Émission Libre à vous ! diffusée mardi 20 mai 2025 sur radio Cause Commune Sujet principal : Les CRM libres, gestion des relations avec la clientèle


Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet :Bonjour à toutes, bonjour à tous dans Libre à vous !. C’est le moment que vous avez choisi pour vous offrir une heure trente d’informations et d’échanges sur les libertés informatiques et également de la musique libre.
Au programme aujourd’hui, les CRM libres ou comment gérer les relations avec la clientèle avec du logiciel libre, ce sera le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme, en début d’émission, la chronique de Gee sur le rebranding, et, en fin d’émission, la chronique de Julie Chaumard intitulée « Nextcloud : créer son espace cloud libre pour stocker et partager les fichiers ».

Soyez les bienvenu·es pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Frédéric Couchet le délégué général de l’April.

Le site web de l’émission est libreavous.org, vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter.

Nous sommes mardi 20 mai. Nous diffusons en direct sur radio Cause Commune, vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast. Nous saluons également les personnes qui nous écoutent sur la webradio Radio Cigaloun ou la radio FM Radios Libres en Périgord.

À la réalisation de l’émission mon collègue Étienne Gonnu. Salut Étienne.

Étienne Gonnu. : Salut Fred.

Frédéric Couchet :Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « Les humeurs de Gee » – Le rebranding

Frédéric Couchet : Nous allons commencer par la chronique « Les humeurs de Gee ». Gee, auteur du blog-BD Grise Bouille, vous expose son humeur du jour : des frasques des GAFAM aux modes numériques, en passant par les dernières lubies anti-Internet de notre classe politique, il partage ce qui l’énerve, l’interroge, le surprend ou l’enthousiasme, toujours avec humour. L’occasion peut-être, derrière les boutades, de faire un peu d’éducation populaire au numérique.
Le thème du jour, c’est le rebranding. Salut Gee.

Gee : Salut Fred et salut à toi, public de Libre à vous !.
Alors je sais, sur cette radio on essaie d’éviter – ou en tout cas d’expliquer – les termes anglais pour que tout le monde comprenne bien de quoi on parle. Et si je te parle de rebranding, c’est parce que c’est typiquement un mot très utilisé dans le monde des grandes entreprises et qui signifie, en gros, refaire sa marque ou plutôt refaire son image de marque.

Ça peut passer par un changement de logo ou de slogan, mais souvent, ça passe par un changement de nom. Et, quand on change de nom, il faut bien réfléchir, sinon ça peut donner lieu à des rétropédalages assez rigolos.
Exemple : la plateforme de VOD HBO Max est devenu Max tout court en 2023 et vient de redevenir HBO Max en 2025. Deux ans, ça fait léger pour rentabiliser les énormes dépenses que doivent impliquer un changement de nom et de charte graphique ! Je pense qu’un ou deux communicants ont dû se faire virer entre les deux événements.
Après c’est bien de reconnaître ses erreurs. Par exemple, la chaîne de radio Chérie FM avait été renommée Chérie tout court, en 2017. Sans doute parce que FM, ça fait has been quand pas mal de gens écoutent la radio sur Internet et non sur la bande FM. Mais le changement n’était pas terrible, je me souviens avoir entendu le jingle, ça faisait : « Chéééériiiieee… » ; il manque un truc là ? J’avais envie de chanter « F-M » ! ! Je ne devais pas être le seul, parce que la radio est redevenue Chérie FM en 2019, pareil, juste deux ans plus tard.
Côté radio, on a aussi connu un rétropédalage vachement plus long, avec Europe 2 qui est devenu Virgin Radio en 2005, avant de redevenir Europe 2, mais seulement en 2023 !
Et côté télé, on n’est pas sur du rétropédalage mais sur du changement tous azimuts : Europe 2 TV devient Virgin 17 en 2008, puis Direct Star en 2010, puis D17 en 2012 et enfin CStar en 2016. Bon, histoire que les gens ne soient pas trop dépaysés, c’est resté constamment de la grosse daube malgré les changements de noms, comme ça on s’y retrouve.

Tu te demandes sans doute pourquoi je cause de tout ça dans une émission qui parle de numérique et de logiciel libre. Eh bien évidemment parce que le rebranding, le changement de nom, ça arrive aussi très souvent dans le numérique. Pas toujours pour les mêmes raisons. Des fois, on prend juste acte d’un usage : par exemple, quand j’étais gamin, on appelait les ordinateurs d’Apple des Macintosh, mais, pour aller plus vite, on disait Mac. Et Apple a fini par sortir l’iMac et aujourd’hui plus personne ne parle de Macintosh.
Parfois, on change de nom parce que le nom original finit par désigner quelque chose de plus grand. Chez les GAFAM, la maison mère de Google a fini par s’appeler Alphabet et celle de Facebook Meta.
Dans le Libre, c’est aussi le cas de Mozilla : Mozilla, au départ, c’était un gros logiciel qui comprenait un navigateur, un client mail, un agenda, etc. Et puis, petit à petit, des logiciels plus spécialisés sont sortis, Mozilla Firefox pour le navigateur, Mozilla Thunderbird pour les mails. Et Mozilla est devenu d’abord Mozilla Application Suite, puis Mozilla Suite et enfin SeaMonkey, ça n’a rien à voir, pour que Mozilla reste uniquement le nom de la fondation qui encadre le développement de ces logiciels, comme ça c’est un peu plus clair !
Même genre de principe à Framasoft, une association dont je suis membre : à la base, Framasoft était un annuaire de logiciels libres, sauf que, au fil du temps, Framasoft est devenu beaucoup plus que ça, c’est devenu une association d’éducation populaire aux enjeux du numérique avec une foultitude de sites au-delà de l’annuaire. Donc, on a fini par renommer l’annuaire Framalibre, histoire de bien distinguer l’annuaire de l’asso !

Dans le Libre, on a aussi des changements de nom qui ne sont pas à proprement parler du rebranding mais plutôt des forks, des logiciels dérivés d’autres logiciels. Parfois, le fork devient tellement dominant par rapport au logiciel de départ qu’on se comporte comme si ça avait juste changé de nom : par exemple, LibreOffice est devenu la référence après le rachat de OpenOffice par Oracle, et tout le monde parle quasi exclusivement de LibreOffice, mais Open Office existe toujours, c’est devenu Apache OpenOffice, développé, comme son nom l’indique, par la fondation Apache.
Même chose pour ownCloud, le logiciel libre de cloud personnel, que la plupart des gens ont remplacé par Nextcloud, mais qui, en fait, existe toujours aussi.
En gros, changer de nom quand on forke, c’est comme les scissions dans les partis révolutionnaires, on sait faire. Oui, je pense à toi, la Ligue communiste devenue FCR [Front communiste révolutionnaire]puis LCR [Ligue communiste révolutionnaire] puis NPA [Nouveau Parti anticapitaliste], finalement scindé en NPA l’anticapitaliste et NPA révolutionnaire.

Dans l’autre sens, au lieu des scissions et des forks, on peut occasionnellement avoir du rebranding à l’occasion d’une fusion.
Dans le milieu des GAFAM, on avait le culte MSN Messenger qui, après avoir déjà été rebranded Windows Live Messenger, a fini par être remplacé par Skype, racheté par Microsoft, les gens qui utilisaient le service étant automatiquement transférés.
Et, dans le milieu du Libre, on avait un chouette client mail sur Android, qui s’appelait K9-Mail, et qui a fusionné avec le projet de Mozilla pour devenir Thunderbird version Android.
Ça va, vous suivez ?

Une autre raison évidente pour laquelle on peut vouloir changer de nom, c’est pour des raisons légales. Je ne sais pas si vous vous souvenez, mais le yaourt Activia de Danone s’appelait à la base Bio de Danone. Mais ils ont été obligés de changer à cause d’une directive européenne parce que qu’ils n’étaient pas bio du tout, les yaourts appelés Bio, donc oui, forcément.
Dans le Libre, la distribution GNU/Linux Mandrake est devenue Mandriva suite à un conflit judiciaire avec une autre société sur la marque Mandrake. On avait aussi un clone libre du jeu vidéo Worms qui s’appelait Wormux, qui a ensuite été renommé en Warmux pour éviter les embrouilles avec les éditeurs de Worms.
Et récemment, dans le milieu du jeu libre, on aeu Minetest, un jeu similaire à Minecraft — sans être un clone — qui s’est renommé Luanti pour se différencier. On a d’ailleurs eu une émission sur le sujet il n’y a pas si longtemps. D’ailleurs, il y avait même un mode de jeu de Minetest qui, pour le coup, essayait de reproduire Minecraft et qui s’appelait Mineclone, qui a aussi changé de nom pour devenir Voxelibre, contraction de voxel, l’équivalent d’un pixel en 3D, et de libre. Oui c’est un peu compliqué. Même chose, l’équipe voulait se différencier et faire un jeu qui prendrait son propre chemin, en arrêtant de vouloir copier Minecraft qui avait pris une direction pas forcément terrible depuis son rachat, encore une fois, par Microsoft.

Parfois, il y a aussi des rebrandings qui n’ont aucun sens, qui sont juste là à cause d’une lubie d’un taré avec beaucoup de pognon, mais on n’est pas là pour parler d’Elon Musk. Twitter vers X, le rebranding le plus débile et le plus foiré de l’histoire !

Pour finir, évidemment, la raison la plus courante du rebranding, c’est de se refaire une beauté, tourner la page d’une histoire un peu trouble, changer la couche du gamin quand elle est pleine. Oui je pense à toi, l’UDR [Union des droites pour la République] devenu RPR [Rassemblement pour la République] puis UMP, Union pour une Majorité Présidentielle, puis encore UMP, Union pour un Mouvement Populaire, puis enfin Les Républicains. C’est un peu comme Europe 2 TV et CStar tout à l’heure, le nom change, mais ça reste bien pourri à l’intérieur ! Ou comme Total qui devient TotalEnergies, avec un « s » à « énergie » parce que non, vous pensez bien, on ne fait pas que du pétrole !

Heureusement, pour l’instant j’ai l’impression qu’on est assez épargné par ce côté-là du rebranding dans le milieu du Libre, sans doute parce que quand un logiciel libre devient pourri, il n’a pas besoin de se renommer, en général on le forke avant !

Allez, sur ce, je vous souhaite une bonne émission, qui s’appelle à priori toujours Libre à vous ! et je vous dis au mois prochain !

