Ordinateurs, smartphone : sommes-nous condamnés à toujours les changer ? Le téléphone sonne

L’arrivée de Windows 11 soulève des inquiétudes quant à l’obsolescence programmée et au gaspillage électronique. Quel avenir pour nos ordinateurs et nos smartphones ?

Voix off : France Inter – Le 18/20 – Fabienne Sintes

Fabienne Sintes : Windows 10 est mort. Longue vie à Windows 11, mais avec une contrepartie de taille : vous ne pourrez pas mettre à jour votre Windows 10 ou, en tout cas, vous ne pourrez plus à brève échéance. Je vois bien que vous êtes en train de lever un sourcil, j’ai fait pareil quand on a parlé de ce sujet dans le bureau, vous êtes en train de vous dire « est-ce que ça me concerne vraiment ? ». Oui, ça vous concerne vous qui avez un PC, ça vous concerne comme 400 millions d’utilisateurs dans le monde, ça vous concerne surtout si vous avez une vieille bécane en guise d’ordi qui fonctionne encore très bien. Le nouveau système d’exploitation de Microsoft implique de changer son vieil équipement parce que le vôtre ne sera plus compatible avec Windows 11. Voilà qui met les associations hors d’elles.
L’Europe a gagné un petit délai, on vous expliquera ça dans le détail, mais ça n’est qu’un sursis d’un an. Passé ce délai, soit vous changez de PC soit vous devrez payer suivant des conditions pas encore très claires et, là aussi, ça demande des explications, on tâchera de vous les donner.
En tout cas, ça veut dire que l’obsolescence programmée concerne vos appareils et aussi les logiciels dont on ne peut pas se passer.
Ça veut dire que payer en plus exclut encore les plus démunis de l’accès au numérique.
Pensez aux services publics aussi, pensez aux collectivités locales, est-ce que tout le monde devra balancer son matériel ?
Pensez à tous les appareils reconditionnés, au gaspillage que tout cela représente.
Y a-t-il d’autres solutions ? Vous allez nous le raconter, vous êtes déjà très nombreux vous qui avez déjà transitionné vers des systèmes d’exploitation libres : est-ce que ça a du sens, est-ce que c’est facile pour les administrations comme pour nous les particuliers ? Et puis nous parlerons aussi des capacités des nouveaux systèmes d’exploitation : est-ce qu’on a aussi le droit de se dire « c’est normal que les logiciels évoluent et c’est donc normal qu’ils soient plus complexes, qu’ils incluent de l’intelligence artificielle et que, du coup, les ordinateurs soient contraints de suivre aussi cette logique ? ». On le demandera évidemment à nos invités. Est-ce que tout cela est également valable pour mon téléphone, celui que j’utilise tout le temps ?
L’obsolescence des logiciels comme des machines, c’est Le téléphone sonne. Soyez les bienvenus.

Voix off : Le téléphone sonne – 01 45 24 7000

Fabienne Sintes : Ghislaine, vous êtes la première et vous êtes la bienvenue. Bonsoir. On vous écoute Ghislaine.

Ghislaine, auditrice : Bonsoir.
Au printemps dernier, régulièrement, sur notre ordinateur, nous avons reçu des petits messages indiquant que Windows 10 n’allait plus être accessible, qu’il faudrait donc passer à Windows 11. Cet ordinateur que nous avons, à usage privé, fonctionne très bien. Nous nous sommes rendus dans une petite boutique et nous avons demandé à la personne de la boutique si on pouvait nous installer Windows 11 sur l’ordinateur. La personne a pris le temps de vérifier et nous a dit : « Non, votre ordinateur est trop ancien, vous ne pourrez pas installer Windows 11, il va falloir que vous changiez d’appareil. » Ce que nous regrettons parce que nous en sommes très contents.

Fabienne Sintes : Et surtout, votre usage ne va pas changer, j’imagine que c’est l’idée Ghislaine.

Ghislaine, auditrice : Pas du tout. On en a un usage personnel, très simple. C’est un coût quand même important que nous n’avions pas budgétisé.

Fabienne Sintes : Merci beaucoup, Ghislaine, pour cette entrée en matière. Au standard, il y a déjà quelqu’un qui nous attend, qui est responsable d’un magasin informatique, qui pourrait vous intéresser, Ghislaine, parce qu’il sait comment on fait pour le cracker et le laisser sur le vieil ordi. On lui parlera dans cinq minutes. Je vais d’abord vous présenter les invités qui sont avec nous ce soir. Il y a Samuel Sauvage. Bonsoir.

Samuel Sauvage : Bonsoir.

Fabienne Sintes : Vous êtes de l’association HOP, Halte à l’Obsolescence Programmée [1].
Sébastien Gavois est là également. Bonsoir.

Sébastien Gavois : Bonsoir.

Fabienne Sintes : Rédacteur en chef de Next [2], Sébastien Gavois, vous êtes en duplex avec nous. Merci à nos amis d’Ici La Rochelle de vous accueillir.
A-t-on une idée, Samuel Sauvage, du nombre de Ghislaine qu’il y a en France, qui sont contraintes de changer d’ordinateur, ou pas ?

Samuel Sauvage : Il y a énormément de Ghislaine en France. On parle de 400 millions d’ordinateurs dans le monde, ça fait donc, en effet, un certain nombre de Françaises et de Français. On ne sait pas combien exactement, mais c’est colossal et c’est un drame environnemental.

