Parcoursup publié en libre sur Framagit - Transcription du Décryptualité du 21 mai 2018

Titre :
Décryptualité du 21 mai 2018 - Parcoursup publié en libre sur Framagit
Intervenants :
Luc- Mag - Manu - Nico
Lieu :
April - Studio d’enregistrement
Date :
mai 2018
Durée :
15 min
Écouter ou télécharger le podcast

Revue de presse pour la semaine 20 de l’année 2018

Licence de la transcription :
Verbatim
Illustration :
Logo de Parcoursup Wikipedia, marque déposée. Logo de Framasoft inspiré de la mascotte historique de LL. de Mars Wikipedia, licence CC BY-SA 4.0
transcription réalisée par nos soins. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas forcément celles de l’April.

Description

Parcoursup, le logiciel du ministère de l’Enseignement supérieur qui gère les affectations des étudiants en fonction de leurs souhaits est publié en libre.

Transcription

Luc : Décryptualité.
Nico : Le podcast qui décrypte l’actualité des libertés numériques.
Luc : Semaine 20. Salut Nico. On change de sens !
Nico : Salut Mag.
Mag : Salut Manu.
Manu : Salut Luc.
Luc : De quoi parle-t-on cette semaine ? De la revue de presse pour commencer, bien sûr. Qu’est-ce qu’il y a au programme ?
Manu : Cinq articles sympathiques.
Mag : Programmez !, « Mozilla publie un rapport pour faciliter la mise en place de projets », par Frederic Mazue.
Manu : C’est tout un PDF qui va vous expliquer un petit peu comment vous construisez votre projet, libre espérons-le.
Mag : La gazette.fr, « Dématérialisation : "Le potentiel de gains pour l’usager et pour les services publics est extraordinaire" », par Gabriel Zignani Romain Mazon.
Manu : C’est le gros sujet du moment. Les administrations s’y mettent, au logiciel libre, et elles en mangent. Et là, la dématérialisation va dans ce sens-là, l’open data, les données qui vont vers les citoyens. C’est intéressant et ça continue derrière avec l’article suivant.
Mag : ZDNet France, « Outils publics : la DINSIC publie son guide en matière d’ouverture du code », par Louis Adam.
Manu : Tu te rappelles de ce que ça veut dire DINSIC [Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État] ?
Luc : Direction interministérielle be, be, be…
Manu : Numérique.
Luc : Je ne sais.
Nico : Non plus ! C’est de l’information.
Luc : En gros c’est la DSI de l’État quoi !
Mag : Le Journal de Montréal, « Montréal : une nouvelle politique sur les logiciels libres », par Sarah Daoust-Braun.
Manu : Là c’est de l’autre côté de l’Atlantique, nos cousins, et ils se mettent au logiciel libre aussi de manière assez féroce dans la ville, dans la communauté. Donc ce n’est pas mal aussi, il faut qu’on prenne exemple.
Mag : Et le dernier article. Association mode d’emploi, « L’éducation populaire se réinvente », par Michel Lulek.
Manu : C’est assez général. L’éducation populaire ça touche tout le monde, finalement, et ce qui est intéressant c’est qu’ils s’intéressent au numérique par le biais du logiciel libre, donc on aime bien.
Luc : Très bien. De quoi parle-t-on cette semaine ?
Mag : D’ouverture de code ?
Nico : Et de Parcoursup [1] du coup.
Manu : Oui, il y a du troll, là.
Luc : Ça discute assez ferme. Les gens s’empoignent assez sévèrement. Donc Parcoursup déjà pour replacer, c’est quoi ?
Manu : La suite d’APB ?
Nico : C’est ça, c’est le remplaçant d’APB, donc Admission Post-Bac, qui était l’ancien algorithme pour sélectionner toutes les filières qui n’étaient pas concernées par l’université. Et maintenant il y a Parcoursup pour ajouter de la sélection.
Luc : Donc il s’agit d’un code. On se souvient qu’APB ça avait été tout un bordel parce qu’il avait fallu un peu tanner le gouvernement, le ministère de l’Éducation, pour obtenir le code.
