Émission Libre à vous ! diffusée mardi 28 octobre 2025 sur radio Cause Commune Sujet principal : À la découverte de Numéricoop-Numéricloud

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Isabella Vanni : Bonjour à toutes, bonjour à tous dans Libre à vous !. C’est le moment que vous avez choisi pour vous offrir une heure trente d’informations et d’échanges sur les libertés informatiques et également de la musique libre.
À la découverte de Numéricoop-Numéricloud, c’est le sujet principal de l’émission du jour, avec également au programme une nouvelle chronique de Laurent et Lorette Costy et aussi une chronique de Luk.

Soyez les bienvenu·es pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Isabella Vanni, coordinatrice vie associative et responsable projets à l’April.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour, avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.

Nous sommes mardi 28 octobre 2025.
Nous diffusons en direct sur radio Cause Commune, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast. Nous saluons également les personnes qui nous écoutent sur radio Cigaloun, Radios Libres en Périgord et Radio Quetsch.

À la réalisation de l’émission aujourd’hui, mon collègue Étienne Gonnu. Bonjour Étienne.

Étienne Gonnu : Salut Isa.

Isabella Vanni : Nous vous souhaitons une excellente écoute.

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Chronique « À cœur vaillant, la voie est libre » de Laurent et Lorette Costy – « Quicher pour masquer une galaxie sous un proton »

Isabella Vanni : Comprendre Internet et ses techniques pour mieux l’utiliser, en particulier avec des logiciels libres et services respectueux des utilisatrices et utilisateurs pour son propre bien être en particulier et celui de la société en général. Laurent Costy est administrateur de l’April et fait cette chronique avec sa fille Lorette. C’est la chronique « À cœur vaillant, la voie est libre », intitulée aujourd’hui « Quicher pour masquer une galaxie sous un proton ».
Le sujet a été enregistré il y a quelques jours. Je vous propose de l’écouter ensemble et on se retrouve juste après.

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Laurent Costy : Hello, ma Lorette ! On a déjà parlé de l’arrêt des mises à jour de sécurité de Windows 10 et des pratiques de Microsoft qui poussent à la surconsommation dans une période où on n’a surtout pas besoin de ça !

Lorette Costy : Eh oui, c’était effectivement le sujet de notre dernière chronique !

Laurent Costy : Et Gee en a fait récemment aussi le thème de son billet d’humeur. C’était également, pour le numéro 0 du Lama déchaîné du 15 octobre 2025 de la campagne de l’April, le sujet dédié de l’édito dingo, drôle, non docile et délibérément dénonciateur. Et bim, allitération en « d », mais on n’a pas le choix, il faut qu’on en remette une couche ! Il y a encore plein de choses à dire.

Lorette Costy : Te voilà encore tout excité. Mais qu’est-ce qu’il y aurait encore à ajouter à ce scandale environnemental qui, au nom du chiffre d’affaires, de la sacro-sainte croissance et de la vénération des monopoles, perdure de version en version, au rythme des décisions unilatérales de Microsoft ? Dans ce monde d’énigmes et d’obstacles, le daron décide pourtant de doubler et de dépasser ces difficultés. Et re-bim, ré-allitération en re-d.

Laurent Costy : D’abord, il est important de préciser qu’après avoir beaucoup réfléchi et s’être rendu compte de tout le mal que la firme faisait à la planète, Microsoft a décidé de reporter d’un an l’arrêt des mises à jour et de freiner ses bénéfices.

Lorette Costy : Papa, cette phrase sonne globalement faux dans ta bouche ! Si je n’étais pas ta fille, je soupçonnerais une forme d’ironie cachée et subtile. Mais, comme je suis justement ta fille, je n’ai aucun doute, c’est de l’ironie pataude !

Laurent Costy : Je suis dévoilé ! Mes effets de manche de bouche n’ont plus de secrets pour toi. Évidemment que la conscience ne pèse pas grand-chose dans les décisions de Microsoft, éventuellement son image, ce qui, dans le cas présent, a poussé l’entreprise à présenter cette décision comme magnanime, alors que l’on peut y voir une autre réalité. Réalité que nous allons d’ailleurs, par souci d’objectivation, vous révéler dans cette chronique aux tendances parfois journalistiques.

Lorette Costy : Pour ne pas perdre la face et donner l’impression de plier face à des pressions externes, c’est plus simple et plus rémunérateur au final, de dire aux membres de la communauté européenne, je cite : « Vous êtes des quiches, vous avez besoin de plus de temps que les autres. En échange des données supplémentaires que vous consentez, librement contraints, à nous donner, on vous accorde un an de plus pour vos mises à jour de sécurité. Et, si vous ne payez pas, on vous offre un cloud, ou un truc du genre. »

Laurent Costy : Plutôt un truc du genre, effectivement, car, communicationnellement parlant, « quicher » les gens n’est sans doute pas une bonne stratégie. Ce serait plutôt : « Conscient des difficultés que cela représente et des conséquences pour l’environnement, Microsoft a décidé, en pleine conscience, de revoir à la baisse son chiffre d’affaires pour l’année à venir… »

Lorette Costy : Tss ! Tss !

Laurent Costy : Pardon. Je reprends : « Microsoft a décidé de prolonger d’un an la mise à disposition et ce, gratuitement, des mises à jour de sécurité, ce qui va nous permettre de pomper plus encore de données vous concernant. »

Lorette Costy : Toujours pas. Non ! Tu veux que je fasse une prophétie qui a de grandes chances de se réaliser ? Tu veux ? Tu ne seras certainement jamais porte-parole de Microsoft France. Et c’est dommage, car Stéphane Bortzmeyer, le cousin de Swuiden Scremeuldich, nous signale que le poste de responsable de la communication chez Microsoft est ouvert.

Laurent Costy : Je suis tristesse ! Je suis dépité ! Mon rêve le plus cher s’écroule. Adieu Rolex à 50 ans ! En vrai, c’est de la faute de cette maladie qui m’étreint chaque jour et me taraude : ne pas être capable de garder pour moi seul la vérité. C’est plus fort que moi, j’ai besoin de partager.

Lorette Costy : D’autant que ce délai d’un an est assorti de conditions ! Il y a bien galaxie sous proton si on y prend garde. Subir ces mises à jour nécessitera en effet un compte Microsoft et une reconnexion au compte peut être demandée périodiquement pour rester éligible si vous aviez l’intention de vouloir filouter plus filou que vous. Être surveillé·e, tracé·e, est le prix à payer pour la sécurité, selon Microsoft.

Laurent Costy : Outre donc cette gratuité vicelarde, puisqu’elle cache une collecte de données, il faut aussi éclairer les vraies raisons de cette prolongation. Plusieurs facteurs sont à mettre au crédit de cette décision. D’abord, la société civile agit. Que ce soit Euroconsumers à l’échelon européen ou Halte à l’Obsolescence Programmée en France, leurs mobilisations respectives a sans doute contribué à faire bouger les lignes.

Lorette Costy : Et, si j’ai bien lu le texte de la chronique, le DMA et le DSA à l’échelle européenne ont sans doute aussi contribué à la prolongation du support, sous conditions, on le rappelle.

Laurent Costy : Moi aussi j’ai relu le texte de la chronique, mais je n’ai pas compris ce qu’étaient le DMA et le DSA. C’est dommage ! Pour la première fois de son histoire, cette chronique resterait stérile dans son apport de connaissances ? La nourriture intellectuelle luxuriante, que toi et moi avions pris l’habitude de dispenser généreusement, se tarirait-elle au grand dam des poditeurs et poditrices qui vont, sans aucun doute, décider de déserter définitivement la radio Cause Commune pour d’autres fréquences plus nourrissantes intellectuellement ?

Lorette Costy : Ce ne serait pas plus simple de dire : « Lorette, s’il te plaît ma fille chérie préférée, tu peux faire une recherche et nous éclairer sur ce que sont le DMA et le DSA ? ».

Laurent Costy : Ce n’est pas complètement faux. Du coup, intégrer ici la réplique précédente sans la partie « Ce n’est pas plus simple de dire ».

Lorette Costy : Donc le DMA, pour Digital Markets Act, mis en application le 6 mars 2024, est un règlement sur les marchés numériques en Europe. Il entend prévenir les abus de position dominante des géants du numérique que sont les GAFAM et le géant chinois ByteDance. Il est censé offrir un plus grand choix aux consommateurs européens.

Laurent Costy : Et le DSA, tu as cherché ?

