Émission Libre à vous ! diffusée mardi 25 novembre 2025 sur radio Cause Commune Sujet principal : Au café libre


Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes, bonjour à tous dans Libre à vous !. C’est le moment que vous avez choisi pour vous offrir une heure trente d’informations et d’échanges sur les libertés informatiques et également de la musique libre.
Au café libre, débat autour de l’actualité du logiciel libre et des libertés informatiques, ce sera le sujet principal de l’émission du jour. Avec également, en début d’émission, la chronique de Vincent Calame sur La Vie algorithmique et, en fin d’émission, la chronique de Luk, « La première raclette de la saison ».

Soyez les bienvenu·es pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.

Le site web de l’émission c’est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter.

Nous sommes mardi 25 novembre 2025.
Nous diffusons en direct sur radio Cause Commune, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
Nous saluons également les personnes qui nous écoutent sur la webradio, radio Cigaloun, et sur les radios FM Radios Libres en Périgord et Radio Quetsch.

À la réalisation de l’émission du jour, ma collègue Isabella Vanni. Bonjour Isabella.

Isabella Vanni : Bonjour Fred. Bonne émission.

Frédéric Couchet : Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « Lectures buissonnières » de Vincent Calame, bénévole à l’April – La Vie algorithmique (3e partie)

Frédéric Couchet : Vincent Calame, informaticien libriste et bénévole à l’April, nous propose des chroniques « Lectures buissonnières » ou comment parler du Libre par des chemins détournés en partageant la lecture d’ouvrages divers et variés.
Le chapitre d’aujourd’hui est intitulé La Vie algorithmique, troisième et dernière partie.
Bonjour Vincent.

Vincent Calame : Bonjour Frédéric.
Effectivement, j’avais présenté, dans ma chronique précédente, certains concepts développés par Éric Sadin, dans son ouvrage La Vie algorithmique et je terminais alors en introduisant un dernier concept le « techno-pouvoir », en reportant sa présentation à la chronique suivante. L’heure est donc venue de se pencher sur ce qu’Éric Sadin entend par « techno-pouvoir ».

Quand on lit le terme « pouvoir », la première chose qui nous vient à l’esprit, c’est « gouvernement » ou « institutions étatiques ». Or, c’est un premier point important à comprendre, ce n’est pas à quoi pense Éric Sadin avec le terme « techno-pouvoir ». Bien sûr, il rend hommage à Edward Snowden qui a divulgué le système PRISM mis en place, entre autres, par la NSA, mais il voit plus ces révélations comme symptôme, une illustration emblématique des évolutions en cours. En fait, la NSA est née avant Internet, PRISM n’est que le prolongement de son action de surveillance tous azimuts, on pourrait presque se dire « rien de nouveau sous le soleil ». De fait, si ce sont les instances gouvernementales qui ont les moyens d’une surveillance aussi massive, ce ne sont pas elles qui sont à l’origine de la création de telles quantité de données, fournies très souvent avec notre consentement.

Ce que désigne Éric Sadin par « techno-pouvoir », c’est la myriade d’acteurs privés qui, par leur action, je cite, « structurent massivement le fonctionnement des sociétés et accompagnent le quotidien de milliards d’individus. ». Ce sont les GAFAM, bien sûr, qui sont la partie la plus visible, mais aussi toutes les start-ups qui rêvent de rentrer dans ce club fermé ou plutôt, de se faire racheter par elles.

Le « techno-pouvoir » tire sa force du dogme de l’innovation permanente et a fait sienne l’expression « destruction créatrice » introduite par l’économiste Joseph Schumpeter dans les années 1940. Cette innovation est faite à un rythme échevelé pour que le monde politique et le reste de la société aient toujours un train de retard.
Éric Sadin a des mots durs contre ce techno-pouvoir et ces mots résonnent particulièrement aujourd’hui. Plutôt que de le paraphraser, voici trois extraits :
« Le techno-pouvoir méprise le pouvoir politique, et plus encore le droit, il considère tout encadrement ou restriction de son champ d’initiative comme un abus. Il est d’esprit libertarien, se contente de quelques commandements réduits au strict minimum. […]
Il ne revêt pas l’allure d’un monstre froid, sait au contraire manier la séduction, tant par les objets et les systèmes qu’il produit que par l’image qu’il veut donner de lui-même, d’allure cool et avenante. […]
Ce n’est pas qu’il représente une nouvelle religion, ou qu’il supplante le religieux, c’est qu’il symbolise une nouvelle espérance, revêt une dimension messianique par l’horizon indéfiniment ouvert et fructueux qu’il ne cesse de dégager à chaque innovation ou rupture ».
Voilà. Je pense que vous aurez reconnu de vous-même quelques figures qui font, hélas, l’actualité.

Pour Éric Sadin, ce techno-pouvoir repose sur une classe sociale : la classe des ingénieurs. C’est là que la lecture d’un tel ouvrage devient particulièrement stimulante à titre personnel puisque que, par ma formation et mon métier, je fais partie de cette classe-là. Mais on ne doit pas toujours lire des choses qui nous font plaisir ou qui nous caressent dans le sens du poil.
Une des caractéristiques de cette classe d’ingénieurs est de préférer l’invisibilité et de cultiver l’opacité de ces processus. Éric Sadin rappelle la complicité nouée entre Steve Jobs et le designer Jonathan Ive qui a permis le succès que l’on sait d’Apple, succès qui repose notamment sur des interfaces qui « ringardisent » le côté « ingénieur » de la concurrence. On se fait oublier pour mieux agir librement.
L’autre caractéristique est se dégager de toute responsabilité à l’égard de la société. Dans les années 1970, Dennis Gabor, lui-même ingénieur, aurait formulé la « règle de Gabor » qui veut que « tout ce qui est techniquement faisable doit être réalisé, que cette réalisation soit jugée moralement bonne ou condamnable ».

Comparativement à d’autres domaines de la technique, l’informatique a permis à cette culture de l’ingénieur de s’épanouir grâce à la légèreté logistique permise par l’ordinateur individuel qui permet à l’ingénieur de ne plus dépendre de lourdes ressources initiales et décider de lui-même, et souvent seul, de la nature de son innovation.

Comment conclure ces chroniques de façon positive et répondre en tant qu’ingénieur ?
Pour ce qui est de l’opacité et du culte du secret, prêchons pour notre paroisse, le logiciel libre est la meilleure réponse, car la plus évidente : seule l’ouverture du code permet de rendre visibles les processus techniques sous-jacents.
Pour ce qui est qui est de la responsabilité à l’égard de la société, les communautés du logiciel libre peuvent être une réponse lorsqu’elles arrivent à mélanger personnes codeuses et non-codeuses et réfléchissent à une gouvernance ouverte. Ce sont des chantiers courageux dont nous parlons régulièrement à cette antenne.
Enfin, nous pouvons lutter collectivement contre le culte de l’innovation permanente. Les logiciels libres y ont de toute façon intérêt car, faute de moyen, ils ne peuvent suivre le rythme. Il faut affirmer qu’il y a une grande noblesse à « maintenir les choses » plutôt que de faire du développement à tout crin. Il est temps d’appuyer sur la pédale de frein de la « destruction créatrice ».

Frédéric Couchet : Merci Vincent pour cette belle conclusion sur La Vie algorithmique d’Éric Sadin qui clôt la lecture buissonnière de ce livre.
La prochaine lecture buissonnière ce sera en janvier, si je me souviens bien, je crois qu’en décembre tu fais fait une petite pause.

Vincent Calame : Oui, tout à fait.

Frédéric Couchet : Mais tu vas rester avec nous en tant qu’ingénieur, tu accompagneras le deuxième ingénieur de la table, Pierre Beyssac, et heureusement qu’on a une libraire avec nous pour rétablir un petit peu la situation pour le sujet suivant qui sera un Café libre.
En attendant, nous allons faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Après la pause musicale, nous vous convions Au café libre, un débat autour de l’actualité du logiciel libre et des libertés informatiques, avec Vincent, avec Pierre et Magali.
En attendant nous allons écouter une pause musicale qui a été choisie par Vincent, qui aime beaucoup cet artiste qui a changé de nom, avant il était connu sous le nom d’Odysseus, aujourd’hui son nom c’est QRLL.
Nous allons écouter Boomer, par QRLL. On se retrouve dans trois minutes trente. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Boomer, par QRLL.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Boomer, par QRLL, disponible sous licence Art Libre.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Après la pause musicale, on vous convie

En attendant, nous allons écouter Boomer, par QRLL. On se retrouve dans trois minutes trente. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Boomer, par QRLL.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Boomer, par QRLL, disponible sous licence Art Libre.

[Jingle]

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre par notre sujet principal.

[Virgule musicale]

Au café libre, débat autour de l’actualité du logiciel libre et des libertés informatiques, avec Bookynette, Pierre Beyssac, Vincent Calame

Frédéric Couchet : Nous vous donnons rendez-vous aujourd’hui Au café libre pour discuter autour de l’actualité du logiciel libre et des libertés informatiques. Autour de la table, toujours l’ingénieur-développeur boomer, ou presque, parce que les boomers c’est 65, je crois que tu es un peu plus jeune.

Vincent Calame : Oh, maintenant, on est boomer dès 40 ans !

Frédéric Couchet : Et puis boomer, c’est un état d’esprit, je ne sais pas, en tout cas Vincent Calame.
Le deuxième informaticien-ingénieur, peut-être boomer. Non, toujours pas ?

Pierre Beyssac : 66. C’est assez loin.

Frédéric Couchet : C’est Pierre Beyssac ; 66, moi c’est 70.
Et la plus jeune d’entre nous, qui n’est pas ingénieure, qui est libraire, Magali Garnero, alias Bookynette, présidente de l’April. Salut Mag.

Magali Garnero : Salut Fred.

Frédéric Couchet : Nous allons donc aborder un certain nombre de sujets.
Vous pouvez nous rejoindre sur le salon web dédié à l’émission du jour, sur le site causecommune.fm, bouton « chat », salon #libreavous ou au 09 72 51 55 46.
Nous allons commencer par des sujets un petit peu légers, parce qu’il y a au moins deux gros sujets, un petit peu lourds, dans la deuxième partie de l’émission.

Capitole du Libre

Frédéric Couchet : Premier sujet léger proposé, je crois, par Magali, c’est le Capitole du Libre. C’est bien toi qui l’as proposé ?

Magali Garnero : C’est bien moi qui l’ai proposé. Je suis la seule à y être allée, alors forcément si ce n’est pas moi, c’est qui ?

Frédéric Couchet : Mais tu sais,sur certaines chaînes, dans les émissions-débats, ils sont capables de parler de choses qu’ils n’ont jamais vues.

Magali Garnero : Je ne suis pas ces émissions-là !

Frédéric Couchet : Donc le Capitole du Libre, c’est quoi ? C’était quand ? Et pourquoi voulais-tu en parler ?

Magali Garnero : C’est un événement libriste qui a lieu tous les ans au mois de novembre, qui se passe à Toulouse, qui réunit énormément d’associations, des conférences, beaucoup de grand public, pas mal de tecos aussi. En tant que présidente de l’April, j’ai donné une conférence, j’ai participé à une table ronde et surtout, j’étais sur le stand de l’April.

