Émission Libre à vous ! diffusée mardi 22 juin 2021 sur radio Cause Commune


Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
L’analyse d’audience de sites web, les enjeux et la présentation du logiciel libre Matomo, c’est le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme la chronique musicale d’Éric Fraudain sur l’artiste Darren Curtis et aussi la chronique de Véronique Bonnet sur le thème « Développement durable et logiciel libre ».

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.

Le site web de l’April est april.org, vous pouvez y trouver une page consacrée à cette émission avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou nous poser toute question.

Nous sommes mardi 22 juin 2021, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission aujourd’hui mon collègue Étienne Gonnu. Bonjour Étienne.

Étienne Gonnu : Salut Fred.

Frédéric Couchet : Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[jingle]

Chronique « Le fil rouge de la musique libre » par Éric Fraudain, créateur du site Au Bout Du Fil, présentation de l’artiste Darren Curtis

Frédéric Couchet : « Le fil rouge de la musique libre ». Dans cette chronique Éric Fraudain, créateur du site Au Bout Du Fil, nous fait découvrir des artistes ayant opté pour la libre diffusion de leurs œuvres musicales. Aujourd’hui, Éric nous fait découvrir l’artiste Darren Curtis.
Je précise que c’est la rediffusion d’une chronique déjà diffusée le 15 décembre 2020. On se retrouve dans sept minutes.

[Virgule sonore]

Frédéric Couchet : « Le fil rouge de la musique libre ». Dans cette chronique, Éric Fraudain, créateur du site Au Bout Du Fil nous fait découvrir des artistes ayant opté pour la libre diffusion de leurs œuvres musicales. Aujourd’hui Éric nous fait découvrir l’artiste Darren Curtis.
Bonjour Éric.

Éric Fraudain : Bonjour Frédéric.

Frédéric Couchet : Je te laisse la parole.

Éric Fraudain : Merci.
Aujourd’hui j’aimerais vous faire découvrir un artiste autodidacte, américain, Darren Curtis, originaire du Maryland. Cet artiste est également connu sous le nom de DesperateMeasurez et il publie chaque année une collection de titres sous licence Creative Commons By Attribution 3.0.
Je vous propose de revenir sur son album Royalty Free Fantasy : The Beginning Years. Écoutons ensemble Journey’s Reflection, le premier titre de cet album et on se retrouve juste après pour la review.

Diffusion de Journey’s Reflection de l’album Royalty Free Fantasy : The Beginning Years de Darren Curtis.

Voix off : Cause Commune 93.1.

Éric Fraudain : Vous venez d’écouter Journey’s Reflection de Darren Curtis, un titre sous licence Creative Commons By Attribution, 3.0. Un morceau qui nous plonge instantanément dans l‘univers héroïque fantastique. L’orchestration est sublime, on se voit dévaler la contrée en compagnie de Frodon et Sam. Je regrette simplement que la musique soit coupée quelques secondes à la fin, c’est peut-être intentionnel. Dans tous les cas, ça n’enlève rien à la qualité de cette musique.
Ce morceau est donc le premier titre issu de l’album Royalty Free Fantasy : The Beginning Years composé de 22 musiques. C’est tout simplement impressionnant ! Je vous invite à vous rendre sur la page Bandcamp de l’artiste pour découvrir les musiques de l’album, mais également les autres albums mis à disposition.

Depuis son adolescence, Darren a toujours eu un coup de cœur pour les musiques instrumentales et les bandes originales de films ou de jeux vidéo. Souvent ce sont des musiques qui, sans avoir besoin de mots, arrivent à exprimer encore plus d’émotions qu’une musique ordinaire avec des paroles. C’est cette idée-là qui a séduit Darren Curtis très jeune et lui a donné envie d’apprendre à jouer du piano. Il s’est lancé dans la musique de manière complètement autodidacte et aujourd’hui il compose et produit ses propres morceaux sans se restreindre à un seul genre musical.
Darren a composé Royalty Free Fantasy : The Beginning Years de 2013 à 2016 au tout début de sa carrière de compositeur. Malgré tout, on ressent une étonnante forme de maturité émanent de cet opus.
Vous aurez l’occasion de le constater par vous-même, car vous allez écouter d’autres titres comme A time forgotten, The Death March et peut-être Dreamscape dans cette émission, des musiques toujours issues de ce premier album instrumental.
Si vous souhaitez en savoir plus sur Darren Curtis, rendez-vous sur son site internet www.darrencurtismusic.com. Vous pouvez également le soutenir avec des donations sur Patreon, patreon.com/darrencurtismusic.
Voilà. J’en ai terminé.

Frédéric Couchet : Merci Éric pour cette découverte et, comme tu le dis, toutes les pauses musicales du jour seront de Darren Curtis. La page Bandcamp de Darren Curtis c’est darrencurtis.bandcamp.com, à Darren, il y a deux « r » et nous mettrons également les références sur le site de l’April et le site de la radio. Ces musiques sont sous licence Creative Commons Attribution, CC By, qui permet la réutilisation, la modification, la diffusion, le partage de la musique pour toute utilisation, y compris commerciale, à condition de créditer l’artiste, d’indiquer la licence et d’indiquer si des modifications ont été effectuées.
Je te remercie pour cette chronique musicale.

Éric Fraudain : Merci à vous.

[Virgule sonore]

Frédéric Couchet : Nous sommes de retour en direct. C‘était la chronique musicale d’Éric Fraudain, consacrée à l’artiste Darren Curtis. Nous allons d’ailleurs faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Après la pause musicale, nous parlerons d’analyse d’audience de sites web, des enjeux et la présentation du logiciel libre Matomo.
L’artiste qui va nous accompagner musicalement dans l’émission du jour est donc Darren Curtis. Nous allons écouter A time forgotten par Darren Curtis. On se retrouve dans deux minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : A time forgotten par Darren Curtis.

Frédéric Couchet : Eh oui, comme l’a dit Éric Fraudain dans sa chronique, ça se coupe brutalement.
Nous venons d’écouter A time forgotten par Darren Curtis, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By. Le site de l’artiste c’est darrencurtismusic.com et vous trouverez également une présentation de l’artiste sur le site d’Éric Fraudain auboutdufil.com.

[Jingle]

Frédéric Couchet : Nous allons passer à notre sujet principal.

[Virgule musicale]

L’analyse d’audience de sites web et Matomo avec Alexandre Bulté directeur technique d’Etalab et Ronan Chardonneau, formateur indépendant sur Matomo

Frédéric Couchet : Nous allons donc poursuivre avec notre sujet principal qui va porter sur l’analyse d’audience de sites web et le logiciel libre Matomo avec nos deux invités en studio, ce qui est assez exceptionnel vu les conditions. La dernière fois que nous avons eu des personnes en studio pour le sujet long date du 10 mars 2020, c’est-à-dire une semaine avant la date du premier confinement. C’est un grand plaisir de vous avoir avec nous en studio, Alexandre Bulté, directeur technique d’Etalab. Bonjour Alexandre.

Alexandre Bulté : Bonjour. Bonjour à toutes et tous.

Frédéric Couchet : Ronan Chardonneau, consultant et formateur Matomo. Bonjour Ronan.

Ronan Chardonneau : Bonjour Frédéric. Bonjour à tous.

Frédéric Couchet : Nous allons parler d’analyse d’audience de sites web et du logiciel libre Matomo. Avant d’aborder le sujet, on va commencer par une présentation personnelle rapide, je vais vous demander de vous présenter. On va commencer par Alexandre Bulté.

Alexandre Bulté : Déjà merci beaucoup de me donner cette occasion de m’exprimer en studio, c’est un studio historique. Je suis ravi.
Alexandre Bulté. Je suis directeur technique d’Etalab. Etalab est un département de la DINUM et notre mission c’est d’ouvrir, partager et valoriser les données publiques. On fait ça au niveau interministériel puisque la DINUM c’est la Direction interministérielle du numérique, ça veut dire que nous ne faisons pas tout à la place des ministères, mais on essaye d’insuffler, de montrer la voie, de mettre à disposition des outils pour tout ce qui est, on va dire, politique de la donnée dans l’État français.
Historiquement et encore aujourd’hui, notre produit le plus connu c’est data.gouv.fr, donc la plateforme ouverte des données publiques françaises, l’open data comme on dit en mauvais français.
Je suis arrivé chez Etalab il y a quatre ans après un parcours assez classique, on dit ESM maintenant je crois.

Frédéric Couchet : Entreprise de services du numérique.

Alexandre Bulté : On disait société de services informatiques à l’époque. J’ai toujours trempé depuis ma première Red Hat 9, il y a un petit moment maintenant, dans l’open source, ça a toujours été important pour moi d’utiliser des logiciels open source notamment dans mon travail. Donc quelque part j’ai trouvé une certaine continuité chez Etalab et je suis ravi de pouvoir échanger ici, aujourd’hui, sur un logiciel libre tel que Matomo.

Frédéric Couchet : D’accord. Le site d’Etalab c’est etalab.gouv.fr, sur lequel on trouve toutes les informations.
Ronan Chardonneau.

Ronan Chardonneau : Bonjour à tous. Merci beaucoup pour cette invitation.
En ce qui me concerne, je suis formateur indépendant, consultant sur Matomo Analytics quasiment à temps plein, en tout cas 70 % depuis maintenant 2015, année à laquelle, on va dire, j’ai décidé de prendre ce pari un petit peu foufou de développer toute une activité autour de Matomo exclusivement.
Je suis également maître de conférences associé à l’IAE [École universitaire de management] d’Angers que je salue, depuis 2012, ça va bientôt faire 10 ans que j’enseigne le marketing digital là-bas. J’ai eu la chance de travailler au sein de l’équipe de Matomo de 2017 à 2019. En fait, j’ai été vraiment le premier employé de leur équipe, en tout cas de la nouvelle structure que Matthieu Aubry a créée en 2016. J’ai travaillé pendant deux ans pour eux avec un décalage de 12 heures avec la Nouvelle-Zélande puisqu’ils sont situés en Nouvelle-Zélande. J’ai la chance, en tout cas dans cette spécialité que j’ai développée, d’être un marketeur mais qui fait vraiment du marketing avec du logiciel libre, ce qui n’est pas courant justement quand l’univers du marketing digital est surtout dominé par des solutions telles que Google, Microsoft et autres.

