Présenter l’April, épisode 2 : l’April aujourd’hui Podcast Projets Libres !

Walid Nouh : Bonjour et bienvenue sur Projets Libres !. Je m’appelle Walid Nouh, je suis tombé dans la marmite du logiciel libre il y a plus de 20 ans. Que vous soyez libriste confirmé ou néophyte, venez découvrir avec moi les portraits des femmes et des hommes qui font du logiciel libre. Communautés, modèles économiques, contributions, on vous dit tout.

Bienvenue dans ce nouvel épisode de Projets libres !. Certains d’entre vous ont peut-être trouvé que le son ressemble au son de l’émission Libre à vous ! [1], eh bien c’est normal, parce que, aujourd’hui, pour le deuxième épisode sur l’April, nous sommes dans les locaux de radio Cause Commune. Nous sommes le 25 août 2025. Fred Couchet est à la réalisation.
Pour ce nouvel épisode, donc deuxième épisode sur l’histoire de l’April, nous allons parler plus précisément de l’April aujourd’hui, j’ai avec moi trois invité·es : Magali Garnero, alias Bookynette, qui est présidente de l’April.

Magali Garnero : Salut Walid.

Walid Nouh : J’ai Étienne Gonnu, qui est chargé de mission affaires publiques.

Étienne Gonnu : Salut.

Walid Nouh : Et Laurent Costy, qui est vice-président de l’April.

Laurent Costy : Bonjour Walid.

Walid Nouh : Merci à vous d’être là, dans vos locaux, aujourd’hui c’est plutôt moi qui suis invité dans votre studio d’enregistrement, c’est super on va pouvoir parler. Nous avons fait le premier épisode avec Fred Couchet et Jeanne Tadeusz [2], l’épisode 3 de la saison 16, qui est sorti le 30 juin, que je vous invite à réécouter si vous voulez en savoir plus, si vous ne l’avez pas écouté avant, peut-être que ça vous donnera un éclairage nouveau sur la discussion que nous allons avoir aujourd’hui.
Aujourd’hui nous allons parler de l’April à l’heure actuelle, des grandes missions, des défis, de la façon dont l’April s’insère dans tout l’écosystème du Libre en France.
Pour commencer, je vais demander à chacun de se présenter et de nous dire comment il a découvert le logiciel libre. Magali je te laisse la parole, à toi l’honneur.

Magali Garnero : Me présenter, Bookynette. J’ai découvert le logiciel libre parce que j’ai rencontré un geek qui m’a présenté LibreOffice [3] et j’ai trouvé extraordinaire d’avoir un logiciel aussi efficace, avec lequel je pouvais être actrice en demandant des modifications ou en faisant des remontées de bugs. Puis il m’a fait découvrir Inkscape [4], puis Firefox [5]. En fait, je me suis totalement sentie à ma place dans ce monde du logiciel libre. Parallèlement, je suis une petite libraire parisienne et je suis présidente de l’April depuis quasiment trois ans, ça fera trois ans en novembre. Ça passe très vite !

Étienne Gonnu : Trois belles années, quand on s’amuse le temps passe vite.

Magali Garnero : Merci.

Walid Nouh : Étienne.

Étienne Gonnu : Je m’appelle Étienne Gonnu. Je suis un des salariés de l’April,comme tu l’as dit chargé de mission affaires publiques, en termes moins techniques on va dire que je m’occupe du plaidoyer politique pour l’association.
Ma rencontre avec le Libre est assez concomitante de ma rencontre avec l’April. Pour faire très vite, j’ai d’abord fait des études de droit et je me suis spécialisé un peu plus tard en droit du numérique. Ce qui m’intéressait dans les études de droit c’était plutôt les libertés fondamentales. Quand j’ai repris mes études en droit du numérique cette appétence était toujours là. J’ai commencé un petit peu à m’intéresser aux logiciels libres, même si ce n’était pas forcément par ce premier angle que j’abordais mes réflexions pendant mes études. À la fin de mes études j’ai dû chercher du travail, il faut bien payer ses charges. Donc, en arrivant à l’April, j’ai pu affiner, on va dire, ma compréhension du logiciel libre. Ça faisait écho à mes réflexions plus largement politiques, etc., sur les libertés fondamentales et j’ai immédiatement été convaincu de la nécessité de ce combat.