Frédéric Couchet : D’accord. C’est un des événements majeurs du logiciel libre en France. Est-ce que l’organisation a une idée du nombre de personnes qui sont venues ce week-end ?

Magali Garnero : Je pense que oui parce qu’ils les comptabilisent. Par contre, je n’ai pas les chiffres.

Frédéric Couchet : Tu n’as pas l’information.

Magali Garnero : Mais j’ai eu l’impression qu’il y avait beaucoup plus de monde que l’année dernière. L’année dernière, sur le stand de l’April, nous étions cinq ou six et, de temps en temps, nous parlions entre nous. Là, je n’ai pas eu beaucoup de moments d’accalmie. Il y avait vraiment beaucoup de monde, beaucoup plus de grand public que les années précédentes. On a vraiment pu parler de Microsoft et d’obsolescence programmée pendant deux jours. La famille d’une personne qui tenait le stand a adhéré intégralement. Il s’est vraiment passé plein de choses sur ce Capitole du Libre.

Frédéric Couchet : Elle a une grande famille ou une petite famille ?

Magali Garnero : Trois personnes ont adhéré.

Frédéric Couchet : Trois personnes ! C’est Amélie, c’est ça.

Magali Garnero : C’est Amélie, oui. D’ailleurs, si elle nous écoute, je lui fais un énorme bisou.

Frédéric Couchet : C’est une adhérente récente, qui est libriste, qui travaille autour du pilotage de drones, qui est à Toulouse et que, peut-être, nous aurons un jour dans l’émission, dans un Parcours libriste.

Magali Garnero : J’aimerais beaucoup.

Frédéric Couchet : Moi aussi. On envoie l’invitation et la prochaine fois qu’on la verra on lui en reparlera.
Isa, qui est en régie aujourd’hui, nous précise, sur le web, que l’organisation n’a pas encore transmis les chiffres de fréquentation du Capitole du Libre.
Vincent et Pierre, est-ce que vous êtes déjà allé dans cet événement ?

Pierre Beyssac : Non, jamais. Je suis déjà allé au pays de la chocolatine, parce que c’est le grand événement du pays de la chocolatine, incontournable, mais j’avoue, avec honte, ne pas y être allé.

Frédéric Couchet : Est-ce que tu vas souvent à des événements libristes, Pierre ?

Pierre Beyssac : Je suis assez casanier. Quand c’est en région parisienne, je fais un effort, mais j’avoue que je ne sors pas beaucoup.

Magali Garnero : Je ne t’avais pas vu aux JdLL [Journées du Logiciel Libre], à Lyon ?

Pierre Beyssac : Si. Il m’arrive quand même de sortir de Paris. Je suis allé aux JdLL. J’ai proposé une conférence pour le prochain FOSDEM, à Bruxelles, un autre grand événement libriste.

Magali Garnero : Là, tu changes carrément de pays !

Pierre Beyssac : Oui carrément, là je vais à l’étranger !

Frédéric Couchet : FOSDEM, Free and Open source Software Developers’ European Meeting, fosdem.org. Je crois que c’est le premier week-end de février, par contre c’est totalement anglophone.

Pierre Beyssac : C’est le 31 janvier et le 1er février. Il va falloir que je dérouille mon anglais.

Frédéric Couchet : Je précise : totalement anglophone dans les conférences et les présentations. Par contre, il y a des diffusions en ligne et les vidéos sont disponibles après. On peut donc profiter de son canapé tout en écoutant les conférences du FOSDEM.

Pierre Beyssac : Je précise que je ne sais pas si ma conférence sera acceptée, on verra, mais j’irai sans doute quand même.

Frédéric Couchet : Franchement ! J’espère que tu as mis chroniqueur dans Libre à vous ! dans tes références !

Pierre Beyssac : Bonne idée. Je peux encore le modifier.

Frédéric Couchet : Tu peux mettre speaker.
Vincent, es-tu déjà allé dans ce genre d’évènement ?

Vincent Calame : J’avais fait une proposition de conférence, qui n’a pas été acceptée, pour le Capitole du Libre. Je n’avais pas mis chroniqueur de Libre à vous ! dans ma présentation, mon petit CV, c’est peut-être pour cela que je n’ai pas été pris par le Capitole du Libre.

Magali Garnero : C’est vrai qu’énormément de conférences sont proposées et même qui ont lieu en même temps. Typiquement, pendant mes conférences, il y avait huit autres salles.

Frédéric Couchet : Je crois qu’il y a neuf conférences en parallèle, ce qui est beaucoup.

Magali Garnero : Exactement. C’est hyper frustrant quand on donne une conférence soi-même et qu’il y a une autre conférence dans un coin qu’on serait bien allé voir. Neuf conférences en même temps, à peu près dix fois par jour, ça vous laisse imaginer la richesse de ce qui est proposé par l’événement. Forcément, plus l’événement est intéressant, plus on a envie de proposer des conférences, du coup plus ils sont obligés de faire des choix, des choix d’édition, comme nous faisons de temps en temps à la radio, et c’est compliqué. La prochaine fois tu mets bien que tu es chroniqueur, que tu es membre de l’April, je suis sûre que ça passera !

Vincent Calame : On verra. Je vous dirai, je referai une tentative. Il faudrait juste qu’ils améliorent un petit peu leur message de refus, c’est quand même un peu vexant quand on le reçoit ! C’est un message automatique, en termes d’empathie c’est du niveau d’un message d’assureur qui vous annonce qu’il ne va pas couvrir votre sinistre.

Magali Garnero : J’ai reçu ça dernièrement, j’étais folle de rage.

Vincent Calame : Je comprends tout à fait qu’ils aient plein de contraintes et tant mieux pour eux s’ils croulent sous les propositions. Mais c’est vrai qu’un petit dialogue avec la personne, quand on refuse quelque chose, serait un petit plus.

Magali Garnero : non, on ne veut pas de ta conférence, mais bisous !

Vincent Calame : Exactement.

Frédéric Couchet : Pour les personnes qui n’ont pas pu y assister, est-ce que les conférences ont été filmées ou certaines conférences ?

Magali Garnero : Tout est filmé sauf si le conférencier a refusé d’être filmé, ce qui arrive de temps en temps, sinon tout est filmé, tout devrait arriver dans les mois à venir.

Frédéric Couchet : Donc surveillez le site, capitoledulibre.org.
Je précise aussi que toutes les références qu’on va citer, notamment sur les articles de presse et autres, sont sur la page de l’émission du jour, libreavous.org/261 vu que c’est la 261e émission de Libre à vous !.

Magali Garnero : Pour finir, je veux dire que ma conférence c’était de faire jouer à l’escape game Libérer – Délivrer, je leur ai totalement spoilé le jeu en 25 minutes et ça a vraiment fait beaucoup rire les gens. Je l’ai fait exprès pour avoir une vidéo à mettre sur le site du jeu Libérer – Délivrer de l’April, donc maintenant le jeu s’agrémente d’une vidéo de solutions.

Frédéric Couchet : On mettra sur la page des références le jeu Libérer – Délivrer et évidemment aucune référence à un film célèbre.

Magali Garnero : Non, mais si ça vous met la chanson en tête, je serai contente !

Frédéric Couchet : On ne peut pas diffuser la chanson parce que ce n’est pas une chanson libre, on ne la diffusera donc pas dans cette émission.
Avant de passer au sujet suivant, les ingénieurs, est-ce que vous voulez rajouter quelque chose sur ce sujet-là ? En tout cas, c’est le Capitole du Libre, à Toulouse. On salue les bénévoles qui permettent à l’April d’être présente sur beaucoup d’événements, évidemment Magali qui est la présidente et qui est bénévole, et les nouvelles bénévoles, comme Amélie, qui est une jeune bénévole que j’ai rencontrée l’an dernier, c’est marrant, dans un cadre totalement privé, qui est devenue membre et qui a tenu le stand cette année.

Magali Garnero : Il y avait Pierre-Yves, il y avait Denis.

Frédéric Couchet : Les membres habituels.

Magali Garnero : Il y avait des nouveaux, il y avait des anciens, Frédéric est venu. Il y avait vraiment plein de monde sur le stand de l’April et heureusement que nous étions si nombreux.

Frédéric Couchet : Je pense que sur photo.april.org, il y aura bientôt des photos de l’événement. OK. J’avais perdu l’habitude, j’ai mis la clochette trop loin de ma main.

[Clochette]

Adieu Windows, bonjour le Libre !

Frédéric Couchet : Deuxième sujet. Je pense que c’est aussi Magali qui l’a proposé. C’est un point d’étape. On a déjà parlé de ce sujet dès la première émission Libre à vous !, le 9 septembre 2025, l’émission de rentrée, donc la migration, le passage de Windows à des systèmes libres. La campagne c’est « Adieu Windows, bonjour le Libre ! ». Magali, rappelle-nous déjà une ou deux phrases ce qu’est cette campagne et peut-être le point d’étape.

Magali Garnero : Je pense qu’on peut laisser parler un petit peu Vincent parce que c’est quand même lui qui nous a fait le site internet.

Frédéric Couchet : Vincent, c’est quoi « Adieu Windows, bonjour le Libre ! »

Vincent Calame : C’est une campagne qui valorise toutes les initiatives partout en France et au-delà, en Suisse et en Belgique, car Microsoft a annoncé la fin de Windows 10 qui rend beaucoup d’ordinateurs obsolètes, qui ont, comme solution, ou d’aller à la casse ou, évidemment, d’avoir une distribution libre.

Frédéric Couchet : On va quand même préciser que les gens qui sont sous Windows 10 peuvent continuer à utiliser leur ordinateur, il ne va pas à la casse. Ce sont simplement les mises à jour gratuites de sécurité qui sont arrêtées ou alors il faut payer avec de l’argent et des données personnelles, mais l’ordinateur fonctionne toujours, rassurons quand même les gens.

Vincent Calame : Cet ordinateur devient une passoire !

Pierre Beyssac : Encore plus une passoire que d’habitude, mais on peut s’en servir.

Vincent Calame : Oui. Il y a des ordinateurs qui fonctionnent toujours avec Windows XP ! Ce n’est pas un problème !

Frédéric Couchet : C’est le point de départ.

Vincent Calame : Il s’agit donc valoriser toutes ces structures qui font des événements. Elles sont encouragées à s’inscrire sur l’Agenda du Libre ; « adieu-windows » extrait de l’Agenda du Libre les événements qui font partie de cette campagne pour les valoriser encore plus qu’ils ne le sont déjà sur l’Agenda du Libre. Ça leur donne accès et ça crée aussi un effet d’entraînement, d’émulation entre les différentes régions de France pour être le groupe d’utilisateurs et utilisatrices de logiciels libres le plus actif dans l’installation de distributions libres.

Frédéric Couchet : Je vais laisser Pierre et Magali réagir, mais j’ai vu passer quand même pas mal de messages de structures organisatrices qui disent qu’elles ont eu beaucoup plus de demandes que d’habitude. Le dernier message que j’ai vu c’est celui d’une personne qui expliquait que d’habitude, dans ces événements-là, on recevait plutôt des gens qui étaient déjà convaincus, qui avaient quelques connaissances et qui venaient pour recevoir un peu d’aide et, maintenant, on reçoit des personnes qui n’y connaissent rien du tout, qui viennent d’apprendre l’existence du logiciel libre et qui ont donc besoin d’une aide. C’est un nouveau public qui vient. Je ne sais pas si vous avez ces mêmes échos. Pierre ?

