce que tu parles d’usage, de langue et du mot autrice. En venant à l’émission, j’écoutais le dernier podcast Les Couilles sur la table de Victoire Tuaillon qui était consacré justement au « Masculin neutre : écriture exclusive », avec une invitée [Éliane Viennot] qui revenait justement sur l’historique, à l’époque où ces mots-là étaient utilisés. En fait, ils sont revenus récemment à l’usage. Cette concordance de temps est assez marrante.

Tu dis qu’on va se retrouver en janvier 2023. On va même se retrouver dès le mardi 10 janvier 2023, parce que, pour l’émission de rentrée, tu animeras notre sujet principal, ça nous fait grand plaisir, qui portera sur Aaron Swartz, cet informaticien militant des libertés informatiques et de la culture libre, qui est malheureusement décédé le 11 janvier 2013 à l’âge de 26 ans. Pour les 10 ans de sa mort, on va faire une émission spéciale que tu auras le plaisir de préparer et d’animer, normalement avec deux invités dont on vous dira le nom début janvier. En tout cas ce sera l’émission de rentrée, mardi 10 janvier 2023.

Gee : Super !

Frédéric Couchet : En tout cas merci Gee, bonnes fêtes de fin d’année et au 10 janvier.

Gee : Au 10 janvier.

Frédéric Couchet : Nous allons faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Après la pause musicale, nous parlerons de musique libre. En attendant, nous allons écouter Akilou par 6 février 1985. On se retrouve dans trois minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles

Pause musicale : Akilou par 6 février 1985.

Voix off : Cause Commune, 93.1

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Akilou par le groupe 6 février 1985, disponible sous licence libre Art Libre.

[Jingle]

Frédéric Couchet : Passons maintenant au sujet suivant.

[Virgule musicale]

La fête de la musique

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui va être une rediffusion. En effet, nous ne pouvons pas vous présenter le sujet initialement prévu, nous en parlerons début 2023. À la place nous allons réécouter la diffusion d’un sujet diffusé en direct le 21 juin 2022, intitulé « La fête de la musique libre », avec des interviews d’artistes qui diffusent leur musique sous licence libre. Le sujet avait été préparé et animé par mon collègue Étienne Gonnu. On se retrouve dans 50 minutes.

[Virgule sonore]

Étienne Gonnu : Pour cette émission spéciale « fête de la musique libre x nous avons voulu donner la parole à des artistes qui publient leurs musiques sous licence libre, des musiques que nous avons diffusées dans Libre à vous !. Nous entendrons Corentin des Gueules Noires qui interviendra en direct par téléphone, Minda Lacy, une artiste américaine dont nous avons enregistré et traduit l’interview. Avant cela je vous propose d’écouter Thibaut Dallery, du projet musical Lumpini, interview que nous avons également pré-enregistrée faute de disponibilité ce jour. On écoute cet échange et on se retrouve juste après toujours sur Cause Commune, la voix des possibles.

Interview de Thibaut Dallery, à l’initiative du projet musical Lumpini

[Virgule sonore]

Étienne Gonnu : J’ai le plaisir de recevoir Thibaut Dallery, aujourd’hui avec moi dans cette émission spéciale sur la musique libre, sur la musique, en ce 21 juin. Thibaut, bonjour.

Thibaut Dallery : Bonjour. Bonjour Étienne.

Étienne Gonnu : Est-ce que vous pourriez déjà vous présenter, s’il vous plaît ?

Thibaut Dallery : Je m’appelle Thibaut Dallery, j’ai 30 ans, je viens parler de mon projet qui s’appelle Lumpini. C’est un projet de composition que j’ai réalisé ces dernières années. L’idée c’était de finaliser puis d’enregistrer plusieurs compositions que j’avais écrites depuis longtemps, certaines depuis 10/15 ans quand j’étais au lycée. J’ai eu l’inspiration et l’idée d’enfin les finaliser et ça a donné ce projet Lumpini.

Étienne Gonnu : Super. Il y a une ou deux semaines, je crois, nous avons diffusé un de vos morceaux puisque l’album Lumpini est sous licence libre, on y reviendra plus tard. Vous êtes musicien. Vous êtes musicien professionnel ? C’est une passion que vous avez depuis longtemps ?

Thibaut Dallery : Ce n’est pas mon métier. Je suis professeur des écoles. C’est une passion que j’ai, j’ai commencé à 13 ans et elle ne m’a pas lâché. C’est une passion super importante que j’essaie de poursuivre.

Étienne Gonnu : De quoi jouez-vous comme instrument ?

Thibaut Dallery : Je joue principalement de la guitare, c’est surtout ça que je joue sur ce projet avec aussi un petit peu de basse et de clavier. L’idée, sur ce projet-là, c’était surtout, pour moi, de jouer de la guitare et, pour tout ce que j’ai du mal à jouer comme instrument, il y a aussi de la batterie, du saxophone, un peu de flûte, des parties de basse et de clavier compliquées, eh bien j’ai demandé aux copains qui font ça beaucoup mieux que moi.

Étienne Gonnu : Du coup, si je comprends bien ce que vous dites, c’est un projet entre amis.

Thibaut Dallery : Oui, c’est ça. J’avais aussi joué dans plusieurs groupes avant. L’idée, là, c’était vraiment de prendre mes compositions, de faire tous les arrangements et de donner un matériel déjà bien ficelé aux musiciens.

Étienne Gonnu : Pouvez-vous nous donner un peu plus de détails sur l’histoire, sur la genèse de ce projet, comment vous l’avez construit ? Vous nous dites que vous l’avez construit sur plusieurs années. Je crois que vous avez fait un album et c’est le résultat de ce projet, pour le moment, si je ne me trompe pas, vous pourrez me corriger bien sûr.

Thibaut Dallery : Oui, c’est ça. Comme je disais l’idée c’était de finaliser des compositions que j’avais depuis longtemps. Ce qui m’a un peu donné le déclic c’est que j’ai eu l’occasion de vivre en Thaïlande et j’ai rencontré là-bas un musicien qui était très fort pour faire ça, arriver avec des compositions, trouver des musiciens, les jouer, les enregistrer, tout ça en quelques mois. Je me rendais que j’avais des morceaux qui traînaient depuis longtemps. En rentrant, j’ai acheté le matos pour enregistrer et ça m’a donné l’inspiration pour essayer d’aller jusqu’au bout de ce projet. D’ailleurs il y a une référence à la Thaïlande dans le nom du projet puisqu’il s’appelle Lumpini. Lumpini c’est un parc à Bangkok, c’est aussi la forêt dans laquelle est né Bouddha suivant la légende, c’est aussi stade de boxe thaïlandaise. Ça m’amusait d’avoir ce mot qui a plein de connotations et qui fait référence à la Thaïlande comme nom du projet.

Étienne Gonnu : J’ai pris énormément de plaisir à écouter tout l’album, pas seulement le morceau qu’on a déjà diffusé, Elevating. Je trouve la qualité remarquable, on dirait vraiment que ça a été enregistré dans des conditions professionnelles. Est-ce que c’est le cas ? Y a-t-il eu des « difficultés », entre guillemets, que vous avez dû surmonter dans la réalisation de ce projet ? Est-ce que ça s’est passé relativement facilement ?

