Regards Citoyens : Données ouvertes et transparence politique - Suzanne Vergnolle

Titre :
Regards Citoyens : Données ouvertes et transparence politique
Intervenante :
Suzanne Vergnolle
Lieu :
Ubuntu Party - Paris
Date :
mai 2019
Durée :
36 min 50
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Licence de la transcription :
Verbatim
Illustration :
Logo de l’association Regards citoyens - Licence CC BY-SA 3.0

Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l’April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Description

Le collectif Regards Citoyens est une association constituée de citoyens de tous âges et régions, tous bénévoles, unis par un désir commun de proposer un accès simplifié au fonctionnement de nos institutions démocratiques à partir des informations publiques.

Transcription

Bonjour à tous. Je vais vous parler un petit peu de ce qu’est l’open data, tout ce qui est données ouvertes et effectivement, comment cet open data peut être réutilisé.

Regards Citoyens ?

Je parle au nom de Regards Citoyens. Regards Citoyens [1] est une association composée de férus du numérique et les rares fois où l’on se retrouve en présentiel, évidemment, il se passe qu’on boit un petit peu, donc on n’a que des photos comme ça [montrant les personnes attablées et gaie, NdT], malheureusement.
En gros, on a été constituée en 2009. En fait, on était vraiment passionnés par l’activité parlementaire au moment des lois DAVDVSI [2], HADOPI [3], etc. Plusieurs d’entre nous s’étaient retrouvés dans les tribunes de l’Assemblée nationale à suivre minutieusement tout ce qui se passait dans l’Assemblée et on a commencé à réutiliser des données qui étaient disponibles sur le site et à mettre à la disposition des personnes ces informations que nous réussissions à récupérer. Donc vraiment l’idée de Regards Citoyens c’est de mettre nos compétences de passionnés de numérique au profit de toutes les personnes qui n’auraient pas forcément la possibilité de faire elles-mêmes cette collecte d’informations.

On est principalement connus pour deux sites qui sont NosDéputés.fr [4] et NosSénateurs.fr [5]. Ce sont deux sites qui visent à mettre en valeur l’activité des parlementaires tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, donc on a une quinzaine de critères qui permettent de montrer, effectivement, ce que font les députés et les sénateurs. On a, par exemple, les amendements, les questions écrites, les questions orales. Il y a vraiment une variété de critères qui sont utilisés pour montrer toute la complexité et la pluralité du travail des parlementaires.

L’idée c’est vraiment de récupérer un maximum des données disponibles, qui existent, afin, en fait, de les mettre sur une page librement accessible pour que chacun puisse effectivement avoir une vision très précise du travail de son député ou de son sénateur.

On a sur ce site ce qu’on appelle un nuage de mots clefs, ici on ne le voit pas très bien, mais, en gros, si on a des citoyens qui veulent suivre une question particulière, par exemple, je ne sais pas, les abeilles, savoir qui parle d’abeilles au Parlement, en fait on peut, grâce à ce champ lexical, suivre effectivement les députés ou les sénateurs qui parlent de ces sujets.
On est une association qui a une quinzaine d’initiatives avec des visées citoyennes et on a un grand principe essentiel dans notre association qui est que l’on s’applique la transparence que l’on demande. C’est-à-dire qu’on demande à ce que les données soient en open data pour permettre une meilleure réutilisation, donc toutes les données qu’on produit et qu’on réutilise sont en open data. On n’utilise que des logiciels libres. Les administrateurs de l’association font des déclarations d’intérêts pour éviter, justement, qu’on puisse cacher certains intérêts. Tous nos comptes sont publics. Là, si par exemple l’un d’entre vous fait un don, toutes les trois minutes on a un robot qui met à disposition nos comptes, donc on le verra, il sera anonymisé, en tout cas avec les initiales, mais il y a vraiment ce principe de « ce qu’on demande aux politiques, ce qu’on demande aux administrations, on se l’applique à nous-mêmes » et c’est un principe vraiment essentiel pour nous.

De l’open data sans le savoir !