Lorette Costy : Bien sûr ! Devançant tes désirs et la soif de savoir des personnes qui nous écoutent, le règlement sur les services numériques, dit DSA, pour Digital Services Act, applicable depuis le 17 février 2024, prévoit de lutter contre les contenus et produits illégaux en ligne – haine, désinformation, contrefaçons, etc. Avec ce texte, il est réaffirmé que « ce qui est illégal dans le monde physique le sera aussi en ligne », car certains libertariens aimeraient faire croire que les lois n’auraient pas à s’appliquer sur Internet.

Laurent Costy : Je ne vois pas très bien en quoi le DSA aurait pu jouer un rôle. Quelque part, on pourrait considérer qu’il est même favorable aux géants du Web puisque la censure leur est sous-traitée et surtout pensée pour un monde où il n’y aurait qu’un petit nombre de très grosses plateformes capables d’assumer les obligations, notamment de censure ultrarapide.

Lorette Costy : Si ce qui est illégal dans le monde physique est bien aussi illégal en ligne, le DSA permettra peut-être enfin de faire reconnaître la vente forcée de Microsoft ? Mais bon, citer non pas un mais bien deux règlements européens dans cette chronique, c’était surtout pour faire sérieux et monter d’un cran de géant le niveau de qualité.

Laurent Costy : Oui, si ces deux règlements européens sont postérieurs et moins célèbres que le RGPD [Règlement général sur la protection des données], ils sont sans doute des outils intéressants à mobiliser pour faire bouger les choses.

Lorette Costy : Et si on creuse l’objectif du DMA, on s’aperçoit qu’il cible uniquement les entreprises qui sont des « contrôleurs d’accès » à l’entrée d’Internet, les gardes-barrières, en anglais gatekeepers, de l’Internet.

Laurent Costy : Il s’agit d’acteurs qui « ont une forte incidence sur le marché intérieur, qui sont un point d’accès important des entreprises utilisatrices pour toucher leur clientèle et occupent ou occuperont, dans un avenir proche, une position solide et durable. Peu importe qu’ils soient établis en Europe ou ailleurs dans le monde. »

Lorette Costy : Enfin une volonté affichée de lutter contre les monopoles !

Laurent Costy : Si on regarde les critères, ça vise les entreprises qui ont un chiffre d’affaires ou une valorisation boursière très élevée : 7,5 milliards d’euros annuels en Europe dans les trois dernières années ou 75 milliards d’euros, ou plus, de capitalisation boursière durant la dernière année.

Lorette Costy : Il faut aussi un grand nombre d’utilisateurs dans l’UE : plus de 45 millions d’Européens par mois et 10 000 professionnels par an pendant les trois dernières années.

Laurent Costy : Pour la valorisation de l’April, il suffit de regarder les comptes communiqués lors de l’assemblée générale, nous ne sommes pas concernés !
Pour le nombre d’utilisateurs et utilisatrices du Chapril, je demanderai les chiffres aux admins sys bénévoles de l’April – coucou à l’équipe ! –, mais je pense qu’on est légèrement en deçà.

Lorette Costy : Et puis l’April, outre garder la porte du local qu’elle loue à Easter Eggs – coucou les œufs –, c’est une toute petite porte d’un jardin merveilleux qu’elle gère modestement à son échelle ! Comme ont choisi de le faire bon nombre de personnes et de structures qui contribuent au Fédiverse !

Laurent Costy : C’est juste Leblanc ! Laisse tomber, c’est une référence générationnelle et en plus, je fais des boomerangs.
Revenons-en à Windows, puisque c’est le sujet de cette chronique. J’ai déjà pu mesurer concrètement l’impact de cette logique imposée de surconsommation par Microsoft. Un ami qui m’est cher, né en 1944, a pris l’habitude de me solliciter lorsqu’il rencontre des soucis avec son informatique. Il m’a demandé de venir pour l’aider à prendre en main…

Lorette Costy : Laisse-moi deviner ! À prendre en main le nouvel ordinateur qu’il avait acheté, pressurisé qu’il était par les messages anxiogènes d’arrêt des mises à jour ?

Laurent Costy : Exactement. Et combiné à des offres commerciales qui re-créditaient pratiquement la moitié du prix de l’ordinateur sous forme de bons d’achat sur la carte de fidélité, tout était fait pour engager facilement la dépense. Ceci étant, j’ai pu mesurer concrètement ce que représentait le changement d’ordinateur pour une personne qui n’est que simple utilisatrice au quotidien. Ça n’a rien de trivial et ce n’est certainement pas moins compliqué que de passer à GNU/Linux !

Lorette Costy : Oui, faites-vous accompagner pour l’installation de GNU/Linux. Il y a plein de solutions pour ça si vous êtes convaincu·e de la pertinence d’engager votre transition numérique. Ensuite, un petit accompagnement aussi pour l’usage quotidien et vous aurez fait les pas essentiels vers l’émancipation numérique !

Laurent Costy : Je ne l’aurais pas mieux dit. Et plein de ressources pour être aidé sont mentionnées sur les pages « Adieu Windows Bonjour le libre ! », mises en place par l’April. Donc, allez-y voir ! Et on va en rester là pour cette fois. La bise ma puce quantique !

Lorette Costy : Plein de Qbits dans tous leurs états, papa Potam !

[Virgule sonore]

Isabella Vanni : Nous sommes de retour en direct sur radio Cause Commune.
C’était la chronique « À cœur vaillant, la voie est libre » de Laurent Costy, administrateur de l’April, et de sa fille Lorette Costy.
Nous allons faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Isabella Vanni : Après la pause musicale, nous parlerons de Numéricoop-Numéricloud avec nos personnes invitées.
À présent, nous allons écouter Amor Amor, par Zezinho Fernandes. On se retrouve dans environ trois minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Amor Amor, par Zezinho Fernandes.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Isabella Vanni : Nous venons d’écouter Amor Amor, par Zezinho Fernandes, disponible sous licence libre Creative Commons, CC By SA 3.0.

[Jingle]

Isabella Vanni : Passons maintenant au sujet suivant.

[Virgule musicale]

À la découverte de Numéricoop-Numéricloud, avec Marie Rincé et Rodolphe Robles de Numéricoop. Sujet animé par Laurent Costy

Isabella Vanni : Nous allons poursuivre par notre sujet principal, « À la découverte de Numéricoop-Numéricloud », avec Marie Rincé et Rodolphe Robles de l’équipe de Numéricoop qui interviennent à distance. Bonjour à vous.

Rodolphe Robles : Bonjour.

Isabella Vanni : Ce sujet a été préparé par Laurent Costy, le même Laurent Costy de la chronique de tout à l’heure, sauf que cette fois il est au studio avec moi.
Bonjour Laurent.

Laurent Costy : Bonjour Isa.

Isabella Vanni : N’hésitez pas à participer à notre conversation sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat ».
Laurent, c’est à toi.

Laurent Costy : Merci Isa. Bonjour à toutes et à tous.
Nous avons choisi, aujourd’hui, d’accueillir deux personnes de l’équipe Numéricoop, je les laisserai se présenter. Cette émission devrait montrer une fois de plus que l’on peut vivre en faisant de la promotion, de l’installation, du développement et de l’accompagnement de structures dans leur transition vers un numérique plus respectueux des utilisateurs et utilisatrices, en particulier vers les logiciels libres.
Marie Rincé et Rodolphe Robles vont nous expliquer comment et pourquoi ce choix de s’inscrire dans une logique coopérative et quelle est la cohérence avec les valeurs défendues généralement dans le monde des logiciels libres.
Cette émission tombe bien aussi, car ce sera une nouvelle occasion de montrer que des structures s’engagent dans ces transitions et qu’elles choisissent, en conscience, de mettre tout en œuvre pour se libérer petit à petit des solutions des géants du Web que l’on sait définitivement enfermantes et très corrosives pour les données.
Je précise que les membres de Numéricoop sont dispersés sur le territoire, que leur venue en studio n’était pas possible, que nos invité·es interviendront donc à distance. Désolé si la qualité, et on l’entend un petit peu, n’est pas à la hauteur de vos attentes malgré tout ce que nous mettons en œuvre.
Donnons la parole à Marie puis à Rodolphe qui vont se présenter.
Marie est-ce que tu nous entends et est-ce que ton micro fonctionne ?

Marie Rincé : Bonjour Laurent. Oui, je vous entends très bien. Bonjour Isa, bonjour Rodolphe à qui je n’ai pas encore parlé aujourd’hui. J’espère que vous m’entendez aussi.

Laurent Costy : Pour l’instant on a un bruit de fond, je pense qu’on va essayer de le régler.
Je vais te laisser te présenter et on présentera Numéricoop après. Vas-y, dis comment tu es finalement arrivée à Numéricoop, quel est ton parcours quelque part.

Marie Rincé : D’accord. Je suis dans le projet depuis le début, en tant qu’assistante administrative, parce que personne ne voulait s’occuper de la rédaction des devis, des factures et remplir des dossiers pour les réponses à appels d’offres. Comme vous l’entendez sans doute, mon premier métier n’a rien à voir avec l’informatique même si je l’utilise quotidiennement.
Dans cette équipe, je suis un peu la caution vulgarisatrice, qui aide à rendre le langage informatique des spécialistes un peu plus digeste pour les Moldus. Je m’occupe donc un peu de la communication de Numéricoop vers le reste du monde !

Laurent Costy : Merci. J’apprécie beaucoup cette posture de vulgarisation, de passeur, finalement, entre le monde des informaticiens et le monde des utilisateurs qui ne comprennent pas grand-chose à l’informatique, d’ailleurs je me retrouve souvent dans cette définition. J’aime bien me situer dans ce cadre-là parce qu’on a besoin de passeurs qui arrivent à comprendre à peu près les demandes. Sinon on constate souvent, malheureusement, que des gens critiquent l’autre univers parce qu’ils ne comprennent pas. De mon point de vue, c’est donc très important.
Rodolphe, est-ce que tu nous entends ? Et je te laisse te présenter.

Rodolphe Robles : Bonjour. Moi c’est Rodolphe. J’ai découvert Numéricoop grâce au collectif CHATONS dont je fais partie depuis deux ans avec une association qui est un groupe d’utilisateurs GNU/Linux.

Laurent Costy : C’est vrai que sur la radio on cite souvent l’acronyme, mais ce n’est jamais mauvais de rappeler ce que veut dire CHATONS.

Rodolphe Robles : C’est le Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires.

Laurent Costy : Merci.

Rodolphe Robles : Je suis passionné de logiciels libres depuis plusieurs années, je suis plus du côté technique que de l’administration et ça fait trois ans que je travaille avec Coopaname.

Laurent Costy : D’accord. On expliquera aussi tout à l’heure Coopaname. Finalement ce sont des structures dans des coopératives, on va essayer d’expliquer tout cela et on verra aussi pourquoi ce choix.
Donc tu as découvert assez tôt, finalement, et c’est marrant parce que tu as écrit « à la fin des années 90 seulement ».

Rodolphe Robles : Je dis ça parce que j’avais 30 ans et quand j’étais adolescent, au lycée, je n’étais pas du tout passionné par l’informatique, c’est venu tard, j’étais déjà parent. Quand j’ai eu mon premier ordinateur, j’avais déjà ma fille à la maison. J’ai très vite basculé dans le logiciel libre, dans les communautés du logiciel libre et dans la contribution.

Laurent Costy : Oui. Tu évoques des participations importantes dans tous les événements libristes que les gens qui traversent ça connaissent. Tu peux citer quelques événements.

Rodolphe Robles : Je me suis déplacé, je suis allé voir des RMLL, qui n’existent plus beaucoup maintenant, les Rencontres Mondiales du Logiciel Libre.

Laurent Costy : Ça s’est effectivement arrêté vers 2018, je crois, la dernière peut-être. Très bien.

Rodolphe Robles : Et puis les Journées du Logiciel Libre à Lyon, c’est proche, ou le Capitole du Libre à Toulouse. En tout cas, j’ai toujours eu cette curiosité d’aller voir, d’aller rencontrer des villages autour du logiciel libre.

Laurent Costy : Très bien. Tu évoques aussi la découverte de l’auto-hébergement, en 2010, avec YunoHost. Tu pourras expliquer un peu ce qu’est YunoHost. Visiblement, ça a été assez déterminant dans la suite de ce que tu as fait.

Rodolphe Robles : Oui. Je pense que j’ai beaucoup appris grâce à l’auto-hébergement. J’avais découvert cette distribution dans un magazine Linux et je m’étais installé un serveur chez moi. Il faut peut-être vulgariser le mot « serveur » : c’est une machine qui va offrir des services, mais qui est hébergée chez soi.Je me suis auto-hébergé vers les années 2000 et j’ai toujours ce serveur chez moi sur lequel j’ai mon adresse mail et des services ; c’est mon cloud personnel.

Laurent Costy : Il y a déjà eu des émissions, je pense qu’Isabella pourra donner les références. Récemment, début septembre, il y a eu une émission sur le sujet de YunoHost, on vous mettra la référence dans les références de l’émission.
Tu parlais d’un magazine qui traitait de l’auto-hébergement, peux-tu le citer parce que j’ai peut-être une question pour les auditeurs et les auditrices ? Tu te souviens ? Linux Pratique ? Linux Magazine ?

Rodolphe Robles : Planète Linux peut-être.

Laurent Costy : En kiosque, j’ai constaté la disparition d’un magazine qui sortait mensuellement, mais je n’ai pas pensé à chercher les raisons qui auraient expliqué cet arrêt. Si des gens connaissent un peu l’histoire de cet arrêt, ce ne serait pas inintéressant d’avoir la réponse dans le chat. Bref.
En tout cas merci pour ce parcours.
On va peut-être expliquer quand même ce qu’est Numéricoop avant de parler aussi de Numéricloud qui rejoint ces questions d’hébergement et de serveur.
Je vais passer la parole à Marie, si Marie peut nous raconter un peu l’histoire de Numéricoop, l’origine, l’objet, les valeurs, aussi, qui sont défendues dans ce collectif.

Marie Rincé : Pour bien comprendre Numéricoop, il faut un petit peu s’imaginer des poupées russes, les poupées qui rentrent dans des poupées.
En fait, j’ai rencontré Numéricoop parce que j’ai décidé de développer mon activité d’assistante administrative, mon métier, en indépendante, dans une coopérative d’activité et d’emploi, ce qu’on appelle CAE, qui s’appelle Coopaname. D’ailleurs, il y a eu une très bonne émission Libre à vous ! avec l’équipe informatique de Coopaname parce notre coopérative utilise des logiciels libres. On pourra rappeler la référence de l’émission.
Le principe de ces coopératives d’activité et d’emploi c’est de permettre de développer son activité, son métier. Il peut y avoir, comme moi, une assistante administrative, il peut y avoir des formateurs, il y a des bergers, des boulangers, vraiment tous les métiers possibles. L’idée c’est qu’on met son chiffre d’affaires dans la coopérative, ce qui nous permet de mutualiser des outils, que ce soient des outils de comptabilité, des assurances, ce genre de choses. Pour faciliter l’intégration et la cohésion de tout ce petit monde-là, avec des métiers très différents et qui n’ont rien à voir, l’entrée dans la coopérative fonctionne avec un système de promotion. Dans ma promotion, nous étions six ou huit, comme dans toutes les promotions chez Coopaname et, dans ma promotion, il y avait Martin Blanchard, l’un des fondateurs de Numéricoop-Numéricloud, c’est pour cela que je parle de « poupées russes ».
Dans Coopaname, il y a des collectifs métiers. Peut-être que les boulangers ou les métiers de bouche vont vouloir se réunir dans un collectif métiers ; peut-être que quelqu’un qui développe une activité de traiteur sera intéressé de travailler avec un boulanger et un pâtissier. Tant qu’à faire, on essaye de faire travailler ensemble les Coopanamiens – entre nous, nous nous appelons les Coopanamiens –, pour mieux se connaître. À ce titre, Martin étant ingénieur informatique, il avait un peu ressuscité le collectif des métiers du numérique. Je dis « ressuscité », parce que faire vivre un collectif ça demande beaucoup d’énergie. Quiconque a travaillé, a été bénévole en association, se rend compte, réalise à quel point faire bouger les gens ça peut être un peu compliqué. Il souhaitait donc rassembler, autour de ce collectif, les Coopanamiens qui étaient dans les métiers du numérique. Entre autres, l’idée principale c’était « ensemble on est plus forts », chacun a ses spécialités et on pourrait facilement répondre à des appels d’offres, donc répondre à des chantiers plus gros, que si on est séparés les uns des autres. On a fonctionné comme ça depuis 2018. On a répondu à quelques appels d’offres. C’est là où j’intervenais, j’aidais à rédiger les factures, les devis comme je disais tout à l’heure. Et puis on a eu rapidement besoin d’outils informatiques pour communiquer, échanger des outils, et très rapidement Nextcloud est devenu une évidence pour nous. On a donc d’abord installé un Nextcloud pour nous, pour le collectif des métiers du numérique.

