Émission Libre à vous ! diffusée mardi 8 mars 2022 sur radio Cause Commune


Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Isabella Vanni : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Gao&Blaze, jeu libre d’enquête narrative sur Android pour sensibiliser aux enjeux de la protection des données personnelles, c’est le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme la chronique « Que libérer d’autre que du logiciel » avec Antanak et aussi une interview du président de l’association Exodus Privacy qui fournit des outils pour analyser les applications Android et lister les éventuels pisteurs.
La protection des données personnelles sur mobile à l’honneur dans l’émission du jour.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Isabella Vanni, coordinatrice vie associative et responsable projets à l’April.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.

Nous sommes mardi 8 mars 2022, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
À la réalisation de l’émission mon collègue Frédéric Couchet. Bonjour Fred.

Frédéric Couchet :  : Bonjour. Bonne émission à vous.

Isabella Vanni : Merci. Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « Que libérer d’autre que du logiciel » avec Antanak

Isabella Vanni : Nous allons commencer par la chronique « Que libérer d’autre que du logiciel » avec Antanak. Isabelle Carrère est déjà sur place et prête à prendre la parole.
Bonjour Isabelle. À toi !

Isabelle Carrère : Bonjour. Merci beaucoup. Merci de votre accueil renouvelé.
Aujourd’hui j’avais prévu d’être avec quelqu’un du réseau REFIS, Réseau francilien pour une informatique solidaire, mais il a eu un empêchement, du coup j’ai changé de sujet, parce que parler du réseau toute seule c’est quand même moins drôle. Je vais quand même en raconter un peu quelque chose. Dans une autre chronique c’était Brice, du Garage numérique situé dans le 20° arrondissement à Paris, qui était venu pour échanger avec moi sur ce qu’on fait ensemble. On fera ça avec une autre structure dans une prochaine émission de manière à ce que d’autres puissent aussi parler avec Antanak de ce réseau.
Ce que je peux faire aujourd’hui c’est confirmer que ça s’harmonise plutôt bien, petit à petit, avec des vrais échanges de pratiques en plus des collectes partagées de matériel qu’on récupère pour le reconditionner. On a en effet des échanges de réflexion sur les incidences des injonctions sur le numérique et ça va être mon sujet d’aujourd’hui, injonctions institutionnelles ou volonté affichée de l’inclusion numérique.
En tout cas dans le réseau nous sommes désormais neuf structures franciliennes. D’ailleurs si vous, auditeurs et auditrices, connaissez des associations ou des collectifs qui travaillent sur des opérations de reconditionnement comme nous et qui se situent en Île-de-France parce qu’on ne peut pas être sur l’ensemble du territoire, nous sommes un petit réseau, n’hésitez pas à leur parler et qu’ils nous rejoignent. Plus on est nombreux à pouvoir partager des choses là-dessus mieux ce sera.

Les partages de pratiques c’est donc mon sujet du jour puisque je voulais aborder ça mais sous un autre angle, avec un autre axe.
À Antanak, on tente de réfléchir au quotidien et de mettre en pratique l’idée que le politique est partout dans nos vies. J’aime à dire régulièrement que tout est politique, ce qu’on mange, ce qu’on lit, ce qu’on fait, notamment en regard des usages numériques. Tout cela est éminemment politique. Pas politique au sens politicien, pas faire de la politique, ni dans celui du phantasme qui continue d’être très volubile par exemple sur les réseaux sociaux. On a un bout d’idée, pas encore de pensée, une idée, un reflux nerveux ou émotionnel, un coup à porter sur quelqu’un ou sur quelque chose et on croit que c’est être libre que de déverser ça sur les serveurs !
Est-ce qu’affirmer des certitudes, exposer des ressentiments ou même ses comportements seul dans son coin devant son ordi ou avec à la main son téléphone connecté, est-ce que ça produit quelque chose ? Est-ce qu’on produit vraiment de la pensée ? Sans doute que non !
Comme le relevait il y a quelque temps Éric Sadin, que vous connaissez peut-être, qui a écrit de nombreuses choses sur le numérique, sans doute qu’en faisant ça on est en train de casser la possibilité d’engagement politique collectif et individuel. Et c’est vraiment ça qu’on essaye de remettre au goût du jour, d’expliquer ou de partager à Antanak.
En fait c’est assez simple de se morfondre dans l’immédiateté, dans la réaction incessante et bruyante, en tout cas c’est plus simple que de penser ensemble.
Or, de notre point de vue, on a une responsabilité collective, globale, de débattre partout, sur tous les lieux de vie, les lieux de travail, de scolarité, associatifs et autres et de se mobiliser pour pouvoir dire les mots de ce qu’on accepte et de ce qu’on refuse dans le champ de la soi-disant toute puissance numérique. Je dis bien de débattre. Il ne s’agit pas juste de juger ou d’avoir des idées arrêtées, mais vraiment de débattre là-dessus. En fait, l’individualisme libéral est sans doute à son comble avec les modes numériques proposés. On nous assigne des places toutes faites en acceptant d’être assistés en permanence grâce à des outils dits connectés ou des options qui nous sont données comme étant soit les seules soit les meilleures. On nous guide, on nous entraîne dans des flux dans lesquels on se perd, sans parler de l’abondance de contenus, puisque c’est désormais le terme consacré, contenus qui parfois n’en sont pas, mais occupent l’espace, l’espace vivant et vital qu’on ne reconnaît plus.
Tous les jours à Antanak on s’aperçoit des dégâts que cela produit. Les gens qui nous arrivent, souvent, sont fracassés, les relations sont perturbées, les classes sont sociales sont masquées parce qu’on fait comme si on autorisait toutes les paroles, mais en fait on n’en entend pas beaucoup, pas beaucoup plus. On fait croire que tout le monde peut s’exprimer librement et qu’on portera, bien sûr, une attention très importante à chacun et chacune et ce n’est pas sûr que ça soit le cas.
De plus en plus de personnes qui viennent nous voir sont complètement isolées, pas simplement isolées parce que sans famille ou sans assez d’amis, non !, isolées psychiquement et réellement dans un monde asphyxiant et parfois elles ne se rendent même plus compte qu’elles le sont, qu’elles ont suivi des modalités très concrètes dans leur vie qui les éloignent du social, de la réflexion politique, des liens qui nous unissent et de l’interdépendance vitale entre nous tous et toutes.
C’est peut-être là la véritable écologie au-delà de la question des déchets, de la question du serveur et de l’électricité que ça consomme, etc., peut-être que c’est celle-là l’écologie qui est intéressante, pas celle qui continue d’entretenir une dichotomie, une séparation entre nature et culture, pas celle qui est évidemment récupérée par le capitalisme qui en fait un nouveau blabla – l’environnement par ci, l’effondrement par là, la sauvegarde de la planète, en fait pour plus de profits –, mais bien celle qui pourrait soutenir une vision des liens entretenus entre nous et entre nos esprits et nos corps, l’équilibre et les harmonies, disharmonies, entre tous les mondes qui sont vivants, humains ou non humains.
Pardon de mes envolées un peu lyriques du jour, en fait tout ça est très concret, c’est-à-dire que c’est très réel et, à Antanak, on est à chaque fois joyeux et joyeuse quand on arrive à plusieurs, dans notre – trop petit – local, à faire en sorte que surgissent des billes de compréhension sur des choix, j’insiste sur ce terme « des choix ». Oui, on peut continuer de choisir, de choisir ce qu’on souhaite, de donner à vivre, dans le temps court où on est là, avec soi et avec les autres. En tout cas, ce qui est sûr c’est qu’il y a urgence à le faire, à ne pas laisser passer les opportunités qu’on a tous de le faire, tous et toutes. Ha !, j’aurais pu mettre un peu plus de féminin puisque c’est la journée, normalement, la journée des droits des femmes, femmes dont on a déjà dit ici qu’elles ne sont pas très nombreuses dans le monde du numérique, on se réjouit quand il y en a. C’est intéressant qu’elles non plus ne s’extraient pas de ce champ-là et qu’elles puissent y agir.

Isabella Vanni : Merci Isabelle pour cette chronique avec un retour d’expérience d’Antanak, un appel à faire réseau local et avec des réflexions importantes. Merci encore et je te dis à la prochaine chronique.

Isabelle Carrère : Merci beaucoup. À bientôt.

Isabella Vanni : Nous allons maintenant faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Isabella Vanni : Après la pause musicale, nous parlerons de Gao&Blaze, jeu mobile pour sensibiliser aux enjeux de la protection des données personnelles. L’un de nos invités d’aujourd’hui nous a indiqué aimer les musiques folks européennes, genre airs irlandais. Pour notre première pause musicale j’ai donc tout de suite pensé au groupe belge Ceili Moss, qui fait du folk rock d’inspiration celtique, notamment à sa reprise d’une chanson traditionnelle irlandaise. Nous allons donc écouter The next market day par Ceili Moss. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : The next market day par Ceili Moss.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Isabella Vanni : Nous venons d’écouter The next market day par Ceili Moss, disponible sous licence libre Creative Commons, CC By 3.0.

[Jingle]

Isabella Vanni : Passons maintenant au sujet suivant.

