[Souveraineté numérique] Assemblée Nationale : le grand reset ?

Philippe Latombe, voix off : Il faut qu’on ait la capacité à changer les systèmes sans penser que c’est une révolution à chaque fois.
Si on ne commence pas à toucher à l’identité numérique aujourd’hui de façon sérieuse, on va avoir dix trains de retard par rapport aux autres pays européens et aux pays du monde.
Ce qui m’inquiète le plus c’est que les GAFAM sont en train de s’en emparer parce qu’ils voient qu’on le fait pas.

Voix off : Les Éclaireurs du numérique, le podcast qui décrypte les enjeux cachés d’Internet.

Bertrand Lenotre : Salut tout le monde et bienvenue. C’est un nouvel épisode des Éclaireurs du numérique avec toujours les mêmes, c’est-à-dire celui qui vous parle à l’instant, Bertrand Lenotre ; de l’autre côté des réseaux Fabrice Epelboin. Salut Fabrice.

Fabrice : Salut.

Bertrand Lenotre : Damien Douani, également à un autre endroit du monde. Salut Damien.

Damien Douani : Je suis très très loin. Bonjour.

Bertrand Lenotre : Je vois que vous allez bien tous les deux. On a un invité aujourd’hui, et pas n’importe lequel parce qu’on en parle beaucoup et régulièrement dans ce podcast, Philippe Latombe, député. Bonjour Philippe.

Philippe Latombe : Bonjour. Merci de l’invitation.

Bertrand Lenotre : Vous allez bien ?

Philippe Latombe : Très bien.

Bertrand Lenotre : Vous êtes député MoDem de Vendée depuis 2017, réélu il y a quelques jours. Félicitations pour ça. Pour la petite histoire, vous avez un master en économie et en droit des affaires. Vous avez été auditeur financier chez Deloitte et puis on vous connaît beaucoup pour votre défense de la souveraineté numérique puisque vous avez été rapporteur de la mission parlementaire sur la souveraineté numérique qui a donné un rapport parlementaire [1], qui fait un peu référence aujourd’hui, qui est sorti en juin 2021. Tout ça a peut-être mené au fait que Bruno Le Maire se retrouve avec, dans son titre, souveraineté industrielle ET numérique ; on imagine que ça a un impact. En tout cas vous êtes considéré comme un des députés survivants qui connaissent un petit peu le Web. Vous n’êtes pas nombreux, il y a Éric Bothorel et vous, globalement, les autres ont un peu disparu de la circulation, c’est devenu compliqué.

Philippe Latombe : C’est gentil !

Bertrand Lenotre : Est-ce que ce portrait est bon ? Ça va ?

Philippe Latombe : Ça va à peu près, ça me va bien.

Bertrand Lenotre : Je pourrais rajouter que vous êtes un fan de métal, je ne sais pas si ça joue.

Philippe Latombe : On peut aussi, mais ça fait dinosaure tout ça, mais ce n’est pas grave.

Bertrand Lenotre : Fabrice Epelboin connaît bien Philippe Latombe depuis des années pour son combat. Un petit mot, une première question.

Fabrice Epelboin : Une première question c’est déjà que je découvre, je commence à découvrir la composition de la nouvelle Assemblée et pour l’instant, effectivement, comme le disait Bertrand, je compte deux personnes qui comprennent le numérique, Éric Bothorel [2] et vous. On est tombé à 0,3 % de compétences numériques au sein de l’Assemblée, j’ai sans doute raté beaucoup de choses parce qu’il y a beaucoup de nouvelles têtes.

Bertrand Lenotre : C’est dommage que vous n’ayez pas l’image !

Fabrice Epelboin : Très concrètement, du point de vue illectronisme à l’Assemblée nationale ce n’est pas fameux cette nouvelle assemblée même si, fondamentalement, on a probablement moins de lobbying GAFAM que sur la précédente législature. On est toujours avec cet énorme problème de manque criant de compétences numériques au sein de l’Assemblée nationale ; ça va être compliqué de défendre tous ces dossiers avec intelligence entre vous et Éric Bothorel. Encore une fois, il y en a peut-être un ou deux qui m’ont échappé mais, pour l’instant, je ne vois que deux personnes compétentes à l’Assemblée. Ça ne fait pas beaucoup quand même.

Damien Douani : Il y a aussi Cédric Villani qui a été réélu.

Fabrice Epelboin : Villani n’a pas été réélu.

Damien Douani : Pardon ! C’est vrai, je n’ai pas mis à jour ma liste de l’Assemblée nationale. Je tape sur mes doigts !

Philippe Latombe : On est un peu plus nombreux que ça parce que chez les LR, chez les Républicains, vous avez Philippe Gosselin qui a fait partie de la CNIL pendant longtemps. Il y a quand même, même s’il ne s’est pas trop exprimé sur le sujet, Ugo Bernalicis de la France insoumise ou Danièle Obono avec lesquels on a beaucoup travaillé sur le texte notamment de Lætitia Avia ; il y a quand même des appétences. Effectivement, nous ne sommes pas très nombreux. Je n’ai pas eu le temps de faire le tour des nouveaux collègues arrivants pour voir ceux qui étaient éventuellement intéressés au sujet, comment est-ce qu’on pouvait travailler ensemble et voir comment on pouvait créer un petit groupe juste pour se connaître et pour commencer à travailler. On va faire ça dans la semaine qui vient.
Oui, ça m’inquiète un peu parce que, du coup, on a quand même quelques sujets qui vont arriver, notamment du Sénat, avec leur fameuse proposition de loi anti-cabinets de conseil [3]. On va forcément devoir parler numérique sur ces cabinets de conseil parce qu’ils sont aussi conseils de l’État sur la numérisation, donc on va forcément avoir des sujets à traiter dans les semaines, dans les mois qui viennent sur le numérique. Il va falloir que je fasse le travail de recenser et de trouver les collègues qui ont envie de travailler sur le sujet, mais on va le faire.