Laurent Costy : Peut-être expliquer ce qu’est Nextcloud. On connaît, mais peut-être que tout le monde ne connaît pas ce qu’est Nextcloud, je pense en particulier aux non-informaticiens. Ça peut être Rodolphe qui explique ce qu’est Nextcloud ?

Rodolphe Robles : Nextcloud est un logiciel, un gestionnaire de fichiers, qui permet de stocker, on pourrait le comparer à des outils offerts comme Drive ou Google Docs. L’idée c’est de pouvoir mettre des fichiers ou des médias dans une interface pour les ranger, pour pouvoir les partager, pour pouvoir aussi travailler de façon collaborative avec les personnes avec lesquelles on travaille en partageant ces fichiers. Plusieurs extensions permettent vraiment de se rapprocher d’une alternative à Google Drive, on va dire.

Laurent Costy : Merci d’avoir complété. On rentrera dans le fonctionnement de Numéricloud. Il me semblait important qu’on le précise là.
Peut-être qu’on peut redonner la parole à Marie au sujet des valeurs que véhicule Numéricoop, tout en précisant qu’au sein de Coopaname c’est quand même de l’ordre de 500 personnes. Et puis, ça m’a fait écho tout à l’heure, j’aime bien dire que dans une coopérative « ensemble on est plus forts, ensemble on est plus forts », un peu pour contrer cette fameuse phrase « tout seul on va plus loin, mais ensemble on est plus forts », j’aime bien le « ensemble on est plus forts, ensemble on est plus forts ».
Vas-y Marie, je te laisse sur les valeurs.

Marie Rincé : Je reprendrai la formule que j’aime beaucoup ! En effet, ensemble on est plus forts.
Je pense qu’on ne choisit pas de développer, d’héberger son activité professionnelle dans une coopérative d’activité et d’emploi par hasard. Les gens qui font ce choix-là sont clairement en opposition avec le statut d’auto-entrepreneur. Les gens qui font ce choix-là ont déjà une idée de ce qu’est le commun.
Quand Numéricoop a été créée, on avait en effet à cœur les valeurs. Nous nous sentons très proches de l’économie sociale et solidaire par ce qu’elle représente et aussi parce que, dans les structures qu’on accompagne, on cherche plutôt et on trouve plutôt des structures qui sont à taille humaine et qui sont souvent dans le champ cette économie-là.

Laurent Costy : À taille humaine. Quelle est, par exemple, la plus grosse structure que vous auriez accompagnée jusqu’à maintenant ?

Marie Rincé : C’est intéressant comme question. En fait, on travaille avec une très grosse structure, parce qu’elle a de nombreux d’adhérents, mais le cœur de l’équipe n’est pas si grand que ça, on travaille depuis longtemps avec Habicoop, qui est une coopérative d’habitants, qui est même l’association des coopératives d’habitants. Je ne sais pas si vous connaissez le principe. Des gens décident de réhabiliter ou de construire un bâtiment et choisissent de vivre ensemble, d’avoir des appartements peut-être séparés, avec des pièces communes, de mutualiser les machines à laver, de mutualiser une connexion internet, un abonnement téléphonique, ce genre de choses. C’est une très grosse association. Elle a de nombreux adhérents, mais l’équipe est assez resserrée en fait.
Je parlais tout à l’heure des valeurs, de la notion de commun. Quand on privilégie les solutions en logiciels libres, il y a quand même cette idée de participer, de contribuer à l’enrichissement d’un commun. Quand on améliore un code existant et qu’on le partage au reste de la communauté, ça participe du commun.
La valeur est parfois galvaudée ou reprise par des gens qui ne partagent pas nos idées, mais être responsable c’est aussi agir pour développer l’autonomie de l’humain face à la machine, être soucieux de minimiser les coûts de l’informatique et son impact écologique. Ça a du sens d’avoir une distribution GNU/Linux pour permettre à sa machine de durer plus longtemps que si elle était restée sous licence propriétaire.
Après, être dans une coopérative comme Coopaname, ça veut dire aussi que la coopération est une valeur hyper importante pour nous. On cherche absolument à avoir une gouvernance horizontale, toujours bienveillante, ça peut sonner Bisounours aux oreilles de certains, mais il faut comprendre qu’à Numéricoop nous ne sommes que quatre : Martin, Mathias, Rodolphe et moi. Donc, s’il y en a un qui commence à prendre le lead, si on commence à mal se parler, ça ne peut pas fonctionner. Nous ne sommes que quatre et en même temps, comme l’idée du collectif est importante pour nous, on aime bien travailler, quand même, avec d’autres, parce que, à quatre, on n’a pas toutes les expertises, on a besoin des autres.

Laurent Costy : Au sein de Coopaname, il y a énormément d’informations, de sollicitations et dire « moi je ne suis pas capable de répondre à ça, est-ce qu’il y en a d’autres dans le collectif qui en sont capables ? » et c’est vrai que ça donne une capacité de réaction qui est intéressante et collective. Par ailleurs aussi, ce qui peut être étonnant à Coopaname, c’est sa codirection à trois personnes. Pour avoir beaucoup traversé le monde associatif, ce n’est jamais facile et, pour le coup, là, en tout cas de loin, ça donne l’impression de fonctionner parce que je pense que les gens sont dans cet état d’esprit-là.

Marie Rincé : Oui, le monstre à trois têtes, normalement c’est le cerbère !

Laurent Costy : Je n’avais pas vu ça comme ça ! Il ne faudra peut-être pas le dire à la direction de Coopaname !

Marie Rincé : Ce sont des Bisounours en fait avec de grandes responsabilités !
Nous essayons d’être créatifs dans nos réponses. Souvent ce sont les clients qui sont les plus créatifs, qui ne repoussent dans nos retranchements, c’est chouette.

Laurent Costy : J’avais posé la question du budget, en fait c’était plutôt le chiffre d’affaires, j’ai peut-être mal posé la question. Finalement Numéricoop représente quoi comme activité annuelle, à titre indicatif ? Finalement vous êtes quatre, ça donne aussi la dimension du collectif. Peut-être qu’on peut en rester là ?

Marie Rincé : Sachant que je ne suis pas à temps plein pour Numéricoop, il n’y aurait pas d’administratif à faire à ce point-là chez Numéricoop, alors que Rodolphe est à temps plein.

Laurent Costy : D’accord. Donc ça fait combien d’ETP ? Si vous êtes quatre personnes ça fait trois et demi, un truc du genre, à peu près.

Marie Rincé : On est même plutôt à deux et demi.

Laurent Costy : D’accord. Quatre personnes mais 2,5 équivalents temps plein.
Pour terminer, je te laisse la parole Marie, parce que, de toute façon, après on va passer la parole en musique à Rodolphe. Si on veut rejoindre le collectif, est-ce que c’est ouvert ? Comment fonctionne, finalement, ce collectif dans un collectif ? Il faut d’abord rejoindre Coopaname ? Comment ça marche ?

Marie Rincé : C’est vrai que dans l’idéal on préfère travailler avec un Coopanamien, mais c’est par chauvinisme, pas par autre chose. Je connais d’autres CAE dont les membres sont moins attachés à leur coopérative, je ne sais pas pourquoi nous sommes si charnellement attachés à Coopaname.

Laurent Costy : Si je peux me permettre une parenthèse, je pense que chez Coopaname il y a quand même un côté militant qui n’est pas présent dans d’autres coopératives. Je pense que chaque coopérative a une coloration et que Coopaname a un côté militant qui est assez remarquable, en tout cas pour ceux qui sont intéressés par cette valeur-là.

Marie Rincé : Oui, sans doute. C’est en effet un point non négligeable.
Je voulais dire que, sur le papier, il n’est pas nécessaire d’être Coopanamien pour travailler avec nous ou faire partie de la marque. En fait, nous nous sommes aperçus depuis 2008 et avec le fait que l’équipe se soit réduite à peau de chagrin – nous sommes quatre, je dis « peau de chagrin » parce qu’elle s’est vraiment beaucoup réduite, mais le noyau dur est solide, il fonctionne bien depuis plusieurs années maintenant –, qu’on cherche des gens qui partagent nos valeurs et qui apportent des compétences qu’on n’a pas. Récemment on a travaillé avec une jeune femme qui était spécialiste UX/UI [User Experience/User Interface] pour la création d’un site internet, qui a apporté son expertise sur l’expérience utilisateur dans la navigation du site en création.

Laurent Costy : Effectivement, ça peut être précieux. On voit tellement de sites mal faits !

Marie Rincé : Exactement. C’est une compétence que nous n’avons pas en interne. Le client était hyper content et nous aussi. À l’occasion, on retravaillera avec elle avec plaisir. C’est aussi arrivé, il y a longtemps, avec du référencement. Quand on a besoin de compétences, on n’hésite pas à lancer un appel sur le forum de Coopaname, qui s’appelle Coopalabre, et à l’extérieur aussi. Inversement, il arrive qu’on vienne nous chercher parce qu’on a besoin des compétences que nous avons. Ce n’est pas nécessaire de rejoindre la marque.

Laurent Costy : Très bien, puisque Numéricoop est une marque, ce qui, parfois, peut être un peu étonnant quand on vient du monde associatif, etc., mais on parle effectivement de marque.
Je vais repasser la parole à Isabella.

Isabella Vanni : Nous allons faire une pause musicale. Je précise que toutes les pauses musicales de l’émission de ce jour ont été choisies par nos personnes invité·es, donc merci à Marie et Rodolphe pour s’être pliés à l’exercice. Nous allons maintenant écouter Larsène Loopin’ qui, en plus, est une musique jouée et composée aussi, j’imagine, par notre invité Rodolphe Robles. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Larsène Loopin’, par Rodolphe Robles.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Isabella Vanni : Nous venons d’écouter Larsène Loopin’, par notre invité, Rodolphe Robles, malheureusement on a dû l’écourter un petit peu. Ce titre est disponible sous licence libre WTFPL, je vais le dire en anglais Do What The Fuck You Want to Public License, désolée, c’est comme cela que s’appelle la licence, littéralement en français, « licence publique, faites-en ce que vous voulez », un peu plus vulgaire. Rodolphe, pourquoi utiliser cette licence et pas la Creative Commons CC0 par exemple ?

Rodolphe Robles : En fait, je n’ai jamais vraiment mis de licence sur cette musique.

Isabella Vanni : D’accord ! Tu l’as mise exprès pour nous !

Rodolphe Robles : J’ai pensé à cette licence parce qu’elle est très permissive.

Isabella Vanni : Absolument et il y a aussi un côté humour, on va dire.
On va faire partir le jingle.

[Jingle]

Isabella Vanni : Nous allons poursuivre notre discussion. Je suis Isabella Vanni de l’April et cette émission est consacrée à Numéricoop-Numéricloud. Nous en parlons avec nos personnes invitées, Marie Rincé et Rodolphe Robles, de l’équipe Numéricoop. L’échange est animé par Laurent Costy.
Je rappelle que vous pouvez participer à notre conversation sur le salon web dédié à l’émission sur le site causecommune.fm, bouton « chat ».
À toi Laurent.

Laurent Costy : Merci Isa.
La question suivante que j’avais envie de poser à Marie et à Rodolphe c’était peut-être : qu’est-ce qui différencie Numéricoop d’un service du numérique, ce qu’on appelle généralement ESN [Entreprise de services du numérique], qui s’appelait avant SS2I [Société de services en ingénierie informatique] ? Qu’est-ce qui fait que c’est particulier ? Je donne peut-être la parole à Rodolphe cette fois, Marie a beaucoup parlé dans la première partie.

Rodolphe Robles : Je dirais que la différence c’est la taille beaucoup plus petite de l’équipe et aussi la taille des clients. Ça s’adresse plus à des associations, des TPE ou des particuliers. On ne propose pas exactement les mêmes services, on ne gère pas de parcs informatiques par exemple.

Laurent Costy : Ça veut dire que vous ne faites pas d’infogérance, c’est-à-dire que vous ne gérez pas de parcs informatiques à distance ? C’est ça ?

Rodolphe Robles : On va faire du monitoring, de l’infogérance sur des serveurs, mais on ne gère pas de parcs informatiques à distance.

Laurent Costy : D’accord, ça fait donc une différence avec ce qu’on peut retrouver généralement dans une société de services du numérique.
Marie l’a un peu exprimé, peut-être que tu peux compléter sur ce qu’apporte finalement la logique coopérative, on l’a déjà un peu évoqué mais si tu as envie de compléter.

Rodolphe Robles : Dans cette logique coopérative, on essaye, comme elle disait, d’avoir une horizontalité, de prendre les décisions ensemble. On essaye surtout d’être tous d’accord.

Laurent Costy : Ce qui prend aussi du temps, du coup, même quand on est quatre, de se mettre d’accord ? Êtes-vous toujours très vite d’accord ou est-ce que ça prend du temps, dans le collectif, de se mettre d’accord, par exemple « on peut y aller sur cet appel d’offres ou non, on ne va pas y aller parce que..., etc. » ?

Rodolphe Robles : Non.

Laurent Costy : Heureusement que vous n’êtes pas très nombreux !

Rodolphe Robles : C’est moins compliqué que dans un gros collectif.

Laurent Costy : Marie, tu voulais peut-être compléter ?

Marie Rincé : Oui. Je disais qu’il n’y a quasiment pas de conflits parce qu’on a un socle de valeurs communes tellement solide qu’on ne s’est jamais dit « ah non, pas ce client ! ». Il ne nous est jamais arrivé qu’un groupe comme Total nous contacte !

Laurent Costy : Vous refuseriez Total ! On a compris !

Marie Rincé : Pas du tout, mais peut-être que ça nous poserait des questions. Les gens qui s’adressent à nous, nous trouvent soit par chatons.org soit par Coopaname, ils sont donc déjà dans une mouvance et un état d’esprit un peu ESS. Je ne dis pas qu’il n’y a jamais de conflits, il y a des conversations, mais je trouve que ce n’est jamais non.

Laurent Costy : D’accord. L’écosystème dans lequel vous évoluez fait qu’il n’y a effectivement pas de demandes qui sortent complètement du spectre des valeurs que vous défendez. C’est ça. C’est très clair.
Peut-être que vous pourriez nous raconter, chacun et chacune, votre journée type au sein de Numéricoop et expliquer un peu ce que vous utilisez comme outils libres, ça pourra peut-être donner des idées à certaines personnes. Qui commence ? Marie, je te laisse commencer.

Marie Rincé : Quand j’allume mon ordinateur, la première chose que je fais c’est de me connecter à Numéricloud. J’ouvre cinq onglets :
le premier onglet va être pour mon agenda ;
le deuxième va être pour Talk, la petite appli de chat en direct ;
le troisième onglet va être le Deck, une appli de gestion de projet qui fonctionne avec des cartes, comme Trello ou Planner, pour citer des vilains logiciels propriétaires. C’est un outil de gestion de projet qui m’est très utile parce que, à la fois, on peut prendre des notes, on peut mettre les dates des échéances. On déplace les cartes sur les listes, « à faire », « en cours », « terminé », on peut mettre des tags, c’est très visuel ;
les deux derniers onglets ça va être pour aller chercher les fichiers dans tout Numéricloud.
L’onglet que je vais ouvrir ensuite va être Zammad qui est notre logiciel gestionnaire de tickets, de ticketing, c’est-à-dire qu’on reçoit sur Zammad les messages des personnes qui écrivent à Numéricoop ou à Numéricloud, que ce soit en répondant au questionnaire de contact ou en écrivant directement à nos adresses mail, ce qui nous permet de partager les requêtes qui viennent de l’extérieur, de distribuer aussi les tâches. Si je vois que c’est une question critique, je vais vraisemblablement attribuer la requête à Rodolphe. Inversement, si c’est de la compta, ça va être pour moi.
Ensuite je vais ouvrir Odoo, qui est l’outil de Coopaname de création de factures, de devis, etc.

Laurent Costy : Ce qu’on appelle un ERP [Enterprise Resource Planning].

Marie Rincé : Exactement. En parallèle, sur notre YunoHost nous avons Dolibarr, qui est aussi un ERP, avec lequel on trouvait qu’on avait une gestion plus fine, une lecture plus fine des entrées, des sorties, de la prospection, etc.
Pour Numéricloud, on fonctionne beaucoup en système d’abonnements et là, pour le coup, c’est Coopaname qui nous a imposé de travailler avec Stripe, c’est-à-dire que notre site internet est relié à Stripe et je me connecte à Stripe pour vérifier les nouvelles transactions et celles qui sont en attente pour les abonnements qui sont arrivés, qui ont déjà été débités.

Laurent Costy : Ce n’est pas très démocratique d’imposer Stripe comme ça !
Rodolphe, de ton côté, j’imagine qu’il y a un peu les mêmes logiques.

Rodolphe Robles : Il y a cet outil central, Zammad, pour les tickets. On a aussi des tickets pour l’équipe technique, l’équipe support, c’est donc un peu l’outil central où on trouve les tâches en cours si les clients ont écrit des mails au support.
Après, je m’occupe plus d’observer, de voir l’état des serveurs et beaucoup de faire les mises à jour. J’ai un outil de forge logicielle qui s’appelle GitLab, nous avons notre GitLab pour travailler, un outil de forge, je ne sais pas s’il faut le vulgariser un peu, un outil pour voir le code, le faire évoluer.