Frédéric Couchet : Merci Gee. Oui, ça s’appelle toujours Libre à vous !.
Peut-être une petite remarque sur le rebranding d’Open Office à LibreOffice. En fait, chez pas mal de gens du grand public, notamment des profs, le terme Open Office est encore resté dans les têtes même si c’est souvent LibreOffice qui est installé, c’est donc assez marrant.
Merci Gee. Je rappelle que Gee est auteur et que vous pouvez le soutenir sur son site grisebouille.net.
Nous allons faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Après la pause musicale, nous parlerons de logiciels libres de gestion de la relation clientèle.
En attendant, nous allons écouter Un fantôme dans la maison par Odysseus. On se retrouve dans une minute quarante. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Un fantôme dans la maison par Odysseus.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Un fantôme dans la maison par Odysseus, disponible sous licence Art Libre.

[Jingle]

Frédéric Couchet : Nous allons passer à notre sujet principal.

[Virgule musicale]

Les CRM libres – Gestion de la relation avec la clientèle

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui va porter sur les CRM, les logiciels de gestion de relation avec la clientèle, avec Jean-Michel Armand et Laurent Destailleur qui sont avec nous en studio.
N’hésitez pas à participer à notre conversation sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat ».
Toutes les références de l’émission seront rendues disponibles sur la page consacrée à l’émission du jour, sur libreavous.org/248, car c’est la 248e émission.
On va tester les micros. Bonjour Jean-Michel.

Jean-Michel Armand : Bonjour.

Frédéric Couchet : Bonjour Laurent.

Laurent Destailleur : Bonjour.

Frédéric Couchet : Avant de définir ce qu’est un CRM et d’en parler un peu plus en détail, notamment les CRM libres, une petite question d’introduction, une présentation personnelle rapide. On va commencer par Jean-Michel.

Jean-Michel Armand : Bonjour. Jean-Michel. Présentation personnelle rapide : libriste, djangonaute, Marseillais et cofondateur d’Hybird depuis maintenant 20 ans en novembre.

Frédéric Couchet : Qu’est-ce qu’un djangonaute ?

Jean-Michel Armand : Un djangonaute, c’est un dev Django.

Frédéric Couchet : Django, c’est un cadre de développement.

Jean-Michel Armand : C’est un framework web en Python.

Frédéric Couchet : D’accord. OK. Laurent Destailleur.

Laurent Destailleur : Bonjour. Laurent Destailleur. On me connaît aussi sous le surnom de eldy. Je suis développeur de différents logiciels libres dont trois un peu plus populaires que les autres, qui sont AWStats Log Analyzer, Sell-Your-Saas, une solution pour permettre à une entreprise de vendre des logiciels en ligne, et puis au Dolibarr dont on va parler aujourd’hui, le logiciel de gestion d’entreprise. Je suis fondateur de Dolicloud, une société qui propose le logiciel de gestion Dolibarr clé en main, ainsi que de DoliAsso qui propose le même logiciel pour les associations, clé en main en ligne.

Frédéric Couchet : D’accord. Le sujet du jour c’est le CRM, en anglais Customer Relationship Management. Tout à l’heure, je reviendrai aussi sur ce terme anglais, sur une autre version de ce terme en anglais ; en français c’est « gestion de la relation avec la clientèle ».
Première question, on va essayer d’aborder une première thématique, qu’est-ce qu’un CRM ? Quelles sont les fonctionnalités ? Pour quel type de public ? On va peut-être commencer par les fonctionnalités, je vous laisse intervenir comme vous le souhaitez. Qui veut commencer ? Jean-Michel Armand visiblement. Jean-Michel.

Jean-Michel Armand : Déjà, premier point, il faut dire que le nom en lui-même est presque un faux-ami, parce qu’on dit « gestion de la relation client », « gestion de la relation de la clientèle », alors qu’en vrai ça commence avant. Le principe d’un CRM va être de gérer tout ce qui va être le processus commercial complet, donc avant d’être un client, et ça va être une différence par exemple avec un logiciel plus ERP [Enterprise Resource Planning] et autre qui lui va commencer au moment où le tiers qu’on veut gérer devient un client. Sur un CRM, on démarre avant, on démarre donc avec la gestion dès la phase de prospection. Le point de base c’est de dire que le mot n’aide pas à comprendre ce que c’est parce que c’est un petit peu un faux-ami.
Vous travaillez dans une entreprise ou une association, on aura peut-être le temps de voir, plus tard, que ce n’est pas que pour les entreprises, vous bossez dans une entité, cette entité a des relations avec d’autres entités, des relations qui ont pour but d’amener à une contractualisation. Je choisis bien mes termes exprès, je ne dis pas « pour but d’envoyer une facture », je parle de contractualisation, on aura peut-être le temps de voir que ce n’est pas forcément un but pécuniaire à la fin, ça peut être un but de relation, de partenariat autre. Ça va être contractualiser quelque chose et on va modéliser toutes les étapes qui vont permettre d’aboutir à ce final heureux et joyeux.

Frédéric Couchet : D’accord. Heureux et joyeux s’il y a contractualisation ! Laurent.

Laurent Destailleur : J’élargirais un peu la définition. Jean-Michel a évoqué l’aspect que je simplifierais en disant « l’avant-vente », entre guillemets, on met toujours des guillemets sur le mot « vente », mais il y a aussi l’aspect après-vente, par exemple la gestion du support, l’assistance technique, on imagine qu’une fois qu’une société a vendu un produit, elle doit également avoir cet aspect de gestion des incidents, de gestion des demandes de support. Cela aussi fait souvent partie du périmètre du logiciel que l’on appelle CRM. D’ailleurs, ça me fait penser qu’on n’a pas donné les définitions, on a parlé de gestion de relation client, donc GRC, mais c’est vrai aussi qu’on emploie souvent, dans le monde des affaires, où on aime bien les anglicismes, le terme qui est CRM, Customer Relationship Management, donc juste une traduction littérale de GRC.
Il y a donc aussi cet aspect après-vente. Dans ces logiciels-là, on va trouver aussi toutes les fonctions en rapport avec ces aspects d’avant-vente et d’après-vente, les automatisations, les relances, les rappels d’actions à faire, le suivi de l’historique de tout ce qui se passe pour que l’on puisse avoir une vue 360, dès qu’on a un client au bout du fil savoir tout ce qui a été dit, tout ce qui a été fait, du reporting. Voilà en gros toutes les fonctionnalités de ce qu’on qualifie de CRM aujourd’hui.

Frédéric Couchet : D’accord. Si je comprends bien, ça va de la phase que vous appelez la phase d’avant-vente ou de prospection d’une structure cliente, pour une entreprise, ensuite la partie relations avec cette structure, que ce soit la facturation, les contacts, les personnes identifiées.

Laurent Destailleur : On va dire qu’avec la facturation on est à la limite du CRM. On commence à sortir du CRM pour entrer dans le domaine d’une autre famille de logiciels qui est l’ERP. On en parlera peut-être après.

Frédéric Couchet : D’accord. Et après gestion des tickets, etc.

Laurent Destailleur : Gestion des tickets. En gros, il faut bien se dire qu’il y a l’aspect client, il doit donc y avoir une relation avec le client. C’est pour cela que la facturation est un peu à la frontière, parce que c’est toujours un client, ça concerne le client. Mais je dirais que dès lors qu’il y a une relation, un contact, de la communication, par exemple l’envoi d’e-mailing de masse peut également être dans le périmètre du CRM.

Frédéric Couchet : D’accord. Même si on va se concentrer sur la partie relation avec les entreprises, est-ce qu’un CRM est uniquement utile à des entreprises qui cherchent des structures clientes ou est-ce que, par exemple, ça peut être utilisé dans le cadre de collectivités qui ont aussi des échanges, dans le cadre d’ONG ou de structures associatives ? Jean-Michel.

Jean-Michel Armand : Oui. La réponse courte est oui, la réponse longue arrive. Si on prend le cas des associations, les associations vont souvent avoir des démarches commerciales, ça peut être tout simplement pour gérer, par exemple, des dons ou des adhésions. Il va donc falloir être capable de trouver de nouveaux adhérents, de trouver de nouveaux donateurs. Chez Hybird, on a des ONG qui utilisent Crème, justement dans cette démarche de trouver de nouveaux adhérents, trouver des nouvelles associations. On pourra avoir des grandes écoles, on va dire des écoles semi-publiques qui vont l’utiliser pour leur campagne de taxe d’apprentissage. On va donc avoir différents cadres qui vont pouvoir mettre en place un CRM, bien que ce ne soit pas, stricto sensu, pour un échange juste de factures, etc.
Ensuite, on va pouvoir prendre cette notion de CRM et les collectivités pourraient l’utiliser pour de la gestion d’usagers, de la gestion de partenaires ou de la gestion d’agents en interne. On peut avoir des grosses collectivités, ça peut être des centres de gestion, qui vont avoir besoin de gérer, dans ce cas-là, un annuaire des agents, tout ce qui va être les rendez-vous récurrents de la vie d’un contrat de travail, on va dire, tous les ans il faut avoir son point annuel, etc., ce sont des choses qui peuvent rentrer dans le cadre d’un CRM qui serait effectivement potentiellement un peu « détourné », entre guillemets, mais qui va gérer cette relation entre des personnes et la structure qui va l’utiliser. Il y a souvent cette notion. Au final, les fondamentaux de gestion de la relation entre une structure et d’autres structures ou une structure et des personnes existent et il suffit, on va dire, de changer les étiquettes et on peut l’utiliser.

Frédéric Couchet : D’accord. Laurent.

Laurent Destailleur : Je simplifierais en disant simplement que, dans CRM, il faut plus voir le mot « client » comme « partenaire » et dès lors qu’on a besoin d’une relation d’échanges, de communication vis-à-vis de partenaires, quelle que soit leur nature, un CRM a sa place.

Frédéric Couchet : D’accord. Et, par rapport à cette notion d’étiquette, n’est-ce pas gênant d’avoir, entre guillemets, « des étiquettes », c’est-à-dire de voir les parties prenantes comme, quelque part, des clientes quand on est une ONG ? Alors que pour une ONG ce ne sont pas des clientes, ça peut être des donateurices, ça peut être des membres. Est-ce que ce n’est un peu gênant ?

Laurent Destailleur : Tout à fait. Les logiciels ont justement un niveau de personnalisation qui va permettre de changer les labellisations. On va retrouver les mêmes fonctionnalités mais avec des terminologies qui vont être différentes ; on va pouvoir simplement changer les terminologies selon les logiciels. Je prends un autre exemple : la gestion de sa patientèle pour un médecin.

Frédéric Couchet : D’accord. Jean-Michel.