Fabienne Sintes : Vous allez nous expliquer pourquoi c’est un drame environnemental.
Sébastien Gavois, peut-on expliquer techniquement ce que ça veut dire ? Pourquoi, subitement, la mise à jour de Windows 10 à Windows 11 oblige-t-elle à changer d’ordinateur ? Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce qu’il a de particulier ce Windows 11 ?

Sébastien Gavois : En fait, quand Microsoft a annoncé Windows 11, un peu par surprise, ils ont pris tout le monde de court en disant qu’il y aurait des exigences techniques qu’on a découvertes à ce moment-là, dont des processeurs récents, relativement à l’époque, et la présence d’une puce de sécurité qu’on appelle TPM 2. Pour installer Windows 11, il faut avoir ce matériel sinon Windows 11 refuse de s’installer, alors que pour Windows 10 ce n’était pas le cas. Donc, d’un choix technique de Microsoft qui est discutable dans le sens où, en tout cas, il n’y avait pas de réelle raison de bloquer aussi fermement les anciennes machines, on se retrouve avec des ordinateurs qui ne peuvent pas évoluer.

Fabienne Sintes : C’est un choix. Je vous entends parler de choix, Sébastien Gavois. Je vois bien qu’un logiciel peut évoluer, mais ils ont décidé de mettre là une barre tellement haute qu’il faudrait changer d’ordinateur, c’est donc un vrai choix.

Sébastien Gavois : C’est un choix de la part de Microsoft, on le voit tout simplement parce qu’on peut passer outre ce choix. On peut quand même installer Windows 11 sur des machines qui sont normalement bloquées par Microsoft. Le problème c’est que, derrière, on a une machine qui est sous Windows 11, qui continue à être mise à jour et sécurisée, mais Microsoft peut décider du jour au lendemain de couper, puisque ce n’est pas dans ce qu’ils ont annoncé comme matériel compatible. Le problème est là. Microsoft a fait un choix de sécurité, qui, sur le point de vue de la sécurité, peut s’entendre, mais quand on voit la mise en place qui est faite derrière, c’est plus compliqué à justifier puisqu’il est possible d’émuler, donc de passer outre ces prérequis techniques, pour installer quand même Windows 11, en tout cas sur certaines machines, pas sur toutes sur une grosse majorité de celles qui sont actuellement bloquées sous Windows 10.

Fabienne Sintes : On va évidemment revenir sur ces aspects techniques. Je voudrais, l’un ou l’autre, Sébastien Gavois ou Samuel Sauvage, que vous m’expliquiez avant, pour que les gens ne paniquent pas, là tout de suite, devant leur PC, ce que nous avons obtenu en Europe, ce délai d’un an. Certes, c’est reculer pour mieux sauter, mais qu’est-ce qui se passe pendant cette année-là Samuel Sauvage ? Qu’a-t-on obtenu en fait ?

Samuel Sauvage : Le consommateur était prisonnier : il était soit obligé de renouveler son ordinateur, donc d’en acheter un nouveau, soit de payer une extension de la mise à jour. On a obtenu une toute petite victoire, qui demande beaucoup d’autres avancées de la part de Microsoft, qui est d’avoir un an supplémentaire, gratuit, à condition d’avoir un compte Microsoft, c’est donc un petit sursis.

Fabienne Sintes : Est-ce que c’est facile ? Je pense à notre ami Ghislaine qui nous entend toujours : ouvrir un compte Microsoft, avoir un accès gratuit au moins pour un an pour qu’elle puisse se retourner, est-ce que vous avez le sentiment que c’est accessible à tous et extrêmement facile ? Y a-t-il un chemin, en fait, pour les gens qui ne sont pas très geeks ?

Samuel Sauvage : Je ne suis pas informaticien, donc je peux dire que ça me semble faisable.

Fabienne Sintes : Si même vous vous avez réussi, tout le monde peut y aller ! C’est ce que vous dites ?

Samuel Sauvage : Là où ce n’est pas satisfaisant, c’est que l’information n’est pas du tout claire auprès du consommateur. Il faudrait clairement indiquer à tous les utilisateurs qu’il est possible d’avoir recours à ce compte et à une extension, alors que l’intérêt de Microsoft c’est plutôt qu’on renouvelle tous ces millions d’ordinateurs et c’est là où son intérêt économique se confronte à l’intérêt général.

Fabienne Sintes : Sébastien Gavois, si on parle de 400 millions d’utilisateurs dans le monde, ça fait effectivement un nombre d’ordinateurs absolument colossal. Qu’est-ce que cela nous dit de Microsoft et surtout, est-ce qu’on s’attendait à quelque chose de ce type de la part de Microsoft ?

Sébastien Gavois : La communication de Microsoft autour de Windows 11 a été du début du système en 2021, quand il a été annoncé, jusqu’à maintenant assez catastrophique, c’est-à-dire que la liste de compatibilités a évolué, ça a été un bazar sans nom quand ça a été annoncé surtout que Windows 11 n’est pas une révolution. C’est une petite évolution de Windows 10, les icônes sont centrées, il y a quelques petits changements sous le capot, mais le système est loin d’être aussi abouti que l’avait été Windows 10 avant. Ça a été compliqué au début, l’annonce de la mort de Windows 10 a déjà quelque temps et, pareil, ça a été fait de manière assez chaotique. Même encore maintenant, ce que rappelait Samuel, des gens n’ont pas forcément l’information, toutes les Ghislaine de France ne vont pas avoir l’information d’avoir un an supplémentaire et on risque de se retrouver avec des machines qui ne soient pas sécurisées et c’est cela le plus grand risque : que des gens soient livrés à la merci de tous les pirates parce que le système n’est pas à jour.

