Émission Libre à vous ! diffusée mardi 3 mai 2022 sur radio Cause Commune


Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Isabella Vanni : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
La reconversion professionnelle vers les métiers en lien avec le logiciel libre, c’est le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme la chronique « Pépites libres » de Jean-Christophe Becquet sur le réseau Centipède RTK, un outil communautaire permettant une géolocalisation de précision centimétrique et aussi quelques bonnes nouvelles concernant le Libre mises en avant dans la chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi. Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Isabella Vanni, coordinatrice vie associative et responsable projets à l’April.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.

Nous sommes mardi 3 mai 2022, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
Je suis moi-même à la réalisation de l’émission d’aujourd’hui, donc je vous demande un peu d’indulgence si jamais je fais quelques petites bêtises.
Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « Pépites libres » de Jean-Christophe Becquet - Le réseau Centipède RTK : un commun pour une géolocalisation de précision centimétrique »

Isabella Vanni : Nous allons commencer par la chronique « Pépites libres » de Jean-Christophe Becquet qui porte aujourd’hui sur le réseau Centipède RTK. Jean-Christophe est normalement avec nous au téléphone. Bonjour Jean-Christophe.

Jean-Christophe Becquet : Bonjour Isabella. Bonjour à tous. Bonjour à toutes.

Isabella Vanni : À toi la parole.

Jean-Christophe Becquet : La géolocalisation par satellite fait partie de notre quotidien. Nos voitures, nos montres, nos téléphones sont équipés de récepteurs qui nous géolocalisent en permanence. Il est devenu banal de s’en remettre à cette technologie pour calculer et suivre un itinéraire. On parle le plus souvent de GPS pour Global Positioning System. Cet acronyme désigne le premier système de positionnement par satellite mis en place par les États-Unis en 1995. Il existe aujourd’hui d’autres réseaux comme Galileo, par exemple, développé par l’Union européenne.

Ces services peuvent être regroupés sous le sigle GNSS pour Global Navigation Satellite Systems ou Géolocalisation et Navigation par un Système de Satellites. La technologie GNSS s’appuie sur des calculs de distances. Votre terminal mesure le délai de réception d’un signal depuis plusieurs satellites différents et il calcule votre position par triangulation. La vitesse de propagation du signal varie selon les conditions physiques de l’environnement, par exemple la présence de nuages dans l’atmosphère. Cela provoque des perturbations qui limitent la constance et la précision de la géolocalisation. Les récepteurs classiques souffrent ainsi d’une marge d’erreur qui peut varier entre un et quelques dizaines de mètres.

Certaines applications nécessitent une précision supérieure. C’est le cas par exemple pour le guidage d’engins agricoles ou la cartographie de réseaux sensibles comme les conduites de gaz ou les lignes à haute tension. Pour améliorer la précision, on utilise des systèmes différentiels, c’est-à-dire que l’on s’appuie sur une borne de référence dont les coordonnées géographiques sont connues de manière très précise pour corriger le signal. Cette technique s’appelle le RTK pour Real Time Kinematic ou Cinématique temps réel en français. Les premiers dispositifs de géolocalisation différentielle étaient très coûteux, car ils nécessitent un abonnement pour se connecter à la base de référence.
C’est ainsi que l’INRAE, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, a décidé de soutenir la création d’un réseau ouvert de bases de référence. Centipède est le nom de ce réseau collaboratif initié par Julien Ancelin et développé comme un commun qui s’améliore au fur et à mesure que le nombre de contributeurs augmente. Le logiciel RTKBase, qui fait fonctionner les bases, est développé sous licence libre AGPL, GNU Affero General Public License, par Stéphane Penaud. Chacun peut ainsi participer et enrichir la couverture en installant son propre équipement. Une carte permet de visualiser toutes les bases disponibles. Il en existe plusieurs centaines en France métropolitaine et quelques-unes ailleurs en Europe ou en Guyane par exemple. Dans un rayon de plusieurs kilomètres autour d’une base, on obtient une géolocalisation précise au centimètre.

Le réseau Centipède RTK est aujourd’hui largement utilisé par des agriculteurs, des contributeurs OpenStreetMap, des chercheurs, des passionnés. Chacun peut installer sa propre base et l’ajouter au réseau. Le matériel nécessaire coûte quelques centaines d’euros. Une abondante documentation fournit toutes les explications pour construire une base RTK ou un récepteur appelé Rover.
C’est là que je voudrais profiter de ma chronique pour adresser un message aux initiateurs du projet. La documentation est sous licence Creative Commons By-NC-SA, Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage dans les mêmes conditions. Or une licence avec la clause NC n’est pas libre. Restreindre les utilisations commerciales, c’est se priver de certains contributeurs qui pourraient, par exemple, former de nouveaux utilisateurs à la construction de bases pour rejoindre et développer encore la communauté Centipède. Je renouvelle donc mon appel : libérez vos créations !

Isabella Vanni : J’espère vraiment que ton appel sera entendu, Jean-Christophe, ce serait effectivement plus cohérent que même la documentation soit sous licence libre. Merci beaucoup pour cette chronique. Je te donne rendez-vous le mois prochain pour une nouvelle pépite libre.

Jean-Christophe Becquet : Merci. Bonne émission, bon courage à toi, Isa, qui aujourd’hui assures à la fois l’animation et la régie. Bon courage pour la suite de l’émission et au mois prochain.

Isabella Vanni : Merci. Au revoir.
Nous allons maintenant faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Isabella Vanni : Après la pause musicale, nous parlerons de reconversion professionnelle vers les métiers en lien avec le logiciel libre. Il s’agit d’un sujet pré-enregistré il y a quelques jours.
Nous allons écouter By Force par Punch Deck. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : By Force par Punch Deck.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Isabella Vanni : Nous venons d’écouter By Force par Punch Deck, disponible sous licence libre Creative Commons CC By 3.0. J’aime beaucoup ce morceau. Punch Deck est un artiste qui fait de la musique électro, ce sont des morceaux instrumentaux, mais, dans ce morceau en particulier, il y a une section rythmique très rock, c’est pour cette raison que j’aime beaucoup et il y a une dimension assez « épique », je dirais. Normalement ce genre de dimension m’embête un peu, mais dans ce cas-là, je ne sais pas pourquoi, j’aime beaucoup. Comme quoi on se fait toujours surprendre par la musique !

[Jingle]

Isabella Vanni : Je jongle entre deux souris et deux ordinateurs, c’est pour ça qu’il peut y avoir quelques pauses en trop.
Passons maintenant au sujet suivant.

[Virgule musicale]

La reconversion professionnelle vers les métiers en lien avec le logiciel libre avec Aurore Damay, rédactrice et graphiste à Framasoft et Sylvestre, animateur de l’atelier numérique à l’espace Les Ricochets à Figeac

Isabella Vanni : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui porte aujourd’hui sur la reconversion professionnelle vers les métiers en lien avec le logiciel libre. Il s’agit d’un sujet qui a été enregistré il y a quelques jours. Nous allons donc l’écouter et on se retrouve juste après dans une heure environ.

[Virgule sonore]

Isabella Vanni : Bonjour. Je suis Isabella Vanni, coordinatrice vie associative et responsable projets à l’April. Nous sommes le 20 avril 2022, nous enregistrons un sujet à l’avance. C’était la condition pour faire intervenir nos personnes invitées.
Nous allons parler de reconversion professionnelle vers les métiers en lien avec le logiciel libre et nous allons le faire avec Aurore Damay, rédactrice et graphiste pour l’association Framasoft qui est en studio avec moi. Bonjour Aurore.

Aurore Damay : Bonjour Isa.

Isabella Vanni : Et avec Sylvestre qui est animateur de l’atelier numérique des 3L, tiers-lieu de Figeac, qui intervient via l’outil d’audioconférence Mumble. Bonjour Sylvestre.

Sylvestre : Bonjour Isa. Bonjour Aurore.

Isabella Vanni : Nous allons commencer notre échange. Sylvestre, tu interviens à distance, je ne peux donc pas te voir, mais je peux t’entendre. Si tu souhaites intervenir à un moment mais que tu n’as pas la parole, n’hésite pas à m’appeler, Isa, pour que je te donne la parole.
On va commencer par une question très classique : qui êtes-vous ? Pourriez-vous nous faire une petite présentation personnelle. Aurore, veux-tu commencer ?

Aurore Damay : Bonjour. C‘est Aurore. Je suis rédactrice et graphiste pour l’association Framasoft, donc membre salarié de l’association.
J’ai toujours aimé rendre belles les choses, que ce soit la manière de présenter, la manière d’écrire pour que ce soit bien compréhensible, même dans la musique d’un point de vue plutôt personnel, c’est pour ça que je me suis tournée vers la communication. Il y a quelques années je me suis rendu compte que j’avais besoin de travailler avec sens et c’est comme ça que je me suis tournée vers le secteur associatif.

Isabella Vanni : Très bien. C’est parfait pour démarrer. Merci.
Sylvestre, à toi pour une courte présentation pour nos auditeurs et auditrices.