Jean-Michel Armand : Clairement. L’un des intérêts va être d’avoir des outils qui sont suffisamment, on va dire, Lego, boîte à outils, pour pouvoir être un peu déconstruits, voire beaucoup, puis reconstruits. Les termes, la terminologie dont la structure qui va l’utiliser a l’habitude va être l’une des premières choses qui va être mise. Pour des ONG, ou du public, il n’y a effectivement jamais le mot « client » parce que c’est un repoussoir absolu, à raison parce que ce n’est pas le bon terme. Donc oui, le premier point dont va discuter à la mise en place d’une gestion, on va même aller jusqu’à dire la gestion de la relation, va être d’enlever les mots « clients », les mots « prospects » et de les remplacer par les bons mots.

Frédéric Couchet : D’accord. Je posais cette question parce qu’il y a quelques années j’avais regardé un petit peu les CRM, je constate que ça a bien évolué parce que j’en étais resté, justement, à cette « limitation », entre guillemets, en me disant que parler de prospect dans le cadre d’une association !

Laurent Destailleur : On est dans le monde du Libre, il faut voir que le monde du Libre est un monde qui est effectivement beaucoup plus évolutif, donc, dans le cadre des CRM libres, on va trouver quasiment presque toujours cette personnalisation. Par contre, c’est vrai que si on est sur un logiciel propriétaire, on ne l’aura pas forcément, parce que son business est orienté sur tel type d’entreprise et il se moque, finalement, de ce qui se passe autour et il ne va pas forcément évoluer.

Frédéric Couchet : D’accord. Les personnes qui nous écoutent connaissent peut-être des logiciels CRM privateurs. Est-ce que vous pourriez en citer un ou deux ?

Jean-Michel Armand : Ça va être super facile parce que le monde du CRM est quelque chose de vraiment ultra, super concurrentiel.
Clairement, le plus connu va être Salesforce, ça fait de la pub la télé, carrément, numéro 1 mondial, il y a de la pub partout. C’est l’énorme machine américaine avec beaucoup de sous.
Après il y a HubSpot, qui est aussi quelque chose d’américain, qui est très connu.
On va avoir Sellsy qui est quelque chose de français ou Microsoft Dynamics que je vois beaucoup moins, sur des logiciels concurrents, mais qui est là.
Il y en a plein, mais là, je pense qu’on a les quatre principaux dans le monde propriétaire.

Frédéric Couchet : D’accord. On reviendra tout à l’heure sur la partie libre.
On parlera tout à l’heure de Salesforce quand on parlera un petit peu de la partie business. Je pose la question parce qu’on m’a dit des choses sur l’implantation de Salesforce dans le secteur public, je voudrais vous permettre de réagir tout à l’heure.
Là on comprend à peu près ce qu’est un CRM, En préparant l’émission et tout à l’heure, vous avez employé un deuxième terme qui est ERP. J’ai envie de vous demander ce qu’est un ERP et quelle est la relation entre un CRM et un ERP dans une entreprise ? On va commencer par Laurent.

Laurent Destailleur : ERP c’est l’acronyme de Enterprise Resource Planning. Il ne faut pas essayer de voir littéralement la traduction parce que ça ne veut rien dire. Ce n’est pas du tout représentatif, en tout cas beaucoup moins que l’aspect CRM.
On va mettre dans cette famille de logiciels ERP les logiciels qui interviennent en dehors de la relation client, on est plus dans ce qu’on appelle le back office, la partie cachée de l’entreprise. Ça va être, par exemple, la gestion des stocks, la gestion des ressources humaines qui est de plus en plus intégrée dans l’ERP même si, souvent, on les met dans une famille ressources humaines à part. On va aussi trouver de la comptabilité, on va trouver la notion de facturation, c’est pour cela que je disais tout à l’heure qu’on est à la frontière, parce que dans la facturation il n’y a pas que les clients, il y a aussi les fournisseurs et, clairement, la facturation des fournisseurs n’a rien à faire dans le CRM, on va donc la retrouver dans l’ERP.
C’est donc tout un ensemble de fonctionnalités qui couvrent les besoins d’une entreprise ou d’une institution, quelle qu’elle soit, mais qui ne sont pas, finalement, dans la famille du CRM, pour faire très rapide.

Jean-Michel Armand : Laurent a donné la définition exacte, il n’y a rien à rajouter. C’est effectivement tout ce qui va être, on va dire derrière, dans les coulisses, et c’est là qu’on voit justement l’intérêt d’avoir quelque chose. On pourrait se dire que ça se ressemble beaucoup, effectivement ça se ressemble beaucoup, mais c’est vraiment à des endroits qui sont bien différents, c’est souvent utilisé par des populations d’utilisateurs et d’utilisatrices qui vont être différentes et c’est tout l’intérêt, à mon sens, d’avoir deux systèmes qui font chacun une chose et qui la font bien, pour reprendre une maxime que j’aime bien, qui est dans le Libre, et qui peuvent communiquer. On peut avoir et on va souvent avoir un CRM qui va pouvoir communiquer avec un ERP. Et c’est là où ça va être intéressant, par exemple, d’avoir un petit bout de facturation dans le CRM, parce que, effectivement, on se dit, en y réfléchissant, que dans la facturation il y a de la compta, il va falloir faire de la TVA et tout ça, c’est compliqué donc c’est dans l’ERP. Par contre, ça peut être pas mal de l’avoir aussi dans le CRM, par exemple pour la relance client, quand vos clients mettent un peu trop longtemps à payer, ça sera souvent fait par les commerciaux et l’outil de travail quotidien des commerciaux, c’est le CRM. Et aller dans un outil qu’ils ne maîtrisent pas bien parce qu’ils n’y vont jamais, l’ERP, qui peut faire un peu plus peur parce que c’est quand même plus logiciel de gestion, on va dire – le CRM est souvent un peu plus gamifié -, ils peuvent y aller à reculons. Alors qu’en ayant une communication entre les deux outils, les factures vont remonter dans le CRM, les commerciaux qui sont au contact du client tous les jours vont voir si ce client est à jour ou s’il a six mois de retard et ça va changer leur discours commercial.
Pour moi, ce sont des outils qui sont proches, vraiment très proches, voire collés, tellement que, parfois, il y a une tentation du côté ERP de rajouter des petits modules de CRM à l’intérieur d’eux-mêmes pour dire « regardez, je suis aussi un CRM, donc je peux aussi faire ça », mais pour moi ce sont vraiment deux outils qui ont chacun leur mission et qui travaillent mieux quand ils sont ensemble et qu’ils communiquent.

Frédéric Couchet : D’accord. Avant de passer la parole à Laurent, quand on va parler un peu de vos solutions libres, si j’ai bien compris, on y arrivera plus en détail tout à l’heure, Crème CRM c’est vraiment un CRM qui communique avec des ERP, et Dolibarr, à ma connaissance, fait un peu les deux. C’est ça ?

Laurent Destailleur : Tout à fait. Par rapport, justement, à ce besoin de communication, le besoin et l’intérêt sont tellement forts que sur Dolibarr on a fait le choix, finalement, de fournir les deux, et pas plus l’un que l’autre, c’est un choix stratégique qui a ses avantages et ses inconvénients.

Frédéric Couchet : On va en parler juste après.
En ERP libre, il y a Dolibarr dont on va parler, mais est-ce que vous avez un ou deux noms à citer, même si ça ne va pas être le sujet de l’échange ?

Jean-Michel Armand : En ERP, mais on n’a pas parlé non plus de CRM libres.

Frédéric Couchet : Oui, effectivement, CRM libres aussi.

Laurent Destailleur : En CRM libres, on a évoqué Crème CRM, ici présent, en face de moi. On a également Dokos, Triton, on a les anciens qui étaient avant des logiciels de CRM libres mais qui sont passés maintenant propriétaires, SugarCRM, VitaCRM qui a encore une grosse popularité.
En ERP libres, on va avoir ERPNext, Odoo version communautaire, attention ce n’est pas du tout la même que la version propriétaire qui n’est pas libre, on va avoir également OpenConcerto, pour citer ceux qu’on voit le plus souvent côté ERP. Je pense qu’on a plus de choix côté CRM que côté ERP.

Jean-Michel Armand : On a aussi Axelor, je crois, qui fait ERP et CRM pour le coup.

Frédéric Couchet : D’accord. Après, on va parler un peu plus en détail de Crème CRM et de Dolibarr. Tout à l’heure, tu parlais de Salesforce qui fait de la pub à la télé. Ce qui est marrant c’est qu’à Issy-les-Moulineaux, quand j’ai fait une course à pied l’an dernier, il y avait des gros panneaux de pub pour Odoo.

Jean-Michel Armand : Odoo commence à avoir assez de budget pour pouvoir faire faire de la pub 4X3, télé ou événement sportif.

Frédéric Couchet : Je ne sais pas si c’étaient des panneaux récents ou anciens.

Laurent Destailleur : Ça fait quelques années qu’ils font de la pub de manière massive. J’y ai travaillé, j’ai été intégrateur Odoo pendant quelques années, ça fait un moment, maintenant, qu’ils investissent beaucoup sur l’aspect marketing. Il faut juste faire attention, il y a deux produits différents.

Frédéric Couchet : C’est-à-dire qu’il y a une version libre ? Explique.

Laurent Destailleur : Il y a une version libre qui respecte vraiment les libertés, qu’on va plutôt appeler la version Odoo Community et il y a la version Odoo qui n’est pas libre du tout, qui est plus basée sur de l’open core, avec une petite partie libre, le produit d’appel, mais les fonctions principales sont propriétaires et payantes. On va appeler cette version-là Odoo Enterprise, sauf qu’entre Odoo Community et Oddo Enterprise, on a un mot commun qui est Odoo et ça crée pas mal de confusion dans l’esprit des utilisateurs. Quand on regarde le niveau de fonctionnalités, beaucoup de choses sont dans l’un et pas dans l’autre, il faut donc faire très attention quand on entend parler d’Odoo, il faut savoir duquel des deux on parle.

Jean-Michel Armand : Un peu comme Sugar, historiquement avant de complètement passer propriétaire, avec la Sugar Community et la Sugar Enterprise, c’est vraiment cette notion d’avoir deux niveaux et, malheureusement, deux niveaux de qualité entre la version communautaire et l’autre.

Frédéric Couchet : Tellement de différences de qualité que ça pousse les gens à utiliser la version privatrice et pas la version communautaire.