Pierre Beyssac : Oui. D’ailleurs, j’ai même une expérience personnelle.

Frédéric Couchet : Pierre, tu es passé à GNU/Linux !

Pierre Beyssac : Pratiquement oui. En fait, une des raisons principales, pour moi, d’utiliser Windows, c’est pour certains jeux vidéo et ça devient de plus en plus facile d’utiliser des jeux vidéo conçus pour Windows sans avoir Windows, à savoir avec GNU/Linux. Il y a encore un an ce n’était pas aussi simple. Maintenant, il suffit d’installer par exemple un logiciel qui s’appelle Steam, proposé par Steam, une grande plateforme de vente de jeux vidéo. On peut l’installer sous GNU/Linux et ça marche comme si on était sous Windows, on peut alors utiliser les jeux qu’on a. C’est devenu beaucoup plus facile qu’avant, ça a l’air facile aujourd’hui, on se dit « on fait tourner le jeu et puis voilà », mais il y a quand même 30 ans de boulot, ça correspond exactement au temps long dont parlait Vincent tout à l’heure. C’est un boulot difficile, faire tourner ces jeux-là c’est extrêmement complexe. Évidemment, Microsoft ne nous aide pas à nous passer de son système, donc n’aide absolument pas à faire des remplacements, au contraire, tout est conçu pour l’empêcher. Maintenant, grâce au boulot de gens qui ont développé ce qui s’appelle Wine, qui n’est pas un émulateur au sens strict, je ne rentre pas dans les détails, qui est un outil libre qui permet de faire tourner des jeux Windows, d’ailleurs des applications Windows en général, pas tout mais la majorité, on arrive vraiment à avancer. Petit à petit ça fini par percoler et il faut rappeler que ce sont 30 ans de travail.

Frédéric Couchet : Magali, qui est à l’initiative de cette campagne.

Magali Garnero : J’étais à Lille le mois dernier, puis je suis allée à Dijon juste après. Oui je bouge beaucoup, je fais mon tour des GULL, donc je fais le tour de France régulièrement. Un GULL, c’est un Groupe d’utilisateurs et d’utilisatrices de logiciels libres. Je vais donc voir des associations un peu partout en France, je suis donc en contact avec elles. À Lille, je suis allée à la Journée nationale de la Réparation et, à Dijon, je suis juste allée à la rencontre des membres de l’association. Ils disent qu’il y a effectivement énormément de personnes, grand public, qui viennent pour se faire installer des solutions libres ou même juste pour découvrir des logiciels qu’elles ne connaissaient pas avant. Et c’est extraordinaire parce qu’ils ne sont pas assez nombreux, forcément puisqu’il y a plus de monde, et ils continuent à faire ces événements très régulièrement.
Ce que j’aime dans l’opération « Adieu Windows » c’est qu’au départ c’était juste basé sur des choses qui existaient sur l’Agenda du Libre, on avait contacté des associations. Maintenant, ce sont des gens, des médiathèques, des bibliothèques, des bars, des tiers-lieux, des lieux communs et ainsi de suite qui organisent des événements et les appellent « Adieu Windows, bonjour le Libre ! ». C’est-à-dire que l’opération a un tel succès que les gens se sont appropriés le nom, l’ont gardé, et font des événements qui ont le nom de l’opération.
On en est à 544 événements en tout, ça a commencé début octobre, il y en a 323 à venir, donc un certain nombre sont finis. Et maintenant on a 86 associations, libristes ou pas, qui soutiennent l’opération, c’est-à-dire qui se sont inscrites sur l’Agenda du Libre comme soutenant l’opération. Avec le lancement du Lama déchaîné, j’ai arrêté d’aller à la rencontre pour les motiver. En une phrase, Le Lama déchaîné c’est une gazette hebdomadaire pour faire connaître les actions de l’April et d’autres associations puisqu’on laisse la parole à pas mal d’autres gens, ce qui va, je l’espère, nous amener de nouveaux adhérents ou de très nombreux donateurs et donatrices.
Depuis que ça a commencé je suis un peu moins disponible, donc je ne vais plus chercher les gens en leur disant « aidez-nous à soutenir l’association ». Il y en a quand même 86 qui soutiennent, dont des associations qui n’organisent pas d’événements comme Ubuntu-fr, Debian, Mageia, Borsalinux-fr, Primtux. Ce sont des associations qui soutiennent des distributions libres et qui disent « on veut soutenir cette opération ».
C’est une opération qui dure pendant un an, donc encore jusqu’au 13 octobre 2026. J’espère bien dépasser le nombre 100 pour les associations et le nombre 1000 pour les événements, j’y crois.

Frédéric Couchet : On va préciser que la durée d’un an est liée au fait que, initialement, les mises à jour de sécurité de Windows 10 devaient s’arrêter en octobre 2025. Microsoft, dans sa grande bonté a accordé…

Magali Garnero : Je ne suis pas d’accord !

Pierre Beyssac : Une remise de peine !

Frédéric Couchet : J’ai mis des guillemets.

Magali Garnero : Ce n’est même pas de la bonté, c’est une contrainte par l’Europe : cinq ans après un nouveau produit, donc Windows 10, ils doivent maintenir le support, donc ils n’ont pas le choix.

Frédéric Couchet : En tout cas, ils ont effectivement étendu d’un an avec des conditions, soit en payant soit en donnant des données personnelles, etc., ce qui fait que la campagne dure un an, mais, dans un an, ça va revenir encore plus, parce que dans un an il n’y aura plus de mises à jour de sécurité de Windows 10.

Magali Garnero : On recommence !

Frédéric Couchet : Isabella me dit qu’on ne voit pas les guillemets à la radio. Effectivement, on ne voit pas les guillemets à la radio, j’ai essayé de les mettre dans le ton, mais visiblement ça n’est pas passé. Je vais peut-être me faire une formation de stand-up avec les gens de l’émission Permis de rire ! de Cause Commune.
Ça va donc durer encore un an. Ce qui me paraît aussi intéressant dans ce que tu as dit, c’est qu’initialement c’était pour mettre en valeur des événements qui étaient, en gros, déjà prévus, en tout cas organisés par des organisations qu’on connaît parce qu’elles étaient inscrites sur l’Agenda du Libre. En fait, ça a poussé d’autres organisations à organiser des événements et à s’inscrire dans la dynamique. Le choix du nom de campagne, « Adieu Windows, bonjour le Libre ! », a effectivement joué un rôle parce qu’on identifie le problème et la solution.

Magali Garnero : Et là je remercie vraiment le CA, le conseil d’administration de l’April, c’est vraiment un travail commun. Je me souviens qu’Isabella a dit « vive le Libre », Jean-Christophe a dit « adieu Windows », chapeau l’équipe !

Frédéric Couchet : C’est bon là-dessus ?

Magali Garnero : J’ai oublié de dire qu’on a aussi des associations comme le CNLL [Union des entreprises du logiciel libre et du numérique ouvert], le Conseil national du logiciel libre, comme PLOSS Auvergne Rhône-Alpes, des associations qui ne sont pas forcément des distributions libres, qui ne sont pas forcément des GULL, mais qui veulent quand même soutenir l’opération et ça montre vraiment qu’il y a une communauté très forte derrière cette opération-là. La Quadrature et Framasoft soutiennent aussi l’opération.

Frédéric Couchet : À Lyon, c’est PLOSS-RA. RA, c’est Rhône-Alpes, OSS, c’est open source, mais j’ai oublié le reste, Étienne va nous le dire.

Pierre Beyssac : Pour ne pas oublier l’Auvergne, il faudrait dire PLOSS-AURA maintenant.

Frédéric Couchet : Le CNLL et PLOSS-RA. PLOSS-RA est une association localisée en région Rhône-Alpes, notamment autour de Lyon, et le CNLL c’est un regroupement français d’entreprises qui proviennent de différentes régions françaises.
PLOSS-RA veut dire Professionnels du Libre et de l’Open Source Souverain, je ne savais pas que le « S » était pour souverain.
On passe au sujet suivant.

[Clochette]

Wikipédia : vilipendée par les conservateurs, ébranlée par l’IA, l’encyclopédie sous pression – Elon Musk lance Grokipedia, son Wikipédia jugé biaisé idéologiquement

Frédéric Couchet : On va commencer à entrer un petit peu dans le dur, pour l’instant c’était assez gentil. Donc un sujet Wikipédia qui est un peu en double, je ne sais pas qui l’a proposé initialement.

Magali Garnero : Je sais que je l’ai proposé au moins une fois.

Frédéric Couchet : D’accord, donc peut-être Magali et Pierre parce qu’il y a plusieurs thématiques dans la thématique Wikipédia. Il y a deux articles du Monde dans les deux cas, l’un qui parle de lancement par Elon Musk de Grokipedia et l’autre qui parle du fait que Wikipédia serait vilipendée par les conservateurs, ébranlée par l’intelligence artificielle, l’encyclopédie sous pression : « accusée de biais « wokistes », contributeurs menacés, contenus générés par intelligence artificielle, baisse de fréquentation… Face à ces problèmes, Wikipédia tient bon. Jusqu’à quand ? », je lis l’article du Monde, ce ne sont pas mes propos. Qui veut se lancer là-dessus. Est-ce que vous voulez commencer par Grokipedia ou par l’autre sujet concernant Wikipédia ?

Magali Garnero : Je peux vous expliquer pourquoi j’ai proposé ça, parce que c’est amusant. J’ai été contactée par une journaliste de Reporterre qui voulait absolument avoir l’avis de la présidente de l’April sur Grokipedia. Il se trouve que, personnellement, je n’avais pas d’avis là-dessus parce que je venais juste d’apprendre que ça venait d’atterrir, je l’ai donc mise en contact avec Camille Françoise de Wikimedia France, avec qui j’étais en lien par mail et que j’avais rencontrée. Camille Françoise est membre du conseil d’administration de Wikimedia France.
Comme j’étais en train de discuter par mail avec elle pour prendre un rendez-vous, j’ai envoyé la journaliste vers Camille, qui était très étonnée d’avoir été contactée comme ça, puisqu’elle n’est au CA que depuis un an, elle était étonnée qu’une journaliste ait son mail, donc c’était assez amusant de les faire discuter.
J’apprends donc effectivement pour Grokipedia, je n’avais pas d’avis, maintenant j’en ai un, forcément je me suis renseignée, donc voilà pourquoi j’ai proposé ce sujet-là.

Frédéric Couchet : Tu l’as proposé donc vas-y, explique-nous ce qu’est Grokipedia.

Magali Garnero : Une grosse merde ! Pardon, je suis désolée !

Pierre Beyssac : Sujet suivant !

Magali Garnero : En gros, c’est notre cher ami Elon Musk…

Frédéric Couchet : Avec des guillemets ?

Magali Garnero : Franchement, je l’aime bien. À chaque fois qu’il dit un truc, il se passe plein de choses et des gens viennent vers le Libre, on va au moins lui reconnaître ça. Il n’aime pas Wikipédia parce que, comme tu disais, il l’accuse de plein de choses totalement fausses et il s’est dit « je vais demander à ma super intelligence artificielle de faire une encyclopédie, ça sera forcément aussi bien, voire beaucoup mieux que Wikipédia, puisqu’elle dira ce que j’ai envie qu’elle dise ». Je crois que 885 000 articles ont été pondus et ils ne sont pas du tout, mais alors pas du tout biaisés, franchement ! On n’est pas du tout en train de dire que les chambres d’extermination n’ont pas existé ! C’est vraiment une encyclopédie qui dit ce qu’on veut entendre, qui en train de réécrire l’histoire et qui va s’imposer aux États-Unis parce que argent, argent, argent ! Ça fait un peu penser à 1984 : l’État est en train de faire réécrire l’histoire comme il a envie qu’elle soit écrite et non plus comme elle a été et j’ai l’impression que Grokipedia participe vraiment de ce mouvement-là.

Frédéric Couchet : Pierre.

Pierre Beyssac : Complètement d’accord. Elon Musk a expliqué qu’il voulait quelque chose qui soit plus proche de la neutralité, de la vérité. Dans ses termes, on sait ce que ça veut dire, ça sera sa vérité. Il a déjà fait reprogrammer le Grok de Twitter, parce qu’il était peu trop woke à son goût, pour lui faire dire que ce qu’on dit au sujet de l’Afrique du Sud ce n’est pas tout à fait qui s’est passé, pour lui faire adopter un point de vue beaucoup plus à droite. Le Grok de Twitter a sorti des énormités abominables, soutenant la période nazie et tout ce qu’on veut. Grokipedia c’est un peu la même chose. Je suis allé voir, je n’ai pas trouvé d’énormités sur les articles que j’ai consultés. De toute façon, c’est moins complet que Wikipédia, d’une part, moins neutre. Wikipédia a aussi, parfois, ces problèmes, mais c’est localisé, il va y avoir une communauté plus biaisée sur tel ou tel sujet, mais, en général, il n’y a pas de biais sur Wikipédia, chacun peut contribuer pour rectifier les articles et ça arrive régulièrement.
Concernant Grokipedia on peut être beaucoup plus méfiant. C’est la mouvance trumpiste qui explique que, quand ils censurent c’est pour le bien, mais quand l’Europe fait dix fois moins qu’eux, ce n’est pas bien. Il y a une mouvance très orientée en la matière.
Un autre point aussi, la mouvance trumpiste républicaine n’est pas du tout intéressée par les communs, le Libre, etc., donc, naturellement, ce sont des gens qui vont moins coopérer à Wikipédia donc, forcément, leur point de vue est peut-être moins représenté sur des encyclopédies pour parler du logiciel libre. À un moment, soit ils considèrent les communs comme utiles et ils y collaborent, soit ils ne s’en occupent pas et ça prend un autre chemin.

Frédéric Couchet : Avant de laisser réagir Vincent, je vais juste lire un extrait de l’article concernant justement la présentation de certains faits, l’article du Monde qui n’est pas signé, donc c’est avec l’AFP : « Concernant le mouvement des droits civiques Black Lives Matter, Grokipedia écrit qu’il a « mobilisé des millions de personnes ». « Cependant, ces manifestations ont entraîné des émeutes, (…) les plus coûteuses de l’histoire des assurances pour les dommages aux biens », poursuit l’encyclopédie – ils mettent « encyclopédie », je ne mettrais pas « encyclopédie » – sans mentionner, comme le fait Wikipédia, que « la grande majorité des manifestations de 2020 se sont déroulées dans le calme ». C’est-à-dire que là où Wikipédia est beaucoup plus factuelle sur ce qui s’est passé, Grokipedia a effectivement un biais d’extrême droite, on ne peut même pas dire de droite à ce niveau-là.
Vincent tu voulais réagir.

Vincent Calame : Oui. Je voulais dire que la taille des conservateurs sur Wikipédia n’est pas nouvelle, elle existait déjà sous Barack Obama. Il y avait notamment eu une initiative assez intéressante à regarder, qui s’appelle Conservapedia, je ne vais pas vraiment en faire la promotion. Ce qui est intéressant, c’est qu’elle était très conservatrice mais beaucoup plus honnête que Grokipedia, parce qu’en fait c’est un wiki, pour le coup collaboratif, mais clairement orientée, toute une page qui explique le créationnisme et ainsi de suite. C’est très honnête parce que, d’une part, ils ne se cachent pas, ils s’appellent Conservapedia, et ils utilisent le même logiciel que Wikipédia, c’est libre. Ils considèrent que Wikipédia est orientée, ils disent « nous allons vous présenter la vérité ». Ils veulent concurrencer Wikipédia, mais ils ne se cachent pas comme le fait Elon Musk avec sa pseudo-neutralité. Ils disent clairement « Wikipédia est orientée, nous le sommes aussi », personne ne dit être neutre. Vous avez toute la présentation du créationnisme, de plein de choses. Je ne dis pas que c’est à lire avant de dormir, ça n’aide pas forcément à bien dormir, mais c’est intéressant comme démarche, au moins pour comprendre l’adversaire.

Pierre Beyssac : Le truc marrant aussi, c’est que Grokipedia a été écrite par une IA, mais une IA qui a largement été entraînée avec du contenu Wikipédia. Donc de toute façon, qu’elle le veuille ou non, elle sera influencée par les contenus des pages Wikipédia. Je trouve cela assez comique sur le fond.

Frédéric Couchet : Dans l’autre article du Monde qui parle de Wikipédia, notamment beaucoup plus largement, je vais juste lire quelques extraits, notamment pour rappeler qu’il y a une permanence mensuelle à la Cité des sciences, tenue par des Wikipédiens et des Wikipédiennes. Une des personnes interviewée dans l’article dit : « Seule une personne est venue nous parler d’Elon Musk aujourd’hui. Grokipedia, c’est un pétard mouillé. », en tout cas c’est ce qu’elle dit aujourd’hui. « Les Wikipédiens et Wikipédiennes font ce qu’elles savent faire de mieux : surveiller, corriger, enrichir bénévolement la plus vaste encyclopédie du monde. » L’article dit aussi que « Ted Cruz, sénateur du Texas, Elon Musk et Trump reprochent à Wikipédia de désigner des sources généralement fiables des médias progressistes tel que CNN aux États-Unis, tandis que la chaîne conservatrice Fox News est considérée généralement peu fiable sur les sujets politiques et scientifiques. ». Et ça fait venir à l’esprit ce qui est en fin d’article, ce qui s’est passé l’an dernier, avec le journal Le Point. Si l’un ou l’une de vous veut rappeler ce qu’a fait Le Point l’an dernier, peut-être Magali.

Magali Garnero : Ça va encore m’énerver ! En fait, Le Point a reproché aux contributeurs de Wikipédia d’avoir changé la page présentant le journal d’une manière qui ne leur plaît pas du tout, à tel point qu’ils sont allés menacer un des contributeurs. Déjà, je crois qu’ils ont bien fait sous-entendre qu’ils connaissaient son identité et même pire, ils ont menacé d’aller demander à son patron, donc dans sa vie privée et professionnelle, ce qu’il en pensait. En gros, on perd le pseudonymat sur Wikipédia, pseudonymat ne veut pas forcément dire anonymat. Cette menace-là, qui planerait sur les contributeurs et contributrices, ferait qu’ils seraient moins motivés pour aller enrichir l’encyclopédie.
Je trouve limite immonde le pouvoir de ce média-là, peut-être pas immonde, mais si, c’est immonde et ça m’a franchement énervée. J’avais aussi été contactée sur ce sujet-là pour relayer cette façon de faire d’un média qui a manifestement beaucoup trop de pouvoir.

Frédéric Couchet : Je vais citer un truc et je vais te demander de réagir, Pierre, en te demandant de préciser, d’expliquer la différence entre anonymat et pseudonymat parce que c’est assez important. Dans l’article il est écrit que Rémy Gerbet qui est, de mémoire, le directeur de Wikimedia France, dit : « Le pseudonymat garantit la liberté d’expression. S’il est possible de contribuer à des sujets sensibles c’est parce que le pseudonyme offre un niveau de protection. ». Il serait intéressant que tu nous expliques, que tu nous rappelles, Pierre, la différence entre pseudonymat et anonymat.

Pierre Beyssac : Pseudonymat, c’est quand on a un nom d’emprunt, un nom de plume si on peut dire, et, de toute façon, on est tracé par les multiples traces qu’on laisse, on peut dévoiler son nom à son fournisseur d’accès. Il y a tout un tas de traces qu’on laisse qui font que la justice peut, en général, revenir à nous.
L’anonymat, c’est le fait d’être vraiment totalement intraçable et c’est quasiment impossible sur les réseaux. Qu’on le veuille ou non on va laisser des traces un peu partout. En pratique, le réel anonymat sur les réseaux n’existe pas, à moins, peut-être, pour des gens extrêmement paranoïaques et extrêmement précautionneux, mais ils se font très vite avoir. Il y a eu des cas de narcotrafiquants qui se sont fait rattraper à cause d’un téléphone mobile qu’ils avaient allumé subrepticement. Bref !
L’anonymat, en pratique, est une chose qui n’existe pas, donc dire qu’il y a de l’anonymat sur Internet et qu’il faut lutter contre c’est un point politique assez bidon ! D’ailleurs, on remarque aussi que les gens qui ne sont pas anonymes ne se gênent pas pour faire ce qu’on dit être permis par l’anonymat : les gens qui insultent et qui diffament.

Frédéric Couchet : Et certains commencent à être condamnés. Il y a eu récemment quelques condamnations, je crois que la dernière c’était celle des personnes ayant harcelé Barbara Butch, qui a chanté lors des JO.
J’ai quand même une question un peu provocatrice : les gens de notre génération, quand ils se posaient une question, ils allaient vérifier sur Wikipédia. Aujourd’hui, de plus en plus de gens prennent leur téléphone et posent la question à ChatGPT.

Pierre Beyssac : C’est vraiment flippant !

Frédéric Couchet : Finalement, la tendance va-t-elle de poser la question à ChatGPT ou de toujours, quand même, aller faire confiance à Wikipédia ou à un moteur de recherche, quitte à aller jusqu’à la quatrième ou cinquième page de recherche, je fais une référence à la chronique de Luk de tout à l’heure ? Qui veut réagir là-dessus, ChatGPT versus Wikipédia ?

Pierre Beyssac : Peut-être qu’on arrivera à un mix des deux : on posera une question à une IA, à un chatbot, puis on lui demandera des sources réelles. Il faut toujours vérifier que le chatbot indique des sources qui existent effectivement parce que, parfois, il hallucine aussi ses sources.
Je suis un peu effrayé parce que de plus en plus, dans des discussions sur des réseaux sociaux, des gens prennent à partie Grok ou autre : « Grok, qu’est-ce que tu en penses ? – Grok m’a dit ça. Il n’est pas d’accord avec toi, donc que tu dis des conneries ! ». Ça devient un peu préoccupant ! Il y a aussi des gens qui copient-collent un résultat de chatbot : « J’ai fait ma recherche. » On finit par s’habituer à ce genre de réponse et on peut dire « là c’est une IA qui t’a raconté n’importe quoi. »

Vincent Calame : Je pense que c’est important de demander à l’IA de citer ses sources, sinon on ne se rend pas compte qu’en fait elle dévie. Mais quand on lui demande vraiment de citer ses sources, voire de limiter sa recherche, son champ d’exploration à un domaine, ça peut être intéressant. En fait, on s’aperçoit qu’il faudrait presque faire une formation sur la façon de dialoguer avec une IA pour arriver à un résultat pertinent qui est rarement le premier qu’on obtient. Mais, en dialoguant avec, ça peut donner quelque chose. Je viens de faire un exercice. Le seul côté très désagréable d’une IA c’est qu’elle vous lèche les bottes en permanence, « oui tu as tout à fait raison ! ». Je change une virgule dans un truc « ça c’est très pertinent ! ». Psychologiquement c’est bizarre.

Frédéric Couchet : En même temps, bot et IA ça va ensemble !

Pierre Beyssac : Oui lécher les bots ! On va garder l’expression, ça peut servir !

Vincent Calame : J’allais dire quelque chose de plus vulgaire !

Frédéric Couchet : Je fais référence à un propos qui a été tenu tout à l’heure.
Dernière question, en tout cas ma dernière question sur ce sujet-là. Isa, on ne fera pas de pause musicale parce que la discussion avance.
L’article se conclut quand même sur le fait que Wikimedia France envisage de mieux former ses contributeurs et contributrices à protéger leur identité en ligne, ce qui pose aussi la question du fait que de plus en plus de dangers pèsent sur ces personnes, et rappelle, à la fin de l’article, que « Wikipédia est fragile, tout repose sur la bonne volonté des bénévoles. C’est uniquement grâce à ces personnes que ce projet tient bon. ». Si ces personnes commencent à se sentir en danger vont-elles contribuer ? N’est-on pas face au danger de perdre des bénévoles parce qu’elles agissent sur un sujet qui peut les mettre en danger ?

Magali Garnero : Oui et non.

Pierre Beyssac : Je dirais que c’est le problème classique de la surveillance. D’ailleurs même si on ne s’exprime pas publiquement, quand on sait qu’on est écouté et qu’on peut avoir des ennuis, ce qui arrive dans des régimes dictatoriaux. L’anonymat et le pseudonymat servent aussi à protéger des conversations intimes et des points de vue politiques, en public ou pas d’ailleurs, des idées. Il y a donc un danger potentiel de ce côté-là sur une forme d’autocensure. On ne risque peut-être rien, mais, comme on n’en est pas sûr, on préfère s’autocensurer.

Frédéric Couchet : Réaction ?

Magali Garnero : J’allais dire la même, mais en étant quand même un peu plus positive que Pierre. Il y a effectivement ce risque d’autocensure, ce que certains font de base. Et puis c’est une encyclopédie, on est censé être factuel, on n’est pas censé donner son opinion et ainsi de suite.
Et puis il y a aussi la raison pour laquelle on contribue. Parfois on va contribuer parce que, justement, on ne veut pas laisser d’autres faire, on ne veut pas que l’histoire soit modifiée ou réécrite et ainsi de suite, donc on va aller contribuer, on va aller mettre des choses sur l’encyclopédie pour, on va dire, rétablir les faits. On va donc prendre ce risque-là parce que, si on ne le fait pas, on a peur que personne n’aille le faire et que c’est important cette encyclopédie reste riche. Il y a donc toujours cette peur et en même temps cette volonté d’agir, de ne pas rester immobile.

Pierre Beyssac : Pour préciser, j’ai parlé en général et pas uniquement dans le cas de Wikipédia. Dans l’expression publique, il y a aussi une prise de responsabilité et typiquement, dans une encyclopédie, on n’a pas non plus envie d’être celui qui a écrit n’importe. Wikipédia a montré que ce mode de fonction marche plutôt bien parce que chacun se sent responsable de sa contribution, même de son pseudonymat.

Vincent Calame : Sur Wikipédia, on cite des sources. On ne produit pas son opinion personnelle.

Magali Garnero : Des sources qui existent.

Pierre Beyssac : Ce n’est pas toujours gagné d’avance aujourd’hui !

Frédéric Couchet : Après, il y a aussi un débat sur les sources, entre les sources primaires, secondaires, parfois le fonctionnement de Wikipédia n’est pas toujours très bien compris. C’est pour cela que j’encourage vraiment les gens qui souhaiteraient contribuer à aller aux permanences pour en savoir plus. À Paris à la Cité des sciences et de l’industrie chaque premier samedi. Je suppose que dans d’autres régions il y a aussi des événements.

Vincent Calame : J’ai parfois l’impression que le problème du risque, pour les bénévoles dans Wikipédia, c’est l’exigence qu’il faut. Le côté « n’importe qui peut contribuer » est un peu faux. On ne contribue pas comme ça. Il y a justement des exigences de qualité, c’est peut-être ça qui peut poser problème dans le renouvellement des bénévoles.

Pierre Beyssac : Effectivement, ce n’est pas facile si on est pas un habitué du système. J’ai essayé de contribuer à des articles. Arrivant et n’étant pas vraiment connaisseur des chausse-trappes, ce n’est pas facile de contribuer utilement. En général, je me limite à des petites corrections d’orthographe ou à des choses ultra mineures. Toute cette organisation s’est construite, justement, pour des raisons de contrôle éditorial et de vérification qui n’est pas forcément évidente à comprendre pour le non-initié.

Frédéric Couchet : Il y a des règles. Récemment, pas mal de pages concernant des logiciels libres ont été supprimées par absence de sources secondaires, on va dire, on ne va pas rentrer dans le détail, mais vous pouvez consulter les émissions qu’on a consacrées à Wikimedia France, notamment à Wikipédia, sur Libre à vous !.

Magali Garnero : Si on veut contribuer, un mode d’emploi est accessible. Si on ne veut pas se faire rejeter, ne pas faire d’erreur, on peut lire les règles, elles sont visibles et elles sont accessibles très rapidement. Donc, si on veut bien faire, on a les moyens de bien faire, alors que si on veut modifier Grokipedia, laissons tomber, on ne peut pas.

Frédéric Couchet : OK. On passe au sujet suivant.

[Clochette]

Les acteurs publics accélèrent leur quête d’indépendance numérique

Frédéric Couchet : Le sujet suivant : le service public, un article des Echos. Même question : qui a proposé ? C’est Magali qui lève le doigt. Vous remarquerez que pour l’instant Magali a proposé tous les sujets, mais Vincent arrive avec un de ses sujets et Pierre aussi. En plus, le sujet de Pierre fait l’actualité de tous les journaux en ce moment.

Magali Garnero : Quand tu as envoyé le message « de quoi voulez-vous parler ? », j’ai dégainé une demi-heure après, je venais de finir la revue de presse de l’April qui est faite par Echarp [Emmanuel Charpentier] et j’avais envie de parler de plein de trucs.

Frédéric Couchet : On ne va pas parler de plein de trucs parce qu’il est déjà 16 heures 20. On va parler d’un article des Echos : « Les acteurs publics, donc les structures publiques, accélèrent leur quête d’indépendance numérique ». Je lis juste le chapô et je te laisse réagir Magali : « Face aux enjeux de souveraineté numérique, l’État et ses institutions accélèrent la mise en place de solutions locales. L’Urssaf prépare une infrastructure open source, et l’École polytechnique suspend sa migration vers Microsoft. Une dynamique qui pourrait inspirer d’autres acteurs publics. » Pourquoi voulais-tu parler de cela, Magali ?

Magali Garnero : Déjà parce que quand l’Urssaf fait quelque chose de bien, ça mérite d’être noté, désolée, j’ai un long passif avec l’Urssaf, et puis parce que, à l’April, on a vécu un peu en direct l’histoire de l’École Polytechnique : un de nos membres a dit « vous avez vu ? Polytech [Il s’agit de l’École polytechnique, NdT] veut passer à Microsoft 365 ? Quels sont les arguments que je peux sortir pour que ça ne se fasse pas ? Qui je peux contacter et ainsi de suite ? ». Je sais que plusieurs membres de l’April se sont intéressés au sujet. Maintenant j’apprends que Polytech fait demi-tour et passe en mode « on fait nous-même sur notre propre cloud », j’étais super contente parce que je me dis que c’est peut-être suite à une action totalement indirecte de l’April. Polytech est quand même une grande école qui va pouvoir montrer l’exemple à d’autres écoles. Peut-être que d’autres le font déjà, en tout cas elles n’ont pas communiqué dessus.

Frédéric Couchet : Pierre ou Vincent, une réaction ?

Pierre Beyssac : Le truc me semble très bien. Il y a tout un tas de recherche, côté public, pour essayer de mutualiser des moyens à base de Libre. La DINUM, la Direction interministérielle du numérique, fait aussi des choses. Elle essaye de mutualiser des ressources numériques pour lesquelles les ministères eux-mêmes ne sont pas forcément très bien équipés. Par exemple, la DINUM a proposé de soutenir le projet Matrix, une messagerie sécurisée qui sert notamment pour Tchap, la messagerie instantanée du service public, pour les personnes qui travaillent dans les administrations et les ministères.
Je trouve très bien qu’il y ait ce genre de projet, ce qui permet un peu, à des services administratifs, qui n’ont pas forcément les ressources technologiques nécessaires pour avancer, de mettre le pied à l’étrier.

Vincent Calame : C’est agréable de sentir que ce mouvement prend de l’ampleur. On pense à toutes les personnes qui, depuis des années et des années, se battent dans ces services-là, c’était souvent désespéré, elles étaient dans leur coin. On est content que ça prenne enfin des dimensions supérieures aussi pour elles. On sent qu’on est passé à une étape au-dessus dans la diffusion et on se réjouit pour toutes les personnes qui ont milité dans ces services depuis très longtemps.

Magali Garnero : C’est comme un aboutissement. Je me demande si on ne devrait pas remercier les États-Unis qui nous montrent à quel point ils sont hyper fermés, ils contrôlent leurs logiciels, on est dépendant d’eux. Du coup, là, les gens se disent que ce n’est peut-être pas une bonne idée, avec un président comme Trump, d’être dépendants des logiciels et des services américains et si on refaisait en local.

Pierre Beyssac : Je me disais ça. On peut me dire merci à Donald Trump. Merci beaucoup.

Magali Garnero : Ces gens-là, finalement, amènent les gens vers le Libre !

Vincent Calame : On aime bien Elon Musk ! C’est clair.

Pierre Beyssac : Il y avait des guillemets !

Frédéric Couchet : Comme indiqué sur le salon « il faut arrêter de remercier les ordures ». Magali, ta langue a fourché, tu as parlé de Polytech. Polytech c’est la Sorbonne, c’est Jussieu qui accueille l’assemblée générale de l’April. Là on parlait de Polytechnique, c’est une petite précision, ce n’est pas Polytech, c’est Polytechnique, ce n’est pas du tout la même chose.

Magali Garnero : Du coup, on remercie Polytech de nous recevoir pour notre AG qui aura lieu le 28 mars 2026, et ce pour la troisième année consécutive. Ces gens sont merveilleux.

Frédéric Couchet : On va passer au sujet suivant parce que les deux derniers sujets vont peut-être prendre un peu de temps.