Sylvestre : J’habite une petite commune rurale de 10 000 habitants, Figeac dans le Lot, pour ceux qui ne voient pas c’est à peu près à deux heures au nord de Toulouse. On a constitué un tiers-lieu en regroupant quelques associations et on a obtenu une labellisation d’une antenne du ministère de l‘Aménagement du territoire [Ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales], grâce à un dispositif qui s’appelle Les Fabriques de Territoire, pour lequel on a un financement qui nous demande de faire de l’animation et de la culture numérique. Je m’occupe, entre autres choses, de cet atelier numérique qu’on a constitué, dans lequel on colore fortement les propositions de logiciels libres.
Dans le cadre de la question de la reconversion, je viens d’un tout autre monde puisque je suis diplômé du Centre national des arts du cirque, j’ai quitté mon cursus formateur en 2002 avec un diplôme des métiers d’art. Donc c’est un assez grand écart de partir des arts du cirque pour arriver dans un atelier numérique et je pense qu’on aura un petit peu de temps dans l’émission pour raconter ce chemin tortueux.

Isabella Vanni : Ou pas, ou peut-être très logique ! On verra par la suite. Merci pour cette première présentation.
Aurore, tu disais que tu es rédactrice et graphiste pour l’association Framasoft. Pourrais-tu préciser un peu plus quelles sont tes tâches, tes missions pour l’association ?

Aurore Damay : Sur la partie rédaction ça va être de m’occuper de la newsletter. On fait une newsletter chaque saison. Ça va être récapituler un peu tout ce qu’on a fait depuis la dernière newsletter. C’est assez intéressant parce qu’il se passe beaucoup de choses dans l’association.

Isabella Vanni : D’ailleurs on va rappeler ce qu’est l’association Framasoft qui est très connue dans le monde libriste, pour les personnes qui s’intéressent à ces sujets, mais il y a peut-être des personnes qui nous écoutent qui ne la connaissent pas. C’est peut-être l’occasion de présenter aussi l’association.

Aurore Damay : Oui, bien sûr. L’association Framasoft est une association d’éducation populaire aux enjeux du numérique et des communs culturels. C’est beaucoup dit comme ça. On a plusieurs actions.
La première va être tout ce qui est émancipation numérique avec la mise à disposition de services en ligne qui sont libres pour montrer qu’on peut aussi utiliser Internet différemment et pas seulement avec des services proposés par les GAFAM notamment.
Une partie développement de logiciels libres également en alternative à d’autres logiciels qu’on connaît, notamment le logiciel PeerTube qui propose une alternative au logiciel YouTube ou encore Mobilizon qui propose une alternative aux événements et groupes Facebook. C’est vraiment la partie émancipation numérique.
La partie éducation populaire va être animer des conférences, être présents sur des salons justement pour expliquer ce qu’est le numérique, comment ça fonctionne, quels sont un peu les travers qu’il peut y avoir avec les géants du Web et montrer comment on peut y remédier, que certaines alternatives sont possibles. C’est vrai que c’est quelque chose qu’on peut avoir tendance à oublier.

Isabella Vanni : Super. Tu disais que dans la newsletter vous récapitulez un petit peu les actions faites dans le mois passé.

Aurore Damay : Voilà. On va récapituler vraiment tout ce qu’on a fait, où on était présents et aussi où on le sera prochainement.

Isabella Vanni : Et pour la partie plutôt graphisme ?

Aurore Damay : La partie graphisme va être notamment sur le print, donc refaire des brochures qui nous présentent, que ce soit sur l’association ou sur des projets qu’on porte. Une des dernières parties des actions de Framasoft va être ce qu’on appelle l’archipélisation, s’investir au sein d’autres collectifs et notamment un des collectifs animé par l’association, le Collectif CHATONS. Une des dernières brochures sur laquelle j’ai travaillé a été pour présenter le collectif et qu’elle puisse servir.

Isabella Vanni : C’est quoi le Collectif CHATONS ?

Aurore Damay : Le Collectif CHATONS c‘est le Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, ouverts, Neutres et Solidaires. C’est un collectif qui regroupe des hébergeurs qui proposent aussi des services en ligne libres. L’idée c’est vraiment d’avoir un collectif pour montrer qu’il y a un peu une force commune, qu’il n’y a pas que Framasoft qui propose des services en ligne libres et aussi d’avoir des hébergeurs locaux, donc savoir que près de chez soi on peut rencontrer un hébergeur et lui poser des questions directement par exemple.

Isabella Vanni : Donc des services mais aussi de personnes de proximité.

Aurore Damay : Exactement.

Isabella Vanni : Je crois qu’il y a à peu près une centaine de structures dans le collectif.

Aurore Damay : C’est ça.

Isabella Vanni : Merci d’avoir présenté le contenu de tes missions. Avant de passer à votre parcours de reconversion, je laisse Sylvestre présenter peut-être plus en détail en quoi consiste l’atelier numérique qu’il anime au tiers-lieu de la commune de Figeac.

Sylvestre : Nous sommes un petit groupe de bénévoles et moi-même qui suis salarié à promouvoir trois axes principalement qui nous occupent, qui sont d’actualité, qui sont la question des pollutions, de l’impact environnemental du numérique, la question des libertés dans laquelle il y a la question de la vie privée, du respect de la vie privée, et la question de l’accès au plus grand nombre à des outils diversifiés et à leur prise en main.
Je connais bien CHATONS et Framasoft, d’ailleurs c’est même le sujet de l’atelier mensuel que j’anime vendredi après-midi sur la question d’un Internet alternatif.

Isabella Vanni : Tu parles de ce vendredi ?

Sylvestre : Oui, ce vendredi après-midi.

Isabella Vanni : Il faut préciser que c’est le vendredi 22 [avril 2022], parce que l’émission sera transmise plus tard, donc on parlera d’un événement passé. Ce n’est pas grave, c’est comme ça. Il y aura d’autres ateliers numériques mensuels, il n’y a pas de souci.

Sylvestre : À l’atelier numérique on propose un atelier mensuel ; celui du vendredi 22, qui est déjà passé, sur les alternatives. On va présenter Framasoft, le Collectif CHATONS, PeerTube, tout un ensemble de choses qui sont très intéressantes et qui permettent de répondre à des besoins réels tout en sortant de logiques qui sont des logiques de profit et après on anime ce qu’on appelle le Café Bidouille deux fois par mois qui est vraiment axé sur l’auto-réparation, la prise en main et la maintenance des ordinateurs, des smartphones et aussi de tout autre objet puisqu’on a un bénévole, Paul, qui répare absolument tout appareil électrique et électronique.
Dans ce cadre-là, le logiciel libre est complètement pertinent. Il nous permet très souvent de remettre en route des machines un petit peu anciennes et c’est très profitable parce que ça permet aux gens à la fois de ne pas racheter du matériel et d’éviter de jeter du matériel qui fonctionne encore. C’est vrai qu’avec des systèmes légers on remet en route beaucoup d’ordinateurs, moins les smartphones, on aimerait bien mais c’est un petit plus difficile.
Il y a d’autres activités. On a un temps hackerspace les vendredis matin. L’équipe de bénévoles se retrouve un petit peu pour construire ses outils ou essayer d’appendre à mieux prendre en main des outils disponibles pour les diverses missions qu’on se donne.

Isabella Vanni : Je trouve très sympa l’idée de consacrer un vrai temps à cette réunion entre bénévoles pour échanger, pour imaginer de nouvelles choses, de nouveaux projets. Tu m’en avais parlé lors d’un échange précédent et c’est une très bonne initiative.

Sylvestre : C’est un temps qui permet de nous retrouver, d’être moins dans la sensibilisation et plus dans nos recherches.
On est aussi une sorte de mini-chaton, même si on n’adhère pas au collectif. J’avais posé la question, j’avais un petit peu échangé par mail et j’avais vu que ça demande quand même un fort investissement et je suis un petit peu débordé. On a quand même un serveur dans le tiers-lieu, sur les bureaux, et on héberge une instance Nextcloud. Ça tombe bien puisque je crois que les Framadrive sont arrivés en bout de nombre de comptes donc les chatons peuvent prendre le relais et même la petite association de Figeac peut prendre le relais ! Pour les adhérents de l’association on peut ouvrir un compte Nextcloud qui est un petit peu l’équivalent des Google Drive, Google Contacts, Google Agenda, etc.

Isabella Vanni : C’est un service qui est justement très utile, qui est très demandé. Espérons que de plus en plus de chatons le proposent.

Sylvestre : Je termine. L’association pour laquelle je travaille, qui regroupe à la fois un café associatif et l’espace de bureau partagé dans lequel il y a l’atelier numérique, est aussi agréé par la Caf comme espace de vie sociale. On a aussi une mission de service social, donc on héberge des associations à but d’utilité sociale, notamment une qui s’occupe d’accompagner les personnes en demande d’asile, les réfugiés et, par exemple, je peux proposer sur le serveur des services spécifiques, notamment pour une association qui s’appelle Jamais Sans Toit. Ils ont leur interface de prise de rendez-vous en ligne sur le serveur, à l’atelier numérique.
Pour dire que tout se complète, dès qu’on a des outils libres et qu’on maîtrise un petit peu les techniques, on peut offrir des services qui sont parfois compliqués à obtenir de manière gratuite, fluide et non publicitaire à toutes sortes de prestataires, même si les personnes ne sont pas forcément sensibilisées à la question du logiciel libre.