Jean-Michel Armand : Oui, c’est ça. J’espère que pour Odoo ça ne sera pas le cas et puis, on va toucher du bois puisque la table est en bois, mais c’est vrai qu’on le voit sur Sugar, on le voit ailleurs, on va dire que malheureusement c’est la suite logique : on commence par une version communautaire, puis on met en place les deux, puis on laisse petit à petit péricliter la version communautaire pour pousser les gens à aller sur la version privatrice, puis on arrête la version communautaire parce qu’il n’y a plus personne.

Frédéric Couchet : D’accord. On va parler de solutions qui sont libres, totalement, les vôtres, Crème CRM et Dolibarr, on a encore un peu de temps avant la pause musicale. J’ai envie de vous demander, au-delà des fonctionnalités, comment ces projets ont démarré. On va commencer par Jean-Michel pour Crème CRM. Depuis combien de temps ? Comment ça a démarré ?

Jean-Michel Armand : J’ai cofondé Hybird avec des copains il y a 20 ans. Nous étions en école d’ingénieur, nous devions faire un stage de troisième année, comme tout élève ingénieur, nous étions développeurs, nous étions libristes et nous voulions écrire du code pour nous, donc nous avons monté une boîte. Notre but était d’écrire du code libre, donc de devenir éditeurs. Au début, nous voulions faire du jeu vidéo libre, en 2005, autant dire que nous nous sommes vite rendu compte qu’il fallait manger, donc on a fait autre chose. Nous nous sommes mis à être intégrateurs de CRM. D’ailleurs, à l’époque, on a fait la traduction française de Vtiger, etc., dans l’objectif de devenir éditeurs. Nous avons fait trois ans d’intégration de Vtiger. Au bout de trois ans, donc 2008, on s’est dit « OK, maintenant on comprend un peu le marché du CRM, on a une vision de ce qu’on veut proposer comme logiciel différent de ce qui existe ». Nous sommes donc devenus éditeurs, nous avons passé deux ans à créer Crème ; 2010, première version de Crème et, depuis 2010, nous sommes éditeurs/intégrateurs de Crème. Au départ, ce sont vraiment juste cinq étudiants qui se disent « on veut écrire du logiciel libre, on veut bosser pour nous, on monte une boîte, on fait du Libre. »

Frédéric Couchet : On reviendra en détail après sur le mode de fonctionnement. Juste une question avant de passer la parole à Laurent Crème CRM ça vient d’où ? L’historique.

Jean-Michel Armand : On a toujours été, même si maintenant nous sommes 11, on est une petite boîte, on se bat contre Salesforce et tout, et on s’est toujours dit « on n’a pas beaucoup de moyens de com’, on n’a pas beaucoup de moyens pour faire parler de nous, il faut qu’on trouve quelque chose qui fasse que les gens vont se souvenir de nous ». On a pris les lettres CRM et on a listé tous les jeux de mots possibles avec les lettres CRM. On a trouvé « crème » d’où le fait que notre logo est un pot de crème et on offre des crèmes glacées à tous ceux qui nous croisent sur des salons, parce qu’on fait beaucoup de salons. Tout a été construit sur « qu’est-ce qui va faire que les gens vont se souvenir de nous ? ». Leur donner à manger de la glace, donc on appelle ça Crème.

Laurent Destailleur : Je confirme.

Frédéric Couchet : Je confirme aussi, on ne peut pas les oublier sur les salons.

Laurent Destailleur : Pour être fan de salons, j’adore quand ils sont présents, surtout à quatre heures.

Frédéric Couchet : Même question, Laurent, sur Dolibarr : la naissance du projet ? Comment tu t’y es mis ? Après la pause musicale, on rentrera un peu plus dans les détails.

Laurent Destailleur : Le projet a été créé initialement en 2002 par Rodolphe Quiédeville, un développeur qui avait besoin d’un logiciel de gestion d’entreprise pour gérer sa petite activité professionnelle. Moi-même, quelques mois après, j’avais aussi un besoin pour gérer une petite activité professionnelle de vente de sites web, que je faisais en dehors de mon activité salariée. J’avais besoin d’un logiciel et j’ai trouvé ce projet qui était déjà bien avancé, avec une approche assez simpliste qui me plaisait beaucoup. Du coup, j’ai commencé à aider ce développeur, à contribuer, c’était un projet libre, il n’y a donc pas eu de difficultés là-dessus. Très vite, Rodolphe m’a laissé les rênes du projet pour que, ensuite, je le développe. J’ai essayé de fédérer pour amener d’autres développeurs, dès 2003, puis j’ai créé une association pour avoir un cadre légal un peu plus costaud qu’une simple équipe de deux personnes et puis on est passé de deux à trois, quatre, cinq. Aujourd’hui, il y a bientôt 1000 développeurs qui travaillent sur le projet avec une association française qui assure la promotion de ce projet et des associations, des groupes d’utilisateurs, de développeurs qui commencent à se créer un peu partout, y compris en dehors de la France.

Frédéric Couchet : D’accord. On va revenir sur ces deux sujets après la pause musicale.
Nous allons écouter De Vagues en Vagues par MƏscaL. On se retrouve dans environ trois minutes quarante. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : De Vagues en Vagues par MƏscaL.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter De Vagues en Vagues par MƏscaL, disponible sous licence libre Art Libre.

[Jingle]

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre notre discussion avec Jean-Michel Armand et Laurent Destailleur. Nous parlons des CRM, gestion de la relation.
Juste avant la pause musicale, on avait commencé à parler un peu de l’historique des deux projets dont on va parler, donc Dolibarr et Crème CRM. On a compris d’où vient le nom de Crème CRM, sachez que quand Hybird est présent sur des salons, vous pouvez manger la crème glacée qui est gracieusement offerte.
Laurent, le terme Dolibarr a-t-il une signification quelconque ?

Laurent Destailleur : Pour beaucoup ça reste un mystère.

Frédéric Couchet : Si je pose la question c’est que j’aime beaucoup la réponse !

Laurent Destailleur : L’inspiration, pour le terme Dolibarr, vient de Dolores Ibárruri, une révolutionnaire basque côté espagnol, c’est la contraction de Dolorès et de Ibárruri, donc ce nom, d’où les deux « r ». On nous demande pourquoi il y a deux « r » à la fin de Dolibarr, eh bien voilà !

Frédéric Couchet : Voilà l’explication. C’est dommage que Gee nous ait quittés, il ne pourra pas briller en société en expliquant d’où vient le nom Dolibarr.
On va peut-être un petit peu, dans le temps, qui nous reste, parler de l’aspect logiciel libre et de la façon dont vous fonctionnez. Si j’ai bien compris, côté Crème CRM, c’est principalement développé par une entreprise que tu as cocréée, qui s’appelle Hybird. Est-ce que vous êtes les seuls à contribuer sur ce projet ou est-ce que d’autres personnes contribuent ?

Jean-Michel Armand : Il y a des petites contributions de manière régulière. Par exemple, cette année, on a eu une première contribution, en janvier, je crois. On fait un peu de génération de facture, du coup, sur le petit bout facturation et un développeur allemand, je crois, a fait une contribution pour intégrer la partie sur la facturation électronique qu’il va falloir gérer en 2026, sur le backend LaTeX, sur la version de « Facture ». Et là, quelqu’un vient de nous faire une contribution sur l’ajout d’un autre numéro d’identification possible, il y a le Siren, il y a le Siret et il y en a d’autres. On peut avoir des contributions de temps en temps, trois/quatre par an, globalement c’est quand même très majoritairement du code Hybird, on va dire.

Frédéric Couchet : D’accord. Pour bien comprendre, une personne qui veut utiliser cet outil-là, je poserai évidemment la même question pour Dolibarr, n’est pas obligée de passer par Hybird, elle peut l’installer parce que c’est un vrai logiciel complet.

Laurent Destailleur : Oui. C’est un vrai logiciel web, pour le coup, donc elle récupère les sources, il y a différents tutoriels pour déployer, d’une ou deux manières différentes, et elle est totalement autonome. C’est un vrai logiciel libre, AGPL v3 [GNU Affero General Public License], sans aucun souci.

Frédéric Couchet : AGPL, c’est la licence. On ne va pas rentrer dans le détail des licences, c’est une licence libre et même chose pour Dolibarr, c’est aussi sous licence libre ?

Laurent Destailleur : Sous licence libre GPL v3 [GNU General Public License], une variante. Je pense qu’il y aura d’autres podcasts sur le sujet. Par contre, il y a une énorme différence : Dolibarr est développé uniquement avec des contributions extérieures, c’est-à-dire que ce n’est pas une société qui porte les contributeurs puisque c’est un projet communautaire.

Frédéric Couchet : Avec, comme tu disais tout à l’heure, une association formellement créée ou une association de fait ?

Laurent Destailleur : Une association formellement créée depuis maintenant quelques années. Par contre, ce n’est pas cette association qui va produire le code, elle a juste pour rôle la protection de la marque et la promotion du logiciel, donc le développement mais au sens plus marketing et pas informatique. Par contre, sur l’aspect développement pur, il y a vraiment un principe communautaire : il y a un chef de projet, un merger, la personne qui accepte les contributions de chacun, c’est moi aujourd’hui, pour la version majeure et il y a deux autres personnes pour des versions de maintenance. Donc les contributions, le code, l’évolution du logiciel est uniquement faite par des contributions extérieures, généralement des entreprises, des particuliers, ça peut être des étudiants, n’importe qui peut contribuer, par contre des règles, des contrôles qualité sont à respecter pour pouvoir être intégrés et tout cela sous la validation du release manager, le rôle que j’assure aujourd’hui.

Frédéric Couchet : C’est assez intéressant. On voit que sont deux projets libres sur la même thématique dont le fonctionnement est différent.

Laurent Destailleur : Complètement. Nous sommes sur une quinzaine de contributions par jour qui viennent de gens qu’on ne connaît pas.

Frédéric Couchet : Est-ce que ça te fait rêver, Jean-Michel, ou pas du tout ? Au contraire, tu préfères ton modèle ?

Jean-Michel Armand : Je dirais que nous avons un modèle qui nous va bien. Ça serait effectivement très cool d’avoir plus de contributions, mais, du coup, on passerait plus de temps à les gérer qu’à écrire du code. Les deux modèles ont leurs avantages, il faut que cela convienne aux personnes qui font vivre le logiciel. Donc oui, on aimerait bien avoir plus de quatre/cinq contributions par an. Nous avons monté une structure pour écrire du code, pour être éditeurs donc effectivement, dans tous les cas, ce parti pris d’avoir une vision logicielle et d’être moteurs de la vision, c’est quelque chose qu’on voudrait garder, parce que c’est le fondamental de ce qui nous a fait travailler.

