Quelles alternatives pour se libérer des GAFAM Pas Sage en Steïr

Déjà, je voudrais remercier le Centre des Abeilles [1] d’accueillir cet événement, il n’y en a pas beaucoup, il a donc beaucoup de valeur. Je voulais remercier Brigitte d’avoir organisé tout ça et remercier toutes les personnes d’être venues et toutes les personnes qui animent à côté de moi cet événement.
Il faut que je fasse quelque chose pour les slides ? C’est beau, c’est la technique.
Il faut savoir qu’à l’April, puisque je suis aussi membre de l’April, je suis même présidente de l’April, nous sommes maudits techniquement sur toutes nos conférences. À chaque début de conférence, on a un problème technique. Là c’est fait, maintenant on va pouvoir y aller. je vois que ma collègue Isabella se marre, elle peut confirmer.

Je me présente, je suis Magali Garnero, mais, dans ma communauté, je suis plutôt connue sous le nom de Bookynette, book, parce que je suis libraire, « nette » parce que je fais moins d’un mètre soixante. C’est facile à retenir.

C’est quoi les GAFAM ? C’est quoi le problème ?

C’est quoi le problème des GAFAM ?
Je parle de GAFAM, Arnaud parlait de Bolloré, c’est le même combat. Dans les semences, on aura d’autres entreprises, dans la pharmaceutique, on aura d’autres entreprises, c’est toujours le même problème, c’est Goliath contre David. Nous sommes David, manque de pot. Ou plutôt, tant mieux pour nous, parce que nous sommes très nombreux.
Dans le numérique, on se bat contre les GAFAM : Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft. On peut rajouter Twitter, pardon X. On pourrait en rajouter plein d’autres, mais on va déjà se limiter à ces cinq-là.
Techniquement, ils ont un monopole monstrueux. Tout le monde les utilise, tout le monde s’accroche à ce qu’ils font. J’ai une mauvaise nouvelle : ils se basent énormément sur les logiciels libres.
Y a-t-il des gens qui ne savent pas ce qu’est le logiciel libre ici ? C’est merveilleux. Tant mieux.
Eux les utilisent et pas nous, c’est bizarre, ça devrait être le contraire, mais eux les utilisent.
Économiquement pareil, ils sont très forts, ils sont très puissants. D’ailleurs, ils sont incontournables. Ils ont l’argent. Ce sont les premières cotations boursières. Avant c’était Total, Elf, tout ce qui était pétrole, maintenant ce sont eux.
Culturellement aussi, tout le monde les connaît. Même quand on ne les utilise pas, on les connaît. Et comme tout le monde les utilise, ils peuvent plus ou moins monopoliser notre attention, nous dire quoi penser, quoi voir et ainsi de suite, et nous sommes totalement embrigadés par ce qu’ils vont nous transmettre. C’est ce que disaient tout à l’heure Isabelle Attard et Timothy Duquesne [2]. Ils nous font penser ce qu’ils veulent que nous pensions. On est foutu !
Et puis politiquement ! Pour l’April, avoir un rendez-vous avec un élu, c’est compliqué. Eux en ont à peu près une vingtaine par jour en Europe, je ne vais pas plus dans les détails. Ils ont l’oreille de nos politiques et nous, nous n’avons pas du tout cette chance-là.
Le fait qu’ils soient présents, qu’ils nous dominent, parce qu’on peut parler de domination numérique, fait qu’ils vont pouvoir gérer alors notre « Jardin numérique », comme disait Mindiell ce matin [3], c’est-à-dire qu’ils vont centraliser toutes nos données, ils vont capter notre attention. Qui n’a pas déjà passé plus d’une demi-heure sur un réseau social à scroller bêtement ? Je l’ai fait et j’en ai honte.
Ils vont pouvoir nous manipuler, en tout cas, ils vont manipuler notre opinion.
Et, bien sûr, il y a un mot barbare, le capitalisme de surveillance, c’est-à-dire qu’ils vont pouvoir surveiller tout ce qu’on fait et nous proposer plein de choses dont on n’a pas besoin. Je ne vais pas rentrer dans le détail du capitalisme de surveillance, mais, si ça vous intéresse, il y a un super article de Christophe Masutti [4], qui fait partie de Framasoft, qui en parle beaucoup mieux que moi et j’ai beaucoup moins de temps que lui.

Les GAFAM. Vous connaissez forcément les logos. We love <3 your data !. Si cette image vous intéresse, elle est en sticker à l’entrée du Centre du numérique. Il y a plein de stickers très amusants comme ça.

Il y a quelques années, l’association Framasoft, dont je fais partie, a décidé de se dégoogliser [5]. On a essayé de sortir de Google, mais, au fur et à mesure des années, on a aussi essayé de sortir de ces cinq GAFAM.
Je vais essayer de faire quand même un petit quelque chose, de m’appesantir sur les GAFAM, je m’étais dit que je ne le ferais pas parce que c’est assez anxiogène, mais je continue.