Gao&Blaze, jeu libre d’enquête narrative sur Android pour sensibiliser aux enjeux de la protection des données personnelles, avec Quentin Harada et Natalia Calderón Beltrán de la coopérative La Boussole, éditrice du jeu, et Claire Divoy, bêta-testeuse du jeu

Isabella Vanni : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui porte aujourd’hui sur Gao&Blaze, jeu libre d’enquête narrative sur Android pour sensibiliser aux enjeux de la protection des données personnelles.
N’hésitez pas à participer à notre conversation sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat ».
Nous parlerons de Gao&Blaze avec Natalia Calderón Beltrán et Quentin Harada de la coopérative de formation et recherche La Boussole, qui est éditrice du jeu, et avec Claire Divoy, bêta-testeuse du jeu.
Quentin et Claire sont au studio avec moi. Bonjour.

Quentin Harada : Bonjour.

Claire Divoy : Bonjour.

Isabella Vanni : Natalia participe à distance normalement via l’outil libre de conférence Mumble. Bonjour Natalia.

Natalia Calderón Beltrán : Bonjour à tous et toutes.

Isabella Vanni : Je vais bien sûr faire en sorte de répartir la parole entre vous. Si, à un moment, vous voulez intervenir n’hésitez pas à m’interpeller en disant tout simplement Isa, cela surtout pour Natalia que je ne peux pas voir.
Comme d’habitude, je vous propose de commencer par une question très simple : qui êtes-vous ? Une courte présentation. On va commencer par Quentin.

Quentin Harada : Bonjour à toutes et à tous. Je suis Quentin Harada. J’ai travaillé dans le secteur de l’éducation populaire et de la solidarité avant de cofonder la coopérative avec ma collègue Natalia. Depuis très longtemps je suis intéressé par les questions du logiciel libre que j’utilise aussi à titre personnel depuis longtemps. Accessoirement je suis aussi très joueur, que ce soit jeux vidéo, jeux de société, jeux de rôle, sur table ou grandeur nature, bref !, j’ai beaucoup de palettes et de pratiques ludiques. Ce sont un petit peu tous ces éléments qui, au bout d’un moment, se sont mélangés et ont permis que je puisse contribuer et lancer à plusieurs ce projet de Gao&Blaze.

Isabella Vanni : Merci. Natalia, une courte présentation.

Natalia Calderón Beltrán : Pour ma part je suis docteure en Sciences de l’information et de la communication. J’ai pu mener une recherche sur les Low-Tech et comment, justement, les technologies peuvent être ouvertes et rendre la vie meilleure.
Comme l’a dit mon collègue Quentin on a vraiment réuni plein de compétences plutôt très variées pour aboutir à ce projet et, en particulier, j’ai été en charge de toute la partie recherche, mais, étant multicasquettes, aussi des contenus pédagogiques, du suivi du développement, de la gestion administrative, la traduction... C’est pour ça que je pourrai de vous parler de ce jeu pour Android.

Isabella Vanni : Merci. Et puis nous avons Claire en studio.

Claire Divoy : Je connais La Boussole parce que je suis intervenue avec eux dans d’autres cadres que l’informatique, rien à voir. J’ai vu qu’ils cherchaient des bêta-testeurs et des bêta-testeuses pour le jeu et, comme moi aussi j’adore les jeux, que ce soit les jeux vidéo ou les jeux de société, que je suis aussi intéressée par tout ce qui est numérique autant du point de vue privé que professionnel, je me suis dit pourquoi ne pas prendre un peu de mon temps pour les aider à développer ce jeu et tester tout ça.

Isabella Vanni : Parfait. Merci pour ce premier tour de parole pour vous présenter.
Maintenant je vous propose d’aller au cœur du sujet, c’est-à-dire Gao&Blaze. Qu’est-ce que c’est ? Une description du jeu, en quoi consiste-t-il, quelle est cible du jeu ? Qui veut prendre la parole ? Quentin ou Natalia.

Quentin Harada : Je peux commencer et Natalia m’aidera.
Qu’est-ce que c’est ? En fait, Gao&Blaze ce sont deux choses. Il y a un jeu vidéo qui est un peu ce qui nous intéresse aujourd’hui et il y a aussi un projet de recherche qui va avec et, sur le projet de recherche je laisserai Natalia préciser vu qu’elle est notamment en charge de ces questions-là.
On a eu cette idée de jeu vidéo parce que, à la fois en tant que personne et à titre bénévole, ça fait longtemps qu’on a pu participer à des collectifs ou des initiatives pour essayer de sensibiliser sur la question de la protection des données de manière générale, que ce soit des chiffro-fêtes ou d’autres initiatives associatives. Pour le public les chiffro-fêtes, ce sont des événements où on peut venir apprendre, en savoir un petit peu plus sur comment configurer ses téléphones, ses ordinateurs pour protéger sa vie privée. C’est une sorte d’atelier d’auto-apprentissage sur les questions numériques avec vraiment un axe donné à la protection de la vie privée.
On a remarqué que c’était quand même difficile de toucher les publics qui ne sont pas intéressés par cette question. Les publics qui se rendent dans ce type d’événement sont des gens qui sont déjà intéressés et qui cherchent à en savoir plus, gagner des compétences, etc. Là c’est facile, il suffit de partager des savoirs et des savoir-faire et ça marche bien. Mais quand on est face à des gens qui, peut-être, n’ont pas trop idée de quels peuvent être les enjeux autour de la protection de la vie privée, tout simplement que ça n’intéresse pas ou, plus concrètement, des gens qui vous diront « je n’ai rien à cacher » – c‘est quand même une phrase qui peut revenir assez souvent – là ça nous semblait difficile d’aller aborder ces questions-là. C’est pour ça qu’on a eu envie de passer par le jeu, par le jeu vidéo, vu que c’est quand même très utilisé ; on peut l’installer sur téléphone, donc directement sur l’appareil qui va capter énormément de données. L’idée c’était vraiment de promouvoir un vrai jeu, que ce soit avant tout un jeu c’est-à-dire quelque chose avec lequel on s’amuse, parce que des fois on peut avoir envie d’abord de faire passer un message et après de s’amuser et, en général, ça donne quelque chose qui n’est pas très amusant, donc on rate un peu le coche. Là on a vraiment voulu faire quelque chose de sympa, d’amusant, et seulement dans un deuxième temps de se dire on va en profiter pour essayer de parler de cette question-là. Ce qui, dans l’idée, nous permet d’aller toucher des gens que la thématique n’intéresse pas plus que ça mais qui, par exemple, aiment bien jouer, d’ouvrir une porte pour essayer de discuter, de sensibiliser sur ces questions-là.

Isabella Vanni : Très bien. Quand tu parles de personnes qui ne sont pas forcément très sensibilisées, est-ce que c’est plutôt destiné aux jeunes ou pas que ?

Quentin Harada : On a une cible qui est plutôt large, on a visé la cible des 12/40 ans. Vous allez me demander pourquoi, c’est rarement une fourchette qui est utilisée. En fait elle correspond, selon les statistiques en France, au gros des troupes des personnes qui utilisent des smartphones. Donc on a vraiment voulu viser ce public-là parce qu’il est directement concerné, aussi parce que, aujourd’hui, c’est un public qui va pouvoir assez facilement jouer à des jeux vidéo, à des applis sur Android et tout. C’est un peu dans cette idée-là qu’on a développé le jeu.

Isabella Vanni : Natalia, je crois qu’il y a une page sur le site de La Boussole qui parle justement de ce dont Quentin parlait tout à l’heure, le fait que des personnes disent « je n’ai rien à cacher », un profilage de personnes types, en fait, qui pensent que la protection des données personnelles n’est pas un enjeu qui les concernent. Tu veux peut-être nous dire quelque chose de plus ?

Natalia Calderón Beltrán : Effectivement, les personnes qui disent « je n’ai rien à cacher » sont la plupart d’entre nous et on peut tout à fait les comprendre. En réalité on a envie de dire qu’on n‘a rien à se reprocher, en général, dans sa vie et, quand on pense à « protéger les données personnelles », la première chose qui peut nous venir à l’esprit c’est soit des personnes qui habitent dans des pays en guerre soit des journalistes qui auraient accès à des informations un peu confidentielles, ce genre de profil et nous nous sentons vraiment très loin de ces personnes-là.
Ce que nous défendons à La Boussole c’est qu’on n’a pas besoin d’être ces personnes-là qui vivent soit dans des contextes très éloignés ou dans des situations dangereuses ou d’avoir un profil très spécifique de journaliste ou de lanceur d’alerte.Si on faisait un parallèle, la protection des données personnelles c’est comme mettre des rideaux à sa fenêtre. Ce n’est parce qu’on fait des choses à se reprocher dans son appartement qu’on met des rideaux à ses fenêtres, c’est simplement parce qu’on veut préserver une intimité et le fait de vouloir préserver une intimité ça ne veut pas dire qu’on a des choses à cacher et à se reprocher.
Cette idée qu’on protège sa vie privée seulement quand on a des choses à cacher c’est quelque chose qui, à La Boussole en tout cas, nous touche beaucoup et on a envie de dire aux auditeurs et auditrices qu’on a le droit de protéger son intimité et qu’on n‘a pas besoin d’avoir un profil de personne qui a des secrets d’État pour vouloir cultiver cette envie de protéger son intimité.