Frédéric Couchet : L’entreprise Hybird, ne fait-elle, entre guillemets « que ça » ou faites-vous autre chose ?

Jean-Michel Armand : On ne fait que ça, quasiment à 95 % sur édition/intégration de Crème. Après, il y a tout le code qu’on va écrire, toute l’adaptation qu’on va mettre pour des clients, mais oui, 95 % du chiffre d’affaires de Hybird c’est Crème.

Frédéric Couchet : D’accord. Il y a une question sur le salon web, c’est pour toi Laurent, tu as employé le terme release manager, est-ce que tu pourrais nous expliquer en français, s’il te plaît ?

Laurent Destailleur : Release manager est un terme que j’emploie, je n’ai pas pris le terme français parce que c’est compliqué à expliquer, je vais juste le décrire.

Frédéric Couchet : Décris ce que fait la personne.

Laurent Destailleur : On va dire que c’est la personne qui est en charge d’accepter les contributions d’autres développeurs dans une version donnée. Dans release, il y a la notion de version et manager, gestionnaire. C’est aussi la personne qui va décider si oui ou non l’application est suffisamment stable pour sortir une nouvelle version. C’est également le release manager qui va éventuellement dire « ça c’est plutôt une évolution, un correctif, donc ça va plutôt aller dans tel ancienne version qu’on va corriger, alors que ça, par contre, c’est une évolution majeure, on va plutôt la mettre dans la nouvelle version qui va sortir. » En gros c’est l’aiguilleur, celui qui a la décision finale d’intégrer, ou pas, une fonctionnalité, de décider dans quelle version ça va aller et de produire cette version au final. Par exemple, sur Dolibarr, c’est une version majeure tous les six mois.

Frédéric Couchet : Cette notion est intéressante parce que je ne crois pas que ça existe vraiment dans le logiciel privateur, ces notions de version stable, de version de développement.

Laurent Destailleur : Si, ça existe aussi.

Frédéric Couchet : J’entends pour les clients, pour les structures clientes. Ça existe aussi ? Parce que là, finalement, dans le logiciel libre, vous dites qu’il y a la version stable, que les gens peuvent installer, mais des personnes peuvent tester en installant les versions de développement soit parce qu’elles ont besoin de la fonction qui est présente soit pour vous aider, en gros.

Laurent Destailleur : Oui tout à fait. Ça existe même dans le privateur, on appelle ça plus communément des bêta versions, mais c’est exactement la même chose. Ils ont aussi un release manager au sein de leurs équipes qui coordonne les développeurs en interne et c’est lui qui va donner le go pour dire on peut y aller, sortir une nouvelle version.

Frédéric Couchet : Ah oui. J’ai une autre question sur le salon web, toujours pour toi Laurent : comment est nommée la personne qui est release manager dans Dolibarr ?

Laurent Destailleur : Sur Dolibarr, c’est par nomination de l’ancien release manager lorsqu’il se retire. Donc Rodolphe Quiédeville, qui est le créateur historique, m’a nommé lorsqu’il a décidé de passer la main et, pour l’instant, il n’y a pas eu d’autre exemple. Le jour où je devrai laisser la main, ce sera à moi de nommer un release manager à ma place.

Frédéric Couchet : De mémoire, il a dû te laisser la main il y a une vingtaine d’années quand même.

Laurent Destailleur : Ça doit être 2005, je crois. C’est vraiment très tôt, au début, à l’époque nous étions trois/quatre développeurs, pas plus.

Frédéric Couchet : Donc c’est toi, à un moment, qui vas décider de passer la main, parce que soit tu veux faire autre chose, soit parce que tu as vu quelqu’un, une personne qui arrive.

Laurent Destailleur : Ce n’est pas pour demain. Je suis toujours aussi motivé, plus ça va plus je suis motivé. Par contre, j’ai nommé des release managers sur des versions intermédiaires, donc les anciennes versions, pour pouvoir gérer plusieurs versions en parallèle, parce que tout le monde ne veut pas toujours la dernière version. Pour l’instant, c’est assez nouveau comme fonctionnement. Demain, le jour où ces release managers voudront passer la main, peut-être que ce sera aussi à eux de décider qui les remplace.

Frédéric Couchet : D’accord. Côté Hybird, et on reviendra tout à l’heure sur l’activité professionnelle de Dolicloud aussi, quel type de clientèle avez-vous ? Qui achète ? Quand je dis « achète » Crème CRM, le logiciel, mais surtout les services associés, etc. Quel type de clientèle avez-vous ?

Jean-Michel Armand : C’est la question que tout le monde nous pose, que tous les prospects nous posent pour voir s’il y a déjà quelqu’un qui leur ressemble avec qui on a l’habitude travailler. Au début, on avait une réponse un petit peu en forme de boutade, on disait qu’on avait des clients qui étaient tous différents. Maintenant, on en a un peu trop, ce n’est donc plus vrai.
Ce qu’on aime dans un projet CRM c’est que, pour intégrer un CRM, il va falloir un minimum comprendre ce que fait l’entreprise, la structure qui va l’utiliser, comment elle travaille, etc. Un des points qui nous motive, c’est d’apprendre des métiers, d’apprendre de nouvelles choses. On a vraiment énormément d’utilisateurs, des structures clientes différentes, on va avoir des ONG, on va avoir des associations, on a des grandes écoles, on a des entreprises qui font de la formation, qui font du médical, qui font de l’industriel, on a des directions dans des ministères. On a donc vraiment un panel qui est très large, que ça soit en termes de métier ou même en termes de taille parce qu’on va avoir des structures où ce sont deux personnes, voire des auto-entrepreneurs, ce n’est pas la majorité mais oui, on a on a eu des microstructures et puis on a des PME de 500/600 salariés. Je ne compte pas les ministères parce que ce serait un peu tricher, mais on a des grosses structures, des multinationales, par exemple la Branche française va utiliser Crème. On va avoir des « énormes boîtes », entre guillemets, avec 2/3/5/6000 salariés et où il y a 50 ou 100 utilisateurs de Crème. On a donc vraiment de un à quelques milliers en termes de taille de structure.

Frédéric Couchet : Tu allais répondre à l’une de mes questions parce que, dans la chronique d’après, Julie, qui va intervenir, est entrepreneuse, elle est toute seule. Donc typiquement ce genre d’outils, que ce soit Crème CRM ou Dolibarr, peut répondre à ses besoins ? Quelque part, je me dis qu’elle pourrait peut-être utiliser un tableur ou un Nextcloud, par exemple, avec de la gestion de contacts. Peut-elle quand même utiliser ce genre d’outil ? Ce n’est pas surdimensionné ? Jean-Michel et puis Laurent après.

Jean-Michel Armand : On n’a pas forcément parlé de ce à quoi sert en vrai, fonctionnellement, un CRM. Très vite. Globalement, une personne va avoir quand même les besoins d’historisation, pour pouvoir se rappeler les choses ; les besoins de rappel pour se dire, par exemple, « attention, un rendez-vous est prévu demain, ne l’oublie pas » ou alors « attention, un devis a été envoyé il y a dix jours, il n’y a toujours pas eu de retour, il faut peut-être le relancer ». J’ai presque envie de dire que c’est encore plus important quand on est seul que quand on est en équipe. Ces besoins sont là. Ce n’est pas parce qu’on est peu qu’on ne les a pas, on les a aussi, ce sont les mêmes. Après, il y a effectivement le besoin de partage qui ne démarre, justement, que quand on est deux. Mais dès qu’on est deux, on a besoin d’avoir un endroit central où on va pouvoir échanger des infos de manière asynchrone.
Donc oui, et c’est aussi vrai pour l’ERP, qu’on soit un ou 5000, on a besoin de facturation, on a besoin de gérer des stocks si on vend des boulons. Les fondamentaux des logiciels CRM et ERP sont là quelle que soit la taille. Après, le curseur de la volumétrie n’est pas le même.

Laurent Destailleur : Ça va plus dépendre du logiciel et de la solution qui va faire que c’est une solution adaptée pour des petites, des moyennes ou des grosses entreprises, mais sur l’aspect fonctionnalités, les besoins sont très souvent fortement identiques, en tout cas les besoins du CRM.

Frédéric Couchet : Petite question : vos solutions sont uniquement disponibles en français ou est-ce qu’elles sont traduites dans d’autres langues ? Laurent.

Laurent Destailleur : Dolibarr est en 70 langues, ça fait pas mal de choses, dont quelques langues exotiques. Beaucoup de langues, les langues un peu rarissimes ne sont pas forcément traduites complètement. Il y a plein de contributeurs/traducteurs, il y a des outils pour traduire facilement, c’est donc assez large. Et, pour élargir sur l’aspect fonctionnalités, la particularité de Dolibarr c’est qu’il a fait le choix d’être facile d’accès, il est donc très plébiscité par les très petites entreprises, les auto-entrepreneurs, et, ensuite on a une couverture fonctionnelle qui va s’enrichir et c’est l’utilisateur qui va décider de rajouter les fonctionnalités. Notre approche c’est : on démarre, on a très peu, on met ce que l’on veut et, au fur et à mesure qu’on grossit, on va rajouter telle ou telle fonction, tel ou tel module, pour atteindre, ensuite, les besoins d’une grosse entreprise.

Frédéric Couchet : D’accord. Jean-Michel.

Jean-Michel Armand : De base, c’est en français et en anglais. On est aujourd’hui sur du codéveloppement sur des traductions en allemand et en italien, donc on verra. On a peu de contributions, comme on l’a dit juste avant, mais on fait pas mal de codéveloppement, c’est-à-dire qu’on va, avec des clients, mutualiser un financement d’un bout de fonctionnalité ou d’un bout de code ou d’un bout de traduction. Par exemple, on a des clients qui ont une branche allemande et on est en train d’essayer d’avancer sur une traduction en allemand. Pareil, on a des clients en Italie, qui utilisent aujourd’hui en français et en anglais, et on avance avec eux sur une traduction en italien. Quand elle sera finie, elle sera reversée au tronc commun et on aura donc quatre langues pour l’ensemble.

Frédéric Couchet : Justement, question pour vous deux : au-delà des traductions, quand vos structures clientes ont une demande, que vous leur faites une fonctionnalité particulière, si vous considérez qu’elle peut être générique, donc qu’elle peut intéresser d’autres personnes, est-ce que vous arrivez à les convaincre de la reverser dans la version commune, la version « officielle », entre guillemets ? Laurent puis Jean-Michel.

