Émission Libre à vous ! diffusée mardi 14 février 2023 sur radio Cause Commune


Voix off : Libre à vous ! l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes et tous dans Libre à vous !. C’est le moment que vous avez choisi pour vous offrir une heure trente d’information et d’échanges sur les libertés informatiques et également de la musique libre. C’est un grand plaisir de vous retrouver après deux semaines sans émission.
En effet, dans le cadre du mouvement social en cours contre la réforme des retraites, les appels à la grève et à manifestation sont jusqu’à présent inscrits notamment autour d’un rendez-vous les mardis, jour de notre émission. Même si ce mouvement social ne concerne pas le logiciel libre, cela a impacté notre capacité à vous proposer des émissions inédites ces dernières semaines. D’une part, car des personnes membres de l’équipe de Libre à vous ! ont pu être amenées à prendre part à cette mobilisation, de même pour les personnes invitées, et d’autre part, car la radio Cause Commune a pu être amenée à préserver le créneau du mardi après-midi pour couvrir les manifestations à Paris. Le prochain appel à grève et manifestations est d’ailleurs prévu le jeudi 16 février et Cause Commune couvrira cet événement.

Nous voilà donc de retour sur les ondes de Cause Commune.

Le programme du jour : le système de gestion de contenu Drupal pour créer des sites web, ce sera le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme BrailleRAP, une embosseuse ou machine à écrire en braille sous licence de matériel libre. Et aussi la chronique d’Antanak sur la VSA ; je ne sais pas ce qu’est la VSA, j’ai appris le sujet trois minutes avant d’entrer en émission, on verra ça tout à l’heure. Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.

Le site web de l’émission c’est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour, avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.

Nous sommes mardi 14 février 2023. Nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission du jour, Thierry Holleville. Bonjour Thierry.

Thierry Holleville : Bonjour à tous.

Frédéric Couchet : Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « Que libérer d’autre que du logiciel », avec Antanak, sur la vidéosurveillance algorithmique

Frédéric Couchet : « Que libérer d’autre que du logiciel », la chronique d’Antanak. Isabelle Carrère et d’autres personnes actives de l’association Antanak se proposent de partager des situations très concrètes et/ou des pensées et mises en actes et en pratique au sein du collectif : le reconditionnement, la baisse des déchets, l’entraide sur les logiciels libres, l’appropriation du numérique par tous et toutes. Le sujet de la chronique du jour, la VSA.
Bonjour Isabelle.

Isabelle Carrère : Bonjour Fred, bonjour à tous, bonjour à toutes.
En effet, aujourd’hui, je voulais relayer la campagne de mobilisation qui a été lancée hier, donc le 13 février 2023, par La Quadrature du Net. Souvent, je parle d’eux, et c’est vrai qu’à Antanak nous sommes très friands, nous suivons beaucoup les actions, les analyses qu’ils mettent en exergue.

Là il s’agit de la loi JO 2024 – Jeux Olympiques 2024 –, notamment son article 7 dans lequel les auteurs de ce projet valident et valorisent l’utilisation de la VSA.
VSA, vidéosurveillance algorithmique, d’autres disent aussi vidéosurveillance augmentée, comme on parle de réalité augmentée, ce qui serait plus fort que ce que tous les humains et les humaines sont capables de faire. Bref ! La VSA, la vidéosurveillance algorithmique, n’est pas un simple logiciel. Elle analyse, en fait, des milliers d’heures de vidéos prises par des drones ou des caméras dans les rues, pour catégoriser les comportements, suivant ce que les autorités auront qualifié de suspect ou de anormal pour l’appliquer, en temps réel, sur les caméras de surveillance.

La phase de création de l’algorithme a consisté à apprendre à ce logiciel à reconnaître les situations. Le logiciel a été nourri, doté d’un volume immense de données, de vidéos, d’images, etc. Ensuite le constructeur, sur demande de la police, associe une règle – situation normale, situation anormale – et ça crée un gigantesque système de ciblage d’anomalies afin d’automatiser le travail de la police.

Pourquoi cette mobilisation ? Parce qu’il s’agit vraiment d’un réel changement d’échelle, de dimension de la surveillance et de l’industrialisation du travail d’image pour démultiplier les notifications, interpellations, etc., guidé par cette intelligence artificielle.

La VSA et la reconnaissance faciale reposent sur les mêmes algorithmes. On sait qu’à la mairie de Paris, par exemple, pour les JO de Paris, ils ont dit « on veut bien, on est d’accord pour la VSA, pas pour la reconnaissance faciale ». Mais, en fait, c’est la même source de données, c’est la même chose, ce sont les mêmes algorithmes d’analyse d’image et de surveillance biométrique. La seule différence c’est que la première isole et reconnaît des corps, des masses, des mouvements, des objets, là où la seconde, elle, détecte un visage.
Ce sont généralement les mêmes entreprises qui développent les deux technologies. Par exemple, la startup française Two-i s’est d’abord lancée sur la détection d’émotions, a voulu la tester dans les tramways niçois, avant d’expérimenter la reconnaissance faciale ailleurs, notamment pour les supporters de football à Metz, on s’en souvient. Finalement, l’entreprise se concentre maintenant sur la VSA et elle veut, évidemment, vendre tout ça à plusieurs communes de France.
Bref ! C’est une technologie, une technique biométrique intrinsèquement dangereuse et on se dit que l’accepter c’est ouvrir la voie à des pires outils de surveillance.

Le texte de loi JO 2024 comporte 11 articles qui ont été considérés par le Conseil d’État comme, je cite, « susceptibles de s’appliquer à d’autres situations que les jeux, et ce, de façon pérenne ». Ça veut dire que personne n’est dupe sur le fait que, soi-disant, ce serait simplement parce que les Jeux Olympiques, c’est vrai, ça va faire venir beaucoup de monde, ça va être dangereux, donc il faut faire attention. En fait non ! Tout le monde sait très bien que non. Le CNB, le Conseil national des barreaux, a également, bien entendu, fait connaître son opposition à tout ça. Mais pour autant, le texte, tranquillement, avec l’article dénoncé hier par La Quadrature du Net et d’ailleurs par d’autres personnes avant eux — en tout cas, eux concentrent ça pour une mobilisation —, avait déjà été voté par le Sénat. Il va arriver à l’Assemblée nationale dans quelques semaines, courant mars, et on ne sera pas trop pour le combattre et faire rejeter l’article !

Je cite le texte de la Quadrature du Net : « Voulu de longue date par le gouvernement et fortement poussé par la police et le marché grandissant de la sécurité privée, ce texte vise à donner une base légale à une technologie déjà présente dans les villes de France. Il ne s’agit pas d’une simple évolution technique mais d’un véritable changement de paradigme : à travers des algorithmes couplés aux caméras de surveillance, ces logiciels détectent, analysent, classent nos corps, nos comportements dans l’espace public. Le projet derrière ? Traquer les comportements soi-disant suspects, éradiquer de la rue des actions anodines mais perçues par l’État comme nuisibles ou anormales. Ces outils de surveillance biométrique sont intrinsèquement dangereux et ne peuvent être contenus par aucun garde-fou, qu’il soit légal ou technique. Les accepter c’est faire sauter les derniers remparts qui nous préservent d’une société de surveillance totale. »

Vous pourrez retrouver tous ces éléments-là dans la page de campagne de La Quadrature du Net sur leur site, laquadrature.net.
Ils et elles proposent plusieurs moyens d’action pour les prochaines semaines, par exemple appeler les député·es – les députés aiment bien quand on dit ça – pour les convaincre de voter contre l’article 7 et faire pression sur la majorité présidentielle et les élu·es qui pourraient changer le cours du vote ; envoyer des mails, organiser des réunions publiques, en parler en tout cas, lire les articles et en parler sur les réseaux sociaux par exemple.

Ce qui est sûr, c’est qu’il faut qu’il y ait une mobilisation assez forte, puisque ces choses-là ne sont pas nouvelles, on le sait, ça a déjà été beaucoup travaillé. Et devinez quoi ? Comme pour beaucoup d’autres sujets, les populations qu’on pourrait dire des populations « laboratoires », avec guillemets, sont... Allez, devinez qui ? Mais oui, bien sûr, les étrangers, les étrangères, les personnes qui fuient aux frontières, qui fuient un pays, une situation impossible, des dangers, et c’est évidemment sur elles qu’ont été travaillés et améliorés ces outils de surveillance avec la VSA.
Les JO sont donc, évidemment, un argument massue pour faire peur au vu du nombre de personnes que ça va faire déplacer. Noémie Levain, de La Quadrature du Net, précise : « C’est hyper politique. Si j’ai envie de faire trois fois le tour d’un pâté de maisons, j’ai le droit. C’est un outil qui va marquer dans le marbre ce qui avait déjà cours dans les politiques publiques. Et les personnes qui vivent dans la rue seront notamment stigmatisées. »

Au-delà, c’est également un marché économique de la data qui en tire un gros avantage. Et nous autres, qui sommes déjà parfois comme des données sur pattes avec nos téléphones, etc., on le sera encore plus à chaque fois que nous traverserons ou occuperons l’espace public.