Fabienne Sintes : Pardon, comme vous êtes loin, je ne voulais pas vous faire peur en vous interrompant, Sébastien Gavois. Qu’est-ce qui se passe si je ne fais pas la mise à jour ? En quoi suis-je vulnérable ? Et surtout, encore une fois si j’ai bien compris, l’usage de Ghislaine n’est pas non plus un usage ultra quotidien, je ne suis même pas sûre qu’elle soit sur des sites marchands. Si je ne fais pas grand-chose, à part partager des photos, aller voir mon adresse e-mail ou des choses comme ça, est-ce que c’est grave et à quel moment ça devient super grave ?

Sébastien Gavois : C’est grave et le problème c’est qu’on ne peut pas s’en rendre compte. C’est-à-dire que le 14 octobre 2025 ou 2026 si on profite de l’année supplémentaire, il ne va rien se passer sur son PC, son PC va continuer à démarrer normalement, les jours suivants aussi, on ne va rien voir. Par contre, si jamais des pirates trouvent des failles ou les ont trouvées avant et les gardent de côté en attendant cette date de fin, ils pourront passer les défenses de Windows, ils pourront accéder à votre ordinateur, donc ils pourront récupérer tous les documents que ce soit les photos, les mails, vos conversations, tout ce que vous faites sur un ordinateur ne sera plus protégé. Et on n’aura pas moyen de savoir si des pirates se sont introduits dans son ordinateur parce qu’il n’y aura plus de protection, il n’y aura plus de mises à jour, on ne sera plus au courant de ce qu’il faut regarder. Ils pourront très bien effacer toutes les données, là on s’en rendra compte, mais ils pourront très bien entrer de manière insidieuse dans le système, récupérer des informations, ils pourront aussi se servir des ordinateurs qui ne sont pas mis à jour pour attaquer d’autres machines, le risque est donc réel et on ne le verra pas forcément.

Fabienne Sintes : Je comprends surtout que le risque c’est celui d’un effet en chaîne en fait, Sébastien Gavois.

Sébastien Gavois : Oui. Imaginons qu’il y ait 400 millions de machines, j’ai envie de dire peu importe le chiffre, qui restent sous Windows 10 et qui continuent à fonctionner, ce sont potentiellement 400 millions de machines qui peuvent servir à attaquer d’autres machines. Si on imagine que 400 millions de machines se connectent en même temps à un serveur, elles le font planter, le risque est là aussi. Et s’ils trouvent une faille dans Windows 10, enfin quand ils trouveront, parce que la question ce n’est pas si c’est plutôt quand, quand il y aura une faille très importante, toutes les machines seront livrées à elles-mêmes et c’est là qu’est le problème.

Fabienne Sintes : Tout à l’heure, notre amie Ghislaine nous disait que son informaticien lui a dit « je suis désolé, mais il faut changer d’ordinateur », voici Christophe. Bonsoir Christophe. Vous, visiblement, vous savez faire.

Christophe, auditeur : Bonsoir. Oui, tout à fait. J’ai une boutique à Lyon, à La Croix-Rousse, et régulièrement je mets à jour des PC sous Windows 11 pour mes clients qui pensaient, comme le disait Ghislaine, que leur PC ne supporterait pas Windows 11.

Fabienne Sintes : Vous y arrivez y compris avec des vieilles bécanes, c’est ce que vous êtes en train de nous dire, Christophe ?

Christophe, auditeur : Oui.

Fabienne Sintes : Comment faites-vous ? Je ne vais pas vous demander la recette, mais, au fond, est-ce que c’est aussi simple que ça ? Parce que, si c’est aussi simple que ça, tout le monde va débouler chez les responsables de toutes les petites boutiques informatique et faire installer Windows 11. Non !

Christophe, auditeur : En fait, Microsoft lui-même a édité une note, à un moment donné, pour indiquer comment outrepasser la limitation et puis, sur Internet, des logiciels « se sont fabriqués », entre guillemets, qui permettent d’automatiser ce passage vers Windows 11. On ne fait pas de la magie, on est informé, du coup on applique.

Fabienne Sintes : Avez-vous beaucoup de monde, ou pas ? On a un auditeur sur WhatsApp, je lirai tout à l’heure l’intégralité de son message, qui dit qu’il ne faudrait peut-être pas exagérer non plus, la majorité du parc de PC est compatible avec Windows 11. Est-ce que vous avez beaucoup de monde ?

Christophe, auditeur : Oui. On en a quand même pas mal. Globalement, à peu près un ou deux clients par jour viennent me voir me demandant d’acheter un PC éventuellement reconditionné et je leur propose cette opportunité de passer à Windows 11 avec leur PC.

Fabienne Sintes : Christophe, le temps que je vous tiens, est-ce qu’on peut s’être planté en ayant acheté un PC reconditionné l’année dernière et se retrouver avec quelque chose qui, certes, a été reconditionné, mais qui peut ne pas être compatible avec Windows 11 ?

Christophe, auditeur : Non. En théorie, les PC reconditionnés sont relativement récents. Même s’ils sont reconditionnés, ils sont censés supporter et, souvent, ils sont préinstallés avec Windows 11, il y a donc moins de risques.

