Émission Libre à vous ! diffusée mardi 10 septembre 2024 sur radio Cause Commune Sujet principal : Minetest : l’autre pays du minage

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Étienne Gonnu : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Nous allons, aujourd’hui, parler jeux vidéo libres avec Minetest, « l’autre pays du minage ». C’est le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme la pratique du double système d’exploitation avec Antanak et une nouvelle pépite libre de Jean-Christophe Becquet, L’Accueillette, un outil d’auto-diagnostic de lieux d’accueil.
Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous ! l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Je suis Étienne Gonnu, chargé de mission affaires publiques pour l’April.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.

Nous sommes mardi 10 septembre 2024, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission, ma collègue Isabella Vanni. Salut Isa.

Isabella Vanni : Bonjour à tout le monde. Bonne émission.

Étienne Gonnu : Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « Que libérer d’autre que du logiciel » d’Antanak – La pratique du double système d’exploitation

Étienne Gonnu : Nous allons commencer par la chronique « Que libérer d’autre que du logiciel », avec l’association Antanak, qui partage avec nous des situations très concrètes et/ou des pensées mises en actes et en pratiques au sein du collectif : le reconditionnement, la baisse des déchets, l’entraide sur les logiciels libres, l’appropriation du numérique par tous et toutes, etc.
J’accueille avec plaisir, aujourd’hui, Isabelle, avec nous au studio, pour cette deuxième émission depuis la rentrée.

Isabelle Carrère : Salut Étienne.

Étienne Gonnu : Salut Isabelle, ça va ?

Isabelle Carrère : Oui, ça va bien. La deuxième émission, mais la première pour Antanak, c’est la première de la rentrée.

Étienne Gonnu : Oui, ça reste la rentrée.

Isabelle Carrère : Ça reste la rentrée. Du coup, pour la rentrée, j’ai choisi un petit sujet de rentrée dans le sens de nos pratiques ; tu l’as dit, la pratique du double SE, du double système d’exploitation. On dit aussi souvent double boot ou dual-boot, boot comme démarrage, to boot pour démarrer, en anglais dans le texte.
De quoi s’agit-il ? En fait, il s’agit d’avoir, sur un même ordinateur, plusieurs systèmes d’exploitation sur lesquels démarrer selon ses envies, ses besoins de telle ou telle fonctionnalité, de tel ou tel logiciel.
Parfois, des personnes ont plusieurs distributions GNU/Linux sur leur ordi, par exemple une Debian ou une Linux Mint. Souvent, c’est pour tester une distribution, pour choisir, voir les évolutions, etc. Mais très souvent, à Antanak, nous voyons des partitions Windows et une distribution Linux à côté.
Pourquoi nous, à Antanak, sommes-nous confrontés à ça, puisque nous sommes quand même et avant tout des libristes ? Eh bien uniquement parce que des personnes, notamment des étudiants et étudiantes, nous indiquent avoir besoin, être dans l’obligation, pour leurs études, d’utiliser des applications qui ne tournent que sous Windows. On a calculé que c’est presque un étudiant sur deux, une étudiante sur deux, qui nous demande ça. Souvent on discute, on leur prouve que ce n’est pas indispensable, mais, parfois, on y va quand même, à contrecœur.
AutoCAD est l’exemple que je prends très souvent. Les étudiants/étudiantes pourraient, bien sûr, utiliser LibreCAD ou bien FreeCAD ou encore QCAD, voire, j’ai vu qu’il y a une application, un logiciel qui s’appelle « tirage au sort » [DraftSight, Note de l’intervenante], apparemment c’est quelque chose de bien, sauf qu’elle est payante et même cher. Je ne la connais pas, je ne sais pas si quelqu’un la connaît.

Étienne Gonnu : Est-ce que tu peux nous rappeler ce qu’est AutoCAD ? À quel usage ça répond ?

Isabelle Carrère : J’allais y venir. AutoCAD, et toutes les autres que j’ai citées dans le monde du Libre, est une application qui permet de faire de la 3D. Les étudiants et étudiantes, notamment en architecture, s’en servent beaucoup pour faire des maquettes sur ordinateur. C’est un mélange de CAO [Conception Assistée par Ordinateur], PAO [Publication Assistée par Ordinateur], etc., donc conception et autres outils sur ordinateur. Ce qui se passe c’est que bien souvent, malheureusement, ce sont les professeurs/professeurEs qui n’acceptent pas toujours qu’ils et elles utilisent ces applications libres, qui, donc, obligent à une utilisation là, dans mon exemple, d’AutoCAD. Du coup, ces personnes en parcours d’architecte nous demandent un ordinateur sur lequel il est possible d’installer AutoCAD.
Pour nous, en interne à Antanak, ce n’est pas du tout simple. D’abord, parce que la solution de Wine, qui permet à des systèmes d’exploitation Linux d’utiliser des applications tournant sous Windows nativement, n’est pas toujours la bonne solution parce que c’est très gourmand en mémoire RAM, mémoire vive, et ça requiert un processeur un peu puissant pour pouvoir le faire tourner. Du coup, on opte pour la mise en place de deux systèmes.
Des tas d’entreprises nous donnent des ordinateurs qu’elles ont réinitialisés et sur lesquelles elles ont réinstallé une version de Windows, actuellement la 10 ou la 11. Du coup, dans ces cas-là, on garde quelques ordinateurs, on garde la version de Windows au lieu de l’écraser et on la pousse un peu pour faire de la place et installer une autre distribution à côté, une distribution GNU/Linux.

Donc, vous êtes en train de penser « tout va bien, où est le problème ? De quoi nous parle-t-elle ? C’est clair ». En fait, en termes de pensée libriste, c’est quand même très limité parce que, à Antanak, nous ne sommes pas dupes. Quid de la réalité, de l’utilisation, par les personnes, qui reçoivent un tel ordi avec deux systèmes d’exploitation ? On se demande si, pour de vrai, elles vont aller utiliser la partition sous Linux, nous n’en sommes pas sûrs. On essaye d’expliquer les cas de figure : pour te servir d’AutoCAD, tu vas sur Windows, mais, le reste du temps, pour tes mails, pour, etc., mais je ne suis pas certaine que les gens le font de cette manière-là. Du coup on n’a pas gagné grand-chose !
Ensuite, c’est beaucoup plus long pour nous, moins simple à automatiser, entre guillemets à « industrialiser », or, on a plein d’installations à faire, donc ce n’est pas vraiment satisfaisant. Mais que faire d’autre et comment répondre à la demande de ces personnes sans jouer les censeurs, censeuses ? Je ne sais pas comment on dit au féminin, un censeur, une censeuse ? Je ne sais pas.

Étienne Gonnu : J’essaie de me renseigner.

Isabelle Carrère : Tu te renseignes ? Merci Étienne. En fait, on ne peut pas dire non aux gens, « non, tu n’en as pas besoin, on ne va pas le faire, nous sommes des libristes purs et durs ».
Par contre, ce qui est étonnant c’est que, dernièrement, à la mi-août, on a eu un souci spécial et peut-être que certains/certaines ont déjà rencontré cela. On a laissé faire une mise à jour de Windows sur certains postes et elle a bloqué le démarrage de Linux, notamment sur des postes en double système. Ça a été répertorié, ça a été pas mal discuté sur des forums, des blogs, des articles sur le Net, peut-être en avez-vous vu, et même sur le site gouvernemental, le CERT [Computer Emergency Response Team], le Centre d’alerte et de réaction aux attaques informatiques ils en ont parlé. Le nom de l’affaire c’est CVE-2022-2601, c’est beau ! CVE veut dire Common Vulnerabilities and Exposures, on est bien avancé ! Ça m’a l’air d’être comme un recensement des attaques et des problématiques. Microsoft a reconnu avoir eu ce souci-là sur leur mise à jour du mois d’août.
OK ! Que Windows, que Microsoft fasse ce qu’il veut sur sa partie, on peut le comprendre, sauf que là, ce qui nous embêtait c’est que ça voulait dire qu’ils ont intégré de force, sur les machines, un paramètre que nous, généralement, nous enlevons, qui s’appelle le secure boot, qui voudrait dire démarrage sécurisé en français. C’est, en fait, un petit paramètre, une fonctionnalité qui permet de s’assurer qu’un ordinateur démarre bien en utilisant uniquement les logiciels approuvés par le fabricant. Le terme « fabricant » est intéressant. Qui est le fabricant ? Parle-t-on de HP, Dell, Lenovo, Asus ? Non, en fait on parle de celui qui a, de force, intégré la majorité des ordinateurs, donc Microsoft, mais ce n’est pas lui le fabricant. Bref ! Ça veut dire que Microsoft a réussi à faire une mise à jour par laquelle il peut s’insinuer subrepticement jusqu’au BIOS, jusqu’à l’UEFI [Unified Extensible Firmware Interface], en tout cas tous ceux qui n’ont pas de mot de passe, pour aller réactiver quelque chose que nous avons désactivé pour installer Linux. Et là, on s’est demandé comment faire.br/>
Déjà que nous n’étions pas très ravis et enchantés d’avoir à faire ces doubles systèmes, là, du coup, ça a quand même rajouté quelque chose. Que Microsoft fasse ce qu’il veut dans sa partie, OK, très bien ! Sauf s’il y a quelque chose que nous n’avons pas bien compris – et, si des gens qui nous écoutent, des auditeurices ont quelque chose à dire là-dessus je suis preneuse d’informations –, en tout cas nous nous sommes demandé « est-ce que ça veut dire qu’on va laisser tomber complètement ? ». J’ai vu qu’il y a quand même pas mal de distributions libres qui, désormais, sont installables avec le secure boot activé, le démarrage sécurisé activé, ça veut dire qu’ils ont joué le jeu, eux aussi, de ce que fait Microsoft. Est-ce que toutes les distributions vont le faire dans ce sens-là ?, je ne sais pas. En tout cas, on n’a pas trop aimé cette une prise de contrôle là, donc on ne sait pas. Si vous avez des idées, nous sommes tout à fait preneurs, preneuses, pour cette rentrée.