Thibaut Dallery : Déjà merci, ça fait plaisir d’entendre ça. On n’a pas fait ça dans un studio pro, ça a été vraiment chacun chez soi avec son matériel, une carte son et un logiciel, un séquenceur pour pouvoir mettre ensemble ensuite tous les morceaux. Après, il y a quand même eu un long travail de mix et de mastering, ce sont les deux étapes une fois que tout a été enregistré et je pense que c’est ça qui a permis d’améliorer et de faire vraiment prendre un peu de niveau au rendu sonore. Ça a été assez long mais ça a permis de bien avancer avec des enregistrements de base finalement assez simples et assez modestes.

Étienne Gonnu : Je pense que ce n’est pas toujours facile de qualifier un style sur une musique parce que ça enferme peut-être, mais si vous deviez décrire ce qu’est la musique Lumpini, comment la qualifierez-vous ?

Thibaut Dallery : En effet ce n’est pas facile. Déjà c’est de la musique instrumentale qui est au centre. Je pense que qui est important pour moi c’est d’avoir la liberté instrumentale qu’on retrouve, par exemple, dans le jazz avec beaucoup d’improvisations. Je pense qu’il y a aussi l’énergie du rock, parce que c’était pas mal cette musique que j’écoutais aussi à l’époque où j’ai composé la plupart de ces morceaux. Il y a aussi, parfois, un peu des couleurs orientales et puis tout un travail sur la progression de l’énergie, par exemple comme celle qu’on peut retrouver dans du rock progressif ou du post-rock. Donc il y a un petit peu de tout ça et peut-être encore d’autres choses, je ne sais pas.

Étienne Gonnu : En tout cas, la manière dont vous avez décrit fait écho à ce que j’ai pu ressentir en écoutant la musique. J’aime écouter de la musique, comme beaucoup de gens, je n’ai pas du tout une oreille professionnelle, experte, mais c’est vrai que j’aime bien, quand j’écoute de la musique, retrouver un petit grain de folie. C’est un peu ce que j’ai ressenti en écoutant Lumpini. Est-ce que ça vous parle quand je vous dis ça ?

Thibaut Dallery : Oui ! Ça me parle. C’était un peu l’idée aussi. Le morceau qu’on va écouter est peut-être le moins aventureux, on peut dire ça. Il y a des morceaux pour lesquels c’est assez expérimental. Du coup je vous invite, si le petit aperçu qu’on va avoir là vous plaît, à écouter aussi les cinq autres titres. L’idée c’était aussi de prendre un peu de risques avec la musique et de voir où ça peut nous amener.

Étienne Gonnu : De la manière dont vous l’avez décrit j’ai l’impression que, pour vous, le but c’était de vous faire plaisir.

Thibaut Dallery : Oui, c’est ça. Comme je disais, ce n’est pas mon métier donc je n’ai pas d’impératifs. J’ai vraiment la chance de pouvoir faire la musique comme je l’entends et aussi avec des amis qui suivent. C’était vraiment pour le plaisir et voir un petit peu ce que ça pouvait donner en poussant ce processus d’enregistrement jusqu’au bout.

Étienne Gonnu : Après notre échange, nous allons écouter le morceau Elevating. Comme vous avez dit, nous invitons bien sûr toutes les personnes qui nous écoutent à découvrir tout l’album, il y a cinq morceaux. On mettra le lien sur la page de l’émission pour que les personnes puissent le retrouver facilement. Peut-être pouvez-vous nous parler un peu plus précisément, vous avez déjà commencé à le faire, de ce qu’est ce morceau Elevating, comment vous l’avez construit ?

Thibaut Dallery : C’est le morceau qui laisse le plus de place à la guitare. Il commence par une introduction avec des harmoniques de guitare, ensuite un thème un petit peu plus rythmé, une mélodie un peu plus rythmée. Ça évolue ensuite vers une deuxième partie un peu plus rock, un peu plus lourde. L’idée c’était aussi d’utiliser la guitare pour avoir des sons qui nous enveloppent, qui viennent un peu de tous les côtés et qui deviennent de plus en plus denses. Ensuite ça se résout sur une partie plus calme vers la fin. Voilà.

Étienne Gonnu : Nous allons écouter ça juste après l’échange. J’aurais quand même une dernière question pour vous. Dans Libre à vous ! nous diffusons exclusivement des musiques sous licence libre et c’est parce que vous avez placé votre musique sous licence libre que nous avons eu le plaisir de la diffuser. Quelle place prend ce choix ? Est-ce que ça s’est fait juste comme ça parce que ce n’était pas le but de faire de l’argent ? Est-ce qu’il y a vraiment eu une conviction derrière sur la libre diffusion de votre musique ? Quelle était votre démarche ?

Thibaut Dallery : Je ne suis pas un spécialiste des licences libres, mais c’était quand même important pour moi que ce soit en diffusion libre. Il y a aussi dessus, quand même, une réflexion sur la propriété en général et encore plus dans l’art. Je trouve que quand on fait de la musique on est vraiment influencé par tout un tas de choses et c’est assez difficile de dire « ça c’est ma musique et ça m’appartient », je ne vois pas les choses comme ça, donc ça reflétait ça. Je pense que dans le jazz il y a cette tradition de reprendre des morceaux, de reprendre des standards et chaque groupe, chaque artiste en fait sa version, du coup c’est un peu s’inscrire là-dedans. Je serais très content que des gens veuillent reprendre ces morceaux et faire quelque chose à partir de ce matériel, avec grand plaisir. C’était aussi cette idée-là.

Étienne Gonnu : C’est amusant. La manière dont vous décrivez cela est vraiment, je pense, dans l’idée de l’éthique du logiciel libre. Je pense notamment à cette idée de récupérer ce qui a pu être développé ailleurs, de construire ensemble, qu’il n’y a pas une propriété exclusive. Qu’elle soit créative ou technologique la progression est incrémentale, etc. Je trouve finalement très amusant et intéressant le pont entre la création musicale et le logiciel. Ça en dit beaucoup sur la connaissance en général.
Un grand merci pour ce temps d’échange, Thibaut. Nous allons écouter le morceau Elevating. Je vous souhaite une excellente journée.

Thibaut Dallery : Merci beaucoup à vous pour la diffusion et pour cet échange. Très bonne journée également. Merci.

[Virgule sonore]

Étienne Gonnu : Comme nous l’évoquions en fin d’interview, nous allons écouter Elevating par Lumpini. On se retrouve dans environ cinq minutes. Je vous souhaite une belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Elevating par Lumpini.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Elevating par Lumpini, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions. Merci encore à Thibaut Dallery de nous avoir consacré du temps et nous vous encourageons vivement à écouter tout l’album.

[Jingle]

Interview de Corentin, du groupe Les Gueules Noires

Étienne Gonnu : Pour notre deuxième interview j’ai normalement le plaisir d’avoir avec moi, au téléphone, Corentin des Gueules Noires. Bonjour Corentin.

Corentin : Bonjour Étienne. Merci pour l’invitation.

Étienne Gonnu : Merci de prendre ce temps pour échanger avec nous. Je vais commencer de manière très classique, est-ce que vous pourriez vous présenter, s’il vous plaît ?