  • Google. Ses produits sont gratuits. C’est devenu une régie publicitaire, ce qui fait qu’il vend vos données pour s’enrichir. Et vu comme il est riche, vous pouvez imaginer le nombre de données qu’il peut avoir.
  • Amazon. J’enlève ma casquette de libraire, parce que vous allez dire que je ne suis pas objective. Amazon est le pire employeur du monde. Il encourage la délation, il fait les trois-huit, il maltraite ses salariés, c’est une horreur. Le jour où la politique d’Amazon arrive en France, je pense que tout le monde voudra devenir chômeur.
  • Facebook. Manipulation des opinions. On vous fait lire ce qu’on a envie que vous lisiez pour que vous pensiez ce qu’on a envie que vous pensiez. Pareil, c’est horrible. C’est comme la presse dont parlaient Timothy et Isabelle.
  • Apple. Oui, ils font du bon matériel, je ne peux pas le dire le contraire puisque plein de gens me le disent. Mais vous êtes totalement enfermé dans une prison dorée, vous ne pouvez utiliser que leurs logiciels, vous n’avez aucune liberté avec Apple.
  • Et Microsoft ? Comment vous dire ? Avez-vous entendu parler de ce fameux Windows 11 qui va arriver bientôt ? C’est magnifique, c’est le progrès. Grâce à Windows 11, plein d’ordinateurs qui sont sous Windows 10 ne pourront plus fonctionner. Vous me direz que c’est normal, c’est le progrès et ainsi de suite. J’ai cru comprendre que des ordinateurs vieux de trois ans, quatre ans ne fonctionneront plus. Vous imaginez ! Un ordinateur a une durée de vie à peu près de 10 à 12 ans, j’en ai un depuis 14 ans ! Donc, au bout de deux ou trois ans il est obsolète et bien sûr, toutes nos administrations sont sous Windows, et bien sûr, toutes nos administrations vont devoir changer du matériel neuf, qui fonctionne. On va se consoler en se disant que ce matériel va aller dans des associations comme le Centre des Abeilles, comme Antanak [6], qui vont pouvoir le donner à des personnes qui en ont besoin en installant du GNU/Linux, du Ubuntu, du Debian et ainsi de suite, donc du Libre, mais vous imaginez le gâchis ! Je crois que, dans l’éducation, 18 000 postes vont être remplacés, juste dans l’éducation. Je pense qu’il y en aura beaucoup plus. Je pense qu’on peut même multiplier ce nombre par 100, peut-être par 1000. Bref, il va y avoir un gâchis de matériel, d’argent, de plein de choses, juste parce qu’une entreprise américaine a décidé de changer son système d’exploitation qui, c’est étonnant, ne sera pas valable sur du matériel qui a trois ans, allez de trois à dix ans. Une entreprise américaine va pénaliser un nombre incroyable de personnes qui ont des ordinateurs sous Windows 10. Dans le genre gâchis. Incroyable ! Bref. Excusez-moi, c’était le moment colère.
    Comme je fais aussi partie de l’April, l’association pour la promotion et la défense du logiciel libre, qu’on fait beaucoup de plaidoyer politique, je pense qu’à la fin des vacances, vous allez nous entendre râler fortement avec plein d’autres associations.

Enquête de l’Observatoire des multinationales

Pour rentrer dans le détail de ce que je viens de dire, il y a un truc extraordinaire. Je cite une association qui s’appelle l’Observatoire des multinationales, qui a fait un super rapport sur le numérique, GAFAM Nation, [7] qui montre comment ces associations du numérique récupèrent vos données, grâce à qui, quelles sont les lois qui sont passées, quels sont leurs lobbyings, quel budget elles dépensent et, bien sûr, que deviennent nos politiciens une fois qu’ils ne sont plus politiciens, par qui ils sont rachetés, pardon, par qui ils sont employés.
Ce rapport fait 40 pages et rien que la page d’accueil est flippante. Voilà, c’était histoire de vous déprimer, je pensais que vous ne l’étiez pas assez !

Historique

Je vous le disais tout à l’heure, heureusement qu’il y a des alternatives.
J’ai bien aimé quand Isabelle a parlé de boycott, parce que c’est exactement ce que je vais vous proposer, de boycotter les services de ces GAFAM.

D’abord, je vais vous parler de logiciel libre. Il existe énormément de logiciels libres pour remplacer les logiciels de ces entreprises. J’aime bien dire « les logiciels privateurs », vous entendrez « propriétaires » par certains. Je dis « privateurs » parce que les logiciels de ces entreprises vous privent de vos libertés. Vous n’avez pas le droit de faire ce que vous voulez avec ces logiciels-là. Moi je vous propose de vous rendre votre liberté en utilisant des logiciels libres.
Le logiciel libre, pour résumer vite fait, est

  • un logiciel que vous pouvez utiliser qui que vous soyez, où que vous soyez, quel que soit le modèle, le matériel que vous avez en main ;
  • un logiciel que vous pouvez étudier. Moi je ne vais pas les étudier, je suis nulle en informatique, je vous l’ai dit, je suis libraire, donc je peux pas les étudier, mais je peux faire appel à des informaticiens, ils sont très nombreux autour de nous, nous ne sommes pas seuls, qui peuvent étudier le code source du logiciel. Ça devient un tout petit peu technique, mais je vais pas trop faire ;
  • un logiciel que ces informaticiens vont pouvoir améliorer pour l’adapter à vos besoins, donc l’amélioration est aussi une liberté ;
  • un logiciel que vous pouvez distribuer. Ma liberté préférée, la quatrième ou la numéro 3 selon la façon dont on compte, puisque les informaticiens commencent toujours par 0 – 0, 1, 2, 3 –, alors que les autres gens font 1, 2, 3, 4, bref, c’est la liberté de distribution : un logiciel que vous avez utilisé, que vous avez peut-être modifié pour l’adapter, vous pouvez le distribuer à qui vous voulez, où vous voulez, quand vous voulez, le nombre de fois que vous voulez.

Vous voyez ce que je veux dire : dans le sens des libertés, on fait vraiment ce qu’on veut du moment qu’on respecte la licence. Je ne rentrerai pas dans le détail des licences.

En 2014, l’association Framasoft décide de se dégoogliser, c’est-à-dire de sortir de Google. Google propose pas mal de services gratuits, vous connaissez forcément Gmail ; vous connaissez forcément Google Drive avec des pads, des calcs, etc., il y en a sûrement d’autres, mais, comme je ne les utilise plus, je ne les connais pas. Bref, on vous propose des services en ligne gratuits, c’est génial, sauf que vous ne savez pas ce qu’ils font derrière. Donc à Framasoft on s’est dit « allez, hop, on sort de Google et on fait autre chose. »
C’est génial, parce qu’il y a tellement de logiciels libres, qu’on devait piocher pour voir quels sont ceux qui correspondaient à nos besoins. Et on commence à mettre en place quelque chose que je vais vous montrer après, des plateformes où vous pouvez utiliser des services en ligne.

Où trouver des logiciels alternatifs ? Où trouver des alternatives en ligne ?

On commence à chercher des logiciels libres pour remplacer ceux qu’on utilise.