Walid Nouh : En quelle année es-tu arrivé à l’April ?

Étienne Gonnu : En janvier 2016, donc bientôt dix ans.

Magali Garnero : Il faut noter la date, il ne faut pas qu’on oublie.

Walid Nouh : Tu es arrivé parce que tu as vu une offre d’emploi ? Comment ça s’est passé ?

Étienne Gonnu : Grosso modo c’est ça, je cherchais. J’étais dans une situation difficile, je me voyais mal travailler dans une entreprise, dans ces logiques-là. Quand on cherche un travail qui soit en écho avec ses convictions, on va dire que le champ est plutôt restreint. J’ai vu cette offre d’emploi, je connaissais très peu l’April, je connaissais le nom parce que, quand on commence un petit peu à connaître le logiciel libre, on voit vite le nom de l’April apparaître et je n’ai jamais autant préparé un entretien d’embauche. J’étais très heureux de commencer à travailler à l’April, ça fait presque dix ans, je ne regrette pas ce choix et je suis toujours très content d’y travailler.

Walid Nouh : Laurent, de ton côté ?

Laurent Costy : Laurent Costy. Je suis vice-président de l’April. Je ne sais plus trop depuis combien de temps, désolé.

Étienne Gonnu : En tout cas plus de dix ans parce que tu étais déjà là quand je suis arrivé.

Laurent Costy : Je n’étais pas encore vice-président. Je suis effectivement au conseil d’administration depuis dix ans, à peu près.
Comment ai-je croisé le Libre ? Je travaillais dans une association qui s’appelle Planète Sciences [6], qui fait la promotion de la culture scientifique et technique auprès des jeunes. J’avais donc un peu cette sensibilité autour des questions techniques, du numérique. Un jour j’ai vraiment dit qu’il fallait faire quelque chose : alors qu’on utilisait un logiciel de comptabilité privateur, qu’on n’avait pas payé le support parce que notre association n’avait pas forcément les moyens ou n’avait pas envie, on nous a demandé de payer pour pouvoir nous répondre à une des questions qu’on avait sur l’usage du logiciel. Là je me suis dit que le modèle était quand même vraiment tarabiscoté, si à chaque fois qu’on posait une question il fallait payer, c’était quand même un peu bizarre. Comme en parallèle je commençais à entendre parler du Libre, j’ai vraiment creusé cette voie-là qui me semblait quand même être très facilitante pour la circulation de l’information, ce à quoi je suis attaché, évidemment.

Walid Nouh : OK. As-tu un passé technique ? Qu’est-ce que tu as comme passé ?

Laurent Costy : Je n’ai pas du tout de passé informaticien, je me défends d’être informaticien. Évidemment, avec le temps on finit par acquérir des compétences et à pouvoir administrer un petit GNU/Linux sur son ordinateur. En général, je me défends d’être technicien justement pour être à la frontière entre les gens qui ne connaissent pas et les gens qui connaissent, pour être capable de faire le lien entre les deux. C’est vraiment là que je me situe le mieux, pour faire des ponts en fait.

Étienne Gonnu : De nous trois, aucun n’est informaticien ou informaticienne et je pense que ça représente bien l’April, de ce point de vue-là, et le sens de notre combat.

Walid Nouh : Justement, c’est intéressant que vous ne veniez pas du monde de l’informatique.
OK. Merci pour les présentations. C’est très rigolo, j’ai l’impression d’écouter un épisode de Libre à vous !.

Étienne Gonnu : Pour moi c’est amusant, j’ai plus l’habitude d’être à l’animation, c’est assez reposant d’être juste invité. Génial !

Walid Nouh : Si on parle de l’April aujourd’hui, la première question que j’aurais envie de vous poser c’est : qui compose l’April ? Combien de salariés ? Combien d’adhérents avez-vous ? Combien de personnes sont bénévoles et vous aident ?

