Technofascisme : empires contre démocraties TEDx Talks 2025

Sommes-nous en train de basculer vers un techno-autoritarisme mondialisé ?

Michel Levy Provençal : On a beaucoup parlé de révolution technologique. Une autre évolution a eu lieu le 20 janvier dernier, avec l’élection de Trump. La révolution est due au fait qu’il a réussi une triangulation assez folle qui consistait à rassembler d’abord les géants de la Silicon Valley mais aussi les populations les plus démunies et enfin les ultralibéraux, ultraconservateurs religieux. C’est un coup politique extraordinaire. Comment a-t-il réussi ce coup-là ? Comment est-ce que tu le décryptes ?

Asma Mhalla : Tu as absolument raison de parler de triangulation et de coup politique. Ce qu’il a fait, qui est probablement très malin, qui n’a pas été reproduisible par d’autres, c’est qu’il a compris qu’il fallait un ennemi commun. C’est toujours la même histoire. En fait, chacun de ces trois pôles va avoir une rage ou une revanche différente.
Les rednecks plus les latinos, en tout cas les classes disons populaires, les anciennes classes moyennes qui se sont senties déclassées, avaient, ont fomenté une rage contre l’élite, l’establishment cosmopolite, déconnecté, hautain, etc. D’ailleurs, vous remarquerez qu’on va trouver les mêmes échos ici en France et ici en Europe plus largement.
Certains barons de la tech, l’élite technologique de la Valley, vont avoir une espèce de rage et de colère contre l’État bureaucratique dans une veine très libertarienne, en réalité pas si libertarienne que ça, en tout cas tout ce qui va venir faire entrave ou entraver leur hubris, d’une part, et leur goût de l’innovation sans frein, les questions des prochaines frontières d’une certaine façon.
Et puis, enfin, vous allez avoir la galaxie néoréac, MAGA, qui va développer davantage la nostalgie du passé. Eux c’est la revanche passéiste, la nostalgie, les repères, une vision d’une société masculiniste, réactionnaire, un peu ce que vous pouvez retrouver dans les cartes postales ou dans les séries ou dans certains courants d’influenceurs années 50 en gros.
Ce que Trump va faire ou, plus généralement, ce que le trumpisme va faire, c’est qu’il va comprendre ces trois repères, il va les mettre en cohérence sur un discours commun : il y a un ennemi à abattre, la démocratie libérale, et il va construire un logiciel. Ils vont vendre le narratif que la démocratie est un bug, ils vont donc vendre un logiciel de réparation ou de reprogrammation, au centre duquel on va retrouver, à un moment donné, Elon Musk, Trump, etc. C’est ça le narratif.
Et puis, ils vont réussir autre chose, ils vont construire le récit un peu rétrofuturiste et c’est très malin, c’est un vrai playbook pour n’importe quel parti politique, pour n’importe quel mouvement : on veut vous rassurer. On est dans un monde de chaos. Le chaos ça veut dire aussi déstabilisation, perte de repères, on ne sait plus qui on est, on ne sait pas exactement où on va. Donc les gars, je vous rassure, les années 50 c’est génial, on va retrouver le mythe national que vous connaissiez, le grand-père, la grand-mère, en fait tout ce qui a façonné vos imaginaires. Ça c’est la partie rétro qu’on retrouve dans le discours de Trump, qu’on retrouve dans le mouvement MAGA, Make America Great Again ; again, il y a bien quelque chose de cet ordre-là, un mouvement vers le passé. Mais, et c’est là où c’est très malin, c’est un passé qui est projeté vers le futur – rétrofuturiste – et c’est là où un Elon Musk, où la Silicon Valley est apparue : on va vous projeter sur Mars, les implants cérébraux, les IA dont on a beaucoup parlé, etc., qui donnent un peu cette coloration. C’est un changement de coordonnées politiques. Et la faille, d’une certaine façon, est dans le présent immédiat.
De ce point de vue-là, si je devais avoir une formule : la Silicon Valley va apporter une partie du récit et les outils ; les rednecks, en gros, vont amener la rage, la revanche, la colère, donc le fioul, le carburant ; et les néo-réactionnaires amènent la feuille de route générale, la roadmap, c’est le projet 2025 [1].

Michel Levy Provençal : Le projet 2025. À TED, en avril dernier, d’ailleurs certains dans la salle étaient avec moi, une journaliste, la journaliste qui avait enquêté sur le fameux scandale Cambridge Analytica [2], qui s’appelle Carole Cadwalladr, disait qu’au-delà d’un coup politique, c’est un coup d’État numérique, elle comparait Instagram à la Stasi. Es-tu d’accord avec cette idée ?

Asma Mhalla : Carole dit plusieurs choses.
La première, le coup d’État, non je ne suis pas d’accord, il y a eu des élections, elles n’ont pas été volées, d’ailleurs ce serait trop facile d’aller dans ce sens parce que ça serait nous dédouaner, ne pas comprendre où étaient nos responsabilités, le balai de 40 ans de destruction, de repères communs, le collectif, le commun, le projet de société. Non, ce n’est pas un coup politique. En revanche, est-ce qu’il y a eu une prise de vitesse aujourd’hui ? Clairement oui. Est-ce qu’il y a eu une bascule ultra, techno autoritaire, c’est évident et on l’a vu pas plus tard que le week-end dernier avec les parades, une espèce de démarrage du culte de la personnalité, d’arrestations disons un peu spectaculaires, etc., de ce point de vue-là oui. Là où son discours a été, à mon sens, très intéressant c’est quand elle fait des comparaisons entre les géants technologiques, Instagram qui est donc Meta qui est donc Zuckerberg, avec la Stasi c’est-à-dire la police politique secrète d’autrefois et avec un parallèle historique qui n’est absolument pas du tout anodin. En fait, non seulement elle a raison, mais je crois qu’elle est encore trop gentille et que c’est pire d’une certaine façon.
Ce qu’ils sont en train de construire, on en a beaucoup parlé dans les médias parce que les médias aiment toujours avoir la punchline, le concept un peu facile, un peu bas niveau qui est le technofascisme, et le technofascisme c’est de dire que ce sont des fachos, mais, en plus, ils sont augmentés par les outils technos de masse, en fait des masses de technologies qui sont en effet à disposition et qui sont par ailleurs duales, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas simplement politiques et militaires, c’est qu’elles sont toutes dans vos poches. Vos smartphones, c’est votre interface, c’est votre point d’accès, c’est le portail vers ça, vers la capacité à vous contrôler d’une façon ou d’une autre : vos données, vos faits et gestes, vos écosystèmes, vos pensées vos opinions, donc à les orienter et on l’a vu avec la manipulation des algorithmes. Il est absolument inutile de vous emmener dans ce que sera le monde dans 30 ans pour comprendre qu’il est déjà là.
Quand je dis que c’est presque pire, c’est parce que c’est confortable, parce que vous êtes dociles, parce que vous ne le voyez pas. Dans les années 30/40/50, la terreur ou la violence étaient physiques. Aujourd’hui, c’est absolument inutile ou c’est epsilon, c’est marginal. Ce qui est dans votre poche, le smartphone, c’est ce qui permet en fait l’assurance de votre docilité, ce que disait Camus, « la capacité à dire non », et aujourd’hui on n’est plus foutu de dire non parce qu’on n’est plus foutu de comprendre ce qui nous arrive, c’est tellement rapide.
C’est presque le paramètre techno-totalitaire qui me gêne beaucoup plus que juste des technofascismes avec des étiquettes posées un peu facilement.

Michel Levy Provençal : On va évacuer rapidement une question par rapport à ce qui s’est passé il y a quelques semaines encore entre Musk et Trump. Est-ce que ça change la donne qu’ils se soient fâchés ?

Asma Mhalla : Non. Pareil. Il y a le bruit, l’écume, oui ils se sont disputés et puis il y en a un qui a balancé la bombe Epstein, l’autre a dit « je vais couper tous tes contrats. – Finalement non, j’ai peut-être surdosé la kétamine, désolé ! ». Bref, tout ça c’est Dallas à Washington, c’est un peu ridicule, mais ça a été truculent et nous étions tous à regarder les notifications qui tombaient, le New York Times, Le Monde. À un moment donné, il faut un tout petit peu cesser d’être les pantins de ce récit, de ce narratif et surtout d’égos surdimensionnés.
Au-delà de l’anecdote, ce qui est en train de se construire, et c’est très important à avoir en tête, c’est un système et ce n’est même pas un nouveau programme politique, MAGA, 2025 ou peu importe, en fait c’est une bascule de régime politique. C’est ce que je commençais à expliquer dans Technopolitique et il se trouve que l’avenir et notre présent ne me donnent pas tort : on a une dilution, en fait une reconfiguration du pouvoir politique.
Avant nous avions un truc qui s’appelait l’État ou l’appareil d’État, avec une conception de la souveraineté qui était nationale autour de nos frontières. En fait, c’était le pacte westphalien et c’est comme cela qu’on a construit et la politique et le pouvoir et la puissance selon ces fondements ou ces concepts fondateurs. Ce qui est très intéressant dans la bascule structurelle et non pas conjoncturelle, c’est que vous avez aujourd’hui un Léviathan à deux têtes : Big Tech avec toutes les aspérités, les différences, les concurrences, les divergences entre eux mais peu importe, comprenez le système des géants technologiques privés ; et vous avez, de l’autre côté, le Big State. Le Big State est un concept que je pose, qui peut nous aider à avancer vite dans la compréhension de ce qui est en train de se jouer, qui n’est pas un empire, qui n’est pas un État, qui est, en fait, un méga État qui construit sa politique de puissance, sa projection de puissance, donc de pouvoir aussi – attention à distinguer les deux, pouvoir n’est pas puissance, pas systématiquement, pas tout le temps –, qui construit donc sa politique de puissance à travers, par et pour, ces géants technologiques. D’ailleurs États-Unis et Chine fonctionnent un peu sur le même modèle.

Michel Levy Provençal : On va y venir.

Asma Mhalla : Quand je dis « par et pour les géants technologiques », c’est que vous avez cet enchevêtrement, ce Léviathan bicéphale, dual, à deux têtes, et ce qui est très intéressant c’est que c’est parti pour durer, pour durer très longtemps, mais que ça va être chaotique. Leur relation n’est absolument pas stable, elle n’est pas monolithique, elle est mutagène et quand ils se disputent entre eux, bien sûr que ça a des conséquences directes et pourtant la structure, elle, ne change pas. Big Tech, Big State, Léviathan à deux têtes. La question c’est où est le tiers-monde, où est le quart-monde, c’est-à-dire nous, et nous sommes fondamentalement absents ou alors nous sommes simplement en train de les consommer.

Michel Levy Provençal : Ce que tu décris là est en fait une rupture radicale du modèle libéral américain, comme si, finalement, Trump était en train d’aligner le modèle américain sur, disons-le, le modèle chinois. Est-ce que la Chine est en train de gagner la bataille idéologique ?

Asma Mhalla : Je réponds en faisant un détour. Il reste des différences, on ne peut pas dire que les États-Unis sont égaux à la Chine, il n’y a pas une équivalence directe. En revanche, je le formulerais comme cela, on peut dire sans se tromper qu’il y a une variation sur un même thème. La question entre les deux big states, Amérique et Chine, États-Unis et Chine, consiste à se demander qui va être le boss du prochain ordre mondial ou du nouvel ordre mondial. C’est ça la question. Basta. Il n’y en a pas d’autre. Qui va configurer, va dessiner, va façonner l’ordre mondial qui vient et qui peine à émerger, mais qui est en train d’émerger, on le voit bien, c’est-à-dire absolument pas libéral, encore moins occidental, donc quid des deux ?
Il est aussi très juste de dire qu’on a, aujourd’hui, des critères qui sont extrêmement similaires. Ce sont les deux seuls États, c’est pour cela que je parle de big states, qui ont tous les attributs de la puissance, donc de la souveraineté au sens classique du terme, territoriale, industrielle, militaire, culturelle.
Ce sont aussi des façons de projeter leur puissance qui sont relativement similaires même s’il y a des différences, c’est ce que j’appelle le néo-mercantilisme, c’est-à-dire protectionnisme – on protège, on relocalise – tout en ayant une espèce d’expansionnisme technologique en l’occurrence. Des niveaux de recherche et de progrès technologiques similaires, ils se tirent un peu la bourre, ils sont équivalents, en se disant que les deux sont des formes d’empire avec la nécessité de la renaissance de l’empire. Il y a donc tout le narratif du mythe national que nous, par exemple en Europe, n’avons absolument pas, je parle bien de mythe national, je ne parle pas de nationalisme secondaire et cosmétique, je parle vraiment de la résurrection du mythe.
On est donc aujourd’hui sur des logiques très similaires et, par ailleurs, et enfin, pour revenir à ce que disait aussi Carole et le point de tout à l’heure, l’usage de technologies qui ne sont plus des technologies, qui sont des masses technologiques, qui viennent, finalement, faire une forme d’ingénierie sociale qui peut être totalisante, pour ne pas dire totalitaire, mais totalisante.
Donc oui, il y a énormément de points de similarité et, d’une certaine façon, j’ai presque envie de dire que le Make America Great Again était en fait la réponse de l’Amérique trumpiste au rêve de la renaissance de la nation chinoise du discours de Xi Jinping en 2013 d’une certaine façon.
Il y a donc une compétition qui est absolument réelle, il y a encore des différences. La question philosophique que j’ai envie de poser, que je vous pose, moi j’ai la réponse qui n’est que la mienne, on pourrait en débattre : un empire peut-il, by design j’ai presque envie de dire, être démocratique ? C’est une question qui est philosophique, qui est politique. En théorie, la réponse est oui. En pratique, la réponse est clairement non.
Donc, est-ce que la Chine et les États-unis convergent ? Ce qui est clair c’est que ce qui a été l’Occident a eu pour habitude de dire « c’est le méchant, c’est l’anti-modèle » et nous avions raison de le dire si nous tenions encore à la question de la liberté, des libertés politiques, de nos droits, de nos droits civiques, fondamentaux, mais il n’est pas exclu que la Chine eût été le prototype plutôt que l’anti-modèle.

Michel Levy Provençal : Et l’Europe dans tout ça ?

Asma Mhalla : [Rire, NdT]. Et l’Europe dans tout ça ? L’Europe ou l’Union européenne ? Ce n’est pas pareil.

Michel Levy Provençal : Disons l’Union européenne.

Asma Mhalla : L’Union européenne, gros appareil bureaucratique, normatif, lourd, désincarné. D’ailleurs, quand on parle d’Europe, c’est pour cela que je posais la question à Michel, on parle d’Union européenne. Quand on parle des États-Unis, on parle de qui ? On parle de Musk, on parle de Trump, on parle de Thiel, on aurait pu parler de Curtis Yarvin [3], informaticien et blogueur américain d’obédience néoréactionnaire]], l’un des idéologues de la Silicon Valley, obscur blogueur qui tout d’un coup est devenu l’espèce de penseur ou le pseudo-penseur des néoréactionnaires avec une vraie vision de la destruction de l’État. On a des noms, on a des visages, on a des incarnations, on a des discours et on sait de qui et de quoi on parle. Quand on parle d’UE, on parle de quoi, de qui, pour aller où, vers quoi ? En fait, c’est un désert d’incarnations, c’est un désert de discours, ce sont des normes et c’est surtout une perte d’identité. C’est-à-dire que l’Union européenne a pris en otage l’Europe, et je fais vraiment la distinction, en la mettant dans une position systématique de follower, c’est une Europe follower. On a les yeux rivés sur les États-Unis et la Chine et on ne fait que copier les innovations des Américains et des Chinois sans à aucun moment se demander, nous demander, de quelles technologies on a besoin, qui sommes-nous, pour aller vers quoi, pour quel projet de société, etc.
Quand vous passez votre temps à suivre les leaders, par définition vous avez déjà perdu la partie.
Donc la question de la souveraineté, qu’elle soit technologique ou industrielle, n’était pas du tout la bonne. La vraie question de la souveraineté, quand il s’agit d’Europe, c’est d’abord une souveraineté intellectuelle, c’est-à-dire la capacité à penser par soi-même en cessant de regarder à droite et à gauche chez les voisins. Qui sommes-nous ? Pour aller vers quoi ? Et ensuite, non pas la technologie, la technique, qui n’est que le chemin, et là on aurait quelque chose de fondateur, peut-être d’émancipateur et d’intéressant à raconter. C’est la question de l’incarnation, c’est la question du projet, c’est la question, finalement, de la reprise du contrôle, non pas de la technologie du tout parce que nous avons des talents, qu’on sait faire, ce n’est pas ça la difficulté. La difficulté c’est qu’on a un problème : on a perdu le contrôle de la question. Georges Bernanos disait : « La liberté pour quoi faire. » J’ai envie de dire : « La technologie pour faire quoi ? Pour aller où ? Pour aller avec qui ? Pour répondre à la question : qui sommes-nous ? ». Et là il y a un vide intersidéral qu’il va falloir qu’on reconstruise.
Bien sûr qu’il y a un désir d’Europe, bien sûr que l’échelon européen est absolument fondamental, mais c’est une Europe qu’il faut qu’on réincarne.

Michel Levy Provençal : Dernière question. Tu parles d’incarnation. Aujourd’hui, concrètement, que peut faire un dirigeant européen ou même français ?

Asma Mhalla : Il peut faire tout ! Le vrai pouvoir s’est complètement déplacé. Aujourd’hui, les politiques ne font plus du tout de politique, il y a une indigence de la pensée politique, je ne sais pas comment vous le vivez, qui devient comique. Elle a été désespérante et là on atteint des sommets. Il n’y a pas de vision, il n’a pas de programme, il n’y a que des égos, des hubris, en plus de gens relativement faibles intellectuellement, ça fait donc beaucoup. Désolée d’être si franche, mais je le pense très sincèrement, et les bons partent de toute façon, c’est un peu comme cela qu’on a organisé la chose.
En fait, le pouvoir s’est déplacé, et il s’est déplacé chez ceux qui font. Et ceux qui font sont ceux qui prennent des décisions tous les jours. Faire du business aujourd’hui est géopolitique, fondamentalement. Ce n’est pas que du B, ce ne sont pas que des feuilles de route, ce ne sont pas que des KPI [Indicateur clé de performance] à trois mois, ce ne sont pas que des Copil [Comité de pilotage], des Comop [Comité opérationnel], des Comex [Comité exécutif] et des je ne sais quoi. C’est se dire, quand vous aurez un choix de cloud, un choix d’hébergement, un choix technique, que chaque choix, chaque décision que vous prenez et que vous prendrez, a des implications, a des répercussions politiques et géopolitiques immédiates. Chaque entreprise est une microsociété : vous devez gérer des humains, vous devez gérer des expositions aux risques, vous devez gérer votre Business Continuity face à un ancien allié qui, aujourd’hui, s’avère être complètement hors contrôle ou hors limite.
Évidemment que la politique s’est déplacée. Aujourd’hui ceux qui en font sont soit les boîtes du CAC 40 mais aussi les TPE, les PME, bref, ceux qui vont prendre ces décisions au jour le jour et c’est absolument fondamental. Il ne faut pas du tout en avoir peur, au contraire, c’est un élan de se dire que les choses sont possibles, que les choses se font, mais que, en face de ces gigantismes sur lesquels, de fait, nous n’avons plus la main ; nous avons absolument et tout à fait la main à nos échelles. Le narratif de dire « on a tout perdu, on n’a plus la puissance, on n’a plus le pouvoir » est un narratif qu’il faut absolument déconstruire, nous avons absolument les marges de manœuvre et les latitudes à condition d’avoir un tout petit peu de courage, d’avoir un tout petit peu de créativité et d’accepter de jouer sur les temporalités. Vous avez des injonctions à très court terme, mais vous avez aussi l’obligation à penser à très court terme.
Je donne un exemple : on a beaucoup parlé d’IA, de processus de décision, de l’accélération de son développement. Quand vous allez avoir des choix de solutions de systèmes algorithmiques – je préfère parler de cela que parler d’IA parce que c’est fantasmatique et ça fait peur –, quand vous allez installer ces systèmes-là dans vos boîtes, vous n’allez pas simplement installer des outils, vous allez devoir penser à vos employés, à leur reskilling, leur upskilling, leur accompagnement, à la vraie productivité, c’est-à-dire au modèle économique que vous allez y adosser. D’ailleurs, et juste pour provoquer un tout petit peu mes prédécesseurs, il n’y a toujours pas de modèle économique dans les boîtes, on tâtonne encore tous, je le vois. Donc attention aux trucs un peu apocalyptiques, ce sont des outils et il va bien falloir qu’on arrive à les gérer, c’est-à-dire à les merger, à les fusionner avec l’existant, le legacy et c’est votre job, donc vous avez une responsabilité humaine, sociale, technique, technologique, donc géopolitique et politique majeure.

Michel Levy Provençal : Merci beaucoup Asma.

[Applaudissements]

Références

Média d’origine

Titre :

Technofascisme : empires contre démocraties

Personne⋅s :
- Asma Mhalla - Michel Levy Provençal
Source :

Vidéo

Lieu :

Paris

Date :
Durée :

20 min 30

Évènement :

TEDx Talks 2025

Licence :
Verbatim
Crédits des visuels :

Deutschland-Grenzschild mit EU-Sternen an Landstraße, Marco Verch - Licence Creative Commons CC By 2.0

Avertissement : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant⋅e⋅s mais rendant le discours fluide. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.