Émission Libre à vous ! diffusée mardi 22 mars 2022 sur radio Cause Commune


Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Étienne Gonnu : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Dans quelques jours, le 26 mars, l’April fera son assemblée générale, une AG importante car elle marquera le 25e anniversaire de l’association, enregistrée à la préfecture de Bobigny le 20 novembre 1996. Nous vous proposons, à cette occasion, une émission spéciale « Au cœur de l’April et de Libre à vous ! », pour que vous puissiez mieux faire connaissance avec celles et ceux qui font vivre l’association et l’émission. Ce sera donc le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme la chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » sur le thème du vote électronique et la chronique « Jouons collectif… au sein de l’April » de Vincent Calame. Voilà donc le programme de l’émission du jour.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Étienne Gonnu, chargé de mission affaires publiques pour l’April.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.

Nous sommes mardi 22 mars, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
À la réalisation de l’émission Isabella Vanni. Salut Isa.

Isabella Vanni : Salut Étienne. Bonne émission.

Étienne Gonnu : Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi, animatrice du groupe Transcriptions, sur le thème du vote électronique. Une chronique lue et pré-enregistrée par Laure-Élise Deniel

Étienne Gonnu : Nous allons commencer par la chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi, lue par Laure-Élise Déniel, aujourd’hui sur le thème du vote électronique, une chronique enregistrée il y a quelques jours. On se retrouve juste après dans environ 8 minutes sur radio Cause Commune, la voix des possibles.

[Virgule sonore]

Marie-Odile Morandi - Voix de Laure-Élise Déniel : En période électorale, il semble opportun de lire ou, si vous ne l‘avez pas déjà fait, de relire trois transcriptions qui traitent du vote électronique.
« Le vote électronique. En quoi le logiciel libre n’est pas la solution ? », est une conférence proposée en novembre 2011 par Benoît Sibaud, qui a été président de l’April et a participé à la rédaction du texte détaillant la position de l’association sur le sujet ;
« Le vote électronique et ses enjeux » était une table ronde menée par Jean-Marc Manach en novembre 2014 dans la fameuse émission 14h42  ;
et tout récemment, le 25 janvier, madame Chantal Enguehard, directrice de recherche à l’Observatoire du vote, organisme qui publie des rapports et particulièrement après chaque élection politique en France depuis 2007, a été reçue dans l’édition 129 de l’émission Libre à vous !. Elle s’est entretenue avec Étienne Gonnu et François Poulain, trésorier de l’April et membre de la société Cliss XXI.
Vous trouverez tous les liens sur la page concernant l’émission d’aujourd’hui, sur le site libreavous.org.

Voter est un acte qu’il nous est demandé d’accomplir dès le collège, voire dès l’école élémentaire. Pour élire le représentant de la classe, pour faire des choix collectifs, quoi de plus rapide que voter ? Les étudiants votent, les adultes votent aux élections institutionnelles – européennes, législatives, régionales, municipales, la présidentielle – sans oublier les élections professionnelles, les élections au sein d’une association et les référendums. Voter est donc un acte fréquent.

Les divers modes classiques de scrutin sont rappelés : la main levée, le vote par courrier postal et le vote avec bulletin papier.
Deux types de scrutins sont souvent regroupés sous le nom de vote électronique : le vote par ordinateur installé dans un bureau de vote et les scrutins par Internet via un navigateur.

Organiser un vote n‘est pas une mince affaire. Tout doit être prêt à temps. Se posent des questions de coût, mais aussi tous les problèmes intrinsèques liés à la diversité de la population qui doit voter.
Les intervenants s’accordent pour affirmer que la tentation de fraude est toujours présente, même dans les associations du Libre !, que des erreurs sont possibles à différents niveaux. Une codification pour encadrer les opérations classiques de vote a été mise au point au cours des années.

En 2014, le bureau politique de l’UMP, renommé ensuite Les Républicains, décide de passer au vote par Internet, présenté comme une arme contre la triche, afin d’élire son président. Dans l’émission 14h42 Anne Levade, présidente de la Haute autorité de l’UMP en charge du contrôle de ce vote, détaille la façon dont il a été organisé et les déboires auxquels il a fallu faire face : une attaque par déni de service – d’innombrables connexions en très peu de temps rendant les serveurs inaccessibles –, les problèmes de codes permettant aux adhérents d’être identifiés, sans oublier les failles de sécurité dont un expert affirme, a posteriori, qu’elles n’ont pas été exploitées. Laissons les auditeurs et auditrices découvrir les difficultés en cascade que les organisateurs de ce vote ont dû affronter et qui sont exposées de façon sincère dans l’émission.

Roberto Di Cosmo, présent à cette table ronde, de même que François Poulain le 25 janvier de cette année, rappellent que sans aucune formation, dans le cas de bulletins papier, quiconque présent dans un bureau de vote, même un enfant, en suivant ce qui se passe autour de l’urne transparente, est capable de comprendre et de se rendre compte que les bulletins qui sont comptés le soir, lors du dépouillement, sont exactement les mêmes que ceux qui ont été mis en place par les électeurs.

Sont rappelées les caractéristiques d’un vote démocratique – liberté de vote, secret du vote donc sincérité, anonymat, acceptabilité du résultat et de sa légitimité, et la transparence – qui doivent être respectées et traduites techniquement dans le cas du vote électronique.
Roberto Di Cosmo note que dans l’histoire de l’évolution technologique les personnes qui poussent à l’utilisation d’une nouvelle technologie sont celles qui la développent, alors que là ce sont les professionnels de l’informatique, ceux qui connaissent, qui freinent. Et pourquoi freinent-ils ?
Les explications de madame Enguehard sont éclairantes.
D’abord, affirme-t-elle, il n’y a pas d’urne, il y a la représentation électronique d’une urne et il est impossible de savoir si celle-ci est vide au départ, puisque, dit-elle, la mémoire d’un ordinateur c’est toujours plein ! Ensuite, de façon très imagée, elle décrit ce qui se passe : la personne fait un geste, par exemple appuie sur un bouton. Ce geste donne une petite impulsion électrique qui est transformée en un codage informatique. Ce codage informatique est transformé à plusieurs reprises et, à la fin, les résultats électoraux sont proclamés. Aucune de ces transformations n’est observable, il est impossible d’expliquer quoi que ce soit, il n’y a aucune transparence ! Son ton est ironique : comment croire les affirmations d’experts qui ne voient rien ! Leur rôle est symbolique. Il y a eu transposition de ce qui se fait pour le vote papier, sauf qu’en informatique on parle de machines, de logiciels, de codes sources. Les bugs sont intrinsèques donc partout, les virus s’infiltrent ! Une grande opacité ! Une boîte noire !
De plus, quand on agit à distance, n’y a-t-il pas finalement une sorte d’infantilisation des citoyens et des citoyennes qui sont alors un peu dépossédés de cet acte politique de décision collective. Le vote électronique invisibilise un certain nombre d’atteintes possibles à l’anonymat, au secret du vote, à la sincérité des élections.

Quels seraient les apports du logiciel libre sur le vote électronique ou par Internet ? Les avantages du logiciel libre sont rappelés : l’accès au code source qui amène transparence donc plus de confiance ; la revue par les pairs, la correction rapide des bugs, amélioration de la sécurité ; la mutualisation du développement du même logiciel donc indépendance des vendeurs. Cependant, le logiciel libre ne rend pas le scrutin électronique plus facile à expliquer ; la dématérialisation est toujours là. Les problèmes sont inhérents au fonctionnement de l’informatique, que ce soit libre ou pas n’y change rien. Avoir du logiciel libre, et même du matériel ouvert, n’est pas un critère suffisant pour offrir une élection satisfaisante par rapport à nos critères actuels de fonctionnement démocratique.

Les outils de vote peuvent s’avérer intéressants et avoir du sens dans certains cas, par exemple pour les Français de l’Étranger, pour les membres d’une association. François Poulain développe l’exemple de l’April. Voter en ligne permet aux membres qui sont maintenant répartis sur quasiment tous les continents de s’exprimer. La société Cliss XXI a donc développé le logiciel GvoT. Elle se pose en tiers de confiance en expliquant aux organismes qui font appel à ses services quelles sont les limites d’un tel vote, que les garanties sont moindres, donc qu’une réflexion doit être engagée pour définir le niveau de risque accepté ainsi que les bases sur lesquelles déléguer sa confiance.
Quand l’enjeu est fort, pour des élections d’envergure comme celles de députés ou du président, ce genre d’outil n’est pas souhaitable, n’est pas acceptable, voire inimaginable. Dans les autres cas on pourra envisager le vote électronique, certes utile et pratique, en fonction des contraintes et des moyens du moment. Toute la difficulté réside dans le fait d’évaluer l’enjeu.