Magali Garnero : Je vais commencer et je vais essayer en même temps d’avoir le chiffre exact des adhérents.
Pour les salariés, c’est simple, on a quatre salariés dont une qui n’est pas à plein temps, je ne sais pas combien d’heures elle fait par semaine, mais elle fait un travail extraordinaire, donc Elsa qui s’occupe de tout ce qui est adhérents et un peu de tout ce qui est administratif.
On a Frédéric Couchet qui est le fondateur, que vous avez entendu dans le premier épisode que tu as fait, qui est sorti le 30 juin.
Nous avons Étienne qui est à nos côtés.
Nous avons aussi Isabella Vanni, une personne extraordinaire, que j’adore, et ce n’est pas parce que j’ai passé le week-end avec elle que je dis ça, qui s’occupe d’énormément de choses.
Donc quatre salariés, quatre belles personnes, comme j’aime dire, qui travaillent pour l’April depuis pas mal de temps ; je pense que même Elsa est là depuis plus de cinq ans. On aime nos salariés, on les chouchoute et on fait tout pour que ça se passe bien.
Au niveau des adhérents j’essaye de voir, je suis sur la lettre d’information publique de l’April qui devrait logiquement être à jour.

Étienne Gonnu : C’est autour de 2700 membres à jour, de mémoire, personnes morales et personnes physiques incluses.

Magali Garnero : Il n’y a pas les personnes physiques. Je vois plus de 200 entreprises et associations. J’étais persuadée que sur la lettre d’information on aurait les chiffres exacts.

Étienne Gonnu : C’est dans la page d’accueil de l’April, tout en haut.

Magali Garnero : Désolée, la présidente ne connaît pas ces chiffres par cœur. Effectivement, je vois 2728 membres : 2454 personnes physiques et 274 entreprises, associations et collectivités, même si je trouve qu’il y a de moins en moins de collectivités, mais c’est un autre sujet, j’en parlerai plus tard.
Tu avais posé une autre question.

Walid Nouh : Quelle est la place des bénévoles et combien sont ces personnes ?

Magali Garnero : C’est compliqué parce que nous n’avons jamais compté notre nombre de bénévoles. La plupart sont soit très actifs physiquement, genre les bénévoles du Chapril [7] qui vont animer des services en ligne proposés au grand public et aux membres, je ne sais pas combien ils sont, mais ils sont très nombreux, ils doivent être plus de 15. Il y a tous les bénévoles qui viennent tenir les stands et là, pareil, je serais incapable de dire combien ils sont, mais imaginons deux ou trois bénévoles par ville où il y a des stands April, ça fait déjà pas mal. Il y a aussi tous les bénévoles qui vont participer aux mailing-lists comme Atelier, comme Sensibilisation, et là je crois qu’on ne les a jamais comptés.
Laurent lève la main.

Laurent Costy : Sur le bénévolat, on peut peut-être dire que depuis très longtemps l’April comptabilise le temps bénévole des gens et c’est volontaire, c’est-à-dire qu’on encourage les bénévoles à déclarer les heures qu’ils ou elles font pour l’April et on le retranscrit dans le compte rendu d’activité chaque année. On peut donc voir le nombre d’heures qui ont été consacrées. Je ne l’ai pas en tête, j’étais en train de le rechercher sur le dernier compte rendu d’activité. On peut avoir cette visibilité-là et on peut appréhender ce que ça représente en termes de temps. On n’est pas obligé de traduire ça forcément en termes financiers, même si on s’est posé des critères, je crois qu’il y a trois niveaux de compétences, on va dire, pour valoriser puisque les comptables aiment bien transformer ça en argent. Ça permet d’avoir une visibilité d’année en année, de voir l’évolution et de mesurer, grosso modo, le temps de bénévolat dans l’association que ça représente, ce qui est extrêmement important pour l’April.

Walid Nouh : D’ailleurs en termes d’évolution, avez-vous plus de bénévolat, moins de bénévolat ? Est-ce que c’est stable ? Est-ce que c’est en dents de scie ?

Laurent Costy : Je suis revenu de vacances hier, je n’ai pas préparé la réponse à cette question, je suis vraiment désolé !