Isabella Vanni : Je pense que tu as énuméré pas mal d’exemples de la force du logiciel libre qui a aussi une vocation sociale très importante, tu l’as montré dans les quelques exemples que tu as faits.
L’échange d’aujourd’hui est consacré à la reconversion professionnelle vers les métiers en lien avec le logiciel libre ou la culture libre en général, cela implique que vous faisiez autre chose avant. Comment ça s’est passé ? Qu’est-ce qui vous a poussés dans cette nouvelle direction ? Le hasard ? Une opportunité ? Une évidence ? Aurore, tu peux prendre la parole.

Aurore Damay : Pour moi c’était plutôt une opportunité. C’est une période où je faisais beaucoup de veille pour trouver un nouvel emploi, je sentais le besoin de changer après quelques années sur le même boulot.

Isabella Vanni : Peux-tu nous dire quel emploi tu avais avant ?

Aurore Damay : J’étais chargée de communication dans une association qui s’appelle Concordia.

Isabella Vanni : Tu étais déjà dans l’associatif.

Aurore Damay : Une association qui faisait des projets de volontariat en l’occurrence. Pendant cette phase de veille, je ne sais plus comment je suis tombée sur l’offre pour ce poste que j’occupe maintenant qui m’a vraiment particulièrement intéressée parce que c’est un poste en communication qui regroupe les deux aspects que je préfère de mon métier et qui oublie un peu les aspects que j’aime le moins, donc forcément ça m’a vraiment interpellée, du coup j’ai candidaté.

Isabella Vanni : Qu’est-ce qui te plaît le moins ?

Aurore Damay : Ce qui me plaît le moins dans la communication c’est plutôt toute la partie animation de réseaux sociaux, ce qu’on retrouve beaucoup notamment sur les postes de communication en association, c’est quelque chose qui est, en général, une grosse partie du travail.

Isabella Vanni : Et à Framasoft il y avait déjà des personnes qui faisaient ça, donc tu pouvais te consacrer à tes axes préférés !

Aurore Damay : Exactement et c’est une très belle opportunité.

Isabella Vanni : Là, du coup ce qui t’a attirée c’est déjà le contenu vraiment en termes de compétences. J’imagine que l’annonce de Framasoft parlait aussi de logiciels libres, de culture libre, je ne sais pas j’imagine. Est-ce que tu connaissais déjà ce monde ? Est-ce que c’est aussi quelque chose qui t’a attirée ou est-ce que tu étais tout simplement curieuse de découvrir ?

Aurore Damay : C’est un peu tout ça. Je connaissais plutôt de très loin. Je connaissais l’association Framasoft via des services en ligne. Avec d’anciennes collègues qui étaient particulièrement sensibles aux outils qu’elles utilisaient, on utilisait par exemple Framadate pour prendre des rendez-vous, etc. , mais à part ça c’était compliqué parce qu’on utilisait la suite Google pour les associations, qui est très pratique, et c’est vrai que pour en sortir c’est assez compliqué. Quand on utilise un Google Docs qui est stocké sur le Drive commun, qu’on retrouve facilement, auquel tout le monde peut contribuer, on ne va pas utiliser autre chose en fait. Ou alors, si on le fait, il faut mobiliser toute la structure et ce n’est pas le même travail. Quand il y a 35 salariés ce n’est forcément pas le même investissement et c’est quelque chose qu’on n’avait jamais fait, en tout cas quand j’y étais en poste.

Isabella Vanni : Vous utilisiez le Framadate, par exemple, un outil pour faire des sondages en ligne, parce qu’on vous l’avait suggéré ou est-ce que vous aviez une vraie conscience que c’est une alternative basée sur un logiciel libre, avec une autre philosophie, avec un respect pour les données personnelles des utilisateurs ?

Aurore Damay : C’était vraiment en ayant conscience que c’est une alternative qui n’utilise pas les données et qui est proposée par une structure dont on partage les valeurs, mais je pense qu’à ce moment-là on n’avait pas conscience que c’était basé sur du logiciel libre.

Isabella Vanni : D’accord. C’était l’aspect éthique, respect de la vie intime et des données personnelles des utilisateurs et des utilisatrices qui vous avez plutôt poussées.

Aurore Damay : Exactement.

Isabella Vanni : C’est déjà très bien.
Tu disais que, par rapport au logiciel libre, tu étais déjà passée par ce service que tu connaissais. Qu’attendais-tu de ce poste ?

Aurore Damay : Pendant mon recrutement j’ai fait beaucoup de recherches sur l’association et là aussi je suis tombée sur une structure pour laquelle je me suis dit « waouh !, c’est une association qui réfléchit vraiment à long terme, qui anticipe ». En lisant juste le rapport d’activité je me suis dit « là je pense que je vais me sentir bien ». Mes attentes c’était vraiment le travail en équipe. Rien qu’en lisant ça je me suis dit « j’ai l’impression qu’il y a vraiment une équipe soudée » et, spoiler alert, c’est le cas !
Une autre attente c’était d’apprendre. Je savais très bien que sur les missions concrètes c’était exactement le cœur de mon métier, mais, sur l’environnement, c’est quand même un tout nouvel environnement pour moi.

Isabella Vanni : Quand tu parles d’environnement tu parles d’outils, de logiciels à utiliser ou d’autres choses ?

Aurore Damay : Pas nécessairement. En fait vraiment le monde du numérique. Je n’avais jamais travaillé dans le monde du numérique, avec du vocabulaire très spécifique. Quand mes collègues développeurs ou mon collègue admin-sys parlent technique c’est quand même clairement un nouveau langage et, du coup, c’est un nouvel apprentissage. J’ai appris énormément de choses en quelques mois.

Isabella Vanni : En tout cas ça ne te faisait pas peur.

Aurore Damay : Ah non !, du tout. Au contraire c’est quelque chose qui me motivait beaucoup. J’aime bien découvrir de nouvelles choses et c’était vraiment un plus pour moi.
Je pense que le dernier point de mes attentes, c’était vraiment aimer mon travail tout simplement.

Isabella Vanni : Très bien. On verra plus tard le bilan par rapport à ton expérience à Framasoft qui a commencé quand ?

Aurore Damay : Qui a commencé fin août. Ça fait huit mois.

Isabella Vanni : Ce n’est pas énorme, mais ça commence à faire une période assez importante pour pouvoir en tirer un bilan d’étape.
Sylvestre, on parlait de reconversion professionnelle, d’où on viens-tu ? Comment es-tu arrivé à l’emploi que tu as aujourd’hui ? Comment ça s’est passé pour toi ? C’était le hasard ? Une opportunité ? Une évidence ? Une évolution logique ?

Sylvestre : Hou là ! C’est un long chemin. Si je suis trop long, n’hésite pas à m’arrêter. Comme j’expliquais je viens complètement d’un autre monde et je n’ai aucune formation informatique à la base. Par contre, je viens d’un métier où on nous demande d’être très polyvalents. Quand on est artiste de cirque, déjà dans la formation non seulement on apprend évidemment une spécialisation, une technique de cirque, mais, à côté, le cirque que je faisais, qui est une forme de cirque contemporain, demande déjà de mixer, d’intégrer différentes disciplines artistiques : on va faire du théâtre, du jeu d’acteur, de l’improvisation, de la danse, jongler avec du théâtre d’objets. C’est très divers. En plus on a la nécessité d’avoir des notions de régie, régie lumière, régie son, accroche, travail en hauteur, construction des structures, etc. C’est un métier qui est très diversifié.

Isabella Vanni : Sans compter, comme tu m’as dit, qu’il se peut que tu doives remplacer quelqu’un, donc il faut savoir aussi un petit peu ce que font les autres.