Je vous montre Framalibre [8] , framalibre.org, qui est un site internet, c’est là où on allait chercher les logiciels et comme on les a cherchés, testés, on les a proposés au grand public. Avant, ça s’appelait le Framannuaire, quelqu’un me fait « oui ». Dès le départ, Framasoft avait pour mission de faire de l’éducation populaire, donc de mettre à disposition du grand public des services qui avaient été testés pour qu’il puisse les installer. Donc Framalibre, Framannuaire, on va dire que ça a changé de nom entre-temps. Suivant ce dont vous avez besoin, vous trouvez des logiciels. Vous avez besoin de faire de la visioconférence, vous trouverez un logiciel qui fera de la visioconférence ; vous a besoin d’un traitement de texte participatif, dans ce site vous trouverez différents traitements de texte participatifs.
Au départ, j’avais prévu de vous demander ce que vous utilisez et de vous trouver le correspondant, mais je pense que je me suis fait une entorse au doigt et je suis incapable de taper au clavier. Ce n’est pas grave, tout va bien. Bref, si vous voulez, allons-y : quels sont les outils des GAFAM que vous utilisez et dont vous aimeriez bien vous débarrasser ? Les gens sont timides.
Moi, déjà, j’aimerais bien me débarrasser d’Excel. Je le déteste. Donc en tapant « excel » dans cette petite barre de recherche, vous allez avoir des propositions. Vous allez avoir LibreOffice Calc, un logiciel que vous pouvez installer sur votre ordinateur, très facilement, et qui fera la même chose. Comme, à Framasoft, nous sommes assez gourmands, on en a rajouté plein d’autres. Donc, si le premier ne vous convient pas, vous pouvez toujours en essayer un deuxième.
De quoi a-t-on envie de se débarrasser ?
Un logiciel de généalogie. Allez, on teste. Eh bien voilà : Gramps, Ancestris, Ancestromania.
Un autre test, parce que déjà je n’étais pas hyper contente sur ça. Qu’est-ce que tu as dit ? Je me retourne vers mes potes de Frama, n’y avait-il pas un truc genre « porn quelque chose » ? Framaporn ? Je ne suis pas sûre que tu trouves ce que tu veux, mais ça existe.

Public - Aeris : Weboob [Web Outside Of Browsers]. [À l’origine pour se passer des plateformes de porno propriétaires en scrappant les sites officiels, Note de Aeris]

Magali Garnero : Voilà, c’est du Libre et c’est cadeau. C’est un service internet ? OK.

Donc une astuce de boycott des GAFAM, c’est de ne pas utiliser leurs services et d’installer sur son ordinateur d’autres solutions. Et là, vous allez me dire « oui, mais moi, techniquement, ce n’est pas trop mon truc. Je ne veux pas avoir à installer ou à maintenir quoi que ce soit, parce que je ne sais pas faire, parce que je n’ai pas le temps, parce que ma souris ne veut pas venir là où je veux qu’elle vienne. » C’est une bonne raison de ne pas le faire.

À Framasoft, quand on a réussi à se Dégoogliser entièrement, on a lancé une campagne qui s’appelait Dégooglisons Internet dont le but était de montrer aux gens comment on avait fait et de commencer à proposer des services en ligne, c’est-à-dire que vous n’avez plus besoin d’installer quoi que ce soit sur votre ordinateur et c’est cool, parce que, du coup, il n’y a rien à maintenir, il n’y a rien à installer. Vous pouvez utiliser ces services uniquement en ouvrant votre navigateur. Le navigateur, c’est le logiciel qui va vous permettre d’aller sur Internet et d’aller de site en site.
Nous avons donc ouvert notre expérience par ce site internet, donc les gens pouvaient venir tester ces logiciels libres. Astuce, on n’a pas toujours besoin de passer par un moteur de recherche, il suffit de taper l’URL en haut, typiquement degooglisons-internet.org, et ça fonctionne. Je le dis parce que j’ai plein de clients qui vont automatiquement sur Google. Ce n’est pas obligatoire. Si vous avez l’URL du site, vous n’êtes pas obligé de passer par le navigateur. Bref, Dégooglisons Internet.
Les dessins sont de David Revoy, c’est pour cela que c’est beau. C’est rare que ce soit beau dans le logiciel libre. Là, c’est le cas, donc, j’en profite. David Revoy, source sûre, qui nous a fait pas mal de sites. Sur ce site, vous trouviez des logiciels libres que vous n’atteigniez que par le navigateur, on va donc appeler ça des services en ligne pour faire la différence – logiciel sur votre ordinateur, service, l’ordinateur de quelqu’un d’autre – qui vous permettaient de faire d’autres choses. Typiquement :

  • Signature PDF pour lire les documents qui sont en PDF sur votre ordinateur, vous n’êtes pas obligé d’installer Adobe ;
  • Framapétitions pour faire des pétitions :
  • Framindmap pour voir des cartes heuristiques, je ne sais si vous connaissez, il y a des gens qui ont besoin de faire des schémas avec des mots. Carte mentale ça vous parle plus ;
  • Framacarte pour remplacer Google Maps.

