Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Isabella Vanni : Bonjour à toutes. Bonjour à tous dans Libre à vous !. C’est le moment que vous avez choisi pour vous offrir une heure trente d’informations et d’échanges sur les libertés informatiques et également de la musique libre.
Nous vous donnons rendez-vous, dans Libre à vous ! ce mardi, au Café libre, pour débattre autour de l’actualité du logiciel libre et des libertés informatiques, ce sera le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme la chronique « Ma Dada » de Xavier Berne sur les fiches de paie d’Emmanuel Macron et « Dites adieu aux kilos en trop ! », le thème de la chronique « Les humeurs de Gee » d’aujourd’hui.
Soyez les bienvenu·es pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Isabella Vanni, de l’April, coordinatrice vie associative et responsable projets à l’April.
Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter.
N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.
Nous sommes mardi 18 juin 2024, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
À la réalisation de l’émission aujourd’hui, Élise. Bonjour Élise.
Élise : Bonjour tout le monde.
Isabella Vanni : Nous vous souhaitons une excellente écoute.
[Jingle]
Chronique « Ma Dada » de Xavier Berne au sujet des fiches de paie d’Emmanuel Macron
Isabella Vanni : Pour commencer, aujourd’hui nous allons retrouver Xavier Berne, délégué général de la plateforme associative Ma Dada, pour sa chronique sur le droit d’accès aux documents administratifs.
Bonjour Xavier, de quoi vas-tu nous parler aujourd’hui ?
Xavier Berne : Bonjour.
Aujourd’hui, je vais vous parler du bulletin de paie du plus haut personnage de l’État, Emmanuel Macron, puisque, grâce au fameux droit d’accès aux documents administratifs, ce bulletin de paie est désormais librement accessible à tout un chacun sur notre plateforme associative Ma Dada. Déjà, je ne fais pas languir plus longtemps ceux qui se demandent surtout combien gagne le chef de l’État : son salaire net, avant impôt, était de 14 586,32 € pour le mois de janvier dernier.
Isabella Vanni : Comment fait-on pour obtenir ce bulletin de salaire ?
Xavier Berne : C’est finalement extrêmement simple. J’ai envoyé un simple mail à l’Élysée, par l’intermédiaire de Ma Dada, vraiment de quelques lignes : « Bonjour, Au titre du droit d’accès aux documents administratifs, je sollicite la communication du bulletin de salaire du président de la République pour le mois de janvier 2024. » Vraiment quelques lignes, deux minutes et, deux mois plus tard, j’ai reçu par recommandé le fameux bulletin de paie d’Emmanuel Macron, que j’ai voulu partager sur Ma Dada pour qu’il soit accessible à tout un chacun.
C’est vraiment un exemple type de ce que permet le droit à la transparence en France. C’est vrai que c’est un petit peu jargonneux, normalement, il faut parler de droit d’accès aux documents administratifs et c’est exactement ça ici : ce droit porte sur des documents et non pas sur des informations directement. Autrement dit, si j’avais demandé à l’Élysée combien gagne Emmanuel Macron, ils n’avaient aucune obligation de me répondre. Si l’objectif était de savoir combien il gagnait, il a fallu que je contourne un petit peu cela, il a fallu demander un document, en l’occurrence le bulletin de salaire pour obtenir l’information.
Cet exemple est très illustratif de ce que permet le droit d’accès. Ce document est finalement un premier pas. Quand on a ce bulletin de salaire entre les mains, on peut voir, effectivement, le salaire total, mais on voit aussi des détails, par exemple l’indemnité de fonction du président ou même son indemnité de résidence, mais, surtout, on voit le montant du traitement de base. C’est là que c’est intéressant, parce que le décret qui encadre la rémunération du chef de l’État précise bien que cette rémunération est plafonnée, elle ne peut pas dépasser un certain montant qui est calculé, grosso modo, à partir d’une moyenne des rémunérations des plus hauts fonctionnaires.
Qu’est-ce que signifie tout cela ? À partir de ce document, on imagine qu’il y a très probablement d’autres documents administratifs derrière. Par exemple, j’imagine un tableur qui a permis de calculer cette fameuse moyenne des salaires de hauts fonctionnaires. Et là, on a un tout autre enjeu qui serait de faire une nouvelle demande de document sur ce fameux tableur, pour s’assurer que la rémunération du président est bien conforme aux textes, puisque, en l’état, on peut encore avoir en doute.
Isabella Vanni : Xavier, il est donc possible d’obtenir le bulletin de salaire de n’importe quel fonctionnaire ?
Xavier Berne : À priori, oui, parce que tout document produit ou reçu dans le cadre d’une mission de service public, même éventuellement par une entreprise, est un document administratif. Et la CADA, la fameuse Commission d’accès aux documents administratifs, s’est plusieurs fois prononcée sur ce sujet et a confirmé que les bulletins de paie des agents publics étaient à priori communicables, au même titre que de nombreux autres documents qui retracent l’utilisation de l’argent public.
Certains vont peut-être voir un côté un peu voyeuriste à ce genre d’utilisation du droit d’accès. Il faut surtout voir les finalités qui sont, à priori, les plus pertinentes, par exemple vérifier que les rémunérations des ministres, par exemple, sont bien conformes aux textes. On pourrait aussi imaginer si, demain, on demandait en masse, à l’échelle de la France, les bulletins de paie de tous et de toutes les secrétaires de mairie pour vérifier s’il n’y a pas des écarts de rémunération selon qu’on est un secrétaire homme ou femme ; s’il n’y a pas des écarts de rémunération dans une zone rurale plutôt que dans une zone urbaine, etc.
Quelque chose d’important, je n’ai pas encore insisté dessus : au nom de la protection de certains secrets légaux, notamment le secret de la vie privée, l’administration peut et même doit occulter certaines informations qui concernent les agents concernés. Par exemple, vous ne pourrez pas savoir l’adresse de la personne, sa date de naissance. L’administration doit également enlever tous les éléments qui permettraient de révéler l’appréciation portée sur l’agent, par exemple des primes de rendement.
Je vous dis tout cela parce que l’objet de cette chronique, c’est aussi d’aider les gens à faire des demandes d’accès. Si vous avez envie ou besoin obtenir des bulletins de paie d’agents publics, je vous invite donc à faire une demande ciblée sur un poste plutôt qu’une personne en particulier, par exemple, demander le bulletin de paie du ministre de l’Économie ou du directeur général des services de telle collectivité, plutôt que de demander nommément pour une personne précise.
Très concrètement, je l’ai un peu expliqué en début de chronique, c’est vraiment simple. Il suffit d’envoyer une demande écrite précisant qu’au titre du droit d’accès aux documents administratifs, vous souhaitez obtenir la communication de tel bulletin de salaire et c’est important de préciser la période, par exemple dire que vous voulez un mois en particulier, par exemple janvier 2024.
Enfin, pour vous simplifier la vie et pour que d’autres internautes profitent également des bulletins que vous pourriez obtenir, je vous invite, bien entendu, à utiliser notre plateforme associative Ma Dada sur madada.fr.
Isabella Vanni : Plateforme associative, qui propose d’ailleurs, il faut le rappeler, des tutoriels et des modèles de demandes pour faciliter vos démarches. Peut-être faut-il s’armer d’un peu de patience. Cela t’a deux minutes pour faire la demande, deux mois pour recevoir le bulletin, mais c’est arrivé.
Merci Xavier. Je ne sais pas s’il y aura une autre chronique sur l’accès aux documents administratifs en cette saison. Nous avons prévu uniquement deux épisodes en juillet et nous n’avons pas encore planifié les chroniques. Je te souhaite donc une belle journée, mais aussi un bel été au cas où.
Xavier Berne : Merci. À vous aussi.
Isabella Vanni : nous allons maintenant faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Isabella Vanni : Après la pause musicale, il y aura notre sujet principal, Au café libre, pour débattre sur l’actualité du logiciel libre.
Pour l’instant, nous allons écouter C.R.È.M.E par Alaclair Ensemble. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : C.R.È.M.E par Alaclair Ensemble.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Isabella Vanni : Nous venons d’écouter C.R.È.M.E par Alaclair Ensemble, disponible sous licence Libre Creative Commons CC By SA 3.0. C’est mon collègue Étienne qui m’a suggéré ce chouette morceau, merci à lui.
[Jingle]
Isabella Vanni : Passons maintenant au sujet suivant.
[Virgule musicale]
Au café libre, actualités chaudes, ton relax - Débat autour de l’actualité du logiciel libre et des libertés informatiques
Isabella Vanni : Nous allons poursuivre par notre sujet principal. C’est un sujet taillé pour le direct, donc, si vous écoutez, n’hésitez pas à participer à notre conversation sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat », salon #libreavous. Vous pouvez aussi appeler au 09 72 51 55 46.
Nous vous souhaitons la bienvenue Au café libre où on vient papoter sur l’actualité du logiciel libre dans un moment convivial, un temps de débats avec notre équipe de libristes de choc, issus d’une rigoureuse sélection pour discuter avec elles et eux et débattre des sujets d’actualités autour du Libre et des libertés informatiques.
Aujourd’hui avec moi, autour de la table, Florence Chabanois cofondatrice de La Place des Grenouilles, membre core des Tech.Rocks et de Duchess France ; Isabelle Carrère, d’Antanak, association proche et amie aussi, car son siège est juste à côté du studio de la radio ; et Pierre Beyssac, informaticien libriste de longue date, fondateur d’eriomem.net, un service de stockage de fichiers.
Bonjour à vous trois et merci de vous être joints à moi pour ce temps d’échanges.
Isabelle Carrère : Bonjour.
Florence Chabanois : Bonjour.
Pierre Beyssac : Bonjour tout le monde.
La Suite Numérique : lancement du collaboratif souverain et agile de l’État
Isabella Vanni : On commence par cette actu : la DINUM, la Direction interministérielle du numérique, a conçu et déployé la suite numérique visant à fédérer tous les agents de professionnels de la sphère publique autour de services disponibles à la carte et interconnectés, pour une gestion fluide et efficace du travail collaboratif. C’est l’annonce faite tout récemment, fin mai. Qui veut prendre la parole sur ce premier sujet qui est plutôt une bonne nouvelle pour le Libre ? Florence, peut-être, qui avait suggéré le sujet.
Florence Chabanois : Non ce n’était pas moi !