Libres ? Vous avez dit libres ?

Frédéric Couchet : Merci, Isa.
On va quand même rappeler que les JO c’est Paris, mais pas qu’à Paris, c’est aussi en Seine-Saint-Denis, notamment à Saint-Denis. Mon collègue et moi sommes tous les deux Dionysiens, c’est-à-dire résidant à Saint-Denis, et, sur le salon web, il dit qu’à Saint-Denis on va bien se régaler avec la VSA, et nul doute, évidemment, que cette vidéosurveillance restera, malheureusement, après les JO.

Isabelle Carrère : Voilà !

Frédéric Couchet : Le site de La Quadrature du Net c’est donc laquadrature.net. Antanak, c’est antanak.com et, en plus, vous êtes nos voisines, au 18 rue Bernard Dimey dans le 18e arrondissement de Paris.

Isabelle Carrère : Absolument.

Frédéric Couchet : Je te remercie Isa. Bonne fin de journée.

Isabelle Carrère : Merci à vous.

Frédéric Couchet : Nous allons faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Après la pause musicale, nous parlerons de Drupal, un logiciel libre pour créer des sites web, et également, évidemment, de la communauté.
Nous allons écouter, en attendant, Solenopsis par Radio Déserte. On se retrouve dans trois minutes. Belle journée, l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Solenopsis par Radio Déserte.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Solenopsis par Radio Déserte, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC BY SA.

[Jingle]

Frédéric Couchet : On va maintenant passer au sujet principal du jour.

[Virgule musicale]

Le système de gestion de contenu Drupal avec Marine Gandy, présidente de l’Association Drupal France et Francophonie, et Cellou Diallo, secrétaire de l’Association Drupal France et Francophonie

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui va porter sur Drupal, un système de gestion de contenu, un logiciel libre pour créer des sites web et on ne va pas parler que de la technique, on va évidemment parler également du projet.
Nos invités du jour : Marine Gandy, présidente de l’Association Drupal France et Francophonie. Bonjour Marine.

Marine Gandy : Bonjour.

Frédéric Couchet : Et Cellou Diallo, secrétaire de l’Association Drupal France et Francophonie. Bonjour Cellou.

Cellou Diallo : Bonjour.

Frédéric Couchet : N’hésitez pas à participer à notre conversation soit en appelant au 09 72 51 55 46 ou sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat », salon #libreavous.

On va commencer tout simplement par une petite question de présentation personnelle. On va commencer par Marine Gandy.

Marine Gandy : Bonjour. Comme tu l’as dit je suis la présidente actuelle de l’Association francophone Drupal. Dans la vie j’ai été développeur sur le langage PHP, pour les personnes à qui ça parle, et maintenant je suis DevRel, donc je fais plus des relations avec la communauté des devs dans une entreprise qui s’appelle Platform.sh, qui est d’ailleurs née de Drupal, j’ai donc continué à garder Drupal dans mon parcours professionnel. Sinon je suis passionnée par plein d’autres choses dont les chats, Batman et le logiciel libre.

Frédéric Couchet : Très bien, c’est un bon combo ! Cellou.

Cellou Diallo : Je suis Cellou Diallo. Je suis développeur Drupal et je suis secrétaire de l’Association Drupal France et Francophonie. Je suis très passionné par les logiciels libres depuis un moment. Je suis contributeur OpenStreetMap, la cartographie collaborative mondiale, et j’ai longtemps travaillé aussi à Montpellier avec des associations du Libre comme Montpel’libre. Actuellement je travaille comme développeur Drupal dans une ESN, une entreprise de services numériques, et je suis en mission à la Banque de France.

Frédéric Couchet : Très bien. On en reparlera tout à l’heure : on peut travailler professionnellement avec Drupal et quels types de structures organisationnelles peuvent utiliser Drupal, la Banque de France c’est très intéressant.
Concernant Montpellier, on salue nos amis de Montpel’libre, notamment Pascal Arnoux qui organise beaucoup de choses sur Montpellier.

On va commencer par l’histoire de Drupal, mais avant de venir sur l’histoire de Drupal, comment définissez-vous Drupal en une phrase ou deux ? Marine.

Marine Gandy : Ah ! La question piège !
Drupal est un logiciel de gestion de contenu, comme tu l’as dit, en anglais c’est Content Management System, vous verrez souvent l’acronyme CMS. Ça ne vous parle pas forcément, mais, en gros, ça veut dire qu’on peut créer un site et gérer des contenus sans savoir coder. On a une interface avec un éditeur de texte, un peu comme des documents, et on peut publier facilement des articles et des pages.
Pour les personnes qui ne connaissent pas Drupal, je pense qu’elles connaissent peut-être WordPress qui est le plus gros CMS open source qui existe actuellement, basé aussi sur le langage PHP. C’est le même type de système. Je pense que ce n’est déjà pas mal pour une première approche.

Frédéric Couchet : Drupal permet de créer notamment des sites web et c’est né quand ? Comment ? Est-ce que c’est une initiative individuelle ? Une association ? Est-ce qu’il y avait un besoin ? En termes de dates quand est-ce qu’est né Drupal ? Cellou.

Cellou Diallo : Drupal, à la base, est né depuis 2000. Le créateur de Drupal est Dries Buytaert, il a créé Drupal quand il était étudiant à l’université. Ils avaient besoin d’avoir une connexion à Internet à l’université, ils ont réussi à faire un pont avec une connexion sans fil. Le besoin s’est fait sentir de communiquer, de créer un forum de discussion. Drupal est né à partir de la création de ce forum de discussion et, vers 2001, il a mis à disposition de la communauté le code source de ce site, de ce forum de discussion, qui est devenu plus tard Drupal.

Frédéric Couchet : Si je comprends bien, initialement ce n’était pas un logiciel pour créer des sites web généralistes, c’était plutôt un site pour gérer un forum de discussion et ce n’était pas sous licence libre dès le départ, c’est venu après, donc 2001. 2000 la création de Drupal.

Cellou Diallo : C’était à l’université, à la fac, c’était entre les étudiants.

Frédéric Couchet : C’était un projet d’étudiants dans le cadre de leurs études ou est-ce que c’était un projet que les étudiants faisaient parce qu’ils avaient envie de le faire ?

Cellou Diallo : C’était plutôt pour échanger à la fac, pour échanger sur leurs notes. C’était juste un forum de discussion entre les étudiants. Vous savez que les gros projets commencent souvent très petits et c’est comme ça que Drupal est devenu un logiciel libre. Il a mis le code source à disposition. Il faut ajouter que Drupal est un logiciel libre, un vrai logiciel libre, qui respecte les quatre degrés de liberté.

Frédéric Couchet : Rappelle les quatre degrés de liberté. Finalement on ne le fait pas souvent dans l’émission. Quelles sont les quatre libertés ?

Cellou Diallo : Les quatre degrés de liberté, c’est d’abord la liberté de l’utiliser, de l’exécuter, de le modifier, de le copier et de le redistribuer aux autres communautés. Globalement, ce sont les quatre degrés de liberté du logiciel libre.

Frédéric Couchet : L’utilisation, l’étude, la modification et la redistribution.
À partir de 2001 Drupal est un logiciel libre diffusé. Est-ce que tout de suite des personnes vont contribuer ? Ou est-ce que ça va prendre un peu plus de temps pour commencer à avoir de plus en plus de personnes qui vont contribuer à ce projet ? Si vous savez, et si vous ne savez pas vous me dites.

Cellou Diallo : Je pense que c’est venu au fur et à mesure. Il faut peut-être d’abord vulgariser pour que ça soit bien connu. Je pense que c’est venu au fur et à mesure.

Frédéric Couchet : D’accord.

Marine Gandy : Quelque chose qu’on n’a pas forcément signalé c’est que c’est un projet européen puisque Dries est belge.

Frédéric Couchet : On ne l’a pas dit.

Marine Gandy : C’est quelque chose qui est important et qui explique pourquoi Drupal est particulièrement présent en Europe, notamment au niveau des administrations, etc. Comme tu le disais, on reparlera plus tard des types de projets, mais c’est vraiment quelque chose qui est important dans son évolution.
Sur l’historique précis, comment c’est devenu populaire, j’avoue que je ne sais pas forcément, je n’étais pas là ! Mais, clairement, c’est devenu très populaire surtout à partir de Drupal 7 qui était la version la plus aboutie on va dire, la plus confortable, sachant que là, actuellement, on est à la version 10 qui est sortie en décembre.

Frédéric Couchet : J’aurais même dit Drupal 6.

Marine Gandy : Ça a vraiment explosé avec Drupal 7.

Frédéric Couchet : À quelle période à peu près ? Tu te souviens ?

Marine Gandy : J’ai commencé avec Drupal 7, il y a sept/huit ans, c’était déjà bien installé. La sortie exacte de Drupal 7, j’avoue que j’ai un trou, ça se retrouvera facilement. Par contre, actuellement, la moitié à peu près des sites Drupal sont encore sur du Drupal 7, pour dire que c’était vraiment une version palier.

Frédéric Couchet : Certains sont même encore en Drupal 6, on ne va pas balancer les noms ! Si vous cherchez bien vous saurez les trouver. Tu as dit que la dernière version c’est la 10 ou la 11 ?

Marine Gandy : La 10 qui vient de sortir en décembre.

Frédéric Couchet : Tout à l’heure tu as parlé de WordPress pour les gens qui ne connaissent pas forcément Drupal. Je crois me souvenir, j’avais regardé dans une page, que Drupal est le troisième système de gestion de contenu utilisé aujourd’hui derrière WordPress et Joomla ! C’est ça ou ça a changé ?

Marine Gandy : Les chiffres les plus récents, c’est plutôt le sixième parce qu’en fait on compte des CMS dédiés au e-commerce, par exemple Shopify. En gros, Drupal c’est 1,2 % du Web, ce qui correspond à 1,8 % des sites qui sont faits avec des CMS, donc derrière WordPress et beaucoup plus petit. WordPress c’est 40 % du Web, c’est assez énorme, ça dépend des chiffres mais c’est entre 30 et 40 %. Ce n’est pas du tout le même type de public, ce qui explique aussi que la part ne soit pas la même. Ça reste un CMS populaire. C’est vrai que ces dernières années beaucoup de nouveaux types de CMS sont apparus donc la concurrence est un peu rude.

Frédéric Couchet : OK. Les chiffres que j’ai vus devaient effectivement dater de quelques années, je regarde mes notes, de 2018 en fait.

Marine Gandy : C’est vrai que si on ne compte pas le e-commerce, on a effectivement cette position. Par rapport à Joomla ! qui me semblait actuellement un peu en perte de vitesse, je ne sais pas, j’avoue que je connais très peu cette communauté, je ne veux pas m’avancer.

Frédéric Couchet : J’étais un peu surpris de voir Joomla ! deuxième, mais je suis comme toi, je connais très mal.

Marine Gandy : Je pense que des gens doivent se dire « je n’ai jamais entendu parler de Drupal », et pourtant pas mal de monde s’en sert.

Frédéric Couchet : Tout à l’heure on citera des sites importants qui utilisent Drupal.
Pour finir sur l’historique, on voit déjà que c’est un logiciel libre qui existe depuis très longtemps, à partir de 2000/2001, on est aujourd’hui en 2023 donc ça se développe.
Il y a des logiciels de gestion de contenu qui sont toujours développés uniquement par des bénévoles, globalement, je vais prendre un exemple, Spip, dont on a parlé dans l’émission Libre à vous ! 123, donc libreavous.org/123. Par contre, côté Drupal et on y reviendra un peu plus en détail tout à l’heure, le fondateur a ensuite créé une société pour participer au développement, pour faire du service. Cellou.

Cellou Diallo : Acquia est la société qui porte un peu Drupal surtout côté business. Il faut quand même souligner l’importance de la communauté Drupal. La communauté Drupal a vraiment participé à développer le logiciel beaucoup plus. Je pense qu’il faut ces deux entités complètement différentes : Acquia est là, elle propose ses services, elle fait son business à côté, mais la communauté est là, elle est présente et elle fait beaucoup plus dans Drupal.

Frédéric Couchet : Donc il y a les deux. Il y a une entreprise qui participe au développement et il y a une communauté très forte qui contribue soit au développement direct de Drupal soit à des notions de modules qu’on expliquera un peu tout à l’heure.

Marine Gandy : Il y a même carrément une entité qui est la Drupal Association, une association américaine en l’occurrence, qui est donc l’association Drupal monde, et des petites associations locales comme nous. Il y a des associations par pays, notamment en Europe où nous sommes assez nombreux, parfois il y en même plusieurs par pays selon les structures d’association et le fait ou non de pouvoir collecter de l’argent. En Allemagne, par exemple, il y a deux structures parce que sinon c’est compliqué.
La communauté c’est plus de 100 000 personnes. J’ai recherché un peu des chiffres, merci à Nicolas, notre trésorier qui a fait ce gros travail de préparation pour nous, on a plus de 1500 contributions par mois ; ce sont beaucoup des personnes individuelles, des bénévoles comme on dit, qui prennent sur elles de rendre le logiciel plus sécurisé, plus performant avec de nouvelle features, de nouvelles fonctionnalités.
Il y a l’association qui essaye de pousser le développement de Drupal. Il y a les bénévoles qui peuvent, ou non, adhérer aux différentes associations, et Acquia qui est effectivement une entreprise et qui finance beaucoup de choses. Il y a notamment une équipe, la Acquia’s Drupal Acceleration Team, la DAT, qui va faire le travail de fond pour essayer d’améliorer un peu Drupal sur des choses sérieuses comme l’infrastructure, etc.

Je note juste qu’il y a beaucoup d’autres entreprises qui financent des choses dans Drupal. Acquia c’est l’entreprise de Dries, forcément tout le monde sait ce que c’est, mais beaucoup d’autres entreprises sponsorisent Drupal en donnant à la Drupal Association par exemple, ou en finançant du temps de contribution sur le temps de travail de leurs développeurs et développeuses.
Juste pour dire que l’écosystème est assez équilibré. Il y a des gens qui donnent individuellement du temps ou de l’argent et des entreprises qui font de même.

Frédéric Couchet : Ce que tu précises est important. C’est une façon de contribuer pour les entreprises qui utilisent Drupal : si, à un moment, elles ont un besoin fonctionnel qui peut bénéficier à tout le monde, le reverser dans le Drupal, dans la version officielle du logiciel, de manière à ce que ce soit intégré et que ça profite effectivement à tout le monde, c’est une façon importante de contribuer. D’ailleurs je crois que sur le site de l’Association Drupal France, drupal.fr, il y a une liste de prestataires qu’on peut retrouver, on en reparlera tout à l’heure, d’entreprises spécialisées sur Drupal.
Juste avant ça, on va passer au deuxième point, sauf si vous voulez rajouter quelque chose sur la partie historique. Non.

Drupal est un logiciel libre qui permet de créer des sites web, mais, globalement, comment fonctionne-t-il ? Quels sont les principes de base de Drupal ? Sur quoi ça repose ? Quelles sont les compétences nécessaires ? Essayer d’expliquer un petit peu, donner une idée. Est-ce qu’il faut être une personne super experte en PHP ? Tout à l’heure tu as dit que c’est un langage de programmation, ou, au contraire, est-ce que c’est accessible à tout le monde ? En fait, comment ça fonctionne ? Cellou.

Cellou Diallo : Je peux quand même dire que Drupal est accessible à presque tous les profils. C’est vrai que le CMS s’est beaucoup professionnalisé ces derniers temps. En fait, il y a deux niveaux dans Drupal. Il y a la partie Site Building, là il n’y a pas de code.

Frédéric Couchet : Explique ce qu’est Site Building.

Cellou Diallo : Site Building c’est la construction de sites, ce qui est construction de contenus, de types de contenus, de construction de pages, tout ça se fait en back-office, au niveau back-office du logiciel ; vous créez vos contenus, vos champs. Tout ça c’est du clic/clic avec des modules que l’on utilise. C’est la partie Site Building.
Il y a aussi la partie développement où il faut quand même avoir des compétences au niveau développement. Drupal est fait avec du PHP, il donc faut avoir des compétences en PHP.

Frédéric Couchet : Si je comprends bien, et je crois que Marine veut réagir, si on veut juste créer un site web, on peut s’en sortir juste en installant Drupal et ensuite en configurant son site web, ses champs, avec une interface, avec des boutons, des clics, etc. Marine.

Marine Gandy : Exactement. Je voulais ajouter à ce qu’a dit Cellou qu’on appelle ça aujourd’hui une approche no-code ou low-code. C’est un terme qui est devenu très à la mode, mais c’est vraiment ce que fait Drupal depuis le début, c’est-à-dire proposer une interface et il suffit de cliquer pour paramétrer selon ses préférences tout ce qui se passe sur le site et on n’a pas besoin de savoir coder.
Après, comme l’a dit aussi Cellou, c’est vrai que ces dernières années ça s’est pas mal professionnalisé. C’est donc un peu plus difficile, on va dire, d’installer un Drupal 10 qu’un Drupal 7, par exemple, si on ne connaît pas un petit peu des bases de code. Mais c’est vrai qu’on a beaucoup d’hébergeurs qui proposent des modules en un clic, donc on peut installer Drupal directement sur un hébergement et après on a accès à la configuration.
Il y a des choses à savoir, mais c’est vrai qu’il y a beaucoup de choses qu’on peut faire sans être d’un métier du développement.

