Libre à vous ! Radio Cause Commune - Transcription de l’émission du 21 avril 2020

Titre :
Émission Libre à vous ! diffusée mardi 21 avril 2020 sur radio Cause Commune
Intervenant·e·s :
Laurent Leemans - Emmanuel Revah - Ludovic Dubost - Vincent-Xavier Jumel - Isabella Vanni - Frédéric Couchet - William Agasvari à la régie
Lieu :
Radio Cause Commune
Date :
21 avril 2020
Durée :
1 h 30 min
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Page des références utiles concernant cette émission

Licence de la transcription :
Verbatim
Illustration :
Bannière de l’émission Libre à vous ! de Antoine Bardelli, disponible selon les termes de, au moins, une des licences suivantes : licence CC BY-SA 2.0 FR ou supérieure ; licence Art Libre 1.3 ou supérieure et General Free Documentation License V1.3 ou supérieure. Logo de la radio Cause Commune utilisé avec l’accord de Olivier Grieco.

Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l’April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

logo cause commune

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.

Musique libre, école et confinement, retour d’expérience sur la visioconférence, services en ligne libres et éthiques, chronique « Merci le Libre », nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.
Vous êtes sur la radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 FM en Île-de-France et en Dab+ et partout dans le monde sur le site causecommune.fm.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre. Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.

Le site web de l’association c’est april.org, vous pouvez déjà y trouver une page consacrée à cette émission avec les références utiles.
Nous sommes mardi 21 avril 2020, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast. Je sais que notre réalisateur, William, adore que je dise ça.

Nous diffusons toujours en mode confinement, tout le monde chez soi et tout le monde est sur Mumble.
Si vous souhaitez réagir, poser une question pendant ce direct, n’hésitez pas à vous connecter sur le salon web de la radio. Allez sur le site causecommune.fm, cliquez sur « chat » et retrouvez-nous sur le salon dédié à l’émission #libreavous.

Nous vous souhaitons une excellente écoute.
Le programme détaillé :

nous allons commencer dans quelques instants par l’interview de Laurent Leemans qui fait de la musique libre ;

ensuite la chronique d’Emmanuel Revah sur le thème « Merci le Libre » ;

ensuite, un échange avec Vincent-Xavier Jumel, professeur à Saint-Denis ; nous parlerons d’école et de confinement ;

après ma collègue Isabella Vanni partagera son expérience personnelle avec les outils de visioconférence libres en temps de confinement ;

nous terminerons enfin avec Ludovic Dubost pour parler de services en ligne libres et éthiques, notamment du logiciel Cryptopad.

À la réalisation aujourd’hui de l’émission William Agasvari. Je rappelle que William anime deux émissions sur Cause Commune : Cyberculture, le samedi à 14 heures, consacrée au décryptage de l’actualité informatique et Et pour cause, une émission qui donne la parole aux gens qui œuvrent pour rendre le monde meilleur, le mardi à 21 heures.
Tout de suite place au premier sujet.
[Virgule musicale]

Interview de Laurent Leemans qui fait de la musique libre

Frédéric Couchet : Nous allons commencer par l’interview de Laurent Leemans qui est normalement avec nous au téléphone. On va vérifier. Laurent, est-ce que vous êtes avec nous ?
Laurent Leemans : Oui. Je confirme. Je vous entends bien.
Frédéric Couchet : Super. Parfait. Laurent, en fait, est un ancien chanteur du groupe Ceili Moss dont on a déjà diffusé des musiques dans l’émission. Aujourd’hui il a un nouveau projet dont il va nous va parler. Dans le cadre de l’émission spéciale La playlist de libre à vous ! dont je reparlerai plus tard, on a rediffusé des titres de Ceili Moss et on s’est dit que ça pourrait être intéressant de savoir qui se cache derrière ce groupe, le parcours, les raisons de la licence libre, donc on a contacté Laurent.

Laurent, comme je le dis, vous êtes l’ancien chanteur Ceili Moss. Une première question avant qu’on parle de Ceili Moss, quel est votre parcours en quelques mots ? Comment êtes-vous venu à la musique ?
Laurent Leemans : Il faut savoir que je viens d’une famille dans laquelle mon père était lui-même musicien amateur accompli ; ma mère, sans être musicienne elle-même, était par contre une mélomane assez bien documentée aussi, donc j’ai grandi dans ce milieu, baigné par de la musique et forcément, à l’adolescence, c’est venu un peu tout seul, tout simplement.
Frédéric Couchet : D’accord. On va parler de Ceili Moss et pour donner une petite idée du style de cette musique à l’époque, je vais demander à William de nous diffuser une dizaine de secondes de Ceili Moss.
[Diffusion de Quand nous sommes à la taverne de Ceili Moss]
Frédéric Couchet : C’était un court extrait d’un titre qui s’appelle Quand nous sommes à la taverne que vous pouvez retrouver aussi sur causecommune.fm dans l’émission La playlist de Libre à vous de la semaine dernière, évidemment je donnerai tout à l’heure les références complètes pour retrouver les autres titres de Ceili Moss. Là c’est juste une petite idée de ce que faisait Ceili Moss. Quand est-ce que Ceili Moss a été créé ? Est-ce que vous faisiez ça à titre professionnel ou personnel ? Racontez-nous un petit peu cette aventure de Ceili Moss.
Laurent Leemans : Ceili Moss a commencé en 1994 dans la petite ville belge de Namur au confluent de la Sambre et de la Meuse. On était une bande de potes qui avions envie de faire de la musique ensemble. On avait un goût commun pour la musique folk en général et plus exactement le folk celtique. Au début, on était un groupe assez traditionnel de folk celtique irlandais puis, petit à petit, on a commencé à ajouter d’autres éléments, des éléments folks par exemple de Scandinavie, de Flandres, d’Europe de l’Est, de musique médiévale, de blues aussi ; ça a fini par donner une mixture. Pour faire court, on avait coutume de dire que Ceili Moss était un peu 50 % Pogues, 50 % Louise Attaque. Voilà.

C’était un groupe semi-professionnel dans la mesure où on jouait quand même pas mal, peut-être pas aussi souvent que possible, par contre ça n’a jamais été notre métier, on n’a jamais eu l’ambition de le faire. Le groupe se composait de six personnes parmi lesquelles il y avait par exemple un prof de langues dans l’enseignement secondaire, un éducateur dans un collège, moi-même qui suis fonctionnaire au ministère des Affaires étrangères. On avait aussi un informaticien, un ingénieur industriel et voilà. Donc on avait tous un job à côté, mais on s’est bien marré tout en essayant de faire le taf sérieusement.

Le groupe a joué quand même jusqu’en 2015. Je n’ai pas le chiffre exact en tête, mais on a fait autour de 250 concerts un peu partout en Belgique, de temps en temps dans le Nord de la France, aux Pays-bas et dans le Grand-Duché de Luxembourg. On a bien roulé notre bosse, on s’est bien marré, puis un jour ça s’est terminé pour des raisons liées à la difficulté grandissante, disons avec les enfants qui arrivent, le développement professionnel, etc., de concilier les agenda et aussi le fait qu’il y avait toujours eu un peu une dichotomie entre une partie du groupe pour qui c’était vraiment juste un hobby, un truc qu’on faisait le week-end, et d’autres qui, toujours sans vouloir vraiment devenir musiciens professionnels, voulaient quand même y consacrer plus de temps, plus d’énergie, plus d’investissement en temps, en matériel aussi et, à un moment, on a fini par se séparer bons amis, certains continuent de faire de la musique, d’autres ont arrêté pour des raisons diverses et variées.
Frédéric Couchet : Une vingtaine d’années effectivement. On va revenir après sur les nouveaux projets. Donc 20 ans quand même, environ 250 concerts, ça fait quand même pas mal de concerts par an.

Qui écrivait les textes et la musique ? Est-ce que c’était collectif ? Est-ce que c’était uniquement l’une des personnes membre du groupe ?
Laurent Leemans : C’était plutôt collectif. En général ça se passait avec un des membres qui venait avec une mélodie ou une suite d’accords, parfois traditionnelle, parfois de sa propre composition, et on jammait [jouer ensemble sans avoir un plan ou une idée de départ, improviser jusqu’à ce que quelque chose émerge, Note de l’orateur] ensemble jusqu’à ce qu’on finisse par trouver des accords, des rythmes de batterie, etc., des paroles qui collaient. Donc c’était un processus qui pouvait parfois prendre un certain temps, parce que quand on est dans le collectif pur et qu’il n’y a pas vraiment un leadership déclaré, ça peut prendre un certain temps pour la composition, mais c’était une manière qui, en tout cas, nous convenait bien, nous plaisait, parce que finalement on prenait le plaisir aussi dans la création de la musique et pas seulement dans le produit fini.
Frédéric Couchet : D’accord. Dans l’émission nous diffusons des pauses musicales, donc de la musique, un des choix c’est de prendre des musiques qui sont uniquement diffusées sous licence libre, notamment celle qui autorise la réutilisation commerciale et les modifications. Ceili Moss était sous licence Creative Commons Attribution, donc CC By. Est-ce que le choix de cette licence libre a été quelque chose de naturelle à l’époque ? Est-ce que ce choix c’est dès le départ, parce que 1994, de mémoire, ces licences d’ailleurs n’existaient pas parce que je crois que les licences Creative Commons c’est années 2000. Est-ce que c’est venu rapidement ? Qui a proposé ça ? Et finalement pourquoi avoir choisi la diffusion sous licence libre ?
Laurent Leemans : Ça ne s’est pas imposé tout de suite puisque pendant les deux, trois premières années, on jouait vraiment presque exclusivement des traditionnelles dans deux/trois cafés à Namur et dans les environs, donc à l’époque la question ne nous intéressait pas vraiment. Mais dès qu’on a commencé à sortir un peu de notre zone confort, oui, le choix s’est fait naturellement parce qu’il était pour nous très clair qu’on n’avait aucune envie de s’affilier à la SABAM, la Sacem belge qui, à nos yeux, était non seulement une bande de parasites qui servent surtout à faire rentrer beaucoup d’argent et il y en a très peu qui sort, mais, en plus, les conditions d’inscription à la SABAM sont extrêmement contraignantes, beaucoup de règles qui s’imposent. Par exemple, une fois que vous êtes inscrit à la SABAM, vous êtes obligé d’y déposer tout ce que vous publiez. Si un jour vous avez envie de faire don des droits d’un morceau à une association ou à une cause qui vous tient à cœur, eh bien ce n’est pas possible, c’est interdit ! Dès l’instant où vous êtes membre de la SABAM vous devenez, pour ainsi dire, la propriété de la SABAM et votre œuvre aussi.