Sur ce site-là, à chaque fois que vous proposiez un logiciel, l’ancien nom du logiciel que vous vouliez remplacer, vous aviez le nouveau et une explication. À chaque fois il y avait une explication, parce que c’est bien de vous dire « regarde, il y a ce truc qui existe », si on ne vous explique pas comment ça marche, vous n’avez aucune raison d’y aller. J’aime bien être prise par la main quand j’apprends un nouveau service.
On a donc commencé à proposer plein de services, comme ça, pour permettre aux gens de se « dégoogliser » et ça a très bien fonctionné. Ça a tellement bien fonctionné que nos serveurs ont été envahis. On a failli se crasher et on s’est dit « on ne va pas devenir le Google français. On va essayer d’essaimer et de déléguer tout ça. » On a contacté plusieurs associations, j’aime bien dire des Groupes d’Utilisateurs de Logiciels Libres, des GULL, surtout des associations pour qu’elles nous aident, qu’elles fassent la même chose que nous, c’est-à-dire proposer des services en ligne. Et, en 2016/2017 a été créé CHATONS [9]. Il y en a qui connaissent les chatons ?
Parmi ceux qui connaissent CHATONS, est-ce qu’il y a des chatons parmi nous ? Ne soyez pas timides, j’en connais qui ne lèvent pas la main !
Pour ceux qui ne connaissent pas, déjà les chatons vont sauver internet et CHATONS est le Collectif d’Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires. Vous verrez souvent que dans le logiciel libre, on aime bien choisir des acronymes amusants, on aime bien faire de l’humour. Mindiell nous a présenté ce matin le wiki qu’il a fait, il l’a appelé Rikiki. Nous sommes fans de ce genre d’humour.
Donc CHATONS est un collectif de plusieurs associations, je ne sais pas combien actuellement, parce qu’il y a des portées très régulières, forcément, des chatons ça fait des portées. Je me tourne vers les gens qui sont chatons : combien êtes-vous maintenant ? Entre 50 et 100. En fait, régulièrement ça remonte, ça redescend, ça remonte, ça redescend. Ils sont super nombreux. Si vous allez sur chatons.org, chatons au pluriel, donc pas besoin d’un navigateur, vous arrivez sur ce site-là et vous allez pouvoir, comme tout à l’heure avec Framalibre ou, comme je vous ai montré très rapidement et avec Dégooglisons Internet, choisir les services que vous voulez remplacer. Vous n’avez toujours rien à installer, vous êtes avec votre navigateur et vous atteignez l’ordinateur d’un des chatons. Alors bien sûr, il faut avoir confiance dans ce chaton-là. Mais avez-vous réellement confiance dans les services de Google ? Moi pas !
La plupart des chatons sont des associations. Ça peut être des particuliers, ça peut être des entreprises, qui se sont toutes et tous engagés à signer une charte dans laquelle ils reconnaissent ne pas utiliser vos données, ne pas vous donner de pubs.
Il y a des chatons gratuits, des chatons payants, ça dépend vraiment des services dont vous aurez besoin. Mais, dans tous les cas, ça vous permet de boycotter les services des GAFAM, c’est donc toujours une bonne action.
L’avantage aussi avec les chatons, c’est leur proximité. S’il y a un chaton à côté de chez vous, au hasard, si vous êtes en Bretagne, pas trop loin de Brest, il y a le chaton Infini [10]. Il y a un bébé chaton par là, il y a un autre petit chaton là-bas. Ils proposent énormément de services. Si vous avez un problème, vous pouvez aller leur taper dessus. Ils font même des permanences. En plus, ils ont du café ! Donc, en gros, on retrouve la proximité qu’on avait perdu en faisant appel aux GAFAM, parce que si vous avez un problème, allez envoyer un message à Google ! Je vous rappelle qu’ils sont aux États-Unis. Oui, il y a un Google France, je vous défie de les rencontrer.
Après, vous pouvez choisir un chaton selon d’autres critères, genre je veux qu’il ait un nom rigolo, je veux que ce soit uniquement une association, je veux qu’il propose un hébergement, sans passer par Gandi ou quoi que ce soit. Il y a un moteur de recherche.
Tous ces chatons sont là pour vous aider – aide, entraide – donc ils vont vous aider à sortir des GAFAM. 

Qu’est-ce qui se passe si je veux chercher un service ? Parce que, forcément, on veut se débarrasser des services de Google qu’on utilise ou de Facebook ou de quoi que ce soit. Quel service je cherche ? Qu’est-ce qu’on utilise dont on veut se débarrasser ?
Zoom. Pour celles et ceux qui ne connaissent pas Zoom, c’est le truc qu’on vous propose partout pour faire de la visioconférence où, souvent, il faut soit vous créer un compte, soit ne pas être sous une distribution libre. Si vous créez un compte, bien sûr on absorbe toutes vos données.
J’entends souvent « mais moi, je n’ai rien à cacher. », il y a eu un fou-rire à côté de moi. Vous avez tous des contacts, des amis, un répertoire avec leurs adresses mail, leurs numéros de téléphone. OK. Est-ce que ces amis sont d’accord pour que vous donniez leurs noms, leurs numéros de téléphone, leurs adresses mail et compagnie ? Posez-vous toujours la question. Vos données ne concernent pas que vous, elles concernent aussi les gens que vous fréquentez.
Visioconférence. Si on veut faire de la visioconférence, tous ces chatons-là vont vous en proposer, avec un truc génial, le logiciel qu’ils utilisent, et encore un truc mieux, l’URL, l’adresse du site que vous allez pouvoir copier-coller toujours sans passer par votre moteur de recherche. J’insiste beaucoup sur le côté du moteur de recherche parce que, malheureusement, il n’existe pas vraiment encore – je sens que je vais être contredite par mon expert – de vrai moteur de recherche éthique, libre, qui ne va pas vous espionner et récupérer vos données.
On va m’en citer plein. Vous avez le droit de me citer DuckDuckGo. Eh bien non ! Je regarde mon expert, il me semble que DuckDuckGo n’est pas un vrai moteur de recherche, il utilise un autre moteur de recherche pour faire ce qu’il fait et, dans mes souvenirs, c’est Bing et Bing c’est Microsoft. Pas de chance.
Qu’est-ce qu’on a d’autre comme moteur de recherche qu’on pourrait utiliser ? Qwant. À une époque, j’étais à fond dans Qwant, parce que je croyais que c’était un vrai moteur de recherche. Eh bien, c’est Bing aussi.
Yandex, je ne le connais pas, c’est russe et c’est pareil, c’est pire. Ça dépend. En ce moment, on est plutôt antirusse que anti-CIA. Je ne suis pas sûre. Je crois que depuis le premier janvier, c’est pareil maintenant.
En fait, il n’existe pas réellement de moteur de recherche libre. Si, peut-être un, Wikipédia. Ça vous scotche ! Si vous faites une recherche sur Wikipédia, vous tomberez forcément sur un article et, dans cet article, il y aura le site internet associé à l’article. Par exemple, vous cherchez une entreprise ou quoi que ce soit, il y aura forcément le site internet de l’entreprise sur l’article de Wikipédia. C’est ce que j’impose à mes collègues en ce moment, c’est très drôle : Wikipédia pour faire une recherche sur un bouquin. On en a d’autres. Je leur demande surtout de connaître les URL maintenant, vu qu’on va toujours sur les mêmes sites, on peut se passer d’un moteur de recherche. Je le redis : on peut se passer d’un moteur de recherche, on a ce qu’il faut. Bref !

Je reviens ici.
Si vous choisissez l’une des URL, vous pourrez faire de la visioconférence avec vos amis sans passer par Google Talk, ou Zoom ou, c’est quoi l’autre horreur ? Teams, Microsoft Teams, c’est Microsoft. Quoiqu’on vous propose, c’est très facile de trouver à qui ça appartient, c’est un des cinq GAFAM, dès que c’est numérique, c’est un des cinq GAFAM, sauf si vous passez par des chatons.

On sent que j’ai une souris. Je ne maîtrise pas du tout les raccourcis clavier, à part le CTRL-W qui me permet de fermer un onglet sur Internet. Je suis patronne de ma propre librairie, le jour où ma patronne vient me taper dessus, c’est que je serai devenue maso.

Rencontrer des gens

Installer des logiciels ou utiliser des services, c’est super bien, mais parfois on n’y arrive pas. Et puis, parfois, ce n’est pas l’outil qu’on veut, c’est la relation humaine. Je suis commerçante, si vous m’enlevez la relation humaine, forcément je suis déprimée, pas parce que je ne fais pas de chiffre d’affaires, juste parce que j’ai besoin d’être au contact des gens, et je me suis dit que ce serait peut-être bien que je donne aussi des astuces : comment trouver des gens qui peuvent vous aider à maîtriser ces alternatives.

La première qui est toute pixelisée, c’est L’Agenda du Libre [11]. C’est très simple, agendadulibre.org. C’est un agenda qui est mis en place par l’April, en tout cas qui est maintenu par l’April, avant c’était un autre libriste, qui peut vous permettre de trouver tous les événements qui sont organisés partout en France, même un peu en Europe et même un peu au-delà, puisque ça fait aussi d’autres régions francophones.
Tout en haut, il y a un onglet « Organisations », qui vous permet de trouver les associations dont je vous parlais tout à l’heure, les Groupements d’Utilisateurs et Utilisatrices de Logiciels Libres, ça recense aussi les chatons qui sont autour de vous, c’est assez récent, je suis contente, ça m’a pris trois jours ; ça recense aussi certaines entreprises, ça recense aussi certains tiers-lieux. Si vous avez besoin de compagnie, d’aide, d’entraide ou même si vous, vous avez envie d’aller donner des coups de main, agendadulibreorg.

Ça, c’est un logo que je ne mets pas souvent [Logo du Centre des Abeilles, NdT], il faut vraiment que je sois à Quimper pour le mettre, je pense que vous le connaissez tous, oui, vous le connaissez tous. Je vais quand même vous en parler, parce qu’on est sur un événement de trois jours, avec des conférences, des ateliers. Je vais insister sur le fait que c’est merveilleux que cet événement existe, il ne faudra pas hésiter à remercier le Centre des Abeilles, son conseil d’administration. Et si vous avez un peu de sous qui traînent, genre un peu de monnaie que vous n’avez pas utilisée, il y a, à l’accueil, une énorme peluche avec un petit sac « Dons », n’hésitez pas à vous débarrasser de ce qui est un peu lourd, ça pourra les aider. Je suis logée, nourrie depuis deux jours, je sais que ça a un coût. Il faut donc les soutenir puisque, de ce que j’ai compris, il n’y a pas eu de subvention.

Libre en Fête [12] un événement très cher à mon cœur, plus ou moins organisé par l’April, autour du 20 mars, deux semaines avant, deux semaines après. Plein d’associations, partout en France, organisent des événements pour montrer ce qu’est le logiciel libre, les services libres en ligne et les chatons. Chacun organise l’événement qu’il veut. L’April ne fait que coordonner tous ces événements.

Voilà trois moyens de rencontrer des gens qui savent faire du logiciel libre, qui savent maintenir des logiciels, qui savent les utiliser. Du coup, je demande à Brigitte : quand fais-tu des entretiens individuels pour aider les gens ? Quelles sont les dates ?
On m’a toujours dit que le principe de la pédagogie c’est la répétition, donc lundi, mardi, jeudi matin. Brigitte l’a forcément déjà dit, mais plus vous l’entendrez, plus vous le saurez, plus vous pourrez le conseiller à des gens que vous connaissez et qui habitent dans le coin. Oui, il y a un flyer, mais à l’entrée il y a tellement de flyers, choisissez bien et ne ratez pas celui du Centre des Abeilles.

Lectures et podcasts

Autre moyen de se tenir informé de tout ce qui est logiciel libre, de modes, de conférences et ainsi de suite, trois sites que j’aime beaucoup.

Libre à lire ! [13], ça ne va pas vous étonner, vu que je suis libraire, je préfère lire. C’est un site internet sur lequel on trouve la transcription de conférences, comme celle que je suis en train de donner, pour les rendre accessibles à plus de gens. Souvent, il y a un événement, on se dit « mince, je n’ai pas pu aller au festival Pas Sage en Steïr jeudi, j’ai raté des super conférences comme celle de ma collègue Isabella sur Internet et la place des femmes [14], eh bien, il y a de grandes chances que, dans les semaines à venir, cette conférence soit transcrite et la transcription postée sur ce site. Je vais juste donner l’URL, librealire.org, en plus c’est simple. Dans les URL, on n’est pas en train de vous mettre des chiffres, des lettres.

Un autre site que j’aime beaucoup, libreavous.org. En fait, Libre à vous ! [15] est une émission de radio tous les mardi de 15 heures 30 à 17vheures, sur une radio qui s’appelle Cause Commune, 93.1 FM. Ne cherchez pas, ce n’est valable qu’à Paris, mais toutes les émissions sont enregistrées, sur le site, vous avez tous les podcasts soit en intégralité, soit par petits bouts. Il y a vraiment plein de choses à aller écouter. Sachant que toutes les émissions sont transcrites si vous préférez lire, au choix. J’ai des amis qui courent le matin en écoutant l’émission radio, moi je préfère la lire.

Un autre site que je ne peux pas m’empêcher de citer,framamia.org. FramamIA [16] est le site de Framasoft qui parle d’intelligence artificielle. Ceux qui ont raté la conférence de Stéphane Bortzmeyer, mon expert sur ma droite, un de mes deux experts, ça parle d’intelligence artificielle, même si, maintenant, on a tous compris que l’intelligence artificielle n’existe pas [17]. On va dire que ça parle de LLM [Large Language Model], de modèles génératifs. Ça parle de tous ces trucs qui sont mis sous le nom d’IA et ça permet de comprendre plus ou moins ce que c’est, ce que ça fait, quoi en penser. Plein d’articles sont rajoutés, un bilan sur six mois a été fait. Bref, je ne pouvais pas parler d’intelligence artificielle sans parler de FramamIA. Je trouve que c’est un très bon site d’entrée et, comme c’est le thème buzz de l’année, Framasoft s’y est aussi intéressé.
Au début d’année, au mois de janvier, j’avais un bingo personnel, c’est-à-dire que si j’entendais Trump, Elon Musk et IA, je tapais sur un bouton et je disais « bingo ! ». Je m’étais dit qu’avec le temps, je n’y arriverais plus. Il y a des jours où je n’aurais pas les trois mots. Nous sommes le 22 août, il n’y a eu qu’un seul jour où je n’ai pas entendu les trois mots, et encore, c’est juste Elon Musk qui est passé à la trappe, mais il est revenu le lendemain, donc dommage.

En savoir plus

Le site de l’April [18].
Le site de Framasoft [19].
Si vous voulez me contacter, vous prenez mon pseudo et vous rajoutez n’importe quelle asso que vous voulez, Framasoft, April, Parinux. Attention, je ne suis pas sur Linkedin. Je suis sur Twitter, mais ce n’est pas moi, c’est ma librairie. Si vous voulez me contacter sur Twitter, vous pouvez, mais vous ne verrez que du livre. Par contre, je suis sur le fediverse [20], sur Mastodon, @bookynette.framapapiaf.org. Il y a aussi bookynette chez chapril.org, mais je suis modératrice, donc je n’y vais que le vendredi de 12 heures 20 à 12 heures 45.

Si vous avez des questions. J’ai des réponses.

Questions du public et réponses

Magali Garnero : La première question c’est toujours difficile.

Animatrice : On a un courageux, ça devrait aller ça. C’est mieux avec le micro, merci.

Public : En plus ce n’est pas une question. Je voudrais te remercier d’avoir parlé de logiciel et pas d’application. Il y a un détournement du sens des mots. Actuellement, on ne parle plus de logiciels, de softwares et tout ça, on parle uniquement d’applications. Pourquoi ce choix ?

Magali Garnero : Pour moi, l’application, c’est ce qu’on nous oblige à installer sur nos téléphones portables, tous ces trucs du Play Store, l’Apple Store ou, si vous êtes comme moi, F-Droid [21]. Vous installez un logiciel, mais ça s’appelle une application.
Ce qui me tue dans ces applications, c’est que, souvent, en allant sur le site internet, c’est aussi bien. Il n’y a pas besoin d’installer une application sur son téléphone, le site internet est très bien fait. Mais avec l’application, on vous demande l’autorisation de vous espionner et, bien sûr, comme vous voulez utiliser l’application, vous allez consentir à donner toutes vos données.
Voilà pourquoi je n’utilise pas le terme « application » et voilà pourquoi je n’aime pas les applications.
Si vous n’avez pas de questions, je vous donnerai des réponses, comme ça.

Public : Une question. C’est vrai que mon domaine c’est plutôt le numérique en santé. Vous avez parlé d’éthique, on a parlé de RGPD [Règlement général sur la protection des données], etc. Aujourd’hui l’éthique a intégré l’éthique environnementale, notamment l’éco-responsabilité des applications ou des logiciels, selon le vocabulaire utilisé. Pensez-vous que dans les catalogues il y aura un jour une sorte d’Éco-score pour chaque application dont vous faites la promotion dans vos catalogues ?

Magali Garnero : Est-ce que je pense qu’il y aura un Éco-score ? Pardon, je n’y pense pas. Je suis honnête, je n’y pense pas du tout, parce que j’ai tellement d’autres choses en tête. Est-ce que ce serait bien ? Oui. Est-ce que c’est mesurable ? Je n’en ai aucune idée, vraiment aucune. J’aurais tendance à penser que des logiciels ou des distributions qui permettent de garder son ordinateur beaucoup plus longtemps que ce que Microsoft ou Apple obligent à faire, c’est déjà plus écologique. On n’a pas eu cette discussion-là, mais pour moi, le pire dans l’informatique, ce sont les nouveaux ordinateurs qu’on crée, qu’on achète, alors que l’ancien fonctionne encore. Pour moi, c’est du gâchis. Tant que ça fonctionne, tant que ça peut fonctionner, pourquoi s’en séparer ? Alors oui, je sais, ce n’est pas le dernier modèle à la mode, il n’y a pas les petits ronds, il n’y a pas l’appareil à 32 mégapixels, il n’y a pas… Mais, d’un autre côté, si ça peut fonctionner pourquoi on jette ? Pourquoi se débarrasserait-on de quelque chose qui fonctionne ? Est-ce que vous jetez vos vêtements, qui sont encore mettables ? Oui, je sais, il y a des gens qui donnent leurs vêtements encore mettables, je suis un point Emmaüs, des gens apportent des trucs qu’ils ont jamais mis, encore avec les étiquettes. Donc oui, effectivement, les gens jettent des vêtements encore mettables. Est-ce que vous jetez vos enfants alors qu’ils fonctionnent encore ? OK, c’est peut-être un peu violent ! Pourquoi jeter quelque chose qui fonctionne ? Si quelqu’un a une solution, arrive à me convaincre qu’il faut se débarrasser de trucs qui fonctionnent, je suis prête.
C’est une mauvaise économie, il faut changer l’économie.

Public : Je dirais bien un exemple de truc qui a l’air de fonctionner, mais qui est à jeter : le fascisme.

Magali Garnero : Il y en a qui ont testé, ils ont eu des problèmes !
Est-ce que vous avez une autre question ?
À ceux qui n’osent pas poser leurs questions, je suis là encore trois jours et juste après, j’anime un atelier sur le thème des associations et je propose des services en ligne, et ça peut aussi être des logiciels, tout est accessible, puisque c’est du logiciel libre, c’est merveilleux, pour vous aider à outiller votre association, pour ne plus utiliser Facebook pour vos événements, Google pour vos tableurs ou pour vos traitements de texte, ne plus utiliser Amazon pour faire vos achats, ne plus utiliser Microsoft pour votre ordinateur. Bref ! Je vais vous aider à vous outiller pour que vous n’ayez plus à utiliser de la merde pour faire des choses bien.

Public : Un grand merci. Je voulais juste te faire un gros merci, plein de gros bisous. C’est super. Merci beaucoup.

Public : Bien sûr, nous sommes quelques personnes dans la salle, nous pouvons toutes décider de changer, par exemple d’abandonner Facebook. Mais si toutes nos relations, à l’extérieur, communiquent justement par Facebook, comment on fait ?

