Baptiste Lemoine alias tykayn : Bonjour. Peux-tu nous dire qui tu es et ce que tu fais de beau ici ?
Mélissa Richard : Je suis Mélissa. Je suis chargée d’animation numérique au réseau Ritimo [1], donc je viens de faire plusieurs choses ici : je tiens le stand de l’association Ritimo et, demain, je fais une conférence avec Julie de l’Établi numérique [2]. On va parler de la façon dont on a rencontré l’éducation populaire et ce qu’on en fait maintenant.
tykayn : OK. Très bien. Alors Ritimo, ça fait quoi de beau ?
Mélissa : Ritimo est un réseau de structures de solidarité internationale, un réseau majoritairement d’associations qui, au départ, sont des associations qui sont soit des centres de ressources, soit des centres de documentation ou des centres d’animation, autour de la solidarité internationale et qui se sont regroupés, il y a presque 40 ans maintenant, pour s’organiser en réseau et mieux diffuser l’information sur les mouvements sociaux, l’information internationale, etc., en très gros.
Dans les différentes choses, dans les différents sujets qu’on traite, on traite aussi du numérique libre, le numérique comme moyen d’accès à l’information, mais aussi comme enjeu de solidarité internationale, puisque, pour produire du numérique, il y a des rapports Nord-Sud qui viennent se mettre en place, il y a de l’extractivisme et l’extractivisme a des impacts sociaux, etc. ; la fabrication, c’est pareil, ça concerne les problèmes environnementaux. Il y a plein de choses qui viennent se mélanger là-dedans, donc, on s’est saisi de ce sujet pour mieux diffuser l’information sur ce que ça implique, sur la matérialité du numérique et pas la dématérialisation, etc. C’est aussi de cela dont je peux parler, ce qui fait qu’on a une raison d’être aux JdLLl et que ce n’est pas totalement sorti de nulle part.
tykayn : D’accord. Et question logiciel libre, vous faites de la contribution, de l’utilisation ?
Mélissa : Je ne suis pas technicienne, du coup, je ne vais pas contribuer sur du code, mais je vais contribuer sur de la documentation, par exemple de la documentation sur l’utilisation de Nextcloud [3], essentiellement, mais on va contribuer surtout sur l’accompagnement des personnes et des collectifs à l’utilisation de Nextcloud. Puisqu’on a un réseau d’associations, ces associations ont besoin de s’organiser, donc, elles vont chercher à mettre en accord leurs valeurs avec les outils qu’elles utilisent, plutôt les outils avec leurs valeurs. Avoir l’idée d’utiliser un logiciel, c’est une chose, après, il faut savoir l’utiliser, il faut vérifier qu’il est bien adapté à ses besoins, donc, mon poste, c’est aussi d’accompagner les collectifs sur le choix de leurs outils numériques et sur l’utilisation, une fois que c’est mis en place.
tykayn : OK. Comment cela se passe avec les gens ? Vous les contactez et après ils disent « allez, c’est parti » et, pendant trois ans, vous les accompagnez ?
Mélissa : Si c’est trois, il va falloir, un peu. On a plutôt envie d’accompagner sur l’autonomisation, donc, en fait, on va accompagner au début, c’est-à-dire faire l’étude des besoins et, après, comme nous sommes un réseau présent au niveau national, il y a forcément une association libriste, en tout cas familière du numérique, et on va plutôt mettre en contact les gens, ces différentes associations pour qu’elles travaillent ensemble localement, on va les mettre en contact avec des chatons [4], plutôt que nous, faire tout l’accompagnement. Il y a, par exemple, Emancip’Asso [5], qui a commencé et c’est super, c’est un bon écosystème pour faire fonctionner ça, et localement et nationalement.
tykayn : OK. Qu’est-ce que tu peux dire sur l’inclusivité dans le Libre ?
Mélissa : Si tu as des questions plus précises, ça m’arrange !
tykayn : C’est un peu vague, c’est vrai ! Quelles seraient les pistes pour que le Libre soit plus inclusif ?
Mélissa : Il y en a plein ! Je pense que, ces dernières années, il y a une bonne prise de conscience, du coup, déjà, ça, ce n’est pas mal, mais, au-delà de la prise de conscience, après il faut agir et c’est plus difficile.
Si on parle d’événements, comme les Journées du Logiciel Libre et l’inclusivité, pareil, c’est très large, ça dépend de qui on veut inclure, mais, avoir des espaces de repos, avoir des espaces qui permettent à des gens de venir avec leurs enfants, de pouvoir venir en famille, pas seulement venir avec les enfants, mais avoir un endroit où tu peux laisser les enfants ce qui fait que, toi, tu peux faire autre chose, par exemple, ça, ça marche.