Du coup on a cherché une solution alternative parce qu’on avait quand même envie de se prémunir contre d’éventuelles malveillances. On avait eu un collègue qui avait eu une mauvaise surprise de voir une de ses chansons volée, en quelque sorte, par quelqu’un d’autre qui a prétendu que c’était lui qui l’avait composée, qui a ensuite exigé des dommages et intérêts. Ça s’est bien terminé pour lui parce qu’il a pu prouver par d’autres manières qu’il y avait bien une tentative d’arnaque. Surtout à partir du moment où on s’est mis à faire des compositions personnelles, il nous semblait clair qu’il nous fallait quand même un moyen de faire valoir nos droits si jamais il y avait contestation, si jamais il y avait tentative de malversation. Les licences libres sont un outil qui correspondait non seulement à ce dont on avait besoin, avait la souplesse nécessaire pour ne pas nous embarquer dans un schéma rigide style SABAM et, en plus de ça, correspondait assez bien à notre philosophie générale qui était déjà assez orientée vers le Libre, vers l’indépendance, vers l’autogestion.

C’est un choix qui s’est imposé qui très facilement. On n’a pas tourné autour du pot trois heures là-dessus. C’est moi qui suis venu avec l’idée. L’un des membres, le claviériste du groupe, était et est toujours d’ailleurs informaticien, donc il s’est un peu renseigné plus avant, il a éclairé notre lanterne là-dessus. Et voilà, après c’était très clair pour tout le monde, ça n’a jamais fait l’objet de discussions ou de contestations.
Frédéric Couchet : Très bien. Merci pour tes explications.

Là on a parlé un peu de Ceili Moss et, vous l’avez dit tout à l’heure, le groupe s’est séparé en 2015. Aujourd’hui vous avez un nouveau projet de musique qui s’appelle The Imaginary Suitcase, toujours disponible sous licence libre. Est-ce que c’est le même type de musique ? Est-ce que vous êtes tout seul maintenant ou est-ce que c’est un groupe ?
Laurent Leemans : The Imaginary Suitcase est un projet que j’ai lancé en solo, de façon comment dire, singer-songwriter, en gros un gars tout seul avec sa guitare acoustique ; non, non, ne vous enfuyez pas, ce n’est pas si mal que ça !

Dans ce projet je fonctionne toujours sur le même principe des licences libres pour exactement les mêmes raisons : la souplesse, l’adaptabilité et aussi le manque d’envie, pour rester poli, de me retrouver pieds et poings liés par une grosse structure qu’elle soit commerciale ou administrative.

Musicalement The Imaginary Suitcase est effectivement assez différent de Ceili Moss. Quand on est tout seul avec une voix, une guitare acoustique et, de temps en temps, un peu d’harmonica, on ne va évidemment pas sonner pareil qu’un groupe avec une batterie, une cornemuse et une guitare électrique.

Toujours pour rester un peu dans le même type de définition simple, puisque je vous l’avais donnée tout à l’heure avec Ceili Moss, on pourrait dire que c’est un peu une rencontre : quelqu’un, dans un blog, avait écrit un jour que The Imaginary Suitcase sonnait un peu comme si Leonard Cohen et Suzanne Vega avaient eu un fils ensemble, ce qui m’a un peu laissé sur le cul. Pour moi c’est un énorme compliment parce que ce sont deux musiciens que j’admire énormément.
Frédéric Couchet : Deux belles références. Oui.
Laurent Leemans : Waouh ! Même de le dire j’en ai le rouge aux joues. Donc oui, c’est une musique plus mélancolique, quoique de temps en temps plus énervée quand même. Si vous aimez bien des gens comme Joseph Arthur, Paul Roland, Leonard Cohen, Suzanne Vega, Ani DiFranco, c’est le genre de musique qui pourrait vous plaire.
Frédéric Couchet : Juste après la fin de l’interview, après ma dernière question, on écoutera effectivement un morceau de ce nouveau projet en solo. Je donne tout de suite le site web pour les personnes qui pourraient être intéressées, c’est theimaginarysuitcase point be, theimaginarysuitcase tout attaché [theimaginarysuitcase.be]. Vous retrouverez également les références sur le site causecommune.fm, bien entendu.

Est-ce qu’il y a des actus côté projet, des annonces à faire ou un message à faire passer peut-être, tout simplement ?
Laurent Leemans : Concrètement, en ce qui concerne ma petite personne, pour l’instant, vu qu’il n’y a pas vraiment beaucoup de concerts pour les raisons que je n’ai pas besoin d’expliquer je suppose, je m’amuse à poster comme beaucoup de musiciens font en ce moment, c’est une initiative sympa, des petites vidéos depuis mon salon ou depuis mon local de répétitions sur ma page Facebook. Oui, Facebook c’est de la merde, mais malgré tout, quand on est totalement indépendant il faut bien reconnaître que c’est un outil assez pratique quand on sait l’utiliser à bon escient.

Sinon, il y a des concerts probablement surtout en Belgique, mais s’il y a des gens en France que ça intéresse, je suis toujours dispo, je peux sauter dans un train, je ne prends pas cher, je ne prends pas beaucoup de place. Ça m’intéresserait évidemment de jouer en France dès que ce sera de nouveau possible, avis aux amateurs.

Il y a quelques concerts en juillet, août, septembre, octobre, on touche du bois pour que ça aille mieux d’ici là, parce que franchement maintenant plus rien n’est sûr. En attendant, je m’occupe comme je peux sur Internet. Il y a, je l’espère, un album qui devrait sortir à l’automne, en octobre ou novembre, en autoproduction, toujours cette même obsession de l’indépendance et de l’autonomie, n’est-ce pas.
Frédéric Couchet : C’est super. Effectivement, dès que le monde sera sorti du confinement on pourra aller vous voir en concert.

Je rappelle le site web, theimaginarysuitcase.be. On va écouter, pour se quitter, un extrait qu’on a choisi ensemble, qui s’appelle Plastic.

En tout cas je vous remercie pour toutes ces belles musiques libres que vous faites et j’espère avoir un jour l’occasion de vous voir en concert en France.

C’était Laurent Leemans ex-chanteur de Ceili Moss.
Laurent Leemans : Ça me ferait plaisir qu’on se rencontre une fois en vrai.
Frédéric Couchet : J’espère aussi.

Je vous souhaite une belle fin de journée et on va écouter Plasticpar Laurent Leemans de The Imaginary Suitcase et on se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Plastic par The Imaginary Suitcase de Laurent Leemans.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Plastic par The Imaginary Suitcase de Laurent Leemans, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution. Vous retrouverez les références sur le site de l’April, april.org et sur le site de la radio, causecommune.fm.

Vous écoutez toujours l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune, la voix des possibles.

Nous allons maintenant passer au sujet suivant.
[Virgule musicale]

Chronique « Itsik Numérik » d’Emmanuel Revah sur le thème Merci le Libre ou Be Kind Document

Frédéric Couchet : Avec la chronique « Itsik Numérik » d’Emmanuel Revah. Bonjour Emmanuel.
Emmanuel Revah : Salut. Ça va Fred ?
Frédéric Couchet : Ça va. J’ai un sacré écho, je ne sais pas si l’écho passe sur le direct. On verra bien. Moi ça va bien. Et toi ?
Emmanuel Revah : Oui, ça va très bien aujourd’hui.
Frédéric Couchet : OK. Je crois qu’aujourd’hui le thème de ta chronique c’est « Merci le Libre ».
Emmanuel Revah : Oui, c’est ça. Veux-tu que je me lance ?
Frédéric Couchet : Je propose de te lancer.
Emmanuel Revah : Bon ! Comme tu sais j’adore râler, vraiment, je crois que je kiffe trop ça. Mes amis disent souvent « arrête de râler Manu ». Alors aujourd’hui, je vais tenter de les écouter, je vais tenter de ne pas râler.
L’autre jour, au réveil, j’ai entendu le camion poubelle, mais surtout j’ai entendu mon voisin l’applaudir en disant « bravo les mecs ! ».