Du coup, le principe c’est bien. En tout cas, c’est pratique de faire en sorte que toutes les agentes et agents puissent communiquer ensemble. Après, je me demande si on a vraiment accès à tout le monde, parce que, du coup, ça fait un peu bizarre si c’est trop large, je ne sais pas. En tout cas, ça inclut Tchap, la messagerie open source et Grist qui est un tableur. Personnellement, je ne les utilise pas, mais vu que c’est open source, visiblement on pourrait tester pour voir ce que ça donne. En tout cas, je salue que ce sont des solutions open source qui sont développées, du coup, ça va peut-être aussi familiariser la fonction publique à tout ça.
Isabelle Carrère : Je n’ai pas regardé le détail de cette annonce. Est-ce que c’est en plus, à côté, en même temps ?, que ce qu’on avait déjà évoqué, c’est-à-dire la suite LibreOffice, etc. ?
Florence Chabanois : Pour moi, c’est à part.
Isabelle Carrère : C’est à part, ça n’a rien à voir.
Pierre Beyssac : C’est en plus, de ce que j’ai compris. La DINUM a pas mal d’activités de soutien numérique aux services de l’État, ils utilisent majoritairement des logiciels libres à chaque fois qu’ils peuvent, souvent en fait ; en général, ils font un bon boulot ; à suivre. Concernant Tchap, c’est une application réservée aux agents de l’État [1].
Isabella Vanni : C’est dédié !
Pierre Beyssac : Il faut avoir une adresse, il faut montrer patte blanche en tant qu’agent de l’État, fonctionnaire, etc., à priori en activité.
Isabelle Carrère : Après quand tu t’en vas ?
Pierre Beyssac : Je ne sais pas comment ça marche, j’ai discuté avec eux lors des JdLL, les Journées du Logiciel Libre qui ont eu lieu les 25 et 26 mai à Lyon, un rendez-vous libriste incontournable. Ils ont des petits groupes de discussion dans Tchap, une sorte d’annuaire en fait des services qui permet de se connecter, d’avoir plus facilement des contacts avec d’autres administrations.
Isabelle Carrère : C’est une boucle par thématique, géographique ou par services ?
Pierre Beyssac : Ça peut être des boucles, ça peut être aussi un annuaire où tu peux retrouver quelqu’un qui travaille à l’autre bout de la France. Il y a un peu tout en fait, de ce que j’ai compris, n’ayant pas essayé, je ne peux pas trop en savoir plus.
Isabelle Carrère : Vous n’avez pas trouvé un libriste, quelque part à l’April, qui vous donne des infos là-dessus !
Pierre Beyssac : Il y a sûrement des libristes qui y ont accès, quand même !
Isabelle Carrère : Chers auditeurices, si quelqu’un, là, est fonctionnaire et a accès, qu’il nous donne des informations sur ce sujet, comment ça se passe, comment c’est. Je pense qu’il y a moyen de savoir.
Florence Chabanois : Comme c’était open source, je me disais qu’il y avait quand même moyen d’avoir une instance à déployer.
Pierre Beyssac : Tu peux. Je ne sais pas quel est le statut de Tchap, c’est un dérivé open source.
Isabelle Carrère : Peut-être un fork de quelque chose.
Pierre Beyssac : Dans la plupart des cas, tu peux effectivement créer tes propres instances avec ton groupe.
Florence Chabanois : Dans ma sphère privée. Il y a Mattermost et Signal.
Isabella Vanni : On peut peut-être rappeler ce que sont Mattermost et Signal pour les personnes qui ne connaîtraient pas. Vous les avez cités, donc, je suis obligée de demander.
Florence Chabanois : Mattermost c’est un outil open source, il me semble. C’est un espace de chat, une plateforme, une messagerie instantanée.
Isabelle Carrère : Tous ces termes ! Pardon, je fais une petite parenthèse, je trouve compliqué qu’on habitue les personnes à parler des choses par un nom qu’on a inventé et non pas par la chose. À Antanak, je vois, les gens disent « excel », en fait ils veulent dire « tableur ».
Pierre Beyssac : C’est l’exemple typique.
Isabelle Carrère : On leur a mis « excel » dans la tête, depuis je ne sais pas combien de temps, du coup ils sont incapables de dire « tableur ». Ce n’est pas qu’ils ne veulent pas se mettre maintenant à utiliser un tableur libre et qu’ils n’acceptent pas Calc, quand on leur met dans les pattes, ils sont très contents, ce n’est pas la question. Là, je trouve que c’est la même chose : tu dis que messagerie instantanée te fait penser aux mails ? En fait, messagerie ça veut dire qu’on se parle. Trouvons d’autres mots génériques !
Isabella Vanni : Des salons où on peut aller discuter avec les membres d’une même équipe ?
Isabelle Carrère : Salon, ça a été avec les trucs avec la vidéo, ça a été utilisé pour ça surtout, c’est une adresse que tu donnes, avec Jitsi par exemple, où tu vas te connecter et là tu vois les gens et tu leur parles.
Pierre Beyssac : Mattermost, de ce que j’ai cru voir, parce qu’on l’utilise aussi dans les partis politiques, il y a effectivement des salons, des sortes de groupes de discussion, des forums thématiques, et puis il y a la partie messagerie directe, privée.
Isabella Vanni : Signal est une autre messagerie instantanée, mais je crois que c’est libre seulement en partie.
Isabelle Carrère : Pour moi, je peux me tromper, ce n’est pas complètement libre, c’est libre en partie. Et surtout, le gros truc, c’est que Signal oblige tous les utilisateurices à avoir un smartphone pour l’installer, c’est-à-dire que si tu veux installer la version sur un ordinateur, ce que j’ai tenté de faire moult fois, tu ne peux pas si tu n’as pas de smartphone ! Donc, pour moi, ce n’est pas libre. Pour moi ! Il y a la question du Libre tel que l’April en parle, mais il y a aussi la question des libertés que j’ai envie de garder. Et, si je ne veux pas avoir un smartphone, pourquoi pour utiliser tel système, tel appareil, telle plateforme, tel machin, devrais-je en avoir un ?
Isabella Vanni : Je voulais rebondir sur la remarque que tu as faite à propos du fait que c’est bien de rappeler la fonction que le logiciel permet, c’est très intéressant et ça me rappelle un débat par rapport au CV, quand les gens mettent sur leur CV, par exemple, qu’ils savent utiliser Excel. En fait, si tu sais utiliser Excel, tu sais utiliser un tableur, ça te prendra peut-être un peu de temps d’acclimatation, mais, au bout de quelques jours, tu sauras utiliser n’importe quel tableur, donc aussi les tableurs en logiciel libre. C’est une très bonne remarque, en fait, souligner la fonction que permet un logiciel plutôt qu’un autre.
Est-ce que vous voulez, vous souhaitez dire autre chose sur ce sujet de la suite numérique ?
Isabelle Carrère : Du coup, cette suite numérique va être installée partout, pour la totalité des fonctionnaires, sur l’ensemble du territoire, y compris outre-mer, etc. ?
Isabella Vanni : D’après l’annonce, toutes et tous les agents publics seront équipés de la suite numérique.
Isabelle Carrère : Mais « seront », ce n’est pas clair : c’est quand ? C’est maintenant ? Tout le monde en même temps ? C’est plus tard ? Il y a des étapes ? Ce n’est pas décrit quelque part.
Isabella Vanni : On va accompagner, on va vérifier si vraiment les personnes l’utilisent. Bien évidemment, c’est quelque chose à suivre. Pour l’instant, c’est juste lancé, après il faudra voir si ça marche, si ça fonctionne.
Isabelle Carrère : On ne sait pas comment ça va commencer.
Pierre Beyssac : Souvent, ce sont des plateformes en ligne d’utilisation facultative, donc ça prend ou ça ne prend pas. C’est un usage qu’on permet.
Isabelle Carrère : C’est facultatif. Ce n’est pas dorénavant et désormais la communication passera de manière privilégiée par tel endroit.
Florence Chabanois : J’avais l’impression qu’il y avait une incitation. Pour moi, il y a déjà eu le message du Gouvernement qui disait « on veut inciter à avoir une messagerie unique », fatalement, si on n’a pas tout le monde dessus, on ne peut pas vraiment parler avec tout le monde, ça ne marche pas, sur la fonctionnalité. Par contre, la grande différence avec ce lancement de suite numérique, c’est la partie SSO. Du coup, c’est une connexion centralisée et le côté annuaire est aussi centralisé, qui fait que, là, on passe un peu au-delà des frontières des départements de chaque filiale du gouvernement, bref !, on peut atteindre n’importe quelle agente ou agent. Je pense que c’est ça le vrai enjeu.
Isabelle Carrère : Tu as raison de le souligner, la chose intéressante c’est à la fois tous les services, mais aussi tous les grades, c’est-à-dire qu’on pouvait aller interpeller quelqu’un là-haut, même si on était un agent territorial dans un coin, quelque part. Si c’est vrai, ma foi !
Pierre Beyssac : Peut-être expliquer ce qu’est le SSO dans l’affaire.
Florence Chabanois : Single Sign-On. Après, j’ai essayé de me rattraper en disant la connexion centralisée.
Pierre Beyssac : Tu crées ton compte et, depuis ton compte, tu peux te connecter sur tous les morceaux : toutes les applications sont reliées au même compte et tu n’as pas besoin de créer un compte par application, c’est donc beaucoup plus simple à utiliser.
Isabelle Carrère : Ça se trouve dans les entreprises, n’est-ce pas ? Ce n’est pas chez les particuliers.
Pierre Beyssac : En fait, il y en a partout.
Isabelle Carrère : Par exemple, toi avec toi-même, chez toi, tu n’as pas un SSO.
Pierre Beyssac : Si, pratiquement je pourrais, je n’en ai pas, en pratique. C’est plutôt entreprises et administrations, etc., c’est plutôt dans un cadre professionnel.
Isabelle Carrère : C’est ça, dans un cadre professionnel. Est-ce que l’histoire de FranceConnect que, peut-être, les auditeurs et auditrices connaissent, c’est la même chose, c’est un SSO ?
Pierre Beyssac : C’est similaire.
Isabella Vanni : C’est un bon exemple, ça devrait parler aux gens, aux auditeurs et auditrices. Bravo pour avoir trouvé un bon comparatif.