Frédéric Couchet : Quand tu parles d’hébergeur, on peut imaginer que quelqu’un qui a envie de se créer un site web, par exemple pour son association, peut aller voir un hébergeur, je ne sais pas auquel tu penses, type Gandi, Online, OVH par exemple, et, chez certains, une offre de Drupal est préinstallée et ensuite le « seul travail », entre guillemets, mais qui reste important, c’est finalement d’adapter le contenu à son projet. C’est ça ?

Marine Gandy : Voilà. Après ça pose plein de questions. Nous venons du développement, nous ne recommandons pas forcément de faire ça, puisqu’il faut quand même pouvoir faire ce qu’on appelle du versioning. C’est important de versionner son site, de garder un historique de tout le code qui a été modifié pour pouvoir revenir en arrière si besoin, et aussi, bien sûr, des sauvegardes de la base de données, c’est très important puisque, dans un CMS, le but c’est d’avoir du contenu et le contenu est dans la base de données.
Il y a quand même des choses à savoir, mais ça sera vrai pour, j’ai envie de dire, n’importe quel type de site.

Frédéric Couchet : Oui. Et si on veut l’installer soi-même ? Tu dis que c’est plus compliqué, aujourd’hui, d’installer Drupal 10 soi-même. Pour quelles raisons ?

Marine Gandy : À partir de Drupal 8 il y a eu un énorme changement de structure. C’est vrai que la communauté était beaucoup plus hétéroclite, on va dire, avant, où des gens qui ne connaissaient pas forcément très bien le code arrivaient quand même à, je vais dire, bidouiller, à contribuer du code et faire des choses un peu par-ci par-là. À partir de Drupal 8 on est passé sur un framework qui s’appelle Symfony, un framework français, du langage PHP, qui est extrêmement populaire actuellement.

Frédéric Couchet : Peux-tu nous expliquer ce qu’est un framework ?

Marine Gandy : On va dire que c’est une boîte à outils, c’est comme un kit qui permet de démarrer plus vite sans avoir, à chaque fois, à réinventer la roue. On a déjà des roues, on les assemble un peu comme on veut et on peut s’appuyer sur cette structure pour construire son site. En fait, c’est exactement ce qu’a fait Drupal. Ils se sont appuyés sur des éléments de Symfony, donc des composants, pour reconstruire certaines parties du logiciel. Sauf que, du coup, c’est quelque chose qui est très, on va dire, poussé techniquement et ça demande des connaissances beaucoup plus avancées pour rentrer dedans.
On est notamment passé sur un outil qui s’appelle Composer, donc, maintenant, toutes les installations de modules – on reparlera plus tard de ça, bien sûr – , toute l’installation de Drupal se fait via ce gestionnaire de paquets, Composer, et ça implique forcément de savoir ce que c’est, comment ça marche, de lancer quelques lignes de commande sur le terminal d’un ordinateur, ce qui n’est pas forcément à la portée de tout le monde. La communauté travaille à rendre à nouveau simple l’installation de Drupal. J’imagine qu’on pourra préciser plus tard tous ces détails.

Frédéric Couchet : Cellou, tu voulais réagir ?

Cellou Diallo : En fait, comme l’a dit Marine, Drupal 8 a connu un changement à 180 degrés de son API [par rapport à la version précedente Drupal 7, Note de l’intervenant], avec non seulement de nouveaux concepts, surtout du PHP orientés objet et tout ça, ce qui fait qu’il faut quand même avoir certaines compétences dessus, mais, au niveau back-office, beaucoup de choses sont faisables.

Frédéric Couchet : Qu’est-ce que tu entends par back-office ?

Cellou Diallo : Le back-office c’est un peu la face cachée. Il y a le front, tout ce que l’utilisateur voit, en particulier avec le navigateur, et le back-office c’est la partie cachée de l’iceberg où on configure tout le site, on crée les champs, on configure tous les contenus. En fait, on peut faire beaucoup de choses avec Drupal rien qu’avec le Site Building, mais pour personnaliser certaines choses, il faut vraiment des modules custom, il faut vraiment faire des développements personnalisés.

Frédéric Couchet : Justement, c’est un bon point que tu abordes. À l’April, on connaît un peu Drupal parce que notre site est actuellement sur Drupal, et, pour que les gens comprennent bien, il y a effectivement la base du logiciel et, à côté, il y a plein de modules qui existent, soit développés par la communauté soit rajoutés. Cette pléthore de modules est une des forces et, sans doute, une des faiblesses, peut-être, de Drupal ou d’autres outils qui ont ce même système. Cela pose parfois la question de savoir comment on choisit le module qui va permettre d’avoir telle fonctionnalité et que va devenir ce module en cas de mise à jour de version de Drupal. Dans l’historique que j’avais de Drupal, c’est l’un des points qui nous paraissait compliqué à suivre : le choix du module. Est-ce que le module va pouvoir évoluer en fonction des versions de Drupal ? Est-ce que c’est toujours le cas ? Est-ce qu’il y a toujours cette difficulté-là ?

Cellou Diallo : Comme tu l’as dit, il y a le cœur de Drupal, le core, le module du cœur, et il y a les modules contribués qui sont développés par la communauté. Il y a aussi les modules customs, que tu peux faire toi-même si tu as un besoin spécifique.
Au niveau des modules contribués, c’est vrai qu’il y a beaucoup de modules en fonction du besoin. Pour le module contribué il faut d’abord voir l’utilisation du module, les statistiques d’utilisation, tout est dans la documentation, dans drupal.org. Il faut d’abord voir si le module est beaucoup utilisé par la communauté. Il faut voir si le module est pris en charge au niveau sécurité et aussi voir au niveau des issues. Il y a, en fait, beaucoup de paramètres qu’il faut prendre en compte avant de choisir un module contribué. Ça ne sert à rien de développer un truc à côté lorsqu’il y a un module contribué qui le fait, ça ne sert à rien de réinventer la roue. Les modules contribués contribuent quand même vraiment aux besoins des constructeurs de sites sous Drupal.
Dernièrement la communauté, l’équipe Drupal, a commencé à sortir certains modules du cœur pour alléger un peu le noyau Drupal, pour ne pas avoir plein de modules dedans, et intégrer d’autres modules qui sont quand même très importants, comme Views, qui a été intégré dans le cœur depuis Drupal 8.

Frédéric Couchet : Le module Views.

Cellou Diallo : Views, Vues. C’est un module essentiel, indispensable.

Frédéric Couchet : Explique-le. Je pourrais l’expliquer, mais j’ai peur de me tromper.

Cellou Diallo : Views est un module, comme « Vues », qui permet de construire les pages, de placer les contenus en fonction du besoin. Vous pouvez placer des contenus par exemple dans un bloc où vous voulez afficher les cinq dernières actualités ou, je ne sais pas, afficher des contenus sous forme de teaser ou de flux, des modes de vues, en fait.

Frédéric Couchet : En fait, c’est une façon d’afficher du contenu par rapport à un certain nombre de critères. Si les personnes qui nous écoutent veulent avoir une idée, allez sur april.org, le site de l’association, c’est un site Drupal, vous allez voir « Dernières actualités », eh bien c’est construit à partir de Views.

Cellou Diallo : Views permet de faire ça et il peut faire encore beaucoup plus que ça.

Marine Gandy : On peut résumer en disant que c’est un constructeur de pages très puissant. Ça permet de mettre beaucoup de filtres, de personnaliser vraiment l’affichage, de récupérer beaucoup de choses. Ça fait effectivement partie des fonctionnalités qui étaient, avant, dans les modules contribués et qui est maintenant entré dans le cœur de Drupal. Quand on dit qu’on installe Drupal, on installe le cœur.

Frédéric Couchet : Ce qui fait que quand on installe Drupal, on a ce module Vues, Views, par défaut. Est-ce que ça change aussi le fait qu’il va être maintenu par défaut par rapport aux versions de Drupal qui vont venir ?

Marine Gandy : Exactement. C’est vrai qu’on n’a pas le même engagement sur les mises à jour quand ce sont des fonctionnalités qui sont dans le cœur. Là, du coup, c’est vraiment l’équipe Drupal, ce qu’on appelle les release managers, toutes les personnes qui gèrent vraiment le cœur de Drupal ainsi que les personnes qui sont payées à plein temps pour faire ça qui ont un engagement de maintien là-dessus. Pour les modules contribués, contrairement, ce sont des personnes bénévoles qui les ont créés, qui les mettent à disposition et qui les maintiennent et ça dépend de la disponibilité de personnes individuelles. Ça fait effectivement une différence.

Frédéric Couchet : OK. Tu as employé le mot « puissant », je crois. Après la pause musicale on parlera justement de la puissance de Drupal versus la complexité de Drupal, savoir à qui ça s’adresse en termes de public.
On va d’abord faire une pause musicale. Je sais que je n’ai pas prévenu la régie, mais la régie est prête, en plus aujourd’hui ils sont deux, il y en a un qui est assis et l’autre qui est debout.
Nous allons écouter Vacs In The Morning par Martijn Schmit. On se retrouve dans environ 3 minutes 20. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Vacs In The Morning par Martijn Schmit.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Vacs In The Morning par Martijn Schmit, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC BY SA.