Fabrice Epelboin : Entre-temps je disais que le titre de Bruno Le Maire s’est donc enrichi du terme souveraineté industrielle ET numérique. Dans une tribune dans Acteurs publics le 10 juin [4], vous avez dit que la captation par le ministère de l’Économie de l’enjeu majeur de la souveraineté numérique mérite discussion. Quelle discussion précisément ? Est-ce que c’est vraiment à l’intérieur de Bercy que doit se trouver l’économie numérique parce que, finalement, elle pourrait mériter son propre ministère. Vous avez œuvré pour ça avec cette tribune qui a été lancée par Quentin Adam, c’est-à-dire un ministère de plein exercice avec une vraie administration en fait. Est-ce qu’on devrait enlever le numérique de Bercy ?

Philippe Latombe : C’est là où je vais faire mon Vendéen, c’est-à-dire moitié content, moitié pas content, ça marche aussi avec les Normands, ça marche avec tout le monde.
Là où je suis content c’est que Bruno Le Maire a dans son intitulé le mot « souveraineté industrielle ET numérique », donc le mot « souveraineté numérique » est dans l’intitulé, donc forcément il va falloir que Bercy le prenne en considération dans ses actions. Mais je reste sur l’idée qu’il aurait été mieux d’avoir un ministère de plein exercice, transversal, qui ne soit pas directement rattaché à Bercy où on sait que la DGE [Direction générale des entreprises] a un pouvoir un peu particulier, qu’on voit le monde du numérique et de la tech comme étant un secteur d’activité comme un autre et pas forcément avec une spécificité qui est de traiter les données et d’arriver à trouver des solutions pour l’État de façon cohérente et pas simplement ministère par ministère. C’est ça aujourd’hui qui me manque un peu, j’aurais bien aimé un ministère transversal qui permette à l’État de traiter de sa numérisation, de sa digitalisation, même si ce n’est pas beau, de traiter les données de la même façon ministère par ministère et qu’on n’ait pas des écarts entre les ministères de la Santé, de l’Éducation nationale, bref ! Mais ce n’est déjà pas si mal va, faire un rapport, batailler pendant un an pour qu’il soit pris en compte et qu’il soit dans l’intitulé d’un grand ministère, il y a déjà un premier effort, c’est bien !

Damien Douani : La question qu’il faut absolument vous poser, bien sûr Philippe, c’est est-ce que vous auriez été intéressé par prendre un tel ministère ou une telle responsabilité ?

Bertrand Lenotre : Je fais de la politique, ça ne m’intéresse pas !

Philippe Latombe : C’est ça ! Ça dépend pour quoi faire. Si c’est simplement pour être rattaché à Bercy et pour défendre le monde de la tech simpelemnt dans la vision qui était celle qui était précédemment appliquée, non. Si c’est pour vraiment bousculer les choses, faire une vraie mutation de l’État et vraiment aider le secteur à pouvoir trouver des marchés publics, puis privés, puis à s’exporter, à ce moment-là oui. C’est tout l’intérêt de la souveraineté.

Fabrice Epelboin : On a traversé dans le précédent quinquennat pas mal de crises, mais une assez majeure, qui est la crise du covid, qui a eu un impact numérique absolument foudroyant. Je vais évoquer deux dimensions, on en a énormément parlé dans ce podcast, deux dimensions qui me semblent très significatives. La première c’est que ça a été une marche forcée vers le numérique pour beaucoup d’entreprises, petites et grandes, notamment avec l’introduction du télétravail qui est quand même un bouleversement majeur dans le monde du travail, dans la définition de ce qu’est le travail. La deuxième c’est que ça a été un basculement massif des populations et du lien social des populations dans le numérique avec l’explosion de ce qu’on appelle pompeusement le dark social c’est-à-dire, pour être clair, des groupes WhatsApp où des groupes de parents d’élèves se sont réunis, une myriade de gens qui avaient besoin de communiquer se sont réunis, ont construit des ensembles sociaux qui ont, pour l’essentiel, complètement dégénéré ; je pense notamment aux groupes de parents d’élèves dont une très large partie a dérivé vers de la diffusion d’informations plus ou moins fantaisistes, plus ou moins complotistes, qui sont là pour rester et qui vont marquer durablement la structuration de la société et la façon dont l’information circule dans la société.
Est-ce que, au sein de l’Assemblée nationale, il y a une volonté de faire un retour d’expérience là-dessus, de faire un point là-dessus, d’essayer de regarder en face comment ça a affecté de façon durable la société française, l’économie française ?