Du coup, comme je vous disais, on fait de l’en open data. En gros, 75 % de notre temps de travail c’est la création ou la reconstruction de données publiques. Le site NosDéputés.fr nous demande beaucoup de travail parce que, derrière, on a un travail humain de vérification des informations. Comme on récupère, en fait on scrappe le site de l’Assemblée et celui du Sénat, on a un peu de travail éditorial derrière pour vérifier que tout est cohérent.

On a vraiment un principe de redistribution des données ; ça c’est le réflexe scientifique et on a, comme vision, que plus il y a de données ouvertes et plus on va avoir d’initiatives citoyennes. Donc chacun de nos projets est vraiment avec cette idée de redistribution des données.

Mais l’open data, c’est quoi ?

C’est quoi déjà l’ open data ? L’idée de l’open data c’est de mettre à disposition des données afin qu’elles soient librement réutilisées. Ce sont des données qui sont produites ou reçues par des administrations. Ça peut être l’État, ça peut être des collectivités locales.

Ce sont des données qui ne violent pas la vie privée, c’est vraiment un point très important. À l’occasion, par exemple, de la loi Cahuzac où il avait été plus ou moins question de mettre disposition les déclarations de patrimoine des élus, nous on s’était fermement opposé parce que ce sont typiquement des données qui violent la vie privée, alors qu’on avait demandé à obtenir les déclarations d’intérêts dans des formats ouverts, etc. Donc il y a vraiment un vrai principe où on a conscience que certaines données peuvent violer la vie privée et ces données-là nous, on est vraiment contre leur diffusion.

Ensuite, ce sont de données qui ne sont pas soumises au secret. Là on pense, par exemple, au secret de la défense nationale par exemple.
On a trois principes qui innervent l’open data :

  • le premier c’est pas de barrière financière. Évidemment, s’il faut payer, il y a tout de suite une barrière qui va exister. Les données doivent être gratuites ;
  • le deuxième principe est pas de barrière juridique : donc évidemment, il ne faut pas avoir des licences hyper-compliquées qui demandent tout un tas de points avant de pouvoir réutiliser les données, donc des licences libres ;
  • et ensuite pas de barrière technique, donc ça va être l’idée d’avoir des formats ouverts, évidemment, mais aussi pas d’inscription pour récupérer les données, ça c’est notamment un des grands principes essentiels de l’open data.

Un long cheminement en France

En France, on a quand même mis beaucoup de temps pour arriver à l’idée de l’open data. Jusqu’en 1978, donc juillet 1978, le principe était « secret », c’est-à-dire que les citoyens n’avaient pas le droit de demander à l’administration des documents. À un moment ils se sont quand même rendus compte que l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui prévoit que « la société a le droit demander compte à tout agent public de son administration », qu’il y avait une petite dichotomie entre la grande déclaration qui était prévue par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et l’effectivité de la loi, donc ce droit. Donc, en 1978, la loi CADA [6] a été adoptée et cette loi permet, en fait, de demander l’accès aux documents. À ce stade-là on est juste à l’accès : on peut demander l’accès, on récupère le document et on peut le regarder.

En 2005, au niveau européen, on a eu une directive qui s’appelle PSI [Public Sector Information directive], la directive information du secteur public, qui va prévoir — parce que l’Europe a une vision très monétaire, ils disent que les données c’est de l’argent, donc on va promouvoir la réutilisation afin de promouvoir l’innovation et faire de l’argent —, donc ils se disent « on va prévoir l’obligation de réutilisation des informations auxquelles on a pu accéder via un droit d’accès ».

Ensuite il y a plusieurs initiatives. On a un open data camp à Paris qui a été fait en 2009 et entre 2009-2010, on commence à avoir des villes qui commencent à créer leur propre portail d’open data et qui commencent à ouvrir les données.

En 2010, on a les sites DataPublica et NosDonnées.fr [7] qui commencent à apparaître, donc là on a les premières réutilisations qui arrivent.