[Jingle]

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre notre discussion qui porte sur le système de gestion de contenu Drupal, qui permet de créer des sites web, avec Marine Gandy et Cellou Diallo.
On va poursuive un petit peu sur le sujet sur lequel on était juste avant la pause musicale. Je disais, Marine, que tu avais employé le terme « puissant », et ça me faisait penser aussi à « complexité », parce que Drupal permet, et je crois que Cellou l’a dit tout à l’heure, de faire à peu près tout ce qu’on veut, mais quand on peut faire tout ce qu’on veut, des fois ça peut être très compliqué à mettre en œuvre.
À quels types de projets s’adresse Drupal ? À quels types de structures ce logiciel de création de sites web peut-il convenir ? Marine.

Marine Gandy : La typologie de projets et de clients qu’on peut avoir avec Drupal est assez variée. En France, on a beaucoup de sites du gouvernement, des institutions françaises, qui utilisent Drupal. Je peux dire en un mot que Drupal c’est bien pour des gros projets. Si on a besoin d’avoir la main sur des détails de gestion fine, c’est très bien. D’aucuns diront « usine à gaz », c’est vrai qu’un reproche souvent fait à Drupal c’est d’avoir trop d’options. Effectivement, c’est peut-être moins indiqué pour un tout petit projet, si on n’a pas besoin de fonctionnalités avancées ce n’est peut-être pas très intéressant de passer par Drupal. Mais, en réalité, c’est un outil qui est très adapté aussi bien pour des blogs – par exemple mon blog est sur Drupal, tout bêtement, je reste sur ce que je connais – , aussi bien que pour des sites d’institutions, des grandes écoles, beaucoup d’universités. Par exemple, en Australie, ils ont même leur propre distribution Drupal pour les sites du gouvernement, qui s’appelle GovCMS. Après, beaucoup de sites de grands comptes aussi, beaucoup de sites de grandes entreprises du CAC 40 sont sur du Drupal, je ne vais peut-être pas citer 12 noms ; je sais, par exemple, que Nestlé a énormément de sites, des choses comme ça. Et aussi beaucoup de sites associatifs.

Frédéric Couchet : De petites associations ou de grosses associations ?

Marine Gandy : Un peu tout, en fait. Il y a un aspect dont on n’a pas forcément parlé : Drupal c’est très bien pour faire des usines à sites. Ce qu’on appelle une usine à sites c’est, en gros, de pouvoir gérer sur une même base de code, une multiplicité de minis sites. Je pense à un exemple : la Banque Alimentaire a un site institutionnel et, après, ils ont un site par ville, par région, et ça marche très bien avec Drupal en l’occurrence. Donc de grosses associations comme ça, je pense aussi à la SNSM, les Sauveteurs en Mer. On a aussi des marques de luxe, des sites éditoriaux, des magazines, c’est assez varié en fait.

Frédéric Couchet : D’accord. Quelles compétences faut-il ? Est-ce qu’il faut une équipe technique quand même assez forte ? C’est le sentiment que j’ai, franchement. Comme tu disais tout à l’heure, Marine, c’est une usine à gaz, on peut faire plein de trucs. Par rapport à d’autres outils dont la prise en main est beaucoup plus rapide, il faut quand même investir donc il faut avoir soit des équipes qui ont du temps, soit qui ont des compétences ou est-ce que c’est finalement une mauvaise image que j’ai de Drupal ? Cellou.

Cellou Diallo : Bien sûr, je te donne bien raison, il faut quand même une très bonne équipe technique pour Drupal, surtout pour des gros sites. Le constat que j’ai et le constat qui est fait actuellement par rapport aux demandes, il y a moins de compétences Drupal sur le marché, c’est-à-dire que les développeurs Drupal sont actuellement très recherchés sur le marché. Pour développer un site Drupal, il faut vraiment une très bonne équipe, bien mise en place, parce qu’avec Drupal, comme je l’ai dit, il y a le côté back-office et il y a aussi le côté front, donc il faut avoir une très bonne équipe sur ces différentes possibilités.

Frédéric Couchet : Ça veut dire, pour les personnes qui cherchent aujourd’hui du travail dans le Libre et qui aiment faire du Web, se spécialiser un peu sur Drupal va leur permettre de trouver finalement du travail, puisqu’on manque de ces profils ?

Cellou Diallo : Oui, c’est très recherché. Sur Linkedin, dans la semaine je reçois plus de 20 messages pour me proposer des missions.

Frédéric Couchet : Linkedin c’est le réseau social autour de l’emploi. Alors que tu es en poste, comme tu l’as dit, tu reçois quand même une vingtaine d’offres chaque semaine.

Cellou Diallo : Tout à fait. Bien que je sois en poste, j’en reçois tout le temps et je ne peux pas répondre à tout.

Marine Gandy : J’en profite pour faire un petit clin d’œil à toutes les personnes qui travaillent dans l’enseignement supérieur : si vous voulez proposer des cours de Drupal, c’est le bon moment et vous garantissez effectivement à vos étudiants des débouchés intéressants parce que le marché est très demandeur de développeurs Drupal spécialisés. C’est vrai que, dans le supérieur, il n’y a pas forcément grand monde qui propose des cours sur Drupal, alors que, par exemple pour WordPress, ça existe, j’en ai moi-même fait à l’IUT. N’hésitez pas à nous contacter à l’association pour mettre en place un programme, nous serions très preneurs de ce genre de chose.

Frédéric Couchet : Vous allez sur drupal.fr pour proposer ça.
Dernière question sur les compétences : s’il y a effectivement un manque de développeurs et de développeuses professionnels pour Drupal, j’imagine que du temps bénévole pour des associations qui n’ont pas de service informatique ou qui n’ont pas de bénévoles informaticiens ou informaticiennes, qui vont faire appel à des bénévoles, ça va être très compliqué. Vous êtes déjà surchargés par vos activités professionnelles, j’imagine bien qu’avoir des personnes bénévoles qui vont aider à mettre en place un site Drupal, ça va être très compliqué. Ma question n’est pas totalement innocente : même l’April, une association qui regroupe quand même quelques informaticiennes et quelques informaticiens, a eu cette problématique-là, il y a quelques années. Est-ce que cette problématique existe toujours : je suis une association, je ne fonctionne qu’en bénévoles, je vais quand même arriver à trouver des bénévoles qui vont m’aider sur Drupal ?

Marine Gandy : J’ai deux choses pour répondre à ça.
La première c’est qu’effectivement la communauté Drupal est très consciente du fait qu’il y a une grosse courbe d’apprentissage. Rentrer dans Drupal c’est moins facile que sur d’autres CMS, ça fait des années qu’on en parle dans la communauté. Tous les ans il y a une grosse conférence qui s’appelle la DrupalCon, qui a lieu une aux États-Unis et une en Europe, et, à cette occasion, Dries, le fondateur, fait toujours un petit état de Drupal. Il y a quatre ans, je crois, il avait fait un graphe, il y avait eu un sondage sur la satisfaction des développeurs et développeuses à travailler avec différents CMS. On voyait, pour un niveau débutant, que la satisfaction n’était pas terrible sur Drupal, mais dès que les gens commençaient à maîtriser un petit peu, ça devenait, et de loin, leur préféré.
Depuis quelques années, notre travail dans la communauté c’est d’essayer d’aplanir cette courbe au début pour que ça soit plus accueillant pour les personnes qui découvrent. C’est un sujet qui est identifié dans la communauté mais ça prend du temps. Des ressources ne sont pas forcément toujours disponibles, surtout quand il s’agit de design, de l’expérience utilisateur, ce sont des compétences qui sont un peu rares dans le monde de l’open source, c’est toujours un peu le parent pauvre. Il y a des choses qui sont mises en place, on pourra peut-être détailler plus tard.

La deuxième chose. Une association qui s’appelait WebAssoc, si je ne me trompe pas, était spécialisée là-dedans et a fermé il y a quelque temps ; on connaît bien Alexane, la présidente, parce qu’elle a été au bureau de l’association Drupal France, je la salue. C’est vrai qu’il y avait des compétences Drupal, des gens de l’association qui avaient mis du temps à disposition pour aider d’autres associations avec leur site, effectivement, surtout que c’était à l’époque où on voulait migrer de Drupal 7 vers les dernières versions et ce ne sont pas des choses qui sont faciles à faire, surtout entre ces deux versions-là. C’est vrai que c’est sûrement plus dur de trouver des bénévoles Drupal que, par exemple, pour WordPress, parce que, déjà, la taille de la communauté n’est pas comparable.
En revanche, on a beaucoup de gens qui sont très passionnés par l’open source et par les valeurs qui sous-tendent ça. On a un outil, un chat, c’est Slack, ce n’est pas open source, mais on a une version associative gratuite et pas le temps de maintenir quelque chose, désolée. En l’occurrence, c’est un lieu de vie qui est assez prisé finalement, on a pas mal d’échanges là-dessus et tous les jours des gens posent des questions sur notre channel de support et trouvent des réponses par des gens qui donnent de leur temps pour les aider. Parfois, des associations nous ont contactés et des personnes ont pris sur elles de dire « j’ai un peu de temps, je vais les aider ».
Donc ce n’est pas forcément incompatible. Ce n’est pas parce que Drupal est moins facile d’accès qu’il n’y a pas une vraie communauté derrière. Au contraire, c’est ce qui fait sa force en fait.

Frédéric Couchet : Très bien. Tu fais la transition. Le temps file. Justement la communauté – c’est aussi une des forces globales du logiciel libre, ce n’est pas vrai avec tous les logiciels libres, mais souvent c’est assez vrai – , la force de la communauté Drupal, ou des communautés puisqu’il peut y en avoir plusieurs qui fonctionnent différemment. Là-dessus, j’ai déjà envie de vous demander ce que fait Drupal France en termes de communauté ?

Marine Gandy : On traduit en français ! Je rigole !
Déjà, premièrement, il faut savoir qu’une des grosses forces de Drupal c’est le fait qu’il est nativement multilingue, donc n’importe qui peut, aujourd’hui, contribuer à aller traduire l’interface de Drupal pour que, quand on l’installe, on puisse l’avoir dans sa langue. Cellou peut en parler mieux que moi puisqu’il est très impliqué dans l’équipe de traduction.

Frédéric Couchet : Cellou.

Cellou Diallo : Il y a effectivement une équipe traduction Drupal, traduction en français, une équipe chapeautée par l’Association Drupal France et Francophonie. L’équipe a mis en place un glossaire qui renferme des termes de traduction en français, qu’on peut rencontrer dans Drupal, et un certain nombre de bonnes pratiques ont été mises en place. On organise des journées dédiées à la traduction ; ça peut être traduction de l’interface utilisateur Drupal, traduction de modules, traduction de la documentation utilisateur. On fait une réunion chaque mardi. Aujourd’hui, justement, on a une réunion à 18 heures 30, une réunion de l’équipe de traduction.

Frédéric Couchet : Une réunion en ligne.

Cellou Diallo : Oui, une réunion en ligne.

Marine Gandy : Si vous voulez vous joindre à eux ! Plus on est de fous, plus on rit ! Il y a toujours des choses à traduire. C’est vrai qu’au-delà de juste la traduction de Drupal, il y a effectivement une volonté, c’est pour ça que l’association s’appelle France et Francophonie, de proposer du contenu Drupal en français puisque tout le monde ne parle pas anglais à un niveau suffisant pour profiter un peu de toutes les ressources qui sont produites. On essaye de mettre à disposition de la documentation, on faut régulièrement des meetups, des petites rencontres où on a un ou plusieurs présentateurs ou présentatrices qui viennent nous parler d’un nouveau module qu’ils ont écrit, par exemple, ou des retours d’expérience, un gros projet, comment on a fait telle ou telle chose. En gros, on partage de la connaissance, on produit de la connaissance et nous, surtout depuis le Covid, au moins depuis deux ans, tous les mois on fait ces rencontres en ligne qui sont ensuite disponibles sur notre chaîne YouTube, on a des vidéos pour pouvoir en profiter plus tard. Cette année on essaye aussi de refaire des rencontres en personne. C’est principalement ça : on essaye d’animer la communauté et de proposer un peu un soutien on va dire pratique et logistique à toutes les personnes qui ont envie de faire des choses, tout simplement.

Frédéric Couchet : On parle vidéo, je ne sais pas si c’est au Forum PHP ou à Paris Web, mais je crois que tu y as une vidéo récente « Je vous dis tout sur Drupal ».

Marine Gandy : Au Forum PHP, « Drupal je vous 10 tout ».

Frédéric Couchet : Forum PHP, « Drupal je vous 10 tout ». Je vous mettrai le lien comme ça vous irez un peu plus à la découverte de Drupal parce que là ce n’est qu’une introduction et il nous reste une dizaine de minutes, je mettrai le lien vers la vidéo de Marine.
Pendant la pause musicale, tu parlais de la communauté, notamment des différentes façons de contribuer, comment les personnes pouvaient contribuer à la communauté, un des exemples, ce sont les évènements.

Marine Gandy : Un truc vraiment important, on a un petit slogan dans Drupal, Venez pour le code, restez pour la communauté, c’est vraiment ce qui m’est arrivé et, Cellou, je pense que c’est un peu pareil pour toi. Une des forces de Drupal c’est de reconnaître toutes les contributions. Il n’y a pas que le code dans la vie. On a notamment un système de crédits sur le site drupal.org quand on a un compte : quand on partage du code ou qu’on aide à résoudre des bugs, on a des crédits et cela marche aussi pour d’autres types de contributions : ça peut être organiser un événement, présenter un sujet, faire de la pub pour Drupal, participer à la traduction, proposer des choses en termes de design. En fait, tout ce qu’on peut faire pour améliorer la communauté, l’image du logiciel et ses qualités, peut être reconnu comme une contribution, ce qui est génial. Je vous disais que tous les profils sont les bienvenus et c’est vrai : on peut être designer, on peut être juste rédacteur ou rédactrice web et pouvoir contribuer à Drupal grâce à ça. Ça fait partie des choses qui rendent la communauté très accueillante et quand même relativement inclusive, j’ose dire.

Frédéric Couchet : Tu as vu ce que j’ai marqué sur ma feuille ? Je blague ! Elle vient de prononcer le mot « inclusive » et, sur ma feuille, je venais de marquer le mot « inclusivité » pour me dire que j’allais poser la question juste derrière. Je vais poser la question pour que tu puisses enchaîner. Je suppose, j’en suis certain vu que je sais à peu près aussi ce que tu fais : quelles sont les actions que mène la communauté Drupal justement pour l’inclusivité ?

Marine Gandy : Déjà il y a un groupe Diversity & Inclusion, qui a son propre logo ; il y a eu beaucoup de choses sur les femmes dans la tech et tout ça. C’est vrai qu’il y a des actions là-dessus. Je sais qu’il y a aussi des groupes, plus côté américain, je pense que n’importe qui peut rejoindre, sur, par exemple, les personnes noires dans la communauté Drupal avec leurs propres contraintes, etc. Ça permet de se regrouper entre personnes qui ont un peu la même expérience dans l’industrie de la tech qui est quand même très normée sur un même type de profils. On voit beaucoup, dans Drupal, des personnes qu’on ne voit pas forcément ailleurs dans la tech, peut-être issues aussi de parcours de reconversion, la communauté étant très accueillante c’est un peu plus facile de se sentir à sa place quand on n’a pas le profil type.

L’aspect communautaire est vraiment quelque chose qui est essentiel, il n’y aurait pas de Drupal sans la communauté ; homme, femme, trans, peu importe sa couleur de peau, son orientation, etc., on est bienvenu. Bien sûr, comme dans toutes les communautés, ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas des pommes pourries, comme on dit, je ne peux pas garantir que ce sera parfait, ça n’existe pas, mais on trouve sa place.
Cellou, tu as aussi une expérience à partager.

Frédéric Couchet : Cellou a aussi une expérience à partager.

Cellou Diallo : Marine vient d’évoquer un slogan que j’aime beaucoup dans Drupal, Come for the software, stay for the community, c’est-à-dire que tu viens pour le logiciel et tu restes pour la communauté.
À Montpellier, des meetups Drupal sont organisés une fois par mois. La première fois je suis venu par curiosité, c’était pour connaître Drupal, c’est-à-dire l’outil. Il y avait un sujet qui n’était pas du tout orienté débutant, un sujet vraiment avancé sur Drupal, j’avoue que je n’ai rien compris à la présentation ; c’était ma première fois sur Drupal, mais j’ai trouvé une communauté bienveillante, accueillante, ouverte, donc ça m’a encouragé à revenir la fois suivante. C’est comme ça que je me suis intégré dans la communauté et, chaque mois, je venais. Au fur et à mesure j’ai appris Drupal jusqu’à ce que je propose moi-même des présentations ; c’est un partage de connaissances.
Ce côté communauté de Drupal est quelque chose qui est très important, que j’ai beaucoup apprécié. Je suis resté à cause de la communauté, sinon je serais parti le premier jour quand je suis tombé sur un sujet que je ne comprenais pas ; j’aurais pu partir, mais je suis resté à cause des personnes, des humains que j’ai trouvés là. Le côté humain est très important dans Drupal, ce n’est pas que le logiciel.