Laurent Costy : Le partager et pouvoir justement l’améliorer à plusieurs, la logique d’une forge c’est un peu ça. C’est-à-dire qu’on n’écrit pas son programme dans son coin et on ne l’envoie par mail pour qu’il soit relu, il est bien partagé et chacun peut proposer des contributions, etc.

Rodolphe Robles : Oui. On a quand même des dépôts privés pour notre fonctionnement, mais ça permet d’ouvrir le code.

Laurent Costy : Qui peut le plus peut le moins.

Rodolphe Robles : On fait des réunions sur Numéricloud. On utilise beaucoup Etherpad, on utilise Talk pour les visios. Sur notre Numéricloud, il y a une fonctionnalité pour faire des textes collaboratifs avec le pad Etherpad. On a aussi la possibilité de faire des visios sur l’application Discussion de Numéricloud.

Laurent Costy : Oui. C’est ce que tu expliquais au début avec la capacité, dans Nextcloud, d’ajouter finalement plein de fonctionnalités parce que énormément de modules existent. Évidemment, il faut savoir comment les ajouter, bien équilibrer aussi pour ne pas surcharger un outil, mais fondamentalement on peut franchement trouver beaucoup de fonctionnalités et les ajouter au fur et à mesure, sur son Nextcloud, pour répondre à un besoin.
Parfait. Merci beaucoup pour cette présentation qui raconte un peu comment vous vivez au quotidien.
Du coup, peut-être expliquer le monitoring. Tu es passé un peu vite. Si j’essaye de traduire, c’est finalement surveiller les serveurs, donc les ordinateurs qui permettent d’accueillir les services, pour voir s’il n’y a pas trop de sollicitations, s’il faut allouer de la mémoire supplémentaire pour que les données des clients soient toujours accessibles, pour que la disponibilité des données soit constante.

Rodolphe Robles : C’est ça. Il faut voir une surveillance constante des contraintes matérielles de tous les serveurs.

Laurent Costy : Avez-vous déjà eu des soucis importants ? Est-ce que ça s’est produit et, le cas échéant, comment gérez-vous ? Si vous me dites que vous n’avez jamais eu de problèmes, je signe tout de suite !

Rodolphe Robles : Il n’y a pas de services 100% fonctionnels tout le temps, c’est notre métier d’apprendre à gérer ça. Déjà, on a un certain confort du fait d’utiliser, en ce moment, trois serveurs qui sont dans des nœuds Ceph. C’est technique. On va dire que ces trois serveurs vont faire des réplications constantes. L’idée c’est que si on perd un serveur, on pourra remettre le service, on n’aura pas perdu les données du serveur qui est tombé, puisqu’elles sont répliquées par trois grâce à Ceph.

Laurent Costy : En fait, Ceph est l’outil de réplication. Très bien.
On vient d’évoquer un peu Nextcloud, on a quand même beaucoup évoqué Numéricloud. Peut-être que vous pouvez détailler cette offre, votre logique et votre approche vis-à-vis des services que vous proposez ? Je te redonne la parole, Marie.

Marie Rincé : Oui. Nous ne nous sommes peut-être pas bien expliqués sur pourquoi Numéricoop et Numéricloud. En fait, ce sont les mêmes gens derrière, je pense que vous l’aurez compris. Avec Numéricloud, on propose une version de Nextcloud avec, comme tu disais tout à l’heure ou comme Rodolphe disait tout à l’heure, des applications qu’on a choisies, qui nous semblaient utiles à mettre dans la boîte d’accueil Nextcloud, les outils qu’on a choisis s’appellent donc Numéricloud.
Numéricloud est donc une instance dédiée Nextcloud, dédiée à Numéricoop, qui est mutualisée, partagée finalement, avec les utilisateurs qui ont des moyens modestes. Je dis « modestes » à la différence de clients qu’on a et qui ont des instances Nextcloud qui leur sont propres. Là, on mutualise la nôtre.
Ce qui a fait tiquer Rodolphe quand on a préparé l’émission, c’est que je vois Numéricloud comme un outil de bureautique, c’est très complet comme je disais tout à l’heure quand je décrivais ma journée. En fait, ça me permet de stocker en ligne et en local sur mon ordinateur les fichiers, de les partager que ce soit avec des utilisateurs Nextcloud, des utilisateurs Numéricloud, mais aussi des utilisateurs complètement extérieurs à cet environnement-là, par des liens de partage plus simples que ceux qu’on peut avoir avec des logiciels propriétaires. Comme je disais, dans cette boîte on a l’agenda, on a les contacts, on a le Deck qui est le petit gestionnaire de projet, on a Talk qui est le chat, on peut faire des formulaires, on peut s’abonner à des flux RSS, on a un tableau blanc, on a même un petit logiciel de retouche photo simple et basique, et puis on peut créer des fichiers au format texte, des feuilles de calcul, des points Markdown. Je trouve vraiment cet outil Numéricloud fantastique.
En fait, Numéricoop est une agence numérique. On propose de l’hébergement, de l’infogérance et de la maintenance pour des sites internet, des instances dédiées de type Nextcloud ou même YunoHost qu’on évoquait tout à l’heure. On va aussi, grâce à Mathias, faire de la création de sites internet.

Laurent Costy : Je me fais un peu l’avocat du diable, tu évoques de partager ses données entre différentes structures, mais ça peut faire peur !

Marie Rincé : Non ! Je peux choisir de partager un fichier ou un dossier avec une personne, je peux envoyer ce fichier par mail. Dans l’instance numérisée de Numéricloud, tout est très bien partitionné, je ne sais pas comment dire, c’est comme si on avait une grande maison, beaucoup trop grande pour nous tous, et qu’on donne les clés d’une partie de la grande maison à des gens.

Laurent Costy : L’image est intéressante. Je trouve que c’est bien de proposer cette image-là parce qu’elle est très représentative de ce qui se produit. Finalement on mutualise l’outil physique, le serveur qui mobilise de l’énergie électrique, etc., mais on l’optimise et on utilise toutes ses capacités en partageant ce qu’on veut partager et en gardant pour soi ce qu’on veut garder pour soi.

Marie Rincé : Exactement.

Laurent Costy : Très bien. Il nous reste huit minutes à peu près. Peut-être que vous pouvez, dans le temps qui reste, évoquer un peu les perspectives de Numéricoop. Quelles sont vos perspectives de développement ? Qu’est-ce que vous visez ? Qu’est-ce qui intéresse Numéricoop ? Quelle est sa ligne directrice pour le futur ? Je ne sais pas qui veut prendre la parole, Rodolphe ou Marie.

Marie Rincé : Comme vous voulez, j’ai l’impression que j’ai beaucoup parlé.

Laurent Costy : À un moment il faut choisir. Allez Marie, tant pis !

Marie Rincé : On a très envie de mettre en avant la solution YunoHost, on y croit beaucoup et je pense que les sujets abordés dans l’émission Libre à vous ! sont un peu le reflet des inquiétudes qui traversent le numérique en ce moment, en particulier sur les questions de souveraineté des données.
Pour faire un petit rappel, une instance YunoHost, en gros, c’est avoir une maison, pour reprendre l’exemple de la maison, en tout cas une boîte dans laquelle on va pouvoir auto-héberger, parce que c’est cela le propos de YunoHost, c’est l’acronyme de Why you no host ?, en gros « pourquoi tu ne t’héberges pas ? ». C’est comment on va auto-héberger son site internet et des tas de petites applis qui sont utiles, que ce soit un ERN, que ce soit un wiki interne, que ce soit un logiciel de mailing quand on est une entreprise.

Laurent Costy : La liste d’outils qui peuvent être intégrés à YunoHost est juste impressionnante. On peut, par exemple, intégrer Bénévalibre et je trouve ça chouette pour une association. Je l’ai redécouvert par là. Il y a énormément de possibilités sur toutes les thématiques, les besoins bureautiques, etc.
Excuse-moi, Marie, je passe la parole à Rodolphe parce que là aussi ça montre la logique dans laquelle vous rentrez. Rodolphe, en tant que technicien, contribue, en plus, à entretenir l’outil YunoHost.

Rodolphe Robles : Comme ça fait plusieurs années que j’entretiens moi-même des serveurs avec YunoHost je suis rentré, petit à petit, dans les contributeurs de YunoHost, j’aide à maintenir certaines applications.