Il n’y a donc pas de réponse universelle à cette thématique. Il faut expliquer aux citoyens la problématique avec tous les arguments et, suite à débat, leur demander ce à quoi ils acceptent de renoncer, donc quelle solution mettre en place. C’est l’appropriation par chacun et chacune, par notre personnel législatif, de tous les enjeux qui gravitent autour du vote, et du vote électronique, qui nous fera progresser collectivement.

[Virgule sonore]

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture », une chronique rédigée par Marie-Odile Morandi et lue par Laure-Élise Déniel.
Je précise que le logiciel GvoT, qui a été mentionné pendant la chronique, a été développé par Cliss XXI, une entreprise d’édition et de développement de logiciels libres. C’est ce logiciel libre qui est justement utilisé pour le vote en ligne par les adhérents de l’April pour l’AG à venir, comme je vous le disais, samedi prochain.
La chronique a été lue par Laure-Élise qui est l’une des bénévoles de l’équipe Libre à vous !. Depuis janvier, elle prête sa voix aux chroniques de Marie-Odile. Avant cela elle avait déjà enregistré pour nous de supers jungles notamment pour dire comment participer à l’émission. Eh bien Laure-Élise sera notre première invitée pour cette spéciale « Au cœur de l’April et de Libre à vous ! ».
Avant cela, je vous propose de faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Étienne Gonnu : Dans le cadre de cette émission spéciale, j’ai voulu partager quelques-uns de mes coups de cœur musicaux parmi les musiques libres que nous avons déjà diffusées. Pour ouvrir le bal, je vous propose d’écouter une des premières artistes que nous avons diffusées dans Libre à vous !, plus précisément dans notre 11e édition, en janvier 2019, ça remonte !, une artiste de hip-hop américaine dont les textes très politiques et la prose percutante m‘ont de suite plu.
Je vous propose donc d’écouter Age of Feminine par Kellee Maize. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Age of Feminine par Kellee Maize.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Age of Feminine par Kellee Maize, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC By SA.
J’espère que comme moi vous êtes remontés à bloc après ce superbe morceau !

[Jingle]

« Au cœur de l’April et de Libre à vous ! »

Entretien avec Laure-Élise Déniel, bénévole et voix derrière les jingles de Libre à vous !

Étienne Gonnu : Nous allons poursuivre par notre sujet principal « Au cœur de l’April et de Libre à vous ! » où j’aurai le plaisir d’échanger avec ma collègue Isabella Vanni, qui, en plus de faire la régie aujourd’hui, nous présentera un aperçu de ce qu’elle fait à l’April pour faire avancer la cause du logiciel libre. Quel talent ! Nous en apprendrons plus sur Vincent Calame qui vient d’entrer dans le studio et que j’invite à s’installer confortablement avec nous. Je vous proposerai aussi un aperçu des actions institutionnelles de l’April, plus spécifiquement notre action sur une proposition de loi visant à encourager l’usage du contrôle parental.
Mais tout d’abord, comme je vous l’annonçais avant la pause musicale, j’ai le plaisir d’avoir avec moi par téléphone Laure-Élise Déniel qui est notamment la voix derrière les jingles de Libre à vous !.
Bonjour Laure-Élise, est-ce que tu es avec nous ?

Laure-Élise Déniel : Bonjour, je suis là.

Étienne Gonnu : Parfait. Déjà je me permets de transmettre le bonjour de Marie-Odile qui est connectée sur le salon web de l’émission Libre à vous !, sur le webchat de la radio. D’ailleurs je dis à toutes les personnes qui nous écoutent qu’elles peuvent nous y rejoindre dès à présent, le lien vers le webchat est sur le site causecommune.fm.
Bonjour Laure-Élise. Je vais commencer par une question très classique, est-ce que tu pourrais te présenter, s’il te plaît ?

Laure-Élise Déniel : Bonjour. Bonjour à Marie-Odile évidemment.
Je m’appelle Laure-Élise et je suis comédienne. Initialement j’ai suivi une formation d’ingénieur en bâtiment et, en 2018, j’ai fait un virage à 180 degrés, je me suis inscrite au Cours Florent que j’ai terminé en 2020 et j’ai également suivi une formation de doublage. Depuis j’ai fondé un collectif avec les personnes que j’ai rencontrées dans ce parcours, le Collectif Neptune, et nous sommes en train de monter nos premiers projets.

Étienne Gonnu : Super. Tu pourras nous en dire plus. On a compris que ton métier tourne autour de ta voix, c’est pour ça que tu prêtes avec talent ta voix à l’équipe Libre à vous !. Comment es-tu arrivée dans notre équipe ?

Laure-Élise Déniel : J’ai rejoint votre superbe équipe grâce à Élodie, ma sœur, qui participe au montage des podcasts de l’émission. En discutant un jour avec elle je lui ai demandé si l’équipe cherchait quelqu’un pour faire des lectures, des jingles, si jamais une voix pouvait servir à quoi que ce soit pour l’émission. Elle a fait passer le message et Frédéric Couchet m’a contactée. Voilà comment je suis arrivée jusqu’à vous. Je ne connaissais pas du tout l’April au départ. On a beaucoup échangé sur l’identité de l’émission, l’ambiance. J’ai fait plusieurs propositions, notamment sur les jingles pour jouer sur les intentions, les tonalités, pour trouver ce qui correspondait vraiment à l’identité de l’émission.

Étienne Gonnu : J’ai aussi suivi, évidemment, ton arrivée et les questions que tu nous posais. C’est vrai que Libre à vous ! reste une émission qui est quand même amateur. Une part des professionnels de l’April s’occupent de l’animation, etc., mais ce n’est pas leur métier. C’est important pour nous de rendre une émission aussi agréable, aussi professionnelle que possible, et avoir une identité vocale fait partie de tout ça. Tu nous posais ces questions sur l’identité, sur les émotions, c’est intéressant de voir comment tu t’y prenais pour travailler, de voir ta méthode de travail, ton approche de la chose ; pour des personnes qui n’ont pas l’habitude ce n’est pas forcément évident. Du coup, comment t’y prends-tu pour apprécier, pour construire cette identité vocale ?

Laure-Élise Déniel : Sur les jingles, c’est vrai qu’on a beaucoup discuté de ce qu’on voulait faire transparaître avec juste une voix. On l’entend notamment si on prête un peu l’oreille aux publicités de la radio, c’est vrai qu’en fonction du produit il n’y aura pas la même intention derrière et c’était ça qu‘il fallait réussir à faire ressortir pour Libre à vous !. Il y avait cette idée d’émission sérieuse, mais avec un côté un peu radio pirate, un peu rebelle, donc il fallait réussir à allier les deux. On a tâtonné, j’ai fait plusieurs sessions d’enregistrement en fonction des phrases des jingles. Fred a réussi à m’indiquer, à m’orienter, à m’aiguiller un peu plus pour réussir à trouver ce qu’il vous fallait et j’ai réussi. Voilà.

Étienne Gonnu : C’est aussi un vrai travail d’allers-retours. Nous proposions effectivement les textes dont on avait besoin, nous pouvions t’aiguiller, c’était aussi à toi de chercher en nous les bonnes indications pour pouvoir proposer, finalement, un résultat. Est-ce que le fait que ce soit des capsules courtes rend l’exercice plus facile, plus difficile ?

Laure-Élise Déniel : Le travail de la voix est quelque chose qui n’est ni facile ni difficile, mais c’est vrai que pour ce qui est court il faut vraiment que l’intention, l’intensité soit à 200 %. Par rapport à une conversation normale il faut vraiment investir beaucoup plus la phrase pour que l’énergie ressorte. C’est un exercice que j’aime particulièrement, donc c’était vraiment un plaisir de vous aider à créer ces petits jingles.

Étienne Gonnu : En tout cas nous sommes très heureux de cette identité vocale que tu nous a proposée qui, je trouve, étoffe vraiment notre émission.

Laure-Élise Déniel : Merci beaucoup.

Étienne Gonnu : Est-ce que c’est un exercice que tu fais aussi professionnellement, que tu as eu l’occasion de faire avec d’autres associations ?

Laure-Élise Déniel : Pas du tout. Pour le moment ça reste vraiment restreint à l’April. Après, si des auditeurs nous écoutent, qu’ils n’hésitent pas à me contacter.

Étienne Gonnu : Comme je disais, en plus on a pu entendre en direct un enregistrement, depuis janvier tu prêtes ta voix aux chroniques de Marie-Odile qui prenait plus de plaisir à l’écriture des chroniques plutôt qu’à leur lecture en direct, finalement vous vous êtes bien trouvées. Du coup, à priori, je pense que lire un texte entre cinq et dix minutes c’est un exercice assez différent par rapport à un jingle qui doit contenir une émotion très spécifique ou est-ce que tu abordes ça de la même manière ?