Étienne Gonnu : Je voulais compléter parce que tu as mentionné Atelier. Atelier est une liste de discussion où on discute notamment des sujets institutionnels, c’est la seule liste qui est réservée aux membres. Vous pouvez contribuer à l’April sans être adhérent, on peut être bénévole sans être adhérent, il y a plein d’exemples. Voilà pour cette précision. On a des listes de travail, Sensibilisation, je pense ça parle de soi-même ; on a une liste Traductions, on a différentes thématiques avec plus ou moins de discussion. Sur la liste Éducation il y a moins d’action, mais il y a beaucoup de stimulation entre des membres qui sont liés aux métiers de l’éducation, qui s’intéressent à ce sujet sans forcément être du métier, qui peuvent relayer des informations, échanger sur les enjeux.
On a deux actions, en particulier, qui sont plus ou moins récentes. Je vais mentionner Libre à vous ! et également le Chapril qui s’inscrit dans la continuité du travail du collectif CHATONS de Framasoft [8]. Leur particularité c’est que ce sont des projets presque à part entière. Ils sont très liés à l’April et ils nous permettent de mobiliser des bénévoles sur des choses concrètes. Il y a plus ou moins une vingtaine de personnes au Chapril. Je pense que pour Libre à vous !, sur différents « métiers » entre guillemets – régie, traitement des podcasts, participation en studio, chroniques –, on mobilise au moins une vingtaine de personnes bénévoles.

Magali Garnero : Il y a des bénévoles ponctuels, il y a des bénévoles réguliers. Je pense qu’on n’aurait aucune difficulté à monter jusqu’à 100, sachant que ce n’est pas le même niveau d’implication pour chaque bénévole.

Walid Nouh : OK. Pour le collectif CHATONS, je vous invite à écouter les épisodes sur l’histoire de Framasoft [9] [10], on est revenu plusieurs fois sur l’histoire du CHATONS, ce que c’est. Vas-y Laurent.

Laurent Costy : J’ai retrouvé les chiffres de 2023 [11] : en 2023, il y a eu 2 600 heures de bénévolat pour l’April, ça donne une indication.

Étienne Gonnu : Je ne veux pas te forcer à avancer, mais tu parlais aussi de la question salariale. Je suis un des salariés de l’association. Booky est la présidente, c’est un peu la patronne, c’est une de nos patronnes. Je voulais dire que Fred, historiquement le fondateur, sa fonction c’est délégué général et, par rapport aux salariés, c’est le patron. Quoi qu’il en soit, quand Booky dit que nous sommes une super équipe, etc., elle le fait avec une certaine distance, moi je peux le dire en tant que salarié, je ne l’ai pas noté avant, mais je tiens à le dire. C’est une association dans laquelle je travaille depuis bientôt dix ans, à laquelle je suis attaché. De manière générale, je suis attaché à l’importance des conditions de travail. On sait que dans beaucoup d’associations – je ne cherche pas à en nommer ni à blâmer aucune association en particulier – on a des objectifs importants, on a des moyens réduits, la capacité à verser des salaires, etc., et je trouve que l’April a quand même cette force d’être très vigilante aux conditions de travail et c’est très appréciable. On se fait confiance, on est écouté, on discute entre nous, chacun a son poste, mais on s’entraide aussi beaucoup sur des sujets, on peut discuter, il y a une vigilance, au sein des salariés, du bien-être les uns et les unes des autres. On sent qu’on a du soutien et que, s’il y a besoin, on peut s’appuyer sur le conseil d’administration. Du coup, j’ouvre des tiroirs qui me viennent, mais je pense que c’est aussi un aspect intéressant du fonctionnement.
Il y a la présidente, le vice-président, j’ai un blanc sur le nombre de membres élus du conseil d’administration, on pourra creuser, si tu veux, sur les élus.

Magali Garnero : Je pense que nous sommes dix.