Étienne Gonnu : Je crois que ce secure boot est un problème ancien. À l’April, par le passé, on a essayé de réfléchir à des amendements et, quand l’occasion se présentera à nouveau, je pense qu’on essaiera de trouver une manière d’interdire ou de cadrer davantage ces mesures techniques qui, en réalité, limitent la liberté d’installer les systèmes qu’on veut.

Isabelle Carrère : C’est un problème ancien, oui et non, parce que, jusqu’à présent, on pouvait sans problème, l’enlever nous-mêmes de l’UEFI et faire notre installation. Ce qui est nouveau depuis 2023, c’est que Microsoft, dans sa version 11, empêche. C’est-à-dire que si tu désactives le secure boot, que tu veux installer ton Microsoft version 11, tu ne pourras pas l’installer. Je suis d’accord sur le fait que c’est une vieille affaire, depuis que l’UEFI existe, on avait ces affaires de Legacy, UEFI, secure boot activé/désactivé, on avait tous ces machins-là, sauf que là ce qui est nouveau c’est qu’il y a comme un empêchement de faire.

Étienne Gonnu : On sent que c’est vraiment un terrain politique et un champ de luttes.
Pour répondre à ta question, selon Wiktionnaire, je lui fais confiance, on dit une censeur ou une censeuse.

Isabelle Carrère : Une censeuse ! Voilà ! Je ne veux pas être une censeuse, mais quand même, je voudrais pouvoir faire les choses tranquillement.

Étienne Gonnu : Tu es plus proche du lanceur d’alerte que de la censeuse.
Merci beaucoup, Isabelle, pour cette première chronique de la saison 8 et au mois prochain pour une prochaine chronique « Que libérer d’autre que du logiciel ».

Isabelle Carrère : Absolument. À bientôt. Merci. Bonne émission.

Étienne Gonnu : À bientôt.
Nous allons à présent faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Étienne Gonnu : Après la pause musicale, nous parlerons de Minetest, « l’autre pays du minage ¢. Avant cela, nous allons écouter Sous Contrôle par Les gueules noires. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Sous Contrôle par Les gueules noires.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Sous Contrôle par Les gueules noires, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By.

[Jingle]

Étienne Gonnu : Passons maintenant à notre sujet principal.

[Virgule musicale]

« Minetest : l’autre pays du minage »

Étienne Gonnu : « Minetest : l’autre pays du minage », rien à voir avec les terres rares ou les bitcoins, il s’agit d’un jeu vidéo libre que nous allons découvrir grâce à nos invités. Pour cela, j’ai le plaisir de passer la voix à Laurent Costy qui a préparé et qui va animer ce sujet.
Comme d’habitude, n’hésitez pas à participer à notre conversation sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat ».
Salut Laurent.

Laurent Costy : Bonjour Étienne. Merci pour cette parole.
Je vais lire Wikipédia, je connais un petit peu Minetest, mais je pense que Wikipédia sera plus clair que moi, dans un premier temps, et je me permettrai, après, d’introduire nos deux invités, qui sont à distance, qui nous raconteront leurs expériences. Merci Wikipédia pour ton aide précieuse à cette introduction du sujet Minetest.
Minetest est un moteur de jeu vidéo multiplate-forme. Le joueur peut évoluer dans des mondes générés de façon aléatoire, composés de blocs, rassembler diverses matières premières et les combiner pour façonner le monde comme il l’entend. Il est important de noter que le projet n’existe pas pour être un jeu, mais bien pour permettre de créer des jeux.
Créé en 2010 sous la direction de Perttu Ahola, alias celeron55, le projet continue à évoluer avec l’aide d’une communauté grandissante et internationale.
Minetest est largement inspiré du jeu Minecraft, mais il est sous licence libre.
Le jeu n’a pas de but précis ou de fin, le seul objectif étant de construire des bâtiments avec les différents blocs dans un univers en 3D.
Le jeu propose deux modes : le mode survie, dans lequel le joueur doit d’abord rassembler les matières premières dont il a besoin, et le mode créatif, dans lequel le joueur dispose de matières premières en quantité illimitée.
Une grande quantité d’extensions, appelées « mods » - plus de 2250 sur le site minetest.net -, peuvent être ajoutés au moteur de base pour rendre le jeu plus attractif.
C’est donc pour parler de Minetest que nous avons invité Amelaye et Tuxayo qui sont à distance et qui vont nous raconter leur expérience.
Bonjour Amelaye.

Amelaye : Bonjour les « mineurs ». Bonjour Laurent et merci pour cette invitation.

Laurent Costy : Très bien. Bonjour Tuxayo.

Tuxayo : Bonjour Amelaye. Bonjour Laurent.

Laurent Costy : Parfait. Vous êtes un peu lointain, j’espère que ça passera bien à la radio, on va essayer de régler tout ça en régie. Merci Isabella.
Je vais passer la parole à Amelaye qui va présenter son parcours et puis, peut-être, nous raconter comment elle en est arrivée à administrer un serveur, ce que je trouve hallucinant, qui est juste énorme. Vas-y, je te laisse la parole.

Amelaye : Waouh ! C’est une longue histoire. Je commence par le début de la fin ou la fin du début ?
En fait, c’est une histoire qui remonte. J’ai commencé à entendre parler de Minetest en même temps que de Minecraft, début 2010. C’est là que les deux jeux ont commencé à sortir, un peu de manière simultanée, je crois que Minecraft est sorti avant Minetest, et j’ai connu Minetest par l’intermédiaire de gens qui travaillaient avec moi. Au début, ça ne me tentait pas tant que ça, je trouvais que c’était, finalement, un grand jeu de Lego, ni plus ni moins, en plus, à l’époque, avec les moyens du bord, c’était moyennement beau. Je m’y suis mise pendant la pandémie de 2020, les deux événements, n’ont aucun rapport l’un avec l’autre.
C’est une connaissance de travail qui m’a reparlé de Minetest et je me suis dit que si ces jeux de construction, aussi bien Minecraft que Minetest, continuent de faire parler d’eux c’est qu’il doit y avoir un véritable intérêt là-dessus. Donc, je me suis mise à jouer sur Minetest déjà en mode solo, c’est comme ça, en général, qu’il faut commencer pour découvrir, lancer une partie en solo, bidouiller, voir comment le jeu marche, voir comment les interactions avec les cubes marchent, découvrir qu’il y a deux modes, un mode créatif et un mode survie. Et puis, un jour, une connaissance de travail m’a dit « j’ai un serveur, je t’y invite volontiers. » Il s’est avéré que c’était un serveur « moddé ».
J’avais entendu parler des mods en suivant une chaîne anglophone, la chaîne de Richard Jeffries qui est un builder Minetest depuis maintenant cinq/six ans, même sept ans, depuis quelques années, et qui est une référence dans le domaine. Petit à petit, cette personne m’a donné les fichiers de son monde pour que je puisse créer mon propre serveur.
C’est à partir de là que j’ai créé ce serveur, qui était d’abord privé. J’ai dû mettre tous les mods à jour parce qu’ils ne correspondaient plus aux versions de Minetest que j’avais installées sur ma machine perso et puis j’ai commencé à installer mes propres mods. Ce faisant, je me suis rendu compte que c’est triste de jouer toute seule à ce genre de jeu et j’ai fini par ouvrir le serveur au public. C’est ainsi que, petit à petit, des gens ont commencé à venir. Donc, petit à petit, des amitiés se sont créées, des affinités se sont créées et une équipe s’est constituée. J’administre effectivement le serveur, c’est moi qui fais la maintenance de la machine, qui installe les mises à jour, qui installe les mods. J’ai également une équipe de modérateurs qui veille sur le comportement des différents utilisateurs qui viennent sur le jeu, qui sont YYZ, turrican et Tanavit. Et voilà où nous en sommes.