Laure-Élise Déniel : Je n’aborde pas ça tout à fait de la même manière, déjà parce que j’apprends beaucoup des chroniques de Marie-Odile, ça m’intéresse énormément de lire les transcriptions et de pouvoir partager ce qu’il en ressort via cette chronique. J’aborde ça plus comme un reportage, en fait, pour partager du savoir et partager une réflexion. Avant de la lire, il y a plutôt différentes étapes. Je commence par lire la transcription qui se prête à la chronique pour bien comprendre les enjeux et les idées que Marie-Odile a voulu mettre en avant, faire ressortir les concepts qui sont abordés. Je suis assez novice en ce qui concerne l’informatique et l’informatique libre, donc je réfléchis parfois pas mal pour être bien sûre de l’intention et du sens qui sont donnés dans son texte. Après, pour la lecture en elle-même et l’enregistrement, c’est là que je me sers de mon expérience de comédienne, c’est à mon tour de me réapproprier ce message et ses valeurs et de transmettre ces informations à votre audience.

Étienne Gonnu : Ce que je trouve intéressant dans ce que tu nous dis c’est qu’effectivement tu ne te contentes pas de recevoir le texte, de le lire et c’est fini. On entend que c’est aussi du travail parce que tu prends le temps de t’approprier les concepts, de comprendre ce que tu vas lire et ça se ressent puisqu’on n’a pas l’impression que tu lis simplement un texte quelconque. C’est intéressant.

Laure-Élise Déniel : C’est vrai que de manière générale, pour un comédien, si on ne comprend pas ce qu’on dit, on ne va pas pouvoir le jouer. Il faut se le réapproprier, il faut le comprendre, il faut donner un sens et un enjeu au message qu’on transmet quel qu’il soit. Là, en l’occurrence, ça reste quand même très accessible et c’est enrichissant de pouvoir se dire qu’on apprend quelque chose en lisant un texte que je ne serais pas allée chercher de moi-même non plus. Pouvoir partager un nouveau savoir, une nouvelle réflexion, alimenter aussi sa réflexion personnelle, c’est quelque chose qui enrichit la transcription en elle-même en fait.

Étienne Gonnu : Super. Je trouve que tu mets le doigt sur un aspect important des chroniques de Marie-Odile, je trouve qu’elle a une excellente capacité de synthèse et de pédagogie pour rendre effectivement accessibles des concepts compliqués et parfois complexes.
Fred, qui est justement avec nous sur le salon web de l’émission, souhaite te poser une question. Il te demande si ces expériences avec Libre à vous ! te donnent envie de faire de la radio sous une forme ou sous une autre.

Laure-Élise Déniel : Je ne me suis pas posé la question. Faire de la radio, pourquoi pas ! C’est vrai que pour l’instant je préenregistre les chroniques de Marie-Odile, comme ça a été précisé. Au départ la raison c’est que normalement je ne suis pas disponible à l’heure à laquelle est diffusée l’émission, donc c’était vraiment plus une question pratique et d’organisation et ça demande un peu d’anticipation. Après, faire de la radio pourquoi pas ! Ça se réfléchit, je suis ouverte à toutes les propositions.

Étienne Gonnu : Ce n’était pas une question piège.
Je vois que notre temps d’échange va bientôt arriver à sa fin. Tu nous as parlé de toi. Tu nous as notamment parlé d’un collectif que tu as initié, le Collectif Neptune, est-ce que tu veux nous en dire quelques mots ? Et si tu as des actualités à partager autour de ce collectif, n’hésite pas à le faire.

Laure-Élise Déniel : Le Collectif Neptune est un collectif de comédiens qui a vocation à monter des créations théâtrales. Aujourd’hui nous sommes un peu moins d’une dizaine, nous avons plusieurs projets en cours. Nous avons une page sur un site non libre de partage des informations. Si vous tapez « Collectif Neptune » vous devriez nous trouver. Nous avons notamment un spectacle qui se monte en collaboration avec une autre association, qui s’appelle « Une lettre un sourire », qui a vocation à envoyer des lettres aux personnes âgées dans les EHPAD. Nous avons plusieurs petits projets qui se montent et qui prennent chacun leur temps. On mettra toutes les informations sur notre page pour ceux qui veulent nous suivre.

Étienne Gonnu : Parfait. Nous mettrons le lien vers ce Collectif Neptune sur la page de l’émission.
Avant de te libérer, une dernière question : est-ce que tu connaissais le logiciel libre avant de participer ? Et depuis que tu participes au projet Libre à vous !, est-ce que tu as développé tes connaissances – oui, tu nous as dit un peu – sur le logiciel libre ?

Laure-Élise Déniel : J’en connaissais quelques-uns, notamment grâce à Élodie qui m’a mise en contact avec l’April, la panoplie Frama [Framalibre] par exemple ou LibreOffice. C’est vrai que depuis j’essaye de faire un peu plus attention dans ma consommation de logiciels, notamment l’utilisation d’Audacity pour les enregistrements. De manière générale j’essaye de faire un peu plus attention, mais ce n’est pas toujours facile.

Étienne Gonnu : Non. On croit dur à la démarche des petits pas, c’est un pas à la fois. L’important c’est aussi d’ouvrir son regard sur ces enjeux.
En tout cas merci beaucoup Laure-Élise d’avoir pris ce temps d’échange avec nous et globalement pour ta participation à ce beau projet qu’est Libre à vous !. Je te souhaite une excellente fin de journée et au mois prochain pour une prochaine lecture de chronique.

Laure-Élise Déniel : Merci à vous. Avec plaisir. À bientôt.

Étienne Gonnu : Salut Laure-Élise.

Étienne Gonnu, chargé affaires publiques à l’April : un exemple récent d’action institutionnelle de l’April sur la proposition de loi sur le contrôle parental

Étienne Gonnu : Sans trop de transition, dans le cadre de cette émission spéciale « Au cœur de l’April », je me suis dit qu’il pourrait être intéressant d’évoquer un exemple d’action institutionnelle que nous menons. En plus d’être un des animateurs/régisseurs de l’émission, j’ai l’honneur d’être chargé de mission affaires publiques pour l’April depuis 2016.
Pour commencer, précisons peut-être ce qu’on entend par actions institutionnelles ou affaires publiques.
Dans son histoire, l’April s’est rapidement rendu compte qu’il ne pouvait suffire de faire la seule promotion du logiciel libre auprès du grand public. Cela est certes indispensable, ça l’est toujours, mais il y a malheureusement des intérêts contraires à ceux du logiciel libre, des rapports de force parfois, voire trop souvent, défavorables aux libertés informatiques. C’est donc le sens du plaidoyer politique que cherche à développer l’April, agir auprès des pouvoirs publics pour un contexte juridique, économique, politique, favorable au développement du logiciel libre et bien sûr de le faire en cohérence avec l’éthique que nous défendons, en transparence et sur des bases politiques claires et solidement argumentées, non pas pour défendre des intérêts particuliers, mais pour défendre ce que nous considérons être l’intérêt général.
Nous menons déjà ces actions dans l’optique de créer des rapports de force plus favorables au logiciel libre, l’exemple le plus marquant étant notre revendication pour une véritable priorité au logiciel libre dans les administrations publiques. Ça paraît d’ailleurs inconcevable que l’impôt finance, en réalité, du logiciel privateur et non pas un commun informationnel comme le logiciel libre, au bénéfice de tous et toutes.
Nous agissons aussi, parfois, pour lutter contre des situations qui menacent les libertés informatiques. Il peut s’agir d’atteintes directes, comme la situation d’addiction totale du ministère des Armées à Microsoft qui renouvelle sans cesse un contrat « Open Bar » avec l’entreprise américaine, alimentant ainsi sa propre dépendance. Une situation que nous dénonçons depuis plusieurs années et sur laquelle nous appelons à faire la lumière.
Il peut aussi s’agir d’atteintes plus indirectes, où l’objet initial d’une proposition de loi, par exemple, ne concernait pas les libertés informatiques, mais qui, par effet de bord, fait peser une menace sur ces libertés.
C’était le cas dans un dossier récent de l’April où nous avons agi autour d’une proposition de loi qui aurait pu, par effet de bord, interdire la vente d’ordinateurs dits nus, c’est-à-dire vendus sans système d’exploitation.