Frédéric Couchet : D’accord. C’est vrai qu’on entend rarement ici marketing digital ; on va y revenir. Ton site web, je précise, c’est ronan-chardonneau.fr et je précise que, pour toutes les références qu’on citera au cours de l’émission, on mettra les liens sur la page consacrée à l’émission sur les sites april.org et causecommune.fm, comme ça vous n’aurez pas à tout noter.
Avant de parler de Matomo qui est l’outil logiciel libre dont on va parler aujourd’hui, on va commencer par la question qui est pourquoi utiliser un outil d’analyse d’audience ou de marketing de sites web. Ensuite on parlera du plus connu, en tout cas de celui que les gens connaissent sans doute le plus et des problématiques qu’il peut poser et on finira évidemment par une grosse partie sur Matomo.
Déjà première question : pourquoi faire de l’analyse d’audience, du marketing de sites web comme tu as dit ?, tu as utilisé plusieurs fois le terme « marketing » ? Qu’est-ce qu’on cherche à mesurer ? Pourquoi fait-on ça ? Ronan Chardonneau.

Ronan Chardonneau : La base dans l’analyse d’audience c’est qu’on ne peut pas améliorer quelque chose qu’on ne peut pas mesurer, c’est vraiment le point fondamental. Donc on est sur des logiciels qui sont là pour analyser ce qui se passe à l’intérieur du système d’information dans lequel on l’a embarqué, que ce soit un logiciel, que ce soit un site internet, que ce soit une application mobile, que ce soit même, on va dire, un objet connecté, bref !, tout système d’information. Le but, d’ailleurs, c’est d’analyser plusieurs choses.
Généralement, avec des solutions d’analyse d’audience j’ai envie de grand public, comme Google Analytics, on veut vraiment analyser les caractéristiques de l’utilisateur ; ça répond à la question de qui ?
Ensuite on va analyser ce qu’il fait, c’est plus la partie comportementale, c’est-à-dire ce qu’il fait lorsqu’il utilise l’application, quel l’écran il regarde, quelles actions il effectue, ce qu’il est en train de scroller, où il a appuyé, où il a cliqué ; cette deuxième partie est la partie comportementale.
Et la troisième partie qu’on va souvent mentionner ça va être comment il est venu, comment il a connu cette application ou par quel site internet, qui est la partie acquisition.
Après, en fonction du logiciel qu’on a, on a différentes briques qui peuvent venir se rajouter. Typiquement, avec Matomo, on a ce qu’on appelle la market place, le concept de plugins qui vont permettre de rajouter plein de fonctionnalités en plus. Typiquement, on peut imaginer des cartes qui vous montrent comment la souris de l’utilisateur se balade sur l’écran ou, au contraire, les informations qu’il enverrait par l’intermédiaire d’un formulaire, ce genre de choses.

Frédéric Couchet : D’accord. Je vois une remarque sur le salon web de la radio, ça me fait penser que j’ai honteusement oublié de dire que vous pouvez participer à notre échange en posant des questions ou en faisant des remarques. Sur le salon web dédié à l’émission, le site causecommune.fm, bouton « chat », salon #libreavous, je vois déjà une première remarque de Marie-Odile, c’est Marie-Odile Morandi, notre célèbre « transcripteuse », d’ailleurs je ne sais pas si « transcripteuse » se dit, en tout cas qui fait de très nombreuses transcriptions pour le site librealire.org et qui nous dit « c’est un peu indiscret tout ça ! ». Effectivement Ronan, tu as parlé parcours de visite, etc., est-ce que ça veut dire qu’on surveille ce que fait la personne qui va sur notre site web ?

Ronan Chardonneau : Cette notion de « on surveille qui », il faut savoir qu’elle est quand même aujourd’hui bien résolue, puisque, avec tout ce qui est RGPD mais aussi tout ce qui était, on va dire, les lois avant, la loi sur le paquet télécom, ce genre de choses, de plus en plus rentrent des critères d’anonymisation qui font qu’on ne peut pas réellement savoir au final – enfin si, on peut, techniquement, savoir savoir ce qui se passe mais on est un petit peu dans l’illégalité. Quand on regarde, justement, les dernières lignes directrices qui ont été édictées par la CNIL et qui datent de mars de cette année, là on est clairement sur « on n’a pas le droit de descendre à un niveau plus bas que l’utilisateur, on n’a pas le droit, justement, de récupérer des données qui concernent l’utilisateur, ça doit être uniquement des données agrégées ». À partir de là, on va dire qu’on est sur du global, sur des tendances, on n’est pas au niveau de l’utilisateur, à moins, naturellement, qu’on ait son consentement, mais là on passe dans une autre partie qui est qu’on a eu l’accord de l’utilisateur pour justement analyser ce qui passe.
Il faut bien garder en tête que la finalité c’est améliorer son expérience. C’est le fait qu’on a développé un système d’information, mais on ne sait toujours pas ce qui marche et ce qui ne marche pas, et le fait de s’en tenir simplement à son ressenti personnel, sur ce qu’on pense, qui est vrai ou pas, ça ne suffit pas. À un moment donné il faut se mettre à la place de l’utilisateur, savoir ce qu’il est réellement en mesure de faire et, en fait, on va découvrir un gros décalage entre ce qu’on pensait qu’il réalise sur le site et ce qu’il réalise en réalité.

Frédéric Couchet : D’accord. Finalement, c’est pour améliorer le parcours de la personne qui utilise.

Ronan Chardonneau : Exactement.

Frédéric Couchet : Je vais juste préciser que le RGPD c’est le Règlement général sur la protection des données qui date de 2018 et la CNIL c’est la Commission nationale informatique et libertés, bien connue, à qui il manque, on va le préciser encore une fois, beaucoup de moyens humains pour faire appliquer les règles ; je me permets de le dire.
On va revenir évidemment sur le marketing, sur les raisons de l’analyse d’audience, Ronan.
Alexandre Bulté, tu es directeur technique d’Etalab, finalement pourquoi Etalab a choisi de faire de l’analyse d’audience de sites web et, d’ailleurs, de quels sites web faites-vous de l’analyse d’audience ?

Alexandre Bulté : Le projet dont on parle, quelque part, c’est stats.data.gouv.fr, mais, pareil, on mettra l’URL en référence, ce sera plus simple. Au départ, en 2013 je crois, donc au lancement de data.gouv.fr tel qu’on le connaît aujourd’hui en gros, c’est-à-dire une plateforme ouverte, participative avec pas mal de fonctionnalités de type social, eh bien on veut savoir, comme le disait Ronan, ce qui marche, ce qui ne marche pas, où vont les gens, que font-ils, que se passe-t-il. À ce moment-là on monte cette instance stats.data.gouv.fr pour commencer à recueillir quelques métriques sur ce qui se passe sur le site. Il y a eu, comment dire, une espèce de mayonnaise qui a pris à la DINUM, notamment avec nos cousins de beta.gouv.fr, l’incubateur des startups d’État, qui ont trouvé cet outil très pratique, l’installation qu’on avait faite très pratique aussi et aujourd’hui on en est à plus d’une centaine de sites, j’ai même noté combien, 108.

Frédéric Couchet : 108 sites institutionnels.

Alexandre Bulté : 108 sites institutionnels qui sont trackés sur cette instance. En fait on mutualise les efforts d’hébergement, de maintenance, de backups, de ce qu’on veut, de surveillance, de monitoring, de cette instance pour plein d’usages différents. Je pense qu’on est une des plus grosses, Ronan le sait peut-être mieux que moi, mais à mon avis on est une des plus grandes instances Matomo, en tout cas elle est assez costaude.
Pour répondre à la question initiale, comme Ronan le disait, c’était savoir un petit peu ce qui se passe sur le site. Aujourd’hui ça nous sert même de référentiel, par exemple combien de fois ce jeu de données a été téléchargé, combien de fois il a été visité. C’est comme ça qu’on connaît les jeux de données les plus populaires, c’est comme ça qu’on connaît les attentes des usagers et les usages que peuvent faire les ré-utilisateurs des données ouvertes qui sont sur data.gouv.fr. Pour nous ce sont plein de points d’éclairage qui sont hyper-intéressants, à la fois pour le site web en lui-même mais aussi pour les politiques publiques. Si on se rend compte, je ne sais pas, que le jeu de données de telle administration est hyper-visité, on va dire « on va essayer de travailler un peu plus en profondeur avec cette administration-là parce que visiblement ses données intéressent beaucoup de gens, donc il y a peut-être d’autres choses à ouvrir, d’autres choses dans les tiroirs qu’on peut sortir ». Ça nous aide beaucoup pour ça.

Frédéric Couchet : D’accord. J’ai justement une question là-dessus, sur cette visibilité et transparence de l’action publique. Ce qui m’a « étonné », entre guillemets, c’est que le site est accessible publiquement. Pourquoi avoir fait ce choix-là ?, parce que je suppose que c’est volontaire.

Alexandre Bulté : Tout à fait. C’est volontaire, c’est même, je ne sais pas s’il y a un truc au-dessus de volontaire.

Frédéric Couchet : C’est assumé.

Alexandre Bulté : Voilà, c’est assumé, c’est encouragé. Tous les sites qui sont hébergés sur stats.gouv.fr ne sont pas forcément publics, leur fréquentation n’est pas forcément publique. En revanche, c’est quelque chose que nous encourageons – quand je dis « nous » c’est l’équipe de data.gouv.etalab – parce que nous pensons que c’est quelque chose d’important d’être transparent vis-à-vis de nos usagers qui sont les citoyens français, qui payent des impôts ; l’État fait des choses et quelle utilité ont ces choses, comment les gens s’en servent, on pense que c’est vraiment intéressant. En plus on baigne, on va dire que notre métier de base c’est l’open data, les données ouvertes, quelque part stats.data.gouv.fr ce sont des données ouvertes qui sont mises à la disposition du public. C’est peut-être, aujourd’hui, notre jeu de données le plus riche, ce n’est peut-être pas le plus exploité mais, en tout cas, c’est le plus riche parce que, mine de rien, on a des données qui remontent à 2013 sur la fréquentation de data.gouv.fr. Cette transparence des données et des impacts des différents produits, des différents sites qui peuvent être construits, on trouve vertueux de « pousser », entre guillemets, on ne va pas dire qu’on pousse les gens à ouvrir leurs données, en tout cas on les incite à les rendre publiques. Encore une fois c’est quelque chose, chez nos cousins de beta.gouv.fr, la startup d’État, qui correspond aussi assez bien à leur philosophie, justement, de produit par l’impact avec une certaine transparence.

Frédéric Couchet : Et par une évaluation, justement ce que tu disais tout à l’heure.

Alexandre Bulté : Et une évaluation permanente.
Par exemple, dans le manifeste data.gouv.fr, il y a l’obligation d’avoir une page/stats publiques avec quel est l’impact de mon produit et ça peut s’appuyer sur Matomo, ou pas, en tout cas c’est vraiment quelque chose dans l’ADN des startups d’État.

Frédéric Couchet : On reviendra tout à l’heure sur la raison du choix de Matomo. Pour l’instant on reste sur la partie générale de la question analyse d’audience.
Comme je l’ai dit en introduction, Ronan, tu es donc consultant et formateur Matomo, tu as dit que tu travailles là-dessus à peu près 70 % de ton temps. Quels types de clients as-tu ? Pourquoi, finalement, viennent-ils te voir ? Est-ce qu’ils ont tous la même problématique ou est-ce que tu as des profils différents ?

Ronan Chardonneau : Très bonne question.

Frédéric Couchet : Merci !

Ronan Chardonneau : Je ne vais pas dire que j’ai un petit peu de tout, je dirais que les clients avec qui je vais principalement travailler ça va être vraiment les grandes administrations, les grands comptes, donc ça va être, par exemple, des régions, ça peut être des villes, ça va être aussi des institutions européennes, ça va être aussi des très grandes entreprises mais pas forcément liées à l’e-commerce. Il faut imaginer, contrairement à d’autres solutions bien connues que tu évoqueras peut-être un petit peu plus tard, qu’il y a tout un univers pour Matomo parce que c’est un logiciel libre, qui est ouvert, qui est notamment la partie intranet, en gros celle qu’on ne peut jamais voir de l’extérieur. En fait c’est un marché qui est énorme pour Matomo, ce sont souvent des entreprises pharmaceutiques, par exemple, qui viennent me voir, qui ont des intranets, qui ont développé des applications qui coûtent des fortunes et elles ne savent toujours pas, au final, si les personnes, les utilisateurs qui, du coup, ne sont pas le grand public, qui sont vraiment leurs clients à elles, utilisent l’application qu’elles ont développée.

Frédéric Couchet : D’accord. C’est, comme tu le disais un peu en introduction, utilisé pour améliorer l’expérience des personnes qui utilisent le produit, pas simplement pour les surveiller, mais effectivement pour correspondre à ce que le produit corresponde à leurs attentes, pour corriger éventuellement par exemple des parcours de visites qui seraient bizarres. On sait très bien qu’on prévoit une application, une interface, et que les gens font souvent autre chose. Dans ce sens-là c’est utilisé en interne dans des structures.

Ronan Chardonneau : Pour dédiaboliser un petit peu tout ça, pour vous donner un petit peu une idée des clients que j’ai, en tout cas des prospects au téléphone qui veulent vraiment faire du tracking très intrusif, je crois que je n’en ai eu qu’un seul dans ma vie où vraiment la personne voulait le numéro de sécurité sociale, elle voulait, en plus, le croiser avec l’âge, le genre de la personne, bref !, tout un paquet de données, c’était d’ailleurs du côté américain, le client était américain. En tout cas je n’ai jamais eu de client qui vraiment veuille savoir si c’est Pierre, Paul qui s’est connecté, à quelle heure il s’est connecté, pourquoi il l’a fait ; ça a toujours été encadré, même il y a des années de ça. Je me souviens qu’à un moment donné j’avais eu un client qui a dit « tiens, sur le site il y a des pages qui sont liées au syndicat par exemple. – Non, là, dans ce qu’on appelle un plan de marquage, en gros une implémentation du code de Matomo, surtout tu ne traques pas ça » ; en gros ça c’est une zone qui est un petit peu touchy j’ai envie de dire.
Pour répondre à ta question, ça va être principalement les très grandes organisations, les très grands comptes que je vais former et après, derrière, en effet je vais avoir des clients un petit peu plus modestes. Ça peut être je ne vais pas dire monsieur et madame Tout-le-monde ; monsieur et madame Tout-le-monde ce sont des personnes que je ne vais pas vraiment considérer comme des clients, je vais les aider sur mon temps libre ; je vais principalement travailler sur les très grands. Vu que maintenant il y a beaucoup de demande, je travaille aussi pas mal avec de sous-traitants. Mon rôle c’est surtout d’arriver à former, notamment à l’étranger, des agences ou des indépendants qui, eux, sont capables de pouvoir aussi former et fournir de la prestation de service sur Matomo à l’étranger.

Frédéric Couchet : D’accord. Quand on reparlera tout à l’heure en détail de Matomo, on voit quand même déjà que Matomo est un outil qui est très largement utilisé et sur lequel, en plus, il y a des gens qui en vivent par du service, par de la formation et autres, par du consulting, on reviendra en détail là-dessus. Par contre, je reviens juste sur une expression que tu as employée qui est « le plan de marquage », tu l’as un petit peu expliquée aussi. Je suppose que le plan de marquage c’est l’idée de lister les besoins de collecte des données avant de réfléchir à installer et configurer un outil. C’est ça ?

Ronan Chardonneau : Ce qui se passe souvent dans la tête des personnes c’est qu’un logiciel d’analyse d’audience c’est juste un logiciel que j’installe, je déploie le code pour mesurer ce qui se passe sur le site et ça s’arrête là. Non ! En fait il faut imaginer que pour un logiciel d’audience, exactement comme pour la création d’un site web, il y a une partie développement où il faut implémenter des fonctionnalités qui permettent de pouvoir collecter des données dont tu as besoin. Par défaut, pour Matomo ou pour tout autre logiciel d’analyse d’audience, on n’est pas devant. On ne sait pas si ton site est un réseau social, on ne sait pas si ton site est un site marchand, on ne sait pas si c’est un petit site vitrine, un petit blog. En fait il faut nous expliquer tout ça et ça passe par ce que j’appelle un plan de marquage mais, en réalité, c’est un cahier des charges qui définit, au final, ce dont tu as besoin en termes de collecte de données pour analyser, derrière, si les scénarios que tu avais imaginé, par exemple est-ce que les personnes utilisent le menu déroulant ? Par défaut l’utilisation d’un menu déroulant n’est pas mesurée par des solutions d’analyse d’audience, donc il faut que tu ajoutes des petits bouts de code et ces petits bouts de code c’est ce que tu définis dans cette fameuse documentation qu’on appelle, nous analystes, un plan de marquage.

Frédéric Couchet : Justement côté Etalab, Alexandre Bulté, tu as dit tout à l’heure qu’il y a plus d’une centaine de sites sur lesquels Matomo est installé, est-ce que tu as eu aussi ce genre de mise en place, c’est-à-dire des demandes un peu spécifiques par rapport à tel ou tel site ou, finalement, est-ce que c’est une installation « générique », entre guillemets ?

Alexandre Bulté : Ce qu’on propose à travers Etalab et data-gouv.fr c’est vraiment l’infrastructure, on n’est pas du tout comme Ronan, des experts de l’analytics. Déjà on n’en a pas la capacité, de toute façon on n’a pas le temps, notre cœur de métier reste quand même d’opérer notamment data.gouv.fr. On se borne à fournir l’infrastructure la plus saine possible, on va dire, notamment certains réglages par défaut qui sont plutôt respectueux de la vie privée, parce que, par défaut, on pense qu’il vaut mieux être respectueux de la vie privée. Ensuite, après, à chaque startup, à chaque site de mettre en place son plan de marquage, son besoin de tracking plus ou moins évolué. Nous n’intervenons pas sur la partie métier.

Frédéric Couchet : D’accord. Dernière question avant qu’on aborde le fameux logiciel qu’on a évoqué tout à l’heure.
Ronan, tu as parlé de grands comptes, j’ai vu sur le site de Matomo – on ne l’a même pas cité c’est matomo.org et si vous voulez accéder directement à la version française c’est fr.matomo.org – qu’il y a effectivement des grandes entreprises qui utilisent Matomo, mais je me souviens aussi qu’à un moment tu as dit que tu faisais de la formation bénévole, notamment dans le cadre de Webassos qu’on a reçue dans l’émission du 11 mai 2021, une association qui regroupe des bénévoles experts du Web pour venir en aide aux associations. Je suppose qu’il y a des associations de toutes tailles, notamment des petites ou autres, qui utilisent Matomo pour leurs besoins d’analyse de sites web. Quelles informations ces types d’associations recherchent-elles ? La même que les autres ou est-ce qu’il y a des choses spécifiques ?

Ronan Chardonneau : C’est à peu près pareil. Il faut imaginer que oui, il y a aussi beaucoup de demandes. Quand j’ai fait des ateliers avec Webassos, c’était une fois par mois, il y avait à peu près, chaque fois, cinq associations ce qui est quand même pas mal parce que ça veut qu’il y a aussi un désir, du côté des associations, pas simplement de mettre à disposition un site web mais également un site web qui marche et aussi d’arriver à rendre vertueux ce cercle qui tourne autour du socle libre.
Après, en termes de demandes, bizarrement je dois dire que c’est peut-être même plus au sein des associations que je trouve cette notion d’e-commerce. Au final, j’ai assez peu de sites purs d’e-commerce qui viennent me voir pour du Matomo, en revanche, je vais avoir des associations qui, elles, sont intéressées pour mesurer ce qui se passe sur toute la partie « faire un don ». Je dirais même que les associations sont plus intéressées, justement, sur cette partie e-commerce, on va dire que les entreprises classiques que j’ai l’habitude d’avoir.
Sinon, pour le reste, le besoin est le même et surtout, ce qui m’étonne, c’est que les questions qu’elles me posent, surtout en termes d’expertise, sont vraiment du même niveau. Au premier abord je m’étais attendu à ce que, à chaque fois qu’une association va venir me voir, ça va être le truc classique, il faut juste expliquer ce qu’est Matomo, on met Matomo sur le site et ça s’arrête là. Non, souvent les associations ont déjà des besoins bien pointus et oui, on doit en effet parler de plan de marquage et de nécessité de déployer du code pour pouvoir aller plus loin dans la collecte de données.

Frédéric Couchet : Si je comprends bien, l’un des objectifs principaux c’est comment on s’arrange pour qu’une personne qui arrive sur le site web de l’association finisse par arriver sur la page de don ou d’adhésion et convertisse en faisant un don ou une adhésion. Je rappelle que l’April est une association, donc on a également cette problématique-là. Je précise d’ailleurs qu’on utilise Matomo, on l’a installé, mais jusqu’à maintenant on n’a pas réfléchi à un plan de marquage ou autre.
Par contre, par curiosité, tout à l’heure je suis allé voir le Matomo de librealire.org, ça me permet de voir les pages populaires. Actuellement une des pages les plus populaires c’est celle autour du vote électronique parce que, évidemment, il y a une actualité, il y a encore des gens qui veulent croire que le vote électronique, pour les institutions, c’est une bonne chose. Je vous encourage à aller sur librealire.org, il y a des articles notamment de Chantal Enguehard ; c’était un petit peu un hors-sujet ; je suis allé voir tout à l’heure et c’est une des pages les plus visitées.
Quand on parle d’analyse de sites web, il y a forcément un nom qui apparaît, ce n’est pas forcément le seul, d’ailleurs quand on parle d’Internet il y a aussi un nom qui revient souvent, malheureusement, c’est Google et là, en l’occurrence, c’est Google Analytics. Je suppose que de très nombreuses personnes, de très nombreux sites utilisent Google Analytics. Déjà pourquoi, d’après vous, ces gens-là l’utilisent-ils ? Deuxième question ensuite : pourquoi ne faudrait-il pas l’utiliser ? Quels problèmes pose Google Analytics ? Qui veut commencer ? Alexandre Bulté.

Alexandre Bulté : Je peux commencer.
Déjà sur les chiffres, je suis tombé en préparant l’interview sur une étude de W3Techs assez intéressante, pareil je mettrai le lien. À priori c’est 85 % de parts de marché, 84/85 % de parts de marché pour Google Analytics sur le marché des trackers d’audience. J’ai aussi remarqué que Matomo est dans le top 10, donc ça m’a fait plaisir, ils sont très loin derrière.

Frédéric Couchet : Ils sont à quoi ? 4/5 % ?

Alexandre Bulté : Même pas, à 1 virgule quelque chose. Bref ! 85 % de parts de marché, ça dit déjà des choses, ça dit quasi-monopole. Après c’est un outil qui marche, c’est un peu le go to par défaut des gens, ce que je peux comprendre. Quand on ne s’est pas renseigné sur les impacts, si on n’a pas écouté cette émission qu’on est en train de faire, là où on va aller par défaut c’est sur Google Analytics, parce que c’est gratuit, parce que ça marche tout seul, parce qu’on clique. Après, on se retrouve quand même dans une interface avec laquelle, personnellement, je ne m’en suis jamais vraiment bien sorti.

Frédéric Couchet : Tu veux dire l’interface graphique ?

Alexandre Bulté : Oui. Je trouve que l’ergonomie de Google Analytics est particulièrement ardue. Bref ! C’est un peu le choix par défaut. À mon avis, ça ne va pas plus loin que ça pour le choix. Je vais peut-être laisser Ronan élaborer sur les problèmes, c’est pour ça que j’ai commencé, pour pouvoir lui refiler la patate chaude.

Frédéric Couchet : C’est un échange.
Ronan, quels problèmes, finalement, pose Google Analytics ?

Ronan Chardonneau : Je vais peut-être d’abord rebondir, enfin compléter ce qu’a dit Alexandre.
Déjà je confirme les parts de marché. Les sources qu’on consulte également vont être BuiltWith, W3Techs. Ces parts de marché ont quand même bien changé, je crois que pour la France, récemment, quand j’ai regardé, c’était 3 % là où l’année dernière ça devait être 2 %. Il faut imaginer que 1 % c’est quand même phénoménal. Ensuite, ce qu’il faut relativiser justement par rapport à ce top 10, c’est qu’en gros toutes les solutions qui sont devant ce sont des solutions qui ne nécessitent pas d’effort pour la mise en place. C’est énormissime. En réalité, si on avait aujourd’hui j’ai envie de dire un parrain, en tout cas un gros hébergeur qui viendrait se placer, qui dirait « OK, en deux clics tu peux disposer d’une solution d’analyse d’audience », à mon avis la donne serait complètement différente.

Frédéric Couchet : C’est un appel à OVH, à Free, à tout ça quoi !

Ronan Chardonneau : Exactement ! En gros c’est vraiment ça l’idée. Aujourd’hui, qu’est-ce que tu as avec Google ? Tu as une solution avec laquelle tu fais deux clics ou, si tu as déjà ton compte Google, tac !, tu as déjà ton bout de code, tu le mets directement sur ton site internet et tu commences à collecter des données, là où avec Matomo, eh bien, en fait, les gens ne comprennent pas trop : « Tu cliques et tu as un fichier zip. — OK, super, mais je fais quoi avec mon fichier zip ? — En fait, il faut mettre ça sur un serveur. — Mais je n’ai pas de serveur ! — Un serveur ça un coût. — Je ne savais pas qu’il y avait un coût ! ». C’est difficile, en effet, de pouvoir faire directement de la compétition avec d’autres.
D’ailleurs à noter plutôt une excellente nouvelle pour tous les utilisateurs de WordPress : depuis maintenant un petit plus d’un an l’équipe de Matomo a bossé extrêmement dur pour développer un plugin spécifiquement pour WordPress. Tu l’installes en un clic, ça utilise la même base de données que WordPress et tu as déjà ton Matomo. En réalité, si vous êtes sur WordPress, vous pouvez d’ores et déjà migrer sur Matomo Analytics, ça ne va pas vous coûter beaucoup de temps, ça ne va pas vous coûter d’argent. Il vous suffit simplement d’installer ce plugin-là et c’est parti.

Alexandre Bulté : Est-ce que c’est Jetpack ou c’est autre chose ?

Ronan Chardonneau : Non, ce n’est pas Jetpack. Je crois que ça s’appelle Matomo Ethical Analytics, quelque chose comme ça ; tu vas dans WordPress, tu cherches le plugin et tu le trouves. Attention, il y a deux plugins, il y a WP-Matomo et il y a un autre plugin et c’est justement l’autre plugin qu’il faut prendre, de toute façon c’est plutôt bien indiqué. C’est vraiment assez génial, ça utilise la même base et c’est l’idéal pour démarrer sur du Matomo sans avoir à passer par l’étape installation.

Frédéric Couchet : D’accord.
Rapidement, c’est quoi le problème posé par Google ? Je dis rapidement parce que je pense que la plupart des gens en ont conscience mais autant le rappeler, dans le cas de Google Analytics.

Ronan Chardonneau : Déjà tout dépend de quelle branche on veut prendre. Je dirais que le problème qui me vient surtout à l’esprit, s’il y en a un, c’est que c’est un logiciel propriétaire et l’autre c’est un logiciel libre. Pour moi tout démarre simplement dans la lecture des conditions générales d’utilisation de Google Analytics, rien que ça en réalité. Des clients viennent me voir parce que, en gros, leur service juridique a eu la curiosité de lire les conditions générales d’utilisation. À partir de là, de toute façon, Google Analytics c’est niet. Du coup j’invite tous ceux qui ne les ont pas encore lues à les lire puisque ça dit clairement les choses : Google ne prend aucune responsabilité. S’il se passe quelque chose, en gros vous prenez tout en pleine figure ; vous vous êtes engagé, via ces conditions générales d’utilisation, à protéger Google à vos propres frais si jamais quelqu’un l’attaquait ; si jamais vous utilisez des services de Google, type Google AdWords, en fait c’est cette carte bancaire-là qui sera débitée. Tout ça est écrit noir sur blanc. Pareil, si jamais vous faites l’erreur de collecter des données personnelles, clairement vous enfreignez les conditions générales d’utilisation.
En gros, vous en prenez plein la figure si jamais il se passe quelque chose. Après, d’ailleurs, se pose plus la question éthique de dire « mais attends mon gars, moi je viens sur tel site, je viens pour visiter tel site, je viens pour visiter telle entreprise, d’où est-ce que tu prends mes données, c’est-à-dire mon comportement, et que tu les envoies à un tiers qui, plus est, est Google qui a déjà tout un paquet de données, qu’il peut déjà croiser avec tout un paquet de choses. »
C’est pour ça que c’est intéressant ces fameux bandeaux d’acceptation dont on parle très souvent et qu’on a vu fleurir. Il est clair et net que tu viens voir telle entreprise, tu viens voir tel site internet, tu t’attends à ce que tes données ne soient collectées que par eux et pas par un tiers. En fait c’est complètement fou cette histoire d’embarquer des trucs qui envoient des données à des tiers alors que tu viens voir un de tes amis, tu ne veux pas, en plus, que ce que tu dis à ton ami parte à un tiers que tu ne connais pas ; ça n’a pas de sens ! Avec Matomo c’est complètement différent puisque le logiciel est installé sur votre propre serveur donc, au final, c’est le même serveur qui, probablement, héberge votre site internet, donc il n’y a pas cette ambiguïté de où est-ce que sont parties mes données ?

Frédéric Couchet : D’accord. Justement on va revenir sur Matomo juste après la pause musicale.
On va continuer notre voyage avec Darren Curtis. Nous allons écouter The Death March par Darren Curtis. On se retrouve dans deux minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : The Death March par Darren Curtis.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter The Death March par Darren Curtis, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By.
Nous allons poursuivre notre discussion.
Juste avant la pause musicale nous parlions et nous allons continuer de parler de l’analyse d’audience de sites web et du logiciel libre Matomo avec nos invités Alexandre Bulté, directeur technique d’Etatlab et Ronan Chardonneau, consultant et formateur Matomo.
Juste avant la pause Ronan disait du mal de Google, je ne sais pas ce qu’en pense Alexandre, on ne va pas lui demander, en tout cas il était question, en gros, qu’on va sur un site ami, comme tu le disais, et finalement nos données vont chez Google qui va les utiliser pour sa pub et pour le tracing. Je pense d’ailleurs qu’un jour on consacrera toute une émission sur ces questions de traceurs parce que c’est quand même passionnant.
Comme le temps passe, on va quand même aller du côté lumineux, on va dire, de l’analyse d’audience avec Matomo, logiciel libre d’analyse d’audience que tu connais bien Ronan parce que tu es formateur comme je viens de dire. Alexandre Bulté on rappelle stats.data.gouv.fr.
Déjà une première question, tu l’as dit très rapidement tout à l’heure, d’où vient Matomo ? Un court historique, Ronan.