L’inclusivité, ce n’est pas que pour les minorités de genre, c’est aussi, par exemple, l’accessibilité, avoir un espace qui soit accessible aux personnes à mobilité réduite et les personnes à mobilité réduite, ce n’est pas que les personnes en fauteuil.
Cela ne demande pas forcément beaucoup de moyens, mais ce sont des choses auxquelles il faut penser très en amont. En fait, ça peut se faire avec pas mal de bénévoles. Là, j’étais en train de penser à de l’interprétation en langue des signes, par exemple.
En fait, que ce soit à l’échelle des associations ou des événements, je pense qu’il faut déjà se poser la question de qui on veut inclure et pourquoi on veut les inclure. Si c’est juste pour avoir une bonne image, ce n’est pas très intéressant. Les personnes qu’on veut inclure vont venir regarder et dire « bon, OK ». Il y a plein de raisons, je ne vais pas projeter les raisons pour lesquelles on veut plus d’inclusivité, je pense qu’il faut y réfléchir bien en amont.
Pour ce qui est des collectifs, par exemple des associations, à mon avis, il faut avoir un groupe de travail dédié, qui se pose vraiment ces questions-là, et à mon avis, ne pas commencer à faire de l’inclusion avant de le faire pour les bonnes raisons.
tykayn : Il faut aller les chercher.
Mélissa : On ne sait pas quelles sont les bonnes raisons, parce que ça va dépendre des collectifs et ça va dépendre des événements. Donc, ce qu’on disait, c’est qu’une fois que l’on sait pourquoi on veut inclure des personnes, il faut s’y prendre suffisamment en avance pour que, par exemple pour un événement, on soit sûr d’avoir un événement accessible, typiquement avoir une interprétation en langue des signes française, c’est faisable, il y a des associations qui font de l’interprétation bénévole, ça demande de les contacter suffisamment en avance, donc, ce n’est pas le truc qu’on fait la veille de l’événement en se disant « on a oublié les interprètes » ou « au fait, où est-ce qu’on rajoute une rampe et pourquoi », parce que ce n’est jamais suffisant, il faut toujours le penser comme quelque chose de global. Et tout cela, c’est facile à dire mais pas facile à faire, parce que ça prend du temps.
tykayn : OK. Et pour cela, par exemple l’ENS [École normale supérieure de Lyon], ici, accompagne un peu et dit : « On garantit que c’est accessible à tant de pourcents, à tant de personnes. »
Mélissa : Je n’en ai aucune idée, c’est aux organisateurs qu’il faut demander, je ne saurais pas dire. Par ailleurs, je trouve que l’ENS est un espace super, qui est accessible, en tout cas qui m’a l’air accessible pour des personnes qui ont besoin de décompresser : tu peux aller te mettre au milieu des arbres, il y a des oiseaux qui chantent, il y a de l’ombre, avec ce grand soleil, il y a des endroits où tu es vraiment au calme et, pour des personnes anxieuses, ça marche super bien.
Pour autant, si on parle d’inclusivité – j’allais dire sociale, mais toute inclusivité est sociale –, la Maison Pour Tous des Rancy, c’était plus inclusif parce que, du coup, il y avait des gens du quartier qui venaient aux JdLL, des gens qui ne sont absolument pas des militants du logiciel libre, qui ne sont pas du tout technicien ou technicienne, qui venaient avec des enfants parce que c’était leur maison de quartier, qu’ils ont l’habitude de venir là et ils viennent découvrir l’événement du week-end ; on n’a pas tout ça à l’ENS. On est dans un environnement qui, de ce que j’ai pu comprendre, n’est pas très résidentiel et, dans tous les cas, c’est le week-end, les étudiants ne viennent pas et, visiblement, ce n’est pas un endroit où les habitants du coin ont l’habitude de se promener, du coup, on perd cette inclusivité-là. Il n’y a jamais d’endroit parfaitement inclusif, je ne pense pas que ce soit possible. Il y a des avantages et des inconvénients sur les deux lieux. Celui-ci a l’avantage d’exister, de permettre aux JdLL d’exister, ce qui risquait de ne pas être le cas. Il y a toujours des choix à faire.
tykayn : OK. Que voudrais-tu ajouter qui n’a pas forcément à voir avec les JdLL ? On ne l’a pas vue venir !
Mélissa : Je ne l’ai pas vue venir celle-ci ! Qu’est-ce que je peux ajouter ? Je ne sais pas. Allez visiter riitimo.org, vous allez vous informer sur plein de choses différentes.
tykayn : Très bien, merci.
Mélissa : Merci à toi.