Laurent Costy : Ça veut dire quoi « maintenir des applications » ?

Rodolphe Robles : Comme tu disais, il y a énormément d’applications dans YunoHost, à un moment il y avait quelque chose comme 500 applications, même plus.

Laurent Costy : C’est énorme !

Rodolphe Robles : Il faut faire attention, elles ne sont pas forcément toutes toujours hyper maintenues.

Laurent Costy : Quand on dit « maintenues » ça veut dire, par exemple, qu’il y a un logiciel dans une certaine version, la communauté du logiciel le passe dans une version supérieure, ce qui veut dire qu’il faut agir sur YunoHost pour qu’on puisse l’intégrer dans sa nouvelle version ? C’est un peu ça la logique ? C’est ça, par exemple, un élément de maintenance ?

Rodolphe Robles : Oui, c’est un peu ça, il y a une façon particulière pour le packaging des applications YunoHost. Après, la communauté YunoHost est très ouverte à ce que des gens viennent et proposent d’installer une application. On a même des outils pour essayer d’intégrer une application, pour proposer. Nous sommes ouverts quand des gens nous demandent d’intégrer une application, si on peut ou pas, si elle rentre dans la charte de YunoHost. Il faut d’abord que ce soit un logiciel libre, forcément.
En effet, si un paquet évolue, on a une contrainte puisque, derrière, on a un système d’exploitation, il faut que ce soit compatible, il y a peut-être des dépendances qui changent, peut-être une maintenance à faire pour que le paquet puisse être mis à jour.

Laurent Costy : Du coup, dans Numéricoop vous utilisez YunoHost, en tout cas vous avez envie de le promouvoir, ça fait partie des perspectives que vous avez. Vous êtes utilisateurs, mais, par ailleurs, vous contribuez aussi. On est vraiment dans une logique où communs numériques et logiciels libres se rejoignent pour quelque chose de meilleur pour tout le monde. Ça semble un peu évident, un peu bête de le dire, mais je trouve que c’est extrêmement important. On voit aussi beaucoup d’entreprises, par ailleurs, qui sont capables d’utiliser du logiciel libre parce que ça leur fait gagner du temps et qui oublient un peu le renvoi d’ascenseur, c’est quand même assez courant, c’est ce qu’on appelle le Libre washing qui, malheureusement, existe beaucoup. Merci pour cet éclairage.
Il nous reste deux/trois minutes. Je vais laisser à chacun une minute trente à peu près pour compléter notre discussion, partager des points qu’on n’a pas évoqués, que vous auriez envie de partager maintenant. Rodolphe puis Marie.

Rodolphe Robles : Je m’excuse pour le morceau de musique de tout à l’heure, c’était très bizarre, ça fait partie de mon passé où je faisais de la musique avec des pièces de vélo, des bruits de ressorts, des cordes dans des cadres de vélo avec des freins de vélo, c’est un peu bizarre.

Laurent Costy : Merci d’éclairer. Ça ne s’entendait pas comme ça, ce n’était pas forcément évident, c’est bien de le préciser. Merci.

Rodolphe Robles : Sinon, je pensais parler du « Demailnagement » parce que je suis doublement chaton : je suis chaton avec Numéricoop et je suis aussi chaton avec mon association et, en ce moment, je participe à la campagne de Demailnagement.

Laurent Costy : Dé-mail-nagement, on va essayer d’appuyer sur les syllabes parce que c’est un jeu de mots. Je te laisse expliquer.

Rodolphe Robles : L’idée c’est de quitter Gmail ou autres mails des GAFAM, maintenant ça a changé de nom, on les appelle les GAMAM [Google, Apple, Meta, Amazon et Microsoft].

Laurent Costy : Bref, les géants qui veulent nous imposer leur vision du numérique.

Rodolphe Robles : Avec les chatons, on se disait qu’en 2025 c’était vraiment le moment de se poser des questions sur nos hygiènes numériques et sur l’impact que ça peut avoir d’utiliser encore des mails de ces géants.

Laurent Costy : Je suis désolé, je suis un peu obligé de te couper. Marie, il te reste une minute.

Marie Rincé : Je voudrais rebondir rapidement sur le Demailnagement de chatons.org. Ça me fait beaucoup rire que finalement les logiciels propriétaires, avec leur politique commerciale hyper agressive, précipitent des milliers, en tout cas, je l’espère, des centaines de personnes vers les permanences GNU/Linux parce que ce n’est vraiment pas possible de changer un ordinateur qui fonctionne bien juste parce que les mises à jour, les sécurités, ne vont plus être maintenues. J’aime beaucoup les arroseurs arrosés ! Si seulement ça pouvait convertir énormément de personnes à l’usage du Libre, je serais ravie.

Laurent Costy : C’est une très belle conclusion. Je vous remercie tous les deux, Rodolphe et Marie, d’avoir pris ce temps. J’espère que ça aura éclairé les personnes qui nous écoutent et je repasse la parole à Isa.

Isabella Vanni : Merci à nos invité·es. Merci à Laurent. Vous pourrez retrouver toutes les références de l’émission de ce jour sur la page consacrée à l’émission, libreavous.org/259, ou dans les notes de l’épisode si vous écoutez un podcast.
Nous allons faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Isabella Vanni : Après la pause musicale nous entendrons la chronique de Luk. À présent nous allons écouter 2012, par Kellee Maize. On se retrouve dans trois minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : 2012, par Kellee Maize.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Isabella Vanni : Nous venons d’écouter 2012, par Kellee Maize, disponible sous licence libre Creative Commons, CC By SA 3.0. Pour information, c’était la 9e diffusion de ce titre.

[Jingle]

Isabella Vanni : Je suis Isabella Vanni de l’April. Nous allons passer au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Chronique « La pituite de Luk » – « Libre et low-tech »

Isabella Vanni : Nous allons poursuivre avec une nouvelle « Pituite de Luk », une chronique rafraîchissante au bon goût exemplaire, aujourd’hui intitulée « Libre et low-tech ».
Le sujet a été enregistré il y a quelques jours. Je vous propose de l’écouter ensemble et on se retrouve juste après.

[Virgule sonore]

Luk : J’étais en vacances en Loire-Atlantique la semaine dernière. Entre deux averses, j’y ai rencontré des autochtones. L’un d’entre eux cherchait une solution pour continuer à utiliser son PC qui ne reconnaît plus son équipement USB favori. Bizarrement, le problème est apparu en même temps que les appels lancés par la machine pour passer à Windows 11. Coïncidence ? Je ne sais pas. Je note quand même que cette affaire de fin de Windows 10 nous place à l’opposé d’une insurrection des machines contre les humains puisqu’elle nous demandent de les éliminer. Mais revenons à mon utilisateur en détresse. Après une rapide recherche, je l’ai orienté vers Linux-Nantes. Donc, camarades nantais, si vous recevez la visite d’un type avec un PC et une console de DJ sous le bras, il est possible que j’y sois pour quelque chose.

Ce que j’ai trouvé intéressant dans cette rencontre, c’est d’abord que, bien que très éloignée de l’informatique, cette personne avait quand même la conviction de se faire entourlouper par Microsoft et cherchait une alternative. À l’époque où j’écumais les stands, j’ai fait de la retape pour le logiciel libre auprès de centaines de personnes et je n’ai jamais reçu une oreille aussi favorable de la part d’un néophyte. Les choses changent ! Peut-être que cette fois-ci le rouleau compresseur médiatique et commercial de Microsoft ne sera pas suffisant pour étouffer les alternatives libres, pratiques et respectueuses de leurs utilisateurs. Il faut dire que la presse regorge d’articles sur l’alternative Linux à Windows 10, même Le Figaro a fait un article sur le sujet, c’est dire !

Une des choses qui m’a toujours marqué avec le logiciel libre, c’est qu’il porte généralement une vision simple : il reste concentré sur le besoin de l’utilisateur. Ça n’a l’air de rien, mais pour le logiciel propriétaire, proposer un logiciel pratique et loyal n’est qu’une stratégie parmi d’autres pour gagner de l’argent. On connaît l’enfer des dark patterns, de l’obsolescence programmée, des formats fermés, des objectifs de captation de l’utilisateur et de ses données. Alors que dans le logiciel libre, on a souvent le plaisir d’utiliser un logiciel conçu pour son utilisateur unique : son propre développeur. Tous les logiciels libres ne sont pas faciles d’utilisation, mais ils ont l’avantage de chercher à faire un truc, pas douze dont six sont contradictoires.

