Pour une politique publique en faveur du logiciel libre - Jeanne Tadeusz - RMLL2014

Titre :
Pour une politique publique en faveur du logiciel libre
Intervenant :
Jeanne Tadeusz
Lieu :
RMLL - Montpellier
Date :
Juillet 2014
Durée :
41 min
Pour visionner la vidéo : Pour une politique publique en faveur du logiciel libre

Description

L’actualité politique autour du logiciel libre est riche : de la préférence accordée au logiciel libre inscrite dans la loi pour le service public de l’enseignement supérieur, au choix de collectivités locales comme la région Rhône-Alpes de favoriser le logiciel libre, les derniers mois ont vu une claire évolution des pouvoirs publics.

Transcription

Merci d’être là en cette heure matinale, un mardi matin, comme ça, à Montpellier, en plus pour parler d’un sujet pas forcément simple qui est celui des politiques publiques.
Pour me présenter rapidement je suis Jeanne Tadeusz, je suis responsable des affaires publiques à l’April qui est l’association de promotion et de défense du Logiciel Libre. Cette conférence va d’abord être l’occasion de faire un récapitulatif, déjà, de toutes les avancées qu’on a pu avoir en faveur du logiciel libre, principalement en France, parce que c’est le sujet que je connais le mieux, ces dernières années, donc principalement au niveau de l’État, mais éventuellement on peut aborder aussi un petit peu la question des collectivités locales avant de voir le chemin qui reste à parcourir et aussi toutes les occasions manquées pour, (oui, je n’ai pas de connexion internet et ça se voit), toutes les occasions manquées pour avoir vraiment une politique publique en faveur du logiciel libre, en France, aujourd’hui.
On va commencer par de l’actualité récente, mais on va commencer aussi par des choses qui font plaisir à entendre, c’est-à-dire les dernières avancées. Parce qu’on a tendance tous, et c’est normal, à regretter les choses qui ne sont pas faites en faveur du logiciel libre, mais il faut aussi parfois penser aux choses qui sont faites pour le logiciel libre aujourd’hui. Donc le premier signal politique fort qu’on a, c’est donc 2012, la fameuse circulaire signée en septembre 2012, par le Premier ministre, sur le bon usage des logiciels libres dans l’administration. Cette circulaire était principalement indicative, il ne faut pas l’oublier, mais c’était surtout un guide pour les administrations publiques, les administrations de l’État, pour leur expliquer comment utiliser du logiciel libre, quels étaient les logiciels libres pertinents à utiliser, les situations, et ainsi de suite.
On pouvait déjà noter sur ce document qu’il était intéressant parce que bien écrit, et que, visiblement, ils avaient compris ce que c’était que le logiciel libre, quels étaient ses avantages, quel était, aussi, son écosystème. Et puis, aussi, c’était très important dans le sens où c’était un signal très fort pour toutes les personnes qui sont dans les administrations et qui poussent pour plus de logiciel libre depuis des années et des années, souvent sans être entendues, parfois même pour être critiquées pour le faire. Et, finalement, de voir, quand même, un document signé par le Premier ministre qui dit que le logiciel libre c’est intéressant, c’est une piste à explorer parce qu’il présente beaucoup d’avantages, c’était une manière de revaloriser et de justifier, quelque part, tous leurs efforts en faveur du libre. Au moins pour ces points-là, c’était quand même un premier signal important et puis c’était aussi un des premiers documents qui avait vraiment été signé au niveau de l’État, quand même au niveau du Premier ministre, ce qui n’est pas rien, pour plus de logiciels libres. Donc c’était la première étape qui était plus sur un aspect, on va dire, réglementaire.
Il y a eu aussi des avancées récentes, en 2013, des avancées cette fois-ci législatives. C’était il y a pile un an, parce que c’était pendant les RMLL de l’an dernier que ça été discuté et adopté. Il y a une disposition dans la loi sur l’Enseignement Supérieur et la Recherche qui donnait la priorité au logiciel libre dans le service public de l’enseignement supérieur. Bien sûr c’est limité, ce n’est que le service public de l’enseignement supérieur, on est bien d’accord, ce n’est pas tout le service public. Mais, de fait, c’est déjà une priorité au logiciel libre, c’est-à-dire que l’idée qu’on doit utiliser du logiciel libre à chaque fois que possible, et éviter le logiciel propriétaire sauf quand on n’a pas le choix, au moins pour un service public, et qui est inscrit, vraiment, dans le droit. C’est quand même un aspect politiquement fort. Ça venait, en plus, à la suite de beaucoup de débats sur ce type de disposition, parce que, vous vous souvenez peut-être, mais il y avait le même type de disposition sur la priorité au logiciel libre qui avait été proposé juste avant, pour la loi sur la Refondation de l’école, donc pour le service public de l’enseignement numérique. La disposition n’avait finalement pas été adoptée, principalement à cause d’un lobbying extrêmement fort de la part de Microsoft, Apple, et compagnie. Il y avait même, de mémoire, le directeur de l’INRIA qui s’était joint dans la bataille. Enfin il y avait vraiment eu une bataille de lobbying extrêmement forte contre cette disposition pour l’Éducation nationale, donc pour l’enseignement primaire et secondaire. Et, finalement, c’est quand même passé pour l’enseignement supérieur, dans une autre loi, donc sur un autre sujet. Mais cette idée d’une priorité au logiciel libre, contrairement à ce qui avait été annoncé, elle n’a pas été retoquée par le Conseil constitutionnel, elle est, a priori, légale, on la retrouve d’ailleurs dans d’autres pays, l’Italie notamment, mais il y en a sans doute d’autres, mais qui au moins permet de dire que dans tous les cas où c’est possible il faut d’abord utiliser du logiciel libre.