Isabella Vanni : Quentin disait aussi que vous avez choisi le jeu parce que vous vous êtes dit que c’est peut-être une façon de toucher des personnes qui, justement, ne se sentent pas concernées. Tu m’as écrit que vous avez aussi choisi le jeu parce qu’assommer d’informations ne marche pas toujours, culpabiliser et accabler ne marche pas toujours. J’imagine que c’est aussi le fruit d’une recherche, d’un constat que vous avez fait par rapport à l’outil choisi pour sensibiliser.

Natalia Calderón Beltrán : Oui, tout à fait. Quand j’écrivais ça c’était vraiment dans l’idée qu’après avoir passé plusieurs années justement à diffuser des savoirs sur comment protéger sa vie privée, on est arrivé à ce que disait Quentin au début de l’émission, c’est-à-dire que certaines personnes se rendent compte que c’est difficile d’avoir accès à certaines informations, se découragent très vite en voyant la quantité de choses à mettre en place pour protéger ses données personnelles et abandonnent très vite. Du coup on s’est dit « qu’est-ce qu’on fait ? ». On a beaucoup réfléchi et on s’est dit « essayons une autre méthode ».

Isabella Vanni : Très bien. Pour donner la parole à Claire, la bêta-testeuse qui peut témoigner de son expérience, tu disais que tu étais déjà quand même un petit peu sensibilisée à ce sujet, si je ne me trompe pas.

Claire Divoy : Oui. c’est ça. J’ai quand même appris des choses en faisant le jeu, mais je suis déjà intéressée. Je pense que je ne fais pas spécialement partie du public cible du jeu, mais j’ai quand même appris des choses en le faisant.

Isabella Vanni : Tu étais déjà plutôt sur la partie jeu qui doit être marrant, parce que ça doit aussi être rigolo à faire, ça doit être ludique et j’imagine aussi pour vérifier qu’on puisse effectivement apprendre des choses.
Par rapport au jeu, est-ce qu’on peut dévoiler quelque chose, c’est-à-dire en quoi ça consiste vraiment ? Je sais qu’il y a une trame qu’il ne faut pas dévoiler, parce que c’est un jeu d’enquête narrative. C’est effectivement marrant de le faire soi-même, j’ai moi-même testé le jeu et je peux vous dire que c’est très sympa, on vous dira plus tard comment faire pour jouer à votre tour, je vous y invite vraiment, mais est-ce qu’on peut dévoiler quelque chose, en quoi ça consiste ?

Quentin Harada : Oui. En fait, ça commence comme un univers de petits jeux qui s’appellent les Gao Games. Pour ça, on s’est un petit peu inspirés de grosses productions à succès sur lesquelles les gens jouent beaucoup pour se détendre. On s’est inspirés de petits jeux comme ça qui ont la particularité d’utiliser un petit peu le fonctionnement du téléphone, notamment son système de permissions pour fonctionner, pour être interactifs.
À côté de ces jeux-là, il y a toute une communauté de jeu avec laquelle on peut discuter. Ce sont des personnages fictifs, mais on peut creuser un petit peu les relations, en savoir plus et, au bout d’un moment, une enquête va démarrer à travers ces discussions-là et elle va nous amener à découvrir un petit peu les dessous, en fait, de cette communauté de jeu et les dessous, quelque part, de ces industries du jeu qui ont l’air mignon, simple et puis qui récupèrent des données sur votre téléphone par exemple.

Claire Divoy : Ce que j’ai beaucoup aimé c’est le côté vraiment immersif. Dès qu’on commence à jouer on est directement intégré dans cette communauté justement et on se demande presque si elle est vraie et si c’est dans le jeu. Quand on bêta-teste le jeu c’est aussi de trouver les bugs du jeu, maintenant j’espère qu’il n’y a plus de bugs.

Isabella Vanni : Je n’ai même pas besoin de poser la question. Je voulais justement demander à Claire : bêta-testeuse ça veut dire qu’on teste le jeu, donc, effectivement, on trouve les bugs, éventuellement les anomalies et on remonte les choses.
Je suis complètement d’accord avec toi, c’est vraiment une expérience immersive dans le sens où on a vraiment l’impression, au départ, de parler avec des vrais gens, c’est-à-dire que je trouve qu’il y a beaucoup de soin aussi dans la formulation des textes. Je ne sais pas si je peux dévoiler ça, mais il y a même la possibilité de choisir quelle réponse donner, c’est-à-dire qu’effectivement on peut personnaliser l’expérience. C’est vraiment bien construit.
Est-ce que tu es aussi intervenue, par exemple, sur les contenus des messages ?, genre « non, ça, ça ne sonne pas très bien ou alors ça c’est trop long », je ne sais pas.

Claire Divoy : Au début il y a quelques textes qui n’étaient pas tout à fait terminés. Par exemple au début j’ai fait remarquer qu’on n‘était pas très sûr si on était une femme ou un homme parce que tout était assez neutre. Je sais que ça a été modifié après justement pour que ce soit assumé, que ce soit non genré. Là-dessus je pense que ça a peut-être eu lieu par les retours de bêta-testeurs et des bêta-testeuses. Sinon je ne pense pas avoir beaucoup influencé sur le contenu même du jeu.

Isabella Vanni : Natalia, est-ce que ça a été simple de recruter des personnes pour ce jeu ?

Natalia Calderón Beltrán : Pour la partie bêta-test, je ne vais pas vous dire qu’on a eu un million de bêta-testeurs et bêta-testeuses, en revanche on a eu un groupe vraiment solidaire et très engagé pour faire émerger ce jeu qui est un peu ovni parce que, à notre connaissance, c’est la première fois qu’on fait un jeu sur cette thématique pour Android. On a tout de suite eu des personnes qui étaient vraiment très motivées, dont Claire qui est au studio, qui nous ont vraiment aidés parce que faire un jeu c’est compliqué ; tester un jeu sur Android ça l’est encore plus, notamment parce qu’il y a différentes versions d’Android et, pour chaque version d’Android, les téléphones sont différents donc des comportements vont être différents d’un appareil à un autre. En plus on voulait faire le pari de faire un jeu qui soit compatible avec beaucoup de versions possibles d’Android et ça a rajouté de la complexité au développement du jeu et, comme on n’aime pas faire les choses simples à La Boussole, on a aussi voulu faire un jeu en logiciel libre, c’est-à-dire qu’on a voulu vraiment coder un jeu en direct sur le système Android, ce qui rajoute de la difficulté supplémentaire, mais on tenait vraiment à ce que ce soit du pur logiciel libre. Je parle peut-être de manière un peu technique, mais on ne voulait pas passer par des surcouches comme se font les jeux aujourd’hui. Pour les personnes qui ne le savent pas, aujourd’hui faire des jeux peut être fait de manière très simple avec des plateformes où il suffit simplement d’ajouter les éléments graphiques et des plateformes non libres gèrent tout ça. Nous tenions vraiment à faire du logiciel libre ce qui impliquait de trouver des développeurs très spécifiques et de travailler directement au cœur d’Android, ce qui compliquait beaucoup les réactions et les rendus et on ne contrôlait pas tout. Donc on avait vraiment besoin de tester à plein de moments, à plein d’endroits. Des fois ce qui marchait dans une version d’Android ne marchait pas dans la suivante, donc tout ça nous a pris un certain temps, mais heureusement nous avions des bêta-testeurs et bêta-testeuses de choc.

Isabella Vanni : Tu parlais de développeurs. La coopérative La Boussole est, en fait, une coopérative de formation et de recherche, donc vous n’aviez pas les compétences en interne pour développer un jeu, ça veut aussi dire mettre en place un partenariat avec quelqu’un qui produise le jeu. Bien évidemment j’imagine que c’est scénarisé par vous, mais après il faut coder. Comment cela s’est-il passé ? Qui est votre partenaire ou vos partenaires ? Comment les avez-vous trouvés, choisis ? Quentin peut-être.

Quentin Harada : Deux équipes de développement sont intervenues sur le jeu. À l’heure actuelle on va dire que le développeur principal est Álvaro Pérez Páez, un développeur qui travaille avec nous depuis la Colombie, qu’on connaît via des réseaux notamment sur le jeu vidéo. En fait on a collaboré avec plein de gens. Au total une dizaine de personnes sont intervenues sur différentes tâches. L’idée c’était déjà d’être vraiment très clairs sur la démarche dès le début parce que développer directement en logiciel libre ça va changer pas mal d’habitudes. On va devoir se passer de certaines plateformes, on va devoir, par exemple, ne pas passer par Unity pour développer le jeu vidéo.

Isabella Vanni : Ces développeurs étaient déjà des développeurs en Libre ou vous les avez incités à utiliser le logiciel libre ? Comment ça s’est passé ? Étaient-ils déjà convaincus ?

Quentin Harada : On a eu les deux cas de figure. La première équipe de développement connaissait déjà pas mal le logiciel libre et la deuxième équipe de développement pas tant que ça. Au contraire, on a dû pas mal discuter, se mettre d’accord sur ce qu’on allait utiliser, comment, etc. Donc oui, ça a nécessité pas mal de discussions pour cadrer le projet.