Étienne Gonnu : Il y a le conseil d’administration et il y a ce qu’on appelle le conseil d’administration étendu qui inclut les salariés et, à part sur des sujets très précis qui ne relèvent que du champ de compétences du CA élu, les salariés participent. Il y a deux week-ends de travail par an du CA étendu, on participe aux discussions, on participe aux échanges, nous sommes inclus dans l’évolution et dans les perspectives de l’April. Cela participe au fait, en tant que salarié, de se sentir pleinement membre de l’April même si nous avons un statut particulier, nous ne sommes pas bénévoles.

Walid Nouh : Ça marche. Très bien.
On a évoqué Libre à vous !. Il y aura un autre épisode dans lequel on parlera plus spécifiquement de certaines actions dont Libre à vous ! et en particulier aussi la partie Transcriptions. On ne va pas forcément aller plus loin là-dessus.
Est-ce que vous pouvez nous redonner, même si on les a abordés dans l’épisode 1, les grandes missions à l’heure actuelle de l’April ?

Magali Garnero : Je vais résumer ça hyper rapidement : faire la promotion et la défense du logiciel libre, c’est à peu près ce qu’on fait depuis 1996 et on continue. Peut-être que maintenant les outils et les moyens ont changé mais nos grandes missions sont toujours celles-là : faire connaître les logiciels libres aux personnes qui ne les connaissent pas encore et surtout empêcher les élus et les institutions de passer des lois qui iront à l’encontre de nos logiciels chéris, logiciels ou services en ligne, de toute notre communauté de libristes.
Vas-y, rentre dans les détails !

Étienne Gonnu : Ce n’est pas pour rentrer dans les détails.
Promouvoir et défendre, ce sont deux champs d’action : la sensibilisation auprès du grand public et l’action peut-être de plaidoyer auprès des décideurs publics, ce dont relève mon poste, c’est-à-dire essayer d’influer de manière à ce que le contexte politique, économique, social soit le plus favorable possible au logiciel libre ; ca va donc être d’aller au contact des décideurs publics élus ou juste l’administration.
On fait aussi de la promotion en termes d’action publique, ce n’est pas que pour les empêcher, même si ça arrive. S’il y a des décisions ou des propositions de projets de loi qui semblent aller à l’encontre de ce qu’on défend, là on intervient avec nos arguments, avec différents outils qui peuvent être à notre disposition. Parfois aussi on voit des opportunités, ça peut être aussi des actions positives même si c’est parfois difficile. Comme dans beaucoup d’associations militantes, on est parfois plus sur la défensive, mais on essaye aussi d’être dans du proactif quand on peut.

Walid Nouh : Peux-tu donner un exemple de promotion justement dans le cadre institutionnel ?

Étienne Gonnu : Sans doute depuis le début, on défend une priorité aux logiciels libres, priorité au niveau des individus, c’est l’aspect grand public, mais aussi une priorité dans les administrations, une priorité aux logiciels libres et aux formats ouverts, ça fait complètement partie de l’équation. Il n’y a pas si souvent des opportunités de le défendre. Le dernier grand exemple c’est la loi pour une République numérique, en 2016 [12]. On a pu proposer et faire porter une proposition d’écriture dans la loi d’une priorité au logiciel libre dans les administrations. Ça n’a pas abouti. Un encouragement au logiciel libre a été inscrit dans la loi, mais ça n’a pas ce qu’on appelle une portée normative, ce n’est pas contraignant. En tout cas, ce qui est intéressant et c’est aussi ce qu’il faut avoir en tête quand on est dans ce genre de militantisme, qu’on défend ce genre de choses, ce n’est pas forcément zéro ou un. On avance petit à petit. Je le dis parce que, dans le cadre de cette loi, il y a plus d’une heure de débats sur la place du logiciel libre dans les administrations et on voit, au cours des années, que ça progresse, alors jamais assez vite selon notre goût. C’est le genre d’action positive qu’on essaie d’avoir.
Typiquement depuis quelques années, trois/quatre ans, la Cour des comptes fait une consultation publique pour qu’on puisse proposer des champs de contrôle, des missions de contrôle. Nous avons proposé qu’un audit soit fait sur les dépenses logicielles [13] dans la perspective de cette priorité au logiciel libre, pour faire un peu la lumière sur la situation.
On utilise donc différents leviers à notre disposition, à différentes échelles, pour essayer de porter cette idée. On va dire que c’est plutôt une démarche proactive, essayer d’avoir une influence positive.