A ce titre on avait, vraiment, une évolution, au moins dans les annonces. Après, dans les actions, c’est bien évidemment plus compliqué. Même un an après c’est difficile de tirer un bilan concret, même si on pense bien que, pour les gens qui sont en interne, une fois de plus, dans les administrations, notamment l’enseignement supérieur, le fait qu’il y ait cette disposition qui soit dans la loi, quand ils veulent pousser pour du logiciel libre c’est déjà beaucoup plus simple de le faire parce qu’on a un texte de loi sur lequel s’appuyer : « Regardez le logiciel libre c’est bien parce que », tout ce qu’on connaît, tout ce sur quoi on est convaincus nous, parce que ce sont des questions de liberté, ce sont des questions d’éthique, ce sont des questions de partage. Mais, en plus, la loi dit qu’il faut utiliser du logiciel libre autant que possible, déjà ça va rassurer ceux qui ne sont pas du tout techniciens, qui sont, par exemple, des acheteurs publics, qui sont dans les départements juridiques, de dire que bon, au moins ils suivent la loi, ils sont carrés, ils sont tranquilles. Et après aussi, les décideurs de dire que si c’est dans la loi, donc ça ne doit pas être dangereux, on peut y aller.
Au moins, pour ces aspects-là, on a quand même des signaux qui sont positifs, même si, évidemment, ça ne reste que des premières étapes, et, même si ça fait plaisir, et je pense que c’est important de se rappeler qu’on a ces succès qui existent : Il y a aussi eu des défaites et des choses plus compliquées, des dossiers plus complexes sur lesquels ce n’est pas encore gagné, pour que l’on ait vraiment une politique qui soit en faveur du logiciel libre aujourd’hui.
Donc des occasions manquées, on en a eu aussi un certain nombre récemment. La première ça va être celle du brevet. Je pense qu’on voit tous aujourd’hui les brevets logiciels qui reviennent par la petite porte, notamment les batailles sur les smartphones, sur les tablettes, avec des brevets logiciels qui sont déposés un peu dans tous les sens.
En Europe, encore aujourd’hui, on est relativement épargnés, parce que, théoriquement en Europe, il n’y a pas de brevets logiciels. C’est inscrit dans un certain nombre de textes internationaux de la France, même s’il y a un certain nombre d’acteurs notamment de lobbies, mais pas que, qui essaient de battre ça en brèche, pour dire que « oui il n’y a pas de brevet sur du logiciel pur, mais si on peut l’appliquer techniquement avec un ordinateur dans ces cas-là on peut déposer un brevet ». Ce qui permet de, finalement, déposer un brevet sur n’importe quoi parce que tous les logiciels s’appuient sur un ordinateur, a priori. Donc il y a des reculs. C’est un sujet où on a l’impression qu’en Europe on est protégé, alors qu’en réalité on ne l’est pas réellement, et il y a de plus en plus de brevets logiciels qui sont déposés et un lobbying extrêmement fort pour qu’ils soient adoptés rapidement.
C’est d’autant plus regrettable, c’est le cas, notamment, par le projet de brevet unitaire, qui est un projet assez technique, mais dont l’idée c’est de donner tous les pouvoirs de jurisprudence de dire si un brevet est valide ou pas, non plus aux tribunaux nationaux comme c’est le cas aujourd’hui. Aujourd’hui, finalement, en France c’est la Cour de cassation, très largement, qui nous protège contre les brevets logiciels en appliquant strictement le droit qui dit qu’il n’y ait pas de brevets logiciels, mais de le confier à un nouveau tribunal spécialisé qui serait composé de spécialistes des brevets, donc principalement d’anciens avocats des brevets, pour dire si un brevet est valide ou non. Donc ça serait une porte d’entrée monstrueuse pour les brevets logiciels, mais aussi pour les semences, ils sont très inquiets sur ces questions-là, parce qu’ils sont exactement dans le même cas de figure que nous.
Donc on a quand même des reculs importants en ce moment. C’est quand même un sujet de préoccupation qui est majeur, et qui l’est d’autant plus parce que c’est regrettable de voir que nous on est en train de reculer avec de plus en plus de brevets logiciels alors que même, aux États-Unis, qui était pourtant le « pays de rêve » pour tout ce qui était Patent Trolls et compagnie, donc tous les spéculateurs sur les brevets. On a, au contraire, une avancée en faveur de moins de brevets logiciels. Ils ont enfin compris le danger de ces brevets, et on a eu tout récemment là, début juillet, fin juin pardon, une décision de la Cour suprême américaine qui restreint ce qui est brevetable, et qui restreint, notamment, tout ce qui est brevets logiciels en disant que le fait qu’une invention soit applicable sur un ordinateur ne suffit pas à la rendre brevetable. Donc, en clair, ça veut dire qu’il faut que le logiciel améliore le fonctionnement de l’ordinateur pour que ce soit un logiciel brevetable.