Marine Gandy : Tout à fait. D’ailleurs, si vous venez poser une question sur notre Slack ou sur le Slack de la Drupal Association en anglais, on n’a pas des gens qui vont dire « va lire la doc ! », non ! On va essayer de répondre. On sait à quel point c’est difficile, justement, de rentrer dans Drupal, donc on ne veut pas décourager les gens. On est tous Parmi les actions concrètes sur ce sujet-là, la Drupal Association organise tous les ans la DrupalCon, la grosse conférence Drupal, notamment aux États-Unis et en Europe, et, tous les ans, il y a des bourses pour les personnes qui, justement, ne sont pas dans les cases et n’ont pas forcément les ressources. Ça reste des conférences assez chères, c’est une semaine, le billet est en moyenne dans les 700 euros, donc c’est prohibitif ; si on n’a pas une entreprise qui peut nous envoyer, ce n’est pas possible. Donc ils offrent des places tous les ans à des personnes qui en ont besoin, qui pourront, comme ça, partager à leur communauté locale ce qu’elles auront appris dans ces conférences-là. Il y a donc cette volonté de nourrir un peu tout le monde.
C’est quelque chose qui nous touche particulièrement, comme nous sommes axés sur la francophonie, on veut essayer de proposer du contenu pas qu’aux Français de France, mais à toutes les personnes qui parlent français, qui ont besoin de ces contenus en français. C’est vrai que des fois, dans nos meetups en ligne, on a eu des personnes du Canada, de certains pays d’Afrique divers et variés, même nos voisins suisses et belges qui ont leurs associations locales ; il arrive régulièrement qu’on aille les uns chez les autres pour profiter un peu de ce tissu associatif et humain.

Frédéric Couchet : D’accord. La DrupalCon a déjà eu lieu en France ? Elle n’aura pas bientôt lieu en France ?

Marine Gandy : J’espérais que tu poses la question. La dernière fois,en France, elle a eu lieu en 2009 et la prochaine fois c’est cette année à Lille.

Frédéric Couchet : À Lille. Quelles sont les dates ?

Marine Gandy : Du 17 au 20 octobre à Lille.

Frédéric Couchet : On en reparlera à ce moment-là.

Marine Gandy : Dans ma valise j’ai la mascotte qui s’appelle Lil’Rooster, qui est un coq de toute beauté, une grosse peluche assez massive, on vous fera des photos. Pour encourager un petit peu, on va dire, une petite excitation parce que ça fait longtemps que ça n’a pas eu lieu en France, on organise, avec l’association, ce qu’on a appelé le Warm-Up Tour, un peu sur le principe des tournées de concerts avant les gros festivals, un tour de chauffe, exactement. Tous les mois, dans plein de villes de France, il y aura des rencontres en personne avec différents partenaires, donc des entreprises qui hébergent la présentation, retransmises sur notre chaîne YouTube en direct pour les personnes qui sont loin. Il y a toujours un petit snack, un petit truc à boire après, c’est traditionnel, pour pouvoir profiter de se retrouver. Le calendrier sera dévoilé petit à petit, une newsletter va partir. Il y a de l’actualité sur Drupal, notamment en France et en Europe et ça nous fait vraiment plaisir.

Frédéric Couchet : En tout cas, si les gens qui nous écoutent doivent retenir une chose, c’est que la communauté Drupal est accueillante et quel que soit « votre passé », entre guillemets, ou qui vous êtes, vous serez bien accueilli dans Drupal.
Il nous reste très peu de temps, en tout cas il nous reste le temps de la dernière question ou, si vous avez encore un mot à ajouter, n’hésitez pas ! La question un petit peu habituelle de fin d’émission : pour conclure, quels sont les éléments clés que vous souhaiteriez que les gens retiennent, en deux minutes chacune et chacun. On va commencer par Cellou Diallo.

Cellou Diallo : Je dirais que l’un des éléments clé de Drupal c’est plutôt la communauté. J’invite toutes les personnes intéressées à venir vers la communauté, à s’intéresser à Drupal, mais pas que, surtout à s’intéresser à la communauté. Certaines personnes travaillent professionnellement dans des entreprises, sont développeurs Drupal, mais ne s’intègrent pas, ne viennent pas vers la communauté, ne connaissent même pas l’existence de la communauté. Venir vers la communauté permet de changer un peu de l’environnement de l’entreprise et on apprend beaucoup, moi j’ai beaucoup appris.
Je tiens aussi à ajouter qu’il y a des meetups en présentiel sur Paris, sur Drupal, on alterne un peu, un mois on organise un Drinking Drupal.

Marine Gandy : On a traduit ça par DrupApéro.

Cellou Diallo : DrupApéro, on se rencontre dans un bar, on boit ensemble, on parle de Drupal, des actualités, et le mois suivant on organise un meetup. Ce sont des meetups en présentiel, au-delà de ceux qu’on organise à distance. J’appelle les gens à venir, la communauté est très cool, très accueillante, ils se sentiront très bien.

Frédéric Couchet : Super. Marine Gandy.

Marine Gandy : Cellou a déjà bien parlé de la communauté, je vais axer mon point un petit peu sur la partie professionnelle.
C’est vrai que pendant longtemps, je pense, Drupal a eu cette image un peu ringarde auprès des développeurs et des développeuses. C’est vrai que c’est construit sur une technologie, PHP, un langage qui est très âgé, très mature, mais, du coup, qui entre un peu dans ce que beaucoup de techniciens pensent être de la bonne tech ; c’est ennuyeux, ce n’est pas le nouveau truc à la mode, mais ça marche bien et ça a fait ses preuves. C’est vrai que Drupal est là depuis longtemps, c’est un peu un meuble, on ne le regarde plus trop et c’est une grosse erreur. Je pense que quand on travaille dans le développement, il faut faire sa veille technologique proprement.
Plein de choses se modernisent dans Drupal, que ce soit au niveau technique ou juste au niveau structurel. Qu’on soit dans la partie un peu clic, dans le back-office, ou dans la partie vraiment développement/custom, on peut s’amuser.
Si vous aimez les challenges, faire des choses avancées techniquement, vous pouvez le faire sur Drupal, il faut juste trouver la bonne taille de projet et il y a énormément de projets très pointus dans Drupal, dans l’industrie automobile, dans la banque, avec des challenges vraiment spécifiques à ces domaines de métiers.
Ça peut être un outil qui peut convenir même pour les devs qui aiment bien faire des choses pointues.

Frédéric Couchet : Je signale à Jojo — je ne sais pas du tout qui c’est, peut-être que c’est quelqu’un que vous connaissez — qui est arrivé sur le salon web et qui dit « arf, j’arrive à la fin ! », que le podcast sera bien sûr disponible d’ici quelques jours, plutôt lundi je dirais, je crois que la personne qui va traiter le podcast va le faire ce week-end.
En tout cas à vous écouter, j’ai l’impression que l’année 2023 va être l’année Drupal et, en ce 14 février, c’est un peu une déclaration d’amour à Drupal et à sa communauté. D’ailleurs, pour finir, j’en profite pour signaler que Marie-Odile Morandi, qui transcrit beaucoup de vidéos et d’audio pour le site librealire.org, dit « deux personne très sympas qui encouragent à se rapprocher de leur communauté ». Je partage cet avis. Je crois que vous avez bien parlé de la force de la communauté, au-delà des capacités du logiciel qui a encore de quoi faire « triper » et amuser des devs aujourd’hui, en 2023, « malgré » le fait que ce soit du PHP, malgré entre guillemets.
Je vous remercie. Nos invités du jour étaient Marine Gandy, présidente de l’Association Drupal France et Francophonie, et Cellou Diallo qui est secrétaire de l’association.
Je vous remercie d’être venus, surtout d’être venus sur place. Je vous souhaite une belle fin de journée.

Marine Gandy : Merci pour l’invitation.

Cellou Diallo : Merci.

Frédéric Couchet : Nous allons faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Après la pause musicale nous entendrons la chronique de Jean-Christophe Becquet qui nous parlera de BrailleRAP, une embosseuse ou machine à écrire en braille sous licence de matériel libre. En attendant, et comme c’est d’actualité, nous allons écouter Grève angélique par KPTN. On se retrouve dans quatre minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Grève angélique par KPTN.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : « Les anges partir déchus », j’aime beaucoup la fin de cette chanson, Grève angélique par KPTN, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC BY SA.

[Jingle]

Frédéric Couchet : Nous allons passer au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Chronique « Pépites libres » de Jean-Christophe Becquet, vice-président de l’April, sur BrailleRAP, une embosseuse ou machine à écrire en braille sous licence de matériel libre

Frédéric Couchet : Texte, image, vidéo ou base de données, sélectionnée pour son intérêt artistique, pédagogique, insolite, utile, Jean-Christophe Becquet nous présente une ressource sous une licence libre. Les autrices et auteurs de ces pépites ont choisi de mettre en avant l’accent sur les libertés accordées à leur public, parfois avec la complicité du chroniqueur. C’est la chronique « Pépites libres » de Jean-Christophe Becquet, vice-président de l’April.
Jean-Christophe, tu es avec nous au téléphone ?

Jean-Christophe Becquet : Oui. Bonjour à tous, bonjour à toutes.
Le braille, du nom de son inventeur, est un système d’écriture présenté pour la première fois en 1829. Il permet aux personnes aveugles ou malvoyantes de lire à travers des points en relief perçus de manière tactile avec la pulpe des doigts. Chaque caractère est représenté sur une matrice de six points, disposés en deux colonnes, offrant 63 combinaisons.