En 2011, on a la création d’Etalab [8] qui est le service du Premier ministre en charge de l’ouverture et de la réutilisation des données publiques, qui va lancer le portail interministériel data.gouv.fr [9], qui est le portail sur lequel on peut retrouver, en principe, toutes les données qui sont soumises à l’obligation d’open data, c’est-à-dire un très grand nombre de données, en principe.

Il faudra attendre 2016 pour avoir une véritable consécration du droit à l’open data et que, dans la loi, on ait un principe selon lequel toutes les données qui sont librement accessibles, donc auxquelles n’importe quelle personne peut accéder, doivent être publiées, en principe, évidemment, sur le portail data.gouv.fr. Donc ça c’est le principe qu’il y a dans la loi. En pratique ce n’est pas encore complètement ça, évidemment, mais on a effectivement ce droit qui nous permet de demander des données et de demander la publication de données.

Open data : pourquoi ?

Pourquoi on fait de l’open data ? Un des premiers principes qui est un des principes essentiel de l’open data c’est la confiance.

Il y a très longtemps Montesquieu affirmait que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser. L’idée de la séparation des pouvoirs c’était de dire « si on distribue le pouvoir au sein de plusieurs organes, ils vont ensemble s’auto-réguler ». Et nous, on a cette vision qu’en donnant à l’administration un plein pouvoir sur les données qu’elle a à l’intérieur et en ne permettant pas à des citoyens d’y accéder et de vérifier, on a un risque d’avoir un abus de pouvoir. Donc vraiment l’open data participe à cette démarche de séparation des pouvoirs et à cette démarche d’autorégulation.

Ensuite on a deux autres auteurs que j’aime beaucoup citer, qui sont des auteurs qui étaient des fervents défenseurs de la vie privée, qui sont Royer-Collard en France et le juge Brandeis aux États-Unis.

Le premier, c’est lui qui a un peu théorisé l’idée qu’il fallait protéger la vie privée. Quand on lui demandait s’il fallait protéger la vie privée de l’administration et des personnes politiques, pour lui c’était insoutenable l’idée que la puissance publique appartienne aux fonctionnaires et, au contraire, il était indispensable que la société connaisse la vérité sur les actions des agents de l’autorité et de toutes les personnes publiques. Ça c’était en 1819, donc vous voyez il aura fallu attendre 150 ans, plus de 150 ans, pour voir cette idée mise en pratique. Vraiment il y a cette idée qu’on a un besoin de permettre aux citoyens d’accéder à ce que les agents publics savent.
Dans les associations, on se pose souvent la question et on a pas mal travaillé sur la question de comment est-ce que, dans les associations, on gère ces grands principes d’ouverture. Comme je vous l’ai dit, nous on a l’idée de s’appliquer à nous-mêmes ce qu’on prône.
On a nos déclarations d’intérêts qui sont publiques. On a les comptes qui sont publics et toutes nos décisions sont publiques ; la plupart du temps, sur notre IRC, on discute de savoir comment on va faire telle chose. On a un éditeur de texte collaboratif où n’importe quelle personne peut venir contribuer, valider un tweet qu’on va envoyer dans la semaine ou valider un mail auquel on va répondre. Il y a vraiment cette idée de permettre aux gens de participer à la vie de notre association.
Pourquoi on fait de l’open data, autre idée, la modernisation. Là c’est principalement à l’égard de l’administration qui va, grâce aux citoyens, pouvoir se moderniser.
En France, on est extrêmement bien équipés en termes de démocratie papier. On a la publication au Journal officiel qui est un principe qui remonte à il y a très longtemps. En fait, c’est même très amusant parce qu’en France, pour qu’un acte ait une valeur juridique, il fallait que le Journal officiel soit arrivé dans toutes les préfectures françaises. Donc on avait des chevaux qui partaient depuis Paris pour aller donner dans les préfectures en France les Journaux officiels afin que ces actes aient de la valeur.