Ronan Chardonneau : Matomo a été cré par un étudiant à l’époque, du nom de Matthieu Aubry, qui désormais est franco-néo-zélandais, c’est important de le préciser, initialement il n’était que français. Il est étudiant à l’INSA de Lyon et il lance, fin 2006/2007, un logiciel qui s’appelle phpMyVisites. Si vous allez sur un moteur de recherche très connu et que vous tapez phpMyVisites avec « es » à la fin et non pas juste visits en anglais avec le « s », vous trouverez les prémices de ce qu’a été Matomo. C’est assez marrant de voir que ça ressemble beaucoup à un autre logiciel qui s’appelle AWStats que probablement certains d’entre vous connaissent.
Ce logiciel-là va commencer à avoir une certaine notoriété et très rapidement il est renommé en Piwik ; là on est vraiment aux alentours de 2007. Ce logiciel va voir un intérêt de la part de la communauté, va grandir et va commencer à intéresser un fonds d’investissement polonais qui d’ailleurs, je crois que c’est en 2013, va proposer la création d’une entité qui va s’appeler Piwik PRO. Du coup le logiciel phpMyVisites est ensuite renommé en Piwik et ensuite, en 2013, je ne suis pas sûr à 100 % des dates, mais en gros il y a vraiment cette création d’une structure qui s’appelle Piwik PRO dont le but, derrière, c’est de fournir des services à destination des professionnels et, à côté, d’avoir également la branche du logiciel libre.
Très rapidement on va se rendre compte qu’argent et logiciel libre ça ne fait pas bon ménage. Du coup, très rapidement, cette entreprise-là va vouloir, d’une certaine façon, prendre le contrôle également de Piwik, fermer le code source et, au final, tuer le logiciel. C’est à ce moment-là, justement, que Matthieu Aubry, le créateur et, j’ai envie de dire, libriste dans l’âme, va se dire « non, ce n’est pas cette vision-là que je veux du logiciel Piwik » et va dire « puisque c’est comme ça, je vais vendre mes parts de cette société Piwik PRO, ce n’est pas ma vision, je ne suis pas là pour tuer mon logiciel, je veux en faire un bien commun ». Du coup il va partir de con côté, il va décider de lancer sa propre entreprise qui s’appelle InnoCraft qui est, on va dire, l’entreprise privée qui gère aujourd’hui la maintenance du logiciel Matomo.
Naturellement, communiquer sur un logiciel libre qui s’appelle Piwik avec une branche à côté qui s’appelle Piwik PRO et que cette branche-là développe sa propre version d’un logiciel d’analyse d’audience qui, du coup, est du logiciel propriétaire, eh bien ça ne faisait pas bon ménage en termes de communication. Donc, en 2018, il décide de se renommer et de s’appeler Matomo. C’est vrai que pour la communauté ça a été un petit peu, je ne veux pas dire un traumatisme, en tout cas c’était un petit peu étrange de voir ce changement de nom comme ça, qu’est-ce qui se passe, on a changé le code, etc. ? On n’a pas changé le code, en fait on a juste changé le nom, mais c’était nécessaire, marketingment parlant j’ai envie de dire, pour justement montrer qu’on n’a rien à voir avec cette entreprise-là et que le logiciel Matomo reste et restera un logiciel sous licence libre.
Je pense que c’est super important et c’est ce que j’essaye d’expliquer à mes clients ou aux personnes qui viennent me voir. Elles me disent : « OK, on a un ensemble de logiciels qu’on a identifiés pour les audiences comme étant soit open source soit libres, lequel nous recommandes-tu ? » Je dis que c’est surtout le temps qui va vous permettre de dire lequel est le bon. En fait toutes ces entreprises-là, qui vont développer du logiciel, peuvent décider à tout moment, en fonction de leur licence, de retourner leur veste et de dire finalement on fait du propriétaire et ton projet est mort. Je pense que c’est vraiment un point d’honneur, en tout cas c’est un des points d’honneur que j’ai, d’une certaine façon, de porter le drapeau de Matomo, de dire que je sais que derrière il y a des valeurs qui sont partagées par la communauté, qu’il y a vraiment cette volonté d’avoir un bien commun.

Frédéric Couchet : D’accord. On va revenir après sur la partie licence et sur les fonctionnalités. J’ai une question pour Alexandre Bulté d’Etalab : est-ce que le choix de Matomo a été fait pour ces raisons-là et/ou pour des raisons techniques ?

Alexandre Bulté : Je ne peux parler que par proxy puisque c’était en 2013 et je n’étais pas encore à Etalab, je suis arrivé en 2017.
Pour la petite anecdote, le développeur historique de data.gouv.fr était dans la même promo que Matthieu Aubry, il y a peut-être eu des accointances à ce moment-là.
De toute façon, pour nous, déjà, c’était forcément un outil open source parce qu’on croit au logiciel libre par défaut on va dire. D’ailleurs data.gouv.fr en lui-même est un logiciel libre qui s’appelle udata. Il y avait très certainement aussi cette volonté d’auto-héberger parce que, comme on l’a dit tout à l’heure en parlant du grand G, c’est important de savoir où sont ses données, surtout pour l’État, en tout cas pour moi en tant que directeur technique, c’est extrêmement important de savoir où sont les données très précisément, surtout quand il peut s’agir de données potentiellement sensibles et personnelles et de pouvoir maîtriser la chaîne de bout en bout. On a un serveur chez un hébergeur français bien connu.

Frédéric Couchet : Tu peux le citer s’il y a besoin.

Alexandre Bulté : Qui est OVH et dont on est ravis. Notre installation, qu’on a parfaitement paramétrée, est dessus ; on la maîtrise de bout en bout, on sait exactement où tout est. Je pense que c’est extrêmement intéressant et c’est aussi parce qu’on pense que c’est vertueux qu’on a continué à investir et à agrandir le cercle des invités sur notre instance.
On parlait tout à l’heure de l’idée d’avoir un Matomo en deux clics pour que ça prenne. Effectivement, ça pourrait marcher puisque ça a marché chez nous à la DINUM. Une instance est là, on crée un compte en deux secondes, un site en deux secondes et paf !, la startup qui est en train de se lancer, qui n’a français même pas encore de développeur, peut déjà avoir des statistiques de consultation de sa home page ou autre. Donc oui, ces choix de souveraineté des données, logiciel libre, sont, de toute façon, critiques chez nous. Je pense qu’en 2013 il n’y avait pas énormément d’alternatives possibles, en tout cas pas très utilisables, on va dire, pour me souvenir de ce temps-là. Peut-être qu’on parlera après d’autres trucs. Je pense qu’aujourd’hui il y a peut-être des alternatives qui sont aussi intéressantes, mais bref !, en 2013 c’était le bon choix à faire et ça le reste. Vu la façon dont on a mis à l’échelle le truc, on peut dire qu’on ne s’est pas trompé.

Frédéric Couchet : D’accord. Je précise d’ailleurs que Matomo fait partie du SILL, du Socle interministériel de logiciels libres. Il y a plein d’autres logiciels libres qui se trouvent dessus. Le site c’est sill.etalab.gouv.fr. On mettra évidemment les références sur le site de l’April et sur le site de Cause Commune.
On va parler un petit peu des fonctionnalités de Matomo même si on en a un peu parlé indirectement parce qu’on a parlé d’audience tout à l’heure. Assez rapidement, juste sur le modèle économique et le fonctionnement pour expliquer aux gens : aujourd’hui Matomo est un logiciel libre dont les principaux développements sont assurés par une entreprise qui est en grande partie basée en Nouvelle-Zélande tu m’as dit. C’est ça. Ils sont combien de personnes à peu près ? Tu as une idée ?

Ronan Chardonneau : Je dirais qu’ils doivent être entre 12 et 15 personnes.

Frédéric Couchet : D’accord. Quand même, 12 à 15 personnes. Donc le modèle économique de cette entreprise c’est quoi ? C‘est de vendre du service ? De rajouter des fonctionnalités ? Quel est le modèle économique ?

Ronan Chardonneau : Il y a vraiment trois offres distinctes.
La première et la plus évidente c’est celle de l’hébergement. En gros, tu veux un Matomo qui est directement exploitable en quelques clics, vas-y clique ici et, en effet, tu auras un compte qui est disponible. Après, j’ai envie de dire que ce n’est pas cette partie-là qui va intéresser le grand public parce que tu es sur des tarifs qui sont ceux d’une startup qui a besoin de faire vivre ses employés. Je me demande si on n’est pas sur la base de 29 dollars par mois ou quelque chose comme ça. Ce qui veut dire, si tu as un petit site, est-ce que tu as envie de passer d’un gratuit j’ai envie de dire, même si ce n’est pas vraiment de la gratuité chez le grand G, à 30 euros directement ? Tu réfléchis. Généralement, à mon avis, tu es plus intéressé par faire de l’auto-hébergement si tu es à la recherche d’une solution à moindre coût.
Ça c’est une chose, c’est la partie cloud.
Ensuite viennent se rajouter ce qu’on appelle les fonctionnalités premium. Là vous avez tout un ensemble de fonctionnalités dans Matomo et, en plus de ça, ils ont développé des plugins qui sont payants, ce sont des licences qu’on paye à l’année, qui te permettent d’avoir des fonctionnalités, qui te permettent de transformer ton Matomo. Généralement ça vient transformer aussi bien au niveau du plan de marquage, c’est-à-dire pour t’éviter de faire des trucs très techniques, que pour venir te donner des fonctionnalités que n’ont pas les autres acteurs du marché, exemple Google. Typiquement je pense à l’heatmap et à l’enregistrement de session. En gros c’est quoi ? C’est ce qui te permet de faire des vidéos de ce que les utilisateurs ont fait sur ton site.
Le troisième modèle d’affaires qu’ils ont c’est l’offre de support qui est, là, plus basée sur des bugs. En gros tu rencontres un problème avec Matomo, tu as besoin d’aide, de support tout de suite, et là ils te répondent directement par e-mail.

Frédéric Couchet : D’accord. Donc on comprend bien le modèle économique et c’est important de rappeler que le logiciel libre peut être compatible avec des modèles économiques.
Je rappelle que vous pouvez participer à la discussion en posant des questions ou des réactions sur le salon web de la radio, causecommune.fm, bouton « chat », salon #libreavous.
J’ai bien vu la question de tykayn qui vient d’arriver dans le studio, qui assiste aujourd’hui à l’émission, je la relaierai tout à l’heure.
Tout à l’heure, en introduction, on a parlé de ce qu’est l’analyse d’audience. Ronan a bien expliqué les différents besoins.
Quelles sont les principales fonctionnalités de Matomo et quelles sont, peut-être, les plus intéressantes aujourd’hui par rapport à ce qu’on a dit en introduction sur l’analyse d’audience ?, parce que, quand on regarde sur le site, il y a beaucoup de fonctionnalités.

Ronan Chardonneau : C’est vrai. C’est simplement qu’au début, les personnes qui démarrent dans l’analyse d’audience, comme je le disais tout à l’heure, pensent qu’on installe simplement le logiciel et que ça s’arrête là.
En réalité, si on prend simplement l’exemple d’un site internet, en fait tu peux collecter tout ce qui se passe tant que ça se passe sur ton site internet. Si ça sort de ton site internet, typiquement le cas d’un iFrame, en gros un site internet embarqué dans un autre site internet, là, ce qui se passe dans l’iFrame devient plus délicat, par exemple une vidéo que tu as mise, vu que l’interaction n’a pas lieu sur ton site internet ; tu es obligé de fonctionner plus avec de l’import ou des intégrations via ce qu’on appelle des API. En fait, tant que ça se passe sur ton site internet tu peux tout collecter.
Je vais prendre un exemple tout simple : tu as une page qui a été rédigée par exemple par Étienne, aujourd’hui qu’est-ce que Matomo va collecter ? En fait, il va collecter le titre de la page, l’URL de la page, l’heure à laquelle la page a été chargée par l’utilisateur, mais il ne va pas te récupérer l’information que l’auteur de cette page c’est Étienne. En fait, si cette information-là est présente dans la page, tu peux venir la collecter avec Matomo et l’envoyer pour, à la fin du mois, savoir par exemple quel est l’auteur le plus lu au sein de ton site et ça évite de faire tout un retravail sur la donnée après coup, de flécher, de dire « en fait, qui avait écrit telle page ?, etc. ». De la même manière, tu peux remonter les dates de publication, tu peux remonter toutes les interactions qu’il y a eues avec la page, ce que la personne a scrollé, si elle a surligné une phrase en particulier.