Corentin : Bien sûr. Je m’appelle Corentin, j’ai 29 ans, je suis saxophoniste dans le groupe Les Gueules Noires. Les Gueules Noires est un groupe du Nord de la France qui existe depuis maintenant 10 ans. Nous sommes avant tout une bande de jeunes amis qui se sont, pour la plupart, rencontrés au lycée, qui avons appris la musique dans des écoles de musique ou certains ont eu la chance de faire quelques petites années en conservatoire. On s’amusait bien, on faisait des soirées ensemble, on écrivait un peu de musique. C’est un peu un projet amateur pour se faire plaisir et pour faire plaisir aux copains.

Étienne Gonnu : Groupe qui est toujours actif ?

Corentin : Qui est toujours actif. C’est de plus en plus dur, c’est vrai qu’en grandissant, avec l’âge, on a tous des parcours professionnels un peu différents, des familles, mais on essaye quand même de garder le projet en vie et de pouvoir se revoir de temps en temps.

Étienne Gonnu : D’accord. Musicalement comment définiriez-vous le style des Gueules Noires ? Je sais que ce n’est pas forcément une question facile.

Corentin : Nous nous sommes longtemps revendiqués du ska. Pour les gens qui ne connaissent pas très bien c’est une sorte d’ancêtre du reggae, c’était une musique un peu festive pour danser en Jamaïque, qui s’est ensuite exportée en Angleterre dans les années 70, fin des années 70/début des années 80, avec des groupes comme Madness ou The Specials et ensuite ça s’est réparti un peu partout dans le monde.
C’était l’idée d’avoir une musique un peu festive, un peu cuivrée, avec un côté rock, qui tire un peu sur le punk de temps en temps. En France on appelle souvent ça plutôt du rock alternatif dans son ensemble. Ça mélange pas mal de styles.

Étienne Gonnu : Vous pourrez me corriger si je me trompe, mais j’ai quand même l’impression que le ska, le punk, sont des musiques souvent assez politiques. J’ai l’impression que c’est aussi le cas des Gueules Noires quand on écoute les paroles.

Corentin : En effet. On a toujours été plutôt ancrés à gauche, on vient de là. Nous étions une bande d’amis toujours un peu en manif, nous aimions beaucoup parler politique, nous avions tous des engagements un peu différents, ça faisait des soirées avec des conversations un peu animées. Nous aimions bien jouer dans des soirées pour des causes ou des choses comme ça, essayer de faire passer un message et, en même temps, passer un bon moment. C’était un peu cette idée-là.

Étienne Gonnu : Donc la joie dans la lutte !

Corentin : C’est un peu ça. C’est une ambiguïté qu’on retrouve un peu dans la musique, un côté un peu festif, un peu triste et un peu revendicatif, on passe un peu par toutes les palettes des émotions.

Étienne Gonnu : J’imagine bien que le nom, « Les Gueules Noires », n’est pas complètement anodin.

Corentin : Voilà ! Ça faisait référence aux mineurs du Nord de la France qui travaillaient dans les mines de charbon, qu’on appelait « les gueules noires ». On a trouvé rigolo de reprendre ce nom en forme d’hommage et en forme de message.

Étienne Gonnu : Puisqu’on parle souvent de politique, le choix de mettre sous licence libre est plutôt, de notre point de vue, quelque chose de politique. Est-ce que c’est le cas ? Pourquoi avez-vous placé votre musique sous licence libre ?

Corentin : En fait, ça a été un peu une sorte de rébellion anti-Sacem et anti-sociétés de gestion de droits. Nous avons été assez embêtés, on va dire, en tant que musiciens amateurs. Dans toutes les salles de concert où nous allions, on nous demandait de signer des déclarations de Sacem alors que nous n’étions pas membres de la Sacem et nous ne voulions pas l’être. On s’est renseigné, quand même, on a regardé comment fonctionne la Sacem, on a vu les contrats, on a vu des clauses qui ne nous plaisaient pas trop, c’était 200 euros l’inscription par membre, vu qu’on est six musiciens amateurs, ça fait déjà très cher, c’est de l’argent un perdu qu’on ne récupérera jamais ! Dans le contrat il y a aussi le fait que quand on adhère à la Sacem il y a des clauses de confidentialité qui empêchent de critiquer ce que fait la Sacem, c’est pour ça que vous n’entendrez pas beaucoup les musiciens se plaindre de la Sacem, souvent ils n’ont pas le droit, c’est dans leur contrat. On n’avait pas trop envie de signer à ça. Nous sommes aussi la génération qui a grandi dans les années 2000, à l’époque on a beaucoup téléchargé illégalement de la musique pour des lecteurs MP3, gravé des CD, et on avait aussi envie que notre musique puisse se diffuser à travers le monde. Les licences libres nous ont aussi un peu permis ça. On a vu que notre musique se retrouvait sur des blogs de musique mexicaine de gens qu’on n’avait jamais vu, jamais entendu. C’est aussi ça l‘avantage de la musique libre : il n’y a pas beaucoup de musiciens qui en font, du coup ça se diffuse très rapidement et très largement, il n’y a pas de restrictions.

Étienne Gonnu : C’est comme ça que vous vous êtes retrouvé à passer sur radio Cause Commune et aussi à faire cette interview !

Corentin : Exactement !

Étienne Gonnu : Du coup, de ce que je comprends, vous faites beaucoup de concerts, vous avez aussi enregistré en studio, vous faites les deux. Avez-vous une préférence ?

Corentin : On avait enregistré un premier album en studio. Pour le dernier petit album de quatre titres qu’on a sorti, on a voulu se lancer le défi de faire un enregistrement en live. Du coup c’est un peu plus brut, on va dire, on voulait essayer de retrouver l’énergie des concerts. On a enregistré ça dans un théâtre, d’ailleurs juste avant le confinement. On avait un théâtre, des micros et on s’est dit « on va essayer d’enregistrer ça avec presque pas de retouches au final, pour voir ce que ça donne ». C’était un peu une expérience.

Étienne Gonnu : D’accord. Ça me fait penser un peu à cet esprit ska que vous avez décrit tout à l’heure.

Corentin : C’est ça.

Étienne Gonnu : Une question d’un auditeur de Libre à vous ! que je vais relayer. Il dit aimer demander aux musiciens pourquoi ils ont choisi leur instrument. Je trouve que c’est effectivement une assez chouette question. Pourquoi avez-vous choisi de jouer du saxophone ?

Corentin : Ah ! C’est une bonne question. À la base, quand j’étais petit, j’avais commencé par apprendre l’orgue. J’ai commencé la musique très jeune, j’avais à six ans, et, avec cette réflexion pas très évoluée d’un enfant de six ans, j’ai voulu arrêter l’orgue parce que je trouvais qu’on ne faisait pas assez de rock ’n’ roll. Du coup j’ai regardé les autres instruments. J’ai changé, je suis arrivé dans une école de musique dans un petit village, j’ai découvert un peu les cuivres, l’harmonie, et je me suis dit « le saxophone ». Il faut voir que le Nord de la France est un endroit où il y a beaucoup d’orchestres, beaucoup d’harmonies, donc on est bercé par ces instruments-là et je pense que ça a joué un peu inconsciemment sur mon choix de prendre le saxophone comme instrument.