Autant dire que ce matin-là mon réveil fut bizarre. J’ai eu l’impression d’être témoin d’un traumatisme psychologique né d’un mélange de culpabilité, de co-dépendance, d’impuissance apprise et, pourquoi pas, saupoudrée d’un peu de syndrome de Stockholm. Ou alors, c’est simplement le besoin primaire d’exprimer son humanité au travers d’encouragements, peut-être maladroits et confus, mais sincères.
À ce propos, aujourd’hui, j’ai envie d’en profiter, moi aussi, pour nommer des héros dignes d’applaudissements du journal télévisé. Enfin, je vais juste dire merci, je ne vais pas non plus applaudir, parce qu’un peu de retenue c’est de coutume.
Alors voilà, je commence par le début, juste après la création du monde en sept jours par le bon Dieu.
Merci à Richard Stallman d’avoir fondé le projet GNU, en 1983, et la FSF [Free Software Foundation] en 1985. Ces projets, déjà à l’époque, mettaient en avant l’envie de justice et d’égalité sociale, et se posait aussi la question du contrôle des outils numériques informatiques sur les humains. Il fallait commencer quelque part et, quoi qu’on en dise aujourd’hui, tu l’as fait RMS, alors merci !
Merci à John Gilmore, John Perry Barlow et Mitch Kapor d’avoir fondé la EFF, Eletronic Frontier Foundation, ONG qui défend les libertés civiles dans l’espace électronique. En 1990 ! Ils l’ont fait avec Steve de chez Apple, je parle du bon Steve, c’est-à-dire Steve Wozniak ! Un des premiers gros cas défendu par la EFF c’était Bernstein vs les États-Unis. Daniel J. Bernstein voulait tout simplement publier le code source de son logiciel de chiffrement. Or, les méthodes de chiffrement de données figuraient sur la liste des armes interdites à l’export, juste à côté de lance-flammes, missiles et des trucs comme ça.
Merci à Linus Torvalds d’avoir mis le noyau Linux en Libre en 1991, même si on ne sait pas si tu étais vraiment convaincu de ton choix de licence au moment de le faire, tu l’as quand mis sous GPL [GNU General Public License]. Cela dit, si Linux s’appelait « Freax », comme tu voulais à la base, je pense que le terme GNU/Freax aurait mieux pris que GNU/Linux.
Merci à Ian Murdock d’avoir démarré le projet Debian, une des toutes premières distributions de GNU/Linux qui existe encore aujourd’hui. Ce projet est livré avec un contrat social et plein de démarches qui vont dans le bon sens, dans le sens du logiciel libre et libérateur. En plus, Debian n’est pas une entreprise à but lucratif, alors pourquoi utiliser une dérivée de Debian ? Autant aller à la source… Et bien souvent la réponse est « parce que Ubuntu, juste ça marche ! » Bon ! D’accord ! Perso, je préfère la souffrance, c’est un choix !
J’aurais vraiment aimé être dans le studio pour cette édition de Libre à vous !, parce que…
Un grand merci à Frédéric Couchet d’avoir créé l’association April, Association pour la promotion et la recherche en informatique libre. OK, ça trébuche un peu sous la langue, alors on va finir par dire « promouvoir et défendre le logiciel libre ».

Donc merci à toi, Frédéric, d’avoir lancé l’April en 1996, j’ai appris ça en préparant cette rubrique ! Et au passage, merci de m’avoir permis cette chronique, moi qui sors un peu de nulle part ou, pour les plus geeks d’entre nous de /dev/null/part.

Alors comme on dit : En avril, ne te découvre pas d’un logiciel libre !
À propos de se découvrir d’un logiciel libre, un merci confus, un peu sur la retenue mais pas vraiment, mais, en même temps, en fait pas tout à fait un vrai merci à Eric Raymond et Bruce Perens d’avoir lancé l’Open Source Initiative en 1998 dont l’objectif était d’ignorer le côté social du logiciel libre et d’effacer l’image du hippie numérique utopiste et partageur, pour se concentrer sur les aspects purement pragmatiques et plus adaptés aux besoins de monde des affaires.

Bruce Perens est à moitié revenu sur son rôle. Il a dit à ce propos, je cite : « La plupart des hackers savent que logiciel libre et open source sont la même chose, mais le succès mercatique du terme open source dévalorise l’importance des libertés engagées par les logiciels libres ». Pour les francophones, mercatique ça veut dire marketing.
Merci aux membres de l’entreprise Netscape – d’ailleurs, la première suggestion de mon correcteur d’orthographe pour Netscape c’est « rescapé », c’est très drôle – qui ont fondé Mozilla en 1998, un peu avant l’acquisition de Netscape par le géant AOL. Le projet Mozilla a permis au navigateur Netscape de survivre au-delà de sa vie d’employé modèle chez AOL, là où il était confiné dans son petit cubicule gris avec, comme déco, à peine un cactus asséché dans un coin.

AOL, pour ceux qui ne se souviennent plus, c’était ceux qui nous pourrissaient nos boîtes aux lettres avec des cédéroms déjà obsolètes à leur gravure, cédéroms qu’ils envoyaient TOUTES LES SEMAINES ! Les pires spammeurs du monde c’était AOL. Je ne pardonne pas. Je n’oublie pas. Redoutez mon choix de passer par n’importe quelle autre FAI [fournisseur d’accès à Internet].

On se souviendra donc longtemps des contributions de AOL au monde des déchets, notamment, mais aussi de leur vision d’un Internet enfermé dans leur prison à abonnement commercial multi-optionnel.
Merci à VLC, VideoLan Client, à ne pas confondre avec le groupe « Vive le communisme », d’exister depuis 2001. C’est tellement un lecteur vidéo qui, « juste marche », tellement bien, qu’on le retrouve sur les ordinateurs de tout le monde et presque personne sait que VLC est un logiciel libre. On retrouve VLC même sur les routeurs des FAI ou « box » en langage mercatique.

Merci aussi à VLC pour libdvdcss. Je sais que c’est un petit peu dans les détails, mais Lib DVD CSS est un truc qui permet de lire un DVD, normalement.

En très simplifié, les gros distributeurs de DVD et de lecteurs DVD ont mis en place un système pour rendre la vie inutilement pourrie, en tentant de restreindre l’utilisation de leurs DVD. Leur objectif est de décider des conditions d’utilisation. En gros, la libdvdcss permet de casser la restriction numérique qui nous empêche d’exercer notre droit légal d’usage du DVD.
Merci aussi à toute l’équipe Framasoft qui œuvre depuis 2001 et depuis 2004 en tant qu’association dans la promotion, l’éducation et même le développement des logiciels libres.

Quand on parle du Libre autour de soi, c’est tellement pratique d’avoir Framasoft comme référence pédagogique et outil pratique. Ça m’a permis d’être compris plus d’une fois.
Un grand merci à Tor, le routeur Oignon, à la base développé par quelques projets américains de défense dans les années 90. Tor est devenu très utile pour assurer une véritable liberté de communication numérique, encore plus sous les régimes les plus autoritaires, mais pas que.
Merci aux cinq gus qui, depuis leur garage où ils s’envoyaient des mails à la chaîne, ont créé l’association La Quadrature du Net ou LQDN qui, depuis 2008, défend et promeut les droits et libertés de la population sur Internet. C’est un peu la EFF de la France et, quand on voit la quantité de propositions législatives qui tentent de restreindre nos libertés via les outils numériques, il est évident qu’on a vraiment besoin d’eux.
Merci aussi à Tails qui, depuis 2009, permet au plus grand nombre d’avoir un système d’exploitation complet qu’on peut mettre sur une clef USB, qui fait tout pour protéger la vie privée et l’anonymat de ses utilisateurs. Il s’agit d’un système basé sur Debian, tiens ! qui, une fois éteint, oublie tout, un petit peu comme moi en période de stress !
La liste commence à être trop longue pour une petite chronique, alors en vrac ce à quoi j’ai pensé en faisant cette liste : merci KDE, mpv, Mplayer, OpenVPN, PHP, PeerTube, Mumble, Inkscape, Jitsi, LibreOffice, Darktable, Gnome, Mastodon, Xfce, Wikipédia, OpenStreetMap, Creative Commons – j’aurais pu faire tout un truc sur eux. Je n’arrive même pas à faire cette liste, elle est trop longue, il y en a partout où je regarde ! D’ailleurs, je trouve ça rassurant !
Tous ces projets et logiciels nous permettent tous les jours, et peut-être particulièrement en ce moment, un espace de liberté immense, voire infini. Un endroit qui existe réellement, où on peut communiquer, partager, faire et, même dans certains cas, tout simplement exercer nos droits de citoyens et d’humains.

Plus fort, après avoir passé l’après midi sur les pages wiki de tout ces projets, c’est de constater que toutes ces choses, aussi variées soient-elles, sont uniquement possibles grâce à l’ensemble.
Frédéric Couchet : Merci Emmanuel. Beaucoup de références et de remerciements. Je ne sais pas si on va pouvoir mettre toutes les références sur le site de l’April et sur le site de Cause Commune. En tout cas, on a parlé d’un certain nombre de logiciels dont tu as parlé dans les émissions, je renvoie sur les podcasts. Sur la partie des menottes numériques, les DRM, si je me souviens bien une chronique a été consacrée à ce sujet, donc je renvoie les personnes à cette chronique sur le site causecommune.fm ou sur le site de l’April, april.org.