Frédéric Couchet : Ça va à ce niveau de détail ?

Ronan Chardonneau : Le niveau de détail c’est que tu peux tout collecter, tout ce que tu veux, tant que ça se passe vraiment sur ton site. Dès que ça se passe en dehors de ton site, par exemple le fait que tu es face à ton écran et qu’il y aurait une photo qui serait prise de toi, eh bien non, ça tu ne peux pas le faire parce que ça ne se passe pas sur ton site, mais tant que ça se passe sur ton site en tant que tel tu peux le collecter.
C’est vraiment un cap psychologique qui est franchi quand je suis en formation et que j’explique : « Regarde, en fait aujourd’hui tu utilises 1 % de la solution, voilà tout ce que tu peux faire avec les 99 % restants », et c’est là où il y a une illumination et on me dit « OK, en fait vous faites un vrai métier ! ». Ouais, ce n’est juste installer un logiciel.

Frédéric Couchet : Alexandre, je crois que tu voulais compléter.

Alexandre Bulté : Précisons que tout cela est possible mais n’est ni obligatoire ni automatique. On peut tout à fait installer un Matomo qui, par défaut, collecte le moins possible de choses et ça peut aussi être intéressant. Il y a différentes approches et je pense que les besoins du client et le cadre dans lequel il opère dictent la manière dont il veut configurer son instance.

Frédéric Couchet : Précisons, même si on ne va pas rentrer dans les détails, que Matomo, avec une configuration assez simple, permet d’être compatible avec les recommandations de la CNIL, donc compatible avec le Règlement général sur la protection des données, mais on ne va pas en reparler, sauf si vous voulez rentrer rapidement.

Alexandre Bulté : Non. On peut même aller, à priori, jusqu’à se passer de la fameuse bannière cookies en réfléchissant et en mettant son service juridique dans la boucle, parce que c’est aussi un travail.

Frédéric Couchet : Surtout à Etalab, il faut toujours mettre le service juridique dans la boucle !

Alexandre Bulté : Parce qu’ils sont excellents, c’est pour ça, on ne peut pas se passer d’eux, ce n’est pas parce qu’on est obligé ! Mais c’est possible, c’est une possibilité.

Frédéric Couchet : Vas-y et après je prends les questions qui sont sur le web.

Ronan Chardonneau : Juste pour compléter sur cette partie qu’on traite autour du RGPD, c’est vrai que Matomo, par défaut, est configuré justement pour être exempté de consentement, mais il ne faut pas oublier que le RGPD ce sont aussi deux droits qui sont très importants qui sont le droit à l’information et le droit à l’opposition. C’est-à-dire que même si vous collectez des données qui sont anonymes sur votre utilisateur, ce qui est le cas par défaut avec Matomo, vous devez quand même lui fournir une information, après libre à vous de la mettre soit dans un bandeau d’information soit dans la page de confidentialité des données, là-dessus la CNIL est plutôt claire. Et également le droit d’opposition qui est que même si tu collectes des données anonymisées sur l’utilisateur, l’utilisateur doit quand même avoir le droit de pouvoir s’opposer à cette collecte, même si elle est anonyme.
Certes, Matomo vous est donné configuré comme ça, mais il y a quand même ces deux actions supplémentaires que vous devez mettre en place sur le site et c’est important, ça ne va pas se faire dans le logiciel Matomo, ça va se faire sur votre site.

Frédéric Couchet : Juste avant de poursuivre, je prends quand même les deux questions sur le salon web puisque c’est aussi là pour ça ; tykyan nous demande « est-ce qu’il n’existe pas déjà du Matomo On-Premise ? », je pense qu’il a voulu dire « sur site », je crois que c’est ça la traduction. Qui veut répondre rapidement, sachant que tykyan est derrière vous en fait ?

Alexandre Bulté : Pour moi c’est quand on l’installe chez soi, du coup oui, ça existe. Il y en a chez nous, par exemple.

Ronan Chardonneau : C’est vrai que quand on vient de l’univers francophone, qu’on débarque sur le site de Matomo et qu’il propose ces deux options : soit on vous offre du cloud soit c’est du On-Premise, c’est vrai que c’est un petit peu compliqué. Au début j’avais un petit de mal avec ce mot. En effet, ça veut dire que c’est directement hébergé sur le serveur de son choix. Oui, tout à fait, comme tout logiciel libre, tu peux le prendre et le mettre où tu veux.

Alexandre Bulté : C’est auto-hébergé.

Frédéric Couchet : Je suis sur le site de Matomo, effectivement la formulation est un peu particulière. Je ne sais pas ce que ça donne sur la version française. En tout cas on peut l’installer, c’est l’intérêt, d’ailleurs Etalab l’a fait.
Je regarde l’heure qui passe pour savoir où on en est.
Côté Etalab, tout à l’heure, Alexandre, tu disais qu’il y avait aujourd’hui des alternatives potentielles. Est-ce qu’il y a des « concurrents », entre guillemets, à Matomo, je parle bien dans le monde du Libre ?

Alexandre Bulté : Il y en a deux qu’on n’utilise pas en production, on va dire en ce moment, mais que je regarde : un qui s’appelle Shynet, je trouve qu’il y a un jeu de mot assez intelligent avec Skynet, les fans de Terminator comprendront et plausible.io. Ce sont deux alternatives assez intéressantes. On n’est pas du tout sur le même niveau de fonctionnalités que Matomo, on n’est pas sur la profondeur et les capacités de cet outil-là, en revanche on est sur des choses qui sont, par défaut, respectueuses de la vie privée, peut-être plus simples à prendre en main pour quelqu’un qui n’y connaît rien parce que ça arrive, comme le disait Ronan c’est un métier et tout le monde n’a pas cette capacité-là. Ce sont des choses à regarder. Si vous savez bidouiller, installer un petit serveur, peut-être regarder Shynet et Plausible qui sont, je trouve, des alternatives assez intéressantes. Il faut lire le manifeste, les pages d’éthique qui sont notamment sur Plausible, qui me parlent bien, me plaisent bien, qui sont assez intéressantes. On parle de tracking sans cookies, on parle de tracking sans JS, on parle de choses assez intéressantes pour, justement, s’efforcer de collecter le moins possible.
Finalement, ce que j’ai retenu de tout ce que la CNIL a pu dire, encore une fois je ne suis pas avocat, c’est : ne collectez que ce qui est nécessaire ; il faut qu’il y ait une nécessité pour que vous collectiez tout ce que vous collectez.
Donc ça peut être une bonne idée, dans ce cadre-là, de partir d’un truc qui ne collecte pas grand-chose.

Frédéric Couchet : Autre question avec réponse rapide, je suppose pour Ronan. C’est olicat qui demande : comment fait-on pour avoir une formation ?

Ronan Chardonneau : Il y a un petit peu tout. Aujourd’hui ce qui est un petit peu plus délicat c’est vraiment d’avoir une formation en français.
Ce qui m’a bluffé quand j’ai travaillé chez Matomo c’était qu’il n’y a pas d’informations cachées. C’est-à-dire qu’en gros leur site internet c’est vraiment tout ; ils mettent toute leur documentation. Elle est extrêmement bien faite c’est juste que le site est énorme. En fait, si tu vas sur Matomo, que tu vas cliquer sur « Resources », quelque chose comme ça, ou « Help », tu as différentes briques de formation j’ai envie de dire.
Tu en as une qui s’appelle « User Guides », tout ce qui est dans le répertoire /docs. Pour chaque fonctionnalité qui sort ils vont développer, expliquer comment fonctionne cette fonctionnalité. Tu en as une autre où, malheureusement, tu me retrouves, après il faut supporter mon accent franglais, donc des vidéos de formation qui, justement, te forment gratuitement à Matomo.
Sinon j’ai eu l’occasion de développer deux beaux projets. Un avec un l’association Zeste de Savoir que je salue. J’ai développé un MOOC en français qui n‘est pas très à jour.

Frédéric Couchet : Un MOOC c’est une formation en ligne.

Ronan Chardonneau : Une formation en ligne.
Sinon j’ai un autre projet que j’aime énormément, qui me tient à cœur, que j’ai plus développé dans le cadre universitaire, qui s’appelle la FLOSS Marketing School.

Frédéric Couchet : FLOSS c’est pour Free, libre, and open source software.

Ronan Chardonneau : Exactement. L’idée c’est justement de libérer les cours que je fais à la faculté pour tout le monde et, dans cette école en ligne, tu as tout un cours qui est sur une brique Moodle, qui s’appelle Digital Analytics, dans lequel je forme en anglais. Je précise que toutes les ressources sont gratuites, accessibles à tous et sous licence libre Creative Commons. En gros, si vous voulez créer vos propres formations en interne ou même à l’externe, je m’en fiche, vous allez sur le site, vous récupérez tout ce que vous voulez et vous vous faites plaisir, après ça va être du temps à passer.
Sinon, après, si c’est plus pour avoir un accompagnement en entreprise, ce genre de choses, naturellement vous avez des prestataires dont moi inclus.
Si vraiment on est plus sur un mode auto-formation, il y a ces trois ressources que je vous conseille vraiment : matomo.org, Zeste de Savoir et également la FLOSS Marketing School.

Frédéric Couchet : On mettra évidemment toutes les références sur les pages consacrés à l’émission sur causecommune.fm et sur april.org.
Le temps passe super vite, vous allez avoir droit à la dernière question bientôt. Je vais juste préciser que tout à l’heure, quand on parlait de On-Premise en anglais, en fait, sur le site en français de Matomo c’est « auto-hébergé » ce qui est beaucoup plus clair, donc allez plutôt sur fr.matomo.org.
Comme je vous l‘ai dit le temps passe super vite, on pourrait faire une deuxième émission, d’ailleurs peut-être qu’on en fera une deuxième sur Matomo.
Dernière question, après vous pourrez évidemment ajouter ce que vous voulez : en deux minutes, quels sont, pour vous, les éléments clés à retenir par rapport à l’analyse de sites web et Matomo ? On va commencer par Alexandre Bulté d’Etalab.