Sylvestre : Oui. On essaye d’être toujours le plus complémentaires sur le travail en équipe. C’est aussi toujours un travail en collectif où il faut vraiment se faire confiance. Et puis, dans la pratique professionnelle, on va être amené à faire, typiquement, de la mécanique automobile, des choses qui vont être finalement très éloignées du cœur d’activité mais qui vont nous amener, en tout cas qui m’ont amené à me familiariser avec une démarche d’apprendre à faire soi-même, lire de la documentation des fois rébarbative - une revue technique automobile ce n’est pas spécialement amusant à lire et pourtant ça va permettre d’être autonome sur son outil de travail.
Je passe quelques détails et, en 2007, arrive un moment où je monte une compagnie dans le Limousin, pas tout seul, on était deux, on n‘était pas nombreux, une toute petite compagnie et c’est la première fois qu’on n’a pas quelqu’un qui va pouvoir remplir la mission de communication et, justement par exemple, de graphisme. En 2007 ce n’est pas encore comme aujourd’hui, mais c’était déjà important d’avoir une visibilité sur Internet, donc on s’équipe d’un ordinateur ; jusqu’en 2007 je n’avais pas eu d’ordinateur, c’est dire si j’étais vraiment loin de l’informatique ! On se lance, je découvre un peu les outils. Par mimétisme j’acquiers un appareil Macintosh puisque dans la culture à peu près tout le monde a des Mac. Les mois passent, les années passent, je me retrouve confronté à la logique d’obsolescence logicielle chère à cette marque-là. Parallèlement je suis quand même sensibilisé un petit peu aux questions altermondialistes, j’avais décidé d’aller vivre en zone rurale, j’ai rencontré des mouvements d’alternatives autour des pratiques agricoles, de lutte contre les OGM, je m’intéresse aussi à des démarches qui prônent un autre monde, la construction d’un autre monde.
Donc assez naturellement, face à mes problèmes informatiques, au moment où je vais devoir changer d’ordinateur je me penche très naturellement vers les systèmes libres, donc j’installe Ubuntu sur ce vieux Mac et là j’ai mis le doigt dans l’auto-apprentissage. Je suis autodidacte, pas complètement, je vais quand même passer après par une phase de formation un peu plus sérieuse. À travers cette première expérience d’utilisation un système libre… Tu me dis si je suis trop long.

Isabella Vanni : Non, pour l’instant tout va bien.
On en était au point où tu as créé ta propre compagnie, donc tu es toujours dans le monde du cirque et tu t’approches des logiciels libres parce que tu dois t’occuper de la communication pour ta compagnie. Mais on n’a pas encore dit comment tu es arrivé au tiers-lieu de Figeac. Il nous manque cette étape.

Sylvestre : Il y a encore un petit chemin, j’y arrive.
Utilisant un système basé sur GNU/Linux assez vite je fais quelques bêtises. Pour la petite anecdote j’avais pris la très mauvaise habitude – je le dis à vos auditeurs éventuellement, à éviter – de faire des copier-coller de lignes de commande sur les forums et tout ça et les reproduire sans comprendre, ça peut mener à faire des grosses bourdes type effacer son dossier utilisateur. Ça m’est arrivé. Heureusement j’avais fait une sauvegarde le jour même, donc ça n’a pas eu trop de conséquences, mais on peut se faire de bonnes sueurs froides. Je me dis il faut que j’apprenne à utiliser…

Isabella Vanni : On apprend aussi par l’erreur, on a droit à l’erreur. Les erreurs sont très utiles.

Sylvestre : Oui ! Il y a beaucoup de documentation en ligne, le partage du savoir est aussi une richesse du logiciel libre et la formation se fait très facilement en ligne. Un site qui s’appelait le Site du Zéro, qui ne s’appelle plus comme ça, je crois que ça s’appelle OpenClassrooms maintenant, proposait des cours en ligne qui m’ont vraiment permis de rentrer dans l’administration des systèmes GNU/Linux en parallèle de toute une foule d’activités, je faisais vraiment ça à côté. Et puis, découvrant qu’il y a autant de documentation et qu’on peut faire tellement de choses par soi-même avec des outils numériques et des cours, je découvre que je peux faire mon site internet et quitter la page web qu’on avait où il fallait payer pour ne pas avoir de pub, qui ne convenait pas du tout comme système. Je découvre que je peux relativement facilement créer ma page web en HTLM CSS, puis PHP MySQL, puis JavaScript, etc.

Isabella Vanni : Tu viens de décrire des langages qu’on utilise pour programmer, pour développer des sites web.

Sylvestre : Voilà. Des méthodes, des langages qui se combinent pour construire des pages web et ce n’est pas si compliqué, si on a un peu l’habitude de lire de la documentation un peu rébarbative on y arrive assez facilement. En même temps je découvre que je peux aussi héberger mon site sur un petit serveur à la maison. Donc moi qui suis un peu psychopathe du faire soi-même et de l’autonomie, j’installe à la maison un Raspberry derrière ma connexion internet.

Isabella Vanni : Qu’est-ce que c’est un Raspberry pour nos auditeurs et auditrices ?

Sylvestre : Un Raspberry c’est un tout petit ordinateur basé sur une puce ARN, comme une puce de téléphone portable, en fait c’est la même architecture que celle des téléphones portables. C’est très économe en énergie, ce sont des machines qui vont faire entre trois et cinq watt de consommation, surtout ceux de l’époque, les Raspberry Pi 2. C’est un ordinateur donc ça peut servir de serveur, entre autres. Et pour faire du service web simple, avec pas énormément de requêtes, c’est-à-dire peu de gens qui se connectent à votre serveur – ce qui était malheureusement le cas du site ma compagnie – il n’y a pas besoin d’avoir une énorme machine qui héberge, qui ait une capacité de réponse énorme. C’était en 2012/2013, c’était il y a dix ans, donc je commence à pratiquer un peu l’auto-hébergement, la création de site internet en bricolant, vraiment sur le côté bidouille.
Arrivé en 2017, je décide de me reconvertir, d’arrêter l’activité du spectacle parce que je suis acrobate et qu’arrivé à un certain âge, j’ai été diplômé en 2002, ça fait quand même une bonne période d’activité physique très intense, je décide d’aller vers une reconversion professionnelle. J’envisage plusieurs pistes très variées, ça allait de l’habitat écologique à toutes sortes de choses. À ce moemnt-là une rencontre fait que j’ai l’opportunité de me former et de travailler comme prestataire pour une petite agence web qui ne fait des sites que dans le domaine de la culture. Ça m’intéresse, c’est le monde duquel je viens.

Isabella Vanni : Ça te permet quand même de continuer à garder un pied dans le monde d’où tu viens, effectivement.

Sylvestre : Je trouve marrant de passer de l’autre côté de la communication. Jusque-là la communication se faisait plutôt sur mes productions artistiques et là je vais plutôt communiquer sur d’autres initiatives ; on travaille pour du cinéma, pour des festivals, du théâtre, de la danse, un monde que je connais bien. Au sein de cette petite agence web je me forme pendant un an, de manière beaucoup plus sérieuse, principalement sur Drupal, un système de gestion de contenu pour créer des sites internet, qui est libre aussi, et Laravel, un framework pour concevoir des applis web vraiment spécifiques quand un simple système de gestion de contenu ne suffit pas.

Isabella Vanni : Et ces formations sont toujours en autodidacte ou tu suis des cours ?

Sylvestre : Non, là j’étais vraiment en lien avec des professionnels et on peut considérer que c’était une forme de stage, une forme de stage en entreprise pendant un an tout en continuant, c’était une démarche un peu entre deux. J’ai travaillé un petit peu comme prestataire pour cette agence web. Après, pour des raisons diverses et variées, ça s’est arrêté. J’ai continué un petit seul, j’ai créé une petite agence web en auto-entrepreneur, mais ça ne m’a pas tellement convenu en fait, c’est un domaine qui est un peu compliqué et je n’ai pas tellement la fibre commerçante, dès qu’il s’agit de vendre de la prestation, tout ça, je ne suis pas très bon.

Isabella Vanni : Et puis tu étais seul. J’ai cru comprendre que tu aimes bien l’aspect collectif, que c’est quelque chose de très important pour toi.

Sylvestre : Oui, c’est vrai. Comme j’étais déjà bénévole au café associatif L’Arrosoir, et l’association qui va ensuite, qui n’existait pas à l’époque, ouvrir l’espace de bureau partagé Les Ricochets où je travaille maintenant, j’animais déjà un atelier logiciel libre avant puisque j’étais quand même membre de l’April déjà à l’époque quand j’étais auto-entrepreneur. À un moment ils avaient besoin de recruter pour l’association quelqu’un qui sache administrer un site web, qui soit polyvalent, qui sache aussi faire de la régie – je m’occupe aussi de la programmation musicale –, qui ait aussi des connaissances artistiques. Je correspondais assez bien à ce poste-là. J’ai candidaté et j’ai été recruté. C’est après qu’on a eu le financement Les Fabriques de Territoire qui nous a permis de développer l’atelier numérique de manière plus grosse.
J’ai vraiment porté ce projet d’atelier numérique depuis le début, avec un groupe de bénévoles que je salue et d’ailleurs que je remercie ici, qui m’aident vraiment et qui sont vraiment acteurs dans l’activité de l’association et qui ont démarré avec l’atelier logiciel libre, puis le Café Bidouille qui préexistait à l’atelier numérique et maintenant l’atelier numérique. Voilà ! C’est une longue histoire !

Isabella Vanni : C’est une longue histoire que je trouve très logique, en fait, et Aurore pense comme toi. Tu étais bénévole. tu as été recruté, maintenant tu es salarié depuis combien de temps ?

Sylvestre : Depuis janvier 2020.

