Bénévalibre : une réussite collective

Isabella Vanni : Bonjour ! Merci de votre présence à cette conférence qui a pour titre « Bénévalibre : une réussite collective ».
Je suis Isabella Vanni, coordinatrice vie associative pour l’April.

« Bénévalibre », pourquoi ce nom ? En fait c’est un mot-valise, c’est la fusion de trois mots : bénévolat, valorisation et libre.
Pourquoi « réussite », en fait c’est un service, une application web basée sur un logiciel libre qu’on a lancée officiellement en septembre 2019. À ce jour – c’est plutôt récent, je crois que j’ai fait les captures d’écran hier –, vous voyez qu’il y a près de 1 100 associations qui sont inscrites et près de 15 000 actions de bénévolat qui ont été saisies. Bénévalibre est un logiciel, un service web qui permet de gérer, valoriser son engagement, en fait le temps passé dans des associations.
C’est une réussite pourquoi ? Ces chiffres pourraient peut-être apparaître pas si élevés que ça, mais on n‘a pas pu mettre énormément de moyens en termes de communication ; il y a aussi eu les restrictions sanitaires dues à la pandémie. On retient que le logiciel répond à un vrai besoin et les chiffres montrent que les associations avaient effectivement besoin de ce logiciel.
J’ai aussi mis un graphique, tout en haut, qui vous montre l’évolution au cours du temps, du 30 septembre 2019, peu après le lancement, jusqu’au 6 févier, vous voyez que c’est assez exponentiel. Donc il y avait un vrai besoin et on a répondu à ce besoin. C’est pour ça qu’on parle de réussite.
« Collective » pourquoi ? Parce que dès le départ il y a une véritable logique collective qui a prévalu dans le projet. Il y a différents acteurs, notamment associatifs, qui ont été impliqués dès le début et c’était hyper-important pour nous. Il y a aussi un comité de pilotage ouvert, c’est-à-dire que d’autres acteurs se sont rajoutés au fur et à mesure.

Il est important de rappeler la genèse du projet justement pour expliquer pourquoi c’est une réussite collective.
C’est l’April [1], l’association pour laquelle je travaille, l’association de promotion et de défense du logiciel libre en France, et Framasoft [2], qui est une association d’éducation populaire aux enjeux du numérique, via notamment la promotion d’outils libres, qui ont organisé une réunion de têtes de réseaux d’associations d’éducation populaire, cela remonte à fin 2016. À cette époque-là, ces différentes associations avaient fait un double constat : d’un côté l’importance d’évaluer le bénévolat dans leurs associations, dans leurs réseaux respectifs et, de l’autre côté, l’absence d’une solution informatique qui soit suffisamment simple pour les bénévoles de leurs associations.
On va préciser pourquoi ce double constat. J’imagine que vous savez pourquoi le bénévolat est important, mais c’est bien de rappeler que le bénévolat est important pour plein de raisons différentes dans une association, notamment son évaluation est importante pour plein de raisons différentes. Ça permet, par exemple, de donner une image plus fidèle de l’ensemble des activités qui sont faites dans cette association ; ça permet aussi de montrer les coûts réels d’un projet associatif au-delà des flux financiers ; ça permet d’attester de l’importance des bénévoles dans l’association, c’est hyper-important, c’est la reconnaissance et ça permet, d’un côté, de fidéliser les bénévoles qu’on a déjà et, éventuellement, d’accueillir de nouvelles personnes. D’un point de vue de communication externe, l’évaluation est importante pour pouvoir parler aux interlocuteurs pour lesquels le bénévolat est important. Face aux bailleurs financiers, si on montre qu’on a toutes ces heures de bénévolat valorisées, ça permet de montrer qu’on a des ressources propres, ce qui rassure énormément les bailleurs. Et en général, montrer combien de temps a été investi par les personnes dans un association, ça montre le dynamisme de l’association et finalement c’est important pour tout le monde, qu’on soit membre, donateur, adhérent ou membre d’une équipe salariée, comme c’est mon cas.
J’ai parlé de valorisation externe. Il y a aussi des associations qui font appel à la générosité publique et qui bénéficient de subventions ou de dons supérieurs à un certain seuil fixé par décret, actuellement c’est 153 000 euros. Ces associations-là ont l’obligation de publier leurs comptes annuels. Dans les comptes annuels elles sont tenues d’inclure les prestations en nature, donc le bénévolat, à condition que l’importance, la nature même du bénévolat explique l’activité de l’association et qu’elle soit capable de le comptabiliser, de le valoriser. Si les associations ne peuvent pas le comptabiliser, le valoriser, elles doivent quand même mettre en annexe pourquoi elles ne sont pas capables de le faire et, quand même, quelle est la nature et quelle est l’importance du bénévolat dans leur association. C’est important aussi pour ce type d’associations, il y en a plein qui sont dans cette situation.