Philippe Latombe : En l’état actuel de ce que j’en connais et de la nouvelle Assemblée, ce n’est pas prévu. Maintenant, ça fait partie des sujets que j’aimerais bien qu’on puisse aborder pour deux raisons. La première c’est effectivement qu’il faut qu’on fasse un retour d’expérience. On y est allé de façon forcée, on a vu qu’il y avait des travers qui étaient arrivés, il faut qu’on arrive à en tirer des conséquences, qu’on voie comment, pour l’avenir, on peut éviter que ça puisse se reproduire, en tout cas qu’on sache l’anticiper.
La deuxième chose, c’est un autre sujet qui est un peu connexe, j’aimerais bien qu’on commence à anticiper le Métavers [5]. Si on ne commence pas maintenant à anticiper le Métavers et les règles qui s’y appliquent, on va se retrouver, comme il y a cinq/dix ans, avec des règles qui nous seront imposées par les géants du Métavers qui nous auront imposé leurs conditions générales d’utilisation et on va encore se battre pour pouvoir y mettre de la démocratie, pour y mettre ce qu’on veut y mettre comme valeurs alors qu’on devrait pouvoir l’anticiper.
Je pense que les Français et les Européens en règle générale ont vécu aujourd’hui la digitalisation un peu à marche forcée, c’est ce que vous avez dit, et, du coup, ils se demandent pourquoi personne n’avait anticipé les choses. C’est notre rôle, à nous politiques, quels qu’isl soient, de façon transpartisane, de réfléchir à ces sujets-là à l’avance pour pouvoir anticiper des éventuels dépôts de projets de loi ou de réglementations qui évitent de se battre contre des géants qui, aujourd’hui, n’auraient pas, qui, demain, n’auront pas plus envie qu’aujourd’hui de laisser une partie de leur pouvoir qui est un pouvoir commercial en fait. Il faut donc qu’on travaille dessus. Je le lancerai.

Damien Douani : Tout à fait. Philippe, sur l’aspect Métavers, on voit d’ailleurs que la Corée du Sud a voulu monter une sorte de Métavers souverain. Je crois que quelque chose s’est discuté au niveau européen, vous pourriez peut-être nous préciser. On voit dans la conception des GAFAM, notamment de Meta [6], que le Métavers est, on va dire une version 3D, quelque part, de Facebook – avant on allait sur Facebook, demain ils veulent qu’on aille dans Facebook. Ça pose aussi un autre élément c’est que le Métavers est, on va dire, une vision 3D qui est très liée à toutes ces notions de blockchain, de crypto, ce genre de choses-là, de NFT [Non-fungible token], donc il y a toute une économie qui va être basée sur cette mécanique-là. C’est vrai que là il y a des fils qui se touchent, d’un seul coup, parce qu’on a cette dimension qui n’est pas seulement réseaux sociaux, maintenant on a une dimension économique très forte et, là-dessus, on a encore la sensation que la France, l’Europe en général, ne sont pas très au clair sur les questions de crypto, sont plus dans une logique de « freinons et puis on verra bien ce qui va se passer ». On risque à nouveau de se faire de se faire contourner ou de se faire déborder.

Philippe Latombe : C’est la vraie crainte. Il y a des craintes au niveau des valeurs. Qu’est-ce qui se passe quand ton avatar se fait agresser dans le Métavers, qu’est-ce que j’ai comme droits, etc. ? Comment gère-t-on ça ? Et puis il y a toute la partie économique du Métavers. Si le Métavers devient une zone économique avec une création de valeurs à l’avenir, comment est-ce qu’on l’intègre et comment est-ce qu’on participe à sa construction ? On a effectivement aujourd’hui quelques pépites européennes, notamment dans le domaine du jeu vidéo, dans le domaine des NFT, on en a un petit peu dans les cryptos mais moins qu’ailleurs. Si on rate le train on sera encore en retard, donc il faut qu’on prenne le train et qu’on prenne le train en y réfléchissant largement à l’avance. Voilà ! Aujourd’hui oui, c’est l’avenir et on sent bien que, notamment la partie crypto, inquiète tout le monde. Il faut peut-être qu’on accompagne le mouvement de la crypto en se disant que c’est quelque chose d’incontournable, qu’on a un certain nombre de règles à y mettre mais pas des règles pour remettre les cryptos dans le domaine tel qu’on le connaît aujourd’hui. Ce que je veux dire c’est que les cryptomonnaies ont été mal vues et mal vécues depuis deux/trois ans, c’est de pire en pire avec la crise ukrainienne. Si on reste durablement en dehors de ce champ-là on va perdre notre capacité à rebondir plus tard. Il faut qu’on arrive à trouver des règles à la fois de protection mais qui soient incitatives pour trouver des moyens d’avancer.
Quant à la blockchain, évidemment, c’est une solution aussi pour la numérisation de l’État, pour l’efficacité de l’État et ce n’est pas suffisamment utilisé. Très honnêtement, la plupart des ministères ne savent même pas ce qu’est une blockchain [7], donc il va falloir qu’on arrive à refaire de la pédagogie, c’est pour ça que j’aimerais bien trouver quelques collègues pour aller sur ces sujets-là, mais on va trouver !

Bertrand Lenotre : J’aimerais bien qu’on revienne deux secondes sur le sujet de la souveraineté numérique parce que vous dites que c’est un sujet plus politique qu’économique, il faudrait nous détailler un tout petit peu ça. On a vu, aujourd’hui, que la politique numérique c’était parfois d’arroser à coups de milliards quelques grandes ESN [Entreprises de Services du Numérique] et se dire « on va créer des géants, ça va se faire naturellement et petit à petit ils vont prendre leur place face aux Américains », ce n’est pas que ça. Il y a des dimensions réellement politiques à faire, que faut-il faire, concrètement, à quel moment arrête-t-on l’économie pour passer dans une dimension purement politique de la gestion du numérique, notamment de la souveraineté face aux GAFAM ?