Alors on n’est pas encore sur l’interdiction des brevets logiciels, malheureusement. Mais tous les brevets, enfin les pires dont on a pu entendre parler ces dernières années dans toutes les batailles, que ce soit le brevet sur l’achat en un clic d’Amazon, par exemple, ou ce genre de choses, eh bien de facto c’est annulé par cette décision, donc on a un vrai progrès à ce point-là.
Oui, parce que les brevets les plus problématiques, finalement, ce ne sont pas les brevets hyper techniques, même s’ils posent encore un certain nombre de problèmes, bien évidemment. Ça va être les brevets sur des concepts très généraux. C’est, par exemple, Apple qui gagne contre Samsung parce qu’ils ont le brevet sur le fait que, quand on descend tout en bas d’un texte, ça va rebondir avant de redescendre. Et c’est notamment sur cette base-là qu’ils ont réussi à attaquer Samsung pour avoir violé ce brevet-là, pour obtenir des milliards de dommages et intérêts (NdT, procès non terminé au moment de cette conférence).
Donc on voit bien, sur ce type de questions, qui ne sont finalement que des questions de design, qui pourraient être, éventuellement, sanctionnées, si c’était vraiment du parasitisme dans le sens où Samsung ferait quelque chose qui ressemblerait exactement et pourrait faire croire que c’est de l’Apple, mais qui ne sont, en aucun cas, une problématique de droit des brevets. Ça n’a finalement rien à voir.
Donc voilà. Les États-Unis progressent. L’Europe recule. Espérer que nos nouveaux députés européens, nouvellement élus, se réveillent sur cette question-là. Qu’on ait enfin une législation claire en Europe, qui soit contre les brevets logiciels, parce qu’on sait tous, aujourd’hui, que les brevets logiciels c’est dangereux pour l’innovation. Il y a un consensus, notamment auprès des chercheurs, là-dessus, comme quoi, notamment, dans l’aspect logiciel, ça coûte aujourd’hui beaucoup plus cher que ça ne rapporte d’avoir des brevets, et ça nuit à l’innovation beaucoup plus qu’autre chose, au point qu’aux États-Unis, on voit tous les chercheurs en informatique, et dans tous les départements de recherche et développement, qui ne regardent même pas s’ils sont en train de risquer de violer un brevet, parce qu’ils savent que, de toutes façons, c’est le cas, et que, après on s’arrangera, si besoin et si on se fait attaquer. On en est à ce point-là.
Aujourd’hui c’est vraiment une question où ça devient important de légiférer clairement. Rappeler aussi que le brevet est protégé par le droit d’auteur, que le droit d’auteur fonctionne bien pour le brevet, c’est-à-dire qu’on ne peut pas copier votre code si vous n’avez pas donné votre autorisation pour l’insérer dans un autre logiciel et prétendre que c’est le vôtre. Ça, ça existe, ça fonctionne. Voilà. Remettre clairement en place le fait que le logiciel c’est le droit d’auteur et ce n’est pas du brevet.
Voilà une première occasion manquée. C’était pour la partie un peu plus technique. J’espère que je ne vous ai pas noyés là-dessus. On va revenir sur un dossier qui est plus politique qui est le contrat Open Bar entre Microsoft et le ministère de la Défense.

Ce contrat, c’est quelque chose dont on a entendu parler pour la première fois vers 2007/2008. Pour contexte, eux n’appellent pas ça un Open Bar, évidemment, eux appellent ça un « accord cadre ». L’idée c’est que le ministère de la Défense a passé un contrat avec Microsoft, dans le cadre duquel, pour tous les postes non sécurisés, parce qu’évidemment on ne sait pas ce qu’ils font sur les postes sécurisés, notamment opérations de terrain ou autres, là on ne parle que des postes dans le ministère, des postes non sensibles, on va dire. Donc, sur ces postes-là, le ministère de la Défense peut se servir, pour un certain nombre de produits Microsoft, incluant, a priori, tout ce qui est les licences de systèmes d’exploitation, mais aussi bureautique, serveurs, etc, pour utiliser autant de licences qu’ils veulent, pendant un certain nombre d’années, pour chaque marché c’est quatre ans. Ils payent tous les ans un forfait à Microsoft, par contre, c’est un forfait de location. C’est-à-dire qu’à la fin des quatre ans, soit ils repassent un contrat et ils repayent, soit ils doivent tout désinstaller.
Donc vous imaginez bien qu’en termes d’enfermement chez un éditeur particulier c’est monstrueux, parce que, comme toutes les licences, eh bien, elles sont là, pourquoi on irait utiliser autre chose, parce qu’on a déjà les licences, n’est-ce pas, donc c’est beaucoup plus simple. Effectivement ils ont une uniformisation dans l’utilisation globale de Microsoft qui est très importante depuis le passage de ce contrat. En plus, ça a permis à Microsoft de mettre en place un centre de compétences Microsoft, au sein même du ministère de la Défense, pour les aider à utiliser les produits, à les déployer, etc. Donc, pour le ministère, pour eux, officiellement, c’est tout bénef, parce que ça leur permet de supprimer des postes d’informaticiens. Dans un contexte de réduction des coûts, ils n’ont plus besoin d’avoir autant de monde en interne qui soit compétent pour gérer le parc, parce qu’il y a des gens de Microsoft qui sont là et qui s’en occupent pour eux !
Au point de vue, par contre, des « petits détails », comme souveraineté, indépendance technologique, c’est relativement problématique. Après il faut quand même aussi rajouter que, bon, ce sont des contrats Open Bar, en plus des contrats qui ont été passés sans concurrence, sans appels d’offres, sans quoi que ce soit, négociation directe entre le ministère et l’éditeur. Donc, comme ça ils sont tranquilles ! Il n’y a personne d’autre qui peut les demander, qui peut, même, tenter sa chance. Parce qu’on pourrait imaginer, pourquoi pas, un regroupement d’éditeurs, que ce soit libre ou autre, qui, au moins, propose une solution alternative. Là, ils n’en ont même pas la possibilité. Qu’ils soient capables ou non c’est une autre question qui se débat, après tout je n’en sais rien. Mais voilà, on ne leur laisse même pas cette possibilité matérielle de le faire. Donc, très clairement, on est un peu limite sur les questions de droit des marchés publics.
Sur les questions de souveraineté et de l’indépendance on est limite aussi, surtout quand on pense aux révélations de Snowden ou autres, le fait que la NSA installe des back doors dans les produits Microsoft, et ça, on le sait aujourd’hui. C’est un peu donner les clefs, notamment aux services secrets américains, pour savoir ce qui se passe dans les ordinateurs du ministère de la Défense. Et puis, aujourd’hui, on se retrouve dans une situation de dépendance qui est telle que ça devient de plus en plus difficile de revenir en arrière. Parce que, finalement les gens qui connaissent bien ce qui se passe dans l’informatique du ministère, eh bien, ce sont des gens de Microsoft, qui sont payés par l’entreprise et pas du tout des fonctionnaires indépendants. Il y a de moins de moins de monde qui gère l’informatique au niveau de l’État, même si on vous présentera çà comme un succès parce qu’on a réduit les dépenses. Parfois ça peut devenir un peu problématique. En plus, l’idée de revenir en arrière devient de plus en plus difficile, et, finalement, on se retrouve dans une situation de dépendance complète avec, en plus, l’obligation de repayer tous les quatre ans, parce que sinon on n’a plus rien, parce qu’on n’a plus les licences. Donc il n’y a même l’aspect qu’on pourrait espérer d’achat des licences. Il y a un effet de dépendance parce que c’est une technologie propriétaire, parce que c’est difficile d’en sortir, mais au moins on possède une licence de logiciel. Là ce n’est même pas le cas, c’est un droit de location qu’ils payent.
Le premier marché a été passé en 2009. Il y avait eu pas mal de critiques qui avaient faites à l’époque. Le marché a été renouvelé en 2013, au milieu d’encore plus de critiques. Nous, à l’April, on avait notamment fait un certain nombre de demandes de documents administratifs pour en savoir un peu plus. On peut regretter, on n’a pas beaucoup d’informations sur le marché 2013. Officiellement ils nous ont envoyé le marché de 2013, sauf que la moitié des informations sont noircies. Par exemple, on ne sait pas quels types de produits ça concernait exactement, parce que toutes les pages qui listent les produits sont noircies. C’est regrettable. Du coup on ne sait que les produits que pour 2009, parce que pour 2009 on avait la version entière.
Pareil, on ne connaît pas les montants. Ça, pour les montants, ça peut se comprendre, secret des affaires, etc. Mais au moins, pour les produits, ça semble quand même particulièrement problématique et pareil, on ne sait pas quels services du ministère de la Défense ça concerne exactement, parce que, pareil, ça a été noirci. Donc on reste sur des marchés où il y a beaucoup de questions, sachant que le marché a été reconduit en 2013.
Donc la question va se reposer pour 2017. Ça va redevenir un aspect important parce qu’il y a de vraies mauvaises habitudes qui sont prises au ministère de la Défense. Sans dire que, pour 2017, on va arrêter tout Microsoft et passer au Libre, même si c’était une bonne nouvelle que le ministère de la Défense passe au Libre, au moins de cesser ces mauvaises pratiques qui est de dire que « Microsoft est ultra dominant, tous nos partenaires de l’OTAN utilisent Microsoft, donc on va faire comme tout le monde », et on ne se pose pas la question. C’est quand même particulièrement dommage, surtout avec les dernières connaissances qu’on peut avoir en termes de sécurité informatique. Et aussi, en France, on a quand même un écosystème, notamment logiciels libres, qui existe, avec beaucoup d’entreprises qui pourraient, au moins, proposer un certain nombre de choses, pour sortir de cette hégémonie.
Donc voilà ! Pour les deux aspects, on va dire, occasions manquées et en même temps les évolutions positives.
Maintenant, pour le logiciel libre, plus dans la pratique administrative, donc dans les ministères. On a un peu vu le ministère de la Défense, mais de manière plus générale, dans les différents ministères, on a eu en 2012/2013, un certain nombre de questions écrites de la députée Isabelle Attard qui a demandé à chacun des ministres quelle était la politique en matière d’usage du logiciel libre dans leurs administrations, et pour savoir, aussi, quel était le chiffre au départ, quelles étaient les dépenses en matière de logiciel propriétaire et les dépenses en matière de logiciel libre.

Les réponses ont commencé à arriver en 2013. Aujourd’hui on a la plupart des ministères qui ont répondu. C’était intéressant parce que des choses dont on avait pas forcément conscience, par exemple que l’ONF était très en pointe sur l’utilisation de logiciels libres. C’est là qu’on découvre, qu’en fait, il y a beaucoup d’initiatives sur certains produits, notamment en termes de bureautique, il y a énormément d’avancées et d’améliorations qui sont faites, de choix, notamment OpenOffice, LibreOffice qui commencent à s’imposer de plus en plus dans les administrations.
Après, aussi, mais ça on s’en doutait peut-être plus, dans l’aspect plus serveurs, infrastructure derrière, il y a énormément de logiciels libres. Par contre ils ont encore beaucoup de mal aujourd’hui à donner des chiffres, notamment à faire la séparation entre les deux, ce qui est regrettable, parce que normalement les licences ne devraient pas être comptabilisées de la même manière que la maintenance ou l’aide au déploiement par exemple. Mais ça, visiblement, ce n’est pas encore simple à séparer au point de vue budget.
Voilà, on a des chiffres variables, pour chaque ministère. On a des premières réponses qui sont fournies. Des cas d’études intéressantes. Je parlais de l’ONF. On découvre que, par exemple, le ministère de la défense utilise, pour tous ses ordinateurs portables sécurisés, une variante d’Ubuntu. Pardon le ministère des Affaires étrangères. Donc là, on découvre que le ministère de la Défense, au contraire, aurait des choses à apprendre de la part des Affaires étrangères. C’est plutôt intéressant. Ce sont toujours, comme ça, des informations supplémentaires. Là, ce qu’on a pu voir aussi, c’est que tout récemment là, il y a quelques semaines, cette même députée, donc Isabelle Attard qui est très en pointe sur cette question, a reposé les questions pour voir quelles étaient les évolutions un an après. Donc un an après, deux ans après la circulaire Ayrault, s’il y avait eu des évolutions qui avaient été faites en termes de choix de logiciels libres. On va sans doute avoir de nouveaux chiffres, de nouvelles réponses. Et c’est une manière aussi, intéressante, de voir concrètement, dans le quotidien administratif, donc un peu au-delà de la politique, quel est l’usage du logiciel libre et quelles sont les politiques concrètes en faveur du logiciel libre qui sont mises en place aujourd’hui.
Voilà. À mon sens, aujourd’hui, on est vraiment sur un entre deux. C’est-à-dire qu’il y a des choses intéressantes qui se passent. Il y a encore beaucoup de mauvaises habitudes à combattre et d’initiatives regrettables là-dessus. Après, il reste qu’aujourd’hui on a de nouvelles opportunités pour plus de logiciels libres qui sont intéressantes et qui permettent, pourquoi pas, d’envisager la voie vers plus de logiciels libres.
Donc, pour commencer avec les nouvelles opportunités. Il y avait de nouvelles initiatives législatives, notamment. Ça peut sembler anecdotique, mais ça témoigne d’une réflexion, quand même, je pense intéressante au sein de l’Assemblée. Il y a eu, dans différents projets de loi, des amendements sur les DRM et la TVA sur le prix du livre.
Pour les derniers qui ont été déposés, c’était dans le cadre du projet de loi de finances qui ont été débattus la semaine dernière et la semaine d’avant. L’idée c’est de dire que le prix du livre, c’est un prix à taux réduit, ça s’applique aussi, certes, pour les livres numériques, ça ne s’appliquerait que pour les livres numériques que l’on possède réellement, c’est-à-dire sur les livres sans DRM. Vous savez bien qu’avec les DRM, tous ces dispositifs de contrôle d’usage, eh bien tous vos livres numériques, le vendeur peut parfois y accéder à distance, peut les supprimer, peut les modifier, sans votre accord. Aussi, si vous ne pouvez pas forcément utiliser le support comme vous pouvez pour pouvoir le lire, vous ne pouvez pas le prêter et ainsi de suite. Donc, finalement, ce n’est pas comme le livre papier que vous achetez à la librairie. Parce que le livre papier vous pouvez le lire un peu où vous voulez, quand vous voulez. Vous pouvez le prêter autant de fois que vous voulez et ainsi de suite. Ce n’est clairement pas le cas avec des DRM, en dehors des problèmes, notamment, de vie privée que posent les DRM, la possibilité pour certains éditeurs, notamment Amazon, de supprimer de livres à distance.
En tout cas, finalement, quand on a des DRM et donc des verrouillages qui s’appliquent sur les livres numériques, on ne possède pas le livre : c’est simplement une location. Donc l’idée d’un certain nombre de députés c’est de dire que, dans ces cas-là, ce n’est pas vraiment un livre, donc c’est la TVA normale qui doit s’appliquer. Alors, c’est un peu tordu, mais c’est de faire clairement la différence entre ce qui est dans le cadre d’un livre, là on s’approche du logiciel libre parce que c’est aussi pour les utilisateurs de logiciels libres, la possibilité de pouvoir les lire comme ils veulent, c’est le même type de libertés qui s’applique, donc c’est important.
Ce qui est intéressant de voir c’est que ce type d’amendements qui aurait été, je pense, inenvisageable il y a quinze ans, déjà, parler de DRM, parler de choses comme ça, ça semblerait complètement abstrait, eh bien, ce sont des amendements qui sont réellement débattus aujourd’hui. Malheureusement il n’est pas passé, mais plus sur une argumentation du type « ça ne fait partie d’une loi de finances, il faudrait consulter la commission culture », que sur un argument du type « DRM, pas DRM, c’est pareil, et le livre numérique, on ne sait même pas ce que c’est ». Au moins à ce titre-là, à mon sens, on a un progrès qui a eu lieu, qui est encore limité, mais aujourd’hui, quand on leur parle de DRM, quand on leur parle de logiciel libre, c’est valide aussi quand on leur parle de Neutralité du Net, les députés, alors on ne va pas dire qu’ils sauront donner une définition précise et parfaitement exacte, mais déjà ils ont une idée de ce que c’est. À ce niveau-là on a un vrai progrès et je pense une possibilité, aussi, de pousser pour une législation qui devienne, non seulement moins nocive pour le logiciel libre, mais pourquoi pas, un jour, plus positive.
À ce titre-là, au niveau réglementaire aussi, on a quand même des choses positives qui ont été faites. Notamment il y a le socle interministériel de logiciels libres, qui, même s’il n’a pas été signé, celui-ci, par le Premier ministre, c’est un peu la suite de la circulaire Ayrault. C’est-à-dire que ce sont en partie les mêmes personnes qui sont travaillé dessus et la DISIC, donc la Direction interministérielle des systèmes d’information, qui est placée sous la responsabilité du Premier ministre, qui a élaboré un premier document qui récapitule les logiciels libres qui sont matures, faciles à utiliser pour les administrations et pour lesquels on a déjà des connaissances en interne, dans les administrations, dans les services informatiques, pour pouvoir aider au déploiement, à l’installation.
Concrètement pourquoi c’est important ? Pour tous ceux qui seraient, notamment des administrations, qui seraient un peu perdus sur le logiciel libre, ça permet de savoir, concrètement, ce qu’on peut utiliser de manière simple et à qui s’adresser si on a un problème. Donc c’est vraiment aussi une approche qui est plus celle des communautés, que nous on peut connaître, et c’est l’idée de recréer des communautés au sein des administrations, pour vraiment avoir un usage du logiciel libre qui se fasse en interne et à l’inverse de ce qu’on a pu voir, notamment, avec l’Open Bar, de développer des compétences pour pouvoir réellement maîtriser son infrastructure. Et ça permet, en plus, d’avoir une certaine uniformité, plutôt que d’avoir un informaticien qui connaît bien tel logiciel, donc il va le déployer dans le service pour lequel il travaille, alors que dans l’autre service on va mettre autre chose, etc. C’est d’avoir, quand même, une forme d’uniformisation, ce qui, pour l’administration est bien évidemment plus simple ensuite à gérer, tout en mutualisant les connaissances.
À ce titre-là c’est vraiment un document intéressant. C’est une première version qui a été publiée, ça va sans doute être mis à jour parce que ça évolue vite là-dessus, notamment en termes de bureautique ou autre. Clairement, aujourd’hui, il y a une vraie poussée en faveur de tout ce qui est outils libres, OpenOffice, LibreOffice, ils sont en train de pousser pour que ça devienne, de facto, le standard, en proposant aussi, l’État a passé un contrat interministériel, pour du support, pour de l’aide au déploiement, donc pour aussi faciliter l’usage des agents au quotidien, ce qui est réellement positif.
Donc, a priori, je n’étais pas présente, mais il y a Axelle Lemaire, donc la ministre chargée de l’Économie numérique, qui est passée aux RMLL samedi, et qui a dit que, notamment aussi, toutes les économies qui seraient faites en termes de logiciels libres, ils en utiliseraient une partie pour les reverser aux communautés. C’est une annonce, après c’est toujours une annonce qui fait plaisir. Déjà, mine de rien, ça veut dire que même au niveau de l’État, au niveau d’une ministre, on a compris que logiciel libre ce n’est pas que du gratuit et qu’il y avait quand même des gens qui travaillaient dessus derrière, qu’il y avait des entreprises, qu’il y avait tout un écosystème, et que faire du développement ça coûtait de l’argent, et que reverser aussi à la communauté, y compris une aide financière, ce n’était pas négligeable. Voilà. On a quand même des bonnes nouvelles sur cet aspect-là.
Après il y a aussi beaucoup d’initiatives au niveau des collectivités locales, qui sont prises et qui sont intéressantes, alors pas tout à fait réglementaires, mais des décisions qui sont souvent politiques. Je pense, notamment, au niveau de la ville de Toulouse qui a choisi de passer entièrement tout ce qui est bureautique sur du logiciel libre, ce qui est un premier exemple important, vu la taille de la ville, ce n’est quand même pas négligeable. Ce ne sont pas les seuls. Il y a beaucoup de collectivités qui passent aujourd’hui, voire qui font du tout logiciel libre. La plus connue, la plus importante, qui n’est pas en France, c’est Munich, qui aujourd’hui utilise exclusivement du logiciel libre sur un système d’exploitation qui est basé sur un Ubuntu, mais qui a été modifié pour convenir plus précisément à leurs besoins.
C’est aussi, après tout, l’exemple de la Gendarmerie nationale qu’ils sont en train de terminer, là ce sera terminé pour 2015, une migration vers que du logiciel libre. C’est-à-dire qu’aujourd’hui les gendarmeries sont très majoritairement équipées de postes, pareil, sous un dérivé d’Ubuntu, où ils utilisent de l’OpenOffice tous les jours, ils utilisent Firefox, ils n’utilisent que du logiciel libre. Et, actuellement, les retours sont bons. La Gendarmerie nationale communique, d’ailleurs, sur le sujet, ce qui est assez remarquable, pour dire qu’ils sont très contents de leur choix. Ça a mis cinq ans. C’est une migration qui est quand même lourde, ce sont quand même beaucoup de postes de travail. Ça leur a coûté de l’argent, évidemment, même en termes de développement, ils ont notamment aidé, mais ils ont joué le jeu parce qu’ils ont développé, notamment, des patchs de sécurité, des choses comme ça, pour renforcer la sécurité dans les courriels, mais ils ont reversé leurs développements à la communauté ensuite, ce qui est un bon exemple à suivre. Aujourd’hui, voilà, ils ont passé d’abord tous les logiciels en logiciels libres, en restant sur des postes Windows, et ensuite, ils ont gardé les mêmes logiciels, mais ils ont tout passé sous de l’Ubuntu ce qui a permis une transition plutôt en douceur pour les agents, avec formation de tous les agents qui sont passés en formation pratiquement à un moment ou un autre, pour savoir comment l’utiliser. Les retours de la Gendarmerie sont excellents et, a priori, les retours du terrain sont plutôt bons aussi. Ils ne sont pas connus. Il y a eu, forcément, quelques petits ratés, mais globalement ça fonctionne bien et ça fonctionne nettement mieux que ce qu’a la police nationale aujourd’hui et, pour ça, ils sont finalement très contents
Voilà ! Des nouvelles opportunités.Des nouveaux dangers, je vais conclure quand même là-dessus, mais rapidement, parce que je vois que le temps passe. Nouveaux dangers qu’on peut citer, bon, tout ce qui est les nouveaux accords transatlantiques. Alors on se souvient d’ACTA et de la belle victoire qu’on a eue en 2012 pour arrêter ce traité commercial soi-disant anti-contrefaçon, mais qui en réalité allait affecter toutes les règles sur le droit d’auteur et ainsi de suite.
On a des nouvelles versions qui arrivent, qui ont des différents noms, TAFTA, TTIP ou CETA, qui sont, finalement, toujours ces traités de libre-échange, notamment entre les États-Unis et l’Europe, qui très clairement, remettent en danger la possibilité de choisir nos législations sur, notamment, droit d’auteur, DRM et ainsi de suite, notamment dans le cadre du TTIP où l’idée c’est de mettre en place un nouveau tribunal arbitral pour régler les litiges en termes, notamment, de droit d’auteur. Donc on peut tout à fait imaginer les dérives. On en a parlé pour le brevet unitaire, mais c’est un peu la même règle qui s’applique, de définir ce qui est brevetable et ce qui ne l’est pas, qui soit défini par un tribunal international qui soit composé de spécialistes, on peut s’imaginer le danger et surtout s’il n’y a plus aucune cour généraliste indépendante qui ait de pouvoir derrière.
Ce sera le cas aussi, sans doute, sur plein d’autres sujets. Heureusement ce sont des textes qui sont encore en discussion. Il y a une mobilisation qui existe, qui est réelle sur ces sujets. La Quadrature du Net, notamment, est très active. À l’April on l’est également. Il y en a d’autres, je pense notamment, sur d’autres sujets, mais, comme ACT UP qui est très active sur le sujet, parce que sur les médicaments ça les concerne directement. Ça va être aussi sur les semences où il y a des associations comme Semences Paysannes. Donc voilà ! On a des dangers qui sont importants, qui concernent, finalement, énormément de monde. C’est pour ça que je vous invite à, même si ça semble technique, à regarder ces sujets-là, et à s’en préoccuper, d’autant qu’on a une consultation de la Commission européenne dont la deadline est dimanche, et qui demande l’avis, notamment sur la mise en place de tribunaux arbitraux pour régler tout un tas de litiges. Donc n’hésitez pas à y jeter un œil. À l’April, et avec d’autres, on est en train d’essayer d’organiser un atelier, demain, si tout se passe bien, pour justement voir comment y répondre, en tant qu’individus quelles sont les problématiques et ainsi de suite. N’hésitez pas à y participer et aussi à venir nous voir sur les différents stands, on est là pour ça aussi, sachant que la deadline, c’est le 13 juillet pour répondre, sachant que le 14 et le 15 ils sont à nouveau en négociations sur ce texte, dont on ne connaît toujours pas la portée exacte, parce qu’il est toujours confidentiel malheureusement. Le but étant de faire annuler tous ces textes extrêmement dangereux, jusqu’à ce que tous nos politiques, et notamment la Commission européenne, comprennent qu’il y a un vrai refus de tous ces textes et de tous ces reculs, à nouveau, sur les droits, notamment, des utilisateurs de logiciels libres, mais aussi, plus largement sur les droits de tous les citoyens.
Voilà. Comment agir ? Effectivement, je disais, répondre à des consultations, s’informer, informer les autres c’est important aussi. On l’a vu avec l’affaire Snowden, on a un début de prise de conscience tout autour de nous de ces questions, alors, qui est encore limité, mais qui progresse. Et c’est important, et je pense que c’est là quelque chose sur lequel on peut tous s’impliquer pour dire pourquoi on ne veut pas de ce qu’ils nous proposent et pourquoi, au contraire, on veut une vraie politique publique et une vraie société, avec du logiciel libre, avec la neutralité d’Internet et toutes les valeurs qu’on défend.
Donc voilà. Merci de votre attention. Je crois que j’ai déjà juste un peu dépassé le temps, j’en vois là qui arrivent pour la conférence d’après. Je ne sais pas si on a le temps pour prendre une ou deux questions. S’il y a des questions, n’hésitez pas.