Dans les OS, l’une des conséquences de ce principe de simplicité fait qu’ils sont moins gourmands en ressources et tournent donc sur du vieux matériel. Je connais par exemple un mec, qui fait des chroniques radio sur Libre à vous ! une fois par mois, et qui a donné une troisième vie à un PC. Il sert désormais d’ordinateur fixe familial et de média center sans pub.

Le Libre est une brique incontournable de l’informatique low-tech. Comme on le rappelle souvent, la low-tech n’est pas une sous-technologie mais une technologie sobre, robuste, adaptée aux besoins. La guerre en Ukraine l’a démontré de façon spectaculaire. Bien entendu, dans ce contexte l’aspect environnemental est totalement ignoré, mais sa disponibilité, sa plasticité ont littéralement neutralisé l’avantage offert par la haute technologie des systèmes d’arme classiques.
Pendant ce temps-là, l’actualité nous donne un contre-exemple assez divertissant. Une startup nommée Eight Sleep vend des matelas connectés, 2 000 dollars minimum, qui sont entièrement dépendants des services d’AWS. La semaine passée, le fournisseur de cloud a mis ces lits haute technologie en carafe. Ils se sont mis à chauffer, sont restés en position verticale parce que les serveurs étaient HS ! Des milliers de dollars pour aller dormir sur le canapé parce que l’idée même d’un mode dégradé n’a pas été considérée par la startup.

Les grosses machines centralisées ne favorisent pas la résilience car leur premier impératif est le pouvoir sur les utilisateurs, donc, assez naturellement, la concentration des moyens technologiques. Considérant l’instabilité grandissante de notre monde, ces démarches compliquées, enchevêtrées, financièrement dépendantes de promesses de disruption nébuleuses me semblent bien fragiles. On est bien loin de cet Internet résilient conçu pour survivre à une attaque nucléaire dont on se gargarisait il y a 20 ans.

C’est peut-être la vieillesse, mais je suis de plus en plus réticent à utiliser des trucs inutilement technologiques. J’ai refusé la chatière à puce, parce que ça aurait été un truc de plus à paramétrer, des batteries à changer, un coût significatif pour un appareil à durée de vie limitée. Pareil pour ma bouilloire, c’est un simple contenant de métal qu’il suffit de poser sur la plaque à induction de la cuisine. Ça marche tout aussi bien qu’un truc électrique qui aurait fini par tomber en panne.
Plus j’y pense, plus je me dis que la démarche low-tech est une démarche d’avenir pour l’informatique libre. Elle permet de couper l’herbe sous le pied des géants de la tech et à leur système de contrôle social, d’être pertinente et adaptable face aux défis d’un avenir qui promet d’être chaotique et peut-être, à la fin, de mieux maîtriser nos vies.

[Virgule sonore]

Isabella Vanni : Nous sommes de retour en direct sur radio Cause Commune. Nous venons d’écouter la chronique de Luk.
Nous approchons de la fin de l’émission, nous allons terminer par quelques annonces.

[Virgule musicale]

Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre

Isabella Vanni : Pour commencer, je vous rappelle que les liens utiles concernant les annonces de fin sont sur la page consacrée à l’émission du jour, libreavous.org/259, ou dans les notes de l’épisode si vous écoutez en podcast.

Depuis trois ans, la situation financière de l’April n’est plus à l’équilibre. L’année dernière, grâce à un magnifique élan de soutien, la campagne du Lama déchaîné nous a permis de boucler le budget. Malheureusement, les restrictions budgétaires des collectivités, la baisse du chiffre d’affaires des entreprises, l’érosion des membres physiques font que l’April a besoin de 30 000 euros pour finir sereinement l’année 2025. Il nous a donc paru opportun de relancer une campagne d’appel à soutien. Notre gazette Le Lama déchaîné est donc de retour pour une deuxième saison. Les numéros 0 et 1 sont déjà disponibles, le numéro 2 devrait être publié demain, mercredi 29 octobre, nous vous en souhaitons une bonne lecture.

Vous souhaitez quitter Windows et passer à un système d’exploitation qui vous respecte et prolonge la vie de votre ordinateur ? Le portail « Adieu Windows, bonjour le Libre ! » est fait pour vous. Retrouvez les événements près de chez vous qui vous proposent de l’aide pour installer un système libre sur votre machine et parlez-en à vos proches.
Mentionnons par exemple
à Paris, samedi 1er novembre, le rendez-vous mensuel, Le Premier Samedi du Libre, organisé par Parinux ;
à Rouen, samedi 8 novembre, l’install partie proposée par l’association Libérons nos ordis ;
à Toulouse, le week-end des 15 et 16 novembre, l’événement annuel Le Capitole du Libre organisé par Toulibre. L’April y sera avec un stand et plusieurs interventions.
C’est aussi l’occasion, pour nous, de mettre en valeur le travail inestimable des associations locales de promotion du logiciel libre. Un grand merci à elles et à leurs bénévoles.

Cause Commune vous propose un rendez-vous convivial chaque premier vendredi du mois, à partir de 19 heures 30, dans ses locaux, à Paris, au 22 rue Bernard Dimey dans le 18e arrondissement. Une réunion d’équipe ouverte au public, avec apéro participatif à la clé, occasion de découvrir le studio et de rencontrer les personnes qui animent les émissions. La prochaine soirée radio ouverte aura lieu vendredi 7 novembre.

Et je vous invite, comme d’habitude, à consulter le site de l’Agenda du Libre, agendadulibre.org, pour trouver des évènements en lien avec le logiciel libre ou la culture libre près de chez vous.

Je vois qu’on a encore un peu de temps. J’en profite pour dire que vous pouvez, bien sûr, laisser un message sur le répondeur de la radio, pour réagir à l’un de nos sujets, pour poser une question. N’hésitez pas à nous faire des retours. Le numéro du répondeur est le 09 72 51 55 46.

Je vous rappelle aussi que la radio Cause Commune, la voix des possibles, sur la bande FM 93.1 en Île-de-France, c’est de midi à 17 heures puis de 21 heures à 4 heures en semaine, du vendredi 21 heures au samedi 16 heures et le dimanche de 14 heures à 22 heures. L’April participe à cette belle aventure que représente Cause Commune, radio associative. La radio a besoin de soutien financier, notamment pour payer les frais matériels. Nous vous encourageons à aider la radio en faisant un don. Toutes les informations sont sur le site causecommune.fm. Vous pouvez aussi aider en consacrant du temps.

Notre émission se termine.

Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission aujourd’hui : Lorette Costy, Laurent Costy, Marie Rincé, Rodolphe Robles et Luk.
Aux manettes de la régie aujourd’hui, Étienne Gonnu.
Merci également aux personnes qui s’occupent de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang 1, Julien Osman, bénévoles à l’April, et Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio.
Merci aussi aux personnes qui découpent les podcasts complets des émissions en podcasts individuels par sujet : Quentin Gibeaux, Théocrite et Tunui, bénévoles à l’April, et Frédéric Couchet.

Vous retrouverez sur notre site web, libreavous.org/259, toutes les références utiles de l’émission de ce jour ainsi que sur le site de la radio, causecommune.fm, ou dans les notes de l’épisode si vous écoutez en podcast.
N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu mais aussi des points d’amélioration. Vous pouvez également nous poser toute question et nous y répondrons directement ou lors d’une prochaine émission.
Toutes vos remarques et questions sont les bienvenues à l’adresse bonjour chez libreavous.org.

Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission.
Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas en parler le plus possible autour de vous et à faire connaître également la radio Cause Commune, la voix des possibles.

La prochaine émission aura lieu en direct mardi 4 novembre à 15 heures 30. Notre sujet principal sera à priori un Parcours libriste avec une animatrice de Libre à vous !.

Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 4 novembre et d’ici là, portez-vous bien.

Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.

Média d’origine

Titre :

Émission Libre à vous ! diffusée mardi 28 octobre 2025 sur radio Cause Commune

Personne⋅s :
- Laurent Costy - Lorette Costy - Luk - Marie Rincé - Rodolphe Robles
Source :

Podcast

Lieu :

Radio Cause Commune

Date :
Durée :

1 h 30 min

Autres liens :

Page de présentation de l’émission

Licence :
Verbatim
Crédits des visuels :

Bannière de l’émission Libre à vous ! de Antoine Bardelli, disponible selon les termes de, au moins, une des licences suivantes : licence CC BY-SA 2.0 FR ou supérieure ; licence Art Libre 1.3 ou supérieure et General Free Documentation License V1.3 ou supérieure.
Logo de la radio Cause Commune utilisé avec l’aimable autorisation d’Olivier Grieco, directeur d’antenne de la radio.

Avertissement : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant⋅e⋅s mais rendant le discours fluide. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.