Isabella Vanni : Quand on parle de sensibilisation ce n’est pas que pour le grand public, c’est aussi pour les développeurs et développeuses finalement !

Quentin Harada : Exactement. D’ailleurs un des game designer qui est intervenu n’était pas du tout intéressé par cette thématique au début et, à la fin, il disait « oh là, là, c’est très important, je vais changer toutes les applis de mon téléphone, etc. ». Avoir travaillé ensemble dessus ça donne à comprendre pas mal de choses.

Isabella Vanni : Génial !
Vous parlez du fait que ça vous a pris un certain temps. Est-ce qu’on peut chiffrer ce temps, Natalia ?

Natalia Calderón Beltrán : Illimité en nombre d’heures, en nombre de cafés. En réalité, c’est un projet qui a duré, Quentin corrige-moi si je me trompe, plus de trois ans de l’idée jusqu’au lancement et maintenant on est dans la phase de communication, diffusion et la recherche, peut-être qu’on parlera plus tard de ce volet-là qui accompagne le jeu, mais c’est effectivement un projet au long cours.

Isabella Vanni : On n’a pas parlé de la façon dont le projet a été financé. Vous souhaitez peut-être en parler, parce qu’il faut aussi des financements, trois ans c’est long, il faut payer toutes ces équipes. Quentin ou Natalia. Natalia et puis Quentin pourra compléter.

Natalia Calderón Beltrán : Je suis auto-désignée. Ce projet est cofinancé par trois parties, ce ne sont pas des partis politiques, par trois partenaires : la Fondation MAIF pour le volet recherche ; l’association Prévention MAIF, une association à but non-lucratif qui finance des actions de prévention ; et La Boussole qui cofinance également ce projet. C’est comme ça qu’on a pu avoir des fonds pour proposer ce projet de façon libre et gratuite.

Isabella Vanni : Comment cela s’est-il passé ? Vous aviez déjà l’idée en tête et, coup de bol, il y a la possibilité de candidater pour un financement de la part de structures de la MAIF ? Ou bien vous avez vu passer leurs propositions de financement et vous avez candidaté ? Comment cela s’est-il passé ? Quentin peut-être.

Quentin Harada : On avait cette idée qu’on voulait développer et en effet, coup de bol, il y avait eu un appel d’offres à projets de recherche autour de la sensibilisation aux risques numériques qu’on avait vu passer du côté de la Fondation MAIF pour la recherche. On avait commencé à discuter avec eux pour voir si c’était possible de monter quelque chose. Ils et elles nous ont orientés aussi vers l’association de prévention pour qu’on puisse monter ce projet à trois structures.

Isabella Vanni : Est-ce qu’il a fallu les convaincre pour ce qui est du code libre, de la licence libre attribuée au jeu ? Ou ce n’était pas un sujet de discussion ?

Quentin Harada : Ils étaient déjà très ouverts sur la question et très informés parce qu’il y a tout un volet de production de savoirs à but non-lucratif pour que ça bénéficie, on va dire, au public. Dans la démarche on a tout de suite pu trouver un accord dans ce sens-là et après ce sont surtout des discussions très concrètes qu’il a fallu avoir sur quelle licence, quels composants, pour protéger aussi en même temps la création.

Isabella Vanni : Ils vont ont fait confiance. Vous ne vous sentiez pas bridés ni sur la licence ni sur le contenu du jeu, finalement.

Quentin Harada : Oui, c’est ça. C’était vraiment une discussion.

Isabella Vanni : Très bien. Claire, tu nous disais que tu es une grande joueuse. Par rapport aux autres jeux, qu’est-ce Gao&Blaze a en plus qui le fait sortir du lot, vraiment d’un point de vue ludique ?

Claire Divoy : Déjà, au premier abord, je dirais les graphismes qui sont très spécifiques, que j’ai trouvé très jolis. C’est un gameplay qui est aussi, finalement, assez original. D’autres jeux se jouent par dialogues, mais là ça assemble plusieurs choses puisqu’il y a les minis jeux où on peut jouer complètement indépendamment et puis il y a la partie discussion avec les personnes où ce qu’on répond influence le chemin qu’on va prendre et après on obtient, du coup, des fins différentes en fonction de ce qu’on a fait comme choix dans le jeu. J’ai trouvé ça assez original. Il y a des jeux qui ont certains éléments mais tout mélangé, comme ça, je n’en ai jamais vu d’autres.

Isabella Vanni : Je ne suis pas une grande joueuse. Effectivement les minis jeux m‘ont fait penser à d’autres choses que j’aurais pu voir, mais je ne suis pas du tout experte et je suis d’accord avec toi c’est super sympa cette histoire, on est presque dérangé au bout d’un moment. Les personnages nous disent : « Désolé, je t’embête, tu fais peut-être autre chose » ; comme on disait c’est super immersif. Merci pour ce témoignage, vu que tu es une grande joueuse tu peux témoigner de l’originalité du jeu.
Je souhaite laisser beaucoup de temps à l’aspect recherche parce que je sais que c’est un sujet très important pour vous, donc je propose de faire une pause musicale et de reprendre la discussion plus tard.
Pour la pause musicale, je démarre par une petite présentation qui mérite. Ollo, Lóstrego ! est un trio de rock progressif et post-rock issu la scène locale galicienne, dont on a déjà diffusé de la musique dans des émissions précédentes. Ce groupe vient tout juste de publier un deuxième album, aussi bon que le premier. En plus, Quentin nous a dit qu’il aime le post-rock, donc je me suis dit on va partir sur ça.
Nous allons donc écouter Órbita par Ollo, Lóstrego !. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Órbita par Ollo, Lóstrego !.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Isabella Vanni : Nous venons d’écouter Órbita par Ollo, Lóstrego !, disponible sous licence libre Creative Commons, CC By SA.

[Jingle]

Isabella Vanni : Nous allons poursuivre notre discussion. Je suis Isabella Vanni de l’April. Cet épisode de Libre à vous ! est consacré à Gao&Blaze, jeu libre d’enquête narrative sur Android pour sensibiliser à la protection des données personnelles. Nous en parlons avec Natalia Calderón Beltrán et Quentin Harada de la coopérative de formation et recherche La Boussole, éditrice du jeu, et avec Claire Divoy, bêta-testeuse du jeu.
N’hésitez pas à participer sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat ».
Juste avant la pause musicale je disais, et Quentin le disait au début de son intervention, que la recherche est un volet aussi important que le jeu en lui-même. On va aborder ce point qui est très important pour vous. Natalia, je te passe la parole.

Natalia Calderón Beltrán : Merci.
Ce projet, comme le disait Quentin au début, est vraiment sur deux volets. Il y a l’aspect jeu, mais il y a aussi l’aspect recherche. Pourquoi ? Comme on vous disait au tout début, on a vraiment envie de sensibiliser à la protection des données personnelles par le biais du jeu, mais c’est aussi un pari que nous faisons. C’est-à-dire que comme ce jeu est tout nouveau et que, à notre connaissance, c’est la première fois qu’on essaye de sensibiliser à la protection des données personnelles via un jeu de ce type-là, on fait le pari que ça va marcher, mais, en réalité, on n’en sait rien. Du coup, dans le jeu, d’un côté nous avons embarqué un questionnaire qui arrive en toute fin de jeu. Ce questionnaire, bien sûr, correspond également à notre éthique c’est-à-dire qu’on veut recueillir des données d’utilisation du jeu mais toujours avec le consentement explicite et éclairé, nous ne prenons pas les joueurs et joueuses en traître. On leur demande de répondre à un questionnaire s’ils et elles le souhaitent et ça nous donne des données sur comment ce jeu aura eu, ou pas, une influence sur leur usage et pratique du téléphone portable.
D’un autre côté, on couple la sortie de ce jeu à une recherche un peu plus qualitative en suivant un groupe de personnes pour comprendre les usages avant le jeu, une fois qu’ils et elles ont joué une fois au jeu et quelques mois après pour voir, justement, s’il y a eu, ou pas, un changement de comportement. Notre question principale c’est vraiment si, avec une expérience ludique et immersive, on arrive vraiment à changer les pratiques des individus.

Isabella Vanni : Ce groupe qui est, on va dire, la cible de l’étude, est déjà formé ? C’est déjà en route ou est-ce que ça viendra dans un deuxième moment ?

Natalia Calderón Beltrán : Le groupe existe déjà. On l’a constitué pendant qu’on faisait toute la partie de développement du jeu et on en a profité justement pour interroger les personnes et connaître leurs pratiques avant d’avoir joué au jeu.

Isabella Vanni : Quentin, peut-être voulais-tu ajouter quelque chose sur cet aspect recherche ?

Quentin Harada : Pas forcément sur l’aspect recherche. Par contre, on peut peut-être vous parler de ce qui se passe après le questionnaire. En fait, on a choisi de développer, en nous appuyant notamment sur le projet libre Exodus Privacy, un outil d’audit qui apparaît à la fin du jeu, qu’on a appelé le Cat Scan.

Isabella Vanni : Cat comme « chat » ? Il y a beaucoup de chats dans le jeu !

Quentin Harada : Exactement. Oui. Gao est un chat, la mascotte, il y a des émojis de chats. Donc il y a le Cat Scan à la fin qui, en fait, permet de scanner un peu son téléphone. Très concrètement ça va faire des requêtes sur la base de données d’Exodus Privacy et après ça donne une note très simple, un peu comme le Nutriscore qui va nous indiquer si ce qu’on mange est trop gras, trop sucré, trop salé ou, au contraire, si on peut en manger plein. Il va faire ça avec chacune des applications scannées sur le téléphone et donner une note globale. L’idée c’est vraiment qu’il y ait un outil hyper-simple et hyper-visuel pour se dire « telle appli a l’air de récupérer trop de données, de demander trop de permissions, etc., je vais essayer de chercher une alternative ». L’idée c’est vraiment de donner un outil aux gens pour pouvoir, s’ils et elles le souhaitent, changer un peu leurs pratiques, trouver des applis alternatives libres idéalement, qu’il y ait vraiment un volet très pratico-pratique de « OK ! J’ai fait cette expérience, ça me parle, j’ai envie de changer, comment je fais ? », vraiment très simplement.

Isabella Vanni : Ça tombe bien parce que tout à l’heure nous allons interviewer le président d’Exodus Privacy qui va nous expliquer un peu plus en détail comment marchent la plateforme et l’application.
Claire est-ce que tu es arrivée tout au bout du jeu ? Est-ce que tu as fait cette partie du Cat Scan ?

Claire Divoy : Oui. Au début ça ne marchait pas. Maintenant ça marche !

Isabella Vanni : Bêta-testeuse ça veut dire bêta.

Claire Divoy : Maintenant ça fonctionne. J’ai déjà des pratiques, par exemple je ne laisse jamais mon GPS allumé sur mon téléphone, je n’ai pas d’applications comme Facebook ou des choses comme ça, c’était plutôt pas trop mal. Ce n’est jamais parfait parce que, de toute façon, c’est Android donc c’est Google. Comme on disait on peut passer à d’autres choses, mais alors on ne peut plus jouer à Gao&Blaze. J’ai quand même remarqué que certaines applications, auxquelles je ne m’attendais pas, sont très demandeuses de choses, par exemple la position pour des choses pour lesquelles il n’y a normalement pas besoin ou d’accéder aux contacts ; je ne sais pas si c’est une application de musique ou un truc comme ça, on se demande pourquoi ont-ils besoin des contacts ?

Isabella Vanni : Comme tu disais tout à l’heure, malgré le fait que tu sois une personne avertie tu as quand même appris des choses.

Claire Divoy : Tout à fait.

Isabella Vanni : On parle de jouer, de découvrir le jeu. On n’a pas encore dit comment on fait pour jouer. Comment fait-on pour jouer à Gao&Blaze ? Quentin.

Quentin Harada : Pour jouer à Gao&Blaze il vous faut déjà un smartphone sous Android, ça peut aussi être une tablette, c’est OK. Ensuite vous avez trois manières de télécharger. Pour qu’il soit disponible vraiment à un large public, pas forcément averti, on l’a mis sur le Google Play. Il est aussi disponible en téléchargement direct en apk sur notre site, le site du jeu.

Isabella Vanni : C’est quoi l’apk ?, je crois que notre public n’est pas forcément au courant.

Quentin Harada : Ce sont les fichiers d’installation des applications sur smartphone Android, tout simplement.
Vous pouvez l’installer directement, comme ça aussi, depuis notre site. Vous pouvez aussi faire les vérifications d’empreintes pour vous assurer que c’est le bon fichier. On est en train de faire le processus pour le mettre sur F-Droid qui est un magasin d’applications libres sur Android. Le processus est en cours actuellement.

Isabella Vanni : C’est peut-être intéressant de dire comment ça marche. En fait, la soirée de lancement de Gao&Blaze a eu lieu il y a quelques semaines, voire mois déjà, je ne sais plus.

Quentin Harada : On a fait le premier lancement officiel le 30 novembre.

Isabella Vanni : Le 30 novembre, ça remonte à 2021. On espérait vraiment que pour l’émission d’aujourd’hui le jeu soit disponible sur le magasin d’applications F-Droid, malheureusement il n’y est pas encore. Il est là !, comment dire, c’est probablement vraiment une question de quelques jours, mais il n’y est pas encore. Ça peut être l’occasion d’expliquer comment ça marche, comment on fait pour mettre une application sur F-Droid ? Je ne sais pas si Natalia souhaite en parler.

Natalia Calderón Beltrán : Je peux tout à fait vous en parler. Bien évidemment je n’ai pas du tout le bagage technique pour tout vous expliquer en détail. Il faut savoir que F-Droid, qui est donc ce magasin libre, d’applications libres pour Android, fonctionne comme beaucoup de projets de logiciels libres à savoir avec des bénévoles. Ce ne sont pas du tout les mêmes modalités de soumission que sur le Google Play. À ma connaissance, je ne pense pas qu’il y ait une énorme équipe salariée à F-Droid, donc forcément ça prend beaucoup plus de temps. Il y a un processus de contrôle pour vérifier que l’application qu’on soumet répond justement bien aux critères du logiciel libre et, en plus, s’il y a des fonctions qui sont indésirables ou pas. Le processus de tests de l’apk, donc du fichier qui contient le jeu, est beaucoup plus long que dans le Google Play.
À ce propos je pourrais aussi vous partager une petite anecdote. Quand on soumet une application pour le Google Play, il y a un certain nombre de caractéristiques qu’elle doit avoir, notamment une page où sont mises les conditions d’utilisation des données. Donc on se dit c’est marrant que Google Play soit si pointilleux pour ces questions-là. En réalité, on s’est rendu compte qu’on pouvait tout simplement mettre l’URL de n’importe quoi qui s’appelle « Conditions d’utilisation » et on aurait pu mettre des photos de chats, Google Play vérifie ça de manière automatique. Ce que nous avions pris pour du zèle et de l’attention à la protection des données, c’est simplement quelque chose qui se valide de façon mécanique avec une URL qui est mise.
Bien sûr, on ne va pas défendre le Google Play, mais on sait qu’il y a beaucoup d’applications qui sont soumises, j’imagine qu’à un moment ils doivent automatiser leur processus. Ce qui est intéressant c’est de savoir qu’en réalité il n’y a pas ce contrôle manuel qui est fait dans F-Droid. Donc sur F-Droid c’est forcément beaucoup plus long.

Isabella Vanni : Merci pour cette anecdote, pour ce retour d’expérience. On a dit comment faire. Dès que le jeu sera disponible sur F-Droid, bien évidemment nous l’annoncerons au cours d’une prochaine émission. Comment jouer c’est important, mais, on en a parlé, c’est aussi un projet participatif. Comment fait-on pour contribuer ? Quelles sont les modalités pour contribuer ? Quentin.

Quentin Harada : Il y a plein de modalités pour contribuer.
La première c’est tout simplement de jouer, de faire tourner un peu l’information, de proposer à des gens d’y jouer. Ce sera d’autant plus simple que c’est un jeu qui est gratuit, libre et respectueux de vos données, normalement ça lève quelques obstacles. En jouant ça permet aussi, quand vous finissez le jeu, de participer à notre recherche ce qui est quand même important. C’est une recherche qui est libre aussi, dont on va publier les résultats, évidemment ce sont des résultats anonymes.
L’autre manière de contribuer ça peut être d’apporter une contribution au code pour permettre de pérenniser le jeu dans le temps. On sait que les versions d’Android filent très vite, il en sort très régulièrement, un logiciel développé sur Android peut vite devenir obsolète, donc il y a tout un enjeu de maintenir le code, etc. Comme c’est un projet libre, notre code est évidemment disponible, il est sur GitLab qui est aussi une plateforme libre, pour le coup. S’il y a des personnes compétentes dans ce domaine ce serait intéressant de contribuer à sa pérennité pour que ce jeu devienne aussi une sorte de propriété collective et communautaire.

Isabella Vanni : On a parlé de jeu libre, de licence libre. Le site de La Boussole est sous licence libre aussi. Une personne avait remarqué que ce n’est pas le cas du site Gao&Blaze, je crois qu’il y a une clause NC, Non-Commercial. Je me permets de remonter une question : pourquoi ce choix vu que tout le reste est vraiment axé sur la licence libre ?

Quentin Harada : Le jeu est sous une double licence : la partie du code informatique est en AGPL [GNU Affero General Public License], une licence libre très utilisée pour le code informatique, et les contenus, donc les images, les graphismes, etc., sont sous licence Creative Commons Attribution et Partage à l’identique, donc sont bien sous licence libre. Au tout début, le jeu était avec une clause NC, Non-Commercial, parce qu’on ne voulait pas qu’il y ait de réutilisation commerciale du jeu. On pensait aussi que c’était une manière de le protéger contre une éventuelle prédation qui consisterait, en fait, à changer les icônes, à refaire le même jeu et puis le commercialiser. Mais bon ! De fait, quand on met la clause Non-Commercial, ça n’est plus une licence libre à proprement parler et, du coup, on a laissé tomber cette clause et on a tout simplement oublié de la retirer du site. Des fois les choix se font de manière assez inconsciente et passive. C’était suite à cette évolution.
Ce qui me permet de dire que s’il y a d’autres gens que ça intéresse de placer leur projet sous licence libre, souvent on peut avoir l’idée que les licences libres ne protègent pas trop de la prédation. En fait ce n’est pas forcément vrai. Des clauses existent, que ce soit dans la licence AGPL, etc., qui permettent vraiment d’empêcher qu’une autre entité reprenne votre projet, retire votre nom, mettre son logo à la place du vôtre. Il existe réellement des clauses pour protéger de ça et on n’est pas forcément obligé de recourir à la clause Non-Commercial par exemple dans les Creative Commons.

Isabella Vanni : Parfait.
Une petite expérience personnelle. J’ai joué au jeu et, au bout d’un moment, j’ai stagné, c’est-à-dire que j’ai compris qu’il y avait une deuxième partie qui devait arriver, mais je n’ai pas réussi à aller jusqu’au bout. Natalia m’a dit qu’il y a effectivement une deuxième partie et puis la Cat Scan. Probablement que je n‘avais pas finalisé certains jeux. Claire, as-tu réussi à arriver jusqu’au bout du jeu ?

Claire Divoy : Au tout début, la première fois que j’ai joué, je suis arrivée au bout avant d’avoir fini la première partie, donc j’ai eu la fin avant d’avoir fait... De nouveau, comme on le disait, c’est le bêta-test. Après, en le refaisant, j’ai pu voir que quand on fait plusieurs fois le jeu, à un moment on comprend ce qui déclenche la suite. Du coup j’ai pu arriver à faire toute l’histoire dans l’ordre, arriver à la deuxième partie puis à la fin.

Isabella Vanni : Natalia, je t’avais dit qu’une personne comme moi, qui n’est pas trop pratique de jeux, peut vite se décourager si elle ne trouve pas comment arriver à la deuxième partie. Tu m’avais dit, je crois, que vous aviez pris en compte cette possibilité et écrit, élaboré, développé une page pour donner des astuces mais sans trop dévoiler la trame. C’est bien ça ?

Natalia Calderón Beltrán : Oui, tout fait. C’est un retour que nous avons eu. Sans faire de l’âgisme, il y a des personnes qui jouent beaucoup et d’autres qui jouent un peu moins. Je le dis en connaissance de cause ; Quentin, Claire jouent beaucoup ; je pense que la dernière fois que j’ai joué à un jeu vidéo c’était probablement Tetris, donc je n’ai aucune expérience. C’est vrai que c’est important aussi de pouvoir dire aux personnes comment on joue à ce jeu quand elles n’ont pas l’habitude de jouer. En réalité, ce ne sont pas des consignes très longues. On les a rajoutées sur le site du jeu, gaoandblaze.org. Le conseil qu’on donne c’est vraiment de tester tous les Gao Games, de faire avancer les discussions en particulier avec Alex et Nikki, clin d’œil, mais on ne va pas spoiler davantage le jeu parce que l’idée c’est vraiment que les auditeurs et auditrices aient envie de le télécharger, jouent, sans qu’on spoile plus que ça. Après, sachez que si vous allez sur la page du jeu et que vous la lisez en long, en large et en travers, vous pourrez trouver certains des spoils. L’idée ce n’est pas qu’on vous gâche votre expérience de jeu.

Isabella Vanni : D’ailleurs, sur le site il y a des pages sur lesquelles il y a une espèce de cadenas où c’est marqué « ce n’est peut-être pas intéressant pour vous de lire tout de suite ces pages parce que ça peut trop dévoiler de l’histoire ». J’ai préparé l’émission, donc j’ai ouvert le cadenas, je suis allée voir et j’ai trouvé des ressources pédagogiques super bien faites. Vraiment ! Vous mettez aussi à disposition sur le site de Gao&Blaze des outils pédagogiques qui peuvent être super utiles à des enseignants, enseignantes, à des animateurs, animatrices dans un EPN [Espace public numérique]. J’étais un peu embêtée parce que je me disais « ces ressources sont super, mais, en même temps, elles sont derrière le cadenas, comment faire ? ». Peut-être prévoyez-vous de les mettre à disposition à un autre endroit ?

Natalia Calderón Beltrán : J’ai très envie de répondre à cette question pour une raison. On a fait un effort de produire des ressources, merci pour les compliments. En réalités Internet regorge de ressources super intéressantes pour savoir quoi faire pour mieux protéger ses données personnelles. Si on a les mises un peu sous cloche, donc derrière un cadenas en disant n‘y allez pas trop, c’est aussi parce qu’on croit à notre démarche. On croit qu’il faut jouer au jeu et ce n’est qu’après que la personne va être réellement prête à comprendre le contenu de ce qu’il y a là. On ne veut pas sauter les étapes pour faire de la sensibilisation. On ne veut pas aller directement aux ressources pour savoir quoi faire, mais vraiment laisser que les personnes puissent, très progressivement, jouer et ensuite, d’elles-mêmes, aller chercher ce qui les intéresse de manière progressive, de manière lente. On veut vraiment éviter le syndrome de l’indigestion, à savoir que bim !, les personnes tombent sur un énorme bottin de choses à faire et finalement elles se disent « hou, là, là, il y a trop de choses à faire, je me décourage et je laisse tomber ! ». C’est vraiment le travers qu’on a voulu éviter à tout prix. Les ressources sont là pour que les gens puissent faire le premier petit pas possible, vraiment à leur vitesse, sans urgence, sans pression et sans l’idée qu’il faut tout faire ou tout laisser tomber. On veut vraiment se laisser le temps, tout faire de manière progressive.
Ça répond aussi à ce que nous avons fait, aussi bien Quentin que moi ne sommes pas nés avec un téléphone avec une custom rom, c’est-à-dire un Android personnalisé, sans Google. On a vraiment pris le temps, on a fait des compromis à certains moments. Des fois on peut utiliser des services qui ne sont pas tout à fait éthiques mais vraiment en connaissance de cause. C’est la démarche qu’on veut soutenir. On cherche à être le plus exemplaires possible, mais on comprend aussi que des fois il y a des choses qui peuvent être plus pratiques et on ne veut pas être dans une démarche de culpabilisation mais vraiment très progressive et d’accompagnement, pour que les gens adoptent les logiciels libres, protègent mieux leurs données personnelles, mais en douceur.

Isabella Vanni : Quentin, tu voulais ajouter quelque chose.

Quentin Harada : Dans le fond je pense que ces ressources, comme beaucoup de ressources qu’on peut trouver sur Internet, répondent à la question quoi faire et comment faire. Avant cette question il y a une qui est essentielle et à laquelle on essaye de répondre avec ce jeu, c’est pourquoi ? Pourquoi, quand j’estime que je n’ai rien à cacher, je me préoccuperais de ça ? En fait, c’est vraiment à ça qu’on essaye de répondre avec ce jeu. Pourquoi ça me peut concerner ? Pourquoi ça peut concerner n’importe quelle personne sur plein d’aspects de sa vie ? Je pense que c’est ça qui est très important.

Isabella Vanni : Pourquoi moi ?

Quentin Harada : Exactement. Pourquoi tout le monde même ?

Isabella Vanni : Surtout ne faites pas comme l’animatrice, n’allez pas regarder derrière le cadenas. Faites cette expérience de jeu qui est super chouette. Pour l’avoir faite je peux en témoigner.
Est-ce qu’il y a eu des retours vu que le jeu a déjà été lancé ? Est-ce que vous avez déjà des commentaires, des personnes qui vous écrivent ? Quentin.

Quentin Harada : On a eu des retours notamment de personnes impliquées dans la question de la sensibilisation qui nous ont dit que c’était intéressant, qu’en effet il n’y avait pas beaucoup de jeux, pas beaucoup d’approches comme ça. Ça fait plaisir parce qu’on a eu un accueil très positif des communautés libristes ou de protection de la vie privée qui nous ont dit « pas de souci on va relayer », même grâce à vous bien sûr. Ça nous a encouragés dans le fait qu’on espère viser juste. Maintenant l’enjeu c’est vraiment de le diffuser au maximum parce qu’on n’est pas une grosse multinationale du jeu vidéo, on n’a pas des moyens illimités, nous sommes des équipes plutôt petites à La Boussole. C’est vraiment grâce à la communauté, je pense, qu’on arrivera à faire tourner ça et à obtenir, on l’espère, un impact réel.

Isabella Vanni : Claire, est-ce que tu as passé le jeu à des personnes de ton entourage qui n’étaient peut-être pas encore sensibilisées ?

Claire Divoy : J’en ai parlé notamment à mon frère qui travaille en Belgique aussi sur la protection des données et ce genre de choses, mais je ne sais pas s’il a joué, il ne m’en a pas encore reparlé. J’en ai parlé autour de moi à toutes les personnes que je connais, mais jusqu’à présent je n’ai pas eu personnellement de retours des gens à qui j’en ai parlé.