[Clochette]

L’ACT devient Contre-Feu, l’Alliance contre l’industrie du tabac

Frédéric Couchet : C’est Vincent qui nous a proposé un sujet. Le titre c’est « L’ACT – l’Alliance contre le tabac – devient Contre-Feu, donc qui change de nom. Je lis le chapô de l’article : « L’ACT – donc cette structure – se renomme pour scander et clarifier sa mission : depuis plus de 30 ans, ce collectif de plus de vingt associations mène un combat acharné contre l’industrie la plus mortifère au monde en révélant l’impact colossal de ses activités et de son lobby sur notre société et sur l’environnement. » Au-delà du fait qu’évidemment le lien avec le logiciel privateur est évident, « la première dose est gratuite et après on devient dépendant ou dépendante », pourquoi as-tu voulu parler de cette annonce de l’ACT, donc Alliance contre le tabac qui devient maintenant Contre-Feu.

Vincent Calame : Au cinéma, il y a toujours des bandes-annonces, j’aime mieux que leurs pubs, parce qu’ils essayent d’être un peu plus artistiques qu’à la télévision, enfin ils essayent. En ce moment, ils passent un spot que j’ai trouvé remarquable, que vous pouvez consulter sur le site de Contre-Feu, je ne vais donc pas décrire ce spot-là. Tout est dans la chute.

Frédéric Couchet : Je te laisse faire la présentation, mais je vais quand même dire un truc après.

Vincent Calame : Je vais dire le slogan de la campagne : « Ils le diront à leurs proches, pas à vous », c’est sur les questions du lobbying. Ce qui m’a intéressé et qui fait aussi le lien, le rapprochement avec notre monde, le monde du Libre, c’est que, dans le cas des réseaux sociaux, on parle aussi de plus en plus de questions d’addiction. On s’aperçoit que, finalement, il y a des réflexions assez proches sur les mécanismes en œuvre, heureusement, pour le moment ce ne sont pas les mêmes problèmes de santé publique que les cancers du poumon, en tout cas c’est le vocabulaire. On voit notamment des témoignages de hauts cadres de ce genre d’entreprise qui interdisent à leurs enfants tout écran jusqu’à 15 ans, ils sont très stricts.

Magali Garnero : Ne créez pas de compte sur Facebook, pas de compte sur Twitter.

Pierre Beyssac : C’est un peu à relativiser, il n’y a pas vraiment d’interdiction, c’est un peu comme les parents raisonnables : limitation de l’usage. Le côté interdiction pure n’a pas été mis en évidence. Bref ! Sur le fond, je suis d’accord avec toi.

Vincent Calame : C’est l’idée du slogan que je peux appliquer aussi « ils le diront à leurs proches », ils réagiront quand ils seront avec leurs enfants, en revanche « ils diffuseront largement ce modèle aux autres ». C’est le thème de la campagne que j’ai trouvé très efficace. En plus, c’est fait par un cinéaste connu, Arnaud Desplechin, j’ai beaucoup aimé.

Frédéric Couchet : Je vais préciser que l’article de Contre-Feu est en ligne sur le site libreavous.org/261. Je suggère aux gens de regarder la vidéo qui apparaît à un moment. J’ai lu l’article au début, je n’ai pas regardé la vidéo, et je ne comprenais pas le slogan qui apparaît à la fin. On ne comprend le slogan que quand on regarde la vidéo. Je répète le slogan « ils le diront à leurs proches, pas à vous », en lisant le texte je me suis demandé ce que voulait dire ce slogan, en regardant la vidéo on comprend le slogan. Et je comprends mieux ce que tu dis sur le fait que ça passe au cinéma, parce qu’il faut regarder attentivement. Je l’ai regardée rapidement, vite fait dans le métro, j’ai donc dû la regarder une deuxième fois pour être sûr de comprendre la logique, notamment la chute finale. Je suppose qu’au cinéma, comme on est beaucoup plus concentré, dès la première fois on comprend le truc.

Magali Garnero : Sur grand écran, ça doit taper.

Frédéric Couchet : Effectivement, ça doit bien taper sur grand écran.
En janvier 2026, je ne sais plus la date, dans une autre émission de la radio, nous recevrons une ancienne responsable de la Fédération Addiction, l’ex-déléguée générale, Nathalie Latour, qui, aujourd’hui, est directrice générale de la Fédération des acteurs de la solidarité, c’est donc quelqu’un de très bien. Elle a travaillé sur l’addictologie. Ce sujet sera abordé : comment les lobbies travaillent sur cet aspect addiction et comme le dit l’article, pour le coup ce n’est pas un article de presse, c’est un article de Contre-Feu : « Bien qu’il soit juste, ce combat est déséquilibré, à l’instar de David contre Goliath : chaque année, l’industrie du tabac génère plus de 51 milliards de chiffre d’affaires dans le monde. À Bruxelles, elle dépense plus de 20 millions d’euros en lobbying et emploie au moins 200 personnes pour défendre ses intérêts économiques au détriment de la santé. » Là, le parallèle se fait aussi avec le logiciel privateur où il y a des milliards avec des centaines de personnes qui travaillent à Bruxelles et aussi, évidemment, à Paris auprès des ministères et des parlementaires.

Magali Garnero : C’est incroyable l’argent qui est dépensé pour ça et tout ce que nous pourrions faire avec ! Ne serait-ce qu’une goutte, ça ferait progresser énormément de projets. C’est vraiment du gâchis !

Frédéric Couchet : Tout à fait ! On passe au sujet suivant.

[Clochette]

Appel aux dons pour le projet NTP

Frédéric Couchet : En parlant d’argent, tu vas nous le faire en deux minutes Pierre, pour qu’on puisse parler de Graphene, parce que là il y a une logique. On vient de parler de l’argent qui pourrait être mis dans des projets, il y a une logique par rapport au sujet. Vraiment en deux minutes pour qu’on puisse traiter le dernier sujet suffisamment longtemps. C’est « Appel aux dons pour le projet NTP ». Deux questions simples : c’est quoi NTP ? Quel est le problème ?

Pierre Beyssac : NTP c’est le Network Time Protocol, en français, le protocole de temps en réseau, qui est le procédé par lequel on met votre ordinateur, tous les ordinateurs, pratiquement tous les téléphones mobiles également, à l’heure à travers Internet. Ça utilise l’heure légale qui est distribuée par des services publics, des observatoires, etc., en France l’Observatoire de Paris-Meudon. Au départ, c’était quelqu’un dans son bureau, aux États-Unis, qui s’occupait de cela, un chercheur, David L. Mills, de manière à peu près bénévole, sur son propre temps. Il y a une fondation. La fondation manque un peu d’argent. Le chercheur est décédé en 2024 et le projet a été repris, la fondation devait déjà exister avant son décès, bref, ça s’est un peu formalisé et elle avait besoin d’un petit peu d’argent, vraiment des broutilles, elle a cherché à lever 11 000 dollars et je crois qu’elle les a obtenus. Maintenant, elle essaye d’avoir un petit peu plus. Ce sont donc des sommes assez faibles qui permettent de gérer des logiciels qui sont utilisés par toute la Planète sur Internet ; tous les ordinateurs, tous les systèmes d’exploitation s’en servent. C’est à la fois du temps long, qui ne coûte pas grand-chose et qui sert à tout le monde.

Frédéric Couchet : Exactement. Ça me fait penser à l’appel, il y a quelques années, deux/ trois ans, de l’outil de cryptographie, OpenSSL/OpenSSH et compagnie, qui avait besoin de financement alors que c’est utilisé par tous les industriels de la Planète.

[Clochette]

GrapheneOS (Android libre) accusé par un article du Parisien d’être un outil apprécié par les narcotrafiquants

Frédéric Couchet : Sans doute le dernier sujet parce qu’il est 16 heures 30, un sujet qui a fait la une de la presse, ils en parlent même à la télé ! Je vais lire le titre de l’article initial.
Nous allons parler de GrapheneOS, c’est quand même un niveau encore supérieur et peut-être plus simple à comprendre que le blocage DNS.
« GrapheneOS, un Android libre, accusé par un article du Parisien d’être un outil apprécié par les narcotrafiquants ». Le titre de l’article du Parisien c’est « Google Pixel – un téléphone de Google – et GrapheneOS – qui ne fonctionne que sur Google Pixel, tu expliqueras peut-être pourquoi Pierre –, la botte secrète des narcotrafiquants pour protéger leurs données de la police », un article du Parisien.

Pierre Beyssac : Au départ, c’est un article du Parisien qui, manifestement, a été sollicité par les services de police qui s’occupent de la lutte contre le narcotrafic et qui en ont ras-le-bol de tomber sur des narcotrafiquants qui ont leur téléphone très bien protégé et qui trouvent ça anormal. Le Parisien a fait un article attaquant GrapheneOS en disant « c’est de trafiquants », comme on pouvait dire sur Internet il y a 30 ans « c’est le truc des pédonazis », le même genre de truc très réducteur. Est-ce qu’on dit que les voitures allemandes puissantes servent aux narcotrafiquants ? C’est vrai, mais personne ne fait de titres là-dessus. Là, c’est un peu pareil.
GrapheneOS est un Android libre, qui dérive de la souche libre Android qui est diffusée par Google, donc il n’y a pas tout, il n’y a pas toutes les applications Google. Ça permet de faire tout un tas de distributions Android.
Le sujet sur GrapheneOS c’est qu’il s’intéresse, qu’il est paranoïaque sur la sécurité, donc ils appliquent le plus vite possible toutes les corrections de sécurité qui sont publiées. En fait, ils veulent juste faire un système sécurisé et ça ne devrait pas être une exception, ça devrait être la règle ! Il faudrait que tous les systèmes soient sécurisés au maximum, ce n’est donc pas être un délinquant que de vouloir un système le plus sécurisé possible.
Ça a été repris dans l’actu du Parisien expliquant qu’il y avait, sur GrapheneOS, des applications en plus pour nettoyer vite son téléphone si on se fait capturer, etc., ce qui n’est pas vraiment le sujet de Graphene.
Le sujet a été repris par Le Figaro sur le même thème, ensuite ça a été repris par France Info, ensuite ça a été même repris par le Journal télévisé de France 2 de samedi, avec un petit truc.

Frédéric Couchet : Je crois qu’ils en ont même parlé hier lundi.

Pierre Beyssac : D’accord. J’ai essayé de voir un peu si c’était à jour. En fait, GrapheneOS qui se trouve avoir hébergé ses serveurs en France, chez un gros hébergeur français, a dit littéralement « on est pointé du doigt par la police, on ne se sent pas en sécurité » et comme c’est vraiment le point qui leur tient le plus à cœur, ils ont déménagé leurs serveurs hors de France en trois jours. Je crois que c’est vendredi que cela a été publié. Toute la presse tech a essayé d’expliquer le sujet et de calmer le jeu en disant qu’il y avait des amalgames. Côté médiatique, médias plus grand public, ça semblait s’être un peu calmé, mais apparemment, de ce que tu me dis, ça a continué en début de semaine.