Au dernier trimestre 2021, le député de la majorité Bruno Studer dépose une proposition de loi visant à encourager l’usage du contrôle parental. Elle sera d’abord débattue à l’Assemblée nationale avant d’arriver au Sénat. Plus précisément, elle doit d’abord être débattue par la commission des affaires économiques de l’Assemblée qui peut amender le texte, puis cette version du texte, éventuellement modifié, est défendue en séance publique avec potentiellement l’ensemble des députés qui peuvent à leur tour amender le texte. Ce sera ensuite autour du Sénat, dans cette même logique de travaux en commission puis en plénière, de discuter du texte issu des travaux de l’Assemblée. C’est ce qu’on appelle communément la navette parlementaire.
Cette proposition de loi était construite autour de la proposition d’un article central qui avait pour objet d’imposer aux fabricants d’équipements informatiques la pré-installation d’un logiciel de contrôle parental que la personne qui acquiert l’équipement pourra activer ou non lors de la mise en service de l’appareil.
C’est là où la question, où l’enjeu surgit. Sera-t-il encore possible de vendre des ordinateurs sans système d’exploitation puisqu’il est de fait impossible de préinstaller un logiciel de contrôle parental sur une machine qui n‘aurait pas de système d’exploitation. Soyons précis. La proposition de loi visait spécifiquement « les équipements terminaux permettant l’accès à des services de communication au public en ligne ». La question de savoir si des ordinateurs nus sont couverts par cette définition se pose. En tout cas une chose est sûre, le doute est là et l’incertitude n’est jamais une bonne en droit, les acteurs économiques privilégiant souvent les voies de moindre risque, particulièrement, en plus, dans une situation où le marché des équipements vendus sans système d’exploitation est déjà assez fragile, est même mis à mal notamment par les pratiques de vente forcée.
Donc l’April, pour qui il n’était pas question de discuter du fond de la proposition de loi – ce n’est vraiment pas l’objet de l’association –, s’est mobilisée pour signaler que dans sa rédaction actuelle la proposition de loi pourrait laisser craindre des atteintes aux libertés informatiques des consommateurs et des consommatrices.
Une réalité de l’action institutionnelle c’est que parfois on ne remarque pas immédiatement une menace pour le logiciel libre. Ce n’est qu’en amont des débats en séance publique de l’Assemblée nationale, une fois que les travaux en commission étaient déjà passés, que nous avons envoyé une première proposition d’amendement à des députés pour exclure explicitement les équipements vendus sans système d’exploitation du périmètre de la loi. Et encore là peut-être trop tardivement, aucune de nos propositions n’a été reprise donc débattue en hémicycle.
Le tout, et ça fait partie de la réalité de nos travaux, c’est que cela se passait en toute fin décembre 2021 et, de fait, nos propres disponibilités étaient peut-être moindres.
Le texte arrive donc au Sénat, toujours avec ce risque pour les libertés informatiques. Nous contactons les sénateurs et sénatrices membres de la commission en charge d’étudier la proposition de loi, notamment la rapporteure, Sylviane Noël, en charge de conduire les travaux du Sénat sur ce texte.
À nouveau malheureusement, malgré nos efforts, nos amendements ne seront pas retenus, donc ils ne seront toujours pas débattus.
La lecture en séance publique, qui est l’étape suivante, sera donc notre dernière occasion pour éviter ce dommage collatéral pour la vente d’ordinateurs nus, vendus sans système d’exploitation.
Précisons ici que si, bien sûr, nous agissons pour que le texte soit modifié, le seul fait de voir nos amendements repris et déposés est important. C’est important pour que la question soit justement débattue et qu’il puisse être, a minima, dit à cette occasion par la représentation, au Sénat, qu’effectivement les équipements nus ne sont pas concernés pas la future loi ; c’est ce qu’on appelle l’intention du législateur, chose sur laquelle un juge pourra s’appuyer si jamais un litige devait survenir dans le futur.
À ce moment-là je contacte vraiment tous les sénateurs et sénatrices que nous savons sensibles aux enjeux des libertés informatiques ainsi que les secrétariats des différents groupes politiques qui constituent le Sénat et bien sûr la rapporteure pour justement nous assurer que ce débat ait lieu, que notre crainte soit entendue.
Plusieurs parlementaires décident de reprendre nos propositions d’amendement, la rapporteure aussi ou presque ! Puisque sa proposition n’exclut pas l’ensemble des équipements vendus sans système d’exploitation mais seulement ceux à destination des professionnels, et ce sera cet amendement qui sera adopté.
Malheureusement, à ce stade, le doute initial se voit en fait renforcé. Si le marché professionnel est spécifiquement exclu, le marché professionnel de la vente des équipements vendus sans système d’exploitation, cela veut-il dire que la vente de machines nues au grand public est, quant à lui, bien concerné par la proposition de loi ?
Ultime étape. Il ne nous reste plus que la commission mixte paritaire pour agir.
Une commission mixte paritaire rassemble un nombre égal de députés et de membres du Sénat pour trouver un texte de compromis entre les versions des deux chambres.
Nous exprimons à nouveau nos très fortes craintes, particulièrement auprès des rapporteurs Sylviane Noël et Bruno Studer de l’Assemblée qui, de plus, était celui qui avait déposé la proposition de loi donc son nom allait être attaché à cette proposition de loi une fois loi. Là nous insistons sur l’importance de rectifier le tir : c’est l’ensemble des équipements nus qui doit être exclu du périmètre de la loi. Fort heureusement nous serons entendus : la vente d’équipements sans système d’exploitation est bien hors de danger et explicitement sortie du périmètre.

Voilà un exemple d’une action relativement discrète de l’April puisque, au final, il n’y a aucune modification de fond du droit actuel concernant le logiciel libre une fois la loi votée, néanmoins importante pour nos libertés à toutes et tous.
Je profite de cette petite présentation pour remercier en particulier Bruno Studer qui s’est effectivement montré tout à fait à l’écoute de nos craintes.

Après ce long monologue qui, j’espère, vous aura paru intéressant, je pense que nous avons tous et toutes mérité une petite pause musicale.
Isa a passé en tapis. C’est un autre de mes coups de cœur, Arcane par Cloudkicker, un morceau qui peut se classer dans du math rock. Je vais vous laisser l’écouter, on en reparlera juste après sur Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Arcane par Cloudkicker.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Arcane par Cloudkicker, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By. Comme je vous le disais c’est un de mes coups de cœur des musiques que nous avons diffusées dans Libre à vous !. Un morceau qui, me semble-t-il, peut se classer comme du math rock dont j’adore vraiment la construction rythmique. Ça démarre au quart de tour et ça nous embarque pour trois minutes, sans nous laisser le temps de nous poser, en enchaînant les séquences rythmiques. En tout cas j’espère que ça vous aura plu et que, comme moi, le grain de folie de ce morceau vous aura emportés.

[Jingle]

Entretien avec Isabella Vanni, coordinatrice vie associative et responsable projets à l’April

Étienne Gonnu : Nous allons poursuivre nos échanges dans notre spéciale « Au cœur de l’April et de Libre à vous ! » avec celle que tous les membres de l’April qui ont mis les pieds dans un stand de l’association connaissent, j’ai nommé ma collègue Isabella Vanni, coordinatrice vie associative et responsable projets à l’April. Salut Isa.

Isabella Vanni : Salut. Bonjour à tout le monde.

Étienne Gonnu : Je rappelle que tu t’occupes en ce moment même de la régie. Merci de te prêter à cet exercice pas forcément évident de dédoublement de tâches.

Isabella Vanni : Tout peut arriver. On va voir !

Étienne Gonnu : On verra !
Est-ce que tu pourrais déjà te présenter et nous dire plus précisément en quoi consiste ton poste de coordinatrice vie associative et responsable projets ?

Isabella Vanni : Tu viens de nommer ma fonction. Je m’occupe de plusieurs choses. Il y a la partie gestion des membres qui est très importante pour nous parce que c’est notre force. On a près de 3000 membres ; je m’occupe de cette partie avec ma collègue Elsa.
Le grand axe important c’est l’axe sensibilisation qui se décline de différentes façons.
Je suis animatrice du groupe de travail Sensibilisation qui voit la participation de toute personne intéressée. Il peut y avoir les membres de l’équipe salariée qui relisent des documents, il peut y avoir des membres de l’April qui participent aux réunions qu’on organise. Il peut y avoir aussi des personnes qui ne sont pas membres mais qui sont intéressées à promouvoir le logiciel libre avec nous et qui participent ponctuellement à des réunions.
La sensibilisation se fait aussi sur les événements. On essaie de participer à un maximum d’événements plus spécifiquement libristes comme peuvent l’être les Journées du Logiciel Libre qui arrivent bientôt, le week-end des 2 et 3 avril à Lyon. Nous serons présents avec un stand et avec une équipe magique de bénévoles.
Ça se décline avec la production de documents de sensibilisation, de ressources explicatives des principes, des enjeux du logiciel libre ; ça peut être des flyers, ça peut être l’Expolibre qui est une collection de panneaux qui expliquent justement la philosophie du logiciel libre ; ça peut être aussi des goodies, comme des stickers, des tee-shirts, qui peuvent lancer des messages et donner envie aux personnes d’en savoir plus ; ça peut être aussi une initiative comme le Libre en Fête sur lequel tu as peut-être envie de poser des questions.

Étienne Gonnu : Quelle présentation complète et efficace !
Justement, puisque tu nous parles de Libre en Fête, un événement important qui a lieu en ce moment même, je pense qu’on pourrait même parler d’un méta-événement, je crois que c’est la 25e occurrence en plus, donc une année importante, un millésime important. Peux-tu nous en dire plus ? Qu’est-ce que Libre en Fête ? En quoi ça consiste ?