Étienne Gonnu : Cool. Autre question. J’ai l’impression que vous jouez peut-être un petit peu moins souvent parce que vous disiez, justement, que la vie fait que, mais vous jouez surtout, vous avez joué surtout dans le Nord, partout en France, peut-être aussi en Belgique ?

Corentin : C’est ça. On joue beaucoup dans le Nord de la France et en Belgique. On a eu l’occasion, il y a quelques années, de faire un petit festival en Angleterre où on a pu rencontrer un peu toutes nos idoles. C’est vrai que les difficultés d’organisation font que c’est beaucoup plus facile, pour nous, de rester dans le Nord de la France. Après, nous sommes ouverts aux propositions !

Étienne Gonnu : Si des gens nous écoutent et qu’ils ont envie de vous contacter, en passant par votre page Bandcamp j’imagine que c’est possible, ; c’est comme ça que je vous ai contactés, donc je sais que c’est possible et, en plus, vous avez répondu très vite. Vraiment, si vous avez envie de prendre contact, je vous encourage à le faire effectivement.
Je vais relayer une autre question d’un autre auditeur qui constate que dans le mouvement punk l’utilisation des licences libres n’est pas vraiment pas très courante, aussi bien en musique qu’en graphisme. Vous avez fait le choix de la licence libre. Est-ce que c’est quelque chose que vous constatez ? Avez-vous une explication, ou pas du tout ?

Corentin : Je pense que c’est surtout une méconnaissance. On entend beaucoup se plaindre de la Sacem la plupart des musiciens qui sont un peu dans le punk et dans les musiques alternatives. Je crois que c’est juste une méconnaissance du sujet, les licences libres ne sont pas très connues des musiciens. Je sais qu’il y a un musicien punk qui utilise beaucoup les licences libres, qu’on aime bien, qui s’appelle Prince Ringard. Je pense que c’est surtout un manque de connaissance par le milieu de la musique, ça se faisait un petit peu dans les années 2000, c’est vrai que ça s’est un peu perdu. Je pense que c’est aussi lié au fait qu’avec les nouveaux usages et l’arrivée du rap, les nouvelles plateformes internets ont réussi à s’adapter. C’est beaucoup plus facile d’adhérer à la Sacem aujourd’hui ou de mettre de la musique sur des plateformes que ce qu’était quand on a commencé, donc il y a eu une certaine prise en compte. D’une certaine manière, les râleurs comme nous ont dû un peu jouer sur la Sacem qui a sûrement dû changer ses façons de faire et essayer de simplifier, de s’adapter aux demandes des nouveaux musiciens.

Étienne Gonnu : Après notre échange, nous allons diffuser un morceau de votre choix, vous avez choisi de nous proposer d’écouter L’Usine. Est-ce que vous pouvez nous parler de ce morceau ?

Corentin : À la base, la musique avait été écrite en 2013/2014. On a voulu la reprendre vers 2016, dans mes souvenirs. C’était un peu le moment où on parlait des conflits. Un de nos musiciens est originaire de Saint-Saulve, dans le Nord, et il y avait le conflit de l’usine ArcelorMittal. Nous avons été un peu inspirés par ces évènements, par ce qu’on voyait, par ce qu’on lisait.

Étienne Gonnu : Nous allons écouter ça juste après. Vous avez parlé, il me semble, de Prince Ringard, parce que le son a un peu sauté, c’était lui l’artiste ?

Corentin : Oui, c’est ça. Prince Ringard.

Étienne Gonnu : On a diffusé un de ses morceaux et effectivemnet c’est génial. Je remettrai le lien sur la page de l’émission pour inviter les personnes à écouter. Il a vraiment une voix extraordinaire.
Merci beaucoup Corentin. Je vous souhaite vraiment le meilleur notamment dans vos projets musicaux. Une bonne fin de journée et une bonne fête de la musique.

Corentin : Merci et bonne fête de la musique. À bientôt.

Étienne Gonnu : Vous allez jouer aujourd’hui ?

Corentin : Non. Aujourd’hui on écoute les autres musiciens.

Étienne Gonnu : D’accord. C’est bien aussi, ça marche. Bonne fin de journée.

Corentin : Bonne fin de journée.

Étienne Gonnu : Un grand merci à Corentin de s’être rendu disponible pour cette interview. Nous allons donc écouter, comme nous l’avons mentionné, L’Usine par Les Gueules Noires. On se retrouve dans environ cinq minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : L’Usine par Les Gueules Noires.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter L’Usine par Les Gueules Noires, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution. Encore un grand merci à Corentin de nous avoir donné ce temps. Une musique qui donne envie de danser et de lutter.

[Jingle]

Interview de l’artiste Minda Lacy

Étienne Gonnu : Pour notre dernière interview de cette émission fête de la musique libre, j’ai eu le grand plaisir d’échanger avec Minda Lacy, une artiste que nous aimons vraiment beaucoup à Libre à vous ! et dont nous avons déjà diffusé plusieurs morceaux. Pour des raisons évidentes de distance et du besoin de traduction, nous avons préenregistré le sujet la semaine dernière. Laure-Élise Déniel, que je remercie chaudement, a prêté sa voix pour enregistrer une version française. Je rappelle que Laure-Élise Déniel prête déjà sa voix aux jingles de Libre à vous !.
Je vous propose donc d’écouter Minda Lacy. On se retrouve dans environ 15 minutes.

[Virgule sonore]

Étienne Gonnu : Bonjour Minda Lacy. Je précise que nous enregistrons cette interview parce que vous vivez sur la côte ouest américaine où il est neuf heures plus tôt qu’en France.

Minda Lacy doublée en français par Laure-Élise Déniel : C’est vrai, il est 9 heures 52 du matin et je me suis réveillée il n’y a pas longtemps. Ce sont des fuseaux horaires très différents.

Étienne Gonnu : C’est un plaisir de vous recevoir pour cette émission spéciale fête de la musique, car nous avons diffusé plusieurs de vos morceaux, nous sommes vraiment de grands fans de votre musique. Pourriez-vous déjà vous présenter, s’il vous plaît ?

Minda Lacy doublée en français par Laure-Élise Déniel : Oui ! C’est toujours une drôle de question : présentez-vous, tout votre être, en quelques mots !
En ce qui concerne ma musique, j’ai écrit des chansons presque toute ma vie. Je joue de la guitare depuis que je suis enfant, j’ai toujours aimé jouer avec les mots et penser à des choses. Pour écrire mes chansons, je pense que je puise beaucoup dans cette idée de comprendre les choses, avec des questionnements philosophiques, des questions personnelles, des questions sur les relations avec ses amis. J’ai indéniablement une préoccupation pour des choses comme le temps, la mort, les insectes, mais pas d’une manière sombre ou triste, c’est plutôt une préoccupation joyeuse, avec un cœur léger. Je pense que l’écriture de mes chansons, ma musique, puisent leur source dans une exploration curieuse, une sorte d’endroit curieux. Quand j’ai demandé à une de mes bonnes amies, Brooklyn, de décrire ma musique, elle a eu la meilleure explication que j’utilise souvent. Elle a dit : « C’est comme du folk lyrique, avec un fond vaguement morbide et psychédélique, et une douceur toute en légèreté qui rappelle une douce brise qui soufflerait dans la fourrure du ventre d’un chinchilla. »

Étienne Gonnu : Vous jouez de la guitare, vous écrivez des chansons. On peut dire que vous êtes vraiment une artiste complète.