Magali Garnero : J’ai une réponse. Si personne ne le fait, vous resterez tous sur Facebook. Il faut que quelqu’un commence, et plus ça va, plus on sera nombreux. Typiquement, je regrette que sur Mastodon il n’y ait pas les journalistes et les politiciens que j’aimerais bien tacler de temps en temps, pardon, que j’aimerais bien contacter de temps en temps. Ils n’y sont pas et ça m’oblige effectivement à aller sur des réseaux pas libres. Mais imagine un instant, j’en parlais justement avec des élus de la ville de… Malakoff [22] – merci, Isabella, tu es merveilleuse, je ne te l’avais pas dit aujourd’hui. Je leur ai dit « pourquoi ne mettez-vous pas toute votre communication sur des réseaux libres, plutôt que d’obliger vos habitants à aller sur Facebook ? – Oui, mais nos habitants sont sur Facebook. – Mais si des villes commencent à avoir leur propre instance, avec leurs propres informations, les gens se connecteront à cette instance, puisque toutes les instances du fedivers communiquent ensemble, et viendront consulter vos informations. Faites le premier pas. Il faut toujours que quelqu’un fasse le premier pas. » C’est comme en boîte de nuit, exemple un peu farfelu : en boîte de nuit, à 23 heures, il n’y a personne sur la piste. Et puis, tout d’un coup, un petit courageux arrive et commence à danser. Et vous savez ce qu’il se passe quand il y a un courageux qui commence à danser ? Tout le monde vient danser. Il faut donc quelques courageux pour ouvrir la voie. Soyez ce courageux, cette courageuse-là.
Ils ne sont pas encore là, effectivement, mais avec tout ce que Elon Musk fait, franchement, ça ne vous donne pas envie de le quitter ?

Public : J’ai connaissance de beaucoup d’informations par Facebook, sur un concert ici, même sur la ville de Quimper, sur le site Facebook de Quimper. Il y a un tas de trucs publics comme ça, ce ne sont pas des personnes, ce sont vraiment des associations, des institutions, des collectivités et j’ai les informations comme ça. Donc, si je quitte Facebook, où vais-je chercher mes informations ?

Magali Garnero : Il y a un truc extraordinaire, ça s’appelle le site internet de ta ville. Les informations de ta ville y ont, logiquement, il y a obligation de les mettre aussi sur le site internet de la ville.
Et puis, c’est ce que disaient tout à l’heure Timothy et Isabelle Attard : quand tu continues à aller sur Facebook, certes tu vois des informations sur ta ville, mais tu vois plein d’autres choses que tu n’as pas envie de voir. Et puis, en plus, tu restes captif de ce réseau social qui te pourrit la vie sans que tu t’en rendes compte. Arrête d’aller sur Facebook ! Tu mérites mieux que ça ! Et oui, effectivement, si tu vas sur Diaspora, puisque c’est surtout Diaspora qui a remplacé Facebook, même si c’est un peu moins vivant ces derniers temps, ou si tu vas sur le fediverse, OK, tu n’auras pas accès à ta mairie, mais tu auras accès à d’autres personnes qui sont peut-être au courant de ces événements, qui pourront peut-être relayer ces événements personnellement, et toi-même tu pourras relayer des événements dont tu es au courant, donc tu deviendras actrice de cette communication. Les gens vont commencer à te suivre parce que tu auras cette information qui les intéresse sur Quimper. C’est merveilleux, non ! Tu ne subis plus. Tu partages. Et là tu as fait un geste, tu as fait les premiers pas, tu as résisté, tu es devenue une rebelle.
C’est dur de sortir des GAFAM, parce que les GAFAM, c’est confort, ça marche. Il y a l’habitude, OK, mais ce ne sont pas nos amis. Ils sont gratuits, mais ce ne sont pas nos amis. Est-ce que vous fréquentez des gens qui sont toxiques pour vous ? On fréquente des gens qui sont toxiques pour soi, OK, ça arrive, mais de base, on a tendance à se protéger. De base, on évite les gens désagréables, les gens impolis, les gens agressifs. C’est pareil pour le numérique, il faut se protéger. Et c’est un moyen de se protéger. Alors ça ne sauvera pas le monde, mais ça va l’améliorer un tout petit peu et, pour ça, ça vaut le coup d’essayer.

Public : Je vais quand même venir filer un coup de main à Annick. C’est vrai que ce n’est pas facile. C’est vrai que c’est très compliqué de sortir d’un réseau, parce qu’on a des points de repère. Par contre, je suis sur le fediverse. Ce que j’écris en public, tout le monde peut le lire. Va chercher sur un moteur de recherche PSES, tu auras tous les commentaires qui ont été faits sur Pas Sage en Steïr. Alors que si tu écris quelque chose sur Facebook, quelque chose d’hyper intéressant, même avec un hashtag, je ne pourrai pas le voir. Et c’est là où la question va se poser : on est enfermé, parce qu’il n’y a que les gens qui sont sur Facebook qui pourront lire ce que tu vas faire, même en mettant des posts en public.

Magali Garnero : Là, tu me tends une perche. Il y a sept ans maintenant, une association avait une page Facebook, une magnifique page Facebook, depuis des années, qui organise des événements très régulièrement, et tout d’un coup, du jour au lendemain, tout a disparu. Ça ne correspondait plus aux conditions générales de Facebook. Facebook s’est donné le droit de faire disparaître l’association en tant qu’association, ainsi que tous les événements qu’elle avait organisés. Personnellement ça me choque. C’est comme si on m’avait viré ma carte d’identité, je n’existe plus. Facebook peut le faire.
Un autre truc m’a choquée aussi dernièrement. Je vais me tourner vers mes experts, parce que je ne suis pas très douée. Quelqu’un d’assez connu en Europe s’est fait virer sa boîte mail sur Thunderbird sur ordre de qui que ce soit…

Public : C’était le directeur TPI, Tribunal pénal international. Toute l’intégralité de leur système était chez Microsoft et ils se sont fait couper [23].

Magali Garnero : Tu peux répéter ? Le directeur du Tribunal pénal international ! Pas n’importe qui, ce n’est pas vous et moi.

Public : Par contre, j’ai quelques doutes qu’il ait été viré de Thunderbird.