Microsoft 365 Éducation attaqué par deux plaintes de NOYB
Isabella Vanni : Passons au sujet suivant : Microsoft 365 Éducation a été attaqué par deux plantes, deux plaintes, pardon ! Quand on a une animatrice qui a vécu longtemps en Italie avant de venir en France, on peut tomber sur ce genre de bourde. Donc, Microsoft 365 Éducation a été attaqué par deux plaintes de l’association autrichienne NOYB. En gros, cette association est un peu l’équivalent de La Quadrature du Net en Autriche, sachant que La Quadrature du Net est une association nationale qui s’intéresse notamment à la vie privée sur Internet. Qui se lance ? Pierre est chaud pour se lancer.
Pierre Beyssac : Je peux en dire un mot. NOYB vient de None Of Your Business qui veut dire « ma vie privée ce n’est pas vos oignons ». Le fondateur est très connu, il s’appelle Max Schrems, il a défoncé un certain nombre de législations européennes, les accords entre l’Union européenne et les USA qui permettaient de contourner un peu le RGPD pour envoyer de données personnelles aux GAFAM, le Règlement général sur la protection des données, qui lui-même est dérivé de la loi française Informatique et Libertés, notamment, et des lois allemandes équivalentes, en particulier. Ça a été étendu au niveau européen, ça fait quoi six/sept ans, vers 2016 [entré en vigueur en mai 2018, NdT], ça a été révisé, mis au goût du jour. Évidemment, comme ça casse les pieds des GAFAM, des trous ont été faits dedans par des accords avec les USA qui ont sauté grâce à Max Schrems et qui ont été remis récemment, ce qu’on a appelé « l’accord gaz contre données personnelles », parce que, comme par hasard, lorsqu’il a fallu trouver du gaz ailleurs qu’en Russie, qu’on a fait un deal avec les USA là-dessus, ce qui avait été démonté par Max Schrems a été refait pour permettre à nouveau des échanges. Il y a eu Schrems 1, il y a eu Schrems 2, il y aura peut-être Schrems 3, c’est le nom juridique en hommage à Max Schrems et à son action avec son équipe, pour essayer de protéger un peu mieux, qu’elles ne le sont, nos données personnelles.
Isabella Vanni : Pierre, tu as très bien bossé ton sujet !
Pierre Beyssac : Ça m’arrive, parfois, sur un malentendu.
Florence Chabanois : En vrai, il n’a pas parlé du sujet !
Isabelle Carrère : Il n’a pas dit qu’elles sont les plaintes. Qu’est-ce qu’on reproche à Microsoft, là spécialement ?
Pierre Beyssac : On reproche plein de trucs à Microsoft, est-ce qu’il y a besoin de dire ce qu’on reproche à Microsoft ! Sur ce sujet-là, j’avoue que je n’ai pas regardé le dossier en détail, je pensais que c’était important. En fait, il y a tout un tas de casseroles derrière les trucs Microsoft, en particulier quand ils sont en ligne et, en particulier, depuis qu’il y a les nouveaux accords, l’extension de la loi FISA aux États-Unis, le Foreign Intelligence Surveillance Act, qui permet aux services secrets américains d’enjoindre les sociétés étasuniennes, même opérant sur le sol européen, de donner, de fuiter des informations aux services secrets. Je ne sais pas si c’est ce point-là particulier qui est l’objet.
Florence Chabanois : Non, ce n’est pas ça, j’arrive.
Pierre Beyssac : Vas-y Florence.
Isabella Vanni : Florence aussi a bossé son sujet !
Pierre Beyssac : Florence a mieux bossé que moi.
Isabelle Carrère : Florence arrive !
Florence Chabanois : Ce que tu as dit est très intéressant. Je vais compléter par rapport à l’actu. C’est effectivement NOYB qui a attaqué l’Autriche [Microsoft, NdT] suite à la plainte d’un parent d’élève qui avait demandé des comptes sur le fait que l’école utilisait la suite Office 365, donc Word, Office, les vidéos, tous les utilitaires et avait demandé d’avoir accès aux données. Microsoft l’a renvoyé vers l’école. L’école a dit que c’étaient des e-mails, uniquement, la seule donnée personnelle qui était utilisée. Sauf qu’il y a aussi des visios qui sont réalisées dans le cadre de l’école et les vidéos sont stockées, donc elles sont encore disponibles. Microsoft a dit qu’il fallait se tourner vers l’école pour gérer ça. Là où ça ne passe pas, c’est que l’école, normalement, dans le RGPD, est censée avoir la possibilité d’exercer des audits auprès de ses sous-traitants. On imagine une école primaire ou un collège, en Autriche, demander des comptes ou faire un audit à Microsoft, je ne crois pas ! Du coup, il y a ce côté non réaliste qui fait que l’association, au nom de cette plainte, porte plainte, en tout cas attaque justement Microsoft.
Isabella Vanni : Tout à l’heure tu as dit « a attaqué l’Autriche » !
Florence Chabanois : Pardon, je me suis trompée ! La pauvre Autriche !
Isabella Vanni : C’est bien. Isabelle, tu voulais peut-être rebondir ?
Isabelle Carrère : J’avais envie de rebondir. La question que m’a posée ce sujet-là, tel qu’il est exposé par Pierre et Florence c’est, quand il y a, comme ça, une petite plainte, un sujet qui est levé par quelqu’un, pourquoi n’y a-t-il pas immédiatement une espèce de consortium de gens, d’autres gens d’ailleurs qui viennent et qui soutiennent cette plainte, qui disent « nous aussi, nous avons tel autre exemple, etc. » ? À quel moment va-t-on arriver à ce qu’on ne soit pas simplement le petit truc qui oui, peut-être, ça fait du bruit ? OK, on en parle aujourd’hui, un petit peu, mais ce n’est pas assez ! Tout le monde a des exemples de ce qui se passe là. C’est évident que ce n’est pas la seule école dans laquelle ça se passe et c’est évident que nous ici, en France ou ailleurs, nous avons les mêmes thématiques. Pourquoi ne nous sommes-nous pas ralliés ? Quelle serait la bonne mécanique, plutôt que juste une accusation ? Quelle serait la bonne mécanique pour le faire, pour rejoindre ces luttes-là et avoir un poids ?, parce qu’on a un poids gigantesque, énorme, si on veut le faire. On a un poids en face de Microsoft ! On n’arrête pas de dire « les GAFAM sont très gros, etc. ». Non ! En fait, nous sommes bien plus forts et bien plus nombreux. Donc, quelle serait la bonne manière ? As-tu une idée, Florence ? Par quoi pourrait passer le fait de rejoindre cette plainte-là, de s’y coller avec ?
Florence Chabanois : Pour moi, il y a, régulièrement, les CNIL européennes. Factuellement, aujourd’hui, il y a ça. Par contre, c’est vrai que côté associatif, à mon niveau, je n’ai pas vu d’alliances, en tout cas constantes ou marquées.
Isabelle Carrère : Juridiquement, on pourrait faire comment ? Pourrait-on le faire juridiquement ?
Pierre Beyssac : La Quadrature fait des actions de ce type, en France, pour attaquer en groupe, l’équivalent des joint actions américaines, on a déjà des choses qui le permettent. Mais c’est difficile de mobiliser là-dessus en France, ce n’est pas évident. La Quadrature a fait quelque chose il y a quelques années.
Isabelle Carrère : On a la même chose, on a le même truc, on a le gouvernement qui a passé des accords avec Microsoft dans les écoles. Pareil !
Florence Chabanois : On avait cité l’Allemagne, là l’Autriche. Après la France le fait, mais il me semble que ta question c’est : pourquoi les différents pays de l’Europe ne s’allient-ils pas ensemble au-delà d’initiatives locales ?
Pierre Beyssac : Le RGPD permet des choses comme ça. Après, les autorités de protection des données, dans les différents pays, n’ont pas forcément toutes les mêmes moyens et les mêmes volontés d’agir, comme tu l’as remarqué, donc, ce n’est pas évident.
Isabelle Carrère : J’entends. Ce qui me manque, en tant que citoyenne, c’est par où ça passerait. Qu’est-ce qu’il faudrait faire pour faire le pas suivant ?
Pierre Beyssac : Il faudrait déjà, sûrement, augmenter les pouvoirs des autorités de protection des données, leurs moyens, c’est une première chose, des CNIL nationales qui sont dans tous les pays. Il y a aussi une complexité : pour des entreprises multinationales, le lieu d’action doit être dans le pays où l’entreprise a posé sa résidence. Si Google décide d’être représenté en Irlande, il faut que ce soit l’autorité irlandaise qui gère et, évidemment, elle est un petit peu moins motivée à agir contre Google, qui produit pas mal de chiffre d’affaires chez eux, que ne le serait la CNIL ou l’autorité allemande. Il y a probablement des choses à faire évoluer là-dessus au niveau législatif européen.
Isabella Vanni : J’ai une remarque de mon collègue Étienne à ce sujet. Il dit : « Je suis d’accord sur le besoin de coordination des luttes, mais n’oublions pas que les plaintes de Max Schrems ont permis, à elles seules, d’aboutir à la décision de la Cour de justice, ce qui a permis, à l’époque, de faire tomber le Privacy Shield évoqué par Pierre tout à l’heure ».
Isabelle Carrère : Exactement. C’est vrai.
Florence Chabanois : Il veut dire qu’on y arrive aussi localement.
Pierre Beyssac : Tout n’est pas noir.
Isabelle Carrère : Il n’y a pas obligatoirement besoin, tout le temps, d’être plus nombreux, c’est ce que veut dire Étienne ?
Isabella Vanni : Tout à fait. Après s’il n’y avait pas cette actu que Pierre n’en ait pas parlé, peut-être que cette plainte ne serait pas aussi en exergue chez nous. Peut-être faut-il communiquer davantage sur les bonnes nouvelles quand elles arrivent. Avez-vous d’autres choses à dire sur ce sujet ?
Florence Chabanois : Je vais revenir sur un point, je suis pas forcément convaincue, mais je vais quand même l’exprimer : je me demande si, au niveau de chaque pays, l’implémentation du RGPD est la même, si les implémentations peuvent varier. Peut-être que chaque CNIL, au niveau local, national du coup, ne se positionne pas de la même façon. En même temps, en disant ça, je trouve que c’est un peu de la mauvaise foi parce que c’est assez flagrant que ça ne le respecte pas. Pour autant, on pourrait quand même s’allier. J’imagine qu’on a déjà attaqué ce qui nous semble à peu près à notre hauteur, même au niveau national, c’est déjà énorme, mais c’est une idée, peut-être que La Quadrature nous écoute.