Laurent Destailleur : C’est un peu simple puisque je ne cherche pas à convaincre. Finalement, on attend que les gens viennent contribuer, puisque le business modèle, le modèle de développement de Dolibarr fait que ce n’est pas une société, c’est un produit qui est ouvert à tous. Vous voulez apporter votre contribution, OK, elle va être étudiée, éventuellement retoquée ou acceptée. C’est finalement une situation qui est plus simple pour nous.

Frédéric Couchet : Jean-Michel et après tu nous expliques aussi ce que fait Dolicloud aussi. Jean-Michel, même question.

Jean-Michel Armand : Quand on fait du paramétrage ou quand on fait des développements un peu spécifiques pour les clients, la plupart du temps, c’est très facile de les convaincre. En fait, ils se rendent vraiment compte que, souvent, ces fonctionnalités vont effectivement être très transverses. Le point qui pourrait les crisper c’est « si jamais on a un concurrent qui se met à utiliser Crème et qui va utiliser ce bout de code que nous avons financé, il va avoir un avantage concurrentiel, nous allons gommer l’avantage concurrentiel qu’on aurait eu si on l’avait gardé ». Sauf que, globalement, les fonctionnalités qui vont être intéressantes à monter dans le commun sont des choses qui sont transverses et qui ne donnent pas d’avantage concurrentiel.
Après, comme ils utilisent déjà Crème qui est un logiciel libre, c’est forcément parce qu’on les a déjà un peu convaincus dés intérêts du logiciel libre, mais c’est relativement assez facile, surtout que souvent, comme c’est du codéveloppement, ça veut dire qu’il y a un budget commun et, en plus, c’est moins cher pour eux. Donc, déjà, rien que ça a un effet. Mais c’est assez facile de faire en sorte que ça puisse remonter.

Laurent Destailleur : Je peux parler au nom des intégrateurs de Dolibarr qui proposent Dolibarr à leurs clients, je pense qu’eux non plus n’ont pas trop de difficultés, parce que ça fait partie de l’ADN de ces sociétés. À partir du moment où elles font le choix de proposer de l’open source à leurs clients c’est parce qu’ils en cherchent les avantages et, quand il y a une demande vraiment très spécifique, même qui donnerait un avantage concurrentiel, l’intérêt de la société n’est pas que d’avoir ce développement réalisé, c’est aussi de l’avoir sur le long terme. Et pour garantir ce long terme, ne pas avoir à payer une nouvelle facture à chaque fois qu’il y a une montée de version, son intérêt c’est aussi que ce code soit renversé dans la version officielle parce qu’alors c’est maintenu par la communauté et ça ne lui coûte plus rien, elle va bénéficier de quelque chose qui est compatible avec les nouvelles versions sans rien investir de plus.

Frédéric Couchet : Tout à l’heure, Laurent, tu as dit que tu es chef de projet Dolibarr, release manager.

Laurent Destailleur : Je préfère le terme release manager. Chef de projet c’était au début. Maintenant qu’il y a une grande communauté, qu’il y a plein de tâches à dispatcher, je n’ai plus vraiment cette fonction.

Frédéric Couchet : OK. Tu as parlé aussi de Dolicloud. Qu’est-ce que Dolicloud ?

Laurent Destailleur : Dolicloud, c’est une offre commerciale, pour le coup, qui est ma société. On propose du Dolibarr clé en main, packagé pour les petites et très petites entreprises qui cherchent une solution de gestion d’entreprise à très bas coût. Beaucoup d’entreprises cherchent des logiciels de gestion d’entreprise mais pour lesquelles le coût, ne serait-ce que l’abonnement mensuel, est encore élevé dans la mesure où elles sont autodidactes et tout ce dont elles ont besoin c’est d’une solution en ligne. Pour créer une facture, elles savent très bien qu’il faut aller dans le menu « Nouveau client » pour créer un client, « Nouvelle facture », elles n’ont pas besoin d’acheter de la formation. Celles qui en ont les compétences peuvent se permettre de shunter pas mal d’étapes et pas mal de centres de coûts. C’est donc à ces personnes-là qu’on s’adresse avec Dolicloud, c’est un peu une solution do it yourself. On vous met à disposition Dolibarr ; comme Dolibarr est une solution qu’on peut vraiment découvrir par soi-même, sans forcément prendre des formations lourdes, eh bien si ces personnes sont autodidactes, elles arrivent en général à rentrer dans le logiciel, à le customiser, le personnaliser comme elles veulent, pour avoir finalement un logiciel qui est très complet, aussi complet que les mastodontes, mais elles ont réussi à acquérir sa maîtrise très rapidement, d’elles-mêmes, sans investir d’argent. C’est l’idée de Dolicloud.

Frédéric Couchet : C’est hébergé sur les serveurs de ta société.

Laurent Destailleur : Non, c’est hébergé chez deux hébergeurs français, chez OVH et Scaleway pour ce qui est des serveurs.

Frédéric Couchet : C’est toi qui gères les serveurs.

Laurent Destailleur : Tout à fait. La gestion est assurée par nous, le support et l’assistance technique sont assurés par nous.

Frédéric Couchet : D’accord. Je suppose que Hybird fait aussi ça et, en plus, installe éventuellement chez les clients.

Jean-Michel Armand : Oui. On va dire qu’on a trois façons de faire.
Historiquement, on va installer Crème soit sur nos serveurs parce qu’on va gérer l’infogérance, etc., mais on va permettre de faire du paramétrage, de la formation, voire du gros paramétrage quand les gens ont des gros besoins spécifiques, soit installer sur les serveurs chez eux. Par exemple, quand je disais tout à l’heure qu’on bosse avec des ministères, bien entendu les données ne sont pas chez nous. Ce ne sont pas les seuls clients. On a ces deux façons-là qui sont totalement équivalentes pour nous. On a l’infra pour faire du déploiement facile, pour nous c’est exactement pareil.
Et on a ce qu’on a lancé en 2019, ce qui va ressembler un peu à Dolicloud, qui va s’appeler Crème Vanille, parce que la vanille c’est le parfum de base que tout le monde aime, sauf moi, qui est justement exactement comme Dolicloud, un Crème assez simplifié, préconfiguré, pour les gens qui ont « juste » besoin d’un CRM, juste entre guillemets, pour ceux qui ont besoin de quelque chose qui va être sur étagère, facile.

Frédéric Couchet : Tu as prononcé un mot et j’ai dit qu’on en reparlerait, on va donc le faire maintenant avant d’oublier, parce que le temps passe vite, Salesforce, un CRM privateur, une grosse entreprise. J’ai entendu dire qu’il y a un fort lobbying de Salesforce pour s’imposer et s’intégrer notamment dans les collectivités. Est-ce que tu le constates dans ta démarche commerciale ?

Jean-Michel Armand : Il faut dire, déjà, que Salesforce est censé être le numéro 1 mondial parce que c’est le plus gros, ils sont vieux, etc. Il a toujours été là, on l’a toujours eu plus ou moins sur des dossiers en face de nous, et globalement on va dire que ce sont quasiment toujours les plus chers, parce que ce sont eux, parce que ce sont les « meilleurs », entre guillemets. C’est l’effet « je suis un DSI, je veux un truc sûr et certain, qui marche, je vais prendre un SAP ou de l’AS/400 ; je veux un CRM, je vais prendre Salesforce. Si ça ne marche pas, j’ai pris la bonne décision parce que c’est l’outil que tout le monde utilise, donc, forcément, tout va bien ». Ils bénéficient à plein tube de ce truc-là, donc ils peuvent se permettre d’être les plus chers parce que ce n’est pas grave.
Comme je l’ai dit, on bosse aussi avec du public, de l’appel d’offres et tout, et effectivement on se rend compte qu’ils sont de plus en plus présents sur des dossiers en face de nous sur les appels d’offres. Quand on a les appels d’offres, on peut voir les notes, on peut donc on peut vérifier les choses et on se rend compte que, de manière assez régulière, leurs notes sur la partie financière augmentent, c’est-à-dire que leurs prix diminuent. Donc oui, ils sont là, j’ai l’impression plus qu’avant et il y a aussi un vrai effort tarifaire de leur part pour casser les prix et pour pouvoir passer. Donc oui, clairement, en tout cas de ma petite lorgnette, j’ai l’impression qu’ils sont bien plus en chasse, on va dire, sur du public qu’il y a deux ans.

Frédéric Couchet : Avec les mêmes méthodes que celles de Microsoft, c’est-à-dire en réduisant très fortement les prix et en créant une dépendance.

Laurent Destailleur : Et du lobbying aussi.

Jean-Michel Armand : Et beaucoup de lobbying. Pour le coup, ce n’était pas Salesforce, c’était un autre logiciel privateur, mais avec des méthodes ! Ça remonte à une dizaine d’années, il nous est arrivé d’avoir des prospects qui nous appellent « Monsieur Armand, le commercial de cette entreprise nous a appelés, nous a envoyés un dossier sur Crème pour nous expliquer que c’était dangereux, etc. », toujours avec ces méthodes qu’on aime bien, de logiciel privateur, à base d’envoyer de la peur.

Frédéric Couchet : Tu voulais réagir là-dessus, Laurent ?

Laurent Destailleur : Nous sommes moins confrontés à la concurrence de Salesforce parce que Dolibarr rentre souvent dans beaucoup d’entreprises plus pour la partie ERP et là la concurrence est beaucoup plus faible et la couverture fonctionnelle Dolibarr est beaucoup plus large, la partie CRM n’étant qu’une petite partie. De fait, nous sommes moins souvent en concurrence avec Salesforce.

Frédéric Couchet : On parlait juste à l’instant du lobbying de Salesforce, de Microsoft et autres. Tu as été très rapidement actif, avec d’autres personnes, sur les projets de loi qui peuvent avoir un impact négatif, notamment le récent projet de loi de finances, notamment sur les logiciels de caisse. C’est aussi un des « rôles », entre guillemets, de la structure associative et de ton rôle.

Laurent Destailleur : C’est un peu compliqué. On essaie de voir si ça peut rentrer dans le rôle de l’association, mais une association a des statuts et ça ne rentre pas forcément dans les statuts.

Frédéric Couchet : Ah OK ! D’accord.

Laurent Destailleur : Par contre, l’association peut aider à fédérer, à créer des institutions qui vont assurer ce rôle-là, à financer, apporter une contribution financière, une contribution en termes de communication pour œuvrer sur ces chantiers qui sont effectivement des sujets de fond sur tous les logiciels, pas forcément que open source, sur ces lois qui rajoutent de la complexité dans les logiciels, qui vont devenir inévitables parce que personne n’est au-dessus de la loi.