Et quand tu me remerciais pour la possibilité que tu fasses une chronique, moi je tiens à remercier Eda qui nous a mis en relation quand on a fait un appel à chroniques, c’est elle qui m’a dit : « Quand je vois Manu je me marre tout le temps, donc je suis sûre qu’il fera des belles chroniques » et effectivement tu nous fais des belles chroniques.
Emmanuel Revah : Merci pour ces mots très sympas.
Frédéric Couchet : Je te remercie et j’espère que la prochaine chronique sera à la radio, déjà pour avoir le plaisir de te voir et ça voudra aussi dire que le déconfinement se passe bien. Sinon on se retrouvera sur Mumble d’ici un mois.
Emmanuel Revah : Super. Merci et pareil. À bientôt.
Frédéric Couchet : À bientôt Manu.
[Virgule musicale]

Interview de Ludovic Dubost, créateur du logiciel XWiki, PDG de la société XWiki SAS qui développe XWiki et CryptPad

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre avec Ludovic Dubost. Ludovic est créateur du logiciel XWiki, PDG de la société XWiki SAS qui développe XWiki et CryptPad. Aujourd’hui on va surtout parler de CryptPad vu qu’on a beaucoup parlé de XWiki dans l’émission du 10 mars 2020 déjà avec Ludovic Dubost, je vous renvoie à cette émission pour les détails.

Là, l’idée c’est de faire un petit point avec Ludovic sur le confinement, comment se passe le confinement pour une entreprise comme XWiki et de parler un petit peu de CryptPad, donc nous présenter à nouveau ce qu’est CryptPad et est-ce qu’il y a eu des évolutions par rapport justement au confinement, des nouvelles fonctionnalités, une montée en puissance des utilisations.

Première question Ludovic : comment se passe le confinement pour toi, ta société et tes proches ?
Ludovic Dubost : Pour le moment le confinement se passe bien, enfin sans problèmes majeurs. En fait, nos équipes sont passées en télétravail à 100 %. Même un peu avant le début du confinement officiel on avait autorisé le télétravail à 100 % à tous nos employés, aussi bien en France qu’en Roumanie, parce qu’on est sur deux pays, plus quelqu’un au Canada. On avait autorisé ce télétravail à 100 %. D’habitude on autorise deux journées de télétravail, sauf aux gens qui sont en télétravail permanent ; chaque employé peut faire deux journées de télétravail. Donc globalement l’équipe sait déjà travailler en mode télétravail et elle est, évidemment, équipée d’outils pour cela, puisque finalement, avec une part significative d’employés en télétravail, on doit avoir des outils.

Globalement ça se passe bien du point de vue de l’organisation du travail. Évidemment, ça nous manque aussi de se voir. Le travail c’est aussi un lieu social, donc être un peu replié chez soi ce n’est pas ce que tout le monde veut, donc c’est un peu pesant à force.

Ensuite, du point de vue économique, on ne sait pas bien quel va être l’impact. Je m’inquiète plus, en fait, des effets économiques a posteriori que des effets à court terme. On a une activité de services, on avait des projets qui étaient en cours et ils ne se sont pas arrêtés, il y en a certes qui se ralentissent ; évidemment il y a des discussions avec des clients potentiels qui se ralentissent aussi. Ça va être difficile de connaître l’effet avant, je dirais, le milieu de l’année parce que cette situation pourrait aussi amener les entreprises à se poser des questions sur les outils qu’elles ont et à mettre des nouveaux outils en place.
Frédéric Couchet : D’accord. Comme tu le dis, la société avait la chance de pratiquer déjà le télétravail donc d’être prête ce qui n’a sans doute pas été le cas de beaucoup de gens qui ont été contraints, tout d’un coup, à se retrouver en télétravail et pas forcément avec les bons outils. Je pense qu’on en parlera tout à l’heure avec Vincent-Xavier sur la partie école où il y a eu des difficultés.

On ne va pas reparler en détail de la société XWiki, parce que je l’ai dit, il y a eu tout un sujet long le 10 mars 2020 ; sur causecommune.fm et sur april.org, vous pouvez retrouver le podcast avec Ludovic.

En résumé, la société fait des logiciels collaboratifs dont l’objectif est d’aider les gens à partager l’information et à collaborer. Dans les deux logiciels phares de la société il y a XWiki mais il y a surtout CryptPad dont on avait un petit peu parlé en fin d’émission le 10 mars et qui, je pense, a dû sans doute subir quelques évolutions et peut-être un regain d’attirance pour les gens vu, justement, le confinement. Est-ce que tu peux nous présenter CryptPad et nous dire comment ce logiciel évolue avec le confinement ?
Ludovic Dubost : CryptPad est un logiciel d’édition collaborative temps réel qui a la particularité de chiffrer les données ce qui veut dire qu’au niveau du serveur on n’est pas capable de lire les données que s’échangent les utilisateurs qui collaborent sur les documents. On pourrait le résumer en : c’est un Google Drive, Google Docs, chiffré. On n’a pas forcément tout ce que fait Google Docs aujourd’hui, mais on en a une partie assez importante. On fait des fichiers texte, des fichiers WYSIWYG [what you see is what you get, ce qu’on appelle en fait texte riche, on fait des kanbans un peu comme le logiciel Trello qui est très connu, on fait des présentations en mode texte, mais aussi des fichiers excel – on a un module compatible excel –, on fait des petits dessins. Donc tout un tas d’outils d’édition de documents et de stockage de documents. On peut aussi stocker des documents chiffrés qu’on peut éditer à plusieurs et même consulter à plusieurs puisque, finalement, si quelqu’un tape un document, quelqu’un qui est en mode visualisation va voir le document évoluer devant ses yeux en temps réel.

Un autre aspect c’est que dans CryptPad est intégré quelque chose de vraiment innovant qui est le fait de pouvoir se partager ces documents de façon entièrement sécurisée, toujours sans que le serveur puisse lire les informations.

Nous, en tant qu’opérateur du service cryptpad.fr qui est le service on va dire principal aujourd’hui, qui fait tourner le logiciel libre CryptPad – tout le monde peut installer le logiciel libre CryptPad et ouvrir son propre serveur ; on a pas loin de 400 serveurs installés, donc on opère ce service – on ne peut pas lire les données que se partagent nos utilisateurs.

C’était déjà un logiciel qui a une partie gratuite, c’est-à-dire qu’on peut venir sur cryptpad.fr et l’utiliser gratuitement dans une certaine limite, on avait mis cette limite à 50 mégaoctets de fichiers stockés sur son compte quand on crée un compte. Alors que notre logiciel progressait très régulièrement c’est-à-dire qu’il avait plus que doublé chaque année, même triplé les deux dernières années, là, ce qui s’est passé, c’est que le jour du début du confinement on a doublé d’usage. En fait, sur quelques jours, au final on a quadruplé d’usage, c’est-à-dire que là où on avait quelque chose comme 1000 ou 1500 utilisateurs par jour, on est passé à 6000 utilisateurs par jour. Là actuellement, ce matin, on était sur des problématiques de performance, on est à 2200 connexions simultanées sur le service CryptPad. De la façon dont on a analysé cette hausse, elle nous vient tout particulièrement d’Allemagne. En fait CryptPad est très populaire en Allemagne, beaucoup plus qu’en France, alors que nous on est en France.
Frédéric Couchet : Est-ce qu’il y a une raison particulière pour ça Ludovic ?
Ludovic Dubost : Pourquoi l’Allemagne ? Honnêtement, il y a le fait qu’il y a une instance majeure d’Etherpad qui existait en Allemagne, qui était gérée par le Pirate Party allemand et, en fait, ils l’ont migrée vers CryptPad. Cette instance a beaucoup de visibilité en Allemagne, en particulier auprès de gens qui sont sensibles aux problématiques de vie privée dans le monde digital et ça a fait énormément de publicité au logiciel CryptPad, entre autres dans les milieux éducatifs. Donc on pense qu’il y a beaucoup d’utilisateurs dans les milieux éducatifs d’où la hausse pendant le confinement.

Il y a aussi eu une présentation de CryptPad au CCC il y a quelques années. Enfin CryptPad est très connu en Allemagne, plus qu’en France.
Frédéric Couchet : On va juste préciser que le CCC c’est le Chaos Computer Camp ? C’est ça ?
Ludovic Dubost : C’était au Chaos Computer Camp, effectivement, qui est géré par le Chaos Computer Club.
Frédéric Couchet : Exactement.
Ludovic Dubost : Qui est, en fait, le club de hackers on va dire le plus connu en Europe, qui parle beaucoup de ces sujets-là. La visibilité que cette présentation ça a donné à CryptPad a fait que ça a démarré un peu la connaissance du logiciel CryptPad.

Après, est-ce que les Allemands sont plus sensibles à la vie privée ? C’est possible, je ne saurais pas complètement juger ce point-là. En tout cas, nous on est très contents d’être en France. Le développeur principal de CryptPad est Canadien, il est au Canada. On est très contents de pouvoir développer ce projet de façon internationale et le fait que le premier pays ne soit pas notre pays à nous, c’est finalement très bien, ça rend le projet encore plus international.
Frédéric Couchet : D’accord. Donc il y a une hausse d’utilisation. Est-ce que vous avez, par exemple, des demandes soit de type support c’est-à-dire d’aide à l’utilisation ou des demandes pour rajouter des fonctionnalités qui seraient utiles dans cette période, enfin qui seraient plus utiles dans cette période de confinement qu’en temps normal ?
Ludovic Dubost : On en a pas mal. On a en permanence des demandes. On a une liste assez large de ce que les gens voudraient qu’on fasse. Dans la période de confinement on voit une chose : l’audioconférence, la vidéoconférence, c’est quelque chose de très important et c’est peut-être encore plus populaire, on va dire, et plus nécessaire que les documents partagés. Donc il y a aussi une demande de : est-ce qu’on ne peut pas faire travailler ces outils-là ensemble ? Est-ce qu’on peut faire une conférence en même temps qu’on fait un document ? Est-ce qu’on ne peut pas intégrer les outils ? On a commencé à regarder, mais c’est compliqué parce que l’audioconférence chiffrée n’existe pas vraiment encore. Il y a quelques petits trucs, il y a des débuts de travaux autour de Jitsi pour faire du chiffrement bout en bout, mais ils ne fonctionnent que sur Chrome.