Pour le second constat, l’absence d’une solution existante qui soit adaptée, en fait il y a des solutions pour comptabiliser le bénévolat, mais les têtes de réseaux se sont rendu compte que la plupart des solutions, pratiquement toutes les solutions trouvées, étaient des modules dans des logiciels qui étaient beaucoup plus complexes et qui nécessitaient de compétences techniques élevées pour le paramétrage et l’installation. Je vous ai mis, par exemple, ce qu’on utilise à l’April. Ça permet de comptabiliser le bénévolat, les actions que nos bénévoles font pour notre association, mais c’est un module qui est intégré dans un logiciel beaucoup plus complexe de gestion des adhérents, donc ce n’était pas la réponse au besoin.
La réponse au besoin c’était de faire quelque chose de mono-fonction, une application web mono-fonction, bien évidemment basée sur un logiciel libre – c’est la condition préalable pour respecter les utilisateurs et utilisatrices –, que ce soit hyper-simple d’utilisation, parce qu’il y a plein de bénévoles qui ne sont pas forcément très à l’aise avec les outils informatiques, qui ont l’habitude de noter les heures sur une feuille volante et, par la suite, c’est le secrétaire ou le trésorier qui doit tout remettre ensemble. Donc il fallait trouver quelque chose de très simple, bien évidemment respectueux aussi des données personnelles, cela va de soi, et également décentralisé, un service web qui puisse être installé par n’importe quelle structure ou personne qui a les moyens pour le faire ou qui peut payer les moyens pour le faire. C‘était aussi un point très important pour nous.

Les partenaires.
En fait, le porteur du projet c’est le Crajep [Comité régional des associations de jeunesse et d’éducation populaire] de Bourgogne-Franche-Comté. Derrière cet acronyme il y a une association qui coordonne les activités des associations de jeunesse et d’éducation populaire en Bourgogne-Franche-Comté, c’est la déclinaison régionale d’une association qui est le Comité national, le Cnajep. Pourquoi une région, pourquoi un réseau qui est sur une région spécifique ? Tout simplement parce que le conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté avait été contacté et il était prêt à financer ce projet. C’est pour ça que nous sommes partis de là, mais, dès le départ, l’objectif était d’aller plus loin, bien évidemment de viser l’échelon national, parce que c’est un logiciel qui sert à toutes les associations, pas que celles de Bourgogne-Franche-Comté.
L’autre financeur qui a financé à hauteur de 10 000 euros c’est la Fondation Crédit Coopératif [3], en 2018.
Et puis vous voyez deux partenaires « experts » : l’April à nouveau. Vous savez que l’April fait la promotion et la défense du logiciel libre, on fait la promotion auprès de publics différents, ça peut être le grand public, ça peut être les décideurs politiques, ça peut être les associations. On a un groupe de travail [4] qui est animé par le chargé de projet Bénévalibre, qui est aussi administrateur de l’April, Laurent Costy, un groupe de travail qui a vraiment pour objectif de faire le pont entre le logiciel libre et le monde associatif. Donc pour nous c’était évident, c’était une évidence de participer à ce projet. Et puis Framasoft, qui est une association d’éducation populaire aux enjeux du numérique, qui promeut, bien évidemment, les logiciels libres auprès du grand public.
Je vous ai dit un comité de pilotage ouvert, ça aussi c’était hyper-important pour nous. Au 1er septembre 2021 vous voyez tous ces acteurs, bien évidemment il y a les partenaires dont je vous ai parlé tout à l’heure, mais il y a aussi le Cnajep. On a atteint l’échelon national d’un point de vue associatif en 2021 parce que le Cnajep, le Comité national des associations de jeunesse et d’éducation populaire, a rejoint officiellement le comité de pilotage cette année et Le Mouvement associatif [5] national a fait de même. Jusqu’à mai 2021 il y avait, on va dire, trois associations au niveau régional du Mouvement associatif et, en 2021, le Mouvement associatif national nous ont rejoints.