Frédéric Couchet : Avant la question finale, avant la question de synthèse, est-ce que vous avez des annonces, des actus ou autres ? Laurent.

Laurent Destailleur : Tu as posé la question de la finalité de Dolicloud, comme là on est sur une radio associative, une radio qui est beaucoup écoutée par le monde associatif, je voulais juste signaler que Dolicloud est une offre commerciale, mais on trouve l’équivalent pour les associations, qui s’appelle DoliAsso, sur lequel Dolicloud a décidé de capitaliser puisqu’on a tout mis en place pour les entreprises, avoir un Dolibarr clé en main, etc. Puisque le logiciel sait aussi gérer les associons, on l’a décliné en gratuit pour les associations. C’est limité aux très petites associations, celles qui vraiment ne peuvent pas sortir même un abonnement mensuel.
Juste signaler cette initiative qui s’appelle DoliAsso, doliasso.org, où on a un logiciel de gestion d’association avec toutes les fonctionnalités, y compris les gros logiciels, mais gratuitement pour les associations.

Frédéric Couchet : Côté Hybird ou Crème CRM, des annonces ?

Jean-Michel Armand : Il y en aurait peut-être eu une, mais c’est trop tôt, il faudra que je revienne. Juste que les versions majeures de Crème sortent normalement l’été, donc comme à chaque été, si on n’est pas trop en retard, en juillet ou août la nouvelle version sortira.

Frédéric Couchet : D’accord. Question d’un gourmand qui est en régie, Étienne : prochain salon où on trouve des crèmes glacées ?

Jean-Michel Armand : C’était la semaine dernière à Lyon, d’ailleurs l’April a encore eu droit à des crèmes glacées. Le prochain salon c’est en octobre, le Salon Solutions à Paris, et à l’OSXP parce qu’il ne peut pas y avoir un OSXP sans Hybird, donc OSXP en décembre.

Laurent Destailleur : Deux salons sur lesquels seront sûrement également Dolibarr.

Frédéric Couchet : Deux salons à Paris, on vous en reparlera à ce moment-là.
Question finale pour chacun : quels sont les éléments clés à retenir de cette émission, en moins de deux minutes. On va commencer par Laurent Destailleur.

Laurent Destailleur : Si vous avez besoin d’un logiciel pour gérer votre relation partenaires, clients ou autres, on a évoqué quelques CRM propriétaires, quelques CRM libres, mais on n’a pas trop insisté sur l’aspect pourquoi plutôt prendre un libre, donc j’insisterais sur ces avantages-là.
Un, il n’y a pas que le coût, le Libre est effectivement souvent beaucoup moins cher, mais surtout vos données, vos clients, quand on est entreprise c’est votre valeur, c’est quelque chose qui a vraiment énormément de valeur, il est donc important d’avoir la main sur ses données, de pouvoir, le jour où vous voulez en sortir, avoir les outils pour exporter ces données et les mettre ailleurs, parce que vous aurez peut-être besoin, un jour, de changer d’outil et quand ce jour arrivera, si vous avez fait le mauvais choix au départ, ce sera trop tard, vous ne pouvez pas toujours sortir des outils propriétaires. Avec un logiciel open source, vous avez cette garantie de pouvoir toujours en sortir.
Et deuxième élément très important : avec un logiciel libre vous allez pouvoir personnaliser, mais pas de la simple personnalisation au sens écran, menu, ce que apportent quasiment tous les logiciels, y compris privateurs, vous allez pouvoir personnaliser vraiment, faire développer des fonctionnalités qui sont vraiment très spécifiques à votre entreprise, pas juste à votre secteur d’activité, à votre entreprise, parce que vous avez la liberté totale sur le code, l’application, chose que vous ne pouvez pas faire, que vous ne pourrez jamais faire avec les logiciels privateurs et c’est vraiment l’élément différenciant.
Si vous êtes une entreprise, que vous voulez grossir, ne vous enfermez pas tout de suite, parce que vous serez coincée ensuite lorsque vous allez vouloir grossir et avoir vraiment un élément différenciant très fort.

Frédéric Couchet : Merci Laurent. Même question Jean-Michel.

Jean-Michel Armand : Dans les points à retenir, se souvenir que même si on est peu, un outil de CRM ça peut toujours être intéressant, parce qu’on a les mêmes besoins qu’on soit peu ou qu’on soit beaucoup.
C’est vrai qu’on a vraiment très peu parlé des raisons pour lesquelles c’est cool d’utiliser un CRM libre, Laurent en a dit une partie, une deuxième partie et c’est là où on va reboucler sur l’univers très concurrentiel : le CRM c’est effectivement ultra-concurrentiel, il y a donc beaucoup de rachats sur tout ce qui va être privateur et autre. Quand vous avez une boîte qui en rachète une autre et que les deux font du CRM, globalement celle qui rachète l’autre va éteindre une gamme, je pourrais citer plein de noms. Vous aviez un logiciel qui vous plaisait bien et on vous dit « dans trois mois il n’existe plus, débrouillez-vous » ou alors « faites-nous un gros chèque pour passer au nôtre. » C’est quelque chose que vous n’aurez pas sur du Libre parce que vous aurez le code. On va encore toucher du bois, imaginons que Hybird mette la clé sous la porte, parce qu’on décide tous de devenir boulangers et boulangères, les gens qui utilisent Crème pourront continuer à l’utiliser.
Le point c’est de se dire que ça peut être utile pour tout le monde.
Il y a effectivement beaucoup d’avantages du fait que c’est un logiciel vraiment vivant, comme le dit Laurent, on peut le modifier.
C’est un monde qui est très concurrentiel, le logiciel propriétaire peut vous dire « votre logiciel va mourir du jour au lendemain ».
J’avais un troisième point que je n’ai pas noté et que je n’arrête pas d’oublier depuis, ce n’est pas grave.

Frédéric Couchet : Merci Jean-Michel Armand, Hybird et la solution en logiciel libre Crème CRM, et Laurent Destailleur, Dolibarr, Dolicloud, DoliAsso. Toutes les références sont sur le site, sur la page consacrée à l’émission du jour, libreavous.org/248 ou dans les notes de l’épisode, si vous écoutez en podcast.
Merci à vous. Belle journée.

Laurent Destailleur : Salut.

Jean-Michel Armand : Salut.

Frédéric Couchet : On va faire une courte pause musicale

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Nous allons écouter Outrain par Lumpini. On se retrouve dans quelques instants. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Outrain par Lumpini.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

[Jingle]

Frédéric Couchet :Nous allons passer au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Chronique « À la rencontre du libre » de Julie Chaumard sur « Nextcloud : créer son espace cloud libre pour stocker et partager les fichiers » – interview de Luigi Mistrulli de Back2data

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre avec la chronique « À la rencontre du Libre » de Julie Chaumard. Pour sa chronique, Julie parcourt le monde à la recherche de personnes et d’organisations utilisatrices et contributrices de logiciels libres, pour recueillir leurs pratiques et leurs besoins. Julie est la fondatrice de l’agence Parisweb.art dédiée à la culture et aux arts. Aujourd’hui nous avons un invité, Luigi Mistrulli, pour parler notamment de Nexcloud. Je vous laisse la parole Julie et Luigi.

Julie Chaumard : Je suis aujourd’hui avec Luigi Mistrulli et, cette fois-ci, nous allons parler de Nextcloud. Je dis « cette fois-ci », car Luigi nous avait parlé de la géniale messagerie Galae dans l’émission Libre à vous ! numéro 228. Luigi est le fondateur de l’entreprise Back2data.
Bonjour Luigi.

Luigi Mistrulli : Bonjour Julie.

Julie Chaumard : Je disais qu’aujourd’hui tu vas nous parler de Nextcloud, que tu aides les entreprises à installer et à utiliser Nextcloud grâce à ta société Back2data. Est-ce que tu peux nous dire ce qu’est Nextcloud ?

Luigi Mistrulli : Nextcloud est une solution libre, open source, collaborative. Elle dispose d’un panel d’une centaine d’applications, qu’on peut auto-héberger, qu’on peut faire héberger sur des hébergeurs éthiques et c’est entièrement personnalisable. C’est une alternative aux solutions comme Google Workspace ou Office 365.
Elle permet, bien sûr, de partager des documents, mais c’est bien plus que cela. Elle dispose d’applications pour gérer les agendas au format CalDAV, les carnets d’adresses au format CardDav ; elle permet de créer et de modifier des documents comme le traitement texte, tableur, basés sur Collabora, en tout cas pour ma part, et aussi sur OnlyOffice ; de la prise de notes, de la visio, de créer des formulaires, de gérer des mots de passe, des tâches. Récemment XWiki a intégré le panel d’applications. Il y a également une gestion de rendez-vous, il y a également un client de mail et, pour mon service, j’ai inclus dans mon offre la solution du service e-mail de Galae de la société Algoo, pour avoir un hébergeur qui soit libre également.

Julie Chaumard : Avec Nextcloud, on peut donc travailler en équipe ?

Luigi Mistrulli : Tout à fait, c’est fait pour travailler en équipe et avoir un partage de pages, de documents et, plus que de documents, un partage au niveau applicatifs. Tout est vu comme étant un objet au niveau applications, on peut donc partager des tâches, des agendas, des documents, tout est facile à partager.

Julie Chaumard : On peut donc stocker tout type de fichiers.

Luigi Mistrulli : Tout à fait. Oui.

Julie Chaumard : Tu nous as dit que tu peux l’installer soit sur les serveurs du client soit sur le serveur cloud du client. C’est toi qui l’installes ?

Luigi Mistrulli : Oui. En fait, le but c’est d’avoir une solution qui soit celle qui convient le mieux par rapport aux besoins et le but c’est de reprendre le contrôle sur ses données. Si on est une société, on peut l’auto-héberger, la société peut le faire elle-même grâce aux documentations de l’éditeur et à la communauté qui est très active ; ça peut être fait avec l’aide de sociétés comme la mienne qui font de la prestation avec ce service. Il y a également des hébergeurs éthiques comme Framasoft, qui a son offre Framadrive, mais qui est arrivée au nombre maximum de comptes donc l’offre a été stoppée, donc elle relaie ça sur le collectif CHATONS, comme hoster pour avoir ce genre de service.
Pour ma part, je fais un peu plus que de l’hébergement, je fais surtout de l’accompagnement, je sélectionne les applications, comme je vous ai dit il y en a une centaine et on peut à peu près tout faire, préparer la migration, migrer les données, créer les workflows et proposer des formations, je suis certifié Qualiopi, et assurer la maintenance.