Embosseuse est le terme consacré pour désigner une machine à écrire en braille.
BrailleRAP est une embosseuse dont le procédé de fabrication est partagé sous licence libre. Ce partage s’appuie sur la licence CERN Open Hardware Licence version 1.2. Il s’agit d’une licence copyleft, pour le matériel libre, proposée par le Centre européen pour la recherche nucléaire de Genève. Vous pouvez ainsi utiliser BrailleRAP librement, construire la vôtre, et même la vendre.

Les différentes étapes de la fabrication : impression 3D, découpe laser des planches, préparation mécanique et électronique, assemblage, sont documentées et les plans disponibles sur le site web braillerap.org. Le projet s’appuie également sur des logiciels comme Natbraille pour la transcription des textes en braille et Marlin Firmware pour la gestion de la carte contrôleur, tous deux sous licence libre GPL GNU General Public License .
Cela montre bien comment des ressources disponibles sous licence libre peuvent être adaptées et réutilisées pour créer de nouvelles inventions.

BrailleRAP ressemble à une imprimante classique, mais un pointeau remplace la buse d’encre. Le bruit de son fonctionnement rappelle nos anciennes imprimantes matricielles. La machine permet d’embosser sur du papier 160 grammes mais aussi sur divers supports comme une feuille de plastique ou d’aluminium. En plus des caractères, la BrailleRAP sait embosser des contours. On peut donc réaliser des dessins, mettre en relief des plans ou des cartes.

« Pourquoi en faire une ? », interrogent les auteurs. Je retrouve, dans les réponses proposées, l’esprit des quatre libertés du logiciel libre.
Parce que vous en avez besoin.
Parce que quelqu’un en a besoin.
Pour apprendre à assembler une machine numérique.
Pour expliquer comment en assembler une.
Pour l’améliorer et participer au projet.

Le projet BrailleRap a vu le jour lors du Fabrikarium, un événement organisé par My Human Kit en 2016. L’association My Human Kit a pour objectif de faciliter le quotidien des personnes en situation de handicap et leur redonner du pouvoir d’agir. Elle anime le Humanlab, un fab lab ou laboratoire de fabrication numérique, dédié à la réalisation d’aides techniques pour la compensation du handicap. L’objectif est d’offrir un espace de recherche et de partage de solutions.

Comme pour Open Insulin, auquel j’avais consacré ma chronique en octobre 2021, un des objectifs de BrailleRAP est de rendre accessible au plus grand nombre un dispositif autrement très coûteux. Le prix d’une embosseuse braille sur le marché démarre autour de 3000 euros, alors que le coût de fabrication de la BrailleRAP est estimé à moins de 300 euros pour les fournitures, soit un facteur 10. Bien sûr, il faut avoir accès aux machines et disposer d’un minimum de connaissances, mais l’existence de plans et de documentation sous licence libre peut réellement changer notre rapport à ces techniques.

Frédéric Couchet : Merci Jean-Christophe pour cette belle découverte, comme toutes les pépites libres que tu nous partages.
On va rappeler le site web, braillerap.org, on mettra évidemment aussi la référence sur libreavous.org et je vous encourage, toutes et tous, à écouter les diverses chroniques « Pépites libres » de Jean-Christophe sur le site libreavous.org.

Je vais peut-être juste rajouter un truc. Comme tu parles d’accessibilité, Marine me disait pendant la pause musicale qu’on avait oublié d’indiquer que Drupal, dont on vient de parler dans le sujet principal, était régulièrement audité pour les questions d’accessibilité. C’est vraiment très important, je me permets de le préciser vu que tu parles d’accessibilité dans ta chronique, Jean-Christophe.

Jean-Christophe Becquet : Tout à fait. Ça reste un sujet sur lequel l’informatique en particulier et les technologies en général ont encore de nombreux défis à relever, je pense.

Frédéric Couchet : Tout à fait. Je te souhaite une belle fin de journée et on se retrouve le mois prochain pour ta prochaine chronique.

Jean-Christophe Becquet : Ça marche. Bonne fin d’émission. Merci. Au revoir.

Frédéric Couchet : Merci Jean-Christophe. Au revoir.
Nous approchons de la fin de l’émission, nous allons terminer par quelques annonces.

[Virgule musicale]

Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre

Frédéric Couchet : Je pense que j’ai un tout petit peu de temps.

Nous avons mis en ligne, en septembre dernier, un appel à nous proposer des sujets pour notre émission de radio sur les libertés informatiques, voire la possibilité d’intervenir ou, peut-être même, de préparer et d’animer un sujet principal. Donc vous qui nous écoutez, vous pouvez nous suggérer des sujets, voire nous proposer d’intervenir dans une émission sur un sujet que vous proposez, voire préparer et animer un sujet principal. Le choix final des sujets et des personnes intervenantes reste, bien sûr, du ressort de l’équipe de l’émission, mais n’hésitez pas à vous proposer. Notamment pour le dernier cas, préparer et animer un sujet principal, qui demande peut-être un peu plus de préparation que les deux autres parties, eh bien vous aurez notre aide pour la préparation de ce sujet, pour la préparation de l’animation et, le jour J, nous serons évidemment également présents en régie pour vous aider en cas de besoin, mais vous animerez l’émission.
Je précise d’ailleurs que la semaine prochaine, donc le 21 février 2023, nous aurons le témoignage d’un assistant parlementaire promoteur du Libre entre 2012 et 2017 et ce sujet nous a été proposé par la personne qui va intervenir. Nous avons trouvé ce sujet particulièrement intéressant et, en plus, la personne est pertinente, donc elle interviendra la semaine prochaine, 21 février 2023.

Dans les annonces.
La semaine du partage de connaissances en informatique est organisée à Beauvais du lundi 13 février au vendredi 17 février, donc cette semaine en fait, à Beauvais.

On parlait tout à l’heure de DrupApéro, ou Drupal Apéro, je ne sais plus. À l’April, évidemment, nous sommes un peu comme tout le monde, on organise des apéros, le prochain a lieu le 17 février, dans nos locaux à Paris.

On parlait tout à l’heure de PHP, mais d’autres langages existent. Est organisé notamment, du 16 février au dimanche 19 février à Talence, près de Bordeaux, la PyConFR 2023, qui est le plus grand rassemblement annuel de la communauté francophone utilisant et développant le langage de programmation libre Python. La conférence est intégralement organisée par les développeurs et les bénévoles de la communauté Python, encore la communauté dont on parlait tout à l’heure.

À Paris, ce samedi 25 février, un atelier de changement de système d’exploitation sur téléphone mobile, donc pour installer un système libre.

Et du côté de Marseille, le même jour, le samedi 25 février, il y a une Install Party, une fête d’installation pour installer des systèmes d’exploitation libres sur vos ordinateurs.

Vous retrouvez évidemment tous les détails de ces événements sur le site agendadulibre.org. Et vous y trouverez d’autres événements en lien avec les logiciels libres et la culture libre près de chez vous. Donc rendez-vous sur agendadulibre.org.

Notre émission se termine.

Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission du jour : Isabelle Carrère, Marine Gandy, Cellou Diallo, Jean-Christophe Becquet.
Aux manettes de la régie aujourd’hui Thierry Holleville, avec le soutien discret de mon collègue Étienne Gonnu.
Merci également aux personnes qui s’occupent de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang1, Julien Osman, bénévoles à l’April, et Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio qu’on adore malgré le fait qu’il nous ait programmé une émission en podcast pendant notre horaire ! On adore Olivier !
Merci également à Quentin Gibeaux, bénévole à l’April, qui découpe le podcast complet en podcasts individuels par sujet.

Vous retrouverez sur notre site web, libreavous.org, toutes les références utiles, ainsi que sur le site de la radio causecommune.fm.
N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu, mais aussi des points d’amélioration.
Vous pouvez également nous poser toute question et nous y répondrons directement ou lors d’une prochaine émission.
Si vous préférez nous parler, vous pouvez nous laisser un message sur le répondeur de la radio pour réagir à l’un des sujets de l’émission, pour partager un témoignage, vos idées, vos suggestions, vos encouragements, voire, en ce 14 février, de l’amour, ou pour nous poser une question, le numéro du répondeur est 09 72 51 55 46.

Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission.
Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et faites connaître également la radio Cause Commune, la voix des possibles.

La prochaine émission aura lieu en direct mardi 21 février 2023 à 15 heures 30. Notre sujet principal portera sur le témoignage d’un attaché parlementaire promoteur du Libre, Frédric Toutain, qui travailla pour la députée Isabelle Attard entre 2012 et 2017.

Je vous rappelle que la radio Cause Commune couvrira normalement la manifestation parisienne contre la réforme des retraites jeudi 16 février 2023.

Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 21 février et d’ici là, portez-vous bien.

Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.