Isabella Vanni : Donc une embauche relativement récente, un petit peu comme Aurore.
On a fait un premier tour de parole pour vous connaître, pour connaître votre parcours, je vous remercie. Vous parlez de choses très personnelles, ce n’est pas évident de le faire, il faut en avoir envie, donc je vous remercie vraiment, je vous remercie d’avoir partagé avec nous cette partie de votre vie.
Je vous propose maintenant de faire une pause musicale pour avoir une respiration. Nous allons écouter un titre qui s’appelle Bouquet d’Opinions par le groupe MoiJe. On se retrouve dans environ trois minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Bouquet d’Opinions par le groupe MoiJe

Voix off : Cause Commune, la voix des possibles.

Isabella Vanni : Nous venons d’écouter Bouquet d’Opinions par le groupe MoiJe ; ce titre est disponible sous licence Art Libre.

[Jingle]

Isabella Vanni : Nous allons poursuivre notre discussion. Je suis Isabella Vanni de l’April et les autres personnes qui participent à notre échange sont Aurore Damay, rédactrice et graphiste pour l’association Framasoft et Sylvestre qui est animateur de l’atelier numérique pour Les 3L, tiers-lieu de la commune de Figeac. Notre échange est consacré à la reconversion professionnelle vers les métiers en lien avec le logiciel libre, la culture libre en général.
Nous avons présenté Aurore et Sylvestre, nous avons vu comment ils se sont reconvertis dans des métiers en lien avec le logiciel libre. Place maintenant à ce qui vous plaît de votre travail aujourd’hui. Aurore.

Aurore Damay : Il y a beaucoup de choses.

Isabella Vanni : C’est bien. Ça fait plaisir d’entendre une personne qui aime son travail.

Aurore Damay : En arrivant j’ai trouvé une équipe vraiment très bienveillante et beaucoup d’entraide. Rien que dans la façon de travailler les uns avec les autres c’est très agréable au quotidien. En plus on a une manière un peu particulière de travailler, parce qu’on est tous en télétravail et c’était quelque chose qui m’avait questionnée avant de postuler jusqu’à que je me dise pourquoi ne pas proposer un espace de coworking ? Moi j’aime bien aller au travail le matin, le temps du trajet j’aime avoir les pensées qui divaguent, ça me fait du bien. C’est quelque chose qui a même été complètement encouragé. Du coup, même au quotidien je trouve mon équilibre dans cette manière de travailler. Je découvre aussi une manière de faire du télétravail qui fonctionne très bien. C’est quand même assez intéressant.

Isabella Vanni : Un bon point.

Aurore Damay : Exactement. Après je découvre un monde nouveau et c’est vraiment passionnant. Je n’en vois pas le bout, mais ça me plaît de ne pas en voir le bout. C’est assez drôle.

Isabella Vanni : Quelle belle expression ! J’aime bien ce concept.

Aurore Damay : C’est une association où on assume vraiment ce qu’on fait, on assume de ne pas forcément savoir et c’est très agréable, pourquoi faire autrement et c’est quelque chose qui me plaît beaucoup.
Après, bien sûr, sur la partie découverte des logiciels libres, j’apprends aussi plein de choses.
Pour entrer un peu dans le détail, j’apprends à utiliser GNU/Linux au lieu de Windows que je continue à utiliser parce que je ne sais pas encore utiliser certains logiciels, j’y reviendrai peut-être après. Je n’avais aucune appréhension sur le fait d’utiliser de nouveaux outils, je trouvais justement cela intéressant. J’ai la chance de ne pas être seule, j’ai des collègues qui sont là si j’ai un problème, une question, « tel truc ne fonctionne plus, je ne peux plus voir cette partie sur mon écran, ça me perturbe », j’ai des collègues qui sont là pour répondre très rapidement, c’est quand même un gros avantage. Ça c’est plutôt pour la partie logicielle.
Quelque chose qui me plaît aussi beaucoup c’est que tous les membres de l’association, salariés ou bénévoles, sont vraiment très investis. Quand on est salarié d’une association, avoir des bénévoles investis c’est un gros soulagement, c’est un gros soutien, c’est vraiment très agréable. Je pense que ça fait aussi grandement partie du fait que ça fonctionne très bien et qu’on s’y sent bien. Je les remercie ici parce que c’est vraiment très agréable.

Isabella Vanni : Tu parlais d’apprentissage de nouveaux outils. En fait, quand tu travaillais dans l’association précédente, dans tes précédentes expériences, tu n’utilisais pas forcément des logiciels libres. Tu as dit, par exemple, que tu es passée à un système d’exploitation libre, sous GNU/Linux, ça s’est bien passé ?

Aurore Damay : Ça s’est bien passé.

Isabella Vanni : Pour ce qui concerne les outils, j’imagine que tu faisais notamment référence aux outils de graphisme.

Aurore Damay : Exactement.

Isabella Vanni : Est-ce que tu es en train d’apprendre ? Est-ce que tu es encore dans une phase d’apprentissage ?, puisque tu dis que tu utilises encore des logiciels propriétaires pour certaines activités, mais le but c’est, à terme j’imagine, de les remplacer par des logiciels libres. Si je me souviens bien, il y avait un peu une nécessité de faire vite sur certains projets et c’est pour cette raison que vous avez choisi ce compromis. Quels autres logiciels vas-tu apprendre pour le coup ?

Aurore Damay : Il n’y a pas eu vraiment de compromis. On m’a prise là où j’en étais et comme j’étais à ce moment-là. C’est-à-dire que dans le monde de la communication jamais on ne m’a donné un logiciel autre que la suite Adobe par exemple, du coup ce sont les logiciels que je sais utiliser. J’avais envie, dès le début, d’apprendre à utiliser des logiciels libres, mais je me suis très vite rendu compte que sur mes premiers mois de prise de poste c’était impossible. J’avais trop de choses à apprendre et si je voulais avoir la petite satisfaction de pouvoir produire du contenu qui est, je trouve, satisfaisant, eh bien je ne pouvais pas y passer tout de suite. Pour l’instant je n’y ai pas été formée, ça va arriver dans les prochains mois.

Isabella Vanni : Ah ! Super.

Aurore Damay : Je commence à me sentir assez à l’aise, surtout parce que j’ai produit des choses qui me rendent satisfaite. Je trouve que c’est important sur un travail d’avoir des étapes, mais aussi de sentir qu’on est utile.

Isabella Vanni : De se rassurer sur l’utilité qu’on a dans l’association.

Aurore Damay : Exactement. Étant un peu perfectionniste sur les bords, j’aime quand les choses sont bien faites et je sais que ce que j’ai produit en utilisant des logiciels propriétaires n’aurait pas du tout été comme ça dans le temps que je m’étais moi-même fixé. Non ! Chaque chose en son temps. Ça va venir.

Isabella Vanni : C’est un chemin.

Aurore Damay : Exactement, c’est un chemin.

Isabella Vanni : Je peux dire que la nouvelle brochure pour le Collectif CHATONS est très chouette, nous en avons commandé à l’April pour l’avoir en stock. Bravo !

Isabella Vanni : Merci.

Isabella Vanni : Sylvestre, qu’est-ce qui te plaît le plus dans ton travail en tant qu’animateur numérique ?

Sylvestre : Là, tout de suite, ça me fait plaisir d’entendre un petit peu parler de Framasoft de l’intérieur. C’est une association que je ne connais que de l’extérieur et qui est assez fascinante en fait. Quand on s’intéresse au logiciel libre, les propositions qui ont été faites par Framasoft dans le monde du Libre, c’est énorme !
Ce qui me plaît principalement dans mon activité, c’est de me sentir utile et de sentir que je travaille pour une association qui est utile.
Je parlais de l’utilité sociale. Le Café Bidouille c’est seulement deux demi-journées par mois, mais c’est quand même assez efficace puisqu’on remet en route beaucoup de machines avec les gens. Ce n’est pas de la prestation de service, les gens sont là, ils nous voient faire, on leur explique ce qu’on fait et ça permet vraiment de sensibiliser à la question du logiciel libre et aux gens d’être vraiment contents, de repartir avec des outils qui marchent alors qu’ils étaient arrivés avec des outils qui marchaient soit pas du tout soit très mal.
La plupart des gens, contrairement à toi Aurore, en tout cas beaucoup de gens parmi les adhérents de l’association pour laquelle je travaille n’ont pas des besoins professionnels avec leur machine, ils ont besoin principalement de lire leurs mails, de faire un peu de bureautique et d’aller sur Internet. Ce sont vraiment les trois usages qui sont exclusifs chez beaucoup de gens et le logiciel libre, les systèmes libres, sont tout à fait faciles à utiliser et très proches des autres sur ces activités-là. Donc on a des outils à proposer, on propose des solutions qui permettent à la fois de faire des économies et de moins polluer, ce qui est aussi quelque chose qui est très important pour nous, la question de la mise au rebut des appareils électroniques et la fabrication avec tous les problèmes que ça pose en termes d’extractivisme, de consommation énergétique.
C’est très intéressant aussi de faire ce travail dans la pratique, dans le lien, dans la convivialité, puisque ça se passe dans un café associatif, donc c’est aussi un lieu où on discute, où on boit des coups, les gens passent « tiens, qu’est-ce qui se passe là ? » et tout ça. C’est aussi très chouette de pouvoir digresser et d’aborder des questions. Les gens sont souvent confrontés à des problèmes d’obsolescence logicielle et on va sur des questions qui sont plus d’ordre sociétal, général, voire politique. On se rend compte qu’on est quand même dans un monde où il y a des techniques marketing, des systèmes de capitalisme financier qui nous poussent à consommer, consommer plus et souvent des objets qui peuvent parfois être inutiles.

Isabella Vanni : Le fait que ce soit une association qui offre aussi une programmation culturelle, un café associatif, je trouve que c’est intéressant parce que, finalement, elle attire du public très varié et ça permet aussi de sensibiliser des personnes à l’informatique libre, à la culture libre, qui n’auraient pas eu d’autres moyens de se rapprocher de ces thèmes. C’est l’avantage d’avoir un lieu à vocation sociale qui propose plein d’activités différentes.

Sylvestre : Oui, tout à fait. C’est vrai que les gens qui viennent aux ateliers ont reçu les informations non pas parce qu’ils s’intéressent à l’informatique et qu’ils cherchent des ressources d’information informatique mais parce qu’ils adhèrent à un café associatif qui propose une multitude de propositions parmi lesquelles un atelier numérique. Donc ça permet de toucher des gens qui sont très éloignés des préoccupations des libertés numériques, des logiciels libres et tout ça et qui vont juste venir parce qu’ils ont un problème concret. Ou alors il y en aussi qui viennent parce qu’ils ont entendu parler, parce c’est quand même un petit peu médiatisé aujourd’hui, des problèmes de respect de la vie privée, de fuites de données. Il y a aussi des gens qui posent des questions par rapport à ça, qui voient, par exemple, qu’on peut échapper à la publicité de manière assez simple, qu’ils peuvent améliorer leur confort d’utilisateur, qu’ils peuvent aussi adapter leurs outils à leurs besoins et pas tout le temps, eux, s’adapter à leur outil numérique ce qui est quand même un peu ce qui se passe avec pas mal de propositions actuellement. Ça permet effectivement de toucher un public très large et de sensibiliser des gens très variés.
Pour finir, ce qui est aussi agréable pour moi dans ce métier, c’est d’avoir deux volets, c’est-à-dire le côté un peu sensibilisation, aide, entraide, et puis le côté plus technique puisqu’on a quand même un petit serveur à administrer, des sites web à administrer, donc je garde quand même un pied dans l’aspect technique.

Isabella Vanni : Des machines à maintenir, vous mettez aussi à disposition des machines, des ordinateurs.

Sylvestre : Nous sommes surtout deux à l’association à nous occuper de la maintenance serveur, de la sécurité, des mises à jour et tout ça.
Je précise quand même que je ne suis pas du tout ingénieur et je ne me prétendrais pas administrateur système ou des choses comme ça. Comme je l’expliquais au début, ma principale compétence c’est de savoir lire de la documentation et de chercher des réponses à mes problèmes dans les forums.

Isabella Vanni : En fait je crois que c’est plus du courage et du temps qu’il faut, mais ce n’est pas impossible !

Sylvestre : La question du temps est effectivement très pertinente, puisque, forcément, c’est plus long. On n’est pas très efficaces en fonction du temps qu’on passe, mais finalement on a quand même des services qui fonctionnent. Depuis que c’est en route il n’y a pas eu d’interruption de service, c’est relativement secure, il y a des sauvegardes. Des petits robots nous attaquent tout le temps et on arrive à les contrer. Pour l’instant ça marche, j’espère que ça va durer. Ça fait quand même dix ans que je m’occupe de serveurs et je n’ai jamais eu de gros problèmes.

Isabella Vanni : J’en suis ravie pour toi. Donc courage, temps et se faire confiance aussi. Tu me disais que dans ta période de cirque tu as aussi fait de la balançoire russe. Vous pouvez aller voir sur Internet à quoi ça ressemble, je pense que se faire confiance est aussi quelque chose que les gens n’ont pas trop l’habitude de faire pour ce qui est de l’informatique. Vous savez lire, vous pouvez utiliser un ordinateur, il faut investir un peu de temps, un peu de bonne volonté, mais on y arrive. Tu en es la preuve vu que tu as appris tout ça tout seul.
Dans ton travail tu es toujours très en contact avec les utilisateurs, les utilisatrices, les usagers, en fait les personnes qui ont besoin d’utiliser l’informatique. Ce n’est pas le cas d’Aurore si j’ai bien compris. Est-ce qu’il t’arrive aussi d’aller sur des salons, de faire des conférences ou, pour l’instant, pas du tout ?

Aurore Damay : Pour l’instant pas trop. Je me suis rendue sur un seul salon et c’était plus pour voir, justement, comment ça se passe, etc.

Isabella Vanni : Est-ce que c’est un aspect qui te plairait ?

Aurore Damay : Oui, je pense que c’est un aspect qui me plairait en tout cas particulièrement par rapport à un public qui n’y connaît rien. Je m’y connaissais un petit peu sur l’informatique, etc., mais je trouve que c’est un chemin qui est vraiment intéressant, donc plutôt vers un public comme ça c’est quelque chose qui m’intéresserait. Je pense qu’il faut encore que je fasse mes billes, que j’apprenne encore d’autres choses pour prendre un peu plus de confiance justement sur les sujets que j’aborde.

Isabella Vanni : Je demande parce que j’imagine que ça peut-être utile d’être en contact avec le public pour construire des outils de communication ou de sensibilisation sur les services ou les activités de l’association. C’est-à-dire qu’avoir la réaction du public, que tu peux peut-être avoir aussi parce qu’il y a des bénévoles qui te font des retours d’expérience, ça peut passer aussi de cette façon, ça peut te donner des idées pour aller plus loin dans les outils de communication, pédagogiques, que tu construis.

Aurore Damay : Complètement et, pour l’instant, ce sont des retours que j’ai, comme tu disais, via les collègues et les membres bénévoles de l’association. Notamment avec le nouveau print j’ai demandé d’avoir des retours, comment ça se passe, demander de quoi il y aurait besoin en plus. C’est vrai que d’y aller apporte quelque chose en plus. Bientôt !

Isabella Vanni : Très bien. Le temps file. Il ne nous reste pas beaucoup de temps. Je vous propose, pour un tour final de parole, de faire un bilan d’étape, on l’a évoqué tout à l’heure, c’est-à-dire où vous en êtes aujourd’hui dans le chemin de votre vie, dans votre chemin professionnel, où vous vous trouvez et ce que vous voyez devant vous. Sylvestre, tu veux peut-être commencer.

Sylvestre : Je gère beaucoup d’urgences, en fait, et c’est vrai que j’ai du mal à me projeter dans l’avenir.
Aujourd’hui, professionnellement, je suis très heureux de l’endroit où je suis, j’espère que ça va durer un petit peu. Après, il y a toujours un petit peu la question des financements. On répond à des appels à projet parce que, évidemment, un atelier numérique associatif ce n’est pas rentable, je ne l’ai pas dit, mais les ateliers et tout ce qui est proposé dans l’association est soit gratuit soit à prix libre.

Isabella Vanni : Il faut être juste adhérent ou on peut participer sans être adhérent ?

Sylvestre : Il faut être adhèrent. On demande aux participants d’être adhérents. L’adhésion à l’association est aussi à prix libre et valable pour un an. On a vraiment choisi de ne mettre aucune barrière financière. Là, par exemple, on est en train de se poser la question d’adhérer à un dispositif qui s’appelle France services, qui est vraiment orienté sur la médiation numérique, le conseil numérique plus pour les démarches administratives. On se demande si, dans le cadre de ces Maisons France Services, on ne pourrait pas aussi aller un petit plus loin que juste l’accompagnement aux démarches administratives et continuer, finalement, à faire de la sensibilisation autour des outils numériques.

Isabella Vanni : Donc de nouvelles opportunités qui pourraient s’ouvrir. Je vous souhaite de pouvoir décrocher ce nouveau financement.
Aurore, où te sens-tu où dans ton chemin professionnel en lien avec le Libre ? Que vois-tu après ?

Aurore Damay : Je sens que j’ai déjà parcouru un gros chemin, mais, comme je disais tout à l’heure, je n’en vois pas du tout la fin. Je sais que ça va être de l’apprentissage au quotidien et je sens que je progresse surtout sur la compréhension de tous ces langages qui me paraissaient un peu du chinois avant.

Isabella Vanni : De geeks, le vocabulaire geek.

Aurore Damay : Exactement et c’est hyper-intéressant, comprendre certaines références, comprendre certaines blagues.

Isabella Vanni : C’est important l’humour dans le collectif.

Aurore Damay : C’est hyper-important et ça permet de voir qu’on progresse.
Les prochaines étapes ça va être clairement de me former sur des logiciels dont j’ai besoin pour mon travail. Et, sur un côté plus perso, j’aimerais bien faire un peu un point sur mon utilisation du numérique, mais je sais que quand je ne travaille pas j’aime bien couper, donc je sens que c’est très long. Ce n’est pas grave, ça prendra le temps que ça prendra, parce que j’ai changé des pratiques qui sont assez faciles à changer dans mon quotidien et je trouve que c’est quelque chose d’important aussi de pouvoir partager après à mon entourage, à d’autres personnes, montrer que c’est possible, mais je me rends compte que ça va être un peu chronophage et ce n’est pas grave !, mais je trouve que c’est quelque chose qui est important.

Isabella Vanni : Très bien. On a vraiment très peu de temps. Est-ce qu’il y a quelque chose que vous n’avez pas dit que vous souhaiteriez rajouter vraiment en une minute, pas plus, parce qu’on a échangé beaucoup. Sylvestre, est-ce que tu as un message, quelque chose que tu voudrais ajouter rapidement pour notre public ?

Sylvestre : Le mot de la fin en fait ?

Isabella Vanni : Oui, c’est le mot de la fin, plus court que prévu en plus, parce qu’on a un peu débordé.

Sylvestre : J’ai envie de faire un peu le fayot, j’ai envie de remercier l’April, remercier Framasoft, en fait remercier tous les gens qui contribuent au logiciel libre, ce que je fais assez peu. Je contribue en sensibilisation et utilisateur.

Isabella Vanni : Ce n’est pas rien, c’est énorme ! Tu es sur le terrain, c’est une action fondamentale.

Sylvestre : Ce n’est déjà pas mal, mais pas en tant que programmateur et je ressens que la logique du logiciel libre dépasse largement la question du numérique. D’ailleurs pendant le Libre en Fête… pardon ma souris a bougé.

Isabella Vanni : Tu parlais du Libre en Fête, je rappelle que c’est une initiative nationale qui consiste à organiser des événements dans toute la France [autour du 20 mars] pour faire découvrir le logiciel libre au grand public.

Sylvestre : Oui. Proposée notamment par l’April.

Isabella Vanni : Et par plein organisations sur le terrain.

Sylvestre : Au café associatif a été projeté le film La Bataille du Libre, de Philippe Borrel, qui fait le lien entre la question des semences paysannes, des molécules des médicaments et du logiciel libre, la question de la mise en commun et des outils pour mettre le savoir en commun et s’organiser collectivement pour construire du savoir commun. Le logiciel libre propose des outils et est très avance, finalement, par rapport à d’autres domaines. Je pense par exemple à un outil qui s’appelle Git, qui est connu des développeurs, qui permet de s’organiser dans un travail collectif et d’utiliser différentes chronologies, différentes étapes de travail, de revenir en arrière, etc., un outil très puissant qui est utilisé principalement pour le développement logiciel mais qui pourrait être utilisé pour tout, pour écrire des livres, pour organiser des projets graphiques ; c’est quelque chose qui est très riche.

Isabella Vanni : Donc tu veux mettre en avant cet aspect partage du savoir commun.

Sylvestre : Je veux remercier tous les gens qui contribuent à cette logique-là qui, à mon avis, porte en elle des outils et une logique, une mentalité collaborative, de contribution collective pour arriver à un monde meilleur. Je le dis carrément !

Isabella Vanni : Tu remercies Framasoft, tu remercies aussi Aurore. Un mot de la fin très court, désolée. Est-ce que tu veux dire quelque chose qui t’importe ?

Aurore Damay : Merci Sylvestre. C’est vraiment la fin de ce que disait Sylvestre, ce sont vraiment des valeurs. C’est aussi ce qu’on découvre en découvrant le logiciel libre, faire ensemble, l’objectif du commun et aller vers quelque chose de bien plus éthique. Quand on comprend ça, ça fait toute la différence et, du coup, changer ses habitudes prend sens. Comprendre pourquoi on le fait, je pense que ça devient moins compliqué de passer le pas.

Isabella Vanni : Merci. Excellente conclusion.
Aurore, Sylvestre, un grand merci pour avoir participé à notre émission. Je vous souhaite une très bonne continuation.

Aurore Damay : Merci Isa. Merci Sylvestre.

Sylvestre : Merci Aurore. Merci Isa.

[Virgule sonore]

Isabella Vanni : Vous êtes retour en direct sur la radio Cause Commune. Nous venons d’écouter un sujet enregistré il y a quelques jours consacré à la reconversion professionnelle vers les métiers en lien avec le logiciel libre et la culture libre en général.
Nous allons maintenant faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Isabella Vanni : Après la pause musicale nous aurons droit à quelques bonnes nouvelles concernant le Libre dans le cadre de la chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi.
Nous allons écouter If We Escape par Terror Bird. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : If We Escape par Terror Bird.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Isabella Vanni : Nous venons d’écouter If We Escape par Terror Bird, disponible sous licence libre Creative Commons CC By SA 3.0. Occasion pour moi de rappeler que toutes nos pauses musicales sont sous des licences libres qui permettent de les partager librement avec vos proches, de les télécharger parfaitement légalement, de les remixer y compris pour des usages commerciaux. Ce sont des licences type Creative Commons Attribution CC By, Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC By SA, ou encore licence Art Libre. Le titre que nous venons d’écouter est sous la licence Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC By SA, qui permet, comme je vous le disais, la réutilisation, la modification, la diffusion, le partage de la musique pour toute utilisation, y compris commerciale, à condition de créditer l’artiste, d’indiquer la licence et d’indiquer si des modifications ont été effectuées. Dans le cas où vous effectuez un remix, que vous transformez ou que vous créez du matériel à partir de cette musique, vous devez diffuser votre œuvre modifiée dans les mêmes conditions, c’est-à-dire avec la même licence.

[Jingle]

Isabella Vanni : Je suis Isabella Vanni. Nous allons passer au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi – « Quelques bonnes nouvelles concernant le Libre »

Isabella Vanni : Nous allons poursuivre avec la chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi, lue par Laure-Élise Déniel. Le thème d’aujourd’hui est « Quelques bonnes nouvelles concernant le Libre ». C’est une chronique qui a été enregistrée il y a quelques jours. On se retrouve dans environ huit minutes sur radio Cause Commune, la voix des possibles.

[Virgule sonore]

Marie-Odile Morandi, voix de Laure-Élise Déniel : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Ne trouvez-vous pas que nous sommes actuellement bombardés de mauvaises nouvelles dans nos vies quotidiennes ? Il m’a donc semblé important de vous proposer aujourd’hui de relire les transcriptions de ces derniers mois qui pourront nous mettre un peu de baume au cœur et nous encourager.

Le sujet principal de l’émission Libre à vous ! du 14 décembre 2021 concernait le plan d’action du gouvernement sur les logiciels libres. Les invités de Frédéric Couchet étaient deux responsables au sein de la DINUM, la Direction interministérielle du Numérique, Sabine Guillaume et Bastien Guerry.
Lors de l’émission du mardi 15 mars 2022, Alexis Kauffmann, chef de projet logiciels et ressources éducatives libres et mixité dans les filières du numérique au ministère de l’Éducation nationale, est venu présenter la Journée du Libre Éducatif qui s’est déroulée le 1er avril 2022 à Lyon, journée qu’il a aussi présentée lors de son entretien, transcrit lui aussi, avec Delphine Sabattier dans l’émission Smart Tech de B-Smart diffusée le 1er avril.
La transcription du discours d’ouverture de cette journée, prononcé par monsieur Audran Le Baron, directeur du numérique pour l’éducation, est aussi en ligne.
Les liens menant à ces transcriptions sont disponibles sur la page des références de l’émission d’aujourd’hui, sur le site libreavous.org.

Nous laisserons les auditeurs et auditrices lire en détail l’historique, depuis 1999, des jalons qui ont marqué les étapes de l’entrée de l’idée du Libre dans les administrations pour arriver à nos jours. Les intervenants s’accordent pour dire que certains responsables – parlementaires et ministres – ont acquis une maturité sur le sujet, savent ce dont ils parlent et portent politiquement ce thème au Parlement et au sein du gouvernement. Le contexte est nouveau.

Le pôle logiciels libres, dirigé par Bastien Guerry, et la mission Label, dirigée par Sabine Guillaume, travaillent de concert.
Le catalogue GouvTech, dont est responsable Sabine Guillaume, propose aux acteurs publics, qui restent autonomes dans leurs choix, des solutions logicielles libres et des solutions dites propriétaires.
Le pôle logiciels libres est responsable de l’expertise des solutions libres présentes dans ce catalogue, de même qu’il est responsable du SILL, le catalogue des logiciels libres utilisés dans l’État.
Des informations et des repères sont ainsi à disposition des acteurs pour les éclairer dans leurs choix, pour les aider à intégrer des solutions libres sur leurs propres équipements.