Isabella Vanni : Le millésime, juste pour donner l’information correcte, c’est le 21e.

Étienne Gonnu : Je confonds avec les 25 ans de l’April !

Isabella Vanni : La 21e est très belle aussi ! C’est une initiative nationale coordonnée par l’April qui a lieu autour du 20 mars, autour de l’équinoxe de printemps — le 20 mars et non plus le 21 depuis quelques années —, qui consiste, en gros, à proposer des événements de découverte du logiciel libre, des événements qui sont destinés notamment au grand public qui ne connaît pas ou qui connaît peu le logiciel libre et qui a envie d’en savoir plus. En fait l’April n’organise pas d’événements, on n’aurait pas les ressources pour le faire. En revanche, en France il y a énormément d’organisations locales qui promeuvent le logiciel libre. On s’adresse à ces organisations qui peuvent être des groupes d’utilisateurs et utilisatrices de logiciels libres, autrement appelés GULL, mais ça peut être aussi des associations, ça peut être des centres sociaux et culturels, ça peut être des médiathèques, des tiers-lieux. Finalement n’importe quelle organisation qui a à cœur ces enjeux peut bien sûr participer à cette initiative, proposer un ou plusieurs événements de découverte des logiciels libres ou de la culture libre en général, ça peut être aussi, par exemple, une soirée où apprendre à mieux sécuriser sa vie intime, ses données personnelles, donc c’est culture libre au sens large. L’April coordonne, c’est-à-dire que nous lançons les appels pour participer à la manifestation, nous mettons à disposition un site web et des éléments de communication. D’ailleurs je salue le superbe travail de notre membre et bénévole Antoine Bardelli, graphiste, qui a réalisé vraiment de supers chouettes nouveaux éléments de communication pour le Libre en Fête de cette année. On trouve tous les événements sur le site pour les personnes qui veulent chercher un événement de découverte du logiciel libre près de chez elles. On utilise aussi l’Agenda du Libre, qui est un site hébergé par l’April, sur lequel on peut soumettre des événements autour du logiciel libre. C’est là, en fait, que ces événements sont référencés et après, grâce à notre équipe d’informaticiens, en étiquetant « Libre en Fête » sur l’Agenda du Libre, ça apparaît aussi sur le site du Libre en Fête. J’en profite pour remercier l’une des personnes qui gère la partie informatique du site Libre en Fête, Vincent qui est là avec nous, ça tombe bien. Je le remercie en direct.
Je parle beaucoup !

Étienne Gonnu : C’est ton temps de parole, c’est très bien.
Je joins mes remerciements à Antoine Bardelli. C’est vrai que tout ce qu’il a fait autour de Libre en Fête, le nouveau site, l’image, c’est magnifique ! Je vous invite vraiment à aller voir.

Isabella Vanni : C’est très joyeux.

Étienne Gonnu : Tu parlais des Journées du Logiciel Libre. Ça s’inscrit aussi dans le cadre du Libre en Fête ?

Isabella Vanni : Je ne sais pas s’ils l’ont étiqueté dans le cadre du Libre en Fête, normalement ils le font.

Étienne Gonnu : De toute façon, il n’y a pas d’obligation.

Isabella Vanni : Il n’y a absolument pas d’obligation. Ce n’est pas parce qu’on soumet un événement qui rentre dans les dates – d’ailleurs j’en profite pour rappeler les dates de cette année, du 5 mars au dimanche 3 avril – ce n’est pas parce qu’on soumet un événement dans cette période sur l’Agenda du Libre qu’automatiquement on rentre dans Libre en Fête. Non, bien sûr ! C’est un choix de la personne ou de l’organisation. Ce n’est pas du tout grave. On adore l’ALDIL [Association Lyonnaise pour le Développement de l’Informatique Libre], c’est le GULL, le groupe, l’organisation qui organise les Journées du Logiciel Libre, on ne leur en veut pas s’ils n’ont pas mis l’étiquette « Libre en Fête », c’est très bien comme ça.

Étienne Gonnu : Du coup, je crois que tu vas participer, tu fais même deux conférences aux Journées du Logiciel Libre. Il y aura un stand. Je voulais te poser une question. C’est depuis fin de l’année dernière qu’on a pu refaire des stands en physique après toute une période de confinement. Qu’est-ce que ça représente pour toi de pouvoir à nouveau te retrouver sur des stands, dans des événements, de voir aussi un peu les camarades libristes ?

Isabella Vanni : Le premier événement auquel j’ai participé après beaucoup de temps c’était l’Open Source Experience, un salon professionnel qui a eu lieu à Paris en novembre 2021. Ça nous a fait énormément plaisir parce qu’il y avait des personnes qu’on ne voyait plus vraiment depuis longtemps. Les événements c’est pour toucher le public, bien sûr, mais c’est aussi un grand moment de convivialité avec des organisations et surtout des personnes qu’on aime bien, avec lesquelles on participe à la promotion du logiciel libre. C’est un plaisir. En plus je n’ai encore jamais participé aux Journées du Logiciel Libre à Lyon, ça fait longtemps que je voulais y aller et je suis ravie de participer à cette édition.

Étienne Gonnu : Pour y être allé une ou deux fois, je ne sais plus, je trouve que c’est vraiment un super moment, on est vraiment entre personnes convaincues par l’importance de défendre les libertés informatiques et on y est bien. Je trouve que c’est le genre d’événement où on se sent bien. Je redonnerai en fin d’émission les détails sur les différentes conférences qui peuvent intéresser, les liens seront bien sûr sur agendalibre.org que tu as déjà évoqué.
Tu as aussi parlé de l’une de tes activités, si ce n’est l’activité principale que tu as à l’April autour du groupe Sensibilisation. Tu en as déjà un peu parlé. Que fait ce groupe ? Quels sont vos projets actuels ? Comment fonctionnez-vous ?

Isabella Vanni : Déjà le groupe a une liste de discussion. C’est très important. Si vous êtes intéressé à participer à la promotion du logiciel libre auprès du grand public, le plus simple c’est de vous inscrire à la liste de discussion Sensibilisation ; on mettra la référence sur la page de l’émission pour pouvoir vous abonner facilement. Il n’y a pas besoin d’être membre pour participer à cette liste.
On a une page wiki où on liste les projets sur lesquels on travaille ou les projets possibles, les options possibles de projets.
Ces dernières années on a travaillé sur un jeu de plateau coopératif, le Jeu du Gnou, et sur la Boussole du Libre qui est plutôt un document visant à orienter les personnes, comme font les boussoles, vers des liens, vers des ressources fiables, à jour, accessibles, en fait pour les aider à obtenir des informations sur le logiciel libre, sur comment s’initier à un logiciel libre, sur comment trouver de l’aide.
J’en profite pour dire que ces dernières années on a aussi travaillé à un quiz sur l’Expolibre, c’est-à-dire une série de questions qui concernent les enjeux du logiciel libre qui sont expliqués dans les panneaux. Et tout dernièrement, toujours notre graphiste bénévole, Antoine Bardelli, encore merci à lui, a réalisé une affichette avec le quiz qu’on pourra mettre à disposition du public, notamment aux Journées du Logiciel Libre. Le but c’est de lancer un petit défi au grand public, il faut voir ça comme un jeu, qui finalement le poussera à lire encore plus attentivement les panneaux.

Étienne Gonnu : Parfait.
Tu as dit qu‘on n’est pas obligé d’être membre de l’April pour contribuer au groupe Sensibilisation. Est-ce que vous recherchez des compétences en particulier ? J’imagine que toutes les bonnes volontés sont les bienvenues ? Que peut-on faire, concrètement, si on souhaite contribuer au groupe Sensibilisation ?

Isabella Vanni : On organise aussi des réunions au cours lesquelles on discute notamment des projets en cours, des projets possibles qu’on peut commencer, qu’on peut démarrer. C’est aussi l’occasion de discuter entre nous. En fait si on a envie de sensibiliser autour de soi c’est important d’avoir les bonnes ressources, c’est important aussi de savoir ce qui se passe dans le monde du Libre, de l’informatique. Finalement ça devient aussi un moment un peu comme à un bar, on se retrouve, on parle, on échange des informations, donc on apprend aussi plein de choses.
La compétence vraiment importante c’est de s’intéresser à ces sujets.
Après on fait beaucoup de travail, si on veut, d’élaboration. Dernièrement on a surtout élaboré des quiz, on a élaboré des textes pour un jeu, on a recherché des liens et on les a présentés. Je dirais donc que c’est de la recherche, c’est de la rédaction, c’est de la relecture justement parce que la forme est très importante, il faut toujours avoir en tête qu’on a en face un public qui ne s’y connaît pas forcément, donc il faut aussi trouver la bonne formulation pour que ce soit le plus clair possible.
On est en train de réfléchir à de possibles goodies, de nouveaux goodies. Un bénévole s’est chargé de poser des questions dans un fablab qui a une brodeuse. Il s’est chargé de faire des tests, même de faire une formation, pas forcément pour l’April, mais du coup ça peut nous être utile, donc ça peut être éventuellement la recherche de prestataires, de fournisseurs, de nouvelles idées. C’est très vaste.