Laurent Costy : Merci. On reviendra sur ce monde qui est extrêmement accueillant, j’avais été très surpris d’être accueilli — je fais une petite parenthèse avant de passer la main la parole à Tuxayo. J’avais aussi testé Minetest, j’étais arrivé dans un monde et, quelques secondes après mon arrivée dans le jeu, j’étais déjà mort parce que je m’étais fait taper par quelqu’un. Je n’avais pas trouvé ça très attirant et, quand je suis arrivé dans le monde d’Amelaye, j’ai été accompagné et j’ai été aidé ; j’ai trouvé ça extrêmement positif.
Tuxayo, ton expérience de Minetest ? Comment es-tu arrivé à Minetest, à pratiquer Minetest et comment le pratiques-tu, finalement ?

Tuxayo : Je suis libriste depuis de nombreuses années, depuis le temps du lycée, mais je joue à des jeux vidéo depuis beaucoup moins, de temps en temps. Mais, quand je le fais, je me dis « autant explorer l’écosystème des jeux libres, parce que c’est un gros usage grand public de l’informatique et, pour les personnes les plus jeunes, c’est souvent quelque chose qui est central dans leur groupe social ». Donc, je peux utiliser mes loisirs pour apprendre et aider des gens dans des install parties ou à Marseille avec une association qui aide les gens à passer sous Linux.

Laurent Costy : Peux-tu rappeler ce que sont les install parties ?

Tuxayo : Les install parties sont des moments où on aide des gens à passer leur ordinateur sous Linux, soit uniquement sous Linux, sans cohabitation avec Windows comme Isabelle en parlait dans le sujet précédent.
J’utilise donc mes loisirs pour apprendre et que ça aide aussi dans le temps militant.
Le domaine du jeu vidéo est assez régulièrement un frein pour passer facilement sur un système libre, il y a pas mal de choses qui se passent sur le navigateur, le jeu vidéo reste un programme qui tourne vraiment sur le système. Mais, ces dernières années, il y a eu des progrès assez énormes pour pouvoir, justement, même arriver à lancer des jeux Windows sous Linux de manière de plus en plus clé en main, pour les jeux grand public et non libres. Du côté des jeux vidéo libres, on commence à en avoir pas mal, bien complets, bien élaborés, et c’est comme cela que je suis tombé assez rapidement sur Minetest, l’un des plus développés et qui continue à l’être.
J’y suis arrivé par l’angle de la recherche du clone de Minecraft clé en main pour, justement, faire la transition : j’ai envie de jouer sur du Libre, je connais déjà un type de jeu qui me plaît, qu’est-ce que je peux trouver de plus proche ?
On a vu, il y a quelques minutes, que Minetest n’est pas un jeu en soi mais une sorte de moteur pour créer des jeux. Il y a justement des jeux qui ont pour but de cloner Minecraft, Mineclonia et VoxeLibre – je laisserai les références dans les notes de la page de l’émission –, qui implémentent une bonne partie des fonctionnalités qu’on peut trouver dans Minecraft. Du coup, j’ai passé beaucoup de temps à jouer à ça, à visiter divers serveurs sur lesquels les gens comme Amelaye ajoutent des mods pour varier les jeux, que ce ne soient pas des clones tout simples de Minecraft, mais pour aller plus loin et profiter, justement, du fait que ce soit libre.

Laurent Costy : Merci pour cette introduction. Je voulais peut-être un peu compléter. Ce que j’avais aussi beaucoup apprécié avec Minetest, c’est qu’on peut vraiment aller pas à pas. Amelaye, tu l’as effectivement expliqué, tu as commencé finalement par jouer en solo. Très vite, si on n’a pas installé des mods, finalement on s’ennuie, parce qu’on avance dans des territoires, à l’infini, sans vraiment beaucoup d’interactions. Mais, après, on finit par installer des mods, ce qui n’est pas forcément facile à comprendre au début, on peut commencer à agrémenter, ajouter des animaux, ajouter des interactions, etc., ceci quand on joue en solo sur sa machine. Après, on peut rejoindre des serveurs qui sont ouverts, comme celui que tu proposes à travers Amelaye in Minerland. Et après, quand on acquiert des compétences, si on a une sensibilité technique, on peut même, directement, administrer son propre monde. J’ai adoré tes propos tout à l’heure, tu as dit « il m’a passé les fichiers de son monde », je trouve ça très beau. On peut recréer un monde à partir d’un autre qui existe et puis l’améliorer, le changer, là on est vraiment dans une logique logiciel libre, c’est extrêmement intéressant.
Peut-être pour préciser, Tuxayo, tu parlais de Mineclonia et de VoxeLibre, qui sont, finalement, des modes qu’on ajoute à partir du jeu de base quand il est installé, c’est bien ça ?

Tuxayo : C’est ça. En fait, on installe Minetest, que ce soit sur un ordinateur Windows, Mac, Linux ou sur un téléphone Android, on le lance et, dedans, il y a une sorte de gestionnaire de contenus additionnels, d’extensions et parmi les premiers qui sortent – sinon, avec un moteur de recherche, on les trouve facilement –, il y a Mineclonia et VoxeLibre qui, en fait, sont des ensembles de mods déjà tout en un : rien qu’en installant une chose, on a une expérience de jeu cohérente et complète. Sinon, on peut aller, par exemple, sur le serveur d’Amelaye où elle a fait le travail d’assembler, de créer elle-même sa propre expérience de jeu cohérente et personnalisée. On clique sur le serveur pour s’y connecter et ça télécharge tout, tout seul, il n’y a rien à installer. On se connecte et hop !, on arrive dans le jeu qui est prêt à être utilisé.

Laurent Costy : Il y a donc plein de manières d’entrer dans Minetest. Je ne vous cache pas, en vieil homme blanc de 50 ans que je suis, que j’ai commencé par le tutoriel, oui ! Il y en a qui font ça, quand même ! J’étais un peu perturbé parce que le tutoriel était moitié en anglais, moitié en français. Je me suis dit que c’était une bonne occasion d’améliorer mon anglais et d’essayer de contribuer. J’ai fait cette expérience de traduire les parties anglaises qui restaient, j’ai poussé les traductions. On m’a dit, après, que le tutoriel était destiné à disparaître, qu’il y en aurait un meilleur après. J’ai trouvé l’expérience extrêmement intéressante, parce que, finalement, tout en traduisant, j’apprenais à utiliser le jeu, à manipuler le jeu. Je tenais à faire part de cette petite anecdote parce que, encore une fois, ça témoigne bien d’une logique de contribution à un logiciel libre.
On a donné quelques éléments sur ce que sont les mods, sur ce qu’est Minetest, finalement un moteur de jeu.
Est-ce que vous pouvez essayer de décrire, un peu, déjà, peut-être, de faire une rétrospective ? On en a un peu parlé en disant que c’était arrivé dans les années 2010, je ne sais pas s’il y a quelque chose de plus à apporter sur l’histoire. Et, peut-être, expliquer à des gens qui ne connaîtraient pas Minetest et qui ne connaîtraient pas Minecraft ce qu’est ce moteur de jeu et ce jeu. Qui veut prendre la parole ? Amelaye ?

Amelaye : Oui, je peux déjà tenter de faire une certaine description.
En fait, à la base, c’est un jeu vidéo qui s’installe assez facilement sur un poste client et, une fois qu’il est installé, une fois qu’un jeu solo est lancé, on se retrouve propulsé sur un terrain cubique qui représente différents biomes. Un biome, c’est un élément de décor avec ses propres caractéristiques, sa propre géographie. Ça peut correspondre, par exemple, à de la savane, à des plaines, à des forêts ou, tout simplement, à d’énormes icebergs recouverts de neige.
Une fois qu’on arrive sur ce jeu, en général, si on a de la chance, dans 90 % des cas on tombe sur un biome plaine, on va donc se retrouver sur de l’herbe verte avec des arbres, en général ce sont des pommiers. Le but du jeu va être de jouer au Lego.
Il y a un mode survie et un mode créatif.
J’aime bien conseiller aux gens de commencer par le mode créatif, pour, déjà, se faire la main sur le jeu, pour commencer à construire des choses, voir si on est un builder ou si on est un survivaliste. C’est-à-dire qu’on arrive dans le jeu, il faut d’abord couper du bois, ensuite il faut faire une hache, ensuite il faut faire une pioche, après, on va miner de la pierre ; petit à petit on creuse et on mine du minerai qui devient, au fur à mesure de la profondeur, de plus en plus costaud. Dans le mode créatif, on arrive direct sur le jeu, on n’a aucun outil à créer, on a tous les éléments en main, on prend 99 blocs de briques, on va les assembler, on va mettre du grès, on va mettre du bois, on va faire son petit château, directement, comme si on avait un tas de Lego devant soi.