Isabella Vanni : Mon collègue Fred rappelle justement que le Privacy Shield est un dispositif de transfert de données entre l’Union européenne et les États-Unis. Étienne rappelle qu’on peut aussi soutenir des associations comme NYOB, ça peut être aussi une autre action possible. On est là pour parler de l’actualité du Libre, mais aussi pour donner des moyens d’action. Donc, allez voir ce qu’est NYOB, ce qu’elle fait, s’il y a possibilité d’agir avec ou, déjà, de la soutenir financièrement.
Je vous propose de passer au sujet suivant.
Une vaste fuite met en lumière le fonctionnement de la recherche Google
Isabella Vanni : Une vaste fuite met en lumière le fonctionnement de la recherche Google. Si je ne me trompe pas, cette fois c’est vraiment Florence qui avait trouvé ce sujet. Pas du tout, je me suis mal préparée !
Isabelle Carrère : On ne sait plus, parce qu’il y a eu des préparations dans tous les sens ! Ce n’est pas grave.
Isabella Vanni : Oui, tout à fait.
Florence Chabanois : J’avais répondu dessus. Bref. C’était la réaction de Stéphane Bortzmeyer ?
Isabella Vanni : Non, ça c’est un autre sujet lié. Dans la page de présentation de l’émission d’aujourd’hui on a mis des références, notamment cet article qui est passé sur Next, c’est une mise à jour : « Nous mettons en garde contre les hypothèses inexactes sur la recherche basées sur des informations hors contexte, obsolètes ou incomplètes. Nous avons partagé de nombreuses informations sur le fonctionnement de la recherche et les types de facteurs que nos systèmes prennent en compte, tout en nous efforçant de protéger l’intégrité de nos résultats contre les manipulations. » C’est le porte-parole de Google. J’avoue que je ne suis pas très préparée sur ce sujet, je vous laisse, sauvez-moi.
Florence Chabanois : C’est sur le fait qu’il y a une fuite, en tout cas un document de 2500 pages, il me semble, qui expliquerait le fonctionnement du moteur de recherche Google – c’est de la documentation, ce n’est donc pas tout à fait une fuite de données en soi –, qui mettrait en exergue le fait que, pour mettre en valeur certains résultats par rapport à d’autres – on s’en doute un peu, mais là c’est dit –, l’algorithme NavBoost monitore le comportement des utilisatrices et utilisateurs pour leur proposer les meilleurs résultats. On explique : par comportement, ce sont les clics, c’est le temps passé sur une page, c’est la lecture d’une vidéo, c’est le fait d’affiner une requête. Du coup, ça pose des questions sur tout ce qui est pistage.
Isabelle Carrère : On est d’accord que ce n’est pas nouveau, On savait que ça existait !
Florence Chabanois : Oui, mais ça conforte encore un peu plus.
Pierre Beyssac : Oui et non. En fait, c’est Chrome qui épie l’utilisateur de manière plus fine que ne pourrait le faire un navigateur quelconque. Google étant l’éditeur de Chrome aurait mis – a mis, apparemment – des mouchards dedans pour suivre de plus près ton comportement en tant qu’utilisateur et s’en servir pour mieux valoriser, mieux noter les pages que tu consultes : voir l’intérêt que tu as pour les pages, le temps que tu mets à naviguer à droite et à gauche. Pour citer l’article de Next : « Le contexte de l’action, par exemple quand les actions sont des clics sur des images et des vidéos. Les clics et l’engagement pendant et après la requête principale seraient également pris en compte. Par exemple, quand on effectue une recherche et qu’on la modifie, les résultats n’offrant pas satisfaction. Il tiendra également compte de l’emplacement géographique et de l’utilisation d’un appareil mobile ou d’un ordinateur ». Il y a des choses qui peuvent être faites avec n’importe quel navigateur mais, à priori, Google semble avoir mis en plus des choses dans Chrome pour nous épier un petit peu plus, donc remonter ça comme informations propices à améliorer les résultats de recherche ; les notations des sites donc résultats de recherche. C’est donc assez problématique.
Florence Chabanois : Franchement, Isabelle, ça ne m’avait pas tellement étonnée.
Isabelle Carrère : Pour moi, ce n’est pas une nouveauté, c’est pour ça qu’on dit aux gens de ne pas aller sur Google, qu’on leur dit de pas utiliser Chrome, qu’on leur dit d’aller plutôt sur Firefox et de choisir des bons moteurs de recherche.
Pierre Beyssac : Il y a différents degrés. Le fait qu’ils utilisent des informations aussi précises, d’ailleurs ils s’en sont cachés.
Isabelle Carrère : Ça apporte une preuve de quelque chose qu’on savait.
Pierre Beyssac : Ça apporte la preuve que ça va plus loin que ce qu’on pouvait penser.
Isabella Vanni : Encore plus loin. Donc, 2500 pages de documentation. Tout à l’heure, je n’ai pas été précise. Ce que j’ai lu, c’est le porte-parole de Google qui confirme l’authenticité de ces 2500 pages.
Florence Chabanois : Il y a un élément qui m’a étonnée sur des choses que je n’avais pas suspectées jusqu’ici : il y avait aussi la possibilité, de l’algorithme, de promouvoir un contenu par rapport à un autre, c’est d’arriver ou d’essayer de reconnaître les auteurs du contenu. Tout à l’heure, on parlait de données personnelles, ça c’est quelque chose que je n’avais jamais entendu, en tout cas dans l’algorithme. Je ne sais pas si c’est rattaché à Navboost, je ne dirais pas ça, pour moi ce n’est pas lié au comportement, c’est plus lié au contenu.
Isabella Vanni : Sauf si vous avez d’autres choses à dire sur ce point, à propos de moteur de recherche, à l’April et, je pense, plein de personnes utilisent le moteur de recherche DuckDuckGo. Si vous utilisez ce moteur de recherche, le 23 mai 2024, donc tout récemment, vous aurez peut-être remarqué qu’il n’était plus disponible, c’était impossible de faire des recherches. À cette occasion, des personnalités du monde du Libre, dont Bortzmeyer, ont rappelé que DuckDuckGo se base, en partie au moins, sur Bing et que c’était une défaillance de Bing qui a provoqué aussi la défaillance de DuckDuckGo. On est donc un peu dans une impasse, c’est-à-dire qu’on suggère un moteur de recherche qui, finalement, est dépendant de cette solution qui n’est pas libre. Donc, comment fait-on ? Qu’est-ce qu’on fait ?
Pierre Beyssac : En fait, comme moteurs de recherche complets, il y a en gros Google et Bing dans les grands, et énormément de moteurs de recherche redécorent un de ces deux principaux. Donc, quand Bing lui-même est planté, tout un tas de moteurs, effectivement, aussi le sont, qu’on pense indépendants. Qwant a aussi pas mal utilisé Bing à une époque, je ne sais pas si c’est encore le cas. Plein de moteurs sont juste des décorations avec peut-être un angle plus ou moins vie privée.
Isabelle Carrère : Ce ne sont pas que des décorations. Parfois, il y a quand même aussi un peu comme une armure, je pense par exemple à Startage qui a quand même mis des protections pour l’utilisateurice. C’est basé sur Google, mais, par ailleurs, il y a une armure un peu costaude quand même.
Isabella Vanni : Pierre bouge la tête, vous ne pouvez pas le voir, mais il n’est pas du tout convaincu.
Isabelle Carrère : Il est dubitatif. Il n’y a rien de vraiment basé sur complètement autre chose, dont acte, très bien. Mais, quand même, on n’est pas sur quelque chose de si pire !
Pierre Beyssac : Je ne sais pas, il faut voir.
Isabelle Carrère : Pour moi, c’est pareil que DuckDuckGo par rapport à Bing, c’est du même ordre. Tu n’es pas d’accord ?
Pierre Beyssac : Je disais à voir.
Isabella Vanni : Florence, tu veux intervenir.
Florence Chabanois : Je n’avais pas réalisé qu’il y avait autant, aussi souvent, Bing derrière. J’utilise Lilo, DuckDuckGo et Ecosia. Les trois sont basés sur Bing. J’ai tout vérifié.
Isabelle Carrère : Il faut quand même dire aux auditeurices que Bing c’est Microsoft.
Isabella Vanni : Bien vu. Et entre DuckDuckGo et Startpage, par exemple, quelle est la différence ?
Isabelle Carrère : Startpage est basé sur Google, directement.
Isabella Vanni : Alors ce n’est pas bon !
Isabelle Carrère : C’est vrai qu’à Antanak nous installons plusieurs moteurs de recherche sur les ordinateurs, exprès, tout le temps. Exprès pour qu’il n’y ait pas 1) une habitude d’aller à tel endroit plutôt qu’à tel autre, 2) pour que les gens voient ce dont on parlait il y a deux minutes : pourquoi est-ce que tel moteur me propose ça alors que tel autre ça et tel autre ça ?, de manière à rester en éveil sur ce qui peut bien se passer derrière, quels sont les algorithmes qui sont là-dessus. Dans l’une de nos formations, régulièrement, on fait faire la même recherche, exactement les mêmes mots, à la virgule près, et on regarde. On met sur le tableau cinq exemples et les réponses.
Isabella Vanni : C’est une bonne habitude à prendre.
Pierre Beyssac : C’est une bonne idée parce que, si les résultats sont identiques, ça permet de voir qu’il y a, à priori, le même moteur derrière ; c’est une bonne façon de vérifier.
Isabelle Carrère : Oui, ou bien des algorithmes comme ceux dont vous parliez tout à l’heure, le Navboost, il n’est pas obligatoirement pareil à chaque endroit. Il ne te regarde pas de la même manière.
Florence Chabanois : Un métamoteur qui affiche tout, ça n’existe pas encore, on est d’accord !
Isabelle Carrère : Non, dans Firefox, on met la petite barre de recherche : pour cette recherche-là, rechercher avec. Comme nous avons installé cinq moteurs de recherche, du coup on dit aux gens « allez là, puis allez là, puis allez là », puis on regarde ensemble les résultats sur cinq écrans différents.
