Émission Libre à vous ! diffusée mardi 29 mars 2022 sur radio Cause Commune


Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Les grandes entreprises de services du numérique et le logiciel libre, c’est le sujet principal de l’émission du jour avec les exemples d’Atos et de Sopra Steria. Avec également au programme la chronique d’Isabella Vanni sur les Journées du Logiciel Libre de Lyon qui se dérouleront ce week-end, les 2 et 3 avril 2022, et également la chronique de Luk, en fin d’émission, sur la reconnaissance faciale.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.

Nous sommes mardi 29 mars 2022, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

Derrière mon micro, je suis Frédéric Couchet, délégué général de l’April.
Derrière la vitre, avec ses doigts agiles il égalise les volumes, il active les micros, il balance les sons et si cette émission est agréable à l’écoute c’est grâce à lui, mon collègue Étienne Gonnu. Bonjour Étienne.

Étienne Gonnu : Salut Fred.

Frédéric Couchet : Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « Le libre fait sa comm’ » d’Isabella Vanni, coordinatrice vie associative et responsable projets à l’April sur les Journées du Logiciel Libre de Lyon prévues les 2 et 3 avril 2022

Frédéric Couchet : Parler d’actions de type sensibilisation menées par l’April ou par d’autres structures, annoncer des événements libristes à venir avec éventuellement des interviews de personnes qui organisent ces événements, c’est la chronique « Le libre fait sa comm’ » de ma collègue Isabella Vanni qui est coordinatrice vie associative et responsable projets à l’April et qui est en face de moi dans le studio. Le thème du jour : les Journées du Logiciel Libre de Lyon qui se tiennent les 2 et 3 avril 2022. Je te laisse la parole Isabella.

Isabella Vanni : Merci Fred. Bonjour à nos auditrices et nos auditeurs.
Les Journées du Logiciel Libre de Lyon, événement annuel majeur autour des libertés informatiques en France, reviennent le week-end des 2 et 3 avril, le week-end prochain, après deux éditions annulées pour cause de covid et c’est une très belle nouvelle. Nous allons vous présenter plus en détail cet événement, notamment l’édition de cette année, avec notre invité, Stéphane Parunakian, qui est membre du comité d’organisation des Journées du Logiciel Libre. Stéphane intervient normalement à distance via l’outil d’audioconférence libre Mumble, On va vérifier de suite qu’il est bien avec nous. Bonjour Stéphane.

Stéphane Parunakian : Bonjour Isabella.

Isabella Vanni : Je t’entends très bien. Bonjour. C’est une bonne nouvelle ! Les libristes connaissent très bien les Journées du Logiciel Libre, autrement appelées JDLL avec leur acronyme, mais ce n’est pas forcément le cas de toutes les personnes qui nous écoutent. Stéphane pourrais-tu, s’il te plaît, présenter les Journées du Logiciel Libre de Lyon ?

Stéphane Parunakian : Oui, bien sûr. C’est un événement qui dure sur un week-end, là en l’occurrence le week-end prochain, qui se passe dans une MJC et qui a pour but de proposer un certain nombre de conférences, d’ateliers, de stands autour du logiciel libre avec des interventions qui sont destinées soit au grand public soit à des personnes plus techniques, donc il y en a à peu près pour tout le monde. C’est un événement qui existe depuis une vingtaine d’années et qui réunit plus de 1000 visiteurs chaque année.

Isabella Vanni : Je disais tout au début que deux éditions des Journées du Logiciel Libre ont dû être annulées pour cause d’épidémie de covid, en 2020 et en 2021. J’imagine que ça a dû être très dur à vivre pour l’équipe d’organisation, d’autant plus que la plupart des personnes qui organisent cet événement le font à titre bénévole, c’est important de le préciser. Stéphane, qu’est-ce que ça fait de pouvoir annoncer qu’une édition aura finalement lieu ?

Stéphane Parunakian : Ça fait très plaisir. Effectivement les éditions 2020 et 2021 n’ont pas eu lieu alors qu’on les avait quasiment terminées. Le premier confinement a commencé 15 jours avant la date des JDLL 2020, donc beaucoup de travail jeté à la poubelle. En plus, on a des gens qui nous ont rejoints fin 2019 dans l’organisation, qui est effectivement composée essentiellement de bénévoles, donc c’est la troisième édition sur laquelle ils travaillent et ils n’ont pas encore eu l’occasion de voir leur travail se concrétiser.

Isabella Vanni : Ces personnes-là ne se sont pas découragées, elles sont restées pendant toutes ces éditions.

Stéphane Parunakian : Oui. C’est sûr que pour ça il a fallu un peu de courage et un peu de folie parce qu’on s’est lancés pour la troisième année de suite en se demandant si ça allait aboutir à quelque chose et on est quand même contents que ça aboutisse à quelque chose.

Isabella Vanni : Depuis plusieurs années les JDLL, les Journées du Logiciel Libre, ont lieu, tu l’as rappelé, à La Maison pour Tous, Salle des Rancy, à Lyon. Il s’agit d’une MJC, maison des jeunes et de la culture, de ce fait elle cible particulièrement les jeunes, mais elle est bien sûr ouverte à tout le monde, ce qui a son importance pour un événement comme celui des Journées du Logiciel Libre, n’est-ce pas Stéphane ?

Stéphane Parunakian : Oui. Pour nous c’est vraiment quelque chose d’important. Il y a plus de dix ans les JDLL se déroulaient sur un campus universitaire et ça ne permet pas du tout de toucher le même public. Là on était justement sur un événement qui était plus à destination de personnes qui baignent déjà dans l’informatique et dans le logiciel libre. Le fait d’être dans une MJC ça permet de toucher un public beaucoup plus vaste et d’avoir un programme beaucoup plus varié, qui permet de toucher aussi bien les personnes férues d’informatique comme les personnes qui viennent en famille parce qu’il y a aussi des activités pour les enfants, pour permettre aux enfants de jouer à des jeux vidéo libres, de tester des logiciels libres et de commencer à s’initier à l’informatique justement avec du logiciel libre.

Isabella Vanni : C’était en effet ma prochaine question : qu’est-ce qu’on trouve aux Journées du Logiciel Libre cette année ? Pourrais-tu nous dévoiler le programme ?, tu l’as déjà un petit peu anticipé. Il y aura des activités ludiques pour les enfants, ce qui fait des Journées du Logiciel Libre un événement adapté à toute la famille finalement. Et quoi d’autre ?

Stéphane Parunakian : On a des conférences, une soixantaine de conférences autour de pas mal de sujets, donc ce serait impossible de tout lister. Globalement le programme exhaustif se trouve sur le site des JDLL. Si je ne me trompe pas l’April est présente avec plusieurs interventions.

Isabella Vanni : Je confirme ! On le dira plus précisément dans les annonces finales de l’émission.

Stéphane Parunakian : Parfait. On a des associations qui viennent présenter des projets qu’elles ont. On a par exemple la Métropole de Lyon qui vient présenter toute sa démarche autour de l’open data et de l’open source. On a un documentaire qui va être projeté, qui s’appelle LOL – Logiciel libre, une affaire sérieuse, qui a pour objectif de présenter les enjeux du logiciel libre au grand public. On a des interventions autour de l’écologie. On a des sujets beaucoup plus techniques. Bref ! Il y a beaucoup de choses.
On a aussi des ateliers pour permettre aux visiteurs de pratiquer, avec des intervenants, devant des ordinateurs.
On a des choses qui sont très techniques et des choses qui le sont un peu le moins. Il y a par exemple de l’initiation à la programmation et enfin on trouve beaucoup de stands. On a la chance d’avoir à disposition un gymnase dans lequel on a une quarantaine de structures qui viennent présenter leurs projets, que ce soit des associations, des entreprises, avec qui il est possible d’échanger tout au long du week-end puisqu’elles seront là tout le week-end.

Isabella Vanni : Donc des conférences et des ateliers pour tous les goûts, plus techniques, plus grand public. Il y aura aussi une install-partie, n’est-ce pas ? Je te laisse expliquer ce qu’est une install-partie à notre public.

Stéphane Parunakian : On aura une salle dédiée à l’install-partie pendant tout le week-end. Le principe de l’install-partie c’est que les visiteurs peuvent venir avec leur ordinateur et on a des bénévoles qui vont pouvoir les accompagner pour passer sur du logiciel libre, pour voir si des logiciels qu’ils utilisent au quotidien et qui ne sont pas libres peuvent être remplacés par des logiciels libres. L’objectif c’est de les accompagner là-dedans, qu’ils puissent avoir un moment d’échange avec des bénévoles qui ont des compétences sur le sujet et qu’ils puissent ensuite repartir avec un ordinateur avec moins de logiciels propriétaires et avec plus de logiciels libres. J’en profite pour dire qu’il y a généralement des interventions de ce genre toute l’année à la Maison pour Tous, ce qui permet aussi d’assurer le suivi des personnes qui sont venues aux JDLL pour basculer dans le monde du Libre et qu’elles ne se retrouvent pas abandonnées pendant un an jusqu’aux prochaines JDLL ou pendant trois ans, en l’occurrence, comme on a pu le voir ces dernières années.

Isabella Vanni : C’est important de dire qu’il y a un lien très fort entre la Maison pour Tous, Salle des Rancy, et le logiciel libre, il y a vraiment une programmation très riche pendant toute l’année.
Avez-vous prévu la possibilité d’assister aux conférences à distance ? Je pose la question parce que l’épidémie, hélas, ce n’est pas sûr qu’on en soit vraiment à la fin, donc je me demandais s’il y a éventuellement des possibilités de participer aussi à distance de quelque façon.

Stéphane Parunakian : Pour les JDLL, malgré le contexte, on privilégie le présentiel. L’année dernière on a essayé de faire une édition en ligne, mais on se rend compte qu’on n’est pas bons pour ça. En tout cas une partie des conférences sera diffusée en direct sur Internet, les informations seront mises sur le site des JDLL.

Isabella Vanni : On va d’ailleurs le donner tout de suite, c’est très simple, jdll.org.

Stéphane Parunakian : Oui. Merci. En tout cas la quasi-totalité des interventions pourra être retrouvée en ligne, après l’événement, une fois qu’elles auront pu être montées, puisque quasiment toutes les interventions seront filmées, en tout cas quasiment toutes les conférences. Il y a une captation de toutes les conférences. Pour ce qui est des ateliers et des ateliers pour enfants ce n’est pas le cas parce que ça ne présente pas d’intérêt, en tout cas les conférences seront quasiment toutes filmées.