Fabienne Sintes : Merci beaucoup Christophe. Je pense que Ghislaine, qui écoute, est en train de se dire « si j’habitais à La Croix-Rousse, ce serait tellement plus facile ! ». Merci vraiment pour votre appel.
On a ce message de Lionel qui fait suite à ce que nous dit Christophe sur WhatsApp, c’est pour vous Samuel Sauvage. Il dit : « N’oubliez pas d’indiquer que Microsoft a informé les utilisateurs et les entreprises de la fin du support depuis des années. Il est du devoir des entreprises de mettre à jour leur parc pour contrer les menaces de sécurité. » Est-ce que ça veut dire qu’on ne parle que, ce qui est déjà beaucoup, des particuliers et que les entreprises, les administrations, les services publics ne risquent pas de se retrouver confrontés à cette difficulté, ou pas ?

Samuel Sauvage : Oui et toutes ces flottes d’entreprises, d’administrations, c’est peut-être encore davantage le sujet et c’est assez grave parce que c’est aussi l’argent de nos impôts qui se retrouve finalement mobilisé pour renouveler des flottes d’ordinateurs et qui ne devraient pas l’être parce qu’ils fonctionnent encore que tout à fait. Dans notre enquête, on a eu des collectivités, des départements par exemple, qui avaient prévu de dépenser plus d’un million d’euros l’an prochain à cause de cette fin de la mise à jour. C’est autant de politiques sociales, par exemple, qui ne pourront pas être menées. À notre avis, c’est en effet très grave alors que le consommateur, souvent, peut prendre davantage de risques que la collectivité ou la grande entreprise. C’est finalement là que réside le grand scandale environnemental, je dis même que c’est un des plus grands scandales environnementaux du 21e siècle : on a 400 millions d’ordinateurs qui risquent de se retrouver au rebut, des déchets qu’on pourrait tout à fait éviter parce qu’il n’y a aucune raison technique qui justifie d’arrêter de les utiliser.

Fabienne Sintes : Qu’est-ce qui peut se passer dans cet entre-deux, Samuel Sauvage, dans cette année, donc année quasiment tout pile puisque le démarrage c’est 14 octobre, donc nous, en Europe, 14 octobre 2026 ? Est-ce que vous espérez faire renoncer Microsoft ? Est-ce qu’on peut imaginer, et je poserai la question technique à Sébastien Gavois dans un instant, peut-être faut-il envisager ça désormais, quelque chose qui correspondrait à l’usage que nous en faisons ? Il y a sûrement des gens qui sont très contents de Windows 11 parce que ça va leur donner des possibilités, d’autres dont ça ne changera absolument pas la vie.

Samuel Sauvage : Certains pensent qu’on ne peut pas faire fléchir une multinationale comme Microsoft. Leurs petits ajustements montrent que la mobilisation commence à payer. Notre pétition, Non à la "taxe Windows" ! [3], a déjà reçu 40 000 signatures et ça commence à faire bouger l’écosystème. Là on a obtenu une année de plus, il faut obtenir bien davantage, on demande trois choses :
d’une part qu’il y ait une mise à jour gratuite jusqu’à 2030,
qu’il y ait une loi pour que ce type de pratique ne soit pas possible et que, finalement, on ait toujours systématiquement 15 ans de mises à jour logicielles, pour tous les ordinateurs, ce qui permettrait de voir venir,
qu’il y ait une communication envers les consommateurs pour savoir comment installer du Libre qui, en effet, rend beaucoup moins dépendant à ce type de multinationales.

Fabienne Sintes : On a venir au Libre. N’ayez pas peur parce qu’il y a beaucoup d’appels, on en passera évidemment un, tout à l’heure, pour le logiciel libre et on verra comment ça marche, si c’est facile, y compris pour vous et moi et même d’ailleurs à grande échelle pour ce qui est des administrations, par exemple, ou des entreprises.
Sébastien Gavois deux questions. Samuel Sauvage nous disait qu’il faudrait au moins 15 ans de mises à jour. Je voudrais savoir si, de toute façon, il ne faut pas se résoudre au fait que bien sûr un logiciel, un système d’exploitation ne peut pas être mis un jour ad vitam et qu’il faut bien, un jour, que tout soit renouvelé. Est-ce que c’est une réalité, ou pas ?

Sébastien Gavois : Que tout soit renouvelé, oui et non. Déjà, Windows 10 a eu 10 ans de mise à jour, 11 ans si on compte l’année supplémentaire qui est soumise à la condition d’avoir un compte Microsoft, et c’est à peu près le même temps que tous les systèmes d’exploitation de Microsoft, hormis XP qui a eu 13 ans, qui a été le système le plus long. Le problème de Windows 11 c’est qu’il a cassé sa compatibilité avec Windows 10 de manière assez forte. Entre l’annonce de Windows 11 et la fin de Windows 10, il n’y a eu que quatre/cinq ans, là où d’habitude il y a plus de huit ans chez Microsoft. Quand un nouveau système sort et que celui d’avant s’arrête, c’est beaucoup plus long. C’est là que le changement est un peu plus important, mais il existe d’autres solutions que Microsoft. Ce n’est pas parce qu’une machine ne peut pas passer à Windows 11 qu’on doit obligatoirement la mettre au rebut. On peut faire d’autres choses.