Pierre Beyssac : On l’a vu récemment avec Qwant, Qwant a modifié ses conditions d’utilisation parce que Microsoft lui demandait, pour utiliser telle fonction de Bing, de vérifier auprès des utilisateurs qu’ils étaient d’accord pour je ne sais plus quoi exactement.
Isabelle Carrère : Pour aller chercher telle et telle chose.
Pierre Beyssac : Pour fouiller dans leurs informations.
Isabella Vanni : DuckDuckGo ne développe absolument rien ? Je croyais qu’il y avait une partie, quand même.
Isabelle Carrère : Il a sa petite armure, comme je disais tout à l’heure pour Startpage par rapport à Google, avec plus ou moins de protection, donc, sur certains endroits, il est effectivement dépendant, il reste dépendant, comme Startpage reste dépendant de Google.
Isabella Vanni : Pourquoi n’y a-t-il pas un moteur de recherche ? Parce que c’est titanesque ?
Isabelle Carrère : Je vous laisse poser la question, Isa, pourquoi ?
Pierre Beyssac : Parce que le Web est grand et ça coûte très cher d’indexer le Web.
Isabelle Carrère : Le Web est grand, ça faisait ressembler à d’autres choses !
Pierre Beyssac : Ça réclame énormément de disques et de ressources pour faire des recherches dessus, donc forcément.
Isabelle Carrère : Si personne n’a dit quoi que ce soit sur le Web est grand, tout va bien !
Isabella Vanni : Je pense que c’est le bon moment pour faire une pause musicale. Cette pause musicale nous est proposée par La Boussole, laboussole.coop, qui avait contribué à la campagne de financement de Cause Commune, donc un grand merci à La Boussole. Les personnes de La Boussole ont laissé un message que je vous lis : « La Boussole, coopérative de formation et de recherche spécialisée dans les méthodes d’éducation populaire, soutient les valeurs du logiciel libre et de la culture libre ».
Nous allons écouter le morceau qu’ils ont suggéré, Ronin par EXETEXE. On se retrouve dans environ quatre minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Ronin par EXETEXE.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Isabella Vanni : Nous venons d’écouter Ronin par EXETEXE, disponible sous licence libre CC By 4.0.
[Jingle]
Isabella Vanni : Ce titre nous avait été proposé par la coopérative de formation La Boussole qui avait contribué à la campagne de financement de Cause Commune. Occasion, pour moi, de remercier également Elie Sloïm, Julien Negros, Laurent Joubert, Cédric Abonnel, qui avaient choisi d’être remerciés à l’antenne suite à leur don pour la radio.
Je suis Isabella Vanni de l’April et nous discutons des actualités du Libre avec Florence Chabanois, Isabelle Carrère et Pierre Beyssac.
N’hésitez pas à participer à notre conversation en appelant le 09 72 51 55 46 ou bien en vous rendant sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat ».
Mastodon : les chercheurs n’ont finalement pas migré en masse
Isabella Vanni : Comme autre sujet proposé pour aujourd’hui, il y a cet article qui est paru toujours sur Next : « Mastodon : les chercheurs n’ont finalement pas migré en masse » sur ce service de microblogging décentralisé, alternatif à X. Pierre, je crois que tu voulais prendre la parole sur ce sujet.
Pierre Beyssac : Il y a une étude d’un certain nombre de chercheurs qui ont créé des comptes sur Mastodon. Mastodon est un logiciel, en fait ça permet de se connecter à ce qu’on appelle le fédivers, un Twitter décentralisé. Il n’y a pas un seul logiciel, Mastodon est le plus connu là-dedans, mais il y en a un certain nombre d’autres. Mastodon existe depuis des années, mais à chaque fois qu’il y a un petit épisode sur Twitter qui rend pessimiste sur l’avenir de Twitter ou la communauté Twitter, les gens vont sur Mastodon pour essayer de trouver un substitut non propriétaire, libre, etc., surtout vu la tournure qu’a pris Twitter, notamment depuis son rachat.
Isabella Vanni : On peut témoigner au niveau de l’April. L’April a aussi une instance Mastodon qui s’appelle pouet.chapril.org. Nous avons, nous aussi, eu une vague d’inscriptions assez conséquente suite au rachat par Elon Musk de X, ce qui nous a même obligés, pendant une période, à devoir suspendre la possibilité de créer de nouveaux comptes, parce qu’on est une petite structure, on n’arrivait pas à gérer, à modérer tous les comptes. On l’a vu de nos propres yeux.
Pierre Beyssac : Pour expliquer un peu, chacun peut créer sa propre instance et ces instances sont fédérées, donc échangent les messages, comme on le fait pour le courrier électronique, par exemple, il n’y a pas un opérateur centralisé de courrier électronique.
Isabella Vanni : C’est le protocole qui compte, c’est le logiciel qui compte.
Pierre Beyssac : Les messages sont échangés, répliqués entre les instances et on peut s’inscrire à tel ou tel endroit suivant la communauté d’intérêt qu’on préfère.
Isabelle Carrère : Où les instances sont-elles hébergées ?
Pierre Beyssac : Par chacun, comme tu héberges un site web.
Isabella Vanni : En fait, n’importe qui ayant les compétences techniques peut héberger une instance Mastodon sur son serveur.
Pierre Beyssac : Ça peut être assez lourd à faire, on ne peut pas faire ça en trois clics ! Ce n’est pas évident !
Isabella Vanni : Je ne pourrais pas !
Pierre Beyssac : Mais avec des associations, avec des gens en groupe, on peut quand même générer ça. C’est un système un peu plus compliqué à utiliser qu’un système centralisé comme Twitter, la découverte d’autres personnes est un peu plus compliqué pour l’utilisateur, il faut le faire de manière assez différente ; la recherche sur les contenus est également plus compliquée. Il y a tout un tas de choses qui sont un petit peu plus compliquées, mais c’est quand même relativement utilisable. Il y a une communauté derrière, plus gauche et geek, on va dire militant, plutôt mouvance de gauche, quand même, et il n’y a pas beaucoup de journalistes dessus, il y a moins de journalistes, il y a moins d’audience, déjà, que sur Twitter, c’est moins généraliste.
Isabella Vanni : Comment peux-tu affirmer cette connotation de gauche, comment peux-tu la prouver ?
Pierre Beyssac : On le voit aux communautés et aux types de contenu qu’on voit circuler, c’est plus engagé à gauche, quand même, on peut le dire.
Florence Chabanois : Ça dépend des instances.
Pierre Beyssac : Il y a des instances d’extrême droite, mais elles se sont fait bloquer, parce qu’elles diffusaient des contenus racistes, beaucoup de gens les ont bloquées.
Florence Chabanois : Elles sont bloquées sur une instance donnée, mais j’imagine qu’eux bloquent aussi la gauche.
Isabelle Carrère : Elles continuent d’exister.
Pierre Beyssac : Probablement. Quand tu es décentralisé, il existe des choix différents sur ce que tu laisses passer ou pas, donc ça devient beaucoup plus compliqué à appréhender par les utilisateurs et puis tu peux même avoir carrément des guerres de chapelle, explicitement.
En fait, les chercheurs ont étudié l’adhésion d’autres chercheurs arrivés sur Mastodon. Ils ont constaté que beaucoup s’y sont mis à l’époque où ils ont regardé, mais, au bout de quelque temps, je ne sais pas exactement le temps, ils notent que seuls 35,4 % des utilisateurs universitaires de notre base de données sont actifs et constants dans leur utilisation de Mastodon. C’est-à-dire qu’il y a eu un mouvement d’essais et puis, peut-être de la déception par rapport à différentes choses, peut-être la visibilité qu’on y trouve, donc « la majorité d’entre eux font preuve d’un engagement sporadique », pour citer l’article. C’est un peu ce qu’on observe. Il y a effectivement des vagues sur Mastodon, ça a quand même pas mal monté depuis un an ou deux, il y a des vagues, comme ça, d’adhésions. Les statistiques font état d’environ 15 millions d’utilisateurs, ça a facilement doublé depuis trois/quatre ans actifs.
Actifs, pas forcément, ce sont plutôt les utilisateurs détectés. Sur la partie vraiment active, c’est difficile à anticiper. Étant à la fois sur Twitter — que je n’arrive pas à appeler X, excusez-moi, maintenant il faut dire X —, sur Mastodon et sur Bluesky, suivant les sujets, on voit ceux qui intéressent plus ou moins, sur lesquels on a plus ou moins de réactions. Si on veut parler de logiciel libre, il faut plutôt être sur Mastodon, ça intéresse plus ; si on veut trouver des sujets d’actualité, c’est plutôt sur Twitter ; Bluesky essaie de remplacer Twitter d’une manière plus facile à utiliser que Mastodon, mais ça a un peu de mal à décoller pour l’instant. Bluesky essaie d’attirer les médias.
On pourrait penser que les chercheurs, de par leur activité, seraient intéressés par Mastodon, mais la mayonnaise a un peu de mal à prendre, c’est un peu dommage. Après, comme souvent le Libre, les choses fédérées fonctionnent mieux sur la durée, il faut être patient, au bout de quelques années ça finit par rattraper des médias plus centralisés. Patience et longueur de temps, en conclusion.
Florence Chabanois : Pas mieux. En fait, sur Mastodon, on est moins embêté, ce qui est cool.
Isabella Vanni : Qu’est-ce que tu entends par là ?
Florence Chabanois : Comme ce sont des instances et que chaque instance a ses propres filtres, il y a des thématiques selon les instances, ce qui fait qu’il y aura moins de fachos qui vont venir. En gros, les gens qui se ressemblent vont se regrouper, quels que soient les centres, les préoccupations. Du coup, il y a moins de débats et moins de clashs aussi. Ce qui fait quand même l’ADN et le pain de Twitter, c’est justement tout ce qui est scandaleux, ce qui est problématique. Du coup, il y a un peu moins de feedbacks et je pense que ça ne sert pas à Mastodon. Effectivement, comme tu disais, Pierre, ce n’est pas tout à fait le même usage.
Isabella Vanni : Isabelle, est-ce que tu as un avis ?
Isabelle Carrère : Non, tu as vu, c’est chouette, je n’ai pas du tout d’avis sur le sujet.
Isabella Vanni : C’est incroyable !
Isabelle Carrère : Je ne connais rien là-dessus et je continue à ne pas, j’allais dire adhérer, mais ce n’est même pas ça, je ne connais pas, je ne vois pas l’intérêt, ça ne me parle pas, je ne comprends pas les besoins qui sont derrière.
Isabella Vanni : Le microblogging en général ?
Isabelle Carrère : D’abord, je n’ai pas assez de temps pour m’amuser à faire des « blup, blup, blup », pour aller chercher des trucs.
Isabella Vanni : Des pouets.
Isabelle Carrère : J’aime les vrais contacts avec les vraies personnes, j’aime pouvoir discuter, je suis une mammifère et je ne comprends pas ça. Je ne juge pas, je n’émets pas de jugement sur pourquoi les gens en ont envie et besoin. J’aime rencontrer, je viens de faire une autre émission avec Yves-Marie de l’association Lève les yeux, qui milite activement pour le fait que les gens lèvent leurs yeux des écrans, notamment les enfants et les adolescents, mais pas que, aussi les adultes que nous sommes, ça je comprends plus, je comprends plus le sujet qui serait : est-ce qu’on pourrait revenir à des modalités... Là vous parlez du monde du Libre, la gauche ou je ne sais quoi. Je trouve ces groupes affinitaires très intéressants quand on peut se parler pour de vrai. Peut-être que c’est parce que je suis d’une autre génération, je n’en sais rien, je ne sais pas pourquoi, Yves n’est pas plus jeune que moi, je ne sais pas à quoi ça tient, mais ça ne me parle vraiment pas. J’ai essayé, j’ai regardé, même Telegram, je le fais parce qu’à la radio, à Cause Commune, on m’a dit « il faut que tu sois sur Telegram pour parler », OK, j’ai Telegram sur un téléphone, par ailleurs qu’on m’a prêté, parce que le mien n’a pas du tout les capacités d’avoir Telegram, très bien. Peut-être suis-je bizarre, mais ça ne me parle pas !
Isabella Vanni : Je te rejoins. J’utilise Mastodon pour l’association April, parce que je suis salariée de l’April, mais je n’ai pas cette envie, ce besoin, je ne vois pas trop la nécessité de me créer un compte. Même chose pour un autre service, très utilisé sur le téléphone, je n’ai pas envie de le nommer, que tout le monde a pour créer des groupes, envoyer des messages, etc., vous avez peut-être compris de ce dont je parle. Il y a une alternative, le protocole XMPP [Extensible Messaging and Presence Protocol ] permet de faire la même chose avec plusieurs clients. Pareil, même s’il y a l’alternative libre, je n’ai pas envie d’être connectée tout le temps à tout le monde. Je suis contente qu’il y ait une alternative libre, je peux quand même dire aux personnes « si vous avez cette pratique et si vous aimez ça, sachez qu’il y a une alternative libre », je suis contente de pouvoir le dire.
Isabelle Carrère : Dans ce que tu viens de dire, celui que tu ne nommes pas, la seule chose que je comprends dans l’utilisation, c’est pour les gens qui peuvent appeler à l’étranger pour pas cher, ça je le comprends. Il y a vraiment énormément de personnes, ici en France, qui ont besoin d’appeler leur famille qui est loin, on sait que ça marche. Ils utilisent ça, et je ne veux pas juger, c’est quand même important.
Isabella Vanni : Très récemment, j’ai eu un témoignage, probablement que je ferais pareil si j’étais dans le besoin.
Framaspace
Isabella Vanni : On va passer à un autre sujet. Framaspace, un nouveau service, relativement, proposé par l’association Framasoft. C’est un cloud, une espèce de stockage convivial, mais pas que, pour collectifs et associations, c’est une alternative, bien évidemment, aux GAFAM et, parmi les services, il y a un service de visioconférence, un agenda, un wiki pour faire de la documentation ; pas mal de services. Ça a été lancé il y a à peu près un an, 10 000 comptes ont été mis à disposition par l’association Framasoft. J’ai eu l’information aujourd’hui, de première main, l’équipe de Framasoft m’a communiqué qu’il y a, à ce jour, 1157 comptes qui ont été attribués ; ce n’est pas publié, c’est le chiffre officiel, donc, il y a encore de la place.
Parlons un peu de ce service. On en a déjà parlé dans une émission Libre à vous !, l’émission 195 de décembre 2023, vous faites libreavous.org/195 et vous tombez dessus, mais c’est bien d’en reparler encore. Pierre lève le doigt, je te laisse la parole.
Pierre Beyssac : Peut-être un mot sur les 1157 comptes, ce ne sont pas 1157 personnes, ça va être 1157 instances, donc, potentiellement, des dizaines d’utilisateurs par instance.
Isabella Vanni : Oui, pardon, ce ne sont pas des comptes, ce sont les instances qui ont été attribuées, les clouds, les espaces qui ont été attribués et on peut déployer jusqu’à 50 contacts pour chacun. Framasoft a été obligée, bien évidemment, de poser des limites, parce que ce sont des data, donc ça pèse. Ce sont 50 contacts et c’est un espace de stockage dont je ne me souviens plus la taille. Je l’avais proposé à une association locale dont je suis membre et, finalement, ils m’ont dit non justement pour le nombre de contacts, ça ne convenait pas.
Florence Chabanois : Ça fait 40 gigas.
Isabella Vanni : Je crois qu’il y avait des limites qui ne convenaient pas. En fait, c’est pensé, en fait, pour les petites structures, des collectifs, ça peut être des associations formelles ou pas, donc des associations qui, à mon avis, sont surtout faites par des bénévoles, qui n’ont pas des moyens mirobolants, voire très peu. C’est conçu pour ça. Après, dès qu’une association a un peu plus de moyens, elle peut choisir d’autres services, je pense par exemple à Zourit, une plateforme plus ou moins équivalente, mise en place par les Ceméa, qui permet un petit peu les mêmes utilisations, mais qui est payante, avec des prix qui restent abordables pour des associations d’une certaine taille. Mais, pour les toutes petites, c’est vraiment un chouette service qui a été mis en place par Framasoft.
Pierre Beyssac : Et ça permet de mettre le pied à l’étrier sur ce genre de chose. Nextcloud est une sorte de concurrent, un concurrent auto-hébergé et libre aux fonctionnalités comme celles de Google Docs, des choses comme ça. Ça permet de partager des fichiers, de travailler collaborativement sur un tableur, de stocker des vidéos, même de les voir. Il y a aussi une fonction de pad dedans, qui doit être équivalente à ce que fait Framapad par exemple
Isabella Vanni : Etherpad, un éditeur de texte brut, en ligne, collaboratif, très simple.
Pierre Beyssac : C’est donc une très bonne solution, déjà pour évaluer un petit peu un logiciel sans avoir à se casser la tête à l’installer.
Isabelle Carrère : J’ai une autre utilisation là-dessus. Je trouve cette initiative vraiment géniale, d’ailleurs, j’adore tout ce que fait Framasoft. Il y a ce que tu dis pour les petites associations, mais il y a surtout, ce que je trouve super intelligent, c’est par exemple, au contraire, des associations qui ont chacune leurs propres outils, leurs propres scénarios en interne et qui, parce qu’elles se mettent en réseau ou parce qu’elles font un collectif sur un machin, ont besoins d’outils communs et sans réécrire ou sans dire « on va prendre ton outil, on va prendre le mien », hop !, on se met sur un cloud de cette sorte-là, c’est génialissime.
Isabella Vanni : Tu as des exemples.
Isabelle Carrère : On va le faire pour le RéFIS [Réemploi francilien et informatique solidaire], on va demander à Framasoft s’ils sont d’accord pour nous accepter. Le RéFIS est un collectif de structures, justement une espèce de réseau de structures qui, comme Antanak, font du reconditionnement d’ordinateurs. En fait, on n’a pas besoin de beaucoup de choses, mais, justement, un petit peu de ces outils-là. On ne va pas se remettre chacun/chacune à repayer pour quelque chose, ça ferait trop et là, c’est génial. Je pense que des petites structures pourraient aussi se mettre ensemble autrement pour des outils mutualisés, avec ce genre d’outil, sans en faire les leurs, que ça reste vraiment dans l’esprit alternatif et collectif.
Isabella Vanni : Vous avez déjà fait la demande auprès de Framasoft ?
Isabelle Carrère : On va la faire. C’est un truc en cours parce qu’il faut que ça se décide collectivement, c’est donc un petit peu plus lent que si on décide tout seul.
Isabella Vanni : C’est très important. On présente un dossier et c’est l’équipe de Framasoft qui décide, qui donne un avis irrévocable. C’est vraiment jugé sur dossier, il faut remplir certains critères, on l’a dit, la taille, le collectif d’associations, petites, militantes, etc. Il y a encore plus de 8000 places. Si vous connaissez des associations près de chez vous, si vous faites vous-même partie d’une association, d’un collectif, d’un syndic, je n’en sais rien, ça peut être une utilisation pour tester et puis, si ça vous plaît, peut-être que vous allez le faire aussi au niveau personnel ; partager l’info avec d’autres personnes autour de soi, c’est aussi comme ça qu’on peut divulguer et promouvoir le Libre autour de soi.
Florence.
Florence Chabanois : Je suis persuadée que marche. En tout cas, effectivement, ce qui est bien, c’est qu’il n’y a pas besoin d’avoir une structure associative et que les collectifs fonctionnent, même si, officiellement, ça n’existe pas.
Ce que j’aime bien aussi, c’est le côté suite globale qui fait qu’il y a énormément d’outils libres et, même au sein du Libre, d’alternatives sur un usage particulier. Et là, on a une suite globale, on n’a pas trop à réfléchir dans la mesure où il y a une présélection. On se dit « j’ai un usage de calendrier, c’est dedans ; là, je vais échanger en instantané avec telle personne, c’est dedans ». Après, se pose la question de l’interface avec les autres entreprises ou autres associations. L’un des soucis, en termes de concurrence déloyale, c’est que les GAFAM proposent aussi la gratuité aux associations et c’est là où ce n’est pas cool ; ce n’est pas cool et c’est cool !
Isabelle Carrère : Si, c’est bien, ça prouve bien que la question du Libre ce n’est pas la gratuité. Tant mieux.