Minda Lacy doublée en français par Laure-Élise Déniel : Oui. La guitare est mon premier instrument et c’est clairement celui avec lequel je suis le plus à l’aise. Je pense que l’énergie créative vient indéniablement de la composition musicale qu’elle permet.
Je suis aussi clairement en train de grandir en tant que musicienne. C’est comme un chemin constant où j’apprends tout ce que je peux apprendre.
Si la guitare est mon instrument de prédilection, j’explore aussi le piano, le ukulélé. J’ai récemment acquis un synthétiseur, un ami m’en a vendu un pas cher. Je m’amuse aussi un peu avec l’accordéon. J’essaye d’intégrer davantage d’instruments, mais la guitare est vraiment l’instrument avec lequel je suis le plus à l’aise et c’est celui avec lequel c’est le plus facile d’enclencher le processus d’écriture de chansons. En fait, le ukulélé est un instrument très facile à jouer, j’encourage tout le monde à jouer du ukulélé, on peut y arriver en quelques semaines à peine et après on a un outil pour commencer à écrire des chansons. La guitare et le ukulélé sont vraiment de bonnes bases pour le processus d’écriture de chansons.

Étienne Gonnu : Avez-vous des influences musicales particulières, qui vous tiennent à cœur ?

Minda Lacy doublée en français par Laure-Élise Déniel : Quand on me pose cette question, c’est intéressant parce que j’ai le sentiment que je n’ai jamais essayé de ressembler à un autre musicien, même si, bien sûr, il y en a beaucoup que j’aime. J’ai le sentiment que la musique en général, pas juste la mienne, tient une place très importante pour moi, je la ressens à un niveau viscéral.
Certains artistes me touchent, m’amènent dans cet état d’esprit créatif, mais la manière dont je traduis cette énergie créative est très différente de la manière dont ils le font.
Certaines de mes influences, certains de mes musiciens préférés, ah, là, là, il y en a tellement ! Parfois, quand je me pose cette question, j’ai l’impression d’oublier absolument tous les musiciens que je n’ai jamais écoutés. J’aime beaucoup Tom Waits, Andrew Bird’s Bowl of fire, ce qu’il a fait avec son groupe Bowl of fire. J’aime aussi beaucoup Pink Floyd, tous les classiques du rock, Led Zeppelin, Queen. Il y a beaucoup de musiciens locaux ou de musiciens avec qui je suis amie qui m’ont beaucoup influencée et je veux toujours les saluer. Il y a une telle culture musicale, toute cette musique si riche qui vient de personnes autres que celles dont on entend toujours parler ! Je pense qu’un de mes groupes préférés, de tous les temps, s’appelle Run On Sentence, qui est local, de Portland et de Silver City. J’ai grandi à Silver City alors c’est comme s’il était un local des deux endroits où j’ai vécu. Il faut écouter Run On Sentence, vraiment ! Sa musique me permet indéniablement d’atteindre un état d’esprit créatif. J’aime beaucoup Lhasa de Sela. Voyons voir ! Il y en a tellement que je pourrais juste continuer sans m’arrêter, je ne fais que lister celles et ceux qui me viennent à l’esprit là maintenant.

Étienne Gonnu : Vous jouez plutôt en solo. Je crois que vous jouez aussi dans des groupes. Vous avez plusieurs projets musicaux.

Minda Lacy doublée en français par Laure-Élise Déniel : Oui. J’ai effectivement plusieurs projets musicaux. Je joue en solo, c’est ce que vous pouvez trouver sous le nom de Minda Lacy. Je joue aussi dans mon groupe, Bitches in the Beehive. Je joue des morceaux de Minda Lacy avec le groupe et je joue aussi des morceaux de Bitches in the Beehive juste en tant que Minda Lacy. Je ressens certaines chansons comme étant clairement les miennes, d’autres comme étant clairement celles du groupe.

Récemment j’ai commencé un nouveau projet. J’anime une émission de radio sur une radio locale à Portland qui s’appelle Shady Pines Radio. C’est une webradio, d’ailleurs tout le monde, en France, devrait y jeter une oreille, c’est plein DJ qui font des trucs bizarres. J’interviewe des musiciens, juste des interviews un peu improvisées où je pose des questions que l’on ne pose pas habituellement. J’avais reçu un invité, Luke Anthony, qui joue très bien de l’harmonica, il en joue d’une manière très spécifique comme peu de personnes jouent. Je l’ai reçu pour une interview et nous avons connecté à un niveau musical. Ces derniers mois nous avons écrit plein de chansons ensemble, nous avons réfléchi à un nouveau nom de groupe, nous avons fait des brainstormings pour trouver un nom de groupe, on n’a toujours pas trouvé de nom, mais je pense qu’on va faire des choses très cool avec ce projet.
Pour le moment j’ai donc trois projets.

Sur Bandcamp j’ai aussi publié un autre projet sous le nom Just Buns, des amis et moi qui faisions un jam, juste des amis qui avions eu l’opportunité d’enregistrer quelque chose, avec le même gars qui avait enregistré mes albums Owl Faces et Worms. Nous sommes allés au studio, nous avons accroché un microphone au milieu de la pièce et nous avons juste joué, sans vraiment nous entraîner, mais je pense que le résultat est vraiment très bon. C’était juste un truc unique, des amis qui jament ensemble et trouvent un nom sur le moment.
Voilà pour mes projets musicaux.

Étienne Gonnu : Vous jouez plutôt en live, vous jouez plutôt en enregistrement ? Avez-vous une préférence entre les deux ?

Minda Lacy doublée en français par Laure-Élise Déniel : J’aime bien jouer en live. Je joue en live à Portland et aux alentours avec mes deux projets, Bitches in the Beehive et mon projet solo. Je dois probablement jouer au moins une fois par mois dans des endroits très différents. J’ai fait des tours Do it yourself à travers l’État de l’Oregon, je contactais des lieux de spectacle, je montais dans mon van et je partais. C’était très amusant !
J’aime aussi beaucoup le processus d’enregistrement. Je suis en train d’enregistrer un nouvel album qui, je pense, sera vraiment un bon album, sous mon projet solo, Minda Lacy, qui sortira en février. Tout le processus d’enregistrement est vraiment amusant, parce qu’on peut revenir, tatillonner, bidouiller des trucs et se dire « hum !, je me demande si du synthétiseur serait bien ici, ou du piano ». Jouer en live et en studio ce sont deux expériences très différentes et j’aime les deux.

Étienne Gonnu : Une question assez classique : est-ce que vous tirez un revenu de votre musique ? Est-ce même un objectif ?

Minda Lacy doublée en français par Laure-Élise Déniel : J’ai vraiment beaucoup réfléchi à cette question. Oui, c’est le but. Je gagne de l’argent avec ma musique. J’ai un compte Patreon, auquel les personnes peuvent s’abonner pour un dollar par mois, ou plus, si elles le souhaitent. J’y publie des chansons avant de les publier ailleurs ou des chansons que je ne publierai peut-être jamais et aussi des sortes de flânerie créative.
J’ai eu plusieurs Patreon au fil des ans et, clairement, c’est loin d’être au niveau d’un salaire, mais ça fait partie de mes revenus en tant que musicienne. En tant que groupe, on ne gagne pas vraiment d’argent car tout ce qu’on gagne est partagé entre les membres du groupe ou alors c’est réinjecté dans des projets du groupe. En faisant des tournées en solo, tu peux arriver à te faire beaucoup d’argent, mais il faut que ce mode de vie te convienne.

Au final, je pense que mes réflexions vont plus loin que ça, dans le sens que, en tant qu’artiste, de tout type, on veut trouver une manière de passer son temps à faire ce qu’on aime et à réaliser ce dont on pense être fait pour, mais le revers de la médaille, parfois, fait que faire de ce qu’on aime son travail enlève le plaisir qu’on y prend. C’est un exercice d’équilibriste. Pour avoir le temps de le faire, tu ne peux pas passer du temps à faire d’autres choses, mais tu ne veux pas non plus que cet endroit sacré, magnifique et joyeux d’écriture musicale devienne quelque chose de capitaliste et dénué d’âme. Il faut arriver à trouver des compromis, à trouver un équilibre.

Je ne gagne pas ma vie avec ma musique, mais je gagne de l’argent avec. J’ai plusieurs petits boulots alimentaires qui me permettent de continuer en attendant. Je pense qu’au final je devrais trouver une manière de faire en sorte que ça marche, à condition que je n’y perde pas mon âme.

Étienne Gonnu : Nous avons trouvé et diffusé vos musiques parce qu’elles étaient sous licence libre, plus précisément Creative Commons By SA. Quel est votre rapport avec ces licences libres ?

Minda Lacy doublée en français par Laure-Élise Déniel : En tant que musicienne, je suis douée pour faire de la musique, mais j’ai toujours été assez mauvaise avec la technologie, je ne comprends pas grand-chose à tous les détails et à tout ce qui se passe derrière.
Quand vous m’avez contactée pour cette interview et que vous m’avez expliqué le principe des Creative Commons, je me suis dit : « Ah !, des termes que je ne comprends pas, mais je suis contente de pouvoir faire une interview et que ma musique soit accessible ! ». Après en avoir appris un peu plus à ce propos, j’imagine que la personne qui a mis les albums en ligne les a publiés sous licence libre et j’en suis très contente car je veux que ma musique soit accessible. Par contre, mon album Bitches in the Beehive ne l’est pas et je voudrais aller changer ça.
Après en avoir appris plus, je suis d’accord avec les principes et je veux publier ma musique de cette manière. Je découvre seulement tout cela, ce n’était pas vraiment un choix conscient, je suis contente qu’il ait été fait par la personne qui l’a fait car me voilà en train de faire cette interview avec vous !

Étienne Gonnu : C’est aussi un intérêt pour nous. Nous sommes vraiment ravis de pouvoir propager un petit peu cette idée de la libre circulation de la musique, qu’elle puisse prospérer comme ça.
Une dernière question parce que nous allons diffuser, après cette interview, une de vos chansons, Lemony. Pourriez-vous nous parler, justement, de cette chanson ?

Minda Lacy doublée en français par Laure-Élise Déniel : Cette chanson c’est vraiment du n’importe quoi, loufoque, mais il y a un peu plus de profondeur qu’il n’y paraît. Il m’arrive souvent de créer une mélodie très cool à la guitare et d’avoir du mal à écrire des paroles pour aller avec, alors je fais un truc, je me contente de faire du remplissage. J’ai la mélodie en tête et, pour ne pas m’embrouiller avec les mots, je remplis la mélodie avec n’importe quoi. Donc, sans raison particulière, je remplissais la mélodie avec le mot lemony, et après avec tous les mots qui venaient rythmiquement avec, qui rimaient à peu près avec lemony. C’était comme un petit moment d’inspiration où tout semble s’aligner et cette espèce d’étrange flot absurde et cohérent a créé la chanson.
Ce qui est amusant c’est que souvent je réfléchis beaucoup aux paroles et je pense que c’est un des aspects les plus importants de ma musique. Les gens sont touchés par mes paroles et réfléchissent sur ces choses assez profondes et philosophiques.
Lemony est souvent la chanson que les gens préfèrent, enfin !, Lemony est souvent une des chansons que les gens préfèrent parce qu’elle est si bête ! C’est une chanson un peu bête et je l’aime. En fait, c’est tout ce que j’ai à dire à son sujet.

Étienne Gonnu : Je pense qu’on a aussi besoin, un petit peu, de cette bêtise pour rendre aussi la vie plus agréable.
Un grand merci Minda Lacy. C’était vraiment un très grand plaisir d’échanger avec vous.

Minda Lacy doublée en français par Laure-Élise Déniel : Merci beaucoup de m’avoir reçue. C’est toujours très flatteur de recevoir un e-mail inattendu, venant d’un pays étranger, qui te dit : « On diffuse ta musique, viens faire une interview . ». Ça n’arrive pas très souvent et ça me fait clairement me sentir appréciée. Vous appréciez ma musique et je vous apprécie pour ça.

[Virgule sonore]

Étienne Gonnu : De retour en direct sur Cause Commune.
Merci encore à Laure-Élise Déniel d’avoir prêté sa voix pour enregistrer la version française. Merci, bien sûr, à Minda Lacy. La version originale sera disponible sous peu sur le site de Libre à vous ! si vous voulez entendre la VO, comme on dit, la version originale.

Comme évoqué en fin d’interview nous allons écouter Lemony par Minda Lacy. On se retrouve dans environ deux minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Lemony par Minda Lacy.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Lemony par Minda Lacy, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, une mélodie qui m’évoque l’été et ça tombe bien, nous sommes le 21 juin, jour de la musique libre sur Libre à vous !.
Je vais préciser que la version que nous venons d’écouter est une version que Minda Lacy a enregistrée en solo. Il existe aussi une version enregistrée avec son groupe, Bitches in the Beehive, qui est différente et très sympa aussi, que je vous invite à découvrir même si elle n’est pas encore sous licence libre.

[Virgule sonore]

Frédéric Couchet : Nous sommes de retour en direct, ce coup-ci le 20 décembre 2022. Vous l’avez compris, c’était un sujet diffusé initialement le 21 juin 2022, intitulé « La fête de la musique libre ».

Avant de poursuivre avec le sujet suivant je vous rappelle qui nous avons ouvert un questionnaire pour mieux vous connaître. Y répondre vous prendra cinq minutes et nous permettra d’évaluer l’impact de notre émission. C’est également l’occasion pour vous de nous faire des retours donc de nous aider à améliorer l’émission Libre à vous !. Vous pouvez retrouver le questionnaire sur le site libreavous.oprg.

Nous allons faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Après la pause musicale, nous entendrons la chronique de Luk sur le thème « Vivre dans un monde meilleur ». En entendant nous allons écouter une chanson de circonstance, Joyeux Noël par Les Bernardo. On se retrouve dans environ quatre minutes. Belle journée, à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Joyeux Noël par Les Bernardo.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Joyeux Noël par Les Bernardo, disponible sous licence Art Libre.