C’est peut-être encore assez compliqué, dans certains endroits, de choisir une stratégie libre. Dans les administrations, les préférences personnelles de certains responsables ne vont pas encore suffisamment en faveur du logiciel libre. Les habitudes des utilisateurs sont à prendre en compte et il est conseillé que les choix techniques soient validés par les équipes en place. La difficulté de recruter des agents libristes compétents est aussi un frein pour le déploiement du Libre. Cependant, la culture du Libre se met en place. C’est une autre façon de penser, d’imaginer, mais aussi d’acquérir des solutions par rapport à ce que l’on fait aujourd’hui.

Des programmes innovants sont mis en place.
L’incubateur des services publics numériques, beta.gouv.fr, recrute en indépendants et en contractuels de nombreux développeurs et développeuses, soit plus de 500 personnes aujourd’hui.
Le programme Entrepreneurs d’intérêt général permet à des personnes aux compétences pointues de relever, pendant 10 mois, les défis numériques que leur proposent les administrations.
Les Bluehats, avec leur chapeau bleu comme symbole, sont les personnes qui s’intéressent au logiciel libre dans l’administration, simples citoyens ou agents publics.
Le Semestre du code permet à des étudiants, stagiaires pendant six mois, d’apporter leur contribution à des projets libres utilisés dans l’administration ou à des projets extérieurs.
Des webinaires, des séminaires sont organisés, enregistrés, et peuvent être rediffusés.
Une plateforme réservée aux acteurs du secteur public pour échanger et avoir des retours d’expérience sur les solutions du catalogue a été mise en place.
Cette liste n’est pas exhaustive. Un point particulier concerne le conseil d’expertise, instance de dialogue composée à la fois d’administrations et de structures de l’écosystème du Libre. L’April a été sollicitée et a décidé de faire partie de ce conseil d’expertise.
Faire mieux connaître, mieux utiliser les logiciels libres, publier les codes sources et attirer des talents dans l’administration, ce sont les objectifs portés conjointement par différentes missions de la Direction interministérielle dans le cadre de ce plan d’action du gouvernement.

Depuis longtemps, la direction du numérique éducatif de l’Éducation nationale a une expertise sur l’usage des serveurs sous licence libre, sur l’ouverture de codes sources. Un pas supplémentaire vient d’être franchi avec le recrutement d’Alexis Kauffmann, le 1er septembre 2021, professeur de mathématiques et à l’initiative de l’association Framasoft en 2001.
Le directeur du numérique pour l’éducation lui a confié l’organisation de la première journée du Libre Éducatif le 1er avril, à Lyon, un ensemble de conférences, de tables rondes et d’ateliers. La Délégation académique numérique éducative de Lyon a aussi participé activement à l’organisation de cette journée.
Lors du discours d’ouverture, monsieur Le Baron a rappelé les quatre libertés fondamentales que l’auteur accorde à l’utilisateur : droit d’utiliser les logiciels et ressources libres ; droit d’étudier le code source des logiciels ; droit d’adapter et droit de partager.
Alexis Kauffmann souligne que les enseignants sont tous dans le partage. Ils partagent leurs cours à leurs élèves, c’est la transmission. Pour préparer leurs cours, ils se renseignent, regardent ce que font les autres, s’en inspirent, adaptent et modifient. 800 000 enseignants à l’Éducation nationale ! Une mine énorme de compétences, de talents, d’énergies avec une extraordinaire motivation ! Ces cours et ces activités préparées par des enseignants, individuellement ou collectivement, sont des ressources qui doivent pouvoir resservir. Pour cela, il faut les regrouper, les cartographier et structurer cette créativité.
Se posent des questions concernant le droit d’auteur. Rendre une ressource libre est un geste volontaire et souvent les licences Creative Commons sont la solution légale.
Alexis Kauffmann se réjouit d’une avancée concernant l’instance BigBlueButton, logiciel de visioconférence présent dans la liste des logiciels libres recommandés aux administrations publiques. Certaines de ses fonctionnalités sont soit à améliorer soit carrément à créer ; ces développements seront financés par le ministère.
L’État incite à utiliser du logiciel libre, mais devient également contributeur avec du code mis ainsi à disposition de toute la communauté.

Cette première Journée du Libre Éducatif est une première réalisation concrète pour « favoriser l’utilisation des logiciels et ressources éducatives libres », l’une des 40 propositions recueillies lors des états généraux numériques pour l’éducation organisés après le premier confinement. Certes, il faut rattraper le retard, construire et proposer des alternatives à l’échelle de tous les ministères et probablement à l’échelle européenne.

Convaincre les professeurs qu’utiliser des logiciels libres est intéressant, les soutenir, les accompagner, repérer et valoriser les talents qui ne manquent pas, inciter au partage des ressources, indiquer comment faire pour contribuer, en un mot développer des communs éducatifs numériques ne pourra que rendre le système scolaire à la fois plus efficace et plus efficient.
Si, comme le rappelle Frédéric Couchet « on est encore loin d’une priorité effective au logiciel libre » réclamée par l’April, des bases encourageantes sont posées.
Bastien Guerry et Alexis Kauffmann, libristes de longue date, ne sont pas les seuls dans ce cas au sein de l’administration. Leur présence permettra de faire bouger les choses dans le bon sens. C’est le début d’une volonté et c’est réconfortant. Profitons-en !

Lisez ou relisez les transcriptions rappelées aujourd’hui.
Et, si vous permettez, les vidéos enregistrées lors de la Journée du Libre Éducatif du 1er avril commencent à être en ligne ainsi que celles enregistrées les 2 et 3 avril lors des Journées du Logiciel libre qui se sont aussi déroulées à Lyon. Ces enregistrements seront autant que possible transcrits par notre groupe. N’hésitez pas à nous rejoindre pour participer, transcrire ou relire ; toutes les informations sont sur le site librealire.org.

[Virgule sonore]

Isabella Vanni : Nous venons d’écouter « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture », une chronique rédigée par Marie-Odile Morandi et lue par Laure-Élise Déniel. Toutes les références citées lors de cette chronique sont disponibles sur le site de l’émission libreavous.org/142.

Nous approchons de la fin de l’émission. Nous allons terminer par quelques annonces.

[Virgule musicale]

Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre

Isabella Vanni : La Cour des comptes a ouvert une plateforme citoyenne en ligne pour faire des suggestions de contrôle ou bien soutenir des propositions déjà déposées. Vous avez jusqu’au 20 mai pour, notamment, soutenir la proposition d’évaluation des dépenses en logiciels et en services en ligne de l’État. C’est une proposition à l’initiative du coprésident du CNLL [Union des entreprises du logiciel libre et du numérique ouvert], Stéfane Fermigier que nous aurons le plaisir de recevoir au cours de l’émission Libre à vous ! du 10 mai.
L’association April fêtait ses 25 ans fin 2021. La situation sanitaire ne nous a pas permis de marquer le coup comme il se doit. Ainsi nous avons pensé à un format plus adapté au contexte et qui reste très agréable par beau temps, le pique-nique. Il est donc proposé d’organiser des piques-niques 25 ans de l’April dans différents lieux en France en juin. Pour faciliter l’organisation, il existe une page wiki ainsi qu’une liste de discussion à laquelle vous pouvez vous inscrire ; un sondage est actuellement ouvert pour fixer la date du pique-nique à Paris qui aura lieu toujours en juin.
En sachant que le week-end des 18 et 19 juin il y a déjà un événement organisé par l’April à Partis, dans le 11e arrondissement, il s’agit d’un April Camp c’est-à-dire une réunion entre membres et soutiens de l’April pour faire avancer des projets en cours, lancer de nouveaux projets, se rencontrer. Les projets peuvent être de nature technique, sur des outils de communication et autres. Tout le monde, membre ou pas de l’association, peut participer en fonction de son temps disponible, de ses compétences, de ses envies. Donc n’hésitez pas à nous y retrouver. Il est aussi possible de participer à distance.

Notre émission se termine.

Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission d’aujourd’hui : Jean-Christophe Becquet, Aurore Damay, Sylvestre de l’espace Les Ricochets à Figeac, Marie-Odile Morandi, Laure-Élise Déniel.
Merci également aux personnes qui s’occupent de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang1, bénévoles à l’April, et Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio.
Merci aussi à Quentin Gibeaux, bénévole à l’April, qui découpera le podcast complet en podcasts individuels par sujet.

Vous retrouverez sur notre site web, libreavous.org, toutes les références utiles ainsi que sur le site de la radio, causecommune.fm.
N’hésitez pas à nous faire des retours pour nous indiquer ce qui vous a plu mais aussi les points d’amélioration. Vous pouvez également nous poser toute question et nous y répondons directement ou lors d’une prochaine émission. Toutes vos remarques et questions sont les bienvenues à l’adresse contact chez libreavous.org

Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission. Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et également à faire connaître la radio Cause Commune, la voix des possibles.

La prochaine émission aura lieu en direct mardi 10 mai 2022 à 15 heures 30. Notre sujet principal portera sur l’Agence de mutualisation des universités et établissements d’enseignement supérieur ou de recherche.

Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 10 mai et d’ici là, portez-vous bien.

Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.