Étienne Gonnu : Si on a envie de s’engager on peut venir proposer des choses.

Isabella Vanni : Absolument.

Étienne Gonnu : Peut-être pour finir parce que notre temps arrive sur la fin, concrètement je crois que vous vous retrouvez à peu près toutes les deux semaines.

Isabella Vanni : Un jeudi sur deux. On a suspendu ce mois-ci parce qu’il y avait pas mal de choses côté April. La prochaine réunion est le 7 avril, c’est un jeudi, à partir de 17 heures 30 jusqu’à 19 heures 30.

Étienne Gonnu : Et à distance, je crois que vous passez par le logiciel Mumble ? Ou Jitsi ?

Isabella Vanni : On passe par Jitsi, plus précisément par le Jitsi sauce April, visio.chapril.

Étienne Gonnu : Donc un logiciel de visioconférence qui ne demande aucune compétence particulière pour être utilisé.

Isabella Vanni : Juste un navigateur web.

Étienne Gonnu : D’ailleurs je vais te féliciter parce qu’avant vous vous retrouviez, vous faisiez des réunions physiques et, comme pour toutes les associations, il y a eu le confinement et tu as su admirablement passer cette épreuve et continuer les réunions que tu avais mises en place en utilisant l’outil Jitsi et du coup ça continue.

Isabella Vanni : On s’adapte en fonction des situations. Ça a permis à des personnes qui n’habitent pas Paris de participer. Je suis finalement très contente, on a de nouvelles personnes qui participent. Il faut trouver le positif dans toute chose.

Étienne Gonnu : Merci beaucoup Isa.
Est-ce que tu as une dernière chose que tu souhaites partager ?

Isabella Vanni : Je crois que c’est tout.

Étienne Gonnu : Super.
Avant de te laisser reprendre tranquillement la régie, est-ce que tu pourrais nous présenter la prochaine pause musicale puisqu’il s’agit d’un de tes coups de cœur ?

Isabella Vanni : Tout à fait. C’est un morceau qui a été publié par un groupe qui s’appelle Vienna Ditto. C’est assez intéressant parce que c’est un groupe qui publie sous licence de libre diffusion la plupart de ses albums. Libre diffusion ça veut dire qu’on peut réutiliser la musique, mais il y a, je crois, une clause non commerciale. Au tout début, ils avaient aussi publié un morceau sous licence libre, ils l’avaient publié sur YouTube ; désolée, je dois parler de YouTube mais juste pour expliquer comment la licence libre peut aider à faire connaître un groupe. En fait, leur titre a été réutilisé par un youtubeur comme thème d’ouverture de ses vidéos. Ensuite un autre canal YouTube a fait une parodie de ce youtubeur, de ses vidéos. Et cette musique qui avait été écoutée, au départ, par seulement quelques milliers de personnes, eh bien, grâce à la licence libre, plus de cinq millions de personnes l’ont écoutée. Donc des personnes se sont intéressées à la musique qui était en ouverture, ont commencé à demander des informations sur le groupe, etc. Comme quoi diffuser sous licence libre aide aussi à ça.
C’est un groupe qui fait une musique électronique mais qui utilise aussi une guitare électrique. La voix féminine est plutôt jazzy comme style. Par contre le morceau que nous allons écouter aujourd’hui c’est plutôt du pop, c’est très mélodique et ça montre bien comme juste une bonne mélodie, de la guitare et une jolie voix peuvent faire un super morceau.

Étienne Gonnu : Parfait. On va écouter ça. On va donc faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Étienne Gonnu : Nous allons faire une pause musicale. Après cela nous retrouverons Vincent Calame pour la chronique « Jouons collectif… au sein de l’April ».
Avant cela nous allons écouter Whatever Comes My Way par Vienna Ditto, un excellent choix de musique. Je vous souhaite une belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles

Pause musicale : Whatever Comes My Way par Vienna Ditto.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Whatever Comes My Way par Vienna Ditto, un magnifique morceau disponible sous licence libre Creative Commons Attribution CC By.

[Jingle]

Étienne Gonnu : Je suis Étienne Gonnu de l’April. Nous allons passer à notre sujet suivant.

[Virgule musicale]

Chronique « Jouons Collectif » de Vincent Calame, « Jouons collectif… au sein de l’April »

Étienne Gonnu : Nous allons poursuivre avec la chronique « Jouons Collectif » de Vincent Calame que nous avons le plaisir d’avoir avec nous en studio. Salut Vincent.

Vincent Calame : Salut Étienne.

Étienne Gonnu : À toi la parole.

Vincent Calame : Quand j’ai appris que l’émission d’aujourd’hui était centrée sur l’April, je me suis dit qu’il y avait matière à prendre le contre-pied de mes chroniques précédentes. En effet, comme les présente la page qui leur sont consacrées sur le site Libre à vous !, l’idée de départ de mes chroniques est de partager mon témoignage d’un informaticien « embarqué », entre guillemets, au sein de groupes de néophytes – associations, mouvements et équipes en tout genre – où j’essaie de prêcher la bonne parole du Libre.
Aujourd’hui, à l’inverse, je vais évoquer mon action d’informaticien, de militant libriste, parmi mes homologues de l’April et d’autres mouvements du Libre, des personnes bien plus au fait des enjeux sociaux et politiques du Libre et/ou aussi bien plus calés que moi sur de nombreux aspects techniques.

Étienne Gonnu : Alors, est-ce que c’est plus simple ou plus compliqué ?

Vincent Calame : On commence d’abord par tomber de son piédestal ! Quand vous êtes le seul à maîtriser l’informatique dans un collectif, vous êtes un peu le prêtre d’une mystérieuse religion antique. Telle la pythie, vous êtes l’initié seul capable de décrypter la parole de la divinité, la divinité étant ici l’ordinateur. D’ailleurs le code informatique ne serait-il pas le dernier avatar de ces langues liturgiques connues seulement d’une caste de prêtres dont l’ésotérisme est soigneusement entretenu pour subjuguer les profanes ? Parfois, quand j’interviens sur un ordinateur et que je tape des lignes de code devant son propriétaire, j’ai l’impression qu’il ne me regarderait pas autrement si je tournais un moulin à prières en psalmodiant dans une langue gutturale. Bref ! Tout ça pour dire que quand on se retrouve avec d’autres informaticiennes et informaticiens, on est comme un magicien à un congrès de prestidigitateurs, on sait qu’on peut remiser ses tours de passe-passe, ils ne font pas illusion auprès des collègues qui connaissent tous les trucs et astuces pour impressionner le chaland. On ne s’en sortira pas avec des arguments d’autorité, il va falloir discuter et convaincre.

Étienne Gonnu : Du coup les discussions ne sont pas faciles !

Vincent Calame : Disons plutôt qu’elles sont longues, souvent, et un peu laborieuses parfois, en particulier lorsqu’il s’agit d’opérer un choix technique. Tout le charme du logiciel libre, c’est que les solutions sont nombreuses. Pour remplir une même fonction il existe des logiciels très divers, basés sur des technologies différentes, avec leurs avantages et leurs inconvénients. Sans compter que quand on administre un système et qu’on veut qu’il soit stable et facile à maintenir, on ne peut pas installer n’importe quoi, n’importe comment, sur un serveur. Chaque personne qui participe au débat vient donc avec ses pratiques, son expérience, son angle d’approche et surtout ses détestations et ses marottes. On comprend facilement qu’avec des passionnés, le débat ne peut être que passionné !
Du coup, au sein de l’April et ailleurs, je ne me suis pas souvent plongé dans l’arène du débat technique, ne me sentant pas la légitimité et la pugnacité suffisantes pour défendre telle ou telle position. Mais au fond c’est plutôt reposant de se mettre en position d’observateur et c’est aussi instructif car certains apports dans le débat nous font découvrir des enjeux et des solutions techniques que l’on ne connaissait pas encore ! En résumé, alors que dans les autres lieux où j’interviens je suis un peu l’informaticien de service avec ce que cela signifie de responsabilités, au sein d’une association libriste je suis en roue libre et je contribue là où je suis utile.
Je prendrai comme exemple les sites web puisque mes contributions militantes à l’April ou à Parinux, l’autre association libriste dont je fais partie, ont tourné autour de ce sujet. Il se trouve que j’utilise professionnellement le logiciel SPIP, un logiciel de gestion de contenus de sites web, mais franchement c’est parce que je le connais et que mes quelques expériences sur d’autres logiciels équivalents ne m’ont pas poussé à aller voir ailleurs ! Je serais franchement bien en peine de construire un argumentaire démontrant qu’il faut utiliser cette solution et pas une autre. Je n’ai donc pas participé aux débats qui ont conduit au choix final du logiciel pour les nouveaux sites. Comme il s’est porté sur SPIP, aussi bien à l’April que chez Parinux, j’ai alors pu apporter ma contribution, qui aurait d’ailleurs été beaucoup plus réduite si le choix s’était porté sur un autre logiciel.
En soi, l’April ne diffère pas d’autres associations et mouvements, on peut discuter longtemps mais, in fine, ce sont ceux qui prennent le problème à bras-le-corps qui remportent la décision. Le « y a qu’à-faut qu’on » y est aussi présent qu’ailleurs, tout cela fait d’ailleurs partie du charme de toute aventure collective.