Frédéric Couchet : Je crois pour hier. Je vais juste lire deux extraits de l’article original du Parisien, c’est GrapheneOS qui parle : « Nous ne vendons rien, nous n’avons ni clients ni usagers, précisent les représentants de GrapheneOS. […] Les gens peuvent télécharger notre système d’exploitation gratuitement sur leurs téléphones Pixel et l’utiliser. Notre travail sur la sécurité et la confidentialité est très apprécié par les professionnels de la sécurité et est régulièrement recommandé et utilisé par les militants des droits de l’homme, les journalistes et les avocats. » Et GrapheneOS ajoute qu’il protège des pirates informatiques et des intrusions par les services secrets des États totalitaires. Voilà la présentation. Et, comme le dit Artlog sur le salon web, « non seulement la presse et la police judiciaire amalgament toutes les utilisations de GrapheneOS, ils indiquent aussi quels bons outils utiliser, mais pour de mauvaises raisons. »
Vincent, Magali, est-ce que vous voulez réagir là-dessus ? Est-ce que vous avez installé GrapheneOS depuis, parce que je pense que pas mal de gens se sont dit « on va tester GrapheneOS » ?

Magali Garnero : Je ne l’ai pas installé. Par contre, merci pour cette publicité incroyable pour GrapheneOS parce que c’est un peu comme quand on veut censurer quelque chose : en communiquant comme ça on le fait connaître aux gens qui sont peut-être férus de sécurité, qui n’ont pas envie de se faire espionner. C’est de la bonne publicité, contrairement à la volonté qui est derrière. Je conseille aux gens qui ont besoin de sécurité de télécharger GrapheneOS.
Et puis j’ai l’impression que ce qu’on leur reproche le plus c’est qu’il n’y a pas une entreprise derrière sur qui taper. Puisque ce ne sont que des bénévoles, comme c’est une communauté qui développe ce logiciel, elle n’est pas manipulable, on ne peut pas la citer en justice pour récupérer des données. Ils ne peuvent rien faire contre une communauté alors qu’à une entreprise ils peuvent dire « donnez-moi accès à vos serveurs, je veux toutes les informations », là, ils ne peuvent rien faire.

Pierre Beyssac : Ils auraient peut-être pu aller choper les serveurs mais maintenant ! C’est probablement une raison pour laquelle ils ont été déménagés. C’est effectivement beaucoup plus difficile de taper.
Pour la petite histoire, l’ANSSI, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, française, qui s’occupe littéralement de protéger les administrations et toutes nos infrastructures sensibles contre les attaques informatiques, a coopéré avec le projet en donnant des corrections de vulnérabilité ou en aidant. Donc l’ANSSI elle-même considère que GrapheneOS est un bon OS.

Frédéric Couchet : Est-ce que tu sais pourquoi ça ne fonctionne que sur Google Pixel ?

Pierre Beyssac : Oui. J’ai failli l’installer il y a deux ans quand j’avais un vieux téléphone parce que ces Android c’est bien pour prolonger la durée de vie d’un téléphone, sur des téléphones qui n’ont plus de mises à jour de sécurité. Il faut reconnaître que ce n’est pas facile d’installer un Android alternatif, il faut se lever de bonne heure, ce n’est donc pas donné à tout le monde.
Graphene ne fonctionne que sur Pixel parce qu’ils ont estimé que c’est le téléphone le plus sécurisé au point de vue matériel, il y a des fonctions matérielles qui permettent de sécuriser beaucoup mieux, je pense que ce sont notamment des clés de chiffrement, des choses comme ça, qui n’existent sur aucun autre téléphone que les Pixel, à priori, ou très peu. C’est donc assez ironique qu’ils utilisent les téléphones vendus par Google pour cela, mais ils estiment que c’est un vrai plus au niveau sécurité.

Frédéric Couchet : Si je comprends bien, il y a une puce cryptographique, en tout cas une puce qui permet d’avoir des fonctionnalités de sécurité supérieures. Si je cite l’article du Parisien : « Le logiciel, GrapheneOS, peut effacer toutes les données du téléphone en affichant une fausse page de Snapchat, par exemple, quand un cyber-enquêteur tente d’entrer dans sa mémoire ou de le décrypter. » C’est ce que dit l’article du Parisien, je ne sais pas si c’est vrai.

Pierre Beyssac : C’est ce que dit Le Parisien. De ce que j’ai compris, c’est une application supplémentaire. Il n’y a pas ça de base dans GrapheneOS, c’est probablement un développeur tiers qui a fait cette application.
Le reportage de France 2 montrait aussi qu’il y a aussi des plateformes de vente de téléphones orientées, entre guillemets peut-être pas narcotrafiquants, mais orientées sécurité, à minima, qui vendaient des téléphones déjà préinstallés avec GrapheneOS, avec probablement des applications un peu comme celle-ci pour effacer le téléphone. Mais à priori, vous pouvez effacer n’importe quel téléphone Android comme vous le souhaitez en le remettant à zéro. C’est plus ou moins compliqué suivant les téléphones, notamment quand on veut réinstaller un autre Android, il faut déjà remettre le téléphone à zéro, donc ces fonctions-là existent dans tous les téléphones, littéralement, ce n’est même pas l’OS, c’est le téléphone lui-même qui le fait.

Frédéric Couchet : Sur le salon web, Artlog nous précise que Google Pixel permet de changer la clé de signature, que c’est un des rares mobiles à pouvoir le faire.
Magali.

Magali Garnero : Je voulais rajouter que si vous voulez changer le système d’exploitation de votre téléphone, n’hésitez pas à aller aux événements organisés par les GULL, les Groupes d’utilisateurs et d’utilisatrices de logiciels libres, qui font des permanences ou des install parties un peu partout. C’est souvent pour les ordinateurs, mais de plus en plus de bénévoles savent s’occuper aussi des téléphones portables.

Frédéric Couchet : Je vais citer à nouveau l’article du Parisien, plutôt le policier qui a été interviewé, je sais pas si ça a un rapport, je vous demanderai de réagir parce que ça me paraît intéressant dans l’évolution des enquêtes aujourd’hui : « Quand GrapheneOS est présent sur un téléphone mobile, ce système constitue un indicateur clair de sophistication technique et d’intention de dissimulation. » Ça veut dire que si vous allez à une manifestation aujourd’hui, que vous avez GrapheneOS sur votre téléphone, il est peut-être conseillé de ne pas venir avec votre téléphone

Magali Garnero : De toute manière, il est conseillé de ne pas venir avec son téléphone.

Frédéric Couchet : De toute façon, il est conseillé de ne pas venir avec son téléphone, mais si, en plus, vous avez GrapheneOS et que vous vous faites arrêter par les flics, vous allez avoir un soupçon d’intention de dissimulation.

Pierre Beyssac : Il y a déjà eu une dérive judiciaire de ce type. Il y a déjà eu une audience il y a quelques années, j’ai oublié le nom exact : des gens se sont retrouvés en justice et, comme élément à charge, il a été retenu le fait qu’ils utilisaient une messagerie sécurisée de bout en bout. Tu veux protéger ta vie privée, on te considère comme…

Magali Garnero : C’était WhatsApp et Signal. Sous prétexte qu’on avait ça, c’est qu’on était suffisamment compétent techniquement et qu’on avait quelque chose à cacher. Tout le monde a WhatsApp ou Signal sur son téléphone, sauf quelques irréductibles Gaulois, et ce n’est pas parce qu’on a ça qu’on a quelque chose à cacher, ce n’est pas parce qu’on a ça qu’on est des terroristes. Ces gens-là avaient Signal sur leur téléphone et ils ont été accusés de terrorisme. Tout le monde peut utiliser une application à partir du moment où elle est bien faite. Ce n’est pas parce qu’on chiffre qu’on a quelque chose à cacher.

Pierre Beyssac : On n’a pas à se justifier de vouloir défendre la confidentialité de ses communications. C’est un droit fondamental.

Magali Garnero : Exactement. À la limite, ça devrait être compris par défaut.

Frédéric Couchet : Vincent, tu voulais réagir ?

Vincent Calame : Ça touche aussi à la responsabilité sociale des ingénieurs. Il ne faut pas juste dire « je fais ce logiciel-là parce que ça me fait plaisir de le faire », sans se poser la question de son utilisation. Mais inversement, quand on travaille pour aider des journalistes dans des systèmes totalitaires, c’est sûr que quand c’est cela l’objectif, il y aura un effet secondaire indésirable. C’est comme un médicament qu’on utiliserait dans un cadre frauduleux. C’est une balance avantages/inconvénients et, dans ce cas-là, la protection des sources dans un système totalitaire me semble effectivement quelque chose de fondamental. Que ce soit utilisé, après, par des narcotrafiquants, c’est finalement secondaire par rapport au but initial. Je pense que le but initial des personnes qui font ça est totalement sincère, il n’y a pas de problème de ce point de vue-là.

Magali Garnero : Surtout que, parfois, les données qui sont récupérées par les sites internet ou autres, sont des données débiles, pour faire de la publicité, pour faire des statistiques, pour savoir quels fonts on utilise. J’ai installé une appli bancaire sur mon téléphone et je n’aurais pas dû. Ce sont 40 trackers par jour, c’est chiant, et je ne vois pas pourquoi le fait que je l’utilise de telle ou telle manière va changer quoi que ce soit. Ce genre de chose m’énerve et je comprends que les gens aient besoin de se sentir sécurisés, en tout cas pas espionnés pour ce genre de données.

Pierre Beyssac : Sachant que les applications bancaires de beaucoup de banques refusent de s’installer sur un téléphone sur lequel il n’y a pas l’Android d’origine. Les banques veulent un téléphone ultrasécurisé, mais pour elles.

Magali Garnero : Ce sont les pires !

Frédéric Couchet : Conclusion, je vais finir de lire une partie l’article du Parisien, c’est toujours GrapheneOS qui parle, ou Le Parisien, je ne sais pas : « GrapheneOS n’est pas une entreprise mais une fondation. Elle souligne que sa solution est utilisée par les personnes ordinaires qui n’apprécient pas la manière dont les applications et les systèmes d’exploitation traitent leurs données – ce que vient de dire Magali. Elle ajoute que si des criminels utilisent des téléphones Google Pixel et GrapheneOS, c’est parce que ces solutions fonctionnent bien. Mais cela ne fait pas d’eux des complices. Les bandits et trafiquants utilisent aussi des couteaux, des voitures rapides – on ne cite pas de marque allemande –, de l’argent liquide, des choses qui sont aussi largement utilisées par des citoyens honnêtes », notent des représentants de GrapheneOS.

Pierre Beyssac : Dans le reportage de France Info, on voyait une voiture allemande et une moto ou un scooter probablement japonais, je ne sais pas, mais pareil, bien connu pour être puissant et utilisé par les narcotrafiquants.

Frédéric Couchet : Est-ce que quelqu’un de GrapheneOS répondait ou pas ? Sur le truc de France 2 que j’ai vu, je ne crois pas.

Pierre Beyssac : France 2 a été assez paresseux au sens où ils ont cité un bout de phrase de GrapheneOS qu’ils ont dû reprendre. Ça m’étonnerait qu’ils les aient interrogés directement, ils ont dû reprendre un autre article où GrapheneOS disait « d’après l’association, le système n’est pas utilisé que par des narcotrafiquants. ». Ils donnent quand même le son de cloche, c’est un peu enfoncer des portes ouvertes, mais c’est quand même mieux de l’avoir dit. Ils ont quand même cité une partie de la réponse de GrapheneOS.

Frédéric Couchet : OK. Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose avant qu’on conclue ?