Magali Garnero : Non. En tout cas, sa boîte mail a été coupée. Ils utilisaient Outlook et Outlook appartient à Microsoft. Pardon, l’habitude, je n’utilise que Thunderbird. Bref ! En fait, tous ses mails ont disparu du jour au lendemain sans son consentement. J’aime bien ce mot consentement, pas parce qu’on peut faire plein de mauvais jeux de mots dessus. Donc, sans son consentement, il a perdu tous ses mails et il est devenu totalement injoignable parce qu’une entreprise, Microsoft, a obéi – non, peut-être pas, je ne peux pas dire ça, je vais me faire taper sur les doigts ! Parce qu’une entreprise a décidé qu’il n’aurait plus accès à ses mails. On est nombreux à penser qu’ils ont obéi.

Public : De toute façon de manière générale aujourd’hui, je l’ai déjà signalé hier, en Europe des décisions politiques sont prises qu’il devient extrêmement urgent de contrer. On ne va pas avoir le choix que de se faire assez mal pour sortir de là. On parle par exemple de Facebook. Avec Chat Control [24], l’intégralité de tous les systèmes de messagerie, officiels ou non officiels, seront mis sous surveillance par les États. Il ne faudra plus passer par aucun système officiel pour avoir le droit ne serait-ce qu’à la liberté d’expression.
Aujourd’hui, à part quelques résistants, on parlait de résistance avec Isabelle Attard avant, on rentre dans une période où on devient réellement des résistants. Il va falloir se faire mal. On risquera moins la torture et la fusillade comme on a pu en parler avant. Mais aujourd’hui, il va vraiment falloir se faire très mal pour arriver à sortir de ça. Quelqu’un l’a dit sur les réseaux, par exemple concernant les sites web : « Allez sur le site web de votre ville ». Aujourd’hui, beaucoup de villes n’ont même plus de site web parce qu’elles ne sont que sur Facebook. À un moment donné, on n’aura plus de vie sociale par les moyens officiels. Il faudra passer par des moyens alternatifs et refaire notre Internet, refaire notre monde moderne. Nos outils de communication risquent même de devenir des outils de communication illégaux. Si on veut éviter, par exemple, Chat Control qui va arriver au niveau de l’Europe, on n’aura pas d’autre choix que d’utiliser des outils illégaux. Une décision de justice risque d’arriver en Allemagne, qui va interdire les bloqueurs de publicité. On n’aura pas d’autre choix que d’utiliser des outils illégaux et faire de la résistance numérique à l’ancienne, se faire passer les outils de téléchargement et les outils de bloqueurs sous le manteau, comme on trimbalait des tranches de jambon sous Paris occupée en 45. Ça va être exactement la même chose et on rentre vraiment dans cette période-là en Europe.
Chat Control est une loi de surveillance qui arrive en Europe, qui va demander la surveillance de tous les mécanismes de communications interpersonnelles, donc Facebook, WhatsApp, Signal, en demandant que les autorités puissent avoir accès à l’ensemble de vos données.

Magali Garnero : Je vais donner un exemple. Vous voyez les enveloppes qu’on s’envoyait à une époque, avec du courrier à l’intérieur. Vous imaginez : ils auront le droit d’ouvrir l’enveloppe, de prendre votre courrier, de le scanner, on va dire de l’imprimer et de l’envoyer à 36 000 personnes. Cette donnée-là sera conservée quelque part, ainsi que toutes les enveloppes que vous aurez envoyées à vos amis, vos proches. Tout va être contrôlé, ils auront le droit de le faire pour des raisons de sécurité, ils nous sortent que c’est pour protéger les mineurs et ainsi de suite. Ils vont atteindre à nos libertés, notre intimité, la confidentialité. Tout cela va sauter grâce à ce genre de loi. Est-ce plus clair ?

Public : C’est ça. Un bel emballage est mis autour à chaque fois, c’est soit la lutte contre le terrorisme, contre le blanchiment d’argent, contre la pédopornographie, etc., mais ces outils, après, sont détournés et ça finit très mal dans tous les cas.
Il y aura aussi d’autres problèmes en dehors des lois politiques débiles qui vont arriver. On a de plus en plus de problèmes par exemple avec l’IA qui, aujourd’hui, est en train de nous pourrir l’Internet, de manière assez massive et assez violente. Même nous, en tant que libristes, on ne peut même plus héberger un site internet sans se faire défoncer par tous les bots d’IA. C’est même pire que défoncer, c’est un torrent de merde qui nous arrive dessus. C’est vraiment n’importe quoi. On ne va pas avoir d’autre choix que de refaire un réseau complètement détaché de tout ce qui existe, donc, même nos blogs ne pourront plus être disponibles sur Internet, sinon on va servir d’apprentissage pour les IA de Facebook, etc. On est vraiment en train de remonter un autre monde à côté, un monde de résistance. On aurait pu le faire avec moins de douleur il y a dix ans, mais maintenant, il va falloir y aller dans l’urgence et ça va faire mal.
On va arriver à faire des souterrains, tout à fait. Il y a déjà des choses qui se mettent en place.

Public : Je t’interromps un instant parce que Natouille m’a montré quelque chose. C’était juste pour compléter. Si ça vous intéresse, justement sur la dépendance qu’a l’Europe, la France, à tout ce numérique des États-Unis, il y a un article sur le site Bon pote, bonpote.com, qui s’appelle « Comment Trump peut mettre la France à genoux en 24 heures » [25] avec un état des lieux de notre délocalisation numérique et si on se prend un embargo numérique, qu’est-ce qui va se passer ? Quand on fait un titre comme ça, je pense que ce n’est pas du flan. Venez cliquer et vous allez voir. Je pense que c’est possible.

Public : Il saute sur des idées comme ça. C’est débile.

Magali Garnero : Le but c’est d’être un peu moins anxiogène que la conférence d’avant ! C’est raté. Je suis désolée. N’oubliez pas, les chatons vont sauver Internet, chatons.org. Miaou, miaou, miaou. Et maintenant, il y a plein d’ateliers super sympas que vous allez pouvoir faire : photographier des plantes, c’est magnifique ou faire du logiciel libre, c’est magnifique.
J’espère que je ne vous ai pas trop plombés, surtout sur les dernières minutes. En tout cas, merci d’avoir été là.