Étienne Gonnu : Super. Merci beaucoup Vincent pour une nouvelle superbe chronique qui m’aura beaucoup fait rire, notamment sur la magie du logiciel. Ce que j’aime bien aussi avec l’informatique c’est que ça a un côté magique, notamment pour des non techniciens comme moi, et c’est important d’avoir de la magie dans la vie.

Vincent Calame : C’est vrai !

Entretien avec Vincent Calame, bénévole à l’April

Étienne Gonnu : On sait donc que tu es informaticien, libriste, c’est une évidence. Est-ce que tu pourrais nous en dire un peu plus sur toi maintenant qu’aujourd’hui on a le temps de discuter ?

Vincent Calame : Oui. Avec plaisir.
Je me présente professionnellement comme concepteur/codeur de logiciels libres. Je suis à mon compte, j’ai ma petite structure qui s’appelle Exemole, je suis tout seul. Je travaille surtout avec un client qui est La Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme, d’ailleurs on m’associe souvent à cette fondation mais, bien évidemment, je n’en fais partie officiellement. Comme je gère justement toute la partie magie, c’est-à-dire à la fois le système de mémoire interne et dès qu’il y a un problème informatique c’est moi qui m’y colle, je suis très associé à la FPH, c’est le petit nom de La Fondation Charles Léopold Mayer.

Étienne Gonnu : J’en reparlerai un peu plus tard. Il y a effectivement un peu une histoire entre l’April, le local de cette fondation et cette fondation elle-même.
Comment as-tu rencontré l’April ?

Vincent Calame : En fait ça date de très longtemps, du milieu des années 2000. À l’époque je me posais la question de comment libérer mon logiciel. Je dirais que maintenant je ne me poserais pas la question tellement il y a de ressources sur le Web, mais au milieu des années 2000 c’était moins répandu, je ne voyais pas trop comment procéder, j’avais l’impression qu’il y avait beaucoup de choses à faire, il y avait à comprendre les licences et tout. J’avais posé la question à quelqu’un, Denis Pansu qui travaillait à la Fing à l’époque, s’il connaissait des gens dans le monde du Libre francophone, parce que cela importait aussi, s’il pouvait me donner des conseils. C’est comme ça qu’il m’a fait rencontrer l’April. C’est d’ailleurs lui qui m’a aidé à libérer mes logiciels et ensuite je suis devenu adhérent de l’association.

Étienne Gonnu : D’accord. Tu étais libriste ou tu commençais à devenir libriste et c’est dans ce cadre-là que tu es rentré à l’April ou c’est plutôt quand tu as été au contact de l’April que tu es devenu libriste ?

Vincent Calame : J’étais utilisateur de logiciels libres, j’en profitais donc j’avais une dette vis-à-vis du monde du logiciel libre. Se posait la question de libérer, mais finalement je ne savais pas encore quel était l’acte à faire pour devenir officiellement libriste. Ne serait-ce que pour comprendre, maintenant, en un clic, on a tous les dépôts, toutes les forges de logiciels, que ce soit sur les plateformes comme Framagit, la forge du Chapril ou d’autres choses ; toute cette habitude de transmettre son code sur un dépôt est vraiment entrée dans les mœurs. En 2005 c’était beaucoup moins répandu, on avait moins l’habitude, je n’utilisais pas encore un logiciel de suivi de version, je pense que je devais faire mes sauvegardes de manière assez peu sophistiquée. D‘ailleurs, à l’époque, l’April m’avait orienté vers la plateforme de l’ADULLACT [Association des Développeurs et Utilisateurs de Logiciels Libres pour les Administrations et les Collectivités Territoriales], c’était une des rares plateformes francophones pour déposer du logiciel. J’avais l’impression que c’était un énorme palier devenir libriste alors qu’en fait maintenant, en un clic, un choix de licence et c’est bon !

Étienne Gonnu : Je précise que l’ADULLACT est une association qui promeut le logiciel libre pour les collectivités territoriales plus spécifiquement. Elle offre effectivement des services techniques, notamment une plateforme. Tu as parlé de dépôts, de forges, ce sont des plateformes techniques pour créer du logiciel libre à plusieurs, collaborativement.

Vincent Calame : C’est tout un mécanisme qui permet de transmettre son code facilement. C’est en particulier une manière de le sauvegarder, de le rendre public, de le rendre consultable avec, ce qui très important en informatique, un suivi de l’historique de toutes les modifications qu’on fait. Un peu comme quand on va voir l’historique de Wikipédia, on voit tout l’historique d’une page, on dit « telle personne a rentré telle phrase à tel moment ». Pour du code informatique c’est la même chose, on voit que telle personne a fait telle modification, c’est très important pour le suivi. En plus après, autour de ces outils-là, beaucoup d’autres outils se sont greffés comme un suivi des demandes de nouvelles fonctions, des rapports de bogues ou des choses comme ça, tout un système de documentation qui sont des outils très utiles et rassemblés en un seul endroit ; ça permet de comprendre la vie d’un logiciel, quelle est sa feuille de route et des choses comme ça.

Étienne Gonnu : Pourquoi milites-tu pour le Libre ? Pourquoi est-ce important pour toi ? J’ai l’impression que ce n’est pas seulement une question de technique.

Vincent Calame : Non. Comme je l’ai évoqué, au début je crois que j’avais un peu une dette à payer parce que, au fond, ce que je suis capable de faire c’est grâce à tous les logiciels libres existant. Si je faisais la somme de toutes les licences qu’il faudrait payer pour mon travail, ne serait-ce que pour pouvoir travailler, je crois que ce serait un budget très conséquent. Comme je n’ai pas les moyens, malheureusement, de faire des dons à tous les projets libres que j’utilise, déjà en libérant mon code je paye une partie de ma dette à tout ce travail qui m’est utile au quotidien.
L’autre aspect très important pour moi dans le Libre c’est la pérennité. C’est un enjeu. J’ai envie de dire que j’ai la chance de pouvoir faire du Libre aussi parce que je suis payé pour. Au début, quand j’ai commencé, je devais faire l’outil interne de La Fondation Charles Léopold Mayer. C’est après, en discutant, qu’on s’est convaincus qu’il fallait libérer le code. Il n’y a pas eu de problème pour les convaincre ; en termes de valeurs, de partage, ce sont bien sûr des valeurs qui sont communes. Il y a aussi cette idée de pérennité, de dire qu’en le diffusant justement sur les forges, sur les dépôts, c’est comme ça qu’on garantit que le code sera réutilisable et sera pérenne. J’ai déposé sur Framagit, je suis allé sur le site de Software Heritage et j’ai vu que mon code est là, ça fait plaisir. C’est quand même une garantie en plus, c’est tout bêtement aussi une sauvegarde de tout son travail d’une vie d’informaticien, c’est important qu’il soit sauvegardé. Et puis comme on dit, si un jour j’ai une crise mystico-écologique, que je vais dans le Grand Nord cohabiter avec des grizzly, au moins mon client aura accès à mon code et pourra continuer mon travail si jamais un coup de patte malencontreux de grizzly joueur fasse que je ne sois plus en capacité de travailler.

Étienne Gonnu : Je vais me permettre de faire une blague privée. C’est vrai qu’on parle parfois de bus factor, il y a aussi le « grizzly factor ».

Vincent Calame : Je préfère parce que bus factor ça me gêne. À Paris je n’ai jamais eu de problème à vélo avec les conducteurs de bus, ils sont charmants. Par contre un grizzly joueur !

Étienne Gonnu : Je précise que bus factor c’est cette idée que moins il y a de personnes sur lesquelles repose un projet plus le projet est fragilisé si une des personnes malheureusement…

Vincent Calame : Se fait écraser par un bus.