Fabienne Sintes : Je ne sais pas comment on peut la mettre en place l’idée de l’usage, Sébastien Gavois. N’y aurait-il pas un moyen ? Désormais, de toute façon, les ordinateurs sont dans nos vies, nous en avons besoin au quotidien. Ne peut-on imaginer, ne faudrait-il pas même pousser à imaginer une espèce de mise à jour qui serait peut-être une semi-mise à jour, je n’en sais rien, mais qui correspondrait aux usages qu’on a. Après tout, pour certains utilisateurs, l’usage de l’IA, l’usage de beaucoup de choses n’a pas beaucoup de sens quand on se contente de regarder ses mails, d’avoir quelques surfs sur Internet et finalement pas grand-chose d’autre. Ne pourrait-on pas inventer quelque chose à la carte et à l’usage ?

Sébastien Gavois : À la carte, ça existe déjà. On peut payer pour avoir des années supplémentaires de mises à jour, dans une certaine limite, chez Microsoft. La première année vous coûte une trentaine d’euros par poste. Pour un particulier, ça peut s’entendre, pour une administration ou une société qui va avoir des dizaines ou des centaines de machines, le coût va vite être démentiel. Mais qui va développer les mises à jour à l’usage ? En fait, on se retrouve face au modèle économique de Microsoft.

Fabienne Sintes : C’est-à-dire que Microsoft ne va pas déployer des mises à jour pour Ghislaine ou pour Stéphane qu’on vient d’entendre.

Sébastien Gavois : Quand c’est fait, c’est fait sur des centaines de configurations différentes, il faut les tester, les vérifier. Je pense qu’ils ont décidé d’arrêter pour vendre d’autres machines, parce que c’est aussi le problème du discours de Microsoft qui pousse à la vente d’autres machines et tous les fabricants d’ordinateurs, forcément, se sont engouffrés dans la brèche alors qu’ils pourraient dire qu’il existe des alternatives.

Fabienne Sintes : Avant d’accueillir Sandro Gozi, qui est eurodéputé sur cette question-là, une toute petite dernière Sébastien Gavois : est-ce que ça pourrait arriver à Apple, ou pas ? Ou est-ce qu’on est dans un tout autre schéma ?

Sébastien Gavois : Apple maîtrise à la fois les côtés logiciel et matériel, c’est-à-dire que toutes les machines, tous les MacBook, les ordinateurs portables d’Apple ou les ordinateurs fixes, sont faits par Apple et Apple développe le logiciel. Pour Microsoft, c’est différent. Microsoft développe un Windows et il y a des dizaines, voire des centaines de fabricants derrière. Il faut donc suivre toutes les mises à jour matérielles qui sont faites, là où Apple maîtrise tout de bout en bout.

Fabienne Sintes : Ça veut donc dire, pour le coup, que ça ne risque pas d’arriver. Est-ce que le fait que le système d’exploitation d’Apple est le même sur les ordinateurs mais aussi sur les tablettes, sur les téléphones, etc., change aussi beaucoup y la philosophie d’Apple par rapport à son système d’exploitation ?

Sébastien Gavois : Apple change aussi et je ne suis même pas sûr, je n’ai pas de chiffres en tête, qu’Apple maintienne pendant 10 ans des mises à jour sur l’ensemble de ses machines. Je pense que des machines ont été arrêtées en cours de route et avant.

Fabienne Sintes : D’ailleurs, on a beaucoup parlé d’obsolescence programmée, y compris logicielle, s’agissant d’Apple. Les uns et les autres avons tous beaucoup râlé devant notre téléphone en se rendant compte qu’il fallait le changer parce qu’on n’arrivait pas à accéder à beaucoup de choses.
Je voudrais saluer Sandro Gozi qui est avec nous. Bonsoir.

Sandro Gozi : Bonsoir.

Fabienne Sintes : Vous êtes eurodéputé Renew Europe, Monsieur Gozi, vous êtes membre de la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs du Parlement européen. J’aimerais bien que vous nous expliquiez. L’Europe a donc demandé, on en parle depuis un bout de temps, et obtenu un répit au sujet de cette histoire de Windows 10 et 11, mais que va-t-on faire de ce répit à votre niveau, au niveau des eurodéputés ? Que fait-on pendant cette année ? Comment fait-on pour parler à Microsoft et lui dire que, peut-être, il faut changer un peu d’avis ?

Sandro Gozi : D’abord, on a adopté toute une série de lois qui obligent les Big Tech à ouvrir à la concurrence, à sortir des monopoles, et aussi à assurer un droit à la réparation, à la bonne information des consommateurs. Ce sont des grandes réformes systémiques je dirais, horizontales, qui empêchent les Big Tech de garder des exclusivités, de garder des monopoles. À savoir, il faut assurer ce qu’on appelle l’interopérabilité, il faut que les différents équipements puissent opérer entre eux et ceci favorise l’entrée dans les marchés de nouveaux acteurs. Mais, en ce moment, vous voyez bien la réaction des Big Tech, qu’il s’agisse d’Apple, Microsoft, Meta. C’est donc une bataille qui est en cours.

Fabienne Sintes : Une bataille qui est sacrément en cours. Il y a la réaction des Big Tech et pas seulement. Il y a aussi les coups de boutoir de Trump sur les restrictions européennes, notamment sur le RGPD [Règlement européen sur la protection des données] mais pas seulement. Très honnêtement, Monsieur Gozi est-ce cette atmosphère-là, ce qui se passe en ce moment, vous freine ? Est-ce que vous avez l’impression que vous devez lâcher du lest à certains égards ? Pour continuer à gagner sur le RGPD, allez-vous lâcher sur l’obsolescence du logiciel Windows 11, par exemple ? Est-ce que c’est comme cela que ça se joue entre vous et eux ?