Aujourd’hui, avec le numérique, on n’a plus besoin de chevaux, on a juste besoin de fibre ou d’Internet pour diffuser ces informations et on n’a pas encore, malheureusement, réussi à passer l’étape du numérique. On a une très bonne démocratie du papier. Là, par exemple, on a un arrêté qui prévoit la nomination d’un préfet, il est très beau sur un papier, etc., mais ce n’est pas du tout réutilisable. Du coup, on a des personnes qui vont récupérer ces informations et les retranscrire en données afin qu’ensuite on puisse, via un nombre, retrouver tous les préfets d’une certaine région par exemple.

Ça c’est une super initiative de Nathann Cohen qui vise, justement, à permettre de chercher au sein des Journaux officiels les nominations, etc., ce qu’on n’arrive pas à faire avec la démocratie du papier, en fait.
Pourquoi on a besoin d’open data ? On a aussi besoin d’open data pour passer dans une logique de « contribution » et là nous, on a une vision assez ouverte de notre association et l’idée c’est vraiment de permettre aux sympathisants de participer à la vie de notre association. On a fait plusieurs opérations de crowdsourcing.

La première, celle-là, c’est une des plus anciennes qu’on ait faite, c’était avec Transparence International France et là, en fait, on cherchait à reconstituer un registre du lobbying [10]. On s’est dit « OK ! On n’a aucune données, il n’y a rien qui est public, comment est-ce qu’on peut reconstituer qui fait du lobbying au sein de l’Assemblée ? ». On a pas mal réfléchi et on s’est dit « la solution c’est de regarder toutes les personnes qui ont été auditionnées. Les personnes qui ont été auditionnées ont été reçues par des députés et elles ont fait du lobbying auprès d’eux pour porter un certain message ». Donc on a récupéré les noms et ensuite on a retranscrit ces noms en données, du coup, derrière, on a pu faire des analyses statistiques, savoir quels étaient les lobbies les plus présents, par exemple est-ce qu’il y avait plus d’hommes que de femmes qui étaient reçus en tant que lobbies, etc., il y a eu plein de données qui ont pu en ressortir.

Un autre exemple de nos opérations de crowdsourcing, c’était sur l’opération Transparence IRFM [11], qui est une opération qu’on a lancée en juin 2017 pour demander aux députés l’accès à ce qu’on appelait leurs frais de mandat, leurs relevés bancaires sur leurs frais de mandat. L’IRFM c’était l’Indemnité représentative de frais de mandat qui permettait aux députés d’avoir une petite enveloppe pour payer leurs frais professionnels, enfin plutôt une enveloppe. C’était 5400 euros à peu près par mois. En fait, sur cette enveloppe, il n’y avait aucun contrôle, aucune transparence et nous on s’est dit « on va essayer de récupérer ces données, parce que quand il y a de la donnée il y a sûrement des choses intéressantes à en faire derrière ». Donc on a demandé à nos 577 députés de nous envoyer leurs six derniers mois de relevés bancaires et leur déclaration sur l’honneur de l’utilisation conforme de leur frais de mandat à ce qui est prévu par le règlement de l’Assemblée nationale.

On a eu dix réponses positives. Donc… On a saisi la CADA pour demander aux 567 députés qui ne nous ont pas répondu positivement et aujourd’hui on a fait une action devant le Conseil d’État pour obtenir cette transparence-là.

Pourquoi je vous raconte cette histoire c’est parce que, en fait, on a demandé, on a proposé à nos sympathisants d’envoyer les courriers recommandés. Les cinq administrateurs de l’association de Regards citoyens n’allaient pas écrire aux 577 députés, donc on a proposé aux citoyens d’envoyer à leur député, ou au député d’une circonscription, un recommandé avec accusé de réception afin de montrer qu’il y avait pas mal de gens qui avaient aussi envie d’avoir accès à ces documents. Ça n’a pas trop bien marché parce qu’on n’a pas eu beaucoup plus de relevés bancaires avec les accusés de réception, malheureusement.
Pourquoi on fait de l’open data ? On fait aussi de l’open data pour « rendre visible nos luttes », c’est un film Ouvrir la voix qui réfléchit autour de cette question.