[Jingle]

Frédéric Couchet : Nous allons passer au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Chronique « La pituite de Luk » sur le thème « Vivre dans un monde meilleur »

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre avec la chronique « La pituite de Luk » sur un thème un peu surprenant pour les personnes qui connaissent Luk, qui ont l’habitude d’écouter des pituites, qui est donc « Vivre dans un monde meilleur ».

[Virgule sonore]

Luk : Pourquoi ne puis-je vivre dans un monde meilleur ? Dans une vidéo promotionnelle par exemple, ma vie serait simple, clic, clic, clic et hop !, n’importe lequel de mes projets serait réglé. Plus rien de compliqué, juste des solutions faciles à des problèmes qui n’en sont pas vraiment. Les gens seraient beaux avec des dents éblouissantes et aussi bien alignées et distribués que si on leur avait collé la face en Inkscape et des « Ctrl-Maj A » [Raccourci de clavier d’Inkscape, aligner et distribuer, NdT]. Ils auraient un casque de téléphone vissé sur la tête, mais ils seraient toujours bien coiffés.
Quelques slides, présentant une poignée d’indicateurs nébuleux dans de jolis graphiques, suffiraient à me convaincre aussi facilement que si j’étais ministre. Comment dire non à + 30 % de bien, à un doublement du beau et une réduction drastique du pas cool.
Des gens avenants et sympathiques répondraient immédiatement quand je les appellerais au support depuis ma spacieuse cuisine ensoleillée, avec des enfants sages et souriants à mes côtés. Ils comprendraient instantanément mon problème et y apporteraient avec diligence une réponse pertinente et fiable.

Pourquoi ce n’est pas possible ? D’abord à cause de cette insupportable mélodie de ukulélé qui met ma santé mentale en péril [Bruit de destruction de guitare, NdT].

Parce que le paradis bien lisse n’est finalement pas si souhaitable que ça. Bien sûr que j’aimerais que la technologie règle toute seule les difficultés de l’existence, mais c’est un mauvais calcul parce que, si j’ai un boulot, c’est bien que parce qu’il y a des problèmes à régler. On ne me donne pas de fric juste pour mes beaux yeux presbytes, mais parce que je résous plus de problèmes que je n’en génère. Les développeurs l’ont bien compris, ils ne feraient pas autant de bugs sinon. Dans un monde sans bugs on aurait moins besoin d’eux, ils seraient donc payés moins cher, ils devraient probablement maîtriser leur pilosité, mettre une chemise pour qu’on veuille bien d’eux. Mal travailler contribue donc à leur prospérité. Certains parviennent même à générer plus de problèmes qu’ils n’en résolvent, mais, comme leurs chefs ne comprennent pas trop ce qu’ils font, ils gardent quand même leur emploi.

En général, il y a dans toute entreprise humaine une part d’indécidable, une zone de flou où ne sait pas trop si c’est 0 ou 1. Or, pas de mal de décideurs ont le plus grand mal à l’admettre. Ils préfèrent mettre en œuvre des procédés qu’ils pensent rationnels, mais qui ne tiennent pas debout, plutôt que de prendre leur décision à pile ou face après avoir admis que, pour cette partie-là, en fait ils n’en savent rien.

Dans le monde merveilleux des démos technologiques, on cache les zones d’ombre, on ment sans vergogne pour faire croire à des gens un peu paumés qu’ils font le meilleur choix. Le mensonge, quand il est servi sous une forme particulièrement séduisante, n’est que rarement éventé, justement parce qu’il est bien difficile à objectiver. Il y a donc un vrai avantage à mentir. Ne pas mentir c’est perdre des opportunités de business. Mentir n’est même plus vraiment stigmatisant tellement l’acte est banal. Même quand on se fait choper avec le pantalon sur les chevilles, il n’y a pas vraiment de conséquences sérieuses. Qui n’a pas vécu cette réunion bizarre où l’une des parties fait une déclaration alambiquée, sur un ton péteux, qui signifie qu’elle a menti mais sans le dire. L’autre partie joue généralement le jeu pour ne pas faire perdre la face à la première et parvenir à continuer à bosser avec, sur les bases d’une confiance émoussée. Ça me laisse toujours un sentiment d’irréel, je sais que tu sais que je sais, mais on va faire comme si tout était normal !

Quant aux personnes qui se laissent hypnotiser par ces démos, qu’elles des particuliers ou des décideurs surpayés, je rappelle en cette période de Noël que croire qu’il existe quelqu’un de sympathique et de généreux, dont le seul objectif de vie, est de nous plaisir est un peu régressif. Même sorti de HEC, avec un sourire carré, le père Noël n’existe pas.

[Virgule sonore]

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter la chronique « La pituite de Luk », sur le thème « Vivre dans un monde meilleur », qui se finit un peu tragiquement je trouve ! Nous retrouverons Luk en 2023.

Nous approchons de la fin de l’émission, nous allons terminer par quelques annonces.

[Virgule musicale]

Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre

Frédéric Couchet : Chères auditrices et auditeurs nous avons besoin de vous. Nous vous demandons simplement cinq minutes de votre temps. L’équipe de l’émission souhaite en effet vous connaître et vous propose un questionnaire. Vos réponses à ce questionnaire sont très précieuses pour nous. Elles nous permettront d’évaluer l’impact de notre émission et de mieux vous connaître. De votre côté, ce questionnaire est une occasion de nous faire des retours. Il est notamment particulièrement important pour nous d’avoir des réponses de la part de personnes qui nous écoutent sur la bande FM et en DAB +.
L’émission du jour va se terminer dans quelques minutes. Dès la fin de l’émission, prenez simplement cinq minutes pour répondre au questionnaire. Rendez-vous pour cela sur le site libreavous.org. Participez et ensemble continuons d’améliorer notre émission. Merci à vous.

Dans les annonces du jour nous avons des nouveautés sur le site de vente enventelibre.org qui regroupe un certain nombre d’associations libristes, et qui propose différents outils de sensibilisation ou simplement pour égayer la vie.
Nous proposons maintenant des sous-bocks ou sous-verres April avec, d’un côté, le logo de votre émission de radio préférée Libre à vous ! et, de l’autre, une invitation à utiliser les services libres proposés par notre Chapril, donc chapril.org sur lequel vous pouvez trouver un certain nombre de services libres et loyaux.
Vous allez sur le site enventelibre.org, vous cherchez l’association April, vous trouverez et vous pourrez commander ces sous-bocks ou sous-verres qui sont tout à fait jolis.

Récemment ont eu lieu deux évènements en lien avec le logiciel libre. Le forum PHP, PHP étant un langage de programmation et le salon Open Source Experience. Les vidéos des interventions sont désormais disponibles. Il doit y avoir plus d’une centaine de vidéos qui vous permettront de découvrir différents aspects du logiciel libre. Les liens utiles sont sur la page consacrée à l’émission du jour, donc sur libreavous.org/163, car c’est la 163e émission, avec notamment une vidéo que je vous conseille, que je vous recommande, c’est la présentation de l’April « Promouvoir et défendre le logiciel libre pour une informatique plus éthique », dans laquelle vous aurez le plaisir de retrouver mes collègues Isabella Vanni et Étienne Gonnu.