Vincent Calame : Je ne sais si cette fondation vit avec des dons, mais elle va devoir contrôler l’origine des dons. Si un journaliste trouve que des dons sont suspects, il va s’en donner à cœur joie.

Pierre Beyssac : J’ai cherché sur le site pour essayer de trouver une information, ils sont assez discrets sur leur localisation. S’il y a une fondation, j’imagine qu’il y a une structure un peu formelle, déclarée dans un pays ou un autre, mais je n’ai pas trouvé les coordonnées.

Frédéric Couchet : OK. Je rappelle que vous retrouverez toutes les références qu’on a citées, articles, etc., sur la page de l’émission du jour, libreavous.org/261.
C’était donc le dernier Au café libre de 2025 avec Magali, Pierre et Vincent. Le prochain Au café libre aura lieu mardi 27 janvier, de nouveau avec Pierre et Bookynette. Vincent laissera sa place à une nouvelle recrue que nous aurons le plaisir d’accueillir, qui est Maud Royer, développeuse web, experte en stratégies numériques de mobilisation et de plaidoyer, militante et plaideuse pour les droits des femmes et des personnes trans et lesbiennes. Nous l’avions reçu en septembre 2024 dans un Parcours libriste, le podcast et la transcription sont disponibles sur la page libreavous.org/218. Nous aurons donc le plaisir d’accueillir Maud le 27 janvier pour le prochain Au café libre.
Merci à vous et on va faire une pause musicale

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Avant la chronique de Luk, nous allons écouter Aaron, par Gee, un choix de Bookynette. On se retrouve dans quatre minutes trente. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Aaron, par Gee.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Aaron, par Gee, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC By SA 4.0. C’est le même Gee que nous avons le plaisir d’avoir à la fois comme chroniqueur dans Libre à vous ! et dessinateur dans Le Lama déchaîné.

[Jingle]

Frédéric Couchet : Nous allons passer au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Chronique « La pituite de Luk » – « La première raclette de la saison »

Frédéric Couchet : La pituite de Luk est une chronique rafraîchissante au bon goût exemplaire qui éveille l’esprit et développe la libido. Il a été prouvé scientifiquement qu’écouter la pituite augmente le pouvoir de séduction, augmente le succès dans les affaires ou aux examens et décuple le sex-appeal. Retour de l’être aimé, il reviendra manger dans votre main comme un petit chien.
Je crois que jamais de Luk n’était allé aussi loin dans la provocation. Le thème du jour : « La première raclette de la saison ».

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Luk : C’est bizarre, depuis quelques semaines, j’ai croisé au moins trois personnes qui ont annoncé avec satisfaction qu’elles avaient ou allaient se taper leur première raclette de la saison. Je sais que ces derniers temps la raclette a beaucoup gagné en popularité, mais ça commence à ressembler à une sorte d’institution.
Le premier truc qui me chiffonne, c’est que si c’était si fabuleux que ça, pourquoi attendre ? Rien ne s’oppose à une bonne raclette estivale sur la plage au soleil couchant.
Le second truc, c’est qu’en réalité, la raclette ce n’est pas vraiment bon, et je ne parle pas que de l’effet sur le taux de midi-chloriens que ça génère dans notre sang. Ce n’est, gustativement, pas fou en réalité, d’autant moins qu’on le fait rarement avec du fromage et de la charcuterie de qualité. Mais voilà, pas besoin de cuisiner, c’est ludique et, surtout, c’est gras et salé. Que demander de plus ? Du sucre sans doute !

Dans le registre des plats montagnards qui suintent bon la tradition savoyarde, il y a aussi la tartiflette. Sauf que j’ai découvert, au détour d’un article de Wikipédia, que la tartiflette date des années 80. C’est le fruit d’un plan marketing pour relancer les ventes de reblochon : du fromage fondu, de bêtes patates, un peu de cochon mort et hop, les skieurs sont conquis. Quarante ans plus tard, c’est aussi devenu un plat traditionnel bien de chez nous.
En fait, ça donne l’impression que le fromage fondu est la clé du succès. Personne ne veut ingurgiter un vieux reste de pâtes qui traîne au fond du frigo, mais qu’on en fasse un gratin et il devient très appétissant. Ça vous paraît stupide ?

Il y a deux entités célèbres qui répondent au nom de Poutine, une seule a du fromage fondu dessus et on sait bien que c’est celle-là que vous préféreriez avoir à manger chez vous. Je suis convaincu que si, en 2022, Vladimir avait envahi l’Ukraine coiffé de korall coulant sur son crâne chauve, la population l’aurait accueilli en libérateur, comme il l’espérait !

Je crois qu’on pourrait aussi faire avancer la cause de l’informatique libre en faisant couler du fromage fondu dessus.

OK, vous n’êtes toujours pas convaincus et désespérez que cette chronique ait un vrai lien avec l’informatique. J’en ai peut-être un et sans quitter l’industrie laitière : les robots automatiques à traire. J’ai eu la chance de visiter un élevage de vaches laitières qui s’est doté de deux robots. Les pis de chaque vache ont été scannés en 3D, la vache qui se présente est identifiée par une puce RFID, le robot vise les pis avec une sorte de laser pour se caler sur leur position, même quand la vache bouge. Il analyse ensuite la qualité du lait et en mesure la quantité. C’était impressionnant, mais ça n’a pas empêché la bécane d’essayer de traire le bout de la queue de la vache qui traînait un peu trop près des pis. Mais, globalement, ça fonctionne et les vaches se font traire quand elles en ont envie et sont donc plus détendues. Mais elles ignorent qu’elles doivent produire 17 kg de lait par jour pour rentabiliser la machine. Si elles ne sont pas assez productives, elles partent à l’abattoir !
C’est un peu une allégorie de la société néolibérale, finalement. Et si c’est vrai pour la traite des vaches, on doit pouvoir le faire avec du fromage fondu.

Par exemple, j’ai le malheur de travailler avec une solution de gestion de tickets calamiteuse. L’interface boiteuse permet instantanément de comprendre que les gens qui commettent ça ont du fromage non pas sur le sommet du crâne mais entre les deux oreilles. Ça ne les a pas empêchés de tenter le coup de la première raclette de la saison en ajoutant un bouton « IA » dans un coin. Moi, je voudrais juste un moteur de recherche qui soit capable de retrouver un ticket autrement qu’avec son numéro tout entier et bien complet.

La semaine dernière, j’ai fait quelques ateliers de travail avec des collègues et ça a été l’occasion de voir comment ils se servent de l’IA à laquelle je ne suis toujours pas parvenu à trouver une utilité.
Premier usage : s’en servir comme d’un moteur de recherche. Comme pour la raclette, c’est simple, c’est ludique et la réponse satisfait l’appétit de notre curiosité.
Le second usage a également démontré comment ces mêmes IA rendent les moteurs de recherche de moins en moins praticables. Ils étaient déjà largement « merdifiés » par la pub, mais désormais, sur certains sujets, les sites générés à profusion bouchent les artères de l’information. L’IA nous offre une solution à un problème qu’elle a elle-même créé. Trop bien !

Avec un collègue, nous cherchions donc une formule de tableur pour régler un problème quelconque. Il utilisait une IA qui lui donnait les mêmes réponses que la profusion de sites générés que je trouvais sur DuckDuckGo. Problème, cette solution ne fonctionnait pas. Puis, en page 5, j’ai enfin découvert la trace d’un forum phpBB du fin fond de l’Internet humain, vieux d’il y a 5 ou 10 ans, avec une solution simple et efficace.

Intelligence humaine 1, fromage fondu 0.

[Virgule sonore]

Frédéric Couchet : C’était la chronique « La pituite de Luk » que nous retrouverons en janvier 2026 pour la prochaine.

Nous approchons de la fin de l’émission nous allons terminer par quelques annonces

[Virgule musicale]

Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre

Frédéric Couchet : Je vous rappelle que les liens utiles concernant les annonces de fin sont sur la page consacrée à l’émission du jour, sur libreavous.org/261, ou dans les notes de l’épisode si vous nous écoutez en podcast.

Je vous rappelle la campagne de soutien financier de l’April, Le Lama déchaîné. Nous sommes aujourd’hui mardi 25 novembre, donc le prochain numéro c’est mercredi 26 novembre. Si vous nous écoutez en podcast, ça sera le numéro d’après, le mercredi d’après, que vous retrouverez sur le site april.org.

Le week-end des 6 et 7 décembre 2025, à la Cité des sciences et de l’industrie, il y a un Premier Samedi du Libre version XXL. En général c’est uniquement le samedi, là ce sera samedi et dimanche. Des bénévoles vous aideront à installer et à paramétrer des logiciels libres, une distribution libre sur votre ordinateur ou sur un téléphone mobile, peut-être même GrapheneOS si vous venez avec un Google Pixel. Par contre, à la sortie faites quand même attention à la police !

Côté Cause Commune, on vous propose un rendez-vous convivial chaque premier vendredi du mois à partir de 19 heures 30 dans les locaux, au studio de Paris, au 22 rue Bernard Dimey dans le 18e arrondissement. Une soirée radio ouverte avec apéro participatif à la clé. L’occasion de découvrir le studio, de rencontrer les personnes qui animent les émissions. La prochaine soirée radio ouverte aura lieu vendredi 5 décembre 2025.

Notre émission se termine.

Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission du jour : Magali Garnero dite Bookynette, Pierre Beyssac, Vincent Calame, Luk.
Aux manettes de la régie aujourd’hui, Isabella Vanni.
Merci également aux personnes qui s’occupent de la post-production des podcasts : Élodie Déniel-Girodon, Lang 1, Julien Osman, bénévoles à l’April, Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio.
Merci également aux personnes qui découpent les podcasts complets des émissions en podcasts individuels par sujet : Quentin Gibeaux, Théocrite et Tunui, bénévoles à l’April.

Vous retrouverez sur notre site web, libreavous.org/261, toutes les références utiles de l’émission du jour ainsi que sur le site de la radio, causecommune.fm, ou dans les notes de l’épisode si vous écoutez en podcast.
N’hésitez pas à nous faire des retours.

Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission.
Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et à faire connaître également la radio Cause Commune, la voix des possibles.

La prochaine émission aura lieu en direct mardi 2 décembre à 15 heures 30. Notre sujet principal portera sur les stratégies logiciels libres des villes de Lyon et de Grenoble.

Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 2 décembre et d’ici là, portez-vous bien.

Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.

Média d’origine

Titre :

Émission Libre à vous ! diffusée mardi 25 novembre 2025 sur radio Cause Commune

Personne⋅s :
- Frédéric Couchet - Luk - Magali Garnero - Pierre Beyssac - Vincent Calame
Source :

Podcast

Lieu :

Radio Cause Commune

Date :
Durée :

1 h 30 min

Autres liens :

Page de présentation de l’émission

Licence :
Verbatim
Crédits des visuels :

Bannière de l’émission Libre à vous ! de Antoine Bardelli, disponible selon les termes de, au moins, une des licences suivantes : licence CC BY-SA 2.0 FR ou supérieure ; licence Art Libre 1.3 ou supérieure et General Free Documentation License V1.3 ou supérieure.
Logo de la radio Cause Commune utilisé avec l’aimable autorisation d’Olivier Grieco, directeur d’antenne de la radio.

Avertissement : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant⋅e⋅s mais rendant le discours fluide. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.