Nous on veut essayer de rendre visibles plusieurs choses, notamment le lobbying. Ça c’est l’initiative dont je vous parlais tout à l’heure, le lobbying à l’Assemblée, qu’on avait faite avec Transparence International France : quel est le lobby et comment il est représenté ? Qu’est-ce qu’il fait ? Etc.

On veut aussi montrer les conflits d’intérêts. Par exemple, à gauche, on a mené en 2013, 2014 même je pense, une opération sur transparence-santé. Je ne sais pas si vous avez suivi, mais, en fait, il y a eu quelques soupçons de liens d’intérêts entre les médecins et les laboratoires pharmaceutiques, suite à l’affaire du Médiator notamment. En fait, l’idée du gouvernement c’était de dire « on va mettre un terme à cette opacité qui existe dans les liens d’intérêts entre les professionnels de santé et les laboratoires pharmaceutiques », donc dès qu’un professionnel de santé est invité à quelque chose, le laboratoire doit le rendre public. Donc il y a une base nationale qui s’appelle transparence.sante.gouv.fr [12]. Du coup, dans cette base, il y a tout un tas d’informations relatives aux liens d’intérêts que peut avoir un professionnel de santé avec certains laboratoires pharmaceutiques.

Malheureusement, les données n’étaient pas du tout dans un format exploitable. Pour pouvoir accéder aux données, il fallait rentrer un captcha, etc., donc c’était très compliqué. Nous on a réussi à récupérer les données, et, du coup, on a fait tout un tas de réutilisations derrière pour montrer quels étaient les secteurs dans lesquels il y avait le plus d’argent qui était investi par les laboratoires pharmaceutiques. Il y a plein de réutilisations très intéressantes sur Sunshine [13] dans ce que les labos donnent à nos médecins.
On fait aussi de l’open data pourquoi ? Pour apprendre, parce que les données nous apprennent beaucoup de choses. On avait notamment travaillé, au début de l’association, sur le redécoupage électoral [14], donc essayer de comprendre, quand on redécoupe les bureaux de vote sur un territoire, quel est l’impact que ça va avoir pour les élections. Est-ce que ça va favoriser certains partis, d’autres moins, etc. ? Donc on a effectivement travaillé sur le découpage électoral afin d’essayer de simuler ce qui changeait, en fait.
Un autre exemple d’apprentissage qu’on a vécu c’est le recours qu’on est en train de porter, en ce moment, au Conseil d’État sur les frais de mandat où, en fait, eh bien grâce au non open data de ces frais, on apprend à utiliser des instruments juridiques qui ne sont pas forcément intuitifs au début.

Les outils : où trouver de la donnée ?

Quels ont les outils qui sont à notre disposition ? Où est-ce qu’on peut trouver des données ?

Il y a beaucoup de projets citoyens de la communauté, évidemment Wikipédia, Wikidata ; OpenStreetMap [15], Open Food Facts [16] ; ça ce sont quelques-uns des grands projets libres, et ensuite les portails de données. On a effectivement data.gouv.fr sur lequel on a plusieurs types de données et NosDéputés.fr ou NosSénateurs.fr par exemple.
Quels ont les outils qu’on a ?

On a les outils juridiques : effectivement le premier c’est, comme je vous disais tout à l’heure, le droit d’accès, accéder aux documents. Ensuite le droit de réutiliser ces documents et ces deux droits-là sont désormais opposables. Depuis 2008, en France, on peut effectivement réutiliser librement les données auxquelles on a accédé librement.