Florence Chabanois : C’est vrai. Typiquement, il faut que je convainque ma collègue de tester autre chose, mais, comme en entreprise, les outils sont ceux qu’on connaît, se dire qu’on change d’habitude et, en termes d’interopérabilité, on risque de galérer un peu, de perdre aussi un peu avec des invités qu’on a, etc., il y a quand même un coût d’entrée. Je suis très étonnée du chiffre que tu as donné, Isabelle, qui n’est que 10 % d’instances, à peu près. J’avais noté plus de 20 millions d’assos aujourd’hui actives, il y a quand même de la marge, j’espère que ça va donner envie aux personnes qui écoutent.
Isabella Vanni : Testez, ça vaut le coup. Étienne, mon collègue, qui suit l’émission, me rappelle qu’on peut aussi vous recommander la lecture des tribunes de l’April sur l’influence de Techsoup et Solidatech, qui sont très connues des associations et qui proposent, hélas aussi, des solutions propriétaires. Si vous voulez en savoir plus, on mettra la référence, puisque je ne l’ai pas encore mise, pour l’instant, sur la page de présentation, elle y sera d’ici demain au maximum.
Datan, un outil indépendant visant à mieux rendre compte de l’activité parlementaire des députés
Isabella Vanni : Merci aux personnes qui interviennent avec moi aujourd’hui, notamment à Florence qui avait trouvé énormément de sujets d’actualité, j’ai dû faire un tri tellement il y en avait. Pour finir ce Café libre, je propose de parler de Datan, je ne sais pas trop comment on prononce, à la française ou à l’italienne. C’est un site de vulgarisation parlementaire, basé sur les données ouvertes de l’Assemblée nationale, redistribuées par data après mise en forme en licence ouverte aussi sur data.gouv.fr. Qui prend la parole sur ce sujet ?
Florence Chabanois : Je vais commencer, je laisserai mes collègues embrayer. C’est un usage intéressant des données ouvertes. Le Gouvernement et les instances publiques ont souvent des données au format csv ou jason, des formats de données, pour que des développeurs et développeuses puissent les restituer d’une autre façon ou les utiliser pour un usage autre. En ce moment, justement avec les élections, soyons clairs, c’est difficile, enfin !, parfois, on entend des arguments comme quoi tel parti n’a jamais été au pouvoir, donc pourquoi pas essayer, ce genre de choses. Alors justement, avec ces données, on peut voir factuellement qui a voté ou pas voté en fonction des partis, notamment sur l’augmentation du Smic, par exemple, le fait de geler les loyers, l’égalité professionnelle femme-homme. Je vous invite à regarder.
Il y a des choses intéressantes, par exemple la réparation par rapport aux personnes homosexuelles qui ont été condamnées entre 1945 et 1982. Là, on a eu l’unanimité de tous les députés, tout le monde a massivement voté pour indemniser ces personnes et ça m’a surprise, c’est la base, mais on pourrait croire que ce n’est pas le cas. Alors que sur l’augmentation du Smic, dans la mesure où chaque parti a des arguments plutôt populistes ou pas, là, on voit factuellement que le Rassemblement national et Renaissance ont voté contre l’augmentation du Smic.
Une des limites, parce que, du coup, il y a quand même cette abstraction des datascientists, plutôt des data engineers et des développeurs et développeuses, c’est que quand on commence à regarder qui a voté pour, contre, ou s’est abstenu sur chacun de ces éléments, il y a quelques raccourcis. C’est pour cela que je vous invite aussi à faire attention en regardant, de vraiment regarder le détail. Quand on regarde globalement, on a l’impression que c’est pour ou contre, et ils vont donner la majorité. C’est dur de se dire à partir de quand on dit que tel parti a voté pour ou contre et, sur chaque parti, il y a parfois aussi des divergences. C’est vraiment en cliquant dedans qu’il y a un détail un peu plus élaboré. Par exemple, tous les partis ont voté sur l’IVG dans la Constitution ; majoritairement, la plupart des partis ont voté pour sa constitutionnalisation, donc c’est passé, mais, sur les 8 % qui voté contre, c’est uniquement le Rassemblement national et les Républicains. Pareil pour le gel des loyers.
Je pense que c’est un bon outil d’éducation, qui remet à sa place les positionnements de chaque parti, de chacun et chacune de nos représentants. Je ne sais pas si vous aviez autre chose à dire.
Pierre Beyssac : Oui, j’avais des choses à dire. Récemment, j’ai effectivement regardé des votes sur la loi SREN [Sécuriser et réguler l’espace numérique], par exemple, il y a des partis qui votent contre certaines lois parce qu’ils sont dans l’opposition, alors qu’on sait très bien qu’ils voteraient plutôt pour : des partis qui se présentent en défenseurs des libertés, ceci/cela, mais qui, s’ils étaient au pouvoir, feraient probablement l’inverse. C’est donc assez délicat d’évaluer. C’est évidemment un élément factuel, objectif, à avoir, mais il y a aussi tout un tas de mécaniques, derrière, qui sont assez complexes à analyser.
Ce genre de site est intéressant, parce que ça fonctionne effectivement grâce à l’open data et, typiquement, en matière législative, par définition une loi est publiée, les amendements ; la plupart des débats sont publics, c’est donc super intéressant.
Il y a tout un tas de critères sur ce site. Il y a déjà eu des initiatives similaires, mais uniquement sur l’absentéisme, qui n’étaient pas forcément suffisamment pertinentes, parce que, typiquement le truc un peu populiste, c’est de dire « regardez la séance publique, il y a 30 députés sur 500 qui ont voté la loi, donc tout le monde s’en fout, c’est n’importe quoi », mais, en fait, la « partie finale » en séance plénière, entre guillemets, pour voter la loi, c’est la fin, l’aboutissement d’un long travail législatif où seuls les spécialistes du sujet vont voter, tous les députés ne sont pas spécialistes de tous les sujets. En fait, il y a tout un tas de critères dans le site qui sont assez intéressants, parce qu’ils évaluent différemment la participation aux scrutins solennels suivant la spécialisation du député, suivant les votes en général ; ils évaluent la proximité des politiques à leur groupe : est-ce qu’un député vote plus ou moins comme son groupe ou pas ; la proximité avec un groupe donc, un député de tel ou tel groupe de quel groupe est-il vraiment le plus proche au niveau de ses votes ? La cohésion d’un groupe : est-ce qu’il y a une bonne harmonie entre les votes du groupe ? ; une bonne harmonie, ce n’est pas forcément un bon signe, parce que ça veut dire, éventuellement aussi, que le groupe est bien tenu. Et puis l’âge moyen en France, je n’ai pas regardé ce critère exactement.
Il y a tout un tas de critères très intéressants. Il ne faut pas oublier que derrière tous ces critères quantitatifs, il y a aussi du travail législatif, en commission, qui est assez compliqué à évaluer, à présenter sur un site de ce type-là. C’est un peu la limite de l’exercice. De toute façon, c’est toujours intéressant de voir ce qu’on peut faire avec les données ouvertes.
Isabella Vanni : Isabelle.
Isabelle Carrère : Juste rapidement, puisque je vois que l’heure tourne et qu’on va bientôt arriver à la fin. Je n’ai rien d’autre à ajouter, merci de la présentation, merci de nous avoir permis ces choix. Cette fois-ci, je n’ai pas contribué du tout à proposer des sujets, je trouve génial de finir par celui-là, ça me va trop bien. Que chacun aille voir et se rende compte de ce qui se passe pour de vrai dans l’Assemblée nationale.
Isabella Vanni : Merci à nos invités pour ce Café libre d’aujourd’hui, d’ailleurs, je crois que c’est le dernier de cette saison, mais il y en aura d’autres pour la saison 8. Bel été à vous. Nous en profitons pour faire une pause musicale.
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Isabella Vanni : Après la pause musicale, nous découvrirons peut-être comment dire adieu aux kilos en trop grâce à la chronique « Les humeurs de Gee ». Pour l’instant, nous allons écouter Intro to Woum par Cloudkicker et on se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Intro to Woum par Cloudkicker.
Isabella Vanni : Nous venons d’écouter Intro to Woum par Cloudkicker, disponible sous licence libre CC By 3.0.
[Jingle]
Isabella Vanni : Je suis Isabella Vanni de l’April. Nous allons passer au sujet suivant.
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Chronique « Les humeurs de Gee » – « Dites adieu aux kilos en trop ! »
Isabella Vanni : Nous allons poursuivre avec la chronique « Les humeurs de Gee ». Gee, auteur du blog BD Grise Bouille vous expose son humeur du jour : des frasques des GAFAM aux modes numériques, en passant par les dernières lubies anti-internet de notre classe politique, il partage ce qui l’énerve, l’interroge, le surprend ou l’enthousiasme, toujours avec humour. L’occasion peut-être, derrière les boutades, de faire un peu d’éducation populaire au numérique.
Le thème du jour : « Dites adieu aux kilos en trop ! »
Salut Gee.
Gee : Salut Isa. Salut à toi, public de Libre à vous !.
Après ma chronique du mois dernier sur l’IA, chronique un chouia énervée, je me suis dit que j’allais terminer cette saison, puisque ce sera ma dernière chronique avant la pause estivale, sur une note plus légère.
Voilà, c’est l’été dans quelques jours – enfin, ça ne saute pas aux yeux vu le temps de chiotte –, mais c’est l’été dans quelques jours, et ça me semble le bon moment pour t’offrir mes recettes minceur : tu vas pouvoir dire adieu aux kilos en trop ! Non, cher public, ne change pas de fréquence tout de suite, je te rassure, je ne suis pas en train de céder au diktat de la minceur et de la chasse aux bourrelets. Évidemment, le titre de cette chronique n’est qu’un bon mot, car on ne va pas parler de kilogrammes, mais de kilooctets. Ah ! Je t’entends pousser un soupir de soulagement : été ou pas, chronique légère ou pas, on va parler d’ordinateur. Ouf !
Je vais commencer par préciser que cette chronique est une adaptation d’une vieille BD que j’avais publiée en 2015 sur mon blog, le lien sera sur la page du podcast. Oui, je recycle, c’est mon côté écolo. Et cette blague sur le fait que je recycle parce que je suis écolo, je l’ai déjà aussi recyclée pas mal de fois, c’est dire si je sais de quoi je parle.
Bref ! Après cette longue intro, entrons dans le vif du sujet avec une petite mise en situation.