Laurent Costy : Merci. On rapproche effectivement souvent ce type de jeu du jeu Lego parce qu’on est vraiment dans des logiques de construction, d’assemblage. Quelqu’un a évoqué les biomes, je crois ?

Amelaye : C’est moi.

Laurent Costy : Tu l’as déjà expliqué un peu. Les biomes sont, finalement, différents types de textures qui représentent des zones géographiques correspondant à des zones froides, à des zones chaudes et des déserts. C’est ça ?

Amelaye : Exactement. On a des déserts, on a des déserts de différents sables, du sable blanc, du sable gris ou du sable un peu orangé. On a des biomes de plaines, on a des biomes de forêts enneigées, on a des biomes avec d’immenses icebergs. On a aussi des biomes qui peuvent être installés à travers différents mods, ceci une fois qu’on a compris le système du jeu pour varier, justement, ces zones géographiques où, finalement on a différentes possibilités de construction. On le voit en fonction de son œil de builder, sachant que je suis plus une « buildeuse » qu’un survivaliste ou une technicienne. Chaque zone, un désert par exemple, va être propice à la construction d’un village marocain, d’un souk, d’un palais de calife ou même d’un village western suivant un petit peu ses goûts et ce qu’on a envie de construire.

Laurent Costy : Parfait. Builder vient du mot anglais construire, tu adores te focaliser sur la construction, l’assemblage de bâtiments alors que d’autres sont plus dans le rapport… On peut faire aussi, par exemple, des courses de drapeaux, des captures de drapeaux dans Minetest, on peut aussi imaginer ce type de choses, mais toi, tu apprécies particulièrement construire des bâtiments, des villages, etc. Sur le monde que tu as construit, tout ce qui a été construit est impressionnant, pas que par toi, bien sûr, mais aussi avec toutes les personnes qui ont rejoint le monde.
On entend parfois le terme « voxel ». Tuxayo, peux-tu expliquer ce que cela voudrait dire ?

Tuxayo : Voxel est un mot qui combine « volume » et « pixel », c’est l’équivalent en 3D d’un pixel. Du coup, un jeu en style voxel, c’est un peu l’équivalent 3D du pixel art qu’on voit dans tous les jeux rétros, d’il y a 30 ans et plus, qui sont revenus à la mode depuis les années 2010. En fait, c’est la version pixel art où le but n’est pas le photoréalisme, C’est une manière qui permet d’exprimer sa créativité en dessinant des choses avec des pixels un à un au lieu d’essayer de faire des photos qui représentent le plus la réalité. Non, là ce sont des choses plus schématiques, plus colorées. La même chose qui fait, par exemple, que le style des jeux originaux de Super Mario a marqué les gens, ce style de pixel art, eh bien les voxels c’est la même chose en trois dimensions.

Laurent Costy : C’est vrai qu’on peut s’étonner, quand on débarque dans un monde Minetest, de voir ces cubes, en fait c’est très crénelé, même le soleil est carré, et on pourrait presque se poser la question, dire « mais à notre époque, quand on regarde les graphismes des derniers grands studios qui sortent leurs immenses blockbusters, comment cela se fait-il que ça marche encore ? ». Comment expliquez-vous que Minetest marche encore, que des gens s’éclatent, créent des choses incroyables ? Quelle est votre analyse là-dessus ? Tuxayo.

Tuxayo : Comme analyse, j’avais entendu que ça permet, sans avoir une armée d’artistes, de faire, mine de rien, des mondes qui sont assez vastes ou un grand nombre de personnages et du coup, les artistes se concentrent pour essayer de trouver un certain style, une certaine créativité, au lieu d’être à essayer de modéliser chaque cheveu, chaque détail de vêtement. Amelaye, as-tu des choses à ajouter ?

Amelaye : En fait, c’est assez cohérent. Du fait qu’il se rapproche du pixel — on parlait de voxel tout à l’heure —, le cube est finalement une figure volumétrique qui est la plus flexible, qui s’assemble le mieux. C’est d’ailleurs pour cela que les briques Lego ont cette forme une peu carrée, rectangulaire, c’est-à-dire qu’on peut facilement reproduire et construire à partir de formes qui sont cubiques que plutôt varier des formes. Après, il y a des mods qui permettent d’avoir une approche plus réaliste en fonction de ce qu’on veut, mais c’est vrai que cette idée d’assembler des cubes reste quand même la solution la plus flexible pour laisser place à une créativité et à une personnalisation plus poussées. Effectivement, un jeu vidéo moderne peut avoir un graphisme de fou, mais ce n’est pas un graphisme que nous avons choisi ou que nous avons élaboré nous-même.

Laurent Costy : Oui. D’ailleurs ça n’empêche pas, avec des cubes, d’essayer de faire des choses harmonieuses, d’assembler des cubes de même nature. J’avais commencé à faire une maison dans ton monde, avec des blocs un petit peu n’importe comment, et on m’a dit « tu pourrais peut-être améliorer, faire un peu plus joli ! ». Ça n’empêche pas, non plus, de faire attention à ces éléments-là, même si c’est un monde de cubes avec des arêtes.

Tuxayo : Je pense que ce sont des choses qui peuvent vivre mieux qu’un jeu fait avec des graphismes plus réalistes qui, 15 ans après, n’a pas si bien vieilli que ça. Les premiers jeux 3D piquent un peu les yeux, alors que les jeux d’il y a cinq ans, les jeux qui étaient encore en 2D en pixel art, résistent plutôt bien et on a encore des jeux qui ressemblent à Super Mario et Tetris, des remakes ou des jeux qui s’en inspirent, qui ont bien vécu, alors que les premiers jeux 3D sont des choses où l’âge marque.

Laurent Costy : Et je pense que la grande modularité du jeu est d’une richesse incroyable. On peut intervenir, proposer des choses, donc, encore une fois, je pense que c’est effectivement extrêmement favorable à Minetest.
Étienne me fait signe que c’est l’heure de la pause musicale. On va faire cette pause et on se retrouve après pour discuter.

Étienne Gonnu : Nous allons faire une petite pause.
Je vais me permettre une petite réponse très individuelle sur ce qui attire peut-être dans ce jeu. J’aime beaucoup les petits jeux de craft comme ça, je n’ai pas encore essayé Minetest parce que j’ai peur, justement, de devoir y consacrer trop de temps. C’est mon côté un peu obsessionnel : je vais décider de faire ça, je vais donc passer des heures à creuser pour récupérer mes pierres, pour construire ensuite. Ça a un côté très détendant pour moi, je ne suis sans doute pas le seul.
Comme tu disais, nous allons faire une pause musicale. Nous allons écouter Greensleves par Ehma. On se retrouve dans deux minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Greensleves par Ehma.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Greensleves par Ehma, disponible sous licence Libre Creative Commons Attribution CC By.

[Jingle]

Étienne Gonnu : Nous sommes toujours dans Libre à vous ! sur la radio Cause Commune, la voix des possibles et je repasse la parole à Laurent qui anime un échange sur Minetest, l’autre pays du minage.
Comme d’habitude n’hésitez pas à participer à notre conversation sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat ».

Laurent Costy : Nous sommes avec Tuxayo et Amelaye pour parler de Minetest et je voulais leur poser la question suivante : finalement quelle différence de ce jeu avec Minecraft ? Tuxayo peut-être.

Tuxayo : La différence c’est que Minetest est libre, ce qui veut dire que les personnes qui font le jeu renoncent à en garder le contrôle exclusif, une sorte de rapport de domination qui existe en informatique. Dans le cas du Libre, n’importe quelle autre personne qui sait faire du développement logiciel ou de l’art numérique peut se réapproprier n’importe quelle partie du jeu, sous réserve de changer le nom de sa nouvelle version dérivée.
Dans le cas de Minetest, ça va plus loin : les conditions dans lesquelles il est libre exigent qu’il doit rester libre ; en plus d’être libre, on appelle ça le copyleft, traduit en français par « gauche d’auteur », un jeu de mots sur « droit d’auteur ». Cela permet de garantir que même après de nombreuses années, avec des dizaines de personnes différentes qui viennent, qui collaborent sur le projet principal ou qui partent sur leur propre chemin, on va être sûr que le jeu Minetest et toutes les variantes, dont on a parlé, qui se basent sur Minetest, ou un de ses descendants, si les gens sont partis sur leur propre chemin, sera toujours là, sera toujours développé, il fonctionnera toujours sur les machines du moment, tant qu’il y a assez de personnes intéressées. Et ça change vraiment des jeux vidéo non libres qui commencent à devenir difficiles à faire fonctionner, dans certains cas même dix ans après leur sortie parce que, comme les ordinateurs évoluent matériellement et logiciellement, on a un énorme problème d’obsolescence logicielle sur les jeux vidéo qui sont quand même une forme d’art. On peut imaginer que s’il était impossible de passer un film d’une cassette VHS à un DVD, au bout d’un moment, des films deviendraient impossibles à voir. Malheureusement, les logiciels ça marche comme ça. Du coup, on a des jeux avec des scénarios excellents, des bandes-son et des directions artistiques dignes de films, qui ne sont plus utilisables, sauf à avoir des compétences techniques et s’arracher les cheveux : le jeu ne connaît que les écrans 4/3, j’ai un écran 16/9, il truc est tout cassé, qu’est-ce que je fais ?, en admettant qu’il se lance tout court et qu’il ne faille pas utiliser des outils spécialisés.
Une autre différence aussi c’est qu’une partie des gens qui jouent à Minecraft depuis longtemps, ceux qui étaient là dans les années 2010, regrettent un peu, avec nostalgie, les premières années, parce que certains gros changements ont eu lieu au bout d’un moment. Il est possible d’apporter des changements au jeu, mais il y a quand même des gros freins techniques et légaux pour faire ce qu’on veut. C’est le fait des licences et que ce jeu n’est pas fait pour être extensible, modifiable comme Minetest.

Laurent Costy : Merci pour cet éclairage. Du coup, je peux témoigner. J’avais commencé, j’avais un compte Minecraft à l’époque, il y a longtemps. Il y a effectivement eu le rachat de Minecraft par Microsoft. On m’a envoyé beaucoup de mails me disant « vous allez pouvoir continuer à jouer à Minecraft, mais il va falloir vous créer un compte Microsoft ». Là j’ai dit « non, ça ne va pas être possible, je ne veux pas me créer un compte Microsoft. Je suis sous Linux, ce n’est pas pour me créer un compte Microsoft. » Je pense que c’est à ce moment-là que je me suis beaucoup intéressé à Minetest. Je ne sais pas, je crois, Tuxayo, que tu n’as jamais vraiment commencé sur Minecraft.

Tuxayo : Si. J’ai un compte perdu.

Laurent Costy : Voilà ! Tu as aussi un compte perdu, on a des comptes perdus Minecraft.
Amelaye, je crois que c’est pareil. Tu avais commencé à faire pas mal de choses sur Minecraft et, à un moment donné, quel est le facteur qui a déclenché ton basculement sur Minetest ? Tu peux nous raconter ?

Amelaye : En fait non, il n’y a pas eu vraiment de basculement, vu que j’ai vraiment commencé avec Minetest. Après, par curiosité, je me suis mise à regarder Minecraft. Le problème de Minecraft, c’est effectivement son rachat par Microsoft qui contrôle énormément l’expérience de jeu des utilisateurs, c’est-à-dire qu’il est capable, littéralement, de supprimer un serveur s’il y a des mots qui circulent dans le chat qui ne lui conviennent pas. Cela est extrêmement problématique, cause un problème de liberté d’expression, des problèmes de censure et tout ce qui s’ensuit. Alors que finalement, le serveur Minetest appartient à la personne qui a le serveur et libre aux administrateurs de gérer les serveurs. De mon côté, j’ai effectivement un contrôle absolu sur toutes les données qui circulent, mais ce sont des données que je vais effacer dans le temps, qui ne représentent rien de bien méchant, ce sont des données que je fais pour la sécurité des utilisateurs.
Derrière, il y a donc ça.
Le problème de Minecraft, c’est aussi son développement en Java. Ça rejoint un petit peu le discours de Tuxayo où, finalement, il faut rester au niveau de la performance du jeu et, derrière, il peut y avoir des problèmes de performance, sachant, en plus, Minecraft est développé en Java, un langage que je n’apprécie pas particulièrement à cause justement de sa lourdeur ; même s’il est relativement portable, il y a cette lourdeur derrière. C’est un langage compilé, c’est un langage qui n’est pas simple à aborder pour quelqu’un qui a envie de s’intéresser au modage du logiciel alors qu’à côté on a un Minetest qui est développé en C++, c’est le cœur, et on a, derrière, des mods qui sont en Lua, un langage interprété ultra simple et qui permet, même aux plus jeunes d’entre nous, de se familiariser avec la programmation.
Ce qui me fait un peu baisser les bras avec Minecraft, c’est cette mode des mods packs où, finalement, il y a une expérience de jeu qui est intéressante, mais, derrière, il peut y avoir des gros crashs qui peuvent occasionner des pertes de temps inimaginables. Je me souviens avoir joué pendant une soirée sur un Minecraft moddé, il a eu un plantage, j’ai perdu tous les items que j’avais gagnés lors de la soirée. Cela m’a fait baisser définitivement les bras pour quelques mois.

Laurent Costy : Et cela ne peut pas se produire sur Minetest ?

Amelaye : Non. Normalement, tout est sauvegardé en temps réel sur une base de données. Chez moi elle est en Postgre, sachant que le logiciel Minetest est développé en C++, compilé par la suite sur une machine en Linux ou qui est installé automatiquement sur une machine en Linux ou Windows et, derrière, il y a une base de données, quand on est sur un serveur, qui enregistre toutes les informations. Donc, à moins d’un gros plantage qui nécessiterait un rollback de la part de l’administrateur à un instant x, il n’y a pas de raison que des items soient définitivement perdus lors d’une partie sur Minetest. Je ne l’ai jamais vu jusqu’à présent et je ne pourrais pas l’expliquer si ça se produisait.

Laurent Costy : Du coup, c’est peut-être un peu fonction, quand même, de la façon dont l’administrateur du serveur Minetest gère son serveur. On peut gérer plus ou moins bien un serveur, oublier un peu des mises à jour, des choses comme ça, ou, il y a effectivement peu de probabilités qu’il y ait des pertes ?

Amelaye : Au niveau de l’administration d’un serveur, il faut quand même tenir un minimum à jour son serveur pour, justement, permettre une nouvelle expérience de jeu, plus évolutive, aux joueurs. Qui dit changement de version, va dire mise à jour de mods.
Il y a, derrière, la sauvegarde des mods qui ont été installés à un instant t pour pouvoir faire efficacement un rollback s’il y a un problème.
On a aussi, et c’est l’élément le plus important, la sauvegarde régulière des données qui sont enregistrées dans une base, sachant qu’il y a plusieurs systèmes de base de données. La mienne, par exemple, est en en PostgreSQL parce que ça convient à des gros serveurs.
En ce moment je suis en vacances, ça va me permettre de réfléchir à la façon de régulariser plus efficacement mes sauvegardes, sachant que ce sont des données qui sont vraiment importantes pour l’expérience de jeu et plus on sauvegarde sa base de données, plus on a de chances de la restituer au moment du plantage qui a pu occasionner une perte définitive des données.

Laurent Costy : Si je résume, une des différences entre Minecraft et Minetest, c’est finalement la répartition de la responsabilité. En fait, on décentralise cette responsabilité-là et chacun porte une petite partie de responsabilité avec son propre serveur. Cela fait une sacrée différence parce qu’il n’y a pas une personne, comme sur Minecraft, qui peut décider d’appuyer sur un bouton pour exclure untel ou décider, tout seul, ce qu’il faut faire dans telle ou telle situation. Ça me semble effectivement extrêmement important à souligner et ça va bien dans l’esprit de la responsabilisation et du logiciel libre.
Je ne sais pas, on l’a peut-être déjà un petit peu évoqué, est-ce que vous pourriez donner vos conseils : comment commencer à jouer à Minetest pour les gens qui ne connaîtraient pas ? Quelle est la meilleure entrée pour commencer, ne pas être perdu, ne pas se retrouver, comme je me suis retrouvé, sur un champ immense à appuyer sur le bouton « allez en avant » et puis aller en avant pendant très longtemps. Que conseillez-vous ? Tuxayo.

Tuxayo : Ça dépend d’où l’on vient. Si on sait déjà jouer à Minecraft, essayer, du coup, de chercher les jeux, les mods qui cherchent à reproduire fidèlement Minecraft peut être une bonne idée pour commencer et se faire aux petites différences, à l’interface du jeu, lancer une partie, aller sur des serveurs.
On peut commencer en solo, aller dans le gestionnaire de contenu, chercher soit Mineclonia soit VoxeLibre et lancer une partie seule et, si on sait jouer à Minecraft, on va retrouve ses marques assez rapidement.
On peut aussi aller directement sur un serveur où il y a du monde et où il y a des chances que des gens puissent nous guider sur la façon dont ça marche.
Après, c’est vraiment en fonction des préférences : si on est plus dans la construction, c’est un serveur en mode création qui nous ira le mieux et, dans la liste des serveurs, c’est indiqué, dans la collecte de ressources. Il y a des icônes.
On peut aussi voir si les serveurs sont pacifiques ou s’il y a du combat entre joueurs, ce qui, pour une première expérience, peut être très frustrant quand, immédiatement des joueurs nous sautent dessus quand on apparaît.

Laurent Costy : Exactement. Du coup, Amelaye, peux-tu nous raconter ton monde, parce que, franchement, encore une fois je le trouve accueillant et, pour commencer, je trouve que c’est vraiment un excellent monde ?

Amelaye : C’est un serveur qui date maintenant de quatre ans et demi, qui est orienté semi RP. Je trouve que notre monde est actuellement tellement rude qu’on a besoin d’une échappatoire. Les réseaux sociaux deviennent une horreur absolue et je me suis dit qu’il fallait une save place où les gens puissent se décanter de leur journée, pouvoir oublier leurs soucis, faire quelque chose qu’ils aiment faire et rencontrer d’autres personnes. Il y a donc ce côté semi-roleplay où chacun est libre, ou pas, de jouer un personnage et c’est justement cette dimension-là que je tente de développer pour permettre de créer des arcs narratifs, de créer quelque chose où l’on s’évade, créer une histoire avec une intrigue. En ce moment, je suis en train de réfléchir sur un arc roleplay qui va être de la science-fiction.
Je trouve que c’est une partie qui est un peu occultée, ce qui est dommage parce qu’on parle beaucoup de roleplay sur Minecraft, mais on ne parle pas de roleplay sur Minetest. Derrière, il y a beaucoup un côté ludique, mais cette dimension ludique des roleplays échappe un peu à Minetest, ce qui est un peu dommage. C’est donc cette tournure que j’ai envie de donner.
En fait, quand on arrive sur Minerland, on est chaleureusement accueilli. Si je ne suis pas là, il y a forcément un des modérateurs qui est sur place et qui accueille nos visiteurs. Après, je recommande effectivement de connaître un peu le logiciel pour permettre de se familiariser avec l’esprit du jeu, c’est-à-dire d’avoir déjà pris en main Minetest, d’avoir vu quelques vidéos pour faciliter l’expérience de jeu et pouvoir s’organiser avec les mods, sachant qu’il y a effectivement ce côté pacifiste, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de côté PVP.

Laurent Costy : Peux-tu expliquer PVP ?

Amelaye : Player versus Player, qui est un mode de jeu, sur certains serveurs, où il faut bastonner le plus possible pour récolter le plus possible d’items et celui qui a bastonné le plus a gagné. Ça rejoint un petit peu les jeux de guerre qu’on connaît, mais sur un serveur Minetest. C’est assez répandu. Je ne vise pas du tout cette optique-là, je vise plus l’optique du built, de l’ingénierie, du roleplay où on se retrouve et on discute entre nous.

Étienne Gonnu : Roleplay, ça veut dire jeu de rôle ?

Laurent Costy : Jouer un rôle, essayer d’incarner un personnage.

Amelaye : Exactement, sachant que dans Minerland ou sur certaines de mes vidéos, je joue un personnage qui ne correspond pas forcément à mes valeurs ou à mes opinions. Par exemple, s’il y a un commerçant, je vais le charrier, je vais lui demander « as-tu payé ton URSSAF ? ». C’est vraiment un monde où on se charrie et où on peut camper un personnage le temps de plusieurs soirées.

Laurent Costy : Avec aussi différentes capacités : les administrateurs ont certains pouvoirs qu’ils peuvent conférer aux nouveaux joueurs. C’est aussi un jeu où on peut montrer qu’on est capable, par exemple, de fabriquer une maison et, à partir de là, l’administrateur, donc toi ou quelqu’un d’autre du jeu, va te faciliter les déplacements sur la carte. On n’a pas parlé de la carte. Tuxayo a été très étonné en découvrant qu’elle est colossale, elle est énorme, et il y a même une carte sur le wiki du monde qui permet de se retrouver, de se situer. Je te laisse un peu en parler.

Amelaye : En fait, elle n’est pas si grande que ça, elle ne fait que 20 000 blocs de côté, tous les côtés, c’est-à-dire qu’on va avoir une surface de 20 000 blocs sur 20 000 blocs, aussi bien en coupe horizontale qu’en coupe verticale. Ça permet d’intégrer aussi des modes de biomes. Par exemple, pour la surface, j’ai mis en place le mod Ethereal qui permet d’avoir d’autres décors plus ou moins fantastiques comme de la terre bleue, des champignons géants, c’est un mod qui est très connu.
On peut avoir le Nether. Le Nether c’est une dimension parallèle, une dimension qui a été empruntée au jeu Minecraft. Sur Minecraft, c’est différent, on a beaucoup de lave avec des mobs, des créatures, qui sont dédiés à part entière. On se retrouve avec un monde un peu plus dangereux, une dimension plus dangereuse, parce qu’il y a énormément de lave qui peut couler, donc on meurt de suite. On a des créatures qui peuvent attaquer. Minetest a réutilisé cette notion pour l’utiliser, mais, dans le mod que j’utilise, c’est une sous-couche où il y a cette notion de lave qui coule, de terres différentes, de matériaux différents et, finalement, de décors différents : tout est sombre, il n’y a pas de ciel, tout est sous terre et, bientôt, il y aura certainement des créatures propres au Nether qui seront installées.

Laurent Costy : D’accord. Par rapport à la question de carte, il y a une question d’apitux dans le chat concernant l’import de cartes du monde réel. Ce sont des choses possibles. Effectivement, ce n’est pas une orientation de ton serveur, mais c’est désormais possible sous Minetest. L’IGN [Institut national de l’information Géographique et forestière] produit des sorties qui peuvent être importées dans Minetest et on retrouve la carte locale d’un village. J’ai testé sur un petit village en Lorraine, j’ai importé cette carte et on pouvait retrouver l’univers réel dans Minetest.
Là aussi, évidemment, on imagine tous les usages pédagogiques qu’il peut y avoir autour, des associations travaillent sur ce sujet-là, Zoomacom en particulier, qui avait été invité mais qui a eu une contrainte, il n’a donc pas pu pas intervenir. Ce sont des usages potentiels de Minetest. On essaiera de faire une deuxième émission, début 2025, pour voir tous les usages pédagogiques qu’il peut y avoir. Des gens sont intervenus à deux reprises à la Journée du Logiciel Libre Éducatif justement pour montrer tout ce qui peut se faire dans le monde de l’éducation autour de Minetest. C’est un autre sujet. Je pensais qu’il était extrêmement important, aujourd’hui, de montrer d’abord qu’on peut jouer de manière apaisée, de manière agréable. Je pense qu’on avance un peu avec cette démonstration-là et ce sera un point supplémentaire.
Quelles sont les ressources, les choses étonnantes que vous avez croisées ou les beaux moments que vous avez vécus sur vos temps de jeu Minetest ? Tuxayo.

Tuxayo : C’est justement le fait, à partir d’un monde, de pouvoir en générer une carte où après, dans son navigateur web, on peut voir, comme si on voyait depuis l’espace, à quoi ressemble un monde. Du coup, voir « tiens, on dirait que quelqu’un a fait un château » ou alors « on dirait qu’il y a une sorte de volcan à cet endroit-là ». Voir aussi la manière dont le monde a été généré, la forme des océans, les forêts et ensuite se servir de ça pour naviguer dans le jeu et, de quelque chose qu’on voit du ciel, essayer de se frayer un chemin dans le monde pour voir depuis le sol ce qu’est cette chose qu’on a vue depuis le ciel, etc.

Laurent Costy : Ça veut dire que, parfois, on peut voler dans le jeu, mais il faut avoir ce pouvoir, donc, est-ce qu’il nous est attribué, est-ce que le mod a été installé ? Ce sont effectivement des questions qui peuvent se poser.

Tuxayo : Tous les serveurs ne permettent pas de voler, ont des véhicules qui permettent de se déplacer cette manière-là et tous les serveurs n’ont pas, de manière périodique, une carte de dimension qui est générée et qui est mise à disposition sur le Web.

Laurent Costy : Amelaye, un peu ton retour sur les ressources, les moments étonnants, les choses que tu as beaucoup appréciées ?

Amelaye : Il y a effectivement beaucoup de choses techniques qui m’ont parfois subjuguée comme cette idée d’utiliser des logiciels libres, des langages libres, je pense à JavaScript, je pense à plein de ressources qui permettent de créer de nouveaux outils, je pense aux mods, la quantité phénoménale de mods qui sont accessibles à tout un chacun, cette accessibilité à l’information, finalement cette pléthore de possibilités qu’offre Minetest.
Derrière, il y a aussi la richesse humaine que m’a apportée l’administration d’un serveur. Au tout départ, quand j’ai ouvert ce serveur-là, je n’ai pas pensé une seconde qu’il aurait le succès qu’il a maintenant et qu’il m’apporterait autant au niveau humain. Derrière, il y a une équipe de modérateurs, que j’appelle la dream team. Ils me donnent leur avis. À la base, je suis quelqu’un d’assez têtu et obstiné, j’ai appris à écouter les gens justement à travers ce jeu et grâce à cette richesse humaine qu’apporte l’administration d’un serveur à plusieurs, conseillée par d’autres personnes.

Laurent Costy : D’accord. Une belle expérience humaine malgré le fait qu’on soit parfois dans des aspects très techniques pour administrer un serveur.

Amelaye : Exactement.

Laurent Costy : Je voulais aussi évoquer, peut-être, les communautés, je crois que c’est turrican qui m’avait évoqué des communautés en Allemagne qui travaillent sur des mods autour du train et qui ont développé énormément de choses autour de ça. Il y a des choses dans ton monde, tu as installé des mods concernant ça, mais il y a quand même une communauté un peu foufou sur ces questions-là en Allemagne.

Amelaye : Oui. Il faut savoir que Minetest a du succès en Allemagne, puisque, déjà, il a une librairie qui s’appelle Irrlicht, un mot qui provient de l’allemand. Il y a des mods qui sont très orientés déplacement, je pense notamment à Advanced Trains, un mod qui provient effectivement d’Allemagne, un mod extrêmement pointu en matière de création de chemins de fer et de trains. C’est un mod qui se base sur la création de voies ferrées, mais de voies ferrées avec les mécanismes qu’on leur connaît, comme les aiguillages, comme la pose de feux, toutes ces choses-là. Personnellement, ce n’est pas un mod que j’aime utiliser quand je pose des voies de chemin de fer, parce que c’est un mod très complexe, il y a des notions comme l’interlocking, il faut connaître un petit peu comment sont gérés les chemins de fer pour comprendre le mod. C’est donc très pointu, mais, derrière, il y a des possibilités qui sont déconcertantes, justement pour créer des systèmes de petit train. En général, je laisse ça à Tanavit qui, justement, est un spécialiste de ce mod et qui le connaît bien.

Laurent Costy : Très bien. Étienne.

Étienne Gonnu : Il ne me semble pas que ça ait été répondu, mais une question me taraude par rapport aux mods. J’ai compris qu’on peut en installer soi-même, j’imagine qu’on peut en installer sur les serveurs, donc ça dépend des mods. Comment ça marche ? Si je veux jouer avec un mod, faut-il que je trouve un serveur sur lequel c’est installé ou faut-il que je l’installe d’abord chez moi ? Si je ne l’ai pas installé chez moi, est-ce que je peux aller sur le serveur ?

Laurent Costy : Tuxayo.

Tuxayo : En fait, quand on veut jouer seul, il faut avoir installé le mod, il faut connaître son existence et ensuite l’avoir trouvé dans le gestionnaire d’extensions. Quand on se connecte sur un serveur, parfois c’est le serveur qui nous envoie absolument tout ce qui est nécessaire. Ça veut dire qu’il n’y a même pas à savoir si deux mods vont bien ensemble, c’est travail des personnes qui administrent un serveur, comme Amelaye, qui, minutieusement, essayent de construire une expérience de jeu cohérente. Ensuite, les personnes qui viennent jouer sur le serveur n’ont rien besoin de connaître sur la technique, elles ont juste à se concentrer sur la façon de jouer : est-ce que je peux domestiquer tel animal, telle plante, qu’est-ce que je peux faire comme nourriture ? On se concentre vraiment sur le jeu quand on va sur un serveur.
Si on veut jouer seul, il faut avoir la chose installée. C’est pour cela que ça ne s’appelle pas officiellement des mods, ça s’appelle des jeux. Du coup, dans Minetest, quand on installe Mineclonia ou VoxeLibre, on a déjà tout un ensemble cohérent et on a juste un seul truc à connaître pour avoir une expérience de jeu donné.
Quand on veut faire des trucs dans le détail, il faut les installer à la mains pour pouvoir y jouer en solo, sinon, sur les serveurs, ça se télécharge tout seul.

Laurent Costy : Très bien. C’est vrai que l’ajout de mods rajoute potentiellement, en particulier en mode créatif, des recettes. Il y a tout un livre de recettes qui permet de combiner les éléments et je trouve assez jouissif de pouvoir découvrir toutes ces recettes et de fabriquer des choses en assemblant des matériaux qui ont été ramassés. Cela vient aussi s’amplifier avec la quantité de mods et la caractéristique de certains mods dans Minetest.
Il nous reste trois minutes. Je vais passer à chacun la parole une ou deux minutes pour que vous nous partagiez la chose que vous avez envie de répéter ou la chose que vous auriez oubliée. Amelaye.

Amelaye : Personnellement, je pense avoir tout dit. Après, il suffit de venir sur le serveur ou, déjà, d’installer Minetest chez soi, de le tester, de l’utiliser pour se faire sa propre opinion et surtout s’amuser, ne pas se prendre au sérieux sur les serveurs.

Laurent Costy : Très bien. Tuxayo.

Tuxayo : Comme ressource intéressante, on a très brièvement mentionné les vidéos. Il y a effectivement une communauté de taille assez respectable qui fait des vidéos sur Internet et, juste en tapant « Minetest », on peut trouver pas mal de vidéos qui datent d’il y a moins d’un an, qui sont plutôt pertinentes par rapport aux évolutions du jeu et de toutes les extensions, tous les mods, y compris une partie des vidéos en français. Quand on part de zéro, il y a vraiment moyen d’apprendre avec l’une des méthodes les plus classiques avec lesquelles les gens apprennent à jouer à ce genre de jeu vidéo, qui est de regarder quelqu’un d’autre, soit qu’il nous apprend soit qu’il montre ses réalisations.

Laurent Costy : Merci de signaler les ressources. Je suis un peu plus traditionnel, je suis un peu plus ancien, j’ai commencé par essayer de retrouver toute la littérature qui pouvait exister, j’étais plutôt wiki. J’ai d’abord été un peu submergé par la quantité de ressources écrites qu’il pouvait y avoir, les différentes expériences que ce soit éducatives, que ce soit joueurs, etc. Là aussi, il y a pas mal de matière, donc, évidemment, chacun choisira sa méthode préférée, que ce soit vidéo ou wiki. C’est vrai qu’il y a une grande diversité de ressources.
Peut-être, pour conclure, on peut annoncer qu’il y aura peut-être bientôt — je ne prends pas trop d’engagement pour l’April —, un serveur Minetest sur le Chapril, j’espère que je ne prends pas des risques en disant ça, je me ferai peut-être taper par les autres membres du conseil d’administration. C’est vrai que c’est une question qu’on se pose. On en avait discuté au dernier April Camp avec des personnes qui étaient là et on s’était dit que c’est un support vraiment sympa aussi pour échanger.
Il peut y avoir plein de projets autour de Minetest. Il y a des gens qui ont envie de créer des jeux de rôle directement dans Minetest en ajoutant les bons mods, en créant des scénarios, un peu ce que tu expliquais tout à l’heure. On pourrait aussi imaginer des développements pour créer un espace de métavers avec Minetest, par exemple, quand on se déplace, qu’on va dans une maison, on déclenche une visioconférence. Minetest permet tout cela parce que, finalement, tout est ouvert, on peut améliorer le programme. Tout cela pourrait se penser, pourrait s’imaginer. Je fais travailler des élèves sur ce sujet-là.
Amelaye, tu voulais ajouter quelque chose.

Amelaye : Il y a effectivement ce côté-là. Je regrette un peu que la communauté française reste encore frileuse là-dessus alors que c’est quand même un logiciel qui est plein de potentiel. Et puis, au niveau du build, je reprends un petit peu ce que tu as dit en amont par rapport aux cartes IGN, qui sont téléchargeables, et peuvent apporter une certaine base pour du build. Par exemple, j’ai téléchargé mon quartier de Marseille sur Minetest. C’est vrai que le résultat, au niveau de la base des bâtiments, n’est pas terrible, mais il y a ce côté mise en forme du terrain qui permet, après, de reconstruire par-dessus, de manière fidèle à l’échelle indiquée par l’utilisateur.

Laurent Costy : Le lien au réel peut être extrêmement intéressant.
Je vais devoir clore. Je vais repasser la parole à Étienne, vous remercier pour votre intervention. On peut espérer que cette émission va aider un peu à casser cette frilosité.

Amelaye : Merci à toi.

Étienne Gonnu : Merci à Laurent. Merci à nos deux invités. C’était vraiment passionnant de vous écouter. Le temps file, on doit rendre l’antenne à 17 heures pile. Je vais juste rappeler qu’il y a eu énormément de références citées, notamment différents mods, etc. On en listera un maximum sur la page de l’émission, bien sûr.
Nous allons faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Étienne Gonnu : Après la pause musicale, Jean-Christophe Becquet nous présentera une nouvelle pépite libre, L’Accueillette. En attendant, nous allons écouter Sprung Back par Fog Lake. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Sprung Back par Fog Lake.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Sprung Back par Fog Lake, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By.