Philippe Latombe : C’est une vaste question, je pense qu’on n’aurait pas suffisamment de temps sur le podcast.
Il y a un premier point, il faut se dire que l’objectif de créer des licornes pour créer des licornes c’est marrant, c’est bien, c’est un bon objectif, mais ce n’est pas ça qui fait avancer le secteur pour plein de raisons. La première c’est qu’on est sur la création de licornes qui sont, chez nous, des licornes B to C, alors que dans un grand nombre de pays, quand on parle d’objectif de création de licornes, on est sur du B to B, je pense à Israël qui est là la start-up nation, on est sur des créations de licorne B to B. Financer des licornes B to B ça permet, ensuite, d’irriguer l’ensemble du secteur puisqu’elles sont tournées vers le business, nous nous sommes tournés vers les consommateurs, ce n’est pas tout à fait la même chose.
Ensuite, on est sur des licornes qui sont sur des valorisations d’enfer mais qui ne font pas forcément de chiffre d’affaires et qui n’ont pas forcément de rentabilité. À un moment, il faut qu’on ait des entreprises qui soient capables, de façon autonome, de survivre. Qu’elles aient ensuite une certaine valeur, tant mieux, mais le driver ne doit pas être la capitalisation de ces boites-là, ça doit être le chiffre d’affaires et la rentabilité. Or aujourd’hui, dans nos licornes, on n’a quand même pas des masses qui sont en capacité de grossir et d’avoir du résultat pour pouvoir investir à nouveau toutes seules, sans faire appel au marché ; la capacité en recherche et développement va s’épuiser au fur et à mesure que le capital va diminuer. Il faut qu’on arrive à trouver d’autres systèmes.
Enfin, et là c’est une question totalement politique, que fait-on en France et en Europe pour favoriser, en termes d’activité, nos entreprises du numérique ? Il n’y a pas 36 solutions. Comment leur confie-t-on des marchés publics, comment leur ouvre-t-on des marchés privés ? Mais, pour ouvrir des marchés privés notamment à l’extérieur, il faut qu’elles aient des références en interne. Quand vous êtes une entreprise du numérique et que, aujourd’hui, vous vous adressez par exemple à un Land allemand, le Land allemand va vous dire « c’est bien votre solution, je suis intéressé, il faut qu’on discute. Quelles sont vos références sur un grand acteur français et, si possible, un grand acteur public ou parapublic ? ». Eh bien quand on n’a pas ce genre de référence c’est compliqué d’avoir le marché et c’est un réflexe totalement normal de la part des Allemands parce que c’est un réflexe qui est dans tous les pays à peu près pareil. Il n’y a qu’en France où on pense qu’on va pouvoir exporter des solutions sans avoir fait prouver à ces solutions qu’elles peuvent marcher sur le territoire national. C’est dommage ! Donc il faut que l’État change sa façon de voir. Je n’ai rien contre Microsoft, mais faut qu’on arrête de penser qu’il n’y a qu’une solution unique, Microsoft, parce que Office 365 est la meilleure des solutions. Non ! Il y a d’autres trucs. Par exemple à l’Assemblée, pour cette nouvelle mandature – je ne savais pas si j’allais pouvoir l’expérimenter mais ça va être chouette, je vais pouvoir le faire – on a décidé de prendre Wimi. Wimi [8] a signé un contrat avec l’Assemblée, tous les parlementaires vont être équipés de Wimi, ça va permettre d’éviter de créer des boîtes Gmail pour faire des transferts de documents entre l’Assemblée et la circonscription. C’est vachement mieux en termes de sécurité et, en plus, en termes de souveraineté, ça donne un exemple et ça permet à Wimi de dire « j’ai une institution française qui me fait confiance, en plus dans un contexte très particulier qui est un travail à la fois parlementaire à Paris et en circonscription, ça montre l’élasticité et la capacité du produit à tenir. » Vous imaginez bien que, derrière, c’est quand même beaucoup plus simple pour Wimi en termes d’export.

Bertrand Lenotre : Fabrice.

Fabrice Epelboin : On a vu, pour la rentrée parlementaire, qu’il y avait eu une espèce de formation aux problématiques climatiques imposée à tous les députés de façon générale. Est-ce qu’il n’y a pas moyen d’imaginer un organisme de formation interne à l’Assemblée qui forme les députés à des sujets sur lesquels, visiblement comme la population française, ils sont totalement incultes ? On est quand même dans un pays où 75 % des Français sont persuadés que le nucléaire rejette du gaz carbonique, où on a un illettrisme par rapport au numérique qui est flagrant. Est-ce qu’il n’y aurait pas moyen d’avoir un organisme de formation ? Former moins de 600 personnes ce n’est pas bien cher, autant dire que ce n’est rien du tout, d’autant plus que vous avez tous des comptes formation personnelle, ce n’est pas comme si les budgets manquaient. Pourquoi n’y a-t-il pas une école interne qui forme les députés à l’intelligence artificielle, à la blockchain, au climat évidemment, à tout un tas de choses sur lesquelles, comme tout le monde, ils ne sont pas forcément tout à fait au point ? Qu’ils puissent y trouver des professeurs, pas des lobbyistes, pas des entrepreneurs qui viennent les former, des professeurs, ce n’est pas comme si ça manquait dans les grandes écoles françaises, des professeurs qui sont non liés à des intérêts commerciaux et qui viendraient former du député, qui seraient là en ressource, que les députés pourraient appeler au même titre que mes élèves m’appellent quand ils ont, des années après m’avoir croisé, des problématiques sur lesquelles ils pensent que je peux leur apporter des solutions. Pourquoi n’y a-t-il pas une école interne à l’Assemblée nationale ?