Isabella Vanni : 60 conférences ! Je vous laisse imaginer le travail énorme pour ce qui est de la logistique, trouver les intervenants. Je sais qu’il y a un remboursement de frais pour nombre d’entre eux et d’entre elles. D’ailleurs c’est important de dire aussi que les JDLL c’est le fruit d’un travail majoritairement bénévole, que l’événement est gratuit. Comment le financez-vous ? Il est encore temps de contribuer, il y a moyen de vous aider ?

Stéphane Parunakian : On le finance de trois manières différentes.
On a des associations qui aident à l’organisation et qui participent au budget.
On a des sponsors qui sponsorisent l’événement, d’ailleurs merci à eux, la liste complète est sur le site des JDLL.
Et enfin on a une campagne de financement participatif qui est accessible, là encore, depuis le site des JDLL à laquelle tout le monde peut participer et même avoir, en contrepartie, quelques goodies.

Isabella Vanni : Je crois qu’il y a une date limite pour faire un don. C’est bien de le dire comme ça les personnes se précipitent pour aider.

Stéphane Parunakian : Je ne l’ai plus en tête mais ça doit coïncider, ça doit être cette semaine ou la semaine prochaine.

Isabella Vanni : D’accord. Je pense qu’on a fait le tour au moins des questions les plus importantes. Est-ce que tu souhaites ajouter quelque chose, Stéphane, auquel peut-être on n’aurait pas pensé ?

Stéphane Parunakian : Oui, un petit détail. C’est effectivement fait essentiellement par des bénévoles et on est toujours à la recherche de bénévoles. S’il y a des personnes qui ont envie de s’engager pour organiser l’édition 2023 des JDLL, on aura l’occasion de communiquer autour de ça en septembre/octobre, elles sont les bienvenues dans l’organisation. Qu’elles n’hésitent pas à nous suivre sur les réseaux sociaux et sur notre site pour avoir plus d’informations quand on commencera l’organisation de cette édition.

Isabella Vanni : Pour l’instant sachez qu’il y a l’édition de cette année. On répète les dates : les 2 et 3 avril à Lyon à la Maison pour Tous, Salle des Rancy. Vous trouvez tout le programme sur jdll.org.
Merci beaucoup Stéphane d’avoir été avec nous et bonnes JDLL.

Stéphane Parunakian : Merci Isabella.

Frédéric Couchet : Merci Isabella et Stéphane Parunakian de l’organisation des Journées du Logiciel Libre de Lyon, jdll.org, qui auront lieu à Lyon les 2 et 3 avril 2022. Pour certaines conférences diffusion en direct et ensuite les vidéos seront disponibles. Merci Isa.
Nous allons faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Après la pause musicale nous parlerons des grandes entreprises de services du numérique et le logiciel libre.
Lors des Journées du Logiciel Libre de Lyon, dont on vient de parler, il y aura samedi 2 avril, à 17 heures, un concert de KPTN. KPTN c’est le nom d’artiste de l’informaticien libriste Clément Oudot. Nous avons déjà diffusé des titres de KPTN. Je vous renvoie aussi à l’émission 96 pour une interview avec lui, sur le site libreavous.org/96. En attendant nous allons écouter Le musée d’air contemporain par KPTN. On se retrouve dans trois minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Le musée d’air contemporain par KPTN.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Le musée d’air contemporain par KPTN, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC By SA.

[Jingle]

Frédéric Couchet : Nous allons passer au sujet principal.

[Virgule musicale]

Les grandes entreprises de services du numérique et le logiciel libre avec Gilles Lehoux responsable de l’entité Open Source d’Atos et François Bessaguet, directeur technique groupe de Sopra Steria

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui va porter sur les grandes entreprises de services du numérique et le logiciel libre. Nos invités du jour sont Gilles Lehoux, responsable de l’entité Open Source d’Atos. Bonjour Gilles.

Gilles Lehoux : Bonjour Frédéric. Bonjour à tous.

Frédéric Couchet : Et François Bessaguet, directeur technique groupe de Sopra Steria. Bonjour François.

François Bessaguet : Bonjour Frédéric.

Frédéric Couchet : Notre sujet du jour va être, en gros, découpé en deux grandes parties. On va d’abord commencer par parler en général des entreprises de services du numérique pour que les gens qui nous écoutent découvrent un petit peu ce que c’est et peut-être les spécificités des grandes entreprises que vous représentez, qui sont peut-être dans le top 5 des entreprises, en tout cas en France ; vous donnerez le détail après.
J’invite les personnes qui nous écoutent à nous rejoindre sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat », ou sur le site libreavous.org.
Une première question, déjà, une présentation personnelle, rapide, de chacun de vous. On va commencer par François Bessaguet.

François Bessaguet : Donc François Bessaguet. Je suis directeur technique groupe depuis déjà 2015 sur Sopra Steria. J’ai travaillé pas mal sur des projets d’export, en Asie notamment. La société s’est transformée en 2015 et même depuis 2008, en remontant un petit peu, je pilote cette direction technique à la fois sur la France et sur le groupe et j’encadre les architectes, je sécurise aussi la production parce que les grandes entreprises comme les nôtres ont des responsabilités vis-à-vis des grands comptes pour lesquels nous travaillons. Aussi, effectivement, vis-à-vis de l’open source pour pousser toutes ces notions-là et pousser ces produits chez nos clients en fonction s’ils sont plus ou moins addicts à ces technologies et pour leur montrer qu’on fait effectivement de très belles choses avec du logiciel libre.

Frédéric Couchet : On rentrera dans le détail tout à l’heure. Gilles Lehoux.

Gilles Lehoux : Merci Frédéric. Je suis en charge de l’entité Open Source d’Atos comme tu l’as précisé. J’assure le pilotage de cette entité depuis quatre ans maintenant. Précédemment j’étais dans des activités autour de la direction des projets, des architectures, mais j’ai toujours été très proche, en étroite collaboration avec le monde de l’open source. J’ai rejoint Atos en 2015, qui avait racheté anaphore, l’entreprise dans laquelle j’étais depuis 2006, qui avait comme slogan « Architecte d’un monde ouvert », qui était une des premières grandes ESN impliquée fortement dans l’écosystème open source.

Frédéric Couchet : D’accord. On va faire la première partie. Je suppose que les personnes qui nous écoutent ne connaissent pas forcément le terme « entreprise de services du numérique », ESN ; peut-être que les plus anciens ont entendu parler ou se souviennent du terme « SS2I », société de services en ingénierie informatique. J’ai envie de vous poser une première question toute simple : qu’est-ce qu’une ESN, une entreprise de services du numérique. François Bessaguet.

François Bessaguet : Une entreprise de services du numérique c’est une entreprise qui va offrir des services du numérique, comme son nom l’indique et en fait plus que ça, c’est de la transformation digitale. On s’aperçoit effectivement que le monde bouge, le monde est de plus en plus autour des téléphones, autour de l’interaction on va dire dynamique avec les différents services qui peuvent être offerts par les grands groupes que nous servons.
Ce qu’on apporte à nos clients c’est effectivement cette transformation digitale, c’est-à-dire basculer du « monde d’hier », entre guillemets, vers les services de demain ; ça peut-être des banques, ça peut-être de l’aéroportuaire, ça peut être du transport. Avoir l’information immédiatement, mise à jour en temps réel, et leur apporter les services toujours plus facilement, de façon toujours plus fluide, avec les technologies du moment.

Frédéric Couchet : D’accord. Donc ce sont des prestations de services très larges, très variées.
Gilles Lehoux d’Atos, quelle est la typologie de ces prestations de services ?

Gilles Lehoux : Ça couvre vraiment toutes les parties de l’informatique. Ça va du conseil où nous allons aider notre client à trouver la meilleure solution par rapport à ses problématiques. On peut avoir différents types de clients, des clients qui sont très matures, qui ont déjà une idée très précise de ce qu’ils veulent, ou des clients qui sont vraiment dans la découverte complète et là on va les accompagner pour les aider en recueillant leurs besoins, en comprenant leurs problématiques, les accompagner dans les meilleures solutions.
Après cette phase de conseil on va avoir des phases de réalisation, donc des phases de définition préalables qui peuvent être accompagnées, précédées de notions de qu’on appelle maintenant des POC, proof of concept, c’est-à-dire des phases dans lesquelles on va expérimenter des technologies pour vérifier, avec le client, si cette technologie est bien adaptée à son contexte. Ça lui permet aussi de pouvoir évaluer différentes solutions entre elles, de permettre aux équipes de pouvoir manipuler, de pouvoir voir concrètement la solution avant de la généraliser.
Une fois cette phase de concept terminée, qui dure en général à peu près trois mois, on passe à des phases qu’on appelle build – on a beaucoup de termes anglo-saxons –, de construction dans lesquelles on va réaliser la prestation de projet, la délivrer, c’est-à-dire la mettre en service, puis l’exploiter et assurer son support. Donc les entreprises de services numériques vont accompagner des clients dans l’ensemble de ces activités, du conseil à la construction d’une solution, à son management, c’est-à-dire l’exploitation de cette solution, à son support.

Frédéric Couchet : Il y a aussi, je suppose, l’aspect de formation des personnes qui vont utiliser. François Bessaguet.

François Bessaguet : Oui, tout à fait. Il y a tout cet aspect formation, suivi, ce qu’on appelle aussi – comme disait Gilles, on a beaucoup de termes anglo-saxons – le change management, la gestion du changement à partir du moment on va sur le numérique, c’est-à-dire apprendre au client mais aussi à toutes les personnes qui travaillent pour lui à basculer vers ce nouveau monde, à avoir ces nouveaux outils et ne pas être complètement perdus, et ça se négocie. Il y a effectivement du conseil autour de tout ça pour pouvoir amener tous les utilisateurs, les futurs utilisateurs de ces systèmes-là à pouvoir les utiliser de façon optimale et surtout à les prendre en main.

Frédéric Couchet : D’accord. Une entreprise de services du numérique ça peut être une petite entreprise, voire une entreprise où il y a une personne, quelques personnes. Vous, votre spécificité, c’est-à-dire le sujet qu’on aborde aujourd’hui, ce sont les grandes entreprises de services du numérique. Avant qu’on rentre dans le détail des clients que vous avez, pour que les gens imaginent un petit peu ce que c’est, en quelques chiffres chacun, est-ce que vous pourriez nous présenter Sopra Steria et Atos à la fois en termes de chiffres d’affaires, de personnes intervenantes ? François Bessaguet pour Sopra Steria.

François Bessaguet : Nous sommes aux alentours de 50 000 répartis sur une trentaine de pays. On a un chiffre d’affaires qui tourne aux alentours de deux milliards <[Cinq milliards, Note de l’intervenant], si je me souviens bien, donc ce sont des chiffres conséquents et on a que des grands comptes en termes de clients.

Frédéric Couchet : Est-ce que tu peux définir ce qu’est un grand compte ?

François Bessaguet : Un grand compte c’est une grosse entreprise, ça peut-être Airbus, ça peut-être BNP Paribas, ça peut être SNCF, RATP, EDF, les grands ministères ; ça peut être Auchan, ça peut être Carrefour. On a tout le panel et on adresse, en termes de domaines métiers, quasiment toute la panoplie qui peut exister et qu’on peut voir tous les jours quand on interagit avec ces grandes sociétés qui ont effectivement un nombre de personnels important et qui apportent du service à tout le monde.

Frédéric Couchet : Atos en chiffres ? Gilles Lehoux.

Gilles Lehoux : Atos en chiffres, ce sont 110 000 personnes dans 73 pays. C’est 11 milliards de chiffre d’affaires, ce sont 12 000 employés en France. La spécificité d’Atos c’est qu’il y a une très forte capillarité en France, on a des antennes, des présences, on a des entités partout en France, à Bordeaux, Lille, Lyon.

Frédéric Couchet : Je suppose que c’est l’historique Bull.

Gilles Lehoux : Entre autres. Il y a eu plusieurs acquisitions dans la vie du groupe Atos. Cette implantation reflète aussi la diversité de ces acquisitions ce qui nous permet, justement aussi, d’avoir une force, la proximité avec nos clients qui, évidemment, ne sont pas qu’à Paris.

Frédéric Couchet : D’accord. François parlait des grands comptes. Est-ce qu’il y a une taille minimale de client ? Par exemple est-ce que vous allez répondre à des besoins d’une TPE, d’une PME ? À partir de quelle taille Sopra Steria ou Atos répondent ? Est-ce qu’il y a une typologie minimale de client ? François Bessaguet.

François Bessaguet : On va dire qu’il y a effectivement une typologie minimale de client. Après, c’est un peu difficile de savoir comment on peut la tailler. Le problème c’est qu’on est aussi sur des opérations qui sont, en général, relativement volumineuses, donc les TPE ne vont pas avoir accès à ce type d’opérations, elles ne vont pas les demander parce que, effectivement, ce n’est pas leur marché. On parle d’Airbus, de la SNCF, de la RATP, c’est de ce genre de niveau d’entreprise dont on parle.

Frédéric Couchet : D’accord. Même chose côté Atos ?

Gilles Lehoux : Oui. C’est aussi en adéquation au chiffre d’affaires du client, pas au sens de son chiffre d’affaires structurel, mais par rapport au business qu’il recherche. Nous fournissons des projets de dimension industrielle avec une grande exigence de qualité de services, d’engagement, et on parle souvent de projets de plusieurs millions d’euros. C’est sur ce type de projets qu’on va qualifier un peu les grands comptes puisque ce sont eux qui vont être en capacité d’avoir des demandes de ce type-là.

Frédéric Couchet : D’accord. Au niveau fonctionnement économique, c’est de la prestation de services principalement.

Gilles Lehoux : Pas uniquement !

François Bessaguet : Pas uniquement !

Frédéric Couchet : Justement la question : quels sont le ou les modèles économiques des grandes SS2I ? Gilles Lehoux d’Atos.

Gilles Lehoux : Il y en a plusieurs. Le principe même des grandes ESN c’est, la plupart du temps, de fournir des projets au forfait, c’est un des grands modèles. Le projet au forfait est un projet dans lequel on définit un tarif avec le client pour réaliser le projet dans les phases d’avant-vente, de définition d’offres et, à partir de là, l’entreprise est engagée à délivrer ce projet, peu importe le coût réel de la solution. On prend des engagements de délais pour un montant défini et c’est charge à notre entreprise de délivrer, dans les délais convenus, les projets. C’est un type de projet et c’est surtout sur ce type de projet-là qu’on va retrouver les grandes ESN comme nous parce que prendre des engagements comme ça sur des projets de plusieurs millions d’euros, etc., il faut déjà être en capacité de les mener à bien, avoir la qualité de services, être capable de réaliser ces types de prestation et avoir la dimension pour réaliser ces prestations. Ça c’est un type.
L’autre type de prestation est ce qu’on appelle l’assistance technique. Là on va plutôt être en accompagnement des clients en proximité, c’est-à-dire qu’on va mettre des collaborateurs.

Frédéric Couchet : C’est de la sous-traitance quelque part ?

Gilles Lehoux : C’est ce qu’on appelle un peu de la sous-traitance. Il y a deux modèles.
Il y a ce qu’on appelle les centres de services. Les centres de services ce sont des équipes qui vont être soit sur les sites du client soit sur les sites de Atos soit réparties, dans lesquels on va, comme le nom l’indique, rendre un service, qui sont pilotées par Atos et qui vont réaliser des prestations. La sous-traitance c’est plus un mode de management qui est piloté par le client où le collaborateur va être intégré dans les équipes du client pour réaliser un service donné.
Après il y a d’autres types de services. Par exemple Atos a la particularité d’être encore un des seuls constructeurs d’informatique en France. Nous sommes premier en Europe sur les supercalculateurs.

Frédéric Couchet : C’est l’historique Bull ?

Gilles Lehoux : C’est l’historique Bull, tout à fait, on a là-dessus un savoir très fort et on fait ce qu’on appelle des services managés. On fait de l’hébergement pour des clients. Les applications sont hébergées dans les centres d’hébergement d’Atos et ce sont les équipes d’Atos qui vont assurer l’exploitation de ces plateformes. C’est aussi un autre type de prestation.

Frédéric Couchet : OK. Sopra Steria, est-ce que c’est le même modèle économique ? Peut-être pas la partie matériel.

François Bessaguet : C’est en gros le même modèle. On va effectivement du consulting jusqu’à l’exploitation avec ce que disait Gilles, la partie qu’on appelle service managé, la partie build, la partie aussi projets au forfait qui est très importante, qui est quand même très emblématique de ce type de société parce que, pour les réaliser, il faut effectivement avoir les reins solides : on peut gagner beaucoup, mais on peut aussi perdre beaucoup. Il y a aussi tout ce qu’on appelle portfolio management c’est-à-dire la gestion des logiciels des entreprises. Prenez n’importe quelle grande entreprise dont on parlait, elle a des centaines voire 1000, 2000 logiciels qui tournent pour différentes fonctions dans l’entreprise et elle a besoin de quelqu’un pour un, venir maintenir ces logiciels de façon à ce qu’ils soient opérationnels quand elle en a besoin et très souvent 24/24 en fonction des clients, mais aussi pour les faire évoluer, pour ne pas les garder dans l’état où ils sont, pour les faire avancer dans la transformation du numérique. C’est un des modèles dans lequel Sopra Steria est aussi pas mal engagée, que ça soit pour les pousser vers le cloud puisque là il y a de grandes transformations en ce moment.
Donc le cloud, la transformation numérique, ce sont vraiment les choses vers lesquelles on arrive en termes de conseil, en termes de build, en termes de maintenance et d’exploitation pour pousser nos clients et pour les aider à aller plus loin sur ce chemin-là.

Frédéric Couchet : D’accord. Étienne regarde sur le salon web, il y a un petit problème en FM, mais on va continuer.
François, tu parlais de logiciels, ce sont des logiciels internes aux entreprises. C’est ça ?

François Bessaguet : Oui, tout à fait.

Frédéric Couchet : J’ai une question : est-ce que des sociétés comme Sopra Steria et Atos ont aussi un modèle de développement d’édition de logiciels ? Ou est-ce que, finalement, vous partez de logiciels qui existent et que vous adaptez éventuellement, que vous customisez ? Est-ce qu’il y a un atelier d’édition ?

François Bessaguet : Il y a effectivement une spécificité chez Sopra Steria, c’est qu’on est aussi éditeur de logiciels pour la banque, pour tout ce qui est immobilier et tout ce qui est ressources humaines. On édite effectivement des gros logiciels sur ces trois domaines. C’est une partie spécifique de Sopra Steria qui est « à côté » de l’ESN, entre guillemets. On va dire que c’est vraiment une des spécificités de Sopra Steria.

Frédéric Couchet : Et côté Atos, vous avez aussi ça ?

Gilles Lehoux : Comme pour François on a aussi des spécificités au sein d’Atos. Comme tu l’as dit c’est aussi l’historique de la vie d’Atos. Chez Atos on a une division qui est spécialisée autour de la sécurité, on a justement toute une gamme de produits qu’on a développés, qu’on a créés et qu’on commercialise sous la marque Atos. Comme je disais aussi précédemment il y a tous les super calculateurs, toute la partie informatique qu’on délivre. En termes applicatifs nous avons aussi quelques applications, mais nous sommes plus connus et reconnus sur la partie sécurité avec nos offres de sécurité ou de HPC [High Performance Computing] évidemment.
Le gros de l’activité sur les logiciels c’est quand même ce qu’on appelle le métier d’intégrateur, parce qu’une ESN c’est un intégrateur. Un intégrateur, comme son nom l’indique, va intégrer des composants techniques entre eux, c’est-à-dire qu’on va prendre des briques logicielles pour en constituer un produit. C’est là où il va y avoir toute la compétence de nos architectes, de nos experts, de nos solution managers. Lors de la phase d’avant-vente, quand on cadre le besoin du client, on va construire une solution et pour ça on va choisir les meilleurs composants techniques pour répondre aux besoins de ce client. Ces composants-là nécessitent des adaptations, nécessitent d’être interconnectés entre eux et puis, une fois qu’elle est conçue, il faut aussi que l’application s’intègre dans le SI, le système d’information de notre client. Il faut arriver, là aussi, à connecter cette application dans le système d’information du client et c’est là où l’intégrateur apporte toute sa valeur ajoutée, dans la constitution de l’application, dans son paramétrage, dans sa configuration, mais également dans son intégration, donc dans son « plugage » si on peut dire, dans son interconnexion avec le SI, le système d’information de nos clients.

Frédéric Couchet : D’accord. Gilles vient d’évoquer plusieurs métiers au sein d’une ESN. Autant je pense que les gens connaissent un peu le métier de développement logiciel, mais il a employé le mot architecte. Qu’est-ce qu’un architecte dans un système d’information ? Que fait un architecte ?

François Bessaguet : Il faut voir qu’il y a énormément de composants, Gilles parlait d’intégration. Des systèmes qui fonctionnent tout seuls maintenant, effectivement, ça n’existe plus. Les systèmes sont forcément interconnectés avec des systèmes existants et avec l’extérieur. Il va falloir forcément à un moment, en fonction du domaine métier du client, architecturer, c’est-à-dire prendre les bons composants, les mettre au bon endroit et c’est le rôle de l’architecte. On s’aperçoit en fonction par exemple d’une banque, d’un transport, de l’énergie, de Carrefour ou Auchan, que les systèmes sont différents parce qu’on n’attend pas les mêmes choses de ces systèmes d’information, on n’attend pas la même réactivité, on n’attend pas les mêmes volumes, les contraintes sont complètement différentes. C’est là où l’architecte va amener tout son savoir faire, prendre les bons composants, les poser là où il faut, les interconnecter de la bonne façon, de façon à ce qu’in fine on arrive à produire le bon résultat, que le client ait vraiment le résultat qu’il attend et que ça lui permette d’avancer dans son cœur de métier, typiquement le transport comme la SNCF, la RATP ou, chez Auchan, délivrer du produit et puis le vendre, faire la gestion des stocks et tous ces genres de choses ; chez les banquiers, tout ce qu’on peut effectivement imaginer qu’il peut y avoir dans une banque.
Le but, à la fin, c’est le bon système pour le client afin qu’il ait vraiment le résultat qu’il attend.

Frédéric Couchet : D’accord. Je viens de voir que ça revient en FM, nous présentons nos excuses pour le problème technique indépendant de notre volonté comme on dit dans ce cas-là, en plus c’est vrai, il y a sans doute un problème de diffusion, en tout cas sur le Web ça continue à diffuser. N’hésitez pas à nous rejoindre sur le salon web de l’émission, sur causecommune.fm, bouton « chat », salon #libreavous si vous avez envie de réagir ou de poser des questions à nos deux invités de Sopra Steria et Atos.
Là on a un petit peu mieux vu, je pense qu’on a un peu plus compris ce qu’est une entreprise de services du numérique, notamment effectivement ce métier d’intégration chez des grands comptes qui ont des problématiques particulières, qui ont un métier particulier. François, quand tu parles de volumes, on imagine bien que Carrefour, je ne sais pas combien il y a de magasins aujourd’hui, qu’il faut intégrer toute la compta, etc., c’est sans doute effectivement quelque chose d’assez monstrueux.
Pour l’instant on n’a pas encore parlé de logiciel libre, mais on va y venir un petit peu. Dans ce choix de composants, de logiciels que vous allez proposer, comment s’intègre le choix de logiciels on va dire privateurs, sur boîte, que vous allez intégrer, de développements internes ou à façon que vous pouvez faire pour votre clientèle et finalement les briques logicielles libres qui existent ? Comment s’intègre la stratégie au sein de vos entreprises aujourd’hui ? On va peut-être commencer par Sopra Steria. François.

François Bessaguet : Déjà ça dépend un peu des clients parce les clients sont des gros clients, ils ont un historique. Ils vont arriver, on va arriver dans leur environnement, ils ont des habitudes, ils ont des choses qu’ils utilisent déjà, on ne peut pas changer ça comme ça du jour au lendemain. On parlait de gestion du changement tout à l’heure c’est complètement lié à ça aussi. Ils ont des équipes qui vont pouvoir faire la maintenance de ces systèmes à un niveau d’exploitation. On ne peut pas basculer comme ça d’un type de logiciel à un autre. Par contre c’est effectivement aussi notre rôle de venir pousser les bonnes briques au bon endroit. On a une bonne connaissance, et de même Atos, de la qualité des logiciels libres sur certains composants spécifiques et, en général, on les pousse quand même relativement fort, bien que, en interne par exemple, on a aussi chez nous des solutions de briques, Axway par exemple, qui sont une autre partie d’édition de Sopra Steria, qui permet de mettre en avant un certain nombre de composants plus orientés sur tout ce qui est digital. Donc pousser en avant ces composants et puis aussi avoir l’habitude de les intégrer, puisque c’est ça derrière. Ce que les clients recherchent aussi c’est qu’on leur pousse le bon composant, mais le composant qu’on a l’habitude d’intégrer, qu’on a l’habitude de faire fonctionner, avec un rythme, des fréquences, des volumes qui sont spécifiques et on sait que ça va bien marcher. On ne va prendre n’importe quel produit au hasard en disant « sur l’étiquette il y a marqué que ça fait ceci ou cela et que ça va marcher ». Il faut vraiment qu’on ait une bonne expérience, une bonne connaissance des logiciels qu’on va intégrer de façon à ce que dans la solution finale ça fonctionne de façon optimale et on revient à ce que le client attend, c’est-à-dire un système qui a les bons temps de réponse, qui gère les volumes et qui lui permet de faire son travail tous les jours sans savoir de problèmes.

Frédéric Couchet : D’accord. Je vais laisser Gilles commencer à répondre et François répondra après : est-ce que le critère logiciel libre, au-delà de l’aspect qualité technique de l’outil, parce qu’on a bien compris que la qualité technique de l’outil importe, est un critère en faveur du choix du logiciel libre pour vos clients, pour votre développement ou pour votre intégration ? Ou est-ce que le fait que ce soit en logiciel libre ce n’est finalement pas si important que ça ? Je parle bien du fait que le logiciel libre soit une dynamique communautaire, contributrice, etc. Gilles Lehoux d’Atos.

Gilles Lehoux : Il y a l’aspect un peu philosophique, le militantisme du logiciel libre. Dans le monde de l’entreprise on a, on va dire, deux catégories de clients. On a le secteur public qui a des objectifs.

Frédéric Couchet : Et qui a surtout des devoirs.

Gilles Lehoux : Des attentes qui sont très spécifiques et il y a le monde du secteur privé.
Dans le secteur public, effectivement, ce sont les besoins, les engagements, ce que souhaite le client qui va plutôt tirer la solution technique, donc c’est ça qui va tirer un peu le logiciel libre. On voit bien aujourd’hui les enjeux qui tirent l’open source, typiquement c’est la souveraineté, c’est l’inter-connectivité, l’ouverture, c’est l’innovation. Pour des clients qui vont avoir comme challenge des problématiques très importantes autour de la souveraineté, typiquement le secteur public avec la protection des données, etc., on va plutôt se tourner vers des solutions open source, parce que dans l’open source la philosophie c’est justement que le code est ouvert donc il y a une transparence de la constitution du logiciel. À partir de ce moment-là on est capable de gérer le logiciel, on est capable de le maîtriser, on est capable de le faire évoluer, donc on prend une sorte de souveraineté. C’est ça qui va militer pour aller dans cette direction sur le secteur public.
Sur le secteur privé, on est plus dans une échelle économique.

Frédéric Couchet : Ce sont des questions de coût ? C’est dans ce sens-là ?

Gilles Lehoux : De coût, tout à fait. Là on a plus la notion de licensing par rapport aux solutions éditeur, de coûts de licence, qui va tirer, qui va être l’élément moteur pour aller dans les solutions privées.

Frédéric Couchet : On va bientôt faire une pause musicale, mais sur cette question-là, François Bessaguet de Sopra Steria.

François Bessaguet : On a effectivement une dichotomie entre les gros clients que sont les ministères du service public et le service privé. Cela dit, l’objectif du client in fine c’est quand même effectivement la performance et le temps de réponse en termes de support, je ne parle pas en temps de réponse du système lui-même, c’est-à-dire comment on va lui apporter la bonne solution au bon endroit et c’est ça qui va le déclencher. In fine, l’objectif du client ce n’est pas tellement la solution informatique, ce qu’il veut c’est que ça résolve son problème métier. Par exemple à la RATP il faut que les trains tournent et qu’il n’y ait pas d’arrêts ; la SNCF c’est pareil. On parlait des banques, on parlait des grandes entreprises comme Auchan, Carrefour, EDF, tout ça, c’est faire leur métier, donc qu’on leur apporte le bon composant. Nous pouvons parfois arriver sur des composants on va dire fermés, à source fermée, parce qu’il y a effectivement de très bons composants source fermée mais il y a aussi de très mauvais composants source fermée, comme il y a de très bons composants open source et il y a aussi de très mauvais composants open source. C’est à nous de faire le pendant et on se rend compte à chaque fois qu’à la sortie on ne donne pas au client un système informatique qui est pur sur du fermé ou pur sur de l’ouvert ; à chaque fois c’est un mix, il y a de tout. L’open source, de toute façon, se retrouve partout, on en retrouve sur les piles réseaux, sur ce genre de choses, mais aussi sur toutes les fonctions un petit peu périphériques qu’il peut y avoir et qui permettent de faire la maintenance du logiciel. Sur certaines grandes fonctions on retrouve aussi des logiciels libres qui ont, on va dire, pignon sur rue, qui sont vraiment bien installés, qui ont une belle visibilité, autant que des produits qui sont en source fermée, qui sont poussés par de très grands acteurs qu’on ne citera pas.

Frédéric Couchet : On peut les citer.

François Bessaguet : C’est IBM, Oracle, des choses comme ça qui ont aussi de très bons composants mais qui sont concurrencés.

Frédéric Couchet : Est-ce que tu peux citer un ou deux concurrents justement ?

François Bessaguet : Typiquement, sur de l’Oracle, on a du Postgres.

Frédéric Couchet : On va dire que c’est de la base de données.

François Bessaguet : Tout à fait, c’est de la base de données. Ce n’est pas forcément sur toutes les utilisations, mais sur certaines utilisations ils sont concurrents et cette concurrence est saine parce que ça permet de pousser un petit peu Oracle dans ses retranchements, la communauté Postgres pour essayer d’avancer. Il y a quelques années on s’est aperçu qu’ils avaient, par exemple quelques petites faiblesses. Maintenant ils sont revenus, ils sont arrivés à des choses plus performantes. Il y a vraiment une émulation, il y a cette philosophie derrière qui rajoute quand même un petit plus. Vis-à-vis de nos développeurs c’est vraiment un plus parce que ça apporte, quelque part, un supplément d’âme on va dire.

Frédéric Couchet : Juste avant la pause musicale, c’est un très bon terme. On parlera tout à l’heure des équipes internes, notamment du recrutement et du rôle que peut jouer la motivation pour le logiciel libre.
On va d’abord faire une pause musicale. C’est une pépite découverte sur le site auboutdufil.com. Evan Finchest est un youtubeur, musicien et producteur américain aujourd’hui installé à Taipei (Taïwan). Sur sa chaîne YouTube, il publie des vidéos dans lesquelles il filme sa propre réaction à l’écoute des nouvelles sorties musicales dans les genres pop punk, post-hardcore ou encore emo rap — ne me demandez pas ce que c’est. Bien que sa chaîne YouTube représente la majeure partie de son activité sur le web, il publie une à deux vidéos par semaine, Evan Finch n’est pas seulement un critique musical, il est également musicien, il chante, pratique la guitare et produit sa musique originale sur ordinateur. Nous allons donc écouter The Fugitive par Evan Finch. On se retrouve dans 2 minutes 30. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : The Fugitive par Evan Finch.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter The Fugitive par Evan Finch, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution.

[Jingle]

Frédéric Couchet : En introduction j’ai dit tout le bien que je pensais du réalisateur du jour Étienne. Ceci dit, nos invités sont tellement passionnants qu’on discutait encore hors antenne, pendant la pause musicale, on n’a pas remarqué qu’on avait repris, nous présentons nos excuses.
Nous poursuivons notre discussion qui porte sur les grandes entreprises de services du numérique avec François Bessaguet de Sopra Steria, Gilles Lehoux d’Atos. Juste avant la pause musicale François Bessaguet parlait d’un supplément d’âme avec le logiciel libre, notamment pour les équipes en interne. On va un petit peu poursuivre.
ESN c’est donc entreprise de services du numérique, c’est un terme qui a remplacé l’ancien terme SS2I, société de services en ingénierie informatique, quand je travaillais chez Cap Gemini, il y a 20 ans, c’est le terme qui était utilisé. Un autre terme s’est aussi développé depuis quelque temps, on va citer l’acronyme, ENL, entreprise du numérique libre. En gros ce sont des sociétés de services qui sont spécialisées dans le logiciel libre, qui sont plutôt de taille beaucoup plus réduite, ce sont plutôt des TPE, PME, la plus grosse doit peut-être avoir 200 ou 300 personnes et encore !, je ne sais pas, peut-être que Gilles me corrigera. Ces entreprises-là sont spécialisées dans le logiciel libre. La question naturelle qu’on peut se poser c’est quelle relation entretiennent les grandes ESN telles que Sopra Steria et Atos avec ces entreprises du numérique libre ? Qui veut commencer ? François Bessaguet de Sopra Steria.

François Bessaguet : Je peux commencer. Tu disais qu’il y avait les SS2I et avant il y avait les SS2L, les sociétés de services dans le logiciel libre. On a quand même beaucoup travaillé avec ces sociétés-là. Le positionnement d’une grosse entreprise comme Sopra Steria ou Atos c’est d’être généraliste. On arrive, on est capable d’aborder le système informatique dans son entièreté, de A à Z, du conseil jusqu’à la maintenance, l’exploitation, alors que les petites entreprises type ENL sont plus pointues sur un panel de logiciels beaucoup plus réduit, sur des fonctions plus réduites. Le rôle que nous avons c’est aussi de faire appel à elles pour dire « là on a une problématique, là on a quelque chose de spécifique » et là on va pouvoir faire appel à une ENL plus particulièrement pour pouvoir nous aider, en collaboration, à traiter le problème et à travailler. Ce ne sont pas vraiment les mêmes marchés, on ne se marche pas forcément sur les pieds, Gilles pourra le dire.

Gilles Lehoux : On est tous complémentaires.

François Bessaguet : Exactement. Jamais on n’a été mis en concurrence avec une ENL, ça n’existe pas ! On aborde des marchés qui sont énormes, on parlait tout à l’heure de millions, une ENL ne va pas aborder ce genre de marché parce qu’elle sait très bien que si ça se passe mal ça va être très compliqué, elle va mettre la clef sous la porte la plupart du temps. Alors qu’une grosse entreprise comme Sopra Steria, c’est sûr que ça ne va pas être forcément amusant, mais on va s’en sortir, donc on le fera. C’est aussi pour ça que le client vient nous voir, il sait que quoi qu’il se passe, quoi qu’il arrive, on fera le travail jusqu’au bout.

Frédéric Couchet : Si je comprends bien et après je poserai une question spécifique à Gilles Lehoux sur un marché particulier. Une ESN, grande ESN comme Sopra Steria, Atos ou une autre, peut se dire ponctuellement sur un marché qu’elle a gagné, un grand marché, sur lequel une entreprise de numérique libre ne peut pas forcément répondre, qu’elle va faire appel ponctuellement à une de ces entreprises si elle a une expertise forte sur ce métier, sur ce code-là, pour laquelle Sopra Steria n’a pas forcément cette expertise ou qu’elle veut s’appuyer sur quelqu’un qui est peut-être encore plus proche de la communauté justement pour pouvoir contribuer au code.

François Bessaguet : Tout à fait. Plus proche de la communauté, plus pointu. Ce n’est pas forcément que ponctuel, ça peut être sur une longue distance. Le but du jeu c’est de les faire travailler aussi là-dessus parce qu’il y a une vraie reconnaissance de la part des grosses ESN de l’apport technologique et technique de ces petites entreprises sur un certain nombre de produits et sur un certain nombre de spécificités.

Frédéric Couchet : Gilles Lehoux d’Atos, j’ai une question particulière sur un grand marché qu’Atos a remporté récemment justement en partenariat avec des entreprises du numérique libre, c’est le fameux marché de support interministériel, ça devrait être 350…

Gilles Lehoux : 350 logiciels open source, tout à fait.

Frédéric Couchet : Comment s’est faite la réponse à cet appel d’offres pour associer à la fois Atos et des entreprises du numérique Libre ?

Gilles Lehoux : On est arrivé au constat que pour assurer le support de 350 logiciels libres, même si on est 110 000 personnes chez Atos on va avoir des difficultés à pouvoir avoir une expertise de niche sur certains logiciels, c’est ce que disait François. Tout l’enjeu c’est toujours la satisfaction du client, être capable de fournir des offres vraiment pertinentes à nos clients. On s’est dit que la meilleure façon d’arriver à ce résultat-là c’est d’associer les meilleures dans leurs catégories. Les meilleures dans leurs catégories, comme le disait François, c’est la capacité d’Atos d’être un généraliste, d’avoir beaucoup de compétences partout en France et on a aussi, évidemment, des capacités très pointues sur certains logiciels open source, mais pas sur l’ensemble de ces 350.
On s’est associé avec un certain nombre d’acteurs de la communauté open source. Nous avons déjà fait une première démarche. Nous avons aussi changé notre philosophie sur l’open source, c’est-à-dire que jusqu’à une certaine époque nous étions plutôt un utilisateur de l’open source. On a décidé de s’impliquer plus fortement maintenant dans l’open source, d’arriver à avoir une expertise et d’être intégré dans les communautés. Cette approche par ce marché-là c’est une première approche pour créer cette intégration dans la communauté. Pour ça nous sommes devenus adhérents du CNLL, le Conseil national du logiciel libre. Ça nous a permis d’améliorer notre collaboration avec l’écosystème open source et sur ce marché spécifiquement, avec cette connaissance du marché, on a défini quels étaient les acteurs qui étaient les plus pertinents pour répondre à ce marché. On a répondu avec sept sociétés d’open source, Alterway, Arawa, Bluemind, March, Oslandia, FactorFX et Worteks, qui sont toutes des spécialistes dans leur domaine et qui ont permis de compléter le dispositif apporté par Atos.

Frédéric Couchet : D’accord. Ce qui est intéressant dans ce que tu dis et je vais poser la question à vous deux. Tu as parlé d’une structure utilisatrice de logiciels libres qui devient quelque part, en tout cas qui a l’ambition de devenir contributrice. C’est vrai qu’un point essentiel dans le logiciel libre c’est la contribution. Ce n’est pas simplement utiliser du code source, c’est éventuellement y contribuer ne serait-ce qu’en interne, par exemple l’adapter pour un client. La question que j’ai envie de vous poser c’est quelle est la stratégie de contribution des deux entreprises par rapport à ça ? Est-ce qu’il y a une stratégie ? Est-ce qu’il y a des difficultés pour contribuer ? François Bessaguet de Sopra Steria.

François Bessaguet : Il faut déjà que techniquement la contribution ait une logique dans ce qu’on est en train de faire, c’est-à-dire une logique dans l’orientation qu’on donne à l’entreprise en tant qu’ESN, sur les composants qu’on utilise relativement souvent, sur les composants sur lesquels on met un petit peu un accent particulier et là-dessus il peut effectivement y avoir une logique de contribution. Par contre, la problématique c’est que ces composants deviennent de plus en plus complexes. En fait les développeurs qu’on va pouvoir mettre sur ces points-là, à partir du moment où on souhaite qu’ils contribuent, il faut qu’ils aient effectivement une connaissance intime de la souche logicielle open source qu’ils vont pouvoir modifier, ça arrive mais ce n’est pas forcément facile puisqu’on a une vocation généraliste à la base. Donc forcément on utilise des logiciels, et une grande partie en open source, on les assemble, par contre on ne descend pas dans le fonctionnement intime de chaque brique. Ça arrive de temps en temps mais sur des logiciels relativement ciblés et après c’est à nous de choisir nos combats pour nous dire là on va aider sur tel logiciel ou tel logiciel et là-dessus effectivement, en tant que Sopra Steria, on avance. Nous ne sommes pas encore aussi avancés autant qu’on le souhaiterait, mais on a déjà des gens qui font de la contribution. On a eu des gens qui pilotaient par exemple des projets Apache, des gens comme ça, et certains qui contribuent sur des projets, on peut citer Mantis, on peut citer Jmeter, qui sont des progiciels pour faire des fonctions qui tournent autour du système d’information, mais ce n’est pas quelque chose de systématique parce que dans la globalité du logiciel et dans d’autres généralités en termes d’approche, on ne peut pas se pencher de façon aussi pointue qu’on le souhaiterait sur un logiciel particulier, donc il faut vraiment qu’il y ait des choix quelque part.