Walid Nouh : Magali tu voulais intervenir.

Magali Garnero : Oui. Il m’est arrivé de participer à des événements dont un en particulier qui s’appelait « Le numérique c’est politique ! » [14] qui a eu lieu en 2025. J’ai eu l’occasion de rencontrer plusieurs élus de Malakoff, donc d’échanger, de parler de logiciel libre avec eux. On va dire que n’est pas une action officielle de l’April, mais c’est un moyen de faire de la promotion auprès des collectivités, des élus politiques, de manière douce et positive.

Walid Nouh : Laurent, as-tu quelque chose à ajouter ?

Laurent Costy : J’ai retrouvé le chiffre que tu demandais, déjà la comparaison 2023/2024. On a perdu 100 heures de bénévolat. J’ai oublié de préciser tout à l’heure que ça équivaut à 1,6 équivalents temps plein, c’est comme si on avait une personne et demie en plus à l’April, donc, sur quatre, on imagine bien ce que ça représente comme temps de travail, c’est vital pour l’April et on remercie tous les bénévoles qui s’engagent pour l’April, j’en profite.

Magali Garnero : Sachant que la plupart ne mettent pas leur bénévolat à jour, il faut donc imaginer que c’est plus.

Laurent Costy : La variation va aussi être liée au fait qu’on a plus ou moins relancé les gens en leur rappelant d’inscrire leur bénévolat.

Walid Nouh : C’est un sujet qu’on aborde aussi dans l’épisode 1, cette aide sur certains sujets. On avait parlé en particulier de certains sujets sur lesquels il avait fallu des compétences pour aider Jeanne [Tadeusz], par exemple, sur lesquels certains bénévoles avaient passé beaucoup de temps à éplucher certains documents, aidé à faire des réponses, etc. Très bien.
Une autre question me vient en tête. On a un écosystème français du logiciel libre composé d’acteurs divers, des personnes, des individuels, des associations comme l’April, des entreprises, etc. Je pense que l’April est l’association qui a été créée la première. Comment voyez-vous la place de l’April dans tout cet écosystème ? Avec qui interagissez-vous ? Qui veut commencer ? Laurent.

Laurent Costy : Je dirais que l’association avec laquelle on a le plus d’échanges, peut-être aussi par la place de notre présidente, c’est Framasoft [15]. Nous sommes assez complémentaires finalement dans le paysage. Framasoft n’est pas née longtemps après l’April, je crois que c’est 2002, je dis peut-être une bêtise, Booky confirmera, c’est de cet ordre-là, et l’April 1996. Il y a une répartition des rôles assez intéressante qui fait que, finalement, nous échangeons assez régulièrement. D’abord nous nous croisons sur les événements, on fait parfois des stands en commun. C’est clair qu’avec Framasoft nous sommes plutôt assez complémentaires et assez en lien pour être le plus complémentaires possible, pour répondre au plus grand nombre de besoins.
Je peux passer la parole à d’autres. Il y a d’autres associations, des gens qui étaient autour de l’April qui ont créé d’autres structures. Je ne connais pas bien l’histoire de La Quadrature du Net [16], mais il me semble bien que Jérémie Zimmermann, qui militait au sein de l’April, a fait partie des initiateurs de La Quadrature.
Il y a des structures avec lesquelles on a des liens historiques, on échange régulièrement et après c’est en fonction du temps, c’est-à-dire que parfois on perd un peu le contact, en fonction peut-être des salariés, de l’état de la structure, et ça revient, on renoue des liens. Ça peut être sur une opération ponctuelle pour laquelle on va trouver une alliance. Il y a tous ces éléments-là.