Évidemment des outils plus techniques qui sont : traiter les donnés, faire des data visualisation, etc.
C’était un petit peu ce que je voulais vous dire par rapport à l’open data. Si vous avez des questions.
Animateur : Merci pour cette présentation. Du coup on a pas mal de temps pour les questions, donc si des gens ont des questions à poser, je vais vous passer un micro et on peut faire ça.
Public : Bonjour.
Suzanne Vergnolle : Bonjour.
Public : Je n’ai pas suivi le début, du coup je ne sais pas si vous avez présenté. Regards Citoyens c’est une association ou c’est un organisme ?
Suzanne Vergnolle : Non. C’est une association loi de 1901. On a été créée en 2009 ou 2010 — on va bientôt fêter nos dix ans donc 2009 sans doute — vraiment à l’initiative de plusieurs personnes qui avaient comme idée de promouvoir la réutilisation des données publiques. On est une association.
Public : Donc je suppose que vous faites des croisements de données sur votre site internet.
Suzanne Vergnolle : Par rapport à ?
Public : Je n’ai assisté qu’à la fin, donc. J’ai vu les frais des députés de 5000 [euros]. Par exemple, je peux avoir accès via votre site internet à vos croisements de données ou pas ?
Suzanne Vergnolle : En fait, ces frais, pour l’instant on en a dix. Tous les frais qu’on a récupérés sont effectivement librement accessibles aujourd’hui. On a un peu temporisé. En fait, on a demandé en juin 2017 l’accès, enfin non, je crois qu’on a demandé en mai et ça s’est étalé jusqu’en juin, et c’était la pleine période électorale des législatives. Pour ne pas pénaliser ceux qui jouaient le jeu de la transparence et pour que leurs adversaires ne réutilisent pas, dans la presse, certaines de leurs dépenses, etc., on a temporisé la publication et on a publié les jeux de données à partir d’août 2017, il me semble. Du coup, effectivement tous les jeux de données, les relevés sont publics. Ils ont encore en format « scan », on n’a pas transféré en données, on s’est dit qu’on attendait d’avoir les 577 pour faire un crowdsourcing et transférer ça en données.

On a aussi un autre site qui est assez intéressant, La Fabrique de la Loi [17], qui est un site qui permet de suivre tout le parcours, au sein de l’Assemblée et du Sénat, d’un projet ou d’une proposition de loi. Donc, entre le moment le projet ou la proposition de loi est déposé sur un des deux bureaux du Parlement, on va avoir pas mal de choses qui vont se passer, beaucoup d’amendements. C’est ici. Par exemple plus le carré est clair et moins il y aura eu de modifications sur le texte ; plus le carré, enfin le rectangle, est foncé et plus on va avoir de modifications. Ça permet, par exemple sur des lois où il y a un peu de discussions, par exemple la loi mariage pour tous, on voit qui a fait des amendements, combien il y a eu d’amendements sur les textes, quels sont les groupes qui ont fait majoritairement des amendements. Toutes ces données-là sont effectivement publiques.