Damien Douani : Pour rebondir sur ce que dit Fabrice, c’est vrai que ça se fait dans beaucoup de boîtes. J’interviens dans pas mal de boîtes, comme ça, sur ce principe d’université interne pour essayer de traiter de plein de sujets. Donc oui, c’est une très bonne remarque et, bien sûr aussi, comme disait Fabrice, en évitant que ce soit des consultants de chez McKinsey ou autres.

Philippe Latombe : C’est vrai que les consultants de chez McKinsey ont marqué.
Deux choses. Je reviens sur la formation. C’était le GIEC qui proposait de la faire aux députés entrants pendant une demi-heure, quand ils arrivaient, ce n’était pas obligatoire, par contre ce n’était pas forcément au bon moment et bien placé ; au moment de l’arrivée ce n’est pas forcément la meilleure des solutions. À titre perso, par exemple, je ne l’ai pas fait, je voudrais bien le faire, mais ce n’était pas possible. Ça s’est terminé hier, je le ferai autrement, ce n’est pas un souci.
Non ce n’est pas prévu, mais c’est en réflexion. Je m’explique. On a beaucoup travaillé avec le service informatique avec un certain nombre de députés, notamment avec Pierre-Alain Raphan qui n’est plus là, pour changer le système informatique de l’Assemblée. [Son absent pendant quelques secondes, NdT]. Une solution est proposée pour que ça soit harmonisé, homogène, de là vient le recours par exemple à Wimi, c’est parce qu’on arrive à structurer les choses et, du coup, qu’on a un marché qui permet, en plus, à des boîtes de pouvoir soumissionner et être retenues. C’était la première étape.
La deuxième étape ça sera justement d’avoir un centre de ressources au sein de l’Assemblée, comme vous le disiez, en interne, qui permette de répondre à des problématiques pas simplement techniques mais aussi à des problématiques de type cybersécurité, de type éducation.
Ensuite, aller jusqu’à la formation des députés ça sera une deuxième étape et, pour ça, il faut que l’Assemblée se structure, que les questeurs soient là, parce que c’est un sujet de fonctionnement de l’Assemblée. Tant qu’on n’a pas un nouveau bureau, et vous avez bien vu qu’il y a quand même eu un peu de changements au sein de l’Assemblée depuis dimanche, il va falloir qu’on arrive à pousser ça avec les nouveaux questeurs, donc ça veut dire éduquer d’abord les questeurs à cette question-là. Comme je ne sais pas qui ça va être, je vais commencer mon travail de lobbying la semaine prochaine.

Bertrand Lenotre : À propos d’éducation, je parlais en intro du rapport parlementaire que vous avez réalisé sur la souveraineté numérique, pas mal des idées de ce rapport ont été prises un peu partout lors de la campagne présidentielle et même de la campagne législative. Ce que vous avez noté c’est, qu’en fait, on n’a pas toujours bien compris les enjeux, c’est-à-dire qu’on a piqué des idées sans comprendre les enjeux qui allaient avec. Vous allez me dire que c’est déjà un premier point, mais enfin que faut-il faire pour que, justement, il y ait une acculturation à la connaissance des enjeux qui sont derrière les idées ?

Philippe Latombe : C’est là où faut revenir sur la question de la formation. Aujourd’hui, très clairement, des petits trucs ont été picorés dans le rapport sans voir qu’il y avait derrière – en tout cas je pensais l’avoir construit comme ça, j’espère que ça s’est vu – des lignes directrices. Par exemple sur l’éducation l’idée d’introduire du code et de mettre du numérique dans les écoles, dans les collèges et dans les lycées, ce n’est pas pour faire des codeurs de tout le monde, c’est simplement d’avoir une éducation sur ce qu’est un algorithme, qu’on ait, à l’arrivée, une culture de l’algorithme suffisante pour que les gens comprennent qu’un algorithme c’est une suite logique, que ça donne des propositions de décisions, de solutions et comprendre comment on peut interagir avec l’algorithme en changeant les paramètres qu’on y injecte. C’est quelque chose qui, aujourd’hui dans les ministères, n’est pas allé suffisamment en profondeur. Je pense fondamentalement qu’on a un vrai souci, c’est pour ça que j’attends de voir ce que va être le texte de la proposition de loi du Sénat sur les cabinets de conseil. On a un manque de compétences, dans les ministères, sur la partie du numérique. On est resté sur du numérique très ancien, la partie nouvelle est vue comme étant à développer par l’extérieur, donc à prendre en solutions toutes faites. Il n’y a pas de construction des systèmes d’information au sein des ministères. Il va falloir qu’on remette de la culture là-dedans. La seule façon de le faire c’est soit d’avoir des contractuels, donc des allers-retours avec des contractuels, ce qui peut être une solution. La deuxième c’est quand même qu’on ait, à un moment ou à un autre, des cabinets qui puissent, de façon agnostique, faire des diagnostics et faire des propositions et c’est la vraie question de l’agnosticisme, je ne sais pas comment on dit, des cabinets. En tout cas, il faut qu’on ait des cabinets qui soient étanches aux GAFAM pour, à un moment, qu’on puisse avoir de vrais diagnostics et ce n’est pas évident dans le fonctionnement qu’on a aujourd’hui.
Il faut qu’on continue à expliquer qu’il y a des solutions, ça va être mon credo pendant la prochaine mandature. Il y a des grands thèmes, par exemple la gestion des données au sein des ministères qui doit être harmonisée : on ne doit plus avoir de différences de traitement entre les données du ministère de la Santé, de l’Éducation nationale, de l’Intérieur, de la Défense ou de la Culture. Il peut y avoir des spécificités de protection, ce qui est logique parce qu’on n’est pas sur le même type de données, mais il faut qu’il y ait le même traitement et qu’on ait la même vision.
Ensuite, il faut qu’on ait de la capacité à changer les systèmes sans penser que c’est une révolution à chaque fois. Si on ne commence pas à toucher, aujourd’hui, à l’identité numérique de façon sérieuse, on va avoir dix trains de retard par rapport aux autres pays européens et aux pays du monde. Ce qui m’inquiète le plus c’est que les GAFAM sont en train de s’en emparer parce qu’ils voient qu’on ne le fait pas. L’eWallet d’Apple, qui va intégrer notre carte d’identité, m’inquiète prodigieusement. On est en train de laisser du régalien chez les GAFAM et on va se retrouver pieds et poings liés. Vous avez parlé du covid, je vous rappelle que Apple a refusé de nous ouvrir ses lignes de code pour qu’on puisse implémenter correctement StopCovid à l’époque, qui est devenu TousAntiCovid, sur la partie tracking. Si on les laisse faire ils vont nous fermer les portes et on sera dépendants. C’est ça la souveraineté et aujourd’hui les ministères ont du mal à le comprendre. Le ministère de l’Intérieur a du mal à comprendre, désolé, qu’on ne peut pas confier aujourd’hui l’identité numérique à la directrice de l’ANTS [Agence nationale des titres sécurisés] qui a à la fois l’ANTS et ça à gérer. On ne peut pas avoir une seule personne qui fait tout. Aujourd’hui c’est un peu une guerre d’ego sur « tiens, ça c’est moi, ça c’est lui ». Sur l’identité numérique on a aujourd’hui trois acteurs qui se battent et, pendant qu’ils se battent pour savoir qui va récupérer le chiffon, les GAFAM avancent tranquillement et sont en train de prendre des positions qui seront des positions incontournables. C’est dommage, encore !

Damien Douani : D’un côté on veut essayer de soutenir des initiatives françaises, des entreprises françaises, vous prenez l’exemple de Wimi ; à une époque on a mis Qwant comme moteur de recherche dans certaines administrations, je ne suis pas sûr que c’était forcément une bonne idée. Il y avait peut-être une volonté d’acharnement thérapeutique pour essayer de soutenir la boîte, donc peut-être que, finalement, ce n’était pas forcément une bonne idée, même si ça partait d’un bon sentiment. Inversement vous parlez du Wallet d’Apple. J’ai un iPhone, il faut reconnaître aujourd’hui que quelque part, très concrètement, le Wallet d’Apple me rend service, beaucoup. En tant qu’utilisateur final, en tant aussi que citoyen, ça me rend service de me dire que ma carte d’identité est dans quelque chose qui est devenu quasiment un standard sur le marché, entre deux acteurs qui font un duopole, d’un côté Google avec Android et, de l’autre, Apple avec iOS. Donc quelque part, si l’État français me propose d’avoir ma carte d’identité dans Wallet, pour moi, en tant que citoyen, vu de ma fenêtre, ce n’est pas mal.
N’y a-t-il pas une sorte de dualité qui, d’un côté, est de soutenir, mais il faut être pertinent dans ce qu’on fait en termes de soutien, défendre certaines postures et, à la fois, se dire que, quand même, il y a des choses qui rendent service, ce qui peut-être, soit dit en passant, pose d’ailleurs problème sur les acteurs français eux-mêmes. La force des GAFAM c’est qu’ils ont des sortes d’API ou des capacités à devenir des sortes de standards de fait. Apple, Microsoft, Google, d’un seul coup, ça devient standard, il faut être compatible avec eux parce que, de toutes les manières, on les utilise quasiment tous en tant qu’utilisateur final. Donc ça pose aussi cette question : entre les acteurs français n’y a-t-il pas quelque chose à faire émerger ?
Il y a plusieurs questions dans la question mais je pense que tout est lié.