Nico : Sous format PDF.
Luc : Ils l’avaient, voilà, fourni sous un format le moins exploitable possible, donc ils n’étaient pas de très bonne volonté. Et là, bonne nouvelle, ils publient le code.
Nico : Bonne nouvelle, oui et non. Il y a eu pas mal de critiques quand même. Ils l’ont publié une fois que tout été terminé puisque Parcoursup finissait aujourd’hui pour la phase de sélection, donc le 22 mai, et ils ont publié ça le jour même ; donc les étudiants étaient un peu « vénères » de ne pas avoir eu accès au code source avant de subir.
Manu : Ils sont en train de mettre en place les étudiants qui vont rentrer à l’université en septembre.
Nico : À l’université en septembre. Voilà.
Manu : C’est en train d’être mis en place en ce moment. L’algorithme, enfin le logiciel qui est derrière a été installé, configuré, et les gars sont en train de se taper les bugs.
Nico : C’est ça. Et puis surtout que personne ne connaissait l’algorithme, comment ça fonctionnait et ça a été publié après coup.
Luc : C’était pareil avec APB. Il y a un enjeu à savoir comment ça marche puisque cet algorithme, ce système, décide, au final, de qui va aller où. Évidemment les choix sont là, mais il y a toute une série de critères qu’on ne connaît pas, qui vont être obscurs. Connaître le code c’est connaître les critères et savoir comment ça marche.
Mag : Finalement c’est assez positif. Ça va peut-être enlever toutes les accointances, les messages qui étaient faits sous le chapeau, la corruption…
Manu : L’arbitraire.
Luc : Oui, espérons. Peut-être !
Nico : Il manque quand même un morceau.
Luc : En tout cas pas pour cette année.
Nico : Pas pour cette année. En plus, ils n’ont donné que l’algorithme qui est national ; ils n’ont pas donné les algorithmes locaux à chaque université. Donc la véritable partie de sélection n’est pas encore publique.
Mag : Il n’y a sélection que s’il y a trop d’élèves par rapport aux places qui sont proposées !
Nico : Le gros changement, effectivement sur les filières qu’ils appellent en tension, celles où il y a beaucoup plus de candidats que de places, pour elles il y aura vraiment de la sélection ; mais ça change aussi sur d’autres filières puisqu’il va y avoir des critères discrétionnaires de la part des lycées ou autres, puisque le conseil de classe va avoir aussi son mot à dire sur « est-ce que l’orientation que tu choisis est logique ou non, conforme ou pas à ce que tu as déjà fait pendant tes trois années de lycée ».
Manu : Et tout ça, ça nous concerne, parce que Parcoursup est déployé sous forme d’algorithme et de logiciel libre, mais en plus de ça, il est en train d’être déployé sur une plateforme.
Mag : Oui. Ils l’ont mis sur le Framagit [2] ; Git c’est une plateforme qui héberge du logiciel libre.
Manu : Du code source.
Mag : Du code source. Et Framagit c’est la plateforme de Framasoft [3].
Luc : Framasoft dont on parle très régulièrement, qui sont des amis — Magali tu as un pied là-bas —, qui proposent plein de services libres et qui sont derrière l’initiative CHATONS [4] qui est ?
Mag : Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires. Tu ne le sais toujours pas Luc !
Luc : Non ; ça ne rentre pas ! Je n’y arrive pas.
Manu : Non ! Il n’y a que toi qui le sais ici, en fait !
Luc : Voilà. Du coup des engagements éthiques très forts. C’est assez rigolo que le ministère ait décidé de publier sur cette plateforme qui n’est pas une grosse plateforme.
Manu : Sachant qu’il y a eu des soucis.
Mag : Oui parce qu’en fait ils ont publié quelque chose, mais c’était un lien qui était privé, donc qui n’était pas accessible.
Nico : Oui. Et après il y a eu aussi un peu une polémique derrière. Le lien était privé.
Luc : Ça veut dire quoi le lien était privé ?