Après, il y a plein de réutilisations qui peuvent être faites avec toutes ces données. On en fait quelques-unes. On laisse les citoyens récupérer ces données et en faire d’autres. Il y a plein de choses qui peuvent être faites tant avec les données qui sont sur NosDéputés.fr qu’avec celles de La Fabrique de la Loi ou même de Sunshine. Il y a pas mal de journalistes qui réutilisent nos données, derrière, pour en faire de nouvelles utilisations. Notamment je me rappelle, pendant les vacances de Noël, le 24 décembre, avoir reçu un appel d’un journaliste qui faisait une enquête sur les députés qui voulaient faire, il me semble, une proposition de loi liée à la protection des abeilles et il voulait regarder toutes les positions qu’ils avaient prises avant, sur ce sujet-là, en fait pour voir si c’était cohérent par rapport à cette nouveauté de vouloir protéger les abeilles. Grâce à nos données il a pu en faire une super réutilisation et montrer, qu’en fait, il y a eu plein de fois où ils s’étaient opposés à des propositions qui visaient, justement, à mieux protéger l’environnement des abeilles, etc. Donc montrer un peu les incohérences que parfois certains représentants peuvent avoir.
Public : Merci.
Animateur : J’ai aussi une question pour toi. Tu en as parlé un petit peu sur, comment dire, les initiatives extérieures à Regards Citoyens qui font des choses autour des données ouvertes. Est-ce que vous travaillez avec d’autres entités, associations ou autres, qui font aussi de la veille sur le travail parlementaire ? Je pense au projet Arcadie, par exemple, qui fait aussi du travail là-dessus, pas en open data.
Suzanne Vergnolle : On a fait plusieurs types de collaboration, notamment avec Transparency International France. On avait aussi fait une collaboration avec « Fais ta loi ». C’était un projet hyper-intéressant. On parle beaucoup de consultations en France, on passe notre temps à consulter les gens pour tout et rien. Nous, on s’était un petit peu dit « OK, on va essayer d’analyser ces données, les données des consultations, en faire quelque chose ». Avec « Fais ta loi » et, il me semble, une autre association dont le nom m’échappe, on avait fait ce projet d’analyse des contributions sur la consultation égalité femmes-hommes qui avait eu lieu à l’Assemblée nationale. En fait, on avait, là encore, fait une opération de crowdsourcing, on avait mis les morceaux de contribution et les gens devaient répondre à certaines questions. Dans notre système, on ne va valider chacune des transpositions entre la donnée non lisible par machine et la donnée lisible par machine que quand il y a trois personnes qui la valident. Donc il faut que trois personnes aient dit la même chose pour qu’on puisse valider la contribution et dire « OK, ça c’est fait, ça c’est fini ». Sur cette consultation-là, ce qu’on voyait c’est qu’il y a une très grande part de subjectivité sur l’interprétation de contributions. En fait, on n’est pas tous d’accord pour dire comment il faut interpréter une contribution écrite. Donc on a pas mal travaillé avec d’autres associations, notamment une autre association qui s’appelle Genepi qui, elle, va dans les prisons pour faire des cours, etc. On avait participé à leur week-end de travail. Donc on a pas mal de choses en commun.

Après, effectivement, le projet Arcadie ne fait pas d’open data, n’a pas de transparence sur ses logiciels. Il y a quand même tout un tas de choses. Nous, on a quand même ce présupposé de base qui est de dire si on travaille avec des gens c’est pour redistribuer la donnée derrière. Donc, effectivement, on n’a pas eu l’occasion, mais si elle voulait faire de l’open data… Voilà.
Animateur : Merci. Est-ce qu’il y a d’autres questions. Moi j’en ai encore d’autres dans les cartons.

J’ai une autre question : dans ta réponse, à l’instant, tu parlais de retranscription de contributions qui n’étaient pas dans des formats exploitables. Est-ce que vous avez regardé ce qui est sorti du grand débat dont on a beaucoup rebattu les oreilles récemment ? Personnellement j’ai effectivement vu des gens travailler sur les contributions qui ont été publiées, qui, pour une partie en tout cas, sont en accès libre, et il y a plein de données qui ne sont juste pas exploitables parce que ce sont des choses manuscrites qui ont été scannées et qui ont été publiées, comme ça, en masse. Est-ce que vous avez regardé ça ou pas du tout ?
Suzanne Vergnolle : Oui. Notamment les cahiers de doléances qui sont typiquement les cahiers qu’il étaient dans les mairies, qui sont remontés en central, et qui ont été effectivement scannés et redistribués.

On est une petite équipe donc on choisit nos projets.

Sur la question du grand débat, on a été tous à peu près d’accord pour dire qu’on avait l’impression que c’était, encore, ce qu’on appelle le bac à sable démocratique qui est « voilà, on va mettre un petit bac à sable ici, vous allez pouvoir aller jouer avec vos petits jouets, vous allez bien vous amuser et, de l’autre côté, il y a les grands qui prennent les décisions ». L’image est assez dure mais on pense qu’elle est assez vraie. Il y a eu, je crois, un million de contributions sur le grand débat. Concrètement, deux jours après, je crois qu’il y a avait déjà les réponses au grand débat. Donc… Soit la France est devenue un champion technologique à pouvoir faire du machine learning, analyser et comprendre ce qu’un million de personnes ont pu dire, soit juste, encore une fois, c’était l’image du bac à sable où on n’attendait pas vraiment de réponses. On avait une vision qui était prévue dès le début et les réponses qu’on va utiliser sont celles qui vont dans notre sens.