Cause Commune vous propose un rendez-vous convivial chaque premier vendredi du mois à partie de 19 heures dans ses locaux, à Paris, au 22 rue Bernard Dimey dans le 18e arrondissement. Une réunion d’équipe ouverte au public avec apéro participatif à la clé. Occasion de découvrir le studio, de rencontrer les personnes qui animent les émissions. La prochaine soirée-rencontre aura lieu le vendredi 6 janvier 2023 et je serai présent à cet apéro. Je vous rappelle, 6 janvier 2023, au 22 rue Bernard Dimey dans le 18e arrondissement de Paris.

Je vous invite à consulter le site de l’Agenda du Libre, agendadulibre.org, pour trouver des événements en lien avec les logiciels libres ou la culture du Libre près de chez vous.

Comme on a un petit d’avance, je vais faire d’autres annonces.

Je vais en profiter pour dire que vous pouvez nous laisser un message sur le répondeur de la radio pour réagir à l’un des sujets de l’émission, nous poser une question ou simplement nous laisser un message. N’hésitez pas à nous faire des retours. Le numéro du répondeur est 09 72 51 55 46.

Je vous rappelle également que la radio Cause Commune, la voix des possibles, diffuse sur la bande FM 93.1 en Île-de-France de midi à 17 heures puis de 21 heures à 4 heures en semaine et le vendredi de 21 heures au samedi 16 heures et le dimanche de 14 heures à 22 heures, tout simplement parce que nous sommes en fréquence partagée avec radio Aligre. La radio diffuse également en DAB+ 24 heures sur 24 et évidemment partout dans le monde sur le site causecommune.fm.

L’émission et la radio, plus globalement d’ailleurs la radio, est contributive. N’hésitez pas à nous proposer des sujets, des musiques, des personnes à inviter. Vous pouvez contribuer à l’émission. Vous trouverez sur le site libreavous.org les différents moyens de nous contacter. Si vous souhaitez vous proposer pour une intervention notamment sur un sujet qui vous tient à cœur, vous pouvez vous proposer, on verra si l’équipe choisit de traiter ce sujet-là. On peut même aller plus loin ensemble. Si vous avez une idée de sujet que vous souhaiteriez proposer, préparer et animer avec des personnes invitées, vous pouvez également nous le proposer, nous étudierons votre demande. Même si vous n’avez pas l’expérience d’intervention à la radio, si vous n’avez pas l’expérience de préparer ce genre de sujet, n’hésitez pas à vous proposer, nous vous accompagnerons et évidemment nous gérerons la partie technique c’est-à-dire la régie. Actuellement, aujourd’hui, c’est Isabella qui est à la régie, mais il y a également Thierry Holleville, mon collègue Gonnu et moi. N’hésitez pas à nous contacter sur libreavous.org.

L’April participe à cette belle aventure que représente Cause Commune, radio associative. La radio a besoin de soutien financier notamment pour payer tout simplement les frais matériels : le loyer du studio, la diffusion sur la bande FM, les serveurs. Nous vous encourageons donc à aider la radio en faisant un don, la période étant propice. Toutes les infos sont sur le site causecommune.fm. Vous pouvez également aider la radio en consacrant du temps. N’hésitez pas à la contacter via le site causecommune.fm ou à venir vendredi 6 janvier 2023 à 19 heures au 22 rue Bernard Dimey dans le 18e arrondissement de Paris pour la soirée d’équipe.

Comme on prépare les émissions avec un petit peu d’avance, je vais en profiter pour vous annoncer un petit peu le programme de rentrée. Je vais l’afficher devant moi.

Aujourd’hui c’est la dernière émission de l’année 2022, nous reprendrons le 10 janvier 2023. Nous consacrerons le sujet principal à Aaron Swartz, ce militant des libertés informatique et de la culture libre, décédé malheureusement en 2013 à l’âge de 26 ans. Comme je le disais tout à l’heure, c’est Gee, notre chroniqueur, qui fera sa première préparation et animation de sujet principal, ce sera le 10 janvier.

Moi je vous retrouverai le mardi 17 janvier sous un nouveau format de sujet principal, qu’on a appelé « Parcours libriste ». L’idée c’est d’avoir une seule personne invitée et d’échanger avec cette personne sur son parcours depuis le plus jeune âge, qu’est-ce que l’a amenée à l’informatique, au logiciel libre, etc. C’est avec un grand plaisir que notre première invitée sera Françoise Conil, qui est ingénieure en développement logiciel au CNRS et que j’ai découverte en fait via un portrait dans un livre qui s’appelle Les décodeuses du numérique, publié l’an dernier par les Éditions du CNRS. On mettra la référence sur le site de l’émission sur libreavous.org, sinon vous cherchez sur votre moteur de recherche préféré Les décodeuses du numérique.

Mardi 24 janvier nous parlerons d’une chaîne éditoriale, pour créer des documents, qui s’appelle Scenari. L’émission sera animée par Laurent Costy et, ultérieurement, nous parlerons également d’un rapport récent qui traite des GAFAM, notamment Google, Amazon Facebook et compagnie, ces géants du Web qui se goinfrent de nos données personnelles. On a publié une actu sur le site april.org, un rapport français détaille en fait les dépenses en lobbying de ces mastodontes de l’Internet. Nous aurons le plaisir deux des journalistes qui ont écrit ce rapport, ce rapport s’appelle GAFAM Nation, vous pouvez les retrouver sur april.org.

Notre émission se termine.

Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission du jour : Gee, Luk, Thibaut Dallery, Corentin, Minda Lacy, Laure-Élise Déniel, Étienne Gonnu.
Aux manettes de la régie aujourd’hui, Isabella Vanni.
Merci également aux personnes qui s’occupent de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang1, Julien Osman, bénévoles à l’April, Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio.
Merci aussi à Quentin Gibeaux, bénévole à l’April, qui découpe le podcast complet en podcasts individuels par sujets.

Vous retrouverez sur notre site web, libreavous.org, toutes les références utiles ainsi que sur le site de la radio, causecommune.fm. N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu, mais aussi des points d’amélioration. Vous pouvez également nous poser toute question et nous y répondrons directement ou lors d’une prochaine émission. Toutes vos remarques et questions sont les bienvenues à l’adresse contact chez libreavous.org.

Si vous préférez nous parler, vous pouvez nous laisser un message sur le répondeur de la radio pour réagir à l’un des sujets de l’émission, pour partager un témoignage, vos idées, vos suggestions, vos encouragements ou pour nous poser une question. Le numéro du répondeur est 09 72 51 55 46.

Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission. Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et à faire connaître également la radio Cause Commune, la voix des possibles.

C’était la dernière émission de l’année 2022. Comme je vous le disais tout à l’heure, nous reprendrons mardi 10 janvier 2023 à 15 heures 30. Notre sujet principal portera sur Aaron Swartz, informaticien, militant des libertés informatiques et de la culture libre, décédé malheureusement le 11 janvier 2013 à l’âge de 26 ans.

Malgré le contexte un petit peu morose, nous vous souhaitons ainsi qu’à vos proches une belle fin d’année, de belles fêtes. Avec un peu d’avance nous vous souhaitons également une belle année 2023, que la nouvelle année soit sereine et douce à tout point de vue pour vous-même et vos proches.

Nous vous souhaitons de passer une très bonne fin de journée. On se retrouve en direct mardi 10 janvier 2023 et d’ici là, portez-vous bien !

Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.