C’était important de basculer sur l’échelon national pas seulement au niveau des acteurs impliqués, mais aussi au niveau des fonds. Vous voyez tous les fonds qu’on a levés jusqu’à présent. Il y a des acronymes que je ne peux pas apprendre par cœur, c’est impossible !
En 2018 vous voyez les deux gros financeurs du départ, la Fondation Crédit Coopératif et le conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté. En 2020 nous avons atteint notre objectif d’impliquer les fonds de l’État dans le projet, donc la DRJSCS, la Direction régionale et départementale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, on va dire que c’est entre l’État et la région ; ces fonds ont été donnés au projet notamment pour sa pérennisation et son déploiement, et puis avec le FDVA, le Fonds pour le développement de la vie associative, là aussi c’est l’État. Donc on est hyper-contents d’avoir obtenu ces résultats. Vous voyez qu’en 2021 ils ont contribué au projet à deux occasions, la première fois pour la formation bénévole et la deuxième fois pour le développement de nouvelles fonctionnalités.
Après il y a Framasoft. Pourquoi Framasoft a-t-elle subventionné ? Parce que Framasoft avait des besoins spécifiques. Vous le savez, avec le logiciel libre c’est simple, on part du besoin, donc Framasoft a dit au sein du comité : « Nous avons besoin de deux fonctionnalités spécifiques et nous sommes prêts à mettre l’argent pour les faire développer et pour en faire profiter toutes les associations ensuite. »

Je n’ai pas parlé du partenaire technique. Désolée je n’ai pas mis le logo du partenaire technique, mais je tiens absolument à parler de notre partenaire technique qui est Cliss XXI [6]. C’est une SCIC, société coopérative d’intérêt collectif — cela relève de l’économie sociale et solidaire — qui fait partie du réseau Libre-entreprise [7] dont vous avez le stand sur le salon. En plus de développer des logiciels libres, c’est sa spécialité, Cliss XXI fait aussi de vraies actions pour l’éducation populaire. Elle organise des débats, des conférences, des fêtes d’installation. À nouveau c’était pleinement dans la cohérence de notre projet, on était super contents de travailler avec elle. Comme vous le savez, un logiciel libre n’est pas défini par sa gratuité, un logiciel libre peut être rendu disponible de façon gratuite une fois qu’il a été payé. La beauté du logiciel libre c’est qu’on l’a payé et maintenant on peut en faire profiter un maximum de personnes.

La version Bénévalibre 1.0, comme je vous ai dit, a été lancée mi-septembre 2019, vous voyez une capture d’écran de l’accueil. C’est sous licence libre, bien évidemment, la GNU Affero. Comme je vous disais on s’est arrêté au départ vraiment aux fonctionnalités basiques. Une fois identifié, vous avez juste à mettre le titre de votre action, la date, la durée et la catégorie. Point. Nous sommes restés à ça, déjà parce qu’on ne voulait pas reporter la livraison du logiciel, on s’est dit inutile de complexifier, c’est bien de faire une première version basique et on verra ce qu’on peut faire par la suite en fonction des besoins qu’on recueille auprès des associations et aussi des sous que l’on recueille. On pensera aux fonctionnalités supplémentaires pour la version 2.
On a bien évidemment mis en place un forum.
La première instance de Bénévalibre [8] est hébergée par Cliss XXI, ce qui est normal, le site c’est app.benevalibre.org. Elle est gratuite à l’usage parce que le logiciel a été payé avant.