Mag : Ça c’est une mauvaise configuration.
Luc : De la part de qui ?
Nico : C’était une mauvaise configuration de la part de ceux qui ont créé le dépôt. En fait ils ont créé le dépôt de code ; ils l’ont publié dedans. Eux avaient accès à leur code donc ils ont dit : « Tiens, on envoie le lien à la presse » et puis en fait, tous ceux qui se connectaient dessus tombaient sur une page « vous n’avez pas le droit d’avoir accès à ce dossier ».
Manu : Donc la presse se connectait sur Framagit, sur le projet de Parcoursup qui était hébergé sur Framagit, mais n’y avait pas accès.
Nico : Mais n’y avait pas accès. Voilà !
Manu : Pour le coup, les gars de Framasoft ont dû s’arracher les cheveux parce qu’il y a plein de gens qui arrivaient sur leur plateforme et qui n’avaient accès à rien !
Nico : Du coup on revenait vers Framasoft ; on ne pensait pas à aller contacter les responsables du dépôt. Tout le monde tapait sur Framasoft : « Hé ! Ça ne marche pas votre truc ! », alors que non, non ce n’est pas nous ; c’était…
Manu : C’est du logiciel libre, donc ça ne marche pas !
Manu : Voilà ! C’était la DINSIC.
Luc : Il faut penser à se déconnecter avant de tester le lien !
Nico : Voilà !
Manu : Donc ça a été changé finalement. Ils ont mis le projet en public.
Mag : Ouais.
Nico : Voilà ! Et ce qu’il faut aussi noter c’est que le projet a été libéré sous licence libre GPLv3 [5], donc ils ont aussi bien choisi leur licence, pris quelque chose qui oblige à redistribuer les modifications, etc. Donc c’est quand même un sacré coup de chapeau à cette équipe-là qui a publié.
Mag : On sent qu’il y a une bonne volonté derrière cette mise en place, même si, eh bien l’algorithme ne plaît pas à tout le monde.
Manu : Ça va même plus loin que ça. Il y a des trolls et des critiques dans tous les sens : les étudiants, les parents d’élèves, les profs, les syndicats, sont un petit furieux de voir ce truc se mettre en place, c’est-à-dire Parcoursup.
Nico : Il y a eu pas mal de rébellion, de manifestations et un peu tout ce qui se passe aujourd’hui sur la fameuse loi ORE [6] qui essaye, qui refond toute l’université. Tous les blocages qu’on voit dans les lycées et autres, les universités et les facs, sont liés aussi à la mise en place de Parcoursup et au ras-le-bol général autour de toute la gestion de l’Éducation nationale.
Manu : Mais donc, pour le coup, ça veut dire que le logiciel libre, et Framasoft qui héberge du logiciel libre, travaillent pour une initiative qui ne plaît pas à beaucoup de citoyens. C’est moche !
Nico : En tout cas, la question a été soulevée.
Mag : Franchement, ils ont un Git, le gouvernement, qui leur est fourni par Etalab. La question c’est pourquoi est-ce qu’ils ne l’ont pas mis sur celui d’Etalab ?
Manu : Etalab [7] c’est une des administrations de l’État.
Mag : Exactement.
Luc : Une agence.
Mag : Après maintenant, ce n’est pas à Framasoft de décider qui utilise ses services ou pas.
Manu : Ils pourraient le faire !
Luc : Je pense que le gouvernement, le ministère, l’a mis sur Framagit pour faire un coup de pub. Pour dire on fait du Libre, on le met sur une plateforme super libre, chez des vrais militants, et on montre que notre volonté est là.
Manu : Ce qui est bien.
Luc : Ce qui est bien ; alors il y a des gens qui sont contre !
Nico : Sinon ça a beaucoup réagi parce que le milieu militant, libriste, est aussi assez militant au niveau de l’Éducation nationale.
Manu : Sachant que Framasoft a des racines dans l’Éducation.
Nico : Fra – Ma.
Manu : Frama ça veut dire français, maths.
Nico : C’est ça. Ça a quand même cristallisé pas mal de tensions puisqu’on se retrouve avec un logiciel qui est vu un peu comme le démon par beaucoup de monde et, du coup, il y a eu des demandes, presque officielles on va dire, de « vous devez supprimer ce dépôt-là parce que ce n’est pas possible que vous cautionniez le gouvernement en hébergeant ce code-là ».
Mag : C’est beau la tolérance !
Manu : C’est de la tolérance ! C’est de la tolérance ! En même temps, peut-être que cet algorithme est affreux ; il va détruire des vies de petits jeunes qui en veulent.
Luc : Framasoft, ce sont des « social-traîtres ».
Manu : C’est ça en fait qui se passe.
Luc : Magali, comme tu as un pied chez Framasoft, tu es sociale-traître également, en fait !
Manu : Arrête les trolls ! Il trolle le Luc !
Mag : Tu trolles. J’encourage nos auditeurs à aller regarder sur le Framablog, en 2016, le 25 novembre, un article qui s’appelait « Pourquoi Framasoft n’ira plus prendre le thé au ministère de l’Éducation » [8], qui pourra vous montrer quelle est la position de Framasoft face au ministère de l’Éducation. Effectivement, on a souvent eu l’impression d’être la gentille poire, le greenwashing, enfin tous les mots que tu veux !
Luc : L’openwashing.
Mag : L’openwashing du ministère. En attendant, ce n’est pas à Framasoft de modérer ce genre de personnes à utiliser ces services-là. On a une charte chez les CHATONS qui prône la tolérance. Donc non !
Luc : Qui prône la mise en avant des libertés fondamentales. Donc le droit d’expression est une liberté fondamentale.
Nico : Après, c’est vrai que la DINSIC aurait quand même pu être sympa, demander peut-être à Framasoft avant « est-ce qu’on peut lancer ça ? »
Luc : Ils auraient dû mieux vérifier leur lien, parce que ça !
Nico : Déjà vérifier le lien.
Luc : Il y a quelqu’un qui s’est quand même planté quoi !
Nico : Forcément, c’est aussi quelque chose qui va faire beaucoup de buzz, donc qui va stresser beaucoup l’infrastructure des CHATONS et consommer beaucoup de temps, d’argent.
Manu : Oui, mais ça les met en avant.
Nico : Ça les met en avant ; on espère. La DINSIC aurait peut-être dû consulter Frama avant. On espère, du coup, qu’ils vont aussi faire des dons ou, en tout cas, soutenir le Chaton. « OK, on l’utilise », mais c’est quand même pas mal de contribuer, de filer de l’argent, des ressources, des serveurs, je ne sais pas quoi. C’est vrai qu’ils auraient pu être un peu plus précautionneux dans leur manière de gérer…
Manu : Mais ça c’est un classique ! C’est après coup qu’on s’aperçoit des problèmes. Ils ont déployé leur code source en étant contents, probablement, de ce qu’ils faisaient. Derrière ils n’ont pas tout vérifié.
Luc : Ça veut dire qu’il y a un chef qui n’a pas fait de double vérification. Nous quand on vérifie, on fait ça !
Manu : C’est un classique ! Ou alors il a vérifié, mais comme il était connecté au projet, il l’a vu, il s’est dit « c’est bon ; j’ai cliqué sur le lien. »
Luc : Quand on fait une opération de com, on est quand même censé faire gaffe. Bon ! C’est finalement pas très important, tout le monde s’est moqué, etc., mais c’est quand même assez anecdotique par rapport au fait qu’ils libèrent ce code et donc super ! Même si, effectivement, ce code est contesté dans son objectif et dans sa façon de faire, il y a justement cet intérêt énorme, c’est qu’il est, aujourd’hui, transparent. Alors il ne l’a pas été pour cette année puisqu’il arrive trop tard, mais, pour l’année prochaine et pour la suite, maintenant on peut regarder comment ça marche pour de vrai. Du coup, on est quand même en mesure de contester avec des billes sérieuses, alors qu’avant, quand on avait un système totalement opaque, on pouvait dire « oui, mais ceci, cela » ; les autres disaient : « Non, de toutes façons vous ne savez pas de quoi vous parlez parce que vous n’avez pas les billes ! »
Manu : Pour terminer sur l’éducation, on peut éventuellement aborder le fait que, par ailleurs, il y a des gros problèmes dans l’éducation qui sont un peu inhérents. Il y a un taux d’échec, en fait, entre les années.
Mag : En licence, de 60 %, qui est énorme !
Manu : 60 % des jeunes qui rentrent dans ces filières-là qui n’en sortent pas avec un diplôme ; c’est quand même terrible ! Derrière, on a consulté tous des articles qui montraient qu’il avait 40 000 élèves de plus qui arrivent dans les universités parce qu’il y a eu un baby boom dans les années 2000 et donc là, il faut les accueillir. Et Parcoursup ou pas Parcoursup, il va y avoir des problèmes !
Nico : Il y a beaucoup plus d’étudiants à rentrer et il y a aussi le problème qu’il y a de moins de moins de jobs à la sortie. C’est bien joli d’avoir des centaines de milliers d’étudiants d’un côté, mais s’il n’y a pas de boulot de l’autre, eh bien ça ne fera que des chômeurs, en fait. Le problème est aussi là. Il faut des moyens pour l’éducation ; il faut peut-être plus d’universités, peut-être même complètement refondre notre société pour ne pas tout miser sur le travail et trouver d’autres choses alternatives.
Luc : Le problème de refonte totale de la société c’est toujours un peu compliqué quoi !
Nico : Là, c’est vrai que l’avenir à l’Éducation nationale ne va pas être très sympa je crois !
Luc : L’université ce n’est pas l’Éducation nationale, c’est l’Éducation supérieure, non ? Je ne sais pas si c’est le même ministère et tout. Je n’y connais rien.
Mag : En tout cas c’est Frédérique Vidal, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche qui a envoyé ce mémo avec Mounir Mahjoubi. Donc effectivement, ce n’est plus l’Éducation nationale, c’est l’Enseignement supérieur.
Manu : On peut poursuivre avec le logiciel libre en général et constater que dans le logiciel libre c’est un vrai problème qui existe depuis le début, c’est que le logiciel libre peut être utilisé pour des choses qui sont regrettables parfois.
Luc : Complètement contestables ! Le logiciel libre en lui-même c’est du code, donc on peut l’utiliser pour ce qu’on veut et c’est même une des libertés essentielles, une des quatre libertés.
Mag : C’est comme si tu disais que le stylo-bille est regrettable parce qu’il peut être utilisé pour envoyer des lettres d’insultes. Non, le logiciel libre c’est juste un outil !
Manu : Oui. Mais les gars qui font des logiciels libres ont décidé de laisser cet outil à qui le veut, grâce aux licences de logiciel libre, alors qu’ils auraient pu mettre des clauses qui interdisaient certains usages par exemple.
Nico : Il y a des logiciels qui l’ont fait. La licence Java, à un certain moment, interdisait l’usage dans les centrales nucléaires. Il y a la licence JSON aujourd’hui ; on n’a pas le droit de s’en servir pour faire le mal. Alors je vous laisse définir le mal !
Manu : C’est comme le Jedi ; c’est obligé.
Nico : Selon le côté de la barrière derrière lequel vous vous trouvez, je pense que vous n’allez pas du tout lire la licence de la même manière.
Luc : C’est pour les gens sadomasochistes que c’est compliqué parce que tu fais du bien en faisant du mal !
Manu : Pour le coup, ça ce n’est pas du logiciel libre.
Nico : Ce n’est pas du logiciel libre ; ça a été acté par et l’OSI [Open Systems Interconnection] et la FSF [Free Software Foundation] qui dit que non, on ne peut pas réduire l’usage du logiciel à ce qu’on considère bien ou mal, sinon ça ne fait pas un logiciel libre. Donc JSON n’est pas une licence libre.
Luc : On rappelle que les gendarmes utilisent massivement du logiciel libre, y compris les gendarmes mobiles. Donc quand ils ont chopé un zadiste, qu’ils lui ont pété la gueule et qu’ils l’arrêtent, etc., ils font ça sur des logiciels libres.
Manu : Donc c’est admirable d’utiliser du logiciel libre pour leur métier, mais leur métier parfois peut faire des choses qui sont…
Luc : On peut ! C’est à mon sens un des trucs intéressant c’est qu’on n’est pas obligé de s’entendre pour partager ces choses-là. Dans les cas de Parcoursup, comme je le disais tout à l’heure, le gros intérêt c’est que c’est transparent. Donc ça, c’est quand même quelque chose à mettre au crédit du ministère, c’est que maintenant, on peut discuter réellement sur des éléments sérieux au lieu d’être dans l’obscurité. Ça c’est déjà énorme.
Mag : Et du coup, on va aussi pouvoir améliorer cet algorithme.
Manu : Potentiellement.
Mag : Puisqu’on va pouvoir l’étudier.
Manu : On peut rajouter que Framasoft, eux, ils défendent les libertés fondamentales. Il y a déjà eu des sujets comme ça ; alors c’était peut-être sur Mastodon où il y avait des gens qui parlaient, qui discutaient, des néonazis ou je ne sais plus.
Nico : C’était même sur les CHATONS, avec les Colibris, en fait, qui était porté par une personne qui avait tenu des propos homophobes il y a quelques dizaines d’années. Et il y avait eu une guéguerre en disant « est-ce que le fait d’accueillir une personne de ce type-là dans les CHATONS c’était cautionner ses actes, ou est-ce qu’il fallait carrément exclure ? »
Luc : Ou ses paroles d’ailleurs.
Nico : Ou ses paroles. Est-ce qu’il fallait exclure tout un pan de CHATONS et un Chaton complet juste parce qu’une personne s’était mal comportée ?
Manu : Qu’est-ce qui s’est passé alors à Frama ?
Nico : Il y a eu toute une discussion en interne qui a conduit à dire c’était une personne individuelle, ce n’était pas le collectif qui portait ces idées-là, donc il n’y a pas de raison de les exclure. Et dans toute communauté qui se regroupe derrière un sujet, effectivement on peut se retrouver avec des parasites ou des problèmes où des personnes, sur d’autres sujets, sont problématiques. Mais ça ne remet pas en cause la liberté. Quand on tient des propos homophobes, ça ne remet pas en question son usage du logiciel libre par exemple.
Mag : On ne peut pas généraliser à une instance ou à un groupe ou à une association les propos d’une personne, surtout des propos qui ont eu lieu il y a longtemps. Vouloir exclure cette association sous prétexte de ce que une personne fait, eh bien là on empêche totalement la liberté d’expression.
Luc : Et puis, en plus de ça, tu juges les gens par rapport à ce qu’ils font là maintenant, tout de suite, dans le cadre qui t’intéresse. C’est-à-dire que même si cette personne a des comportements que tu n’apprécies pas un, est-ce qu’ils sont légaux au regard de la loi ? Et s’ils le sont mais qu’elle les a tenus en dehors de ton service, de ton Mastodon, tu n’as pas à lui reprocher des éléments ; tu lui reproches des faits ! Sinon ça s’appelle du délit d’opinion et c’est un truc qui est quand même assez significatif de la dictature.
Manu : Dans le pays de Voltaire, ce serait dommage d’arrêter les opinions des autres juste parce qu’on ne les aime pas.
Luc : Ça montre la difficulté qu’il peut y avoir à communiquer ensemble. On se retrouve à se rendre compte que le monde est compliqué et qu’il y a plein de gens qu’on n’aime pas qui peuvent s’exprimer comme nous. Donc ça soulève ces questions-là ; moi je trouve ça assez intéressant.
Manu : À la semaine prochaine.
Luc : À la semaine prochaine.
Mag : Salut.
Nico : Bonne semaine à tous.