Tu as un nouveau téléphone. Il est tout beau, tout propre, il est reconditionné parce que, toi aussi, tu es écolo, seul problème : il a une mémoire riquiqui. Qu’à cela ne tienne, te dis-tu, je m’en vais de ce pas aller acquérir une carte microSD, mon beau téléphone étant pourvu d’un emplacement idoine. Je sais, c’est palpitant comme aventure !
Tu te rends donc dans un magasin d’informatique, ou sur un site d’e-commerce, et tu choisis une carte de 64 gigaoctets à 10 euros. Et tu es content, car 64 gigaoctets à 10 euros, ça fait à peine 0,000015 centimes le kilo, vachement moins cher que des fruits et légumes. Pour votre santé, mangez cinq clefs USB et cartes SD par jour. Non, je plaisante ! De toute façon, il suffit de manger du poisson pour bouffer tout le microplastique des océans, mais on va arrêter de parler d’écologie ou cette chronique va finir par être beaucoup moins détendue.
Donc, lorsque enfin, tu es en possession de ta fabuleuse carte microSD de 64 gigaoctets, tu l’insères dans ton ordinateur pour copier tes photos sur ton téléphone, et là, stupeur… elle ne pèse en fait que 59,6 gigas au lieu des 64 annoncés. Et ça, c’est quand même la loose, ça fait donc 0,000017 centime le kilo au lieu de 0,000015 centime le kilo comme tu le croyais ! Enfer et damnation, te dis-tu, ça m’apprendra à commander sur Amazon ! Où sont les cinq gigas que j’ai payés, non mais dis donc, c’est quand même de l’arnaque ! Eh bien, en fait, non ! Le truc que tu ignores peut-être, c’est que les fabricants de supports numériques et les systèmes d’exploitation, comme celui sur ton ordinateur, n’utilisent pas toujours la même définition des préfixes « kilo », « méga », « giga », etc. Du coup, oui, c’est un peu de l’arnaque, puisqu’on joue volontairement sur l’ambiguïté de termes techniques.
Je t’explique.
Il se trouve qu’en informatique, on a cette manie de compter en base 2 et de tout grouper par puissances de 2. On est vachement manichéen ! Pardon ! Binaire, on est vachement binaire. Du coup, quand on a voulu faire des gros groupes d’octets, il a paru plus naturel de les grouper par puissances de 2 au lieu de puissances de 10 : au lieu de mettre 1000 octets dans un kilooctet – 103 –, on a décidé d’en mettre 1024, soit 210).
Sur le coup, on s’est dit : « Bof, ça va, ça fait une erreur de 2 %, on ne va pas en chier un processeur ». Sauf qu’évidemment, à l’époque, c’étaient les années 60, autant le kilooctet avait le vent en poupe, autant le mégaoctet semblait loin et le gigaoctet encore inimaginable ! Le problème, c’est que cette « petite » erreur sur les kilos va se multiplier : eh oui, car au lieu de faire 1000 X 1000 X 1000, etc., pour atteindre les préfixes supérieurs, on va faire 1024 X 1024 X 1024. Ce qui fait qu’autant la différence entre un kilo ordinaire et ce qu’on pourrait appeler un « kilo binaire » n’est que de 2 %, autant elle passe à 5 % pour les mégas et à 7 % pour les gigas. Et, comme on parle de quantité de données de plus en plus grosses, cette erreur porte aussi sur des quantités de plus en plus grosses : ainsi, un kilo binaire, 1024 octets, contient 24 octets de plus qu’un vrai kilo, ce qui correspond, en gros, à une toute petite phrase de 24 lettres, c’est léger ! Alors qu’un giga binaire contient 74 mégas de plus qu’un giga normal, ce qui correspond à peu près à 20 fois l’intégralité des trois tomes du Seigneur des anneaux, quand même !
Bref, comme cette ambiguïté est devenue de plus en plus gênante, on a fini par régler le problème en 1998 – on y a mis le temps – avec l’introduction des préfixes binaires : ainsi, un kilooctet fait bien 1000 octets, et c’est le kibioctet – kibi pour « kilo binaire » – qui fait 1024 octets. De même, on a introduit le mébi, méga binaire, le gibi, giga binaire, etc. Évidemment, si vous n’en avez jamais entendu parler, c’est normal ! Personne ne les utilise. Du moins, pas à l’oral, parce qu’en vrai, moi, sur mon petit GNU/Linux personnel, si je regarde mes fichiers, je vois que leurs poids sont donnés en kio, Mio, Gio, ce qui signifie bien kibioctet, mébioctet et gibioctet.
Et les fabricants de carte mémoire, dans tout ça ? Eh bien, ils utilisent la norme classique en base 10 : lorsqu’ils vous vendent 64 gigaoctets, ils parlent bien de 64 gigaoctets, et non gibi, soit 64 milliards d’octets tout pile. Oui, parce que c’est la norme qui vous permet d’afficher le chiffre le plus gros, bien sûr ! Sauf que si votre système compte en binaire, il va vous afficher des gibioctets, donc pour afficher une taille lisible, il va diviser vos 64 par 1024 X 1024 X 1024, donc vous afficher… 59,6 gibioctets.
En fait, lorsqu’un fabricant vous vend 64 gigas et que votre système d’exploitation vous en affiche 59,6, ils ont tous les deux raisons, sauf que le fabricant, ayant bien pris soin de choisir une puissance de deux, 64, tout en comptant en décimal, on peut légitimement le soupçonner de se payer nos tronches et de chercher purement et simplement à nous tromper sur la marchandise.
Faire joujou avec les normes, pour l’environnement comme pour l’informatique, c’est la base : tous les moyens sont bons pour faire du pognon. Oui, je veux bien faire des chroniques détendues, mais ça finira quand même toujours par « c’est la faute au capitalisme » ! C’est comme ça !
Pour finir, notons que dans la catégorie des normes foireuses et complètement pétées, on ne fera jamais mieux que la regrettée disquette, la rigide de 3 pouces et demi qu’on a connue jusqu’à la fin des années 90. En effet, celle-ci utilisait carrément un mix des deux normes, en prétendant faire 1,44 mégaoctet, en prenant 1 mégaoctet = 1000 kibioctets. Soit 1000 X 1024 octets. Sérieusement, mais c’est quoi, leur problème ?
Pour conclure, si tu veux dire adieu aux kilos en trop, passe au kilo binaire ! Moi qui pèse mes 72 kilogrammes au réveil, je ne pèse qu’à peine plus de 70 kibigrammes, c’est dire si ça change tout !
Allez, je vous souhaite un bon été, je vous fais des kilos de poutous, et je vous dis à la saison prochaine ! Salut !
Isabella Vanni : Merci Gee. Je crois ne pas me tromper en affirmant que c’est ta dernière chronique pour cette saison, n’est-ce pas ! Dans ce cas, je te souhaite une belle fin de journée et aussi un bel été.
Gee : Merci.
Isabella Vanni : Nous approchons de la fin de l’émission. Nous allons terminer par quelques annonces.
[Virgule musicale]
Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre
Isabella Vanni : Mon collègue Étienne Gonnu, chargé de mission affaires publiques pour l’April, a été interviewé par le journal La Brèche dans le cadre d’un article portant sur un rapport parlementaire qui évoquait un piège Microsoft. L’article a été exceptionnellement publié directement en accès libre. Un grand merci à La Brèche pour cela. La version papier du journal est disponible en kiosque.
Réunion de bilan de la saison 7 de Libre à vous ! et préparation de la saison 8, en visio, vendredi 21 juin 2024 de 10 heures 30 à midi maximum, parce que, après, il y a la revue hebdo de l’April. Vous êtes toutes et tous invités à participer à cette réunion, elle est ouverte à toutes les personnes qui aiment l’émission Libre à vous ! donc n’hésitez pas à participer.
Sinon Cause Commune, comme vous le savez désormais, vous propose un rendez-vous convivial chaque premier vendredi du mois à partir de 19 heures, dans ses locaux, à Paris, au 22 rue Bernard Dimey dans le 18e arrondissement. Une réunion d’équipe ouverte au public, avec apéro participatif à la clé, occasion de découvrir le studio et de rencontrer les personnes qui animent les émissions. La prochaine soirée-rencontre aura lieu le 5 juillet 2024, notez-le dans vos agendas.
Comme d’habitude, je vous invite à consulter le site de l’Agenda du Libre, agendadulibre.org, pour trouver les événements en lien avec le logiciel libre ou la culture libre près de chez vous. Vous retrouvez toutes les annonces sur la page de présentation de l’émission, libreavous.org/212.
Notre émission se termine.
Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission d’aujourd’hui : Xavier Berne, Florence Chabanois, Isabelle Carrère, Pierre Beyssac et Gee.
Aux manettes de la régie aujourd’hui, Élise.
Merci également aux personnes qui s’occupent de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang1, Julien Osman, bénévoles à l’April, et Olivier Grieco, qui est le directeur d’antenne de la radio.
Merci aussi aux personnes qui découpent les podcasts complets des émissions en podcasts individuels par sujet : Quentin Gibeaux, bénévole à l’April, et mon collègue Frédéric Couchet.
Vous retrouverez sur notre site web, libreavous.org, toutes les références utiles ainsi que sur le site de la radio causecommune.fm.
N’hésitez pas nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu, mais aussi des points d’amélioration. Vous pouvez également nous poser toute question et nous y répondrons directement ou lors d’une prochaine émission.
Toutes vos remarques et questions sont les bienvenues à l’adresse contac chez livbreavous.org.
Si vous préférez nous parler, vous pouvez aussi nous laisser un message sur le répondeur de la radio, pour réagir à l’un des sujets de l’émission, pour partager un témoignage, vos idées, vos suggestions, vos encouragements ou pour nous poser une question. Le numéro du répondeur : 09 72 51 55 46.
Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission. Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas en parler le plus possible autour de vous et également à faire connaître la radio Cause Commune, la voix des possibles
La prochaine émission aura lieu en direct mardi 25 juin 2024 à 15 heures 30. Nous diffuserons les interviews que Julie Chaumard, bénévole pour l’April, a réalisées à l’occasion des Rencontres Professionnelles du Logiciel Libre qui ont eu lieu le 10 juin à Lyon.
Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 25 juin. D’ici là, portez-vous bien.
Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.