Isabella Vanni : D’accord. Le temps file vite, c’est toujours le cas à la radio.
Je vous propose de passer au tour final, le mot de la fin. Quel message souhaitez-vous faire passer aux personnes qui nous écoutent, en moins de deux minutes si possible ? Je vais commencer par Natalia.

Natalia Calderón Beltrán : Mon message : allez sur gaoandblaze.org, jouez au jeu et diffusez-le le plus largement possible.

Isabella Vanni : En moins de deux minutes, même en moins de 30 secondes.

Natalia Calderón Beltrán : Deux minutes pour moi toute seule ! Je rajoute peut-être un autre élément, le jeu existe en trois langues : en français, en anglais et en espagnol. Vous pouvez même l’envoyer à vos copains, copines, amis qui parlent l’espagnol ou l’anglais.

Isabella Vanni : Super. On peut rajouter que contribuer à un logiciel ça peut vouloir dire non seulement coder mais aussi, par exemple, traduire.
Claire, est-ce que tu as un message à faire passer ?

Claire Divoy : Je voulais dire à peu près la même chose que Natalia, sur le fait de jouer. C‘est vraiment un jeu intéressant quel que soit son niveau en jeu vidéo. Je pense que ça plaît à tout le monde, il n’y a pas besoin d’avoir de prérequis. Pour ce qui est d’avoir peur d’être coincé, comme on l’a dit un peu tout à l’heure, plus on sera de joueurs plus il y aura une communauté de joueurs qui pourront aussi s’entraider. Je trouve que le jeu vidéo c’est aussi ça, aller voir les solutions des autres, sans tout dévoiler, mais pour avoir de l’aide de la communauté, autant pour faire la comm’ du jeu mais aussi pour que les joueurs se retrouvent et disent ce qu’ils ont aimé, ce qu’ils n’ont pas aimé, ce genre de choses.

Isabella Vanni : Ce qui me fait venir en tête une question qui, je pense, est intéressante. Est-ce que vous avez prévu un endroit où la communauté des vrais joueurs, pas les joueurs fictifs mais les vrais joueurs, pourront se retrouver ? Quentin.

Quentin Harada : Pour l’instant non, aussi parce qu’on n’a pas forcément tout ce qu’il faut pour assurer derrière en termes d’animation de communauté, etc. C’est quelque chose auquel on réfléchit, peut-être déployer un Discourse, quelque chose comme ça. A minima, pour le débogage, les gens peuvent aller sur GitLab, mais je ne dirais pas non plus que c’est un réseau social à proprement parler. On y réfléchit.

Isabella Vanni : Je vous remercie beaucoup pour avoir participé à notre émission, pour nous avoir présenté ce jeu mobile, pédagogique, pour sensibiliser à la protection des données personnelles. Dès qu’il est disponible sur F-Droid vous me tenez au courant comme ça on pourra l’annoncer.

Quentin Harada : Super. Merci.

Claire Divoy : Merci.

Natalia Calderón Beltrán : Merci beaucoup.

Isabella Vanni : Merci encore. Bonne continuation.
Nous allons maintenant faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Isabella Vanni : Après la pause musicale nous parlerons de l’association Exodus Privacy qui fournit des outils pour analyser les applications Android et lister les éventuels pisteurs.
Pour cette troisième et dernière pause musicale, je vous propose un titre un peu fou-fou, entre le pop et le jazz, que j’ai déniché par hasard sur le site bandcamp.com. C’est un morceau que je trouve très marrant, qui me met personnellement de bonne humeur. J’espère qu’il vous plaira.
Nous allons écouter Laughing Alone par Square People. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Laughing Alone par Square People.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Isabella Vanni : Nous venons d’écouter Laughing Alone par Square People, disponible sous licence libre Creative Commons, CC By 3.0.

[Jingle]

Isabella Vanni : Je suis Isabella Vanni. Nous allons passer au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Présentation d’Exodus Privacy, avec Lovis IX, président de l’association

Isabella Vanni : Nous allons poursuivre avec notre troisième et dernier sujet du jour. Nous allons parler de l’association Exodus Privacy qui fournit des outils pour analyser les applications Android et lister les éventuels pisteurs. Nous allons le faire avec le président et cofondateur de l’association, Lovis IX, qui participe à distance via l’outil libre d’audioconférence Mumble. Bonjour Lovis IX.

Lovis IX : Bonjour tout le monde. Vous m’entendez ou pas ?

Isabella Vanni : Je crois que oui. J’entends très bien.
Comme d’habitude on commence par une courte présentation personnelle. Lovis IX, j’étais un peu étonnée de ce pseudonyme, il y a sûrement une histoire hyper-intéressante à raconter dessus. C’est ça ?

Lovis IX : Oui, une histoire hyper-intéressante, mais on ne va pas refaire l’histoire du Moyen Âge, ce serait trop long, ça nous prendrait quelque chose comme mille ans, donc on va laisser tomber. J’ai juste été très impressionné par le livre de Georges Duby sur le sujet et sur le personnage lui-même, tout simplement.

Isabella Vanni : Je crois que sur le site de l’association Exodus Privacy, je ne l’ai plus sous la main, tu te définis aussi comme le roi de quelque chose. C’est ça ?

Lovis IX : Le roi des backups. Je crois que c’est ce dont on m’a affublé puisque je m’occupais, au départ, des backups et des serveurs dans l’association. Maintenant je fais plein d’autres choses et de moins en moins de l’infrastructure, c’est notre ami Codimp, qui est également secrétaire, qui s’en occupe le plus, mais je suis toujours les mains dedans.

Isabella Vanni : Du coup, je pense que c’est le moment de rentrer dans le vif du sujet. Qu’est-ce que c’est Exodus Privacy ? Quelle est cette association ?

Lovis IX : C’est une association de loi 1901, à but non-lucratif, dont le but est de sensibiliser le maximum de personnes non averties aux enjeux de la vie privée, exactement comme le jeu Gao&Blaze puisqu’ils utilisent nos données, forcément ils ont le droit. D’ailleurs félicitations à La Boussole pour son magnifique travail.
À partir de là, nous avons créé une plateforme qui permet à tout un chacun de présenter son application, l’application qu’il préfère, de la voir analyser en une minute ou deux, donc d’avoir le nombre de pisteurs, les permissions qu’elle contient et savoir si cette application est, du coup, vraiment utile ou pas ; est-ce qu’on peut s’en passer ? Est-ce qu’on trouvera une alternative ? Encore une fois, un peu comme dans le jeu Gao&Blaze, le but n‘est pas de donner les clefs, mais d’essayer d’inciter les gens à les trouver eux-mêmes : voilà comment ça se passe, à vous de réfléchir. Est-ce que vous êtes d’accord avec ça ? Est-ce que vous avez vraiment besoin de cette application ? Quelqu’un qui se rend compte que son application de suivi de diabète contient des pisteurs ne peut pas s’en passer, c’est vital pour lui, il ne peut pas faire autrement. Par contre, une lampe de poche qui demande l’accès à mes contacts, est-ce que c‘est normal ? Toute la question est là, c’est à chacun de se poser ces questions.

Isabella Vanni : Merci pour ces exemples très concrets.
Avant que l’association Exodus Privacy soit créée, avant que cette application soit rendue disponible, il n’y avait, en fait, aucun outil pour constater cela. À la limite il fallait essayer de demander. On n’avait pas le choix en fait ! C’est vraiment un besoin que vous avez satisfait.

Lovis IX : En fait, toutes les informations sont sur le Google Play. Chaque description d’application a ces informations, il faut juste savoir les décoder. Ce n’est pas forcément évident et on n‘a pas forcément le temps non plus. Effectivement, nous sommes arrivés là avec un outil simple à utiliser, qui nous donne un résultat rapidement pour toutes les applications qu’on veut et toutes les applications dont les gens ont demandé l’analyse précédemment puisqu’on a plus de 120 000 applications dans la base de données et plus de 200 000 rapports. Donc l’application qu’on cherche est peut-être déjà analysée et, si elle ne l’est pas, on l’analyse et on a la réponse tout de suite, ou presque.

Isabella Vanni : 120 000 applications déjà analysées. Comment ça se passe ? Il y a des personnes qui vous indiquent, qui vous signalent des applications ? Vous faites une veille des applications qui sortent sous Android ? Comment décidez-vous quelles applications étudier ?

Lovis IX : Nous ne décidons absolument rien. Ce sont les utilisateurs qui vont sur la plateforme qui se disent « tiens, il y a une nouvelle application qui m’intéresse, combien contient-elle de pisteurs ? Je vais aller demander à la plateforme Exodus. ». On rentre l’URL donnée par Google Play et dix secondes après on a la réponse, tout simplement. Nous ne choisissons pas. Ce sont les gens qui choisissent. La seule chose que nous « choisissons », entre guillemets, c’est le fait que l’application soit gratuite, parce qu’on n’a pas les moyens de l’acheter pour pouvoir l’analyser nous-mêmes, ça nous coûterait énormément d’argent et on n’a pas, non plu, des moyens extraordinaires.

Isabella Vanni : On va parler tout de suite de ça. Quel est le modèle financier de l’association ? Est-ce que vous êtes en mode bénévole, salarié, mixte ? Comment financez-vous vos actions ?