Alexandre Bulté : Ce que je disais tout à l’heure : transparence, souveraineté, auto-hébergement, je pense que ce sont les vraies forces racines de cette solution. Après on peut aller très loin dans l’analyse. Il y a tout un tas de fonctionnalités incroyables qu’on peut découvrir au fur et à mesure.
Bien faire attention à ce qu’on tracke, à ce qu’on collecte, les données qu’on collecte : est-ce qu’on le fait dans un cadre qui est légal ? Est-ce qu’on a correctement informé ses utilisateurs ? Pour le coup il y a un module dans Matomo qui aide à faire une check-list de ce qu’il faut faire, qu’elles sont les informations qu’on doit donner. Donc bien faire attention à ça.
Utiliser quelque chose qui est bien dimensionné par rapport à ses besoins : peut-être que pour tracker quatre ou cinq visites par mois quelque part on n’a pas besoin, non plus, de monter un Matomo.
Continuer évidemment à regarder les solutions libres disponibles, il y en plein, il y a plein d’approches différentes. C’est un monde riche et passionnant et c’est pour ça qu’on l’aime.

Frédéric Couchet : Ronan Chardonneau.

Ronan Chardonneau : C’est plus le formateur qui va parler.
Je dirais que si vous voulez découvrir cet univers qu’est l’analyse d’audience, en fait tout démarre par le téléchargement de Matomo et son installation. Vous n’avez pas besoin d’être expert de Matomo pour faire de l’analyse d’audience, mais vous allez comprendre ce qu’est la collecte de données, ce que potentiellement, derrière, des acteurs propriétaires peuvent collecter : le fait de voir une base de données de ses propres yeux, de voir directement ce qu’un navigateur web va envoyer, en termes de données, lorsqu’il se connecte à un serveur web, c’est vraiment le palier que je conseille à chaque fois à toutes les personnes que je forme, le palier psychologique qui permet de comprendre, qu’en fait, tout ça on ne le savait pas. Tout ça permet de comprendre, en quelques clics, ce qu’on n’avait jamais vu.
Le fait d’installer par soi-même, on découvre réellement ce qu’est une solution d’analyse d’audience, jusqu’où on peut aller, comment ça fonctionne, pourquoi, parfois, on peut avoir des temps de chargement qui sont un petit peu plus longs : c’est parce que c’est mon propre serveur, donc il y a des petits soucis en termes de performance. Mais c‘est quoi un serveur ? OK ! C’est du matériel, donc il faut que le matériel soit bon. On parle de quoi ? On parle de vraies machines physiques. Etc.
Bref ! C’est vraiment tout cet univers-là qui s’ouvre à vous et vous faites un bond de géant en termes de formation et d’éducation parce que vous découvrez un monde que vous ne connaissiez pas.

Frédéric Couchet : En tout cas j’espère, auditeurs et auditrices, que ça a été une découverte, une première introduction au monde de l’analyse d’audience de sites web et de Matomo.
Tu voulais rajouter une chose.

Ronan Chardonneau : Oui. Je voulais rajouter juste une petite chose : actuellement on cherche à lancer le premier MatomoCamp, donc premier évènement dédié à Matomo. On a actuellement un site, matomocamp.org, sur lequel vous êtes invités à répondre à un sondage en ligne pour définir les attentes que vous avez par rapport à cet évènement qu’on va pouvoir lancer lorsqu’on aura suffisamment de répondants. On espère avoir au moins un millier de réponses.
J’en profite également pour saluer un ami qui m’est très cher, qui m’a beaucoup aidé dans toute mon éducation sur Matomo, qui s’appelle Lucas Winkler, j’avais promis de le mentionner à la radio.

Frédéric Couchet : C’est fait !
En tout cas un grand merci à Alexandre Bulté, directeur technique d’Etalab, etalab.gouv.fr, à Ronan Chardonneau, consultant et formateur Matomo, ronan-chardonneau.fr. Le site web de Matomo fr.matomo.org.
On a cité plein de choses, on va mettre à jour les pages de l’émission, en tout cas Étienne, qui est en régie, a déjà commencé. Vous irez sur april.org ou causecommune.fm, vous aurez une page avec tous les liens.
Je vous remercie, je vous souhaite de passer une belle fin de journée. C’était un grand plaisir de vous avoir en studio, même si on est évidemment masqués et avec des beaux t-shirts pour certains.

Ronan Chardonneau : Plaisir partagé. Merci beaucoup.

Alexandre Bulté : Merci.

Frédéric Couchet : Bonne fin de journée.
On va faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Après la pause musicale nous parlerons de logiciel libre et de développement durable.
Nous allons écouter Dreamscape toujours par Darren Curtis. On se retrouve dans deux minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Dreamscape par Darren Curtis.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Dreamscape par Darren Curtis disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By. Je vous rappelle que le site de l’artiste c’est darrencurtismusic.com.

[Jingle]

Frédéric Couchet : Pour répondre à la question : pourquoi ça coupe sec les morceaux ? Est-ce que c’est parce qu’ils s’enchaînent tous sur la bande ?, je ne pourrais pas dire, je ne me souviens pas, mais effectivement les deux premiers titres ça a coupé sec et celui-là ça coupé moins sec que l’autre. On écoutera l’album de Darren Curtis pour savoir.
En tout cas nous allons passer au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Chronique « Partager est bon » de Véronique Bonnet, professeur de philosophie et présidente de l’April sur le thème « Développement durable et logiciel libre »

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre avec la chronique de Véronique Bonnet, présidente de l’April et professeur de philosophie. Dans ce nouveau format de chronique, Véronique va nous proposer une lecture philosophique du logiciel libre et de certains thèmes. La chronique a été enregistrée il y a quelques jours. Le thème est « Développement durable et logiciel libre ». On se retrouve d’ici 13 minutes.

[Virgule sonore]

Frédéric Couchet : Soyez les bienvenus pour cette nouvelle chronique de Véronique Bonnet. Véronique est présidente de l’April. Sa chronique est intitulée « Partager est bon ».
Bonjour Véronique.

Véronique Bonnet : Bonjour Fred.

Frédéric Couchet : Le thème de cette chronique c’est « Développement durable et logiciel libre ». Nous t’écoutons.

Véronique Bonnet : En effet, et là vraiment tant mieux pour nous, le logiciel libre est améliorable, il est réparable, il remédie à l’obsolescence programmée, il permet de continuer à utiliser un ordinateur lorsque le programme non libre qu’il contient ne peut plus être mis à jour. Donc au lieu de changer d’ordinateur, l’utilisateur peut changer de distribution et de logiciel et ceci a un impact considérable sur l’environnement. Ceci permet, par exemple, d’économiser des matériaux, de l’énergie, d’optimiser ce que l’humain a réalisé.

L’esprit de cette chronique c’est faire le lien avec l’histoire de la philosophie.
La notion de développement durable apparaît au début des années 70. C’est un juriste, un certain John Rawls, fondateur de la philosophie cosmopolitique, qui fait paraître, en 1971, sa Théorie de la justice. C’est un texte extrêmement important parce que, à partir de ce texte non seulement on va penser le développement durable, on va penser le droit d’ingérence, on va penser la subsidiarité, c’est-à-dire toutes les notions qui peuplent actuellement notre réflexion.
Je commence par une opposition. Avant John Rawls, on parlait de philosophie politique. Qu’est-ce que la philosophie politique ? On part d’un être humain. On se demande comment il évolue dans une famille. On passe ensuite de la famille au village, du village à la cité. On se demande quel est le rapport des cités entre elles et, progressivement, on arrive à la planète.
Par contre, ce qui va apparaître avec John Raws c’est ce qu’on appelle la philosophie cosmopolitique. On inverse. C’est-à-dire qu’on part de la planète, on se dit qu’un humain ne choisit pas quand il va naître et où il va naître, donc on se demande comment il faudrait que la planète soit configurée pour que venir au monde soit à peu près acceptable étant donné qu’on ne sait pas à quel moment on va le faire et où on va le faire. Et ça donne quoi ? Ça donne qu’à partir d’une réflexion sur la planète on va se dire qu’il est préférable que, de toute façon, cette planète fasse attention au développement durable ; il ne faut pas que toutes les ressources aient été dépensées. Il faut sur cette planète, quand un pays se comporte d’une manière éthiquement un peu douteuse, qu’il soit possible qu’il y ait un droit d’ingérence, il soit possible qu’il y ait une subsidiarité de façon à ce que naître soit le plus humanisant possible, le moins risqué possible étant donné qu’on ne sait pas dans quel pays on le fera et quand on le fera.

Par exemple, pour le développement durable, ça consiste à dire qu’il serait bien d’emprunter à la terre le moins possible de ressources dans l’idée de les lui rendre de la façon la plus adéquate sans qu’il y ait des déperditions. Je pars d’un exemple : pour produire un jeans, 10 000 litres d’eau sont nécessaires : il faut faire pousser le coton, il faut le préparer pour pouvoir le tisser, le teindre, le laver et, parfois, même le délaver. Donc on peut s’arranger pour limiter l’utilisation de l’eau, pour éviter d’aggraver le stress hydrique qui concerne même des humains. Peut-être que, plutôt que de produire du coton, on va aller vers du chanvre, on va aller vers de l’ortie ou alors on va réutiliser le jeans – pour ça il y a des ressourceries, il y a des brocantes – ou alors, s’il est abîmé, on va réutiliser seulement les fibres pour faire un nouveau jeans.

L’analogie est la suivante. Dans le registre informatique lui-même, on peut aussi bien dégager à partir de l’existant, c’est-à-dire du parc des ordinateurs et des téléphones portables, un potentiel important. En effet, dans le registre de l’écologie, de la réduction de la fracture numérique, dans le registre de la ville inclusive, on peut faire avec des ordinateurs, avec des portables, beaucoup d’économies si on utilise le logiciel libre pour reconditionner ce qui ne peut pas être mis à jour dans un contexte de logiciel non libre. Et là on est dans le partage des savoirs, dans l’équipement de personnes défavorisées, donc vers une réduction de la fracture aussi bien numérique que sociale.

Je vais prendre trois exemples qui illustrent le lien entre logiciel libre et développement durable.

Premier exemple : on peut reconfigurer son matériel avec du logiciel libre. C’est par exemple ce qui se passe au Carrefour numérique2 de la Cité des sciences et de l’industrie de la Villette. Les premiers samedis, de 14 heures à 18 heures, il y a des install-parties et là, les utilisateurs qui ne peuvent plus faire de mises à jour du logiciel non libre de leur ordinateur ou de leur téléphone portable, après avoir fait une sauvegarde de leurs données, peuvent installer ou faire installer des distributions libres qui vont permettre de réutiliser, de reconditionner au lieu de jeter. Pour ça, évidemment, il ne faut pas qu’il y ait de blocage du boot qui empêche toute nouvelle installation.
Ces install-parties sont corrélées à des ateliers d’aide à l’utilisation, à des conférences de sensibilisation, à une dimension qui est écologique, qui est éthique.
Par exemple, pour les ordinateurs on peut utiliser la distribution Debian, Ubuntu, Fedora, Mageia pour GNU/Linux. Pour les portables on peut utiliser Replicant, LineageOS, F-Droid pour Android.