Sandro Gozi : C’est ce que les Américains voudraient, mais, en tant que parlementaires européens, nous sommes absolument déterminés à appliquer toute notre législation sur le numérique, toute. D’ailleurs c’est une des raisons pour lesquelles cet accord commercial d’Ursula von der Leyen est particulièrement décevant. Elle nous avait assuré qu’en faisant ce mauvais accord sur le commerce avec les États-Unis nous aurions eu stabilité et prévisibilité de la part des États-Unis et, à deux jours de la signature de cet accord, Trump a commencé à attaquer à nouveau la législation sur numérique qui inclut aussi les questions de Windows dont vous parlez. Le secrétaire d’État, donc le ministre des Affaires étrangères américain, qui s’appelle Marco Rubio, a envoyé des instructions aux ambassades américaines des pays de l’Union européenne pour faire un lobbying contre notre législation sur le numérique. Ceci est totalement inacceptable et nous sommes absolument déterminés à appliquer toutes les lois sur l’obsolescence programmée, sur le droit à la réparation, sur l’ouverture des marchés, sur la lutte contre les oligopoles qui sont des oligopoles des Big Tech américains dans le marché unique européen. C’est une bataille qui est en cours et nous tenons la pression très haute sur la Commission européenne qui est chargée de surveiller et de mettre en œuvre cette législation.

Fabienne Sintes : En préparant cette émission, Sandro Gozi, je regardais notamment les règles d’éco-conception des appareils numériques qui sont obligatoires en Europe, notamment sur l’obsolescence des pièces, etc., et il y a quelque chose sur les mises à jour, sauf que ça concerne les smartphones et les tablettes. On se dit « dommage, pourquoi n’y avait-il pas les ordinateurs à l’intérieur ? ».

Sandro Gozi : Ça a déjà été très difficile de l’obtenir pour les smartphones et les tablettes et ces lois sont en vigueur depuis juin de cette année. C’est un début. Nous avons énormément travaillé pour affirmer le droit à la réparation, la lutte contre l’obsolescence programmée et la lutte pour une véritable durabilité des produits. On a réussi avec des compromis très difficiles au Parlement et avec les gouvernements à obtenir déjà les smartphones et les tablettes. C’est un début. Nous devons maintenant montrer que ceci non seulement est possible mais que ça fait du bien aux consommateurs et aussi au marché. Je crois que c’est un bon pas en avant, évidemment notre souhait aurait été d’être encore plus larges, mais je crois que c’est déjà un début important, surtout montrer et affirmer que cela est possible. Quand on a commencé à travailler là-dessus, les producteurs nous disaient « ce n’est pas possible ! ». Bien sûr que c’est possible d’assurer les réparations, ça développe aussi un marché de pièces de rechange, en Europe, qui favorise en plus les petites et moyennes entreprises. Nous sommes donc convaincus que nous avons ouvert une brèche et maintenant il faut travailler sur cette base.

Fabienne Sintes : Sandro Gozi, je vous remercie beaucoup.
Est-ce qu’une brèche a été ouverte, Samuel Sauvage ? Avez-vous quand même confiance dans l’Europe, aujourd’hui, sur ce travail qui est fait depuis des années, qui se concrétise au fur et à mesure ? Est-ce que vous dites que nous avons les bras suffisamment musclés, y compris face à Microsoft ?

Samuel Sauvage : Non, je n’aurais pas cet optimisme-là. C’est sûr que les enjeux se jouent au niveau européen, premier marché mondial.

Fabienne Sintes : L’Europe a fait quand même beaucoup de choses, Sandro Gozi a raison là-dessus, nous sommes les seuls à avoir beaucoup de choses en termes de restrictions face aux GAFAM.

Samuel Sauvage : Tout à fait. La France, à son échelle, est déjà allée un petit peu plus loin que ce qui a été fait à l’échelle européenne par exemple sur les bonus réparations, sur les indices de réparabilité ou de durabilité qui sont beaucoup plus ambitieux en France que ce qui est en train d’être voté au niveau européen. On voit bien, au niveau européen, que mettre d’accord tout le monde, avec le poids des lobbies, qui est très important à Bruxelles, qui fragilise vraiment la réussite, la possibilité d’avoir des compromis ambitieux. Nous essayons d’agir, mais il faut qu’on montre que la société civile est très attentive sur ces enjeux parce que ce n’est pas qu’un enjeu technique, c’est la vie quotidienne des gens, c’est le pouvoir d’achat, c’est l’environnement, c’est vraiment gagnant-gagnant possiblement.

Fabienne Sintes : Voici la question de Zakaria, ce sera pour vous, Sébastien Gavois. Bonsoir Zakaria. On vous écoute.

Zakaria, auditeur : Bonsoir. Je vous appelle de Strasbourg, merci beaucoup de m’avoir donné l’occasion de parler.
Pour moi, la question est beaucoup plus large qu’une question de licence pour un nouveau système d’exploitation, donc Windows 11. La question c’est notre dépendance aux GAFAM. Quand je vois que chaque année la région paye des ordinateurs pour des élèves en seconde, je me dis qu’on est en train de former une génération qui sera dépendante à Windows 11. Pourquoi ne pas penser à d’autres solutions, ce serait aussi un moyen d’avoir une sorte de réindustrialisation numérique de l’Europe et, à une plus petite échelle, de la France ? Il faut se mettre au travail pour éviter de toujours avoir recours, surtout pour le service public, à ces GAFAM.