Étienne Gonnu : Ou se prend un grizzly. Bref !
Du coup ça fait écho à une remarque de Fred sur le salon #libreavous. Tu parlais de SPIP, tu disais « puisque c’était SPIP j’ai pu contribuer à l’April ». À l’inverse, le choix de SPIP s’est aussi fait parce qu’il y avait des contributeurs bénévoles, vous étiez plusieurs. On peut aussi remercier Jean, Antoine et donc Vincent qui est avec moi, qui ont contribué à la mise en place du site Libre à vous !. C’est parce que nous avions accès à vos compétences et que vous étiez prêts à les partager avec nous qu’on a fait ce choix. L’humain fait aussi partie des décisions dans ce sens.
Je voulais te poser rapidement une question, rapidement !, on prend le temps qu’il faut. Tu as contribué à la mise en place de ce site libreavous.org, une superbe réussite. Graphiquement je le trouve très beau et c’est grâce à Antoine Bardelli. En tant qu’utilisateur non technicien amené on va dire à manipuler de l’information pour la mettre en page le site, je trouve le site très facile à utiliser, c’est aussi grâce à SPIP. Comment as-tu approché ?, parce que c’était un sacré chantier. Il fallait migrer de l’ancien site, du site de l’April où nous éditions, nous publiions les pages de toutes les émissions, pour les concentrer sur un nouveau site. Je ne vais pas te demander de faire toute la genèse, mais comment abordes-tu un chantier de ce type ?

Vincent Calame : Sur la partie SPIP du site c’est surtout Jean qui a travaillé. J’ai fait deux choses que j’aime beaucoup par ailleurs, sur lesquelles j’ai travaillé, c’est partir de l’existant et voir ce qui est récupérable de manière automatique. J’avais fait une chronique sur le copier-coller à une époque. Comment, quand on migre d’un site à un nouveau site, on peut s’éviter un certain nombre de copier-coller, parfois c’est la seule solution et on fait avec.
Là j’ai fait deux choses. D’une part, effectivement, c’est essayer de récupérer le contenu des pages existant sur le site de l’April pour l’intégrer dans SPIP, ce qui a fait qu’en fait l’archive des émissions n’a pas été perdue. On aurait aussi pu dire « on fait un nouveau site, il commence à l’émission 50 et on laisse traîner le reste quelque part sur l’ancien site », mais on a dit « on reprend à partir de l’émission 1 ». J’ai écrit des petits scripts qui vont voir les pages et qui essayent d’extraire des pages l’information qui nous intéresse.
La deuxième partie c’est le processus de production. Comprendre le processus de fabrication d’une page du site à partir du fichier de podcast parce que le fichier de podcast est découpé pour avoir des podcasts différents, et là il y a une procédure avec un fichier JSON qui partage. Là, comme il y avait ce travail fait, c’était pouvoir le récupérer de manière automatique dans SPIP pour, là aussi, éviter la double saisie, ne pas avoir à retaper à chaque fois. Je dis ça parce que sur la page d’une émission, il y a le sujet principal et puis il y a les chapitres et c’est ce chapitrage qu’il fallait récupérer pour pouvoir le réutiliser, le valoriser aussi dans le lecteur, d’ailleurs le lecteur Podlove où il y a ce chapitrage. Comme il était déjà fait dans le cadre du découpage du fichier de podcast, il fallait faire en sorte que ce travail soit réutilisé automatiquement.

Étienne Gonnu : OK. En tout cas bravo parce que c’était un gros chantier et le résultat est super.
On a évoqué avec Isa Les Journées du Logiciel Libre, je crois que tu as aussi une actualité par rapport à cet événement.

Vincent Calame : J’y vais aussi, je serai à la journée de samedi. Je fais ma pub.

Étienne Gonnu : Vas-y !

Vincent Calame : Je participe à une conférence, je crois que c’est à 14 heures, avec Ritimo sur la question de la mémoire militante. C’est un peu lié aux travaux que j’aime bien, comment on récupère des données, on essaye de les conserver. Il y a trop de sites qui disparaissent du jour au lendemain parce que ce n’est plus maintenu et c’est vraiment dommage parce qu’on perd aussi de la mémoire dans tous les mouvements sociaux. C’est une réflexion qu’on a depuis longtemps avec Ritimo. Les Journées du Logiciel Libre vont être l’occasion de discuter de ça.
J’ai vu qu’Isabella a aussi une conférence sur l’émission de radio Libre à vous !, j’irai, je lui tiendrai compagnie. Je ne sais pas si à la fin il y aura une séance d’autographes.

Étienne Gonnu : On peut l’envisager !

Isabella Vanni : Je peux faire l’autographe tout de suite si tu veux !

Étienne Gonnu : OK ! Super. Un sujet très intéressant. C’est vrai que quand on défend la libre circulation des savoirs, des connaissances, leur mémoire est aussi quelque chose d’essentiel.
Je ne serai pas à Lyon, je pense qu’on pourra peut-être suivre à distance. Il faudra que je me renseigne, je ne sais pas si tu le sais.

Vincent Calame : À distance je ne sais pas, en tout cas ce sera enregistré. À distance on va voir, peut-être que maintenant avec toutes les pratiques liées au confinement, c’est devenu automatique de mettre en place ce type d’outil.

Étienne Gonnu : En tout cas merci beaucoup Vincent pour ce temps d’échange, pour ta chronique, et je te dis au mois prochain pour une prochaine chronique.

Vincent Calame : Oui, tout à fait.

Étienne Gonnu : Super.
Je vous propose de faire une petite pause musicale.

[Virgule musicale]

Étienne Gonnu : D’habitude nous n’en faisons que trois, mais pour conclure cette série d’échanges « Au cœur de l’April et de Libre à vous ! » je vous propose de faire une dernière pause. Comme dernier coup de cœur, je vous propose d’écouter un morceau qui met la pêche, qui donne envie de danser sur des rythmes endiablés et un peu fous, qui a aussi un petit grain de folie. Nous allons écouter Late as usual par The Freak Fandango Orchestra. On se retrouve dans trois minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Late as usual par The Freak Fandango Orchestra.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Late as usual par The Freak Fandango Orchestra, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC By SA.

[Jingle]

Étienne Gonnu : Nous approchons de la fin de l’émission. Nous allons terminer par quelques annonces.

[Virgule musicale]

Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre

Étienne Gonnu : Dimanche 27 mars, lendemain de l’assemblée générale de l’April, l’association organise un April Camp dans le 11e arrondissement de Paris, à La Fondation pour le progrès de l’Homme mentionnée par Vincent. L’idée d’un April Camp est de se réunir entre membres et soutiens de l’April pour faire avancer des projets en cours, lancer de nouveaux projets, se rencontrer. Les projets peuvent être de nature technique, des outils de communication, etc. Tout le monde, membre ou pas de l’association, peut participer en fonction de son temps disponible, de ses compétences, de ses envies. Donc n’hésitez pas à venir nous retrouver.
On en a parlé, les 2 et 3 avril 2022 auront lieu à Lyon Les Journées du Logiciel Libre, un des plus importants événements autour du logiciel libre en France. L’April y tiendra un stand où vous pourrez nous retrouver. Vous pourrez également entendre une conférence de ma collègue Isabella, « Promouvoir le Libre à la radio », je vous laisse en deviner le thème !, ainsi qu’une conférence sur le logiciel Bénévalibre, un autre projet en partie porté par Isa. Et enfin une table ronde « Se défendre dans le monde numérique » à laquelle participeront deux autres bénévoles de l’April. Vous pourrez retrouver Vincent Calame sur la mémoire informationnelle, ce n’est peut-être pas le bon terme, il vient de nous en parler.
Un concert aussi pour les 10 ans de la Journée de la création musicale, créations partagées sous licence libre CC By SA, que vous pourrez retrouver à l’Escapade, Espace Le Goffic, dans le 35, à Pacé, le samedi 2 avril à 20 h 30.

D’une manière générale, je vous invite à consulter le site de l’Agenda du Libre, agendadulibre.org, pour trouver des événements en lien avec les logiciels libres ou la culture libre près de chez vous.

Notre émission se termine.

Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission : Laure-Élise Déniel, Marie-Odile Morandi, Isabella Vanni, notamment à la manette de la régie aujourd’hui, et enfin Vincent Calame
Merci également aux personnes qui s’occupent de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang1, bénévoles à l’April.
Merci aussi à Quentin Gibeaux, bénévole à l’April, qui découpe le podcast complet en podcasts individuels par sujet.

Vous trouverez sur notre site libreavous.org, toutes les références utiles ainsi que sur le site de la radio, causecommune.fm.
N’hésitez pas à nous faire des retours pour nous indiquer ce qui vous a plu mais aussi des points d’amélioration. Vous pouvez également nous poser toute question et nous y répondrons directement ou lors d’une prochaine émission. Toutes vos remarques et questions sont les bienvenues à l’adresse contact chez libreavous.org.

Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission. Si vous avez aimé cette émission n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et à faire connaître également la radio Cause Commune, la voix des possibles.

La prochaine émission aura lieu en direct mardi 29 mars 2022 à 15 heures 30 toujours. Notre sujet principal portera sur les grandes entreprises de service du numérique et le logiciel libre, une émission animée par mon collègue Frédéric Couchet.

Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 29 mars et d’ici là, portez-vous bien.

Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.