Lovis IX : Nous sommes uniquement bénévoles, toutes et tous. Nous donnons notre temps supplémentaire, le temps que nous ne passons pas à dormir, manger, travailler et s’occuper de notre famille, à l’association. Nous sommes financés uniquement par les dons, même si on a eu quelques partenariats avec des institutions prestigieuses comme le ministère de l’Éducation nationale qui nous a demandé de lui installer une instance privée et qui nous a rémunérés pour ça. Sinon ce sont les dons qui sont notre moteur principal avec l’énergie des bénévoles.

Isabella Vanni : Et j’en déduis que vous souhaitez rester comme ça.

Lovis IX : Tout a fait. On est très bien comme ça. On cherche des bénévoles toujours, tout le temps, comme tout le monde. Il n’y a pas besoin d’avoir de bagage technique, ce n’est pas nécessaire. On trouvera quelque chose à vous faire faire et à vous apprendre si vous avez envie d’apprendre. On est toujours prêt à aider les autres à s’impliquer dans l’association.

Isabella Vanni : C’est important de préciser qu’il n’y a pas besoin de bagage technique parce que moi, par exemple, bien évidemment j’avais entendu parler d’Exodus Privacy, je crois même l’avoir installé, pas forcément encore utilisé ; en fait j’avais en tête une équipe de geeks, de techniciens et de techniciennes qui mettaient à jour l’application et je n’avais pas beaucoup de choses à faire là-dessus. Et là tu dis que c’est pour tout le monde, tout le monde peut participer. Peut-être peux-tu donner un cas concret pour donner envie ?

Lovis IX : Le cas concret le plus simple c’est celui de notre ancienne présidente, MeTal_Pou, qui est arrivée après six mois d’existence de l’association, qui était à l’époque médiatrice en médiathèque, qui n’y connaissait absolument rien et qui, au bout de six mois, est devenue présidente, a monté petit à petit les échelons, est devenue de plus en plus technique en faisant des choses qu’elle n’imaginait même pas faire au départ ; finalement elle s’y est mise parce qu’on l’a aidée, on l’a épaulée, on lui a fait la courte échelle et tout s’est bien passé. J’espère qu’elle retire une bonne expérience de tout ce qu’on lui a appris.

Isabella Vanni : Parfait. Le temps file vite, je jette toujours un coup d’œil à l’heure. Je sais que vous avez un gros projet, une grosse actualité en ce moment dont tu souhaitais nous parler, il s’agit d’un test de kit pédagogique. On aimerait bien en savoir plus. Je te laisse la parole.

Lovis IX : Tout à fait. MeTal_Pou, justement, a initié la mise en place d’un kit pédagogique pour les médiateurs et les médiatrices en médiathèque et partout, même médiateurs et médiatrices numériques. On cherche des personnes pour bêta-tester ce kit dans des cadres réels, pour savoir où on s’est plantés, où on a bien fait, et corriger le tir avant de mettre en place la version finale. N’hésitez pas à nous écrire, contact chez exodus-privacy.eu.org et on transmettra à MeTal_Pou qui sera ravie de vous répondre. Ou alors vous allez sur le site de l’association, exodus-privacy.eu.org, dans les billets de blog, le tout dernier en français, vous avez un formulaire de contact pour pouvoir ensuite être contacté par MeTal_Pou, pour pouvoir tester ce kit pédagogique qui vous attend les bras ouverts.

Isabella Vanni : Je me charge d’ajouter ces références, les pages où vous pouvez trouver les adresses de contact pour faciliter la mise en relation.
Quand on entre sur le site d’Exodus Privacy il y a trois choses :
il y a la présentation de l’application, que vous pouvez télécharger sur votre mobile et qui vous permet, en quelques minutes, de faire l’analyse, de voir quels pisteurs sont sur vos applications ;
il y a une plateforme, c’est-à-dire qu’on peut demander directement sur le site de l’association de donner un rapport sur une application ;
il y a aussi des ressources pédagogiques. Tu veux peut-être en parler ?

Lovis IX : On trouve effectivement l’application actuellement sur F-Droid. Contrairement à nos amis de La Boussole, on a plus de facilités à mettre sur F-Droid qu’à mettre sur Google Play. Notre application a été retirée du Google Play pour des raisons juridiques et on a du mal à la remettre, mais on va y arriver, ne vous inquiétez pas, ça vient, ça urge.
Il y a la plateforme, report.exodus-privacy.eu.org, qui permet de soumettre une application à l’analyse et il y a effectivement les ressources pédagogiques.
Une fois que je sais que je suis pisté, qu’est-ce que je peux faire pour réduire mon empreinte de pistage ? Est-ce que j’ai besoin de l’application de La Poste qui va me donner les horaires de la poste la plus proche de chez moi et où se trouvent les boîtes aux lettres et qui va envoyer mes données à Amazon, à Google, à Apple, tout ça pour une boîte aux lettres ? Est-ce bien sérieux ? Encore une fois c’est à chacun de voir son usage. Quelqu’un qui cherche la boîte aux lettres la plus proche tout de suite, effectivement on peut comprendre qu’il en ait besoin. Peut-être pourra-t-il la désinstaller juste après, je ne sais pas, c’est à voir. On a effectivement aussi des ressources pédagogiques sur le site et le blog qu’il faut lire de temps en temps, parce qu’on ne publie pas souvent non plus, il faut le reconnaître.

Isabella Vanni : Le temps file. Malheureusement le sujet se termine. Je remercie vraiment beaucoup Lovis IX d’avoir présenté Exodus Privacy. Je remercie tous les bénévoles, toutes les bénévoles qui participent à ce projet, qui nous permettent de nous outiller pour en savoir effectivement plus sur nos pratiques. Je souhaite une bonne continuation à tous vos projets. Merci beaucoup.

Lovis IX : Merci Beaucoup. Merci à vous et merci à toute l’équipe pour sa gentillesse.

Isabella Vanni : Merci.
Nous approchons de la fin de l’émission. Nous allons terminer par quelques annonces.

[Virgule musicale]

Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre

Isabella Vanni : Le samedi 5 mars a commencé la 21e édition de l’initiative de l’April Libre en Fête. Pour accompagner l’arrivée du printemps, chaque année autour du 20 mars des événements de découverte du logiciel libre et de la culture libre en général sont proposés partout en France dans une dynamique conviviale et festive. L’édition 2022 de Libre en Fête a lieu du samedi 5 mars, comme je vous ai annoncé tout à l’heure, jusqu’au dimanche 3 avril. Vous pouvez consulter le site libre-en-fete.net pour trouver des événements près de chez vous, notamment des ateliers d’initiation à un logiciel ou à un service libre, mais aussi des projections de films libres ou sur le Libre, des fêtes d’installation, de la cartographie participative, des ateliers pour apprendre à mieux protéger son intimité sur Internet, dont on a justement parlé lors de cette émission, des soirées d’échange autour des enjeux de l’informatique libre et plus encore. Il est encore temps, bien sûr, de proposer des événements dans le cadre de cette initiative. J’en profite pour remercier très chaleureusement toutes les personnes et les organisations qui l’ont déjà fait.
Mardi 22 mars, à quelques jours de l’assemblée générale de l’April et pour célébrer les 25 ans de l’association, nous allons réaliser une nouvelle émission spéciale « Au cœur de l’April ». À cette occasion nous aimerions beaucoup pouvoir lire en direct vos témoignages et vos retours : comment vous avez connu l’April, votre découverte de Libre à vous !, si vous avez un souvenir fort, que ce soit en lien avec l’émission ou avec l’association. Tout cela nous intéresse. Vous pouvez nous envoyer ces témoignages d’amour via le formulaire de contact que vous trouverez sur le site de l’émission ou directement par courriel à boujour chez libreavous.org.
Comme d’habitude, je vous invite à consulter le site de l’Agenda du Libre, agendadulibre.org, pour trouver les autres événements en lien avec le logiciel libre près de chez vous.

Notre émission se termine.
Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission de ce jour : Isabelle Carrère, Natalia Calderón Beltrán, Quentin Harada, Claire Divoy, Lovis IX.
Aux manettes de la régie aujourd’hui mon collègue Frédéric Couchet.
Merci également aux personnes qui s’occupent de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang1, bénévoles à l’April, et Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio.
Merci aussi à Quentin Gibeaux, bénévole à l’April, qui découpera le podcast complet en podcasts individuels par sujet.

Vous retrouverez sur notre site web, libreavous.org, toutes les références utiles ainsi que sur le site de la radio,mcausecommune.fm.
N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu mais aussi des points d’amélioration. Vous pouvez également nous poser toute question et nous y répondrons directement ou lors d’une prochaine émission. Toutes vos remarques et questions sont les bienvenues à l’adresse contact chez libreavous.org.

Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission. Si vous avez aimé cette émission n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et également à faire connaître la radio Cause Commune, la voix des possibles.

La prochaine émission aura lieu en direct mardi 15 mars 2022 à 15 heures 30. Notre sujet principal portera sur Tracim, logiciel libre d’aide à la collaboration d’équipe.

Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 15 mars et d’ici là, portez-vous bien.

Générique de fin d’émission : Wesh tone par Realaze.