Philippe Latombe : Vous avez parfaitement raison. On ne peut pas se couper d’un marché. Or aujourd’hui effectivement, quand il y a un standard de fait, ça nous rend service, ça vous rend service, il faut qu’on puisse l’utiliser. En revanche la question c’est comment ne pas être lié totalement à ces standards et à cette façon de fonctionner ? Si on décide aujourd’hui que toutes nos cartes d’identité doivent aller dans le Wallet, vont dans le Wallet, que fait-on après si nous voulons les sortir, si nous voulons faire quelque chose de différent ? Il faut qu’on ait la capacité à faire des choix et cette capacité à faire des choix, on l’a bien vu avec StopCovid : à un moment on décide de faire quelque chose sans Apple, eh bien ils nous refusent l’accès à leur code et on ne peut pas le faire. Or aujourd’hui c’est quand même le rôle de l’État de pouvoir imposer sur son territoire, à sa population, un certain nombre de choses et ne pas être coincé par des GAFAM qui, eux, ne respectent pas ces règles-là. Il y a un vrai souci. Cette dualité, cette opposition est là, il faudra qu’on arrive à la gérer.
Il ne faut pas soutenir pour soutenir des boîtes, c’est ce que vous disiez, il ne faut pas s’acharner pour souvenir des boîtes qui, aujourd’hui, ne sont pas au niveau. Si elles sont pas au niveau, elles ne sont pas au niveau ! Il faut qu’on fasse en sorte qu’elles deviennent au niveau. Si elles ne le sont pas, elles ne le sont pas et c’est fini ! À un moment il faudra quand même qu’on ait la capacité à faire des choix.
Je dis assez fréquemment qu’on est très bons sur un certain nombre de sujets, il faut qu’on arrive à capitaliser dessus, mais il ne viendrait jamais à l’idée de quelqu’un, en tout cas en France, qu’on ne construise pas nos sous-marins nucléaires. Dans nos sous-marins nucléaires on a besoin de produits qui viennent des États-unis, qui viennent d’ailleurs, mais on a la capacité de les prendre, de les traiter, de les intégrer dedans et de le faire en souveraineté, c’est-à-dire qu’on sait ce qu’on fait et on sait pourquoi on le fait. Il faut qu’on garde cette capacité-là dans le numérique. Si on veut utiliser le Wallet d’Apple ou une autre solution de chez Android qu’on le fasse mais en gardant la possibilité d’avoir la main dessus, de décider de ce qu’on en fait et pas qu’on devienne totalement inféodés.
Ce que les Américains, dans certains États, font avec Apple, notamment sur le permis de conduire, me gêne. Certains États ont passé un accord avec Apple disant « votre permis de conduire, qui est l’équivalent de la carte d’identité aux États-unis, est sur le Wallet d’Apple ». Quand vous allez dans l’administration de ces États, il y a même un grand panneau vous disant « la carte est dématérialisée sur un sur un iPhone, achetez iPhone ! ». Ça devient une zone de pub ! Donc on est forcément sur un système qui est assez perverti, ce n’est pas tout à fait ce qu’on veut !
Il faudra qu’on arrive à pouvoir intégrer ces standards-là sans pour autant en être inféodés. C’est aussi pour ça que je voudrais qu’on puisse réfléchir sur les technologies de demain, notamment le Métaverse, notamment un certain nombre de sujets, parce que si on ne commence à y réfléchir maintenant on va se faire imposer ces standards de fait encore une fois, alors qu’on aurait pu participer à la création de ces standards. Je pense que c’est aussi un travers français : on aime bien se rebeller, c’est toujours sympa d’être dans la position du type qui dit « ça ne va pas, il faut qu’on fasse autrement », c’est beaucoup plus difficile d’expliquer qu’on a passé cinq ans à essayer de construire un standard à bas bruit, dans un coin, parce que ça ne fait pas de pub et ça ne fait pas de bruit, mais il faut qu’on le fasse. On est sorti de la construction des normes, il faut qu’on rentre dans la construction des normes. L’échec de Gaia-X [9] sur ce sujet-là m’inquiète un peu, il faudra qu’on relance le truc. Au départ c’était une bonne idée et c’est complètement parti en vrille parce que, là aussi, on a voulu faire quelque chose en se disant qu’on allait laver plus blanc que blanc. On a laissé les GAFAM rentrer dedans et eux savaient exactement comment on construit des normes, à coup de juristes qui sont payés très cher et qui utilisent le temps de tout le monde ce qui fait que, derrière, c’est leur solution qui s’impose. Il faut qu’on arrive à contrebalancer ça.

Bertrand Lenotre : Une dernière question Fabrice.

Fabrice Epelboin : Il n’y a pas longtemps je regardais une interview d’Elon Musk, qu’on aime beaucoup, dont on parle beaucoup dans ce podcast, qui était en train d’expliquer qu’en matière de régulation, pour ce qui est de l’intelligence artificielle on n’avait absolument aucun choix : soit on la faisait de façon préemptive, soit on attendait que l’intelligence artificielle s’impose à nous et il serait totalement trop tard. Elon Musk est très méfiant vis-à-vis de l’intelligence artificielle et il passe son temps à émettre des avertissements à qui veut l’entendre sur le fait qu’il est impératif que le législateur se saisisse du sujet avant que le sujet se saisisse de la société. Est-ce que vous pensez qu’il y a un vague espoir, dans les cinq ans qui viennent parce que, visiblement, c’est dans les cinq ans qui viennent qu’il faut saisir du sujet, que l’Assemblée française, une assemblée européenne ou, mieux encore, le Parlement européen, arrive à écrire un texte pour réguler l’intelligence artificielle avant qu’il ne soit très clairement trop tard ?

Philippe Latombe : Il y a deux questions dans la question : est-ce qu’Elon Musk a raison ou pas ?, c’est la première question. La deuxième c’est : est-ce qu’on peut faire quelque chose dans les cinq ans ?

Fabrice Epelboin : On va partir du principe qu’il a raison pour simplifier la chose.

Philippe Latombe : Je pense qu’il a raison, fondamentalement je pense qu’il a raison. Si on ne met pas les règles avant on va se les faire imposer, ça va s’imposer de fait, peut-être pas dans cinq ans, ça sera peut-être un peu plus long que ça, mais on va prendre, en plus, des mauvaises habitudes. L’intelligence artificielle qui est aujourd’hui une assistance à l’être humain va prendre de plus en plus de place, va proposer des solutions qui seront systématiquement validées par l’être humain, donc on ne va plus se poser de questions, on ne réfléchira plus ou moins ou moins bien, donc il a fondamentalement raison.