Donc là-dessus on a vraiment fait le choix de ne pas du tout s’investir. Un hackathon avait été organisé à l’Assemblée nationale dans lequel on a refusé d’aller pour ne pas donner un semblant de, comment dire, un semblant de…
Animateur : Légitimité ?
Suzanne Vergnolle : Oui, voilà, c’est ça, et pour dire, en fait, on ne peut pas continuer d’utiliser les individus quand ça arrange le gouvernement. Si on veut créer une politique de contribution des individus il faut qu’elle soit profonde et il ne faut pas que ce soit juste de l’affichage politique. Avec le grand débat on avait vraiment l’impression que c’était ça. Donc on a effectivement refusé de mettre de l’énergie citoyenne bénévole, parce que c’est aussi un point : on est tous bénévoles dans l’association, donc on n’a pas voulu s’investir là-dessus.

Après, il y a d’autres choses sur lesquelles il y a plein de choses à faire. Je pense qu’il y a peut-être des contributions qui existent plus localement. Effectivement, on voit des mairies qui essayent de faire participer les citoyens à la vie de la cité et qui utilisent le numérique pour faire ça. Bien sûr, on voit très bien le but, on comprend bien la démarche et c’est moins de l’affichage politique que le grand débat qui, au final…

D’ailleurs ça me fait aussi penser à un autre point qui est le logiciel qui a été utilisé pour le grand débat, qui est un logiciel qui n’est pas libre. C’est un logiciel qui est fait par Parlement et Citoyens qui est une entreprise/association, enfin elle a plein de visages, qui, effectivement a eu beaucoup de difficultés à remettre en open data les données ; c’est Code for France qui a presque dû menacer d’aller en justice pour obtenir les données, pour qu’ils le fassent, donc il y a ce premier problème. Et le problème de ne pas avoir de logiciel libre c’est qu’on ne peut pas vérifier l’intégrité des contributions, on ne peut pas vérifier qu’il n’y a pas eu… Quand on met en place un système de vote on ne peut pas être sûr qu’il n’y a pas eu des contributions qui ont été remontées pour qu’elles soient plus visibles que d’autres. Il y a tout un tas de problèmes derrière. Nous on ne fait pas du logiciel libre parce qu’on est des fanatiques de logiciel libre. J’avoue qu’en me présentant avec un Apple, un Mac, je ne me sens pas trop légitime pour faire le sermon sur le logiciel libre, mais on fait du logiciel libre parce qu’on a vraiment, fondamentalement l’idée derrière la tête, que quand on parle de démocratie on a besoin de pouvoir vérifier ce qui se passe. Quand on pense aux bureaux de vote, toute l’infrastructure qui a été créée pour que les citoyens puissent participer au dépouillement, ce n’était pas simple, en fait, à la base de créer ce genre d’initiatives, ce n’était pas simple de dire « il faut que ce soit des gens qui viennent, qui ouvrent les enveloppes et qui comptent, etc., que ce soit des tiers ». Il y a quand même des choses dans la démocratie papier qui ont été mises en place et, quand on passe au numérique, on a l’impression que tout de suite c’est magique, c’est beau, ça marche, pas besoin de transparence, pas besoin de « redevabilité » entre guillemets, pas besoin de possibilité pour les citoyens de vérifier. Et ça, effectivement, seuls l’open data et le logiciel libre combinés peuvent permettre aux citoyens de vérifier qu’il n’y a pas eu de modifications, qu’il n’y a pas eu d’altérations en fait, dans la façon de consulter, notamment.
Animateur : Merci beaucoup pour cette réponse. On a encore une dizaine de minutes. Donc s’il y a d’autres questions, n’hésitez pas. Sinon on peut s’arrêter là. Merci beaucoup et bonne journée.
Suzanne Vergnolle : Merci.
[Applaudissements]