On a fait aussi des actions de communication, mais, comme je vous le disais, nous ne sommes pas si bons que ça dans le sens que, déjà, il nous manque des moyens. On a fait le maximum. Bien évidemment les têtes de réseau qui étaient impliquées dès le départ dans le projet ont fait la promotion de l’outil dans leurs réseaux respectifs, c’est hyper-important. On a aussi présenté ce service à l’occasion du FNAF, le Forum National des Associations & Fondations à Paris, en 2019. Plein de personnes qui sont venues étaient hyper-intéressées par le projet.
Au niveau communication ça nous permet aussi de sensibiliser sur les licences libres. Par exemple on a précisé que si les têtes de réseau font de la communication, font des dépliants, éditent des documents pour promouvoir le logiciel, ce serait bien de les publier sous licence libre pour rappeler qu’il est possible de le faire et que ça facilite la vie de tout le monde. On a déjà donné l’autorisation pour modifier, réutiliser, distribuer les documents. On essaie vraiment de faire de la pédagogie dès qu’on en a la possibilité.

Et puis les associations impliquées ont fait déjà pas mal de formation à deux niveaux. Elles peuvent faire de la formation directement auprès des bénévoles, les utilisateurs et utilisatrices, ou alors elle peuvent avoir fait des formations de formateurs, c’est-à-dire qu’elles ont formé les associations qui ensuite formeront leurs propres bénévoles.

Vous avez un aperçu des associations qui sont déjà inscrites, près de 1 100 associations. Il y a vraiment de tout, il n’y a pas que des associations de la région Bourgogne-Franche-Comté, j’anticipe une question possible. Il y a vraiment de tout, tous les thèmes, tous les domaines on va dire, tous les départements, toutes les régions.

Bien évidemment c’est un logiciel libre, donc on peut l’installer, on peut créer sa propre instance.
Je vous ai mis une instance que je connais, l’instance Chapril [9]. Chapril est la contribution de l’association April au collectif CHATONS, Collectif des hébergeurs… je ne sais pas si je sais dire tout l’acronyme, vous connaissez forcément. Il y a quelqu’un qui ne connaît pas ? Non. CHATONS [10] c’est le Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires, ce sont des services libres et éthiques. Toutes les associations et structures qui participent à ce collectif se sont engagées, ont signé une charte selon laquelle elles ne vont pas espionner les utilisateurs, elles ne vont utiliser que du logiciel libre. Nous sommes fiers et contents d’avoir créé notre propre instance Bénévalibre sur Chapril.

« Au-delà du logiciel » : pourquoi j’ai fait cette slide ? Parce que nous sommes super contents d’avoir développé ce logiciel, mais, en fait, il y a d’autres choses qui sont importantes dans ce projet.
C’est un projet qui nous a permis de mettre en relation des acteurs qui venaient d’horizons différents, l’éducation populaire pour le Crajep et les associations plus liées au monde du Libre comme l’April et Framasoft - même si Framasoft est entre les deux -, qui ont un socle de valeurs en commun très important : l’entraide, le partage, l’intérêt général. Ils avaient tous intérêt à collaborer. C’est important de rappeler que derrière un logiciel il y a aussi des relations.
C’est important aussi de dire qu’au-delà de ce logiciel libre, il y a aussi une appropriation du logiciel par les associations, c’est-à-dire que les associations, grâce à cette initiative, grâce à ce projet, ont pu faire l’expérience directe d’une informatique différente, une informatique émancipatrice, une informatique qui part vraiment du besoin des associations, des bénévoles, qui n’asservit pas parce qu’elle appartient à tout le monde. Donc elles ont aussi fait l’expérience d’une informatique alternative à celle qui est proposée par les éditeurs propriétaires qui sont toujours dans une position dominante par rapport aux associations. Là elles se sont rendu compte qu’on peut faire de façon différente.
C’est hyper-important pour moi de dire que ce projet va au-delà du logiciel. C’est une « super pub », entre guillemets, pour le logiciel libre.

Merci. J’ai fini, mais vous avez le temps pour des questions.

[Applaudissements]