Public : Inaudible
Jeanne : D’accord. TAFTA, TTIP, CETA. Alors TAFTA c’est le traité de libre échange transatlantique en français, donc c’est Trans-Atlantic Free Trade Agreement, en anglais. TTIP c’est Transatlantic Trade Investment Partnership, donc le partenariat transatlantique sur les investissements et les échanges économiques. Deux acronymes pour des choses différentes. Et CETA c’est l’accord entre le Canada et les États-Unis et je vais retrouver ce que veut dire l’acronyme dans un instant. Non, c’est entre Europe, Canada, États-Unis, je crois, c’est pour ça.
En tout cas ça reste toujours la même logique. C’est entre des différents pays. Les pays développés, en plus, enfin pays riches, très clairement, où on nous dit qu’on a besoin d’un tribunal arbitral parce qu’on ne peut pas faire confiance à la justice. On serait en train de négocier un traité avec des pays qui ne sont pas forcément des démocraties, ou des pays avec des régimes instables, on pourrait le comprendre. Je fais quand même un minimum confiance à la justice en France et en Europe, et je pense que pareil, pour tout ce qui est investissements internationaux, on peut, aussi, faire à peu près confiance à la justice américaine pour interpréter correctement un traité. Je doute qu’on ait besoin d’un tribunal arbitral pour ça.
Public : Inaudible.
Jeanne : Je récapitule la question s’il y en a qui n’ont pas entendu. C’est sur les marchés publics et notamment dans le cadre du CNRS, où pour l’achat d’ordinateurs, il y en a à peu près la moitié qui sont avec licences Windows et la moitié sans. Donc qu’est-ce qu’on fait notamment au niveau de l’April sur le sujet ?
Après, déjà ce qu’il faut voir, c’est que normalement ils ne devraient même pas acheter avec des ordinateurs avec licences Windows, en tout cas pas explicitement. Ils n’ont même pas le droit de faire ça. Ce qui est la première étape quand même à rappeler, parce que, normalement, on n’a pas le doit de préciser une technologie particulière ou une marque. C’est interdit de préciser une marque dans un marché public. C’est quelque chose que pas mal de monde oublie, visiblement. Dire qu’on veut un ordinateur avec Windows, on ne peut pas. Dire qu’on veut un ordinateur avec système d’exploitation qui permet de faire telle ou telle chose et qui soit compatible avec notre système qui existe avec Windows Serveur, on a le droit et ça se comprend, puisque c’est un besoin existant. Mais par exemple on pourrait dire qu’un autre fournisseur il permet de dire que oui on a la compatibilité, donc ça fonctionne. Donc, il y a ce premier aspect déjà.
Après, qu’est-ce qu’on fait au niveau de l’April ? On s’intéresse au sujet, ça c’est clair. On fait pas mal de sensibilisation, notamment au niveau des collectivités locales, pour leur expliquer gentiment, déjà c’est le premier point. Les sensibiliser, parce qu’il y en a plein qui ne sont même pas au courant que, un minimum il faut dire qu’il faut des ordinateurs avec Windows ou équivalent. Mais même le « ou équivalent » est un peu limite, et puis, en tout cas, il faut quand même un peu laisser le marché ouvert. Donc il y a cet aspect-là.
Après, quand on est face à des gens qui sont de moins bonne foi comme ça a l’air de cas puisqu’il y a moitié moitié, c’est déjà plus délicat. Nous en tant qu’association on ne va pas pouvoir, par exemple, aller en justice là-dessus, parce qu’on n’est pas lésé. Il y a déjà eu des entreprises du logiciel libre qui sont allées attaquer des marchés comme ça, qui ont souvent gagné. Ce n’est pas simple de le faire, on le conçoit très bien. Après, nous, tout ce qu’on peut faire, je pense, c’est de la sensibilisation, de l’information, de la critique aussi quand c’est non justifié et qu’il y a des marchés comme ça.

Et puis après nous on propose un certain nombre de ressources notamment en termes de textes de lois, de références, d’analyses aussi des différentes décisions de justice pour qu’aussi chacun puisse s’en saisir, et expliquer pourquoi ce type de marché est dangereux, est illégal, parce que, finalement, la plus grande crainte d’un acheteur public, de celui qui va signer les contrats, c’est de se faire retoquer son marché, parce que ça va mettre six mois de retard avec toutes les galères que ça implique et c’est souvent par cet argument qu’on peut gagner. Clairement, concrètement, pour parler très clairement, travailler dans un service juridique à l’achat, la plus grosse crainte c’est de se faire annuler son marché et devoir tout recommencer à zéro avec, en plus, le juge qui va surveiller très attentivement chaque étape, ce n’est pas vraiment plaisant. Et c’est un des plus gros risques dans ces fonctions-là.
Après, quand on a des gens qui sont complètement bouchés, qui veulent absolument du Windows, eh bien ça va être difficile de faire quelque chose, je l’accorde volontiers. Par contre, il y a quand même une vaste majorité, qui n’est pas forcément franchement au courant, qui hésite un peu, qui ne se rend pas compte des risques et ce sont ceux-là qu’on peut vraiment faire bouger.
Je ne sais pas s’il y a d’autres questions, si on passe à la conférence suivante. Merci beaucoup, en tout cas, de votre attention et n’hésitez pas à passer nous voir sur le stand de l’April.

Avertissement : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant⋅e⋅s mais rendant le discours fluide. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.