Frédéric Couchet : Et côté Atos, Gilles Lehoux ?

Gilles Lehoux : Je reprendrai un peu ce que dit François, on ne peut pas être contributeur de tous les logiciels open source donc on se spécialise sur certains d’entre eux. Typiquement dans notre équipe on fait des reversements par exemple sur Grafana qui est un système de supervision open source sur lequel on fait des contributions avec des gens, des jeunes ingénieurs. On a aussi fait des contributions sur GnuCOBOL.

Frédéric Couchet : GnuCOBOL ?

Gilles Lehoux : On a des clients, typiquement l’interministériel, c’est l’État, la direction des finances, puisqu’ils ont beaucoup de progiciels en Cobol, de logiciels en Cobol, ils ont des programmes de transformation, donc on les a aidés, on a fait des contributions. Là aussi on va choisir les logiciels sur lesquels on va intervenir et progresser.
Le développement est un premier axe de contribution. Les contributions c’est aussi faire vivre l’écosystème open source, évangéliser l’open source. Dans la philosophie que nous avons mise en place chez Atos, typiquement du temps est consacré à contribuer de façon technique en reversant du code. Une autre contribution c’est l’évangélisation et pour ça nous participons à tous les événements open source de France ; on était à l’Open Source Experience de l’année dernière, à Paris, au mois de novembre. Notre objectif c’est d’être intégré dans cet écosystème, d’être vraiment un acteur qui contribue à l’écosystème de façon active. Christophe passe du temps, va sur les salons sur son temps d’entreprise.

Frédéric Couchet : Sur son temps personnel !

Gilles Lehoux : Sur son temps personnel, évidemment, mais dans le temps de l’entreprise. Il est détaché pour pouvoir contribuer dans les communautés. Nous sommes allés à Berlin pour des événements Nextcloud sur notre temps professionnel, d’autres sont allés au Canada, Christophe est aussi allé au Canada sur son temps professionnel. On veut s’impliquer.

Frédéric Couchet : Le nom de famille de Christophe ?

Gilles Lehoux : Villeneuve.

Frédéric Couchet : Je viens de voir un pseudo arriver sur le salon web et c’est Christophe Villeneuve qui est là.

Gilles Lehoux : Christophe participe à pas mal d’événements.
Le dernier point c’est l’intégration dans la communauté. On fait de l’évangélisation sur des logiciels open source, mais on veut aussi s’intégrer à l’écosystème open source, en étant maintenant membre du CNLL, je participe au Hub Systematic. On veut intégrer pour justement pouvoir porter cette notion de groupement dans le cadre des projets qu’on peut réaliser.

Frédéric Couchet : Je vais relayer une question qui est en lien avec ça, je viens de la voir, je précise qu’on va avancer. Il y a une question sur le salon web : on sait que des systèmes informatiques reposent parfois sur des briques logicielles libres critiques, très utilisées mais maintenues par très peu de personnes, avec très peu de moyens. Lorsqu’une faille est découverte dans l’une d’elles ça peut faire beaucoup de dégâts, l’exemple de Heartbleed n’est pas le plus récent mais avait fait beaucoup parler, on ne va pas rentrer dans le détail. Sopra Steria et Atos ont-elles une stratégie par rapport à ça, éventuellement de contribution – on vient d’en parler – si elles s’appuient sur ces briques, ces fameuses briques qui sont développées par très peu de personnes ?

François Bessaguet : Côté Sopra Steria, on a une frange cyberdéfense qui est extrêmement importante, qui est utilisée entre autres par Airbus mais pas que, qui surveille justement ce qu’on appelle ces commons vulnerability, ces failles de sécurité qui sont trouvées dans les logiciels. Elles n’existent pas que dans les logiciels open source. On parle de l’open source parce qu’effectivement ce sont celles qui sont le plus prégnantes et celles qui ressortent le plus parce qu’ils sont très utilisés, mais on peut trouver des failles dans n’importe quel logiciel, malheureusement, c’est un petit peu la nature même.

Frédéric Couchet : L’avantage du logiciel libre c’est qu’on découvre les failles alors que dans les systèmes privateurs elles sont souvent cachées et pas corrigées.

François Bessaguet : Voilà ! Exactement. On est d’accord. Du coup, on essaye déjà d’être un petit peu en avance de phase dessus, par contre c’est ce qu’on appelle en général des failles zero-day, c’est qu’en fait, au moment où on les découvre, on n’a aucune solution et c’est ça le problème. On essaye d’aider nos clients à aller là-dessus, avoir des solutions qui permettent de bien identifier tous ces logiciels et avoir un mapping, une cartographie, de façon à savoir exactement ce qu’on utilise dans les parties système d’information de nos clients et être à même de les avertir et de leur apporter des solutions.

Frédéric Couchet : D’accord. On reviendra peut-être sur ce sujet, mais je voudrais qu’on change un peu de sujet pour être sûr de l’aborder parce que le temps passe vite, c’est un sujet que je sais important qui est la ressource humaine, qui est le recrutement. Est-ce que vous rencontrez des difficultés pour recruter des personnes ayant des connaissances libristes, j’entends bien à la fois connaissances techniques et connaissances du fonctionnement des communautés, etc. ? Est-ce que le recrutement est facile pour vous ? Est-ce que vous trouvez les profils que vous recherchez ? Gilles Lehoux d’Atos.

Gilles Lehoux : De toutes façons, sans même cibler sur le logiciel libre et les libristes, le marché de l’emploi dans l’informatique est extrêmement tendu. De façon générale, trouver des compétences aujourd’hui c’est compliqué, le marché est en très nette compétition. Si on parle, en plus, de l’aspect libriste c’est encore plus compliqué parce que, évidemment, ça fait un système d’entonnoir : il y a peu de personnes qui sont vraiment impliquées dans le logiciel libre, donc trouver ce type de profil est encore plus compliqué dans la situation actuelle.
Maintenant on a effectivement des difficultés parce que les personnes qui vont travailler sur ces composants logiciels libres ont plus l’habitude de travailler dans des petites structures. Elles n’arrivent pas à identifier ce que va leur apporter de travailler dans une ESN, si elles vont vraiment travailler dans du logiciel libre. C’est là où nous avons justement changé notre philosophie pour pouvoir attirer ces talents chez nous, pour leur démontrer qu’on fait des contributions, on fait des actions, et démontrer l’avantage des ESN. L’avantage des ESN c’est aussi d’apporter une dimension à certains projets. Comme on l’a abordé, un des éléments fondamentaux c’est la capacité d’intervenir sur des projets d’envergure. Ce sont typiquement des sujets qu’on peut offrir à nos collaborateurs.
Autre élément, la progression au niveau technique et au niveau carrière. Au niveau technique nous avons des programmes de certification pour faire monter et mettre en perpétuel apprentissage nos collaborateurs. Pouvoir proposer des programmes de formation c’est aussi une des capacités d’un grand groupe. Dans mon équipe, les gens ont des programmes de formation. Je donne un exemple assez concret : on a des programmes de formation sur Red Hat qui durent un an et nos collaborateurs peuvent en bénéficier pendant un an. Donc c’est assez important et, en plus, ces certifications sont vraiment reconnues dans le monde de l’entreprise. Le dernier point c’est la capacité à évoluer dans l’entreprise. Typiquement dans mon équipe j’ai aujourd’hui un jeune homme, on peut dire encore ça, il a 30 ans, il est rentré en stage, au bout de cinq ans c’est lui qui est devenu le responsable de mon équipe cloud. En cinq ans il est passé du stage à responsable de l’équipe cloud.

Frédéric Couchet : OK. François Bessaguet sur cette question.

François Bessaguet : Au-delà de la formation qui est donnée et ce genre de choses, ce qui est important au niveau des ESN en fait c’est la multiplicité. Quand on est une boîte de 50 000 chez nous, j’ai retenu 110 000 pour Atos, on a forcément un nombre de projets qui est énorme. Donc pour quelqu’un qui vient avec une volonté de travailler dans certaines solutions libres qui sont ciblées, comme je disais tout à l’heure on fait des choix sur certains trucs, c’est plus facile de lui trouver des projets qui vont tourner autour de ces composants-là que quand on est une petite ENL qui va avoir deux/trois projets et une fois qu’on est sorti de là c’est un peu compliqué. On a un panel et quand on parle de panel de projets c’est aussi aller à l’étranger, c’est aller travailler en Angleterre, travailler en Belgique, en Espagne, même en Inde pourquoi pas !, ce genre de choses. Franchement ça permet d’avoir une ouverture qui est importante et de pouvoir leur garantir d’être effectivement relativement stables sur un certain nombre de technologies, même si à notre niveau ce n’est pas forcément toujours évident, mais je pense que c’est carrément impossible pour une ENL.

Frédéric Couchet : J’aurai après une question sur la diversité, mais une question avec une réponse rapide si possible. Dans une entreprise du numérique libre la taille humaine réduite peut être un avantage mais surtout il y a quasiment la garantie de ne faire que du logiciel libre, de ne travailler que sur des composants libres. Une personne qui candidate et qui arrive chez Sopra Steria ou chez Atos a-t-elle cette garantie de ne pouvoir faire que du logiciel libre ? Ou pas ?

François Bessaguet : Je dirais que ça dépend dans quel domaine elle vient. Si c’est dans des domaines publics, effectivement ce n’est pas une garantie à 100 % mais elle est très proche, je ne peux pas dire 100 % non plus. Par contre, c’est plus compliqué pour le privé.

Frédéric Couchet : Côté Atos, même question.