Personnellement, j’ai commencé à faire un prototype dans CryptPad pour voir un ce que ça pourrait donner. On commence à avoir des discussions autour de ce sujet-là.

Mais ce que nous demande le plus les gens, en fait, ce sont des applis mobiles ; ils nous demandent des fonctionnalités dans les outils eux-mêmes. Par exemple, une des choses qui nous est le plus demandée depuis longtemps par les utilisateurs d’Etherpad, c’est de pouvoir faire la coloration liée à l’auteur du texte. Dans un pad de texte, pas dans un pad riche, mais dans un pad de texte c’est de pouvoir voir visuellement quelle partie du document a été écrite par qui. Et, en fait, ça sort aujourd’hui grâce à des contributeurs et aux travaux des équipes.
Frédéric Couchet : Vous le publiez aujourd’hui ?
Ludovic Dubost : Ça sort en ligne ce soir, dans quelques heures.
Frédéric Couchet : D’accor. On va juste préciser, Ludovic, que quand tu parles d’Etherpad c’est un logiciel qui permet de faire de l’écriture collaborative en ligne, même si, derrière, il peut y avoir plusieurs logiciels, en gros c’est ça. Ce que vous allez sortir ce soir c’est la coloration qui permet effectivement de savoir qui a contribué sur telle partie de tel texte.
Ludovic Dubost : Exactement. En fait, c’était probablement la feature qui embête le plus les utilisateurs d’Etherpad ou de Framapad – puisqu’en France Etherpad est connu à travers Framapad – c’est la fonctionnalité qui manque le plus aux utilisateurs de Framapad pour passer sur CryptPad. En fait, pourquoi notre système n’est pas basé sur Etherpad ? On s’est posé la question. Ce n’est pas parce qu’Etherpad n’est pas un bon logiciel, c’est parce que le système algorithmique derrière Etherpad ne peut pas être chiffré de la façon dont on le fait dans CryptPad pour empêcher le serveur de voir les informations. Dans Etherpad, l’algorithme est fait pour que ça soit le serveur qui s’occupe de la synchronisation temps réel du document. En fait il faut comprendre que c’est très compliqué, finalement, de se passer du serveur pour synchroniser les actions des utilisateurs sur des documents et c’est ça l’innovation qu’il y a derrière CryptPad.
Frédéric Couchet : Tu l’as expliqué au début, la base d’un outil comme CryptPad c’est ce qu’on appelle le zéro connaissance, c’est-à-dire que le serveur n’a vraiment aucune connaissance des données qui sont éditées parce que, en fait, tout se passe sur le poste client, notamment le chiffrement. Évidemment d’un point de vue algorithmique, c’est-à-dire d’un point de vue processus, écriture de code, c’est beaucoup plus compliqué à faire que si tout se passait sur le serveur, mais à ce moment-là le serveur aurait accès aux informations.
Ludovic Dubost : C’est ça. On ne peut pas dire aucune parce qu’il y a toujours un peu d’information, par exemple on voit les IP des gens qui sont connectés, on voit toujours quelque chose, mais vraiment le travail au niveau de CryptPad c’est la minimisation des informations qui sont transmises aussi bien sur les documents que sur les données autour des documents. Et ça, c’est vraiment quelque chose qui est nouveau dans le développement logiciel.

Aujourd’hui, quand du chiffrement est introduit dans les logiciels, on doit avoir du chiffrement du client vers le serveur, on doit avoir du chiffrement d’une partie des données, mais on va très rarement avoir une approche qui consiste à dire « attention, il faudrait que tout soit chiffré ». C’est vraiment le travail qui est fait derrière CryptPad, de se reposer en disant « on va tout chiffrer », tout en offrant un outil qui est extrêmement ergonomique et extrêmement facile à utiliser. C’est vraiment ça notre objectif et c’est de prouver qu’il est aussi possible de repenser la façon dont les logiciels sont écrits pour être privacy by default, privacy by design, ce qui est un sujet important. Finalement on l’a entendu avec la polémique autour de Zoom : ils ont prétendu que leur logiciel faisait du chiffrement de bout en bout. Après ils ont déclaré « ce qu’on appelait de bout en bout c’est du client au serveur, ce n’est pas du client à l’autre client ». Il y a beaucoup de mésusage des termes de sécurité dans le domaine et le travail qu’on essaye de faire dans CryptPad c’est vraiment de minimiser, mais, en même temps, on ne veut pas raconter de salades aux gens sur ce qui est disponible. CryptPad, par exemple, n’est pas un outil anonyme, parce qu’il est possible de retrouver des choses à partir de l’IP. On ne va pas retrouver les données, mais on peut quand même retrouver qui utilise l’outil, quelles IP sont venues utiliser l’outil CryptPad.
Frédéric Couchet : Ça, ça fait aussi partie de certaines obligations des hébergeurs de garder des données pendant un certain temps dont les adresses IP.
Ludovic Dubost : À partir du moment où une donnée a été transmise elle est compromise. Qu’on la garde ou qu’on ne la garde pas, ça la compromet plus ou moins longtemps, mais à partir du moment où elle est transmise elle est compromise.
Frédéric Couchet : Tout à fait. Est-ce que vous avez reçu des propositions de code. CryptPad est développé exclusivement, si je me souviens bien, par ta société, par XWiki. Est-ce que vous avez reçu des propositions de ce qu’on appelle des patchs, c’est-à-dire un code qui permet d’ajouter une fonctionnalité dans CryptPad ou de corriger un bug ?
Ludovic Dubost : On a régulièrement des propositions de code. Maintenant, ce n’est pas la majorité du code. Typiquement, ce sont des gens du Pirate Party qui ont fait la coloration et c’est nous qui l’avons intégrée. Donc oui, on reçoit des patchs, on reçoit aussi beaucoup de rapports de bugs qui nous précisent exactement quel est le problème et qui nous aident beaucoup à développer plus vite. Ce sont tous les avantages du développement sous forme de logiciel libre qui sont très importants.

Maintenant, la majorité du code est écrite par nous, c’est du code qui est compliqué, ce n’est pas facile de rentrer dans CryptPad du fait à la fois de son architecture, des problématiques de sécurité, mais c’est faisable. C’est-à-dire que s’il y a des développeurs JavaScript qui veulent venir aider, il ne faut pas hésiter, on a besoin d’aide, on a plein d’idées et on n’a clairement pas assez de moyens pour réaliser toutes les idées qu’on voudrait réaliser.

CryptPad, en fait, c’est une équipe de trois personnes dans ma société, un designer et deux développeurs. Initialement le financement était un financement de projet de recherche de la BPI et cette année, en fait depuis mars 2019, on a réussi à trouver des financements européens, NLnet, j’en avais parlé la dernière fois lors de l’émission, et NGI TRUST. On a aussi eu une aide de Mozilla. Au FOSDEM il y a eu un évènement où on pouvait venir pitcher des projets open source et « gagner », entre guillemets, 10 000 dollars. CryptPad a été un de ceux-là. Donc on a aussi reçu 10 000 dollars de Mozilla, de la Mozilla Foundation, on la remercie. Ça nous permet de financer notre équipe au moins jusqu’à la fin de l’année, donc on est plutôt très satisfaits de la façon dont les choses avancent. On est un peu moins satisfaits de la crise du covid qui est positive pour l’usage de CryptPad mais évidemment on aurait préféré que ça n’arrive pas. En tout cas on a bouclé notre financement pour l’année ce qui est une bonne nouvelle.

On peut aussi prendre des souscriptions sur cryptpad.fr et on peut faire des donations sur Open Collective et ces donations, même si elles ne représentent pas la majorité de l’argent dont on a besoin aujourd’hui pour le développement de CryptPad, sont très importantes parce que notre objectif c’est de pouvoir transitionner d’un financement public à un financement qui nous rend indépendants du fait de demander de l’argent et avoir un financement régulier soit par nos utilisateurs sur cryptpad.fr parce qu’ils payent des souscriptions soit des donateurs réguliers sur Open Collective. En fait, aujourd’hui, on estime à peu près à 20 000 euros ce qu’on obtiendra par ce biais sur l’année. Pour être indépendants idéalement il nous faudrait 150 000, 200 000 euros.
Frédéric Couchet : D’accord. On va rappeler que la BPI c’est la banque publique d’investissement.

J’encourage une nouvelle fois les auditeurs et auditrices à écouter l’émission du 10 mars 2020 sur causecommune.fm, consacrée au financement des logiciels libres avec notamment le retour d’expérience de Ludovic.

Ludovic, est-ce que tu souhaites ajouter quelque chose pour terminer ?
Ludovic Dubost : Un dernier point que tu as mentionné : qu’est-ce qu’on nous demande ? Il y a des choses qu’on ne nous demande pas, c’est que le service marche et, quand on a multiplié par quatre l’usage, eh bien évidemment il fallait qu’il tienne. En fait, le gros de notre action ces dernières semaines ça n’a pas été uniquement de rajouter des fonctionnalités. On avait un plan de travail de fonctionnalités très riche, mais s’est rajouté à ce plan de travail de fonctionnalités un plan de travail sur la scalabilité, la montée en charge du serveur et du logiciel. En fait, quand on est passé du jour au lendemain du simple au double, on est plutôt très satisfaits que ça n’a pas planté et que ça s’est fait dans des bonnes conditions, mais ce n’est pas du tout évident. Donc si ça continue à monter, il faut évidemment qu’on continue à suivre la montée en charge, donc une grosse partie de nos actions c’est de tenir la charge.

Quand l’Éducation nationale a pointé en disant aux profs « allez utiliser les services de Framasoft », on sait que Framasoft a réagi en disant « attendez, si tout le monde vient nous on ne pourra pas tenir, il faut être clairs ». Donc un des problèmes de tous ces services en ligne c’est qu’il faut aussi les faire tenir face à la montée en charge.
Frédéric Couchet : Oui, tout à fait. Tu as tout à fait raison de préciser ça.

Ludovic je te remercie. Le site web pour découvrir et utiliser CryptPad c’est cryptpad.fr. N’hésitez pas à l’utiliser, à faire des retours, des contributions, soutenir aussi financièrement.

C’était Ludovic Dubost de la société XWiki qui nous a parlé de CryptPad.

Ludovic, je te souhaite une bonne fin de journée. À bientôt sur nos antennes sans doute pour parler à nouveau de logiciel libre, de financement.
Ludovic Dubost : Merci. Bonne journée. Bonne soirée et bravo pour l’émission.
Frédéric Couchet : Merci Ludovic. Bonne journée.

Nous allons faire une pause musicale avant de passer au sujet suivant qui sera l’éducation.
[Virgule musicale]
Frédéric Couchet : Nous allons écouter Nomad par MELA. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Nomad par MELA.
Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet :  Ça groovait sur Cause Commune. Nous avons écouté Nomad par MELA, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, donc CC By SA. Vous retrouverez les références sur le site de l’April, april.org et sur le site de la radio, causecommune.fm.

Vous écoutez toujours l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune. N’hésitez pas à participer à notre conversation ou à intervenir en vous connectant sur le site de la radio causecommune.fm et à nous rejoindre sur le salon #libreavous dédié à l’émission. D’ailleurs je salue la douzaine de personnes qui est présente sur le salon. On voit que le confinement permet à des personnes d’écouter en direct l’émission. Je les salue et je les remercie de leur fidélité.

Nous allons maintenant passer au sujet suivant.
[Virgule musicale]

Interview de Vincent-Xavier Jumel, professeur de mathématiques dans un lycée de Saint-Denis (93), sur l’école et le confinement

Frédéric Couchet : Nous avons à priori récupéré Vincent-Xavier. Oui je le vois sur le salon Mumble. Est-ce que tu m’entends bien Vincent-Xavier ?
Vincent-Xavier Jumel : Oui, je suis présent.
Frédéric Couchet : OK. Nous allons poursuivre avec l’interview de Vincent-Xavier Jumel, professeur de mathématiques dans un lycée de Saint-Denis. Si vous êtes une personne fidèle de l’émission, nous avons déjà eu Vincent-Xavier dans l’émission du 19 mars 2020, donc au tout démarrage du confinement, dans une Antenne libre consacrée aux services libres et éthiques où il était intervenu ; le podcast est disponible sur causecommune.fm.

On ne signale qu’il y a de l’écho, ça vient de Vincent-Xavier qui a dû activer un truc. On va voir si ça peut se régler.

Vincent-Xavier, première question, comment se passe le confinement ? Notamment, est-ce qu’il y a des évolutions par rapport au début, donc par rapport à l’émission du 19 mars 2020 ?
Vincent-Xavier Jumel : Pas forcément. Actuellement, je ne vois pas d’évolution majeure.
Frédéric Couchet : D’accord. Pour toi, en tout cas en tant que prof, il n’y a pas eu d’évolution ?
Vincent-Xavier Jumel : Non. De mon point de vue la situation est restée à peu près la même, c’est-à-dire qu’on a toujours aussi peu d’outils réellement utilisables. Sur continuitepedagogique.org, qui avait été mentionné dans les émissions, on voit quelques tentatives, il y a des choses intéressantes, mais il n’y a pas d’outils institutionnels qui soient arrivés qui révolutionnent la pratique.
Frédéric Couchet : D’accord. Je vais juste préciser pour les personnes qui nous écoutent et qui entendent l’écho, techniquement c’est tout simplement parce que Vincent-Xavier s’est mis en « diffusion continue » sur notre outil de discussion qui s’appelle Mumble plutôt que de se mettre en « appuyer pour parler ». Il a changé, peut-être qu’il n’y aura plus d’écho. Merci Vincent-Xavier.

Tu me dis que du point de vue prof il n’y a pas d’amélioration, mais du côté des élèves ? Est-ce que tu sais comment les élèves vivent le confinement et le suivi des cours avant qu’on parle des outils que tu leur proposes, en tout cas les outils que tu utilises ?
Vincent-Xavier Jumel : Les premiers retours que j’avais c’est que les élèves trouvaient ça extrêmement difficile, extrêmement fatigant, extrêmement usant, de la déperdition d’infos, beaucoup de travail. Je pense que les élèves sont un peu perdus face à l’afflux d’informations dans tous les sens. Ça c’était les premiers retours. Et plus le temps avance, avec la reprise j’ai l’impression que ce sont les mêmes échos. Avec la reprise du travail les réflexes ne reviennent pas forcément et je pense que les élèves en ont ras-le-bol surtout qu’il faut beau, ils n’ont qu’une envie c’est d’être dehors.
Frédéric Couchet : On va se permettre de raconter un peu notre vie. Quand je dis que Vincent-Xavier est enseignant de mathématiques dans un lycée de Saint-Denis, il se trouve que l’une de mes filles est une de ses élèves. Avant l’émission je lui ai un peu demandé ce qu’elle pensait de tout ça, elle ne voulait pas intervenir, mais elle me confirme effectivement le côté fatigant de la partie visioconférence, l’impression aussi d’avoir beaucoup trop de travail. D’ailleurs Marie-Odile demandait : est-ce qu’on n’a pas l’impression d’une surenchère avec peut-être trop de travail envoyé aux élèves ? Est-ce que dans ton lycée c’est le cas ?
Vincent-Xavier Jumel : Je n’en sais rien parce que je n’ai pas vraiment de visibilité sur le travail donné par les collègues. Moi j’ai pris la décision d’augmenter la plage de temps nécessaire pour les élèves. C’est-à-dire que, par exemple, ils ont jusqu’au mercredi ou au jeudi pour faire le travail donné le lundi et on va continuer comme ça sur ce rythme, avec un temps qui permet de s’organiser plutôt que de s’imposer de respecter un emploi du temps qui ne fait plus aucun sens pour personne. Mon idée c’est plus faisons un petit peu de maths tous les jours, à petite dose, et surtout soyons assez flexibles sur les échéances et donnons-nous le temps.
Frédéric Couchet : D’accord. Lors de l’Antenne libre on avait un peu parlé des outils. Tu avais clairement dit que la visioconférence, si je me souviens bien, était quelque chose qui n’était pas utile. La question que je me pose c’est : est-ce que les cours de maths, par exemple, se prêtent vraiment bien à des cours en ligne ? C’est la première question et deuxième question pour entrer un petit peu dans le détail : quels outils utilises-tu pour communiquer avec tes élèves et pour soit faire cours soit leur transmettre des connaissances ou des devoirs ?
Vincent-Xavier Jumel : Sur différentes suggestions je me suis mis à la vidéo, pas la visioconférence mais l’enregistrement vidéo d’un diaporama sur l’écran avec des commentaires audio ou, tout simplement, la sélection de vidéos déjà existantes puisqu’il en existe quantités qui permettent d’avoir le cours directement ; ça c’est pour une partie de transmission de l’information. Pour le reste, un document au format par exemple PDF ou web permet de transmettre énormément d’informations.

La deuxième partie, beaucoup de QCM ou de questionnaires avec des questions d’ordre mathématique qui, pour le coup, se prêtent quand même très bien à l’évaluation automatique. Il y a des tas de faiblesses dans les QCM du point de vue pédagogique, c’est évident, mais du point de vue informatique c’est très facile à mettre en œuvre et ça permet de tester des élèves.
Frédéric Couchet : Je crois que tu utilises un outil qui s’appelle Moodle, en tout cas tu m’en avais parlé au début, je ne sais pas si tu l’utilises encore, donc une plateforme d’apprentissage en ligne.
Vincent-Xavier Jumel : J’utilise Moodle avec un succès assez mitigé en fonction des classes et pas forcément des niveaux. Disons que sur un même niveau où j’ai deux classes, j’ai une classe qui a très bien, globalement, su s’emparer dès le début de l’outil, je dis pas qu’il n’y a pas quelques élèves qui ont du mal avec mais la plupart des élèves ont réussi à s’emparer de l’outil. Et puis une autre classe qui, dans sa globalité, là encore ponctuellement je ne dis pas qu’il y a des élèves qui n’arrivent pas à s’en emparer, mais qui n’arrive pas à rentrer dans l’outil. On est dans une situation étrange parce que dans les deux classes, malheureusement, cette année l’outil n’avait pas été présenté aux élèves avant le confinement ce qui est un petit dommage car cela facilite le travail. Je sais qu’au moins un collègue en anglais utilise Moodle, cette même plateforme d’apprentissage, de cours en ligne, avec énormément de ressources audio et les élèves doivent ensuite, par exemple, reconstruire des phrases qu’ils ont entendues, etc.

Informatiquement le QCM, c’est très bien et c’est à peu près le seul outil qu’on peut utiliser un peu, parce que dès que les élèves veulent écrire du texte un petit peu libre c’est impossible de corriger automatiquement ou, du moins, ça demande un tel temps de développement des questions que ça va plus vite de les corriger à la main.
Frédéric Couchet : D’accord. Est-ce qu’il y a la problématique de la multiplicité des outils ? L’impression que j’ai c’est que comme rien n’a été préparé, le ministère de l’Éducation nationale n’était certainement pas préparé à ce genre de chose, est-ce qu’il n’y a pas une multiplication ou une diversité d’outils, chaque prof essayant de faire en fonction de ce qu’il trouve, donc avec des outils plus ou moins libres ou plus ou moins faits pour ça, mettant potentiellement les élèves devant l’obligation d’apprendre différents outils et, en plus, en mode confinement. Est-ce que tu vis ça au quotidien ?
Vincent-Xavier Jumel : Je ne le vis pas, mais je pense que c’est le cas quand je vois les quelques échanges de mails qu’on a encore avec les collègues : les uns parlent de Discord, les autres parlent de Zoom, d’autres encore parlent de la classe virtuelle, d’autres parlent de l’outil EcoleDirecte qu’on utilise qui est le cahier de texte électronique auquel les élèves sont habitués. Tout ça c’est lié au fait que malgré tout l’école n’a jamais fait réellement référence au numérique. On a fait de timides choses et on ne s’est jamais posé la question du numérique à l’école à part des endroits où on a distribué des tablettes en veux-tu en voilà. On a dit : « Utilisez l’ENT, utilisez le cahier de texte en ligne » et derrière on ne s’est jamais réellement posé la question : de quoi avez-vous réellement besoin et qu’est-ce qu’il faudrait développer ?
Frédéric Couchet : D’accord. Est-ce que par rapport à tes élèves tu sais, pas une statistique, pas un pourcentage forcément précis, si la plupart arrivent à suivre ou est-ce que beaucoup d’élèves décrochent et, finalement, n’arrivent pas du tout à suivre soit pour des questions peut-être de manque de matériel informatique soit, tout simplement, parce qu’ils n’ont pas été formés à utiliser ces outils ? Donc la partie, on va dire, des décrocheurs.
Vincent-Xavier Jumel : Pour le moment, sur les classes de lycée, je dirais que j’ai un bon tiers, oui, un tiers d’élèves que j’ai du mal à atteindre autre que « salut, ça va ? Tu es encore bien en vie ? », mais pédagogiquement durs à joindre et pour lesquels je ne sais pas. Je n’arrive pas à savoir si le problème est d’ordre technique ou si c’est d’un autre ordre.

Sur les élèves de première, comme en première maintenant ils abandonnent une spécialité à la fin de l’année, je suspecte un petit peu qu’avec les annonces de non-évaluation de la spécialité abandonnée, les élèves se sont dit « c’est bon, on ne va pas se faire chier à continuer à faire cours alors que ça ne va pas être évalué, qu’ils vont prendre la moyenne du premier trimestre, qu’elle n’était si mauvaise que ça, donc je vais m’en sortir ! » Du coup je ne sais pas. J’ai eu la bonne surprise d’avoir des élèves qui sont revenus en disant « ça y est, j’ai reçu mon ordinateur, je vais pouvoir me remettre à travailler » et qui ont, en deux jours, complété trois ou quatre QCM plutôt longs, donc qui ont vraiment fourni beaucoup de travail d’un coup et qui étaient réellement bloqués pour des raisons bassement matérielles : je n’ai pas d’ordinateur, je ne peux pas travailler.
Frédéric Couchet : D’accord. Petite question que je relaie depuis le salon : est-ce qu’après le confinement vous allez poursuivre l’utilisation de ces outils-là ? Et je compléterai en disant : est-ce qu’une formation pour les profs et pour les élèves à un outil peut-être unique et si possible libre est prévue ou pas du tout ?
Vincent-Xavier Jumel : Moi je l’envisage, mais le problème c’est que la formation des professeurs est toujours basée sur le volontariat. Donc on propose une formation, il va y avoir 10 % des profs qui vont s’inscrire, qui sont, en fait, souvent ceux qui n’ont pas réellement besoin de formation mais qui ont besoin de confirmation de choses qu’ils connaissent déjà et puis les autres vont attendre la prochaine tempête pour se dire « tiens, ç’aurait été bien que j’aille à la formation "Utiliser les outils numériques" ». Pour le reste, je ne sais pas encore. Moi, je profite un peu de ce confinement pour capitaliser sur la création de vidéos et de ressources qui seront utilisables pas forcément dès la rentrée, enfin dès le retour avec les élèves s’il a lieu, mais de me dire « tiens, c’est enfin l’occasion de mettre en place de la classe inversée » que je n’avais jamais pris le temps de mettre en place parce qu’il ne faut pas se voiler la face : pour produire dix minutes de vidéo on utilise deux heures.
Frédéric Couchet : En conclusion, dans les trente secondes, est-ce que tu peux expliquer ce qu’est la classe inversée pour les personnes qui ne connaissent peut-être pas ce concept ?
Vincent-Xavier Jumel : L’idée de la classe inversée c’est : l’élève a reçu le cours en amont, il reçoit chez lui une ou plusieurs courtes vidéos qui présentent le cours et le temps en classe n’est plus consacré qu’aux exercices.
Frédéric Couchet : OK. À priori la rentrée est potentiellement prévue, en termes de lycée, sans doute autour du 18 mai si j’ai bien compris les dernières annonces de Jean-Michel Blanquer. En tout cas je te souhaite bon courage et aussi aux élèves dont mes enfants font partie. Est-ce que tu souhaites ajouter un mot de conclusion ou ajouter quelque chose ?
Vincent-Xavier Jumel : Juste un mot sur le super logiciel que j’ai découvert, VokoscreenNG, qui permet de faire des captures d’écran animées avec captation du son en même temps.
Frédéric Couchet : D’accord. On mettra la référence sur le site de la radio, causecommune.fm, et sur le site de l’April, april.org.

C’était Vincent-Xavier Jumel, professeur de mathématiques dans un lycée de Saint-Denis. Vincent-Xavier je te souhaite une bonne fin de journée et un bon courage pour le retour dans quelques semaines au lycée.
Vincent-Xavier Jumel : Merci et bon courage aussi à vous tous.
[Virgule musicale]

Chronique « Le libre fait sa comm’ » d’Isabella Vanni, coordinatrice vie associative et responsable projets à l’April, sur son expérience personnelle avec les outils de visioconférence libres en temps de confinement, les réactions de son entourage

Frédéric Couchet : Sans transition, sans pause musicale pour laisser un petit peu de temps à la discussion, nous allons poursuivre et finir par la chronique de ma collègue Isabella Vanni. Isabella est coordinatrice vie associative et responsable projets à l’April. Dans sa chronique du jour Isabella va nous raconter un peu son expérience personnelle avec les outils de visioconférence libres en temps de confinement et les réactions de son entourage.

Est-ce que tu es avec nous Isabella ?
Isabella Vanni : Oui. Vous m’entendez bien ?
Frédéric Couchet : Je te laisse la parole sur le retour d’expérience avec les outils de visioconférence libres. Vas-y, explique-nous.
Isabella Vanni : Merci. J’avais envie aujourd’hui de partager deux petites expériences que j’ai eues avec mon entourage. N’hésite pas, Fred, à me poser des questions pour avoir des précisions ou à me corriger si je dis des bêtises en français.

La première expérience a été un peu troublante, on va dire. En fait j’ai l’habitude, depuis plusieurs années déjà, d’utiliser des instances Jitsi Meet pour parler, échanger avec mes amis et, du coup, j’avais proposé de faire la même chose à des anciennes collègues que je fréquente régulièrement, un peu moins régulièrement depuis qu’on est confinées, mais c’est une façon de les revoir. Je leur ai proposé de se voir sur une instance de Jitsi Meet. On a parlé de cet outil très récemment sur Libre à vous !. C’est un service libre de visioconférence, très intuitif. Il suffit, en fait, de partager un lien aux personnes participantes, tout le monde se retrouve sur un salon. Ça me semblait l’outil le plus simple, le plus intuitif, le plus direct pour se voir. J’ai quand même pris le temps d’expliquer en quoi Jitsi Meet consistait, quelles étaient les astuces pour que ça marche au mieux, on sait notamment qu’il vaut mieux utiliser un navigateur basé sur Chromium. Je leur ai même donné le site où télécharger Chromium, utiliser une connexion filaire, etc. Je leur ai expliqué comment faire pour se connecter. Donc de ma part tout était bon.

Il y a deux anciennes collègues qui arrivent à se connecter sans problème et il y en a une qui a des difficultés et qui m’envoie un message qui m’a un peu fait froid dans le dos. Je cite le message parce que c’est bien de le lire : « Désolée Isa, cela fait plusieurs fois que je tente, mais je n’arrive pas à me connecter. Pour les nazes comme moi est-ce qu’on ne pourrait pas utiliser Skype ou WhatsApp la prochaine fois ? »

Tout d’abord, il faut savoir que j’apprécie énormément cette ancienne collègue que je considère une amie, qui n’est pas du tout démunie face à Internet ou à l’informatique. Déjà, le fait de se définir naze m’étonnait pas mal. Peut-être que je n’ai pas passé des heures à la sensibiliser mais c’est quand même une personne avertie qui connaît notamment les enjeux, les dangers liés aux outils proposés par les GAFAM sur Internet et elle sait très bien que je n’utilise pas ces outils.