Damien Douani : Il a raison mais, à la fois, il aimerait bien imposer Neuralink [10], mais c’est encore une autre histoire.

Philippe Latombe : De temps en temps notre copain Elon Musk est ambivalent. Il pense que la puce va permettre, justement, de gagner un peu de temps d’avance par rapport à l’intelligence artificielle, c’est comme ça que je le vois. Là où est la vraie difficulté, encore une fois, c’est comment est-ce qu’un parlement, des parlementaires, surtout dans le contexte actuel, ont la capacité de dégager du temps pour travailler en réflexivité, en avance, sur ce type de sujet, sachant que ce n’est pas politique, que ça ne se vend pas bien, or on est dans la politique du jour le jour et de la petite phrase. Un parlementaire qui travaille sur ce genre de sujet n’est pas, aujourd’hui, vu dans sa circonscription comme un parlementaire qui travaille. C’est bête, c’est dommage et c’est un peu frustrant mais c’est le parlementaire qui va gueuler sur BFM TVparce que dans l’hémicycle, une demi-heure avant, il y a eu un clash. Ce n’est pas ça le parlementarisme, ce n’est pas ça que les Français, au fond, demandent. Il faut qu’on arrive à trouver des moyens de réfléchir à l’avance.
Donc soit, et je ferai la demande au président ou à la présidente de l’Assemblée nationale dès qu’il ou elle sera nommé, j’espère que ça sera Yaël Braun-Pivet parce qu’on a travaillé pendant cinq ans à la commission des lois, je la connais bien, ça me permettrait de pouvoir lui faire passer des messages. J’aimerais bien qu’on ait cette capacité-là de réfléchir en avant sur ce type de sujet, sur celui-là comme sur le Métavers, comme sur un ensemble d’autres sujets et qu’on prévoit des réglementations, pas qu’on les écrive forcément tout de suite parce que la technologie va nous imposer de les modifier, mais qu’on ait au moins posé des grandes valeurs et des grands jalons, qu’on puisse, le jour où on en a besoin, les transformer quasiment immédiatement en réglementation, contraignante ou non contraignante, sachant, je pense, qu’on a fait et on fait toujours de la loi trop précise. Ce qui, par exemple, marche bien aujourd’hui, et on y fait encore référence notamment pour les réseaux sociaux, c’est la loi sur la liberté de la presse qui fonctionne encore. Elle a été écrite il y a plus de 100 ans. Elle était suffisamment bien écrite et large pour qu’on puisse l’appliquer à des journaux qui étaient ronéotypés, à des journaux qui étaient imprimés à la chaîne, à des journaux qui sont maintenant totalement numériques et même à des réseaux sociaux. C’est ce qu’il faut qu’on arrive à faire et, pour ça, il faut qu’on ait une capacité à réfléchir. Si on ne le fait pas à notre niveau et si on ne récupère pas des parlementaires européens pour qu’ils réfléchissent à la transformation au niveau européen, à l’échelle européenne de ça, on est perdus. Mais ça nécessite de travailler un peu dans l’ombre, donc forcément avec une difficulté politique sur une éventuelle réélection quand il y a besoin et on le voit bien avec ce qui s’est passé dimanche dernier.

Bertrand Lenotre : Philippe Latombe, député MoDem, réélu récemment, était l’invité des Éclaireurs du numérique. Merci beaucoup Philippe Latombe parce que nous, dans ce podcast, régulièrement, nous nous en prenons à l’incurie du système politique français en matière de numérique et, tout d’un coup, ça fait du bien d’avoir un élu français qui sait de quoi il parle ! On aimerait bien que vous soyez plus nombreux, en tout cas on a bien compris que vous allez vous battre pour qu’une dynamique se mette en place, notamment à l’Assemblée et on vous remercie pour ça pour les prochaines années, si l’Assemblée reste active, telle qu’elle est aujourd’hui, pendant cinq ans, ce qui est encore une autre question. On verra comment ça se passe. Merci beaucoup Philippe.

Philippe Latombe : Merci à vous.

Bertrand Lenotre : C’était donc les Éclaireurs du numérique. N’hésitez pas à venir nous rejoindre en mettant des étoiles.
Damien, il faut se réveiller, c’est le moment de faire de la pub.

Damien Douani : Je vais faire comme Philippe Latombe qui est venu nous voir aujourd’hui et qui, j’en suis sûr, a mis cinq étoiles sur les différents sites de baladodiffusion. N’hésitez pas à faire pareil, voire à vous abonner afin que nous puissions avoir le plaisir d’être dans vos oreilles via vos smartphones. Bref ! Abonnez-vous, mettez-nous des étoiles, ça nous permet de remonter dans les différents classements et faire en sorte que nous puissions attaquer avec joie, bonheur et sourire la cinquième saison à la rentrée.

Bertrand Lenotre : Merci beaucoup Philippe Latombe. Salut Damien. Salut Fabrice, à la semaine prochaine.

Fabrice Epelboin : Merci Philippe. À bientôt.

Philippe Latombe : Merci à vous.

Voix off : Les Éclaireurs du numérique, un podcast de Bertrand Lenotre, Damien Douani et Fabrice Epelboin. Vous avez aimé ce podcast ? Retrouvez-nous sur leseclaireursdunumerique.fr.