Gilles Lehoux : Mon entité c’est Atos Open Source. Ceux qui viennent chez moi font 100 % d’open source et c’est une garantie. Tu imagines bien que vu les demandes qu’il y a autour de l’open source, on a quasiment la garantie que les personnes qui veulent faire de l’open source ne feront que de l’open source. Après c’est aussi un choix personnel du collaborateur qui peut vouloir évoluer vers d’autres technologies et à ce moment-là la possibilité lui est offerte.

Frédéric Couchet : Question diversité en deux parties. Première question diversité, je ne sais pas si c’est un parcours atypique, mais quand je suis arrivé à Cap Gemini, il y a 20 ans, je n’avais pas un bac + 5 et on me l’a bien fait comprendre ! Traditionnellement dans les grandes SS2L on prend des niveaux assez élevés, à la limite on les forme un petit peu en informatique et on les envoie sur des missions. Alors que dans le monde du logiciel libre il y a aujourd’hui de plus en plus de gens qui n’ont pas forcément de diplômes, qui se sont formés, auto-formés depuis plusieurs années, même à partir de 10/12 ans, ce sont des profils un petit peu atypiques par rapport à ces grandes ESN, est-ce que vous prenez en compte ces types de profil dans des recrutements ? Typiquement une personne qui n’a même pas de diplôme ou qui n’a que le bac, mais qui a une compétence et une expérience en logiciel libre, est-ce qu’elle a une chance d’intégrer vos entreprises, d’intégrer au même niveau notamment salarial que les personnes qui ont un bac + 5 ou autres ? François Bessaguet.

François Bessaguet : C’est un sujet qui est, j’allais dire, extrêmement compliqué. C’est effectivement quelque chose qu’on essaye de faire, ce n’est pas évident à la base. Cela dit Sopra Steria est structurée d’une façon assez particulière : les différentes unités qui la composent sont relativement autonomes et si elles décident de pousser effectivement sur tel ou tel profil, c’est une possibilité, mais ça va être au cas par cas, ce n’est pas quelque chose qui va être poussé au niveau groupe où là on essaye de pousser une tendance. C’est difficile de pousser ce genre d’orientation au niveau groupe. Par contre, au niveau pays et unité c’est possible.

Frédéric Couchet : OK. Côté Atos ? Gilles Lehoux.

Gilles Lehoux : On a effectivement la volonté d’intégrer des gens qui ont un parcours un peu différent, mais on est quand même dans des domaines de haute technologie, donc il faut avoir le bagage suffisant pour pouvoir intégrer nos équipes. Pour ça on a des programmes d’accompagnement. On a plusieurs programmes. On a ce qu’on appelle la POEI [Préparation opérationnelle à l’emploi individuelle], ce sont les plans d’accompagnement pour l’intégration à l’emploi, c’est typiquement avec Pôle emploi. On prend des gens qui ont une formation de non informaticien, qui peuvent être bac + 4 ou moins de bac + 4 et, à ce moment-là, on va les accompagner avec des formations pour pouvoir monter en compétences.
On mène un autre programme qui s’appelle IGNITE. On propose aux jeunes ingénieurs des formations de six mois en complément de leur cursus pour pouvoir monter en compétences.
Nous avons aussi adapté notre mindset, notre état d’esprit sur le marché de l’emploi. On sait que si on reste sur le même logiciel on va avoir du mal à recruter. On sait qu’il y a des talents qui ont eu des parcours qui sont moins académiques. Ce n’est pas le tout de dire OK, on va les prendre avec nous, il faut savoir les intégrer dans nos équipes et qu’ils soient capables de pouvoir réaliser les activités qu’on leur demande de faire, à ce moment-là on a des accompagnements qui sont mis en place.

Frédéric Couchet : Dernière question avant le résumé final, toujours sur la diversité, second sujet, diversité de genre. On sait que dans l’informatique c’est compliqué, il y a un gros problème. Est-ce qu’il y a des actions spécifiques ? Est-ce qu’il y a une stratégie spécifique pour cette diversité de genre, notamment la place des femmes ?

François Bessaguet : Chez Sopra Steria, on va dire que depuis deux ans on met le paquet là-dessus, sur le genre, sur tout ce qui est parité, sur tout ça. L’informatique n’a pas de sexe, n’a pas de genre, n’a rien. Tout ce qu’on demande c’est de la compétence, c’est tout ! C’est open et il y a vraiment une guerre qui est faite. On parlait de gestion du changement, c’est aussi une gestion du changement, c’est que les gens arrivent à comprendre ce genre de choses, donc il y a des animations, des formations qui sont faites régulièrement pour pousser à fond ce mindset et pour bien faire comprendre que ce qu’on recherche c’est de la compétence. Point. Et c’est tout.

Frédéric Couchet : D’accord. Gilles Lehoux.

Gilles Lehoux : On a la même philosophie au niveau de nos groupes. Ce qui compte c’est la compétence avant tout. On voudrait diversifier nos équipes pour apporter justement un peu plus de sang féminin, d’autres genres, parce que ça apporte aussi une richesse dans les équipes d’avoir cette diversité. Je milite pour qu’on ait beaucoup plus de mixité et c’est effectivement beaucoup plus compliqué parce que, de base, il y a peu de personnes hors hommes qui veulent faire de l’informatique. Donc nous aussi, côté Atos, nous avons engagé des programmes très forts pour faire de l’inclusion, pour recruter plus de personnes de différents genres dans nos équipes et les accompagner, comme je l’ai dit, avec les programmes IGNITE et POEI à avoir les compétences qu’il faut.

Frédéric Couchet : D’accord. Je vais poser ma dernière question, mais je vais juste signaler que dans le programme de l’émission, le 12 avril, on parlera en détail de cette question notamment avec Isabelle Collet qui est une chercheuse spécialiste du sujet et avec Stefano Zacchiroli qui a publié récemment une étude sur la diversité de genre dans les projets de logiciel libre, donc le 12 avril. En juin nous aurons aussi à nouveau un autre sujet avec trois développeuses qui nous raconteront un peu leur expérience et leur parcours.
La question finale parce que le temps file. Pour conclure quels sont les éléments clefs selon vous à retenir de cette émission, en moins de deux minutes chacun ? On va commencer par François Bessaguet de Sopra Steria,

François Bessaguet : Chez Sopra Steria c’est clairement le recrutement. On parlait tout à l’heure de restyling ou de reconversion, on est à fond là-dedans. On cherche à recruter un maximum de personnes, on va les former, on va leur apporter tout ce qu’il faut pour qu’elles puissent s’intégrer et monter en niveau pour pouvoir être au niveau qu’on attend pour nos clients. C’est le numéro un. Après c’est la transformation numérique avec les dernières technologies en poussant effectivement beaucoup sur l’open source parce que c’est un point très important. On s’aperçoit que l’open source est une brique innovante, importante dans toutes ces choses-là. Quand on regarde, il y a énormément d’open source dans tout ce qui est cloud, il y en a quasiment partout. Le fer de lance de l’innovation c’est vraiment l’open source. Donc innovation, transformation numérique et recrutement.

Frédéric Couchet : D’accord. Gilles Lehoux d’Atos.

Gilles Lehoux : Ce que je dirais en synthèse c’est qu’Atos est un acteur de l’open source et le démontre. Il met à disposition des offres industrielles auprès de ses clients et son expertise pour accélérer la transformation digitale de ses clients. On a de très belles références, on a parlé de l’interministériel. Bientôt on en annoncera d’autres dans le secteur public aussi où on a gagné de très beaux contrats mais pour l’instant on n’a pas le droit de communiquer.
Deuxième axe, on s’implique dans le développement de l’open source en faisant des contributions, en participant à l’écosystème et ayant un partenariat fort avec l’écosystème. C’est un autre axe pour venir rejoindre Atos.
Rejoindre les équipes d’Atos ce n’est pas que travailler, c’est rejoindre un projet. On a une philosophie open source, on veut développer l’open source. On a un fonctionnement de startup, on est vraiment dans la collaboration, créer une communauté autour de nous, créer un projet et tout le monde est embarqué dans la création de ce projet-là. Donc rejoindre Atos et rejoindre l’entité open source c’est travailler dans une startup au sein d’un grand groupe avec, comme le disait François, des projets très riches, très divers, sur différentes technologies, dans différents domaines, voire différents pays. Donc on cherche aujourd’hui beaucoup de personnes, des architectes, des chefs de projets, des experts, mais aussi des ingénieurs open source avec une expérience un peu plus légère. Tous les profils sont les bienvenus. Venir aujourd’hui chez nous, dans mon équipe, c’est faire de sa passion pour l’open source son métier.

Frédéric Couchet : On a bien compris que le recrutement est un point clef. On a oublié de préciser que dans le soutien ou dans les contributions de Sopra Steria au logiciel libre il y a le soutien à l’April. Sopra Steria est membre de l’April depuis plusieurs années. On en profite pour envoyer un petit message, faire un petit coucou à François Mazon qui était anciennement chez Sopra Steria et qui avant était chez Cap Gemini et que j’ai rencontré là-bas. C’est un soutien important à nos actions et qu’on remercie.
Notre sujet était donc les grandes entreprises de services du numérique et le logiciel libre avec François Bessaguet qui est directeur technique groupe de Sopra Steria et Gilles Lehoux qui est responsable de l’entité Open Source d’Atos. Je vous souhaite une belle fin de journée.

François Bessaguet : Merci Frédéric.

Gilles Lehoux : Merci beaucoup Frédéric.

Frédéric Couchet : Merci à vous.
On va faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Après la pause musicale nous entendrons la chronique de Luk sur la reconnaissance faciale.
Le titre que nous allons écouter est une pépite trouvée encore une fois, bien entendu, sur le site auboutdufil.com, un titre tout en délicatesse, onirique et relaxant. Le titre du morceau ne trompe pas : le mot Gaïa vient du grec et il signifie « Terre ». Gaïa est une musique douce et calme qui renvoie à l’idée de méditation, d’unité avec la planète Terre et de contemplation de sa beauté. Nous allons écouter Gaïa par Nova noma. On se retrouve dans 3 minutes 20. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Gaïa par Nova noma.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Gaïa par Nova noma, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution.