Julie Chaumard : Comme on disait, Nextcloud c’est excellent pour la souveraineté des données, le contrôle des données, parce que Nextcloud est un logiciel, j’ai envie de dire une plateforme, libre et open source, qui est sous licence AGPL v3 [GNU Affero General Public License]. C’est aussi une plateforme qui est européenne.

Luigi Mistrulli : Oui tout à fait. À la base c’est une société allemande et il y a de plus en plus de développeurs et de personnes qui contribuent au niveau salarié qui sont partout en Europe, même en France, partout en France. Il y a aussi une communauté d’acteurs dans le Libre qui contribuent au développement d’applications qu’ils reversent à la solution, ou, sinon, tout simplement de traduction.

Julie Chaumard : Nextcloud est sortie en 2016. Nextcloud est utile pour toute taille d’entreprise, qu’on soit très petit, tout seul, ou des grosses entreprises.

Luigi Mistrulli : Oui, tout à fait. Autant vous avez des solutions qui sont faites pour les associations qui sont très petites avec, comme je disais, Framadrive ou avec le collectif CHATONS [Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires] qui permet d’avoir des petites solutions avec peu de stockage, plutôt pour faire le travail que l’on a à faire, mais pas avec un besoin de grosse puissance pour travailler en collectif, surtout des petites associations. Il peut y avoir aussi des solutions faites par l’éditeur, par Nextcloud, et là on a des très grosses structures comme des ministères au niveau européen, des universités ou des hôpitaux où on a des millions d’utilisateurs. C’est facilement scalable et on a de quelques utilisateurs, de un utilisateur jusqu’à des millions.

Julie Chaumard : Les personnes qui ont envie de migrer depuis des plateformes propriétaires, par exemple Microsoft Office, mais qui ne savent pas quoi choisir ni comment faire, elles peuvent, par exemple, faire appel à toi, à Back2data, ou à une autre personne qui travaille avec Nextcloud, avec l’outil Nextcloud, pour les aider.

Luigi Mistrulli : Oui tout à fait. Je dirais que le but c’est de simplifier cette migration. Lorsque l’on sait que le fait que la migration soit un peu compliquée, technique, c’est un frein, c’est une façon de retenir. Là il y a un certain nombre d’applications qui permettent de faire facilement cette transition, on peut facilement connecter un compte Gmail, un compte Onedrive, Ddropbox ou autre, pour directement synchroniser les données, qu’elles soient directement importées sans effort particulier, on va dire.

Julie Chaumard : Dans ton travail, avec l’actualité que nous avons en ce moment, est-ce que tu sens une tension de demandes pour passer sur Nextcloud ou des questions sur Nextcloud ? Est-ce que tu sens quelque chose ?

Luigi Mistrulli : Oui tout à fait. Surtout depuis le début de l’année, je dirais que j’ai de plus en plus de demandes pour justement vérifier que Nextcloud répond à tous les besoins que les sociétés avaient sur les offres que ce soit de Google ou surtout de Microsoft. Les questions c’est : est-ce qu’on perd des fonctionnalités, est-ce que c’est compliqué ? J’ai beaucoup de demandes, j’en ai de plus en plus et je fais très souvent des sessions de démo, surtout en local sur la région de Grenoble, pour montrer un peu comment ça marche et pour rassurer.

Julie Chaumard : Est-ce qu’il y a beaucoup d’intégrateurs Nextcloud ? Tu es sur Grenoble, j’imagine que tu peux faire toute la France et même toute l’Europe, mais tout le monde ne peut pas venir vers toi. Est-ce que ça peut quand même se trouver assez facilement si on en a envie ?

Luigi Mistrulli : Oui. Vous en avez un peu partout. Je dirais que sur Grenoble nous sommes plusieurs et sur la région Rhône-Alpes, il y a l’association dont je fais partie, Ploss-RA [Professionnels du Libre et Open-Source Software en Rhône-Alpes Auvergne], une association sur le logiciel libre, un certain nombre d’intégrateurs en font partie et proposent justement ces services et il y a des associations et des intégrateurs, comme moi, partout en France. On peut facilement les trouver, il suffit déjà de trouver des relais de la communauté du logiciel libre pour trouver des intégrateurs et des hébergeurs éthiques.

Julie Chaumard : Une petite question. Avec Nextcloud, il me semble que tu as parlé d’une suite bureautique, c’est ça ? On peut avoir une suite bureautique, partager les fichiers que l’on crée grâce à cette suite bureautique. On peut faire ça ?

Luigi Mistrulli : Oui, tout à fait. On a une suite bureautique. On a le choix soit avec Collabora ou OnlyOffice. C’est quelque chose qui est très semblable à ce qu’on peut trouver justement avec Open Office pour créer des documents basés, on va dire, sur un format OpenDocument.

Julie Chaumard : Par exemple des tableurs.

Luigi Mistrulli : Oui. Pour que ce soit parlant, c’est comme Word, Excel, Powerpoint de chez Microsoft et on peut faire des documents soit au format OpenDocument, soit au format Microsoft. On peut choisir le format d’export pour que ce soit d’une plus grande compatibilité.

Julie Chaumard : On peut aussi gérer son agenda.

Luigi Mistrulli : Tout à fait et ce qui est intéressant, c’est que les formats sont standard CalDAV et CardDav. Si on a le bon fournisseur de mail, on peut facilement synchroniser son agenda et son carnet d’adresses. Je suppose que ça peut être un peu compliqué avec Outlook qui n’a pas forcément cette solution intégrée.

Julie Chaumard : Par exemple avec la messagerie Galae, comme tu as dit.

Luigi Mistrulli : Oui, tout à fait avec Galae qui est basée sur des briques libres, en logiciel libre, que je teste depuis déjà une année, que j’ai intégrée pour mes clients pour qu’ils puissent avoir justement leurs mails, un agenda et des carnets d’adresses qui soient synchronisés facilement. Ça marche très bien.

Julie Chaumard : J’ai vu aussi qu’avec Nextcloud on pouvait faire des appels vidéo. Je ne sais pas si tu installes ça, tu configures ça.

Luigi Mistrulli : Tout à fait. Sur la partie Nextcloud, on a deux manières de faire des appels vidéo. On a soit, on va dire, l’application qui est intégrée qui s’appelle Talk, qui permet de faire de la visio, du partage d’écran et de la messagerie instantanée, mais on peut également connecter une solution comme un BigBlueButton pour faire plutôt des salons de visio.

Julie Chaumard : Je te remercie Luigi, les dix minutes arrivent à leur terme. Merci pour cette explication de Nextcloud que l’on peut aussi installer chez soi sur un petit Raspberry Pi juste pour tester.
Merci Luigi.

Luigi Mistrulli : Tout à fait. Merci.

Frédéric Couchet : Merci Julie. Merci Luigi. C’était la chronique « À la rencontre du Libre ».

Nous allons terminer par quelques annonces.

[Virgule musicale]

Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre

Frédéric Couchet : Les liens utiles concernant les annonces de fin sont sur la page consacrée à l’émission du jour, libreavous.org/248 ou dans les notes de l’épisode si vous écoutez en podcast, donc pas besoin de noter d’autres adresses.

Nous vous proposons un nouveau questionnaire, « Votre avis sur Libre à vous ! » avec notamment de nouvelles questions sur la base de musique libres, sur les chroniques. Vos réponses à ces questions sont très précieuses pour nous, elles nous permettront d’évaluer l’impact de notre émission et de mieux vous connaître. De votre côté, ce questionnaire est une occasion de nous faire des retours. Vous pouvez répondre à ce questionnaire en quelques minutes, cinq minutes suffisent largement.

L’émission Libre à vous ! est diffusée en direct sur Cause Commune chaque mardi de 15 heures 30 à 17 heures. Elle est également rediffusée sur Radios Libres en Périgord et Radio Cigaloun. Des radios locales peuvent être intéressées à diffuser nos émissions, donc si vous écoutez des radios locales, n’importe où, quelles qu’elles soient, là où vous êtes, n’hésitez pas à les contacter pour demander si la radio serait intéressée pour rediffuser Libre à vous !.

Cela pourrait intéresser vous-même vos potes, collègues, etc., le DéMAILnagement. C’est un collectif qui vient de se créer pour encourager à quitter Gmail et autres fournisseurs de services mail privateurs et accompagner surtout la migration, avec une soirée de lancement à Paris, mercredi 21 mai de 18 heures à 22 heures à Césure. Il y a également un site web qui va permettre de vous aider à changer de fournisseur de mail.

L’April va être présente à pas mal d’événements ces jours qui viennent, notamment

  • à Toulouse, au Faire Festival, du 22 au 24 mai
  • à Lyon, les 24 et 25 mai, donc ce week-end, aux Journées du Logiciel Libre
  • nous serons également dans notre local vendredi 30 mai, à Paris, pour une rencontre April
  • et je vous rappelle que la soirée la radio Cause Commune organise chaque premier vendredi du mois une soirée radio ouverte, la prochaine c’est vendredi 6 juin 2025 à partir de 19 heures 30, il y aura au moins Julie et moi, Julie me confirme. N’hésitez pas à passer nous rencontrer.

Notre émission se termine.

Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission : Gee, Jean-Michel Armand, Laurent Destailleur, Julie Chaumard, Luigi Mistrulli.
Aux manettes de la régie aujourd’hui, Étienne Gonnu.
Merci également aux personnes qui s’occupent de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang 1, Julien Osman, bénévoles à l’April, et Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio.
Merci aussi aux personnes qui découpent les podcasts complets en podcasts individuels par sujet : Quentin Gibeaux, Théocrite et Tunui.

Vous retrouverez sur notre site web, libreavous.org/248, toutes les références utiles de l’émission du jour, ainsi que sur le site de la radio, causecommune.fm, et également dans les notes de l’épisode si vous nous écoutez en podcast.

N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu mais aussi des points d’amélioration. Vous pouvez également nous poser toute question et nous y répondrons directement ou lors d’une prochaine émission.

Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission du jour.
Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et également à faire connaître la radio Cause Commune, la voix des possibles.

Il n’y aura pas d’émission inédite mardi 27 mai, la semaine prochaine. La prochaine émission aura lieu en direct mardi 3 juin à 15 heures 30, une émission que j’attends avec impatience, car notre sujet principal sera un Parcours libriste avec ma collègue Isabella Vanni, l’occasion de découvrir son parcours, ses activités, ses engagements.

Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 3 juin et d’ici là, portez-vous bien.

Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.