Deuxième exemple : on peut faire intervenir des associations de récupération et de reconfiguration. Par exemple, sur cette antenne, s’est exprimée Antanak, une association qui d’ailleurs n’est pas loin de la radio, rue Bernard Dimey, une association loi 1901 sans but lucratif. Le matériel informatique récupéré est donc reconfiguré avec GNU/Linux et préparé avec des logiciels libres en vue d’une nouvelle utilisation, puisque le don, le partage, sont des axes puissants du free software.

Un troisième et dernier exemple : on peut se tourner vers un collectif ayant développé une vocation cosmopolitique et tiers-mondiste. Je pense en particulier à Emmabuntüs qui s’est constitué en 2011. Le nom Emmabuntüs est une synthèse d’Emmaüs, association humanitaire de l’Abbé Pierre, et de Ubuntu qui signifie « humanité » dans la langue originelle de l’Afrique du Sud. Le but est de donner aux personnes ayant peu de moyens financiers la possibilité de posséder du matériel informatique, ce qui amène à solliciter tous les organismes privés et publics pour partager un projet social, solidaire, environnemental.

En effet, on sait bien que trop d’ordinateurs jonchent les rues parce que l’obsolescence programmée est parfois vécue comme une fatalité. Et là il y a pollution visuelle, gâchis écologique de métaux rares, irrespect de l’investissement en termes d’énergie et d’inventivité humaine. Y remédier grâce au logiciel libre constitue un gisement d’emplois : on va récupérer, on va réparer. Ceci ouvre des projets mobilisateurs, porteurs de synergie pour les bénévoles.
Opérer un reconditionnement logiciel en agissant en amont, avant la décision de jeter, est à porter au crédit du logiciel libre. Et ce n’est pas pour rien que l’April est actrice pour sensibiliser aux risques d’une informatique de court terme et ça n’est pas pour rien que l’April veut privilégier l’économie circulaire.

À ce propos, il serait intéressant que l’indice de réparabilité, nouvellement instauré fort heureusement, prenne en compte ce qu’on appelle la couche logicielle de la carte mère des ordinateurs parce qu’il y a des couches logicielles qui peuvent bloquer le boot alors qu’il faut laisser aux utilisateurs la liberté de changer de logiciel plutôt que de changer de matériel.
La liberté, encore et toujours, Fred, la liberté nous caractérise et elle nous importe.

Frédéric Couchet : Tout à fait Véronique. Comme tu le dis on est mobilisé sur ces sujets. D’ailleurs, actuellement, il y a à l’Assemblée nationale la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France. Il y a eu notamment des amendements qui ont été déposés suite à notre travail et aussi celui de Halte à l’Obsolescence Programmée de Green IT dont l’un, par exemple justement, vise à interdire ce dont tu parlais à l’instant c’est-à-dire interdire les techniques, y compris logicielles, dont l’objet est de restreindre la liberté d’une personne pour installer des logiciels et des systèmes d’exploitation de son choix. C’est ce dont tu parlais à l’instant. C’est un amendement qui a d’ailleurs été voté avec une petite modification qui tient compte de la durée de garantie, en tout cas les débats ne sont pas finis. C’est effectivement un sujet très important.
Tu citais Antanak. Je vais juste rappeler qu’Antanak ce sont les voisins et les voisines de Cause Commune, au 18 rue Bernard Dimey dasn le 18e, et le site c’est antanak.com.
Tu parlais des téléphones mobiles. Je précise qu’à la rentrée de septembre 2021, nous devrions avoir un sujet avec une invitée qui nous parlera notamment du Fairphone. Le Fairphone c’est le téléphone réparable, c’est un téléphone dont les éléments essentiels comme la batterie, l’écran, etc., sont facilement démontables et réparables alors qu’aujourd’hui la plupart des téléphones ne sont absolument pas du tout réparables et dès qu’une pièce tombe en panne les personnes sont quasiment contraintes de racheter un nouveau téléphone.
Juste pour finir sur l’indice de réparabilité qui provient effectivement d’une loi qui a été votée récemment, il y a, je crois, un groupe de travail au niveau du ministère de l’Environnement qui a été créé et qui va sans doute intégrer un certain nombre d’éléments et on espère qu’il intégrera les éléments dont tu viens de parler.
Est-ce que tu souhaites ajouter quelque chose en conclusion de cette chronique ?

Véronique Bonnet : Très bien. Je crois qu’il y a un mot clé c’est liberté. Si les couches logicielles bloquent cette possibilité de réutiliser, là on est, en effet, dans le contresens.

Frédéric Couchet : Nous sommes bien d’accord.
C’était la chronique « Partager est bon » de Véronique Bonnet, présidente de l’April, sur « Développement durable et logiciel libre ».
Véronique je te souhaite une belle fin de journée.

Véronique Bonnet : Très belle fin de journée à toi Fred.

[Virgule sonore]

Frédéric Couchet : Nous sommes de retour en direct.
Par rapport à la proposition de loi dont je vous parlais, sur le site de l’April, april.org, nous avons mis un point d’étape et la proposition de loi va passer maintenant au Sénat.
Concernant l’émission sur le Fairphone ça sera le 21 septembre 2021 et il y aura également /e/, je ne sais pas trop comment ça se prononce, avec Agnès Crépet et Gaël Duval.

Nous approchons de la fin de l’émission, nous allons terminer par quelques annonces.

[Virgule musicale]

Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre

Frédéric Couchet : Dans les annonces.
Ce week-end il y a le second tour des élections régionales et départementales. À cette occasion nous proposons aux personnes candidates de signer le Pacte du Logiciel Libre afin de marquer leur engagement, si elles sont élues, à mettre en place une priorité au logiciel libre et aux formats ouverts dans leurs collectivités. Nous invitons bien sûr toutes celles et ceux qui le souhaitent à contacter les candidates et candidats, particulièrement les têtes de liste pour les régionales, pour les encourager à signer le Pacte du Logiciel Libre et aussi profiter de l’occasion pour les sensibiliser aux enjeux des libertés informatiques.
La fin de saison de l’émission approche. La dernière émission c’est la semaine prochaine, le 29 juin 2021, puis une pause estivale et un objectif de reprise mardi 7 septembre 2021. L’heure donc d’un point d’étape auquel vous pouvez participer, chers auditeurs et auditrices. Nous organisons une réunion pour échanger sur le bilan de la saison 4, préparer la saison 5. Cette réunion aura lieu vendredi 25 juin de 10 heures 30 à 12 heures maximum. Cette réunion est ouverte à toute personne qui le souhaite et aura lieu sur le serveur d’audioconférence de l’April. Toutes les informations utiles sur april.org.
Si vous souhaitez découvrir les coulisses d’une radio, de votre émission, vous pouvez venir assister au direct comme l’a fait aujourd’hui tykyan. Nous pouvons actuellement proposer à deux/trois personnes maximum de venir au studio de Cause Commune le mardi pour assister à la mise en place vers 15 heures et au direct à 15 heures 30. Le studio est situé dans le 18e arrondissement de Paris. Contactez-nous si vous êtes intéressé, sachant que la dernière émission de la saison c’est mardi prochain, mais nous poursuivrons évidemment ces portes ouvertes à la rentrée.
Dans les conférences, j’ai noté une conférence intéressante qui s’appelle « Le netmask et la plume ». L’orthographe fera rire, évidemment, les informaticiens. C’est une conférence organisée le 30 juin 2021 en ligne sur l’histoire et l’évolution de la cybersécurité et c’est animé par quatre journalistes experts du domaine : Marc Olanie, Jean-Marc Manach, Valery Marchive et Marc Rees que nous avons eu l’occasion de recevoir à de nombreuses reprises dans l’émission. Le site c’est lenetmasketlaplume.org. Évidemment nous mettrons les références sur le site de l’April, april.org.
Des évènements en présentiel commencent à être réorganisés. Vous pouvez tous les trouver sur le site de l’Agenda du Libre, agendadulibre.org.

Notre émission se termine.

Cette 111e émission a été mise en ondes par Étienne Gonnu. Merci Étienne.
Je remercie également les personnes qui ont participé à l’émission du jour : Éric Fraudain, Véronique Bonnet, Alexandre Bulté, Ronan Chardonneau.
Merci également à Lang1 qui va monter le podcast.
Merci à Quentin Gibeaux qui va découper le podcast complet en podcasts individuels par sujet.

Vous retrouverez sur notre site web toutes les références utiles ainsi que sur le site de la radio, causecommune.fm.
N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu mais aussi des points d’amélioration. Vous pouvez également nous poser toute question et nous y répondrons directement ou lors d’une prochaine émission. Toutes vos remarques et questions sont les bienvenues.

Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission.
Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et également à faire connaître la radio Cause Commune, la voix des possibles.
J’ai un petit peu de temps. Je vais mettre en valeur aujourd’hui une émission de Cause Commune, il s’agit de Carte blanche, la matinale du lundi de 7 heures à 9 heures puis en podcast, proposée par Lucas Malterre et Myriam Quéré. Dans cette émission hebdomadaire, ils explorent les enjeux locaux, nationaux et internationaux qui nous touchent au quotidien, positivement ou non. Au menu de Carte blanche une revue de presse, l’actu, une chronique hi-tech, la chronique d’Erwan sur le capitalisme qui plaira sans doute à certaines personnes. Il y a l’entretien de 8 heures avec des personnes invitées. Je signale que Lucas et Myriam ont récemment consacré un cycle aux enjeux du féminisme, de l’inclusivité, de la domination masculine que je vous invite fortement à écouter. Et évidemment il y a des pauses musicales.
En parlant de musique, j’aurai le plaisir de vous proposer une nouvelle Antenne libre musicale avant la pause estivale avec Medhi. Ce sera mercredi 7 juillet à 21 heures.

En attendant, la prochaine émission Libre à vous ! aura lieu en direct mardi 29 juin 2021. Pour la dernière émission de la saison notre sujet principal portera sur la reconversion professionnelle dans les métiers de l’informatique. Elle sera animée par ma collègue Isabella Vanni.

Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. Retrouvez ma collègue Isa en direct mardi 29 juin et d’ici là, portez-vous bien.

Générique de fin d’émission : Wesh tone par Realaze.