[Jingle]

Frédéric Couchet : Nous allons passer au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Chronique « La pituite de Luk » sur la reconnaissance faciale

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre avec la chronique « La pituite de Luk ». « La pituite de Luk » est une chronique rafraîchissante, au bon goût exemplaire, qui éveille l’esprit et développe la libido. Il a été prouvé scientifiquement qu’écouter la pituite augmente le pouvoir de séduction, augmente le succès dans les affaires ou aux examens et décuple le sex-appeal autour de l’être aimé qui reviendra manger dans votre main comme un petit chien. La chronique du jour est intitulée « La vue claire » et porte sur la reconnaissance faciale.

Luk : En ces temps troublés la lucidité et la clairvoyance sont des choses précieuses. En la matière, nous autres libristes pouvons nous vanter d’avoir vu venir quelques coups pourris.
Je me souviens de ces gens qui nous traitaient de paranos quand on avait pesté en apprenant à quel point les militaires utilisaient Microsoft pour jouer avec leurs trucs stratégiques. Quelques semaines plus tard, Edward Snowden révélait l’ampleur de la surveillance de la NSA. Je me souviens aussi de cette fois où nos mirages étaient indisponibles à cause d’un bug Windows. Depuis tout ce temps, l’armée a renouvelé son business avec Microsoft avec un aveuglement constant. Je crois qu’il est grand temps de réviser le statut « handicapé » de la Grande Muette.
Je dis que je me souviens parce que c’était il y a longtemps et que je n’ai pas retrouvé d’article sur le sujet. Peut-être que ma mémoire force le trait, peut-être que je confonds…
En fait, rien n’est clair. Quand je dois parler des méfaits des GAFAM à mes contemporains, j’ai du mal à résumer les choses avec une position claire et tranchée.
Oui, Amazon abuse de sa position pour tirer profit de ses vendeurs tiers mais n’a pas encore été condamnée, ou juste un peu, et pas chez nous.
Oui, Frances Haugen a fait fuiter des infos qui prouvent que Facebook connaissait ses effets néfastes.
Oui, les réseaux sociaux sont globalement de droite mais la société est-elle si fragile et peut-on faire sans ces acteurs incontournables et parfois utiles ?
Oui, Cambridge Analytica a fait basculer le résultat d’élections, mais c’est surtout ce que prétend sa propre pub et il y a des études qui minimisent leur influence.
Mais il y a pire ! La clairvoyance et la lucidité, c’est exactement ce que revendiquent les complotistes qui ignorent les nombreux dangers imminents qui nous guettent pour échafauder des scénarios dignes de méchants de James Bond. Cet été à la plage, je pense que nous allons être victimes d’attaques de requins avec des lasers fixés sur leur tête. Mais bien entendu, ils étoufferont l’affaire car oui, la presse est massivement possédée par une poignée de milliardaires… Enfin bref, c’est sans fin !
Moi, ce que je voudrais, c’est juste un peu de certitude. Un repère solide et non négociable, un monde fait de 0 et de 1. Binaire, déterministe.
Je n’aime pas trop la guerre, surtout quand elle est trop proche de moi. Mais elle a au moins la vertu de clarifier certaines choses. Désormais, le manège des usines à trolls russes est évincé. La Russie a financé et soutenu Donald Trompe et son orchestre. Une brillante opération de déstabilisation de l’empire américain. Poutine a chié dans les bottes de l’oncle Sam, pas étonnant que celui-ci mette le paquet pour aider les Ukrainiens. Que de chemin parcouru depuis le prêt accordé à la Russie par Clinton pour mener la première guerre de Tchétchénie…
Et, dans cette guerre, il y a une entreprise dont le nom est en soi une promesse : Clearview. Les Ukrainiens utilisent les services de cette boîte américaine de reconnaissance faciale pour identifier les prisonniers et cadavres ennemis et prévenir amicalement les familles du statut de la chair de leur chair.
Une bonne guerre, secondée par une boîte nommée Clearview, de la technologie de pointe, voilà qui devrait satisfaire mes envies de certitude. D’ailleurs une étude sur la reconnaissance faciale indique que « certaines méthodes inspirées du réseau de neurones à convolution fournissent des résultats prometteurs même dans les cas de visages gravement décomposés ».
Désormais, si vous voulez menacer quelqu’un dites « quand j’en aurai fini avec toi, même le réseau de neurones à convolution de ta mère ne pourra pas te reconnaître ! ». C’est une bonne nouvelle pour les gilets jaunes. Ils resteront identifiables quand le festival du headshot au LDB [Lanceur de balles de défense] reprendra après la réélection de Macron.
Pourtant d’autres sources affirment que la reconnaissance faciale ne marche bien qu’avec des photos de haute qualité et sur des hommes blancs et plutôt âgés. Mais en Belgique, deux flics amateurs de blagues ont illégalement utilisé les services de Clearview dans 78 affaires pour un résultat nul. Donc retour à la case départ du doute. Clearview n’a l’air de fonctionner que sur les hommes blancs, plutôt âgés et non belges, ça limite vachement le périmètre d’utilisation. Ou alors le problème est ailleurs, qu’est-ce que j’en sais ?
Je crois que la reconnaissance faciale c’est surtout commercialement que ça ne marche pas. IBM, Microsoft et Amazon ont abandonné la vente de ces technos aux polices il y a deux ans. Chez nous, ça a été écarté pour la sécurité des JO à Paris, faute d’expérimentations menées en temps et en heure. Même Facebook n’en veut plus dans Meta. Et si même Facebook écarte ce truc, c’est que le premier risque de cette technologie n’est pas qu’elle fait reculer la vie privée du cheptel mais qu’elle fait reculer le profit. Ça j’en suis certain !

[Virgule sonore]

Frédéric Couchet : C’était donc la chronique de Luk, « La pituite de Luk » sur la reconnaissance faciale.
Nous approchons de la fin de l’émission. Nous allons terminer par quelques annonces.

[Virgule musicale]

Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre

Frédéric Couchet : En début d’émission, ma collègue Isabella a consacré sa chronique aux Journées du Logiciel Libre de Lyon qui se tiendront les 2 et 3 avril 2022. C’est un des événements importants autour du logiciel libre et c’est le retour après deux ans d’absence. L’April y tiendra bien entendu un stand et vous pourrez y entendre une conférence justement de ma collègue Isabella, « Promouvoir le Libre à la radio », je vous laisse deviner le thème ! Il y aura également une conférence sur le logiciel Bénévalibre, pour la gestion du bénévolat valorisé, animée à la fois par Isabella Vanni et Laurent Costy qui est un administrateur de l’April. Le dimanche il y a aura une table ronde « Se défendre dans le monde numérique » à laquelle participeront deux bénévoles de l’April. Et pour rappel un concert de KPTN le samedi à 17 heures, KPTN qui est artiste libriste et également informaticien dont le nom est Clément Oudot. Le site des JDLL c’est jdll.org.
Un concert pour les 10 ans de la Journée de Création Musicale, Ziklibrenbib, la musique libre dans les bibliothèques. Ce sont des créations partagées sous licence libre. Ça se passera à l’Escapade, Espace Le Goffic, à Pacé. Vous trouverez les informations sur le site ziklibrenbib.fr ou sur le site libreavous.org sur lequel il y a les références.
À Paris ce samedi 2 avril, comme chaque premier samedi du mois, de 14 heures à 18 heures des bénévoles passionnés de logiciels libres se retrouvent au Carrefour numérique2 de la Cité des sciences et de l’industrie pour une fête d’installation de distributions libres ainsi que des ateliers et des conférences. Entrée libre et gratuite. Le site : premier-samedi.org.
La Fondation pour le logiciel libre a remis ce week-end ses prix du logiciel libre qui sont décernés chaque année à des personnes ou groupes qui ont apporté une contribution significative à la cause de la liberté du logiciel. Trois lauréats cette année : Paul Eggert qui a contribué à plusieurs logiciels libres du projet GNU, GNU est un projet fondateur du logiciel libre. Un prix a également été remis au projet SecuRepairs, une association de professionnels travaillant dans l’industrie de la sécurité informatique et qui ont pour cause de soutenir le droit de réparer les appareils et les logiciels. Et enfin Protesilaos Stavrou qui, en quelques années, est devenu un pilier de la communauté du logiciel libre GNU Emacs grâce à ses articles de blog, ses diffusions en direct, ses conférences et ses contributions au code. GNU Emacs est un éditeur de texte extrêmement personnalisable, extensible et peut faire à peu près tout ce que vous voulez, y compris des choses qui n’ont rien à voir avec un éditeur de texte classique comme gérer ses courriels, naviguer sur Internet, lire des documents PDF, jouer à des jeux. J’utilise intensivement GNU Emacs, donc toutes mes félicitations à Protesilaos Stavrou et également à Paul Eggert et à SecuRepairs.
Pour finir, je vous invite à consulter le site de l’Agenda du Libre, agendadulibre.org, pour trouver des événements en lien avec les logiciels ou la culture libre près de chez vous, notamment les événements qui s’organisent dans le cadre de notre initiative Le Libre en Fête.

Notre émission se termine.

Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission du jour : Isabella Vanni, Stéphane Parunakian, Gilles Lehoux, François Bessaguet, Luk.
Aux manettes de la régie aujourd’hui Étienne Gonnu.
Cette émission est rendue possible grâce à une équipe en or, notamment pour la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang1, Quentin Gibeaux, bénévoles à l’April, et Olivier Grieco le directeur d’antenne de la radio.

Vous trouverez sur le site web libreavous.org toutes les références utiles ainsi que sur le site de la radio, causecommune.fm.
Vous pouvez commenter l’émission, donner votre avis sur le contenu, faire des retours pour nous améliorer ou encore des suggestions, et même mettre une note sur cinq étoiles si vous le souhaitez. Il est important pour nous d’avoir des retours car contrairement par exemple à une conférence nous n’avons pas un public en face de nous qui peut réagir et cela nous ferait chaud au cœur de recevoir des témoignages d’amour de celles et ceux qui nous écoutent. Toutes vos remarques et questions sont les bienvenues par courriel à l’adresse contact chez libreavous.org.

Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission. Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et faites connaître également la radio Cause Commune, la voix des possibles.

Rendez-vous mardi 5 avril 2022 à 15 heures 30 ou en podcast où vous voulez, quand vous voulez, comme vous voulez. Je ne connais pas aujourd’hui notre sujet principal, nous verrons bien la semaine prochaine.

Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 5 avril. D’ici là, portez-vous bien.

Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.