Fabienne Sintes : Vous êtes en train de nous expliquer, Zakaria, je voudrais être sûre d’avoir bien compris, c’est qu’on n’est pas obligé d’être prisonnier de ce système d’exploitation. Prenons-en un autre, c’est ce que vous dites.

Zakaria, auditeur : C’est ça. Il y a des exemples qui montrent que la dépendance aux GAFAM, à Microsoft, est une sorte de dissuasion numérique. S’ils décidaient de nous bloquer, il y a des cas, nous sommes prisonniers. On n’a pas beaucoup entendu parler du cas du procureur de la CPI [Cour pénale internationale] qui n’a pas pu accéder à son Outlook parce qu’il avait émis le mandat d’arrêt contre Benyamin Netanyahou [4]. On a demandé à Microsoft, entreprise américaine, de bloquer ce compte.

Fabienne Sintes : Merci beaucoup, Zakaria. Vous êtes un peu le porte-parole de nos auditeurs sur le changement de système d’exploitation. Vous ne l’avez pas cité, je vais le faire parce que tous nos auditeurs le font : « Pourquoi ne passe-t-on pas tous sur Linux ? » ,nous demandent certains auditeurs. Sébastien Gavois, je voudrais d’abord que vous m’expliquiez ce qu’est un logiciel libre comme Linux.

Sébastien Gavois : Un logiciel libre, comme GNU/Linux, est un logiciel dont le code est accessible à tout le monde, donc tout le monde peut le regarder, le modifier, le mettre à jour. Ça veut dire qu’il n’y a pas UNE société qui s’occupe de le maintenir, mais potentiellement des dizaines, des centaines, des milliers de personnes qui travaillent tous les jours, qui proposent des mises à jour, qui l’entretiennent. Donc c’est maintenu et c’est accessible à tout le monde. On peut l’installer sur des ordinateurs qui ont 15 ans, 20 ans sans aucun problème. Il y a des systèmes beaucoup plus légers que d’autres. Il y en a qui se rapprochent de Windows ou de MacOS pour proposer des alternatives aux gens.

Fabienne Sintes : Ma question c’est : est-ce que c’est facile ? C’est-à-dire quelqu’un, Ghislaine qu’on a eue tout à l’heure, si on lui installait Linux, est-ce qu’elle naviguerait avec autant de facilité que sur Windows ?

Sébastien Gavois : Si on lui installe Linux, oui je pense qu’elle peut s’adapter sans problème. La question, le cœur du sujet, c’est plutôt si on lui installe et comment on lui installe Linux. Je ne suis pas sûr que, toute seule, Ghislaine sache. On parle de distributions parce qu’il y a énormément de systèmes Linux différents, il n’y a pas un Linux, il y a des distributions Linux. Les plus connues sont Ubuntu [5], si vous en avez entendu parler.

Fabienne Sintes : Absolument. Nos auditeurs oui, je peux vous dire.

Sébastien Gavois : Il y en a d’autres, comme Zorin [6], qui sont moins connues mais qui veulent vraiment proposer un écran d’accueil tel qu’il est sous Windows pour que les gens ne soient pas perdus. Il y a plein de systèmes d’exploitation qui sont faciles à installer, pour le coup, encore faut-il les connaître, savoir qu’ils existent et savoir comment faire. Autant pour des gens qui ont autour d’eux des personnes un peu geeks ou qui font un peu d’informatique, c’est facile, je ne sais pas si c’est le cas de Ghislaine, mais, dans le cas de Ghislaine, c’est savoir que ça existe, savoir où le récupérer et l’installer.

Fabienne Sintes : En termes de chiffres, il y a deux millions d’utilisateurs de Linux en France, on est évidemment très loin de Windows. Si on n’est pas au logiciel libre, Sébastien Gavois, au fond est-ce que c’est par flemme ? Depuis maintenant 25 ans, 30 ans, on a ces outils dont on ne savait pas qu’on en avait besoin et puis finalement on ne peut plus s’en passer. Du coup, est-ce que, par flemme, on a tous fait les mises à jour de Windows parce que c’est comme ça que ça fonctionne ou est-ce que c’est parce qu’on perd quelque chose, quand même, avec Linux ?

Sébastien Gavois : C’est surtout parce que Windows est préinstallé sur la plupart des machines qui sont vendues dans le commerce, ça l’a été pendant des années, ça l’est encore. Quand on achète un ordinateur, on n’a pas vraiment le choix et ça commence très tôt, ça commence dans les écoles. Quand les enfants apprennent à se servir d’un ordinateur, c’est du Windows, il y a du Windows partout, donc on n’a pas vraiment le choix de ce côté-là.
Un Linux fonctionne tout aussi bien, est tout aussi sécurisé, si ce n’est plus, qu’un Windows. On peut y faire énormément de choses : on peut jouer, on peut travailler. Pour des gens qui font de la bureautique, qui utilisent une application, un traitement de texte ou ce genre de choses, c’est tout aussi bien, il n’y a vraiment aucun problème.