[Jingle]

Étienne Gonnu : Je suis Étienne Gonnu de l’April, nous allons passer à notre dernier sujet.

[Virgule musicale]

Chronique « Pépites libres » de Jean-Christophe Becquet, vice-président de l’April – « L’Accueillette : un outil d’auto-diagnostic de lieux d’accueil »

Étienne Gonnu : Nous allons poursuivre avec la chronique « Pépites libres ». Jean-Christophe Becquet, vice-président et ancien président de l’April nous présente une ressource sous licence libre, texte, image, vidéo ou base de données, sélectionnée pour son intérêt artistique, pédagogique, insolite, utile. Les auteurs et autrices de ces pépites ont choisi de mettre l’accent sur les libertés accordées à leur public, parfois avec la complicité du chroniqueur.
Salut Jean-Christophe.

Jean-Christophe Becquet : Bonjour à tous. Bonjour à toutes.
Peut-être avez-vous récemment poussé la porte d’un service public ?, qu’il s’agisse d’une crèche municipale, d’une médiathèque ou d’une régie des eaux. Pour moi, c’étaient les services d’aide à la mobilité suite à ma décision d’abandonner ma vieille voiture au profit du vélo et de l’autopartage. Dans toutes ces situations, l’accueil compte pour une part importante de notre expérience d’usager.
L’Accueillette offre donc une palette d’outils pour interroger votre service. Le parcours d’accueil fait l’objet d’un questionnaire détaillé en neuf étapes :

  • Extérieur, entrée et première impression
  • Accueil, médiation
  • Bureaux de permanences et d’entretiens
  • Signalétique et supports de communication
  • Affichage et informations
  • Mobilier, décoration, zonage
  • Services, usages, besoins spécifiques
  • Fonctionnement et entretien du bâtiment
  • et, pour finir, Numérique.

Les questions sont simples, mais lourdes de conséquences comme « Le bâtiment est-il facilement identifiable dans l’espace public ? », « L’ensemble du bâtiment est-il accessible aux personnes à mobilité réduite et sans danger ? », « Y a-t-il des places d’attente en quantité suffisante ? ».
C’est un sujet récurrent dans mes chroniques, mais j’aurais bien ajouté une question : « Le service est-il correctement décrit dans OpenStreetMap ? ». En effet, les données renseignées dans OpenStreetMap, aussi variées que la couleur de la façade, les horaires d’ouverture, l’accessibilité… se propageront sans effort dans les centaines d’applications qui s’appuient aujourd’hui sur cette base de données libre.

L’équipe du projet L’Accueillette regroupe des personnes travaillant pour le Ti Lab, un laboratoire territorial porté par la Préfecture de Bretagne et la Région Bretagne, mais aussi des collectivités, des associations et d’autres structures du secteur privé.
Le site web, laccueillette.com, permet de créer un compte pour héberger l’analyse de votre accueil.
J’ai cependant repéré ce qui me semble être une erreur dans les Conditions générales d’utilisation. En effet, le chapitre 6, « Propriété intellectuelle et contrefaçons », entre en contradiction avec la licence Creative Commons By-SA dont le logo est visible dès la page d’accueil ainsi que sur toutes les ressources du projet. Il est écrit : « L’Accueillette est propriétaire des droits de propriété intellectuelle et détient les droits d’usage sur tous les éléments accessibles sur le site internet, notamment les textes, images, graphismes, logos, vidéos, icônes et sons. Toute reproduction, représentation, modification, publication, adaptation de tout ou partie des éléments du site, quel que soit le moyen ou le procédé utilisé, est interdite, sauf autorisation écrite préalable de L’Accueillette. ». Cela illustre, selon moi, le poids de ce que je considère comme la conception dominante, mais tellement restrictive du droit d’auteur : tout est interdit par défaut. J’ose espérer que cette mention est obsolète et qu’il faut plutôt se référer à la licence libre qui autorise la copie, la modification, l’adaptation, bref !, tout type de réutilisation, à condition de citer l’auteur et de partager les versions modifiées sous la même licence. On lit en effet, dans la présentation du projet, qu’un des partis pris est d’« avoir un outil partagé, ouvert et collaboratif ». C’est bien cela que permet le choix d’une licence libre. L’Accueillette est donc une ressource librement réutilisable et modifiable par toute structure, publique ou privée, petite ou grande, commerciale ou non marchande.
Grâce aux libertés inscrites dans sa licence, L’Accueillette accède au statut de « Pépite libre » et pourra bénéficier à une association comme l’April ou Cause Commune, une université, un centre de santé… À la fin, ce sont autant les personnes en charge de l’accueil que les publics qui bénéficieront des améliorations apportées.

Étienne Gonnu : Merci beaucoup, Jean-Christophe, pour cette nouvelle pépite libre qui démarre cette huitième saison de Libre à vous !. On aura le plaisir, j’imagine, de t’entendre le mois prochain pour nous présenter une nouvelle pépite ?

Jean-Christophe Becquet : Je continue de chercher.

Étienne Gonnu : Super. Je te souhaite une très bonne fin de journée. Merci beaucoup Jean-Christophe.

Jean-Christophe Becquet : Merci. Bonne fin d’émission et au mois prochain.

Étienne Gonnu : Au mois prochain.
Nous allons terminer par quelques annonces.

[Virgule musicale]

Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre

Étienne Gonnu : Ce week-end, deux événements assez importants : la Fête de l’Humanité en région parisienne et la Braderie de Lille, tout simplement à Lille, comme l’indique le nom. La Fête de l’Humanité c’est du 13 au 15 septembre et la Braderie de Lille les 14 et 15. Je mentionne ces deux événements parce qu’ils vont, chacun, avoir un espace dédié aux questions numériques. L’April tiendra un stand à la Fête de l’Humanité. Il y aura plein d’autres associations du côté de Lille. Donc, n’hésitez pas à aller faire un marché et à rencontrer ces libristes.

Le 27 septembre, c’est plutôt en Bretagne que nous nous dirigeons.
À Rennes, se déroulera le premier WordCamp Bretagne, un événement dédié au logiciel de création de sites web, un CMS qui s’appelle Wordpress. L’April aura le plaisir d’y tenir un stand, donc de venir à la rencontre des personnes qui pourront s’y présenter.
Toujours le 27 septembre, toujours en Bretagne, cette fois-ci du côté de Brest, Infini, le Groupe d’Utilisateurs et d’Utilisatrices de Logiciels Libres, propose un barbecue de rentrée à partir de 18 heures. Tout le monde y est bienvenu et, si j’en crois la photo présentée sur l’Agenda du Libre, il y a de très fortes chances qu’il y ait des options végétariennes proposées.

Je parle de l’Agenda du Libre. Comme d’habitude, vous pouvez y trouver des événements en lien avec le logiciel libre et la culture libre près de chez vous, ainsi que les structures qui les font vivre.

Notre émission se termine.

Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission : Isabelle Carrère, Laurent Costy, Amelaye, Toxayo, Jean-Christophe Becquet.
Aux manettes de la régie aujourd’hui, Isabella Vanni, que je remercie d’autant plus chaleureusement que la mise en place a été assez compliquée, on a eu, en plus, des problèmes de son, pourtant la régie a été nickel de bout en bout.
Merci également aux personnes qui s’occupent de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang 1, Julien Osman, bénévoles à l’April, ainsi qu’Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio.
Merci aussi aux personnes qui découpent les podcasts complets des émissions en podcasts individuels par sujet : Quentin Gibeaux, bénévole à l’April, ainsi que mon collègue Frédéric Couchet.

Vous retrouverez sur notre site web, libreavous.org, toutes les références utiles ainsi que sur le site de la radio, causecommune.fm.
N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu, mais aussi des points d’amélioration.
Vous pouvez également nous poser toute question et nous y répondrons en direct ou lors d’une prochaine émission. Toutes vos remarques et questions sont les bienvenues à l’adresse contact chez libreavous.org.
Si vous préférez nous parler, vous pouvez nous laisser un message sur le répondeur de la radio, pour réagir à l’un des sujets de l’émission, pour partager un témoignage, vos idées, vos suggestions, vos encouragements ou pour nous poser une question. Le numéro du répondeur est le 09 72 51 55 46.

Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission. Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et à faire connaître également la radio Cause Commune, la voix des possibles.

La prochaine émission aura lieu en direct, comme d’habitude, mardi 17 septembre à 15 heures 30. Notre sujet principal sera un nouveau Parcours libriste avec Maud Royer, développeuse web et experte en stratégies numériques de mobilisation et de plaidoyer.

Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 17 septembre et d’ici là, portez-vous bien.

Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.