Du coup je l’ai appelée pour comprendre ce qui se passait et là elle en a rajouté, elle m’a dit : « Isa, ça ne marche pas TON truc ! » Et là, j’ai senti une grosse goutte de sueur. C’était très dur d’entendre qu’un logiciel libre est « le truc » de quelqu’un, ce n’est juste pas tenable !
Frédéric Couchet : Au moins elle restée polie parce qu’elle aurait pu te dire « c’est quoi ce truc de merde » comme on a assez souvent entendu, malheureusement.

Qu’est-ce que tu as fait quand elle t’a dit ça ?
Isabella Vanni : C’est une personne très gentille, effectivement très polie donc je suis restée polie moi aussi. J’ai fait exactement ce que font chaque fois les techniciens, les informaticiens bénévoles de l’April quand j’ai un problème informatique — j’en profite au passage pour dire bonjour à nos bénévoles informaticiens et pour les remercier de leur patience et de leur bienveillance —, donc ce que j’ai fait c’est que je lui ai posé des questions pour comprendre ce qui s’était passé, je me suis fait décrire exactement ce qu’elle faisait. Très rapidement, en moins d’une minute, j’ai compris en fait qu’il s’agissait d’un problème très banal : le lien que je lui avais envoyé n’était pas complètement cliquable dans son courriel, ça arrive parfois, ça m’est arrivé, du coup l’URL, l’adresse qui s’affichait dans la barre des adresses n’était pas complète. Je l’ai invitée à copier-coller le lien au lieu de cliquer dessus comme elle avait peut-être fait dix fois avant de m’écrire et hop ! elle était avec nous.

Comme quoi c’était plutôt un problème qui n’a absolument rien à voir avec Jitsi Meet.
Frédéric Couchet : Effectivement, n’était pas un problème avec Jitsi Meet. Qu’est-ce que tu as tiré de cette expérience ?
Isabella Vanni : Ce que j’ai tiré de cette expérience c’est que, malheureusement, même de la part d’une personne que j’apprécie énormément, qui est très avertie, j’ai senti que les idées logiciel libre = ça ne marche pas et logiciel propriétaire= ça marche, valeur sûre, ont encore la vie dure. J’ai aussi senti que pour elle les logiciels libres restaient un truc compliqué, bon pour les geeks et pas pour les « nazes » comme elle s’est appelée. Je sais qu’elle est très fatiguée en ce moment, qu’elle a beaucoup de travail, donc j’ai senti qu’en cas de stress, de manque de temps et d’énergie, il y a encore cette tendance chez certaines personnes à toujours aller voir les choses qu’on connaît, sans se poser les bonnes questions, et les GAFAM, bien sûr, profitent bien de cet aspect, de cet état psychologique. Donc quand on fait de la sensibilisation, on doit avoir bien en tête tous ces aspects, même ces aspects psychologiques. Il faut apporter les arguments pour déjouer, démonter les idées reçues pour faire comprendre combien c’est important de libérer de cette dépendance aux outils propriétaires.
Frédéric Couchet : C’est ton premier cas d’expérience. Je crois que tu as un deuxième cas.
Isabella Vanni : Tout à fait. Le deuxième cas s’est passé beaucoup mieux. En fait c’est une personne qui, pour le coup, n’était pas du tout à l’aise en informatique, c’est ce qu’elle m’a dit et je la crois parce que dans sa vie personnelle elle est enseignante de stretching presque à temps plein. Disons que même au niveau professionnel elle n’a pas beaucoup besoin de l’ordinateur et j’ai bien compris que ce n’est pas quelque chose qu’elle fréquente souvent sauf, peut-être, pour naviguer sur Internet ou pour utiliser le web-mail.

Paradoxalement, mais je me dis que finalement pas tant que ça, ça s’est mieux passé avec elle. Il se trouve qu’elle souhaite proposer des cours en ligne et en direct le lundi soir pour éviter qu’on s’avachisse sur le canapé. Du coup son attitude, par rapport à celle de l’amie dont je parlais tout à l’heure, était très différente. Au lieu de nous écrire et de nous dire « allez, je vous propose des cours, rendez-vous sur Skype ou sur Zoom », elle a demandé par courriel ce qu’on pensait, elle a demandé de l’aide, clairement. À nouveau j’aime bien citer ce que disent les gens parce que c’est parfois beaucoup plus parlant, elle a écrit : « Je ne sais pas encore ce qui est le mieux. Je suis preneuse d’infos et de guidage pour créer des groupes afin de se connecter aux heures des cours ». C’est clairement une personne qui dit « je n’en sais pas trop, du coup je demande des conseils ». C’était une excellente occasion pour faire découvrir les services de visioconférence libres et décentralisés. Je lui ai parlé de Jitsi Meet et je lui ai aussi de BigBlueButton.
Frédéric Couchet : C’est quoi BigBlueButton ? On en a déjà parlé récemment avec Laurent Joëts dans l’émission du 7 avril 2020 qui était aussi consacrée à Jitsi. Rappelle-nous ce qu’est BigBlueButton et comment s’est passée cette expérience ?
Isabella Vanni : BigBlueButton, ou BBB, parce qu’on a déjà commencé à utiliser l’acronyme pour aller plus vite notamment sur les salons de chat, c’est un service libre, décentralisé, de visioconférence qui, par rapport à Jitsi Meet est, on va dire, un petit plus complexe non seulement à déployer — en fait il n’y a pas énormément d’instances en accès public pour l’instant ; c’est aussi un peu plus complexe comme interface parce qu’il a été pensé justement pour faire des cours, donc pour faire des choses un peu plus complexes qu’un simple échange par exemple entre amis. Il est beaucoup plus stable que Jitsi Meet parce qu’on reçoit un flux agrégé au lieu de recevoir un flux vidéo pour chaque personne qui se connecte, donc il a des caractéristiques très intéressantes pour faire des cours. Du coup j’ai pensé à lui proposer cet outil. Elle a demandé de l’aide, j’ai répondu à l’aide, je lui ai envoyé un courriel dans lequel, cette fois, j’ai commencé en expliquant les dangers de Skype, Zoom et compagnie. Je lui ai présenté les deux services, parce que j’avais envie aussi de lui de présenter un service comme Jitsi Meet qu’elle pourra utiliser dans d’autres occasions, en petit groupe. Je lui ai dit que BigBlueButton, BBB, était plus adapté pour ce qu’elle souhaitait faire, c’est-à-dire un cours de gym en direct avec au moins dix personnes participantes à chaque fois, dix élèves.

Toujours dans le mail, je lui ai dit : « Tu pourrais par exemple créer un compte sur cette instance » que j’ai trouvée grâce aux magnifiques fiches de documentation du Collectif CHATONS. Je me suis rendue disponible pour le tester ensemble, pour faire un tuto et pour l’animatrice, donc pour elle, et un tuto pour les élèves. J’ai pris un peu de mon temps. Elle était super heureuse d’avoir quelqu’un qui l’aide, ça c’est super bien passé. Elle a déjà annoncé à ses élèves qu’on aura notre premier cours la semaine prochaine sur BigBlueButton, donc superbe expérience.
Frédéric Couchet : Super référence et super retour d’expérience. Les gens qui voudraient tester BigBlueButton et d’autres services libres et loyaux peuvent se rendre sur le site que tu as cité, chatons avec un « s » point org [chatons.org], le Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, ouverts, Neutres et Solidaires.

Merci pour ce beau retour d’expérience et je te souhaite un bon cours de stretching devant BigBlueButton dans la semaine.
Isabella Vanni : Merci beaucoup.
Frédéric Couchet : On se retrouve bientôt au bureau je l’espère, peut-être en mai, peut-être en juin, on ne sait pas trop, on verra.

[Virgule musicale]
Frédéric Couchet : C’était la chronique d’Isabella Vanni qui est coordinatrice vie associative et responsable projets à l’April.

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Frédéric Couchet : Notre émission se termine, nouvelle émission en confinement

Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission : Laurent Leemans, Emmanuel Revah, Vincent-Xavier Jumel, Isabella Vanni, Ludovic Dubost. Aux manettes de la régie aujourd’hui William Agasvari.

Merci également à Sylvain Kuntzmann, bénévole à l’April, à Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio, qui s’occupent de la post-production des podcasts.

Merci également à Quentin Gibeaux, bénévole à l’April, qui découpe le podcast complet en podcasts individuels par sujet.

Vous retrouverez sur le site de l’April, april.org, et sur le site de la radio, causecommune.fm, une page avec toutes les références utiles ainsi que les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire vos remarques, poser vous questions qui sont, bien entendu, les bienvenues.
Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission. Si vous avez aimé cette émission n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous. Faites également connaître la radio Cause Commune, la voix des possibles. Il y a notamment en ce moment les lundi, mardi, jeudi et vendredi, de 12 heures à 13 heures, une nouvelle émission qui s’appelle Les trois premières minutes, qui est l’occasion de découvrir les trois premières minutes d’un roman, d’un film, en tout cas d’une œuvre. Je vous encourage à l’écouter.
La prochaine émission aura lieu en direct le mardi 28 avril 2020 à 15 heures 30. Nous ferons peut-être des petites fenêtres sur l’extérieur avec plusieurs sujets courts.
Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi prochain et d’ici là portez-vous bien.
Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.

Avertissement : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant⋅e⋅s mais rendant le discours fluide. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.