Fabienne Sintes : Samuel Sauvage, j’ai vu que vous avez levé le doigt, c’est quand même très sympa.
Sébastien, juste une dernière question : si je suis une administration, un service public, etc., est-ce que c’est aussi simple que pour moi de passer sur un logiciel comme Linux ?

Sébastien Gavois : C’est là que ça se complique. Quand on a des applications métiers qui sont un peu spécifiques, quand on a des besoins particuliers, les applications sont en général développées pour Windows parce que c’est le système qui est partout, ce que je disais juste avant, et ces applications-là ne sont pas forcément compatibles avec Linux ou demandent du travail que les entreprises ou les administrations ne font pas toujours. En fait, elles sont bloquées sous Windows parce qu’elles ont été sous Windows au début, on les a abreuvées de Windows, elles ont construit tout leur système sous Windows et, maintenant, quitter devient compliqué.

Fabienne Sintes : Vous vouliez jeter quelque chose Samuel Sauvage.

Samuel Sauvage : Oui, dire que ce n’est pas impossible. On a quand même des pays, le gouvernement danois, ou des administrations, comme la gendarmerie [7] qui sont passées à des logiciels libres et pour qui ça fonctionne, qui sont très heureuses aujourd’hui de ce choix parce qu’elles ne se retrouvent pas confrontées à ce dilemme. Et puis, ce que disait Zakaria très justement : on a un système où une poignée d’individus prennent une décision qui met en péril 400 millions d’ordinateurs qui peuvent devenir des déchets, donc provoquer une sorte de marée noire, finalement, de déchets possibles, alors que c’est juste une décision isolée de quelques personnes à l’autre bout du monde. Donc être vraiment souverain par rapport à ses choix, c’est sans doute faire d’autres choix, dès le plus jeune âge, comme ça a été dit juste avant.

Fabienne Sintes : Un auditeur qui s’appelle Florent nous dit « il y a toujours un GULL, un groupe d’utilisateurs et d’utilisatrices des logiciels libres, près de chez vous, qui vous aidera à passer au logiciel libre et même à installer un système Linux s’il le faut. »

Samuel Sauvage : Et des install parties [8].

Fabienne Sintes : Des install parties, c’est comme cela que ça s’appelle.
« Est-ce qu’on peut éviter d’être vulnérable si on installe un antivirus autre que celui de Microsoft », nous demande Lourdes au passage, Sébastien Gavois.

Sébastien Gavois : Non.

Fabienne Sintes : Question simple, réponse simple et c’est tant mieux.
Là on est en train de parler des ordinateurs, mais la question se pose évidemment aussi pour nos téléphones, pour nos tablettes et le reste : doit-on changer de smartphones ? « Pour Motorola, par exemple, les mises à jour ne sont garanties que pour deux ans », nous dit Claire. Et ça aussi, potentiellement, c’était plutôt pour vous Sébastien Gavois, c’est vraiment la différence entre Apple et les autres en fait. D’abord Microsoft, arrêtez-moi si je me trompe, n’est pas dans les téléphones.

Sébastien Gavois : Ils n’en fait plus. Ils en ont fait, mais ça s’est mal passé.

Fabienne Sintes : Exactement, ça s’est mal passé. Du coup, quand on est comme Claire, par exemple qu’on a un Android, qu’on achète un téléphone, qu’on l’achète reconditionné, qu’on l’achète ailleurs ou d’une autre marque, on peut se retrouver aussi très rapidement avec un problème de mises à jour.

Sébastien Gavois : On s’y retrouve très rapidement, surtout comparé à Windows 10 pour lequel on a quand même eu 10 ans de mises à jour. Sur un téléphone Android, ça peut arriver au bout de deux ans à peine. C’est là que la loi européenne, dont on parlait tout à l’heure, qui est entrée en vigueur en juin, vient changer un peu les choses [9] : elle oblige les fabricants à proposer au moins cinq ans de mises à jour logicielles de sécurité et des pièces détachées pendant au moins sept ans, par exemple pour la batterie ou l’écran, là où, avant, c’était la foire totale. On avait donc parfois des téléphones, surtout les modèles d’entrée de gamme, qui duraient deux ans et qu’on pouvait jeter derrière parce qu’ils n’avaient plus de mises à jour. Encore une fois, les utilisateurs ne sont pas au courant donc ne le voient pas, ne le savent pas, et leurs données sont mises un peu en danger parce qu’ils n’ont aucune visibilité là-dessus.

Fabienne Sintes : Et il y a du chemin à parcourir, Samuel Sauvage. Je suis tombée sur ce chiffre, en préparant cette émission : nous changeons nos appareils souvent bien avant qu’ils soient réellement morts, c’est notamment au moins un cas sur deux s’agissant des smartphones et du matériel informatique, 23 % seulement est changé quand l’appareil est mort. Ça nous laisse une vraie marge de progression.

Samuel Sauvage : C’est un gaspillage colossal et souvent on n’a pas en tête que l’essentiel de l’impact environnemental, et aussi social, c’est quand on fabrique un objet. Par exemple, derrière un ordinateur, ce sont 800 kilos de matières première. Quand on est consommateur, on ne se rend pas compte de ces impacts.

Fabienne Sintes : Quand même de plus en plus, mais en effet 800 kilos de matières premières comme vous dites.
En tout cas on a retenu ce chiffre : 400 millions d’ordinateurs potentiellement en danger, j’ai envie de dire.
Merci beaucoup à vous deux. Merci à tous pour vos nombreux appels.