Magali Garnero : Dans les autres contacts, je voudrais parler de tous les GULL, les groupes d’utilisateurs et d’utilisatrices de logiciels libres, qui font énormément de choses, chacun du point de vue local, et avec lesquels on essaie de garder contact, de faire des rencontres, si possible de relayer des actions. Eux-mêmes relaient souvent les actions de l’April.
Je rectifie. L’April n’est pas l’association française la plus vieille, c’est l’association Infini [17], que j’ai rencontrée, qui est née un an avant nous, avec qui j’étais ce week-end pour l’événement Pas Sage en Steïr [18]. L’April n’est pas la plus vieille, elle est arrivée pas très loin après ! On nous a peu volé cette place-là !
Dans les associations avec lesquelles on interagit énormément, je voulais citer LinuxFr.org [19], une sorte de média en ligne qui raconte tout ce qui est actualité, qui laisse la parole aux gens, sur lequel nous nous publions énormément de nos actualités, c’est là que j’ai publié mon « Tour des GULL ». Ce n’est pas forcément une grosse association, mais elle a un pouvoir, des relations, je ne sais pas comment expliquer, elle est incontournable pour moi.

Walid Nouh : Très bien. Sur ce sujet-là, je vous encourage à écouter l’épisode qu’on a fait sur LinuxFr [20], dans lequel il y a plus d’informations pour mieux connaître LinuxFr.

Étienne Gonnu : Peut-être pour répondre à ta question, nos actions sur l’aspect plus institutionnel, je vais rejoindre Laurent sur l’aspect complémentaire déjà avec Framasoft. Framasoft est une association d’éducation populaire, je ne vais pas la présenter, je pense que l’auditorat de Projets libres ! la connaît bien. Elle a fait, notamment avec Dégooglisons Internet [21], la démonstration on va dire concrète, matérielle, que le Libre fonctionne. Et clairement, quand on fait du plaidoyer politique et qu’on va à la rencontre de personnes qui peuvent plus ou moins connaître le logiciel libre, pouvoir s’appuyer sur cette démonstration concrète que c’est possible, que ça existe, ça donne du corps, ça montre que ce qu’on défend s’inscrit dans le réel, que ce n’est pas juste un truc un peu éthéré.

Magali Garnero : Ça existe, c’est possible et ça ne coûte pas forcément des milliards.

Étienne Gonnu : Non. Après, sur le fonctionnement, c’est une question d’investissement, ça peut coûter, mais on garde ce qui coûte. Ce n’est pas de l’argent qu’on envoie en Irlande pour que des entreprises américaines puissent optimiser leur niveau d’impôts. Bref !
C’est donc une forme de complémentarité.
Après, il y a d’autres associations. Laurent mentionnait par exemple La Quadrature du Net qui a aussi une approche, on va dire, d’action politique, de plaidoyer, avec son cœur de compétences. Notre cœur de compétences est plus fondamentalement le logiciel libre autour de cette idée de priorité.
Nous avons des petits moyens comme la plupart des associations. En réalité même Framasoft, par rapport à ce qu’ils font, a des petits moyens. À l’April, nous ne sommes que quatre salariés, un temps plein dédié aux sujets d’action institutionnelle. On fait ce qu’on peut avec nos moyens. On doit décider, on doit parfois trancher sur des sujets, on ne peut intervenir partout et c’est là aussi où il y a une forme de complémentarité. Au début, La Quadrature du Net était très droits d’auteur, maintenant ils ont une vraie compétence notamment sur les sujets de surveillance. On n’a pas besoin de se saisir de ces enjeux–là, il n’y a pas de concurrence entre nous pour savoir qui sera le mieux entendu.
Health Data Hub est un sujet qui a fait beaucoup parler de lui. À l’époque, nous n’avions pas eu besoin de prendre les devants parce qu’une association qui s’appelle InterHop [22] s’est, je crois, fondée en réaction à ça. C’était, me semble-t-il, deux informaticiens libristes et médecins de profession qui ont agi avec leur expertise. Dans ce cas-là, on se met en soutien, on relaie, on participe à la mobilisation. On n’a pas forcément vocation à être chef de file sur tous les sujets, d’ailleurs ça n’aurait pas de sens.
Au niveau entreprises, le CNLL [Union des entreprises du logiciel libre et du numérique ouvert] est un réseau d’entreprises qui, depuis quelques années, deux/trois ans, commence aussi à avoir des velléités d’action institutionnelle, notamment sur les sujets de cybersécurité, je ne vais pas parler à leur place.
C’est parce qu’on est un réseau, un tissu d’associations, qu’on peut aussi faire plus de choses et ça nous permet de mieux concentrer nos forces.
Enfin, et je finis là-dessus, je peux mentionner Halte à l’Obsolescence Programmée qui, on va dire, n’est pas une association de nos premiers cercles, avec qui on a pu déjà travailler sur la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire à l’époque, la loi AGEC. On a soutenu certaines de leurs propositions, on a porté les nôtres. On a pu avoir des interactions parce qu’il y a eu une intersection de nos sujets sur l’obsolescence logicielle notamment.

Walid Nouh : Question complémentaire. Avez-vous des contacts avec d’autres personnes ou d’autres groupes d’utilisateurs dans des pays francophones ? Est-ce qu’il arrive qu’on vous contacte pour des problématiques qui, justement, ne sont pas françaises mais francophones ? Dans ce cas-là que faites-vous de ces demandes ? Magali, tu veux répondre.

Magali Garnero : J’ai été contactée par Mozilla Europe quand il y a eu tout ce projet de loi sur la responsabilité des navigateurs, à ce moment-là c’était mi-français mi-européen, je ne savais pas trop comment j’allais réagir. J’ai mis en contact la personne de Mozilla avec d’autres personnes plus expertes que moi sur le sujet ou qui avaient un réseau plus important que le mien.
Je sais qu’on est aussi en contact avec un GULL, une association canadienne qui s’appelle FACIL, qui nous a demandé, à un moment donné, une lettre de recommandation, je ne suis pas sûre que ce soit une lettre de recommandation, que nous leur avons envoyée sans discuter, il n’y a aucun souci, si ça peut les aider, on fait tout pour aider les autres.
Après, il n’y a pas énormément d’associations comme l’April en Europe, mais si on peut aider, souvent on aide, si on peut relayer, on relaie. J’avoue qu’au niveau Bruxelles, c’est plus Étienne qui pourra répondre à cette question-là.

Étienne Gonnu : J’évoquais la question de nos forces, de notre énergie, de notre capacité d’agir. Historiquement on a pu intervenir sur des dossiers de droit européen, au niveau de l’Union européenne. Mais, il y a quelques années, on s’est qu’il valait mieux se concentrer sur le niveau français, notamment parce que, n’étant pas basés à Bruxelles, et, quand on n’est pas à Bruxelles, c’est très difficile, pour ne pas dire impossible, d’agir efficacement au niveau européen. Dans ce cas-là, effectivement, on se met plutôt en soutien de grandes associations, d’associations qui ont plus ces capacités, d’avoir une action européenne.
D’un point de vue institutionnel, c’est vrai qu’on n’en a pas tant eu d’interactions parce que nous sommes concentrés sur le niveau français et puis chaque ordre juridique, chaque État, chaque système institutionnel nécessite du temps pour comprendre un peu comment il fonctionne. On ne peut pas être partout, on ne peut pas avoir cette compétence partout.

Magali Garnero : Je crois qu’il y a aussi l’association APELL [Association Professionnelle Européenne du Logiciel Libre], au niveau européen, qui avait lancé une action que nous avons relayée, peut-être même expliquée. Nous avons fait de la vulgarisation.

Étienne Gonnu : À confirmer, mais il me semble que APELL est un regroupement d’associations nationales d’entreprises. Elles se sont mises ensemble notamment, et je trouve ça intéressant, pour financer un poste équivalent au mien, de plaidoyer politique, mais basé à Bruxelles, justement, pour pouvoir être un peu plus proches de là où se prennent les décisions de l’Union européenne.

Walid Nouh : Je pense qu’on reparlera de ce genre de sujet dans Projets libres !, que ce soit le CNLL ou APELL, ce sont des sujets très intéressants, que, personnellement, je ne connais pas du tout, ce sera donc une bonne occasion d’en savoir plus.
On a pas mal parlé de la place de l’April dans l’écosystème.
J’aimerais qu’on aborde maintenant un autre sujet très important, le sujet du financement, comment vous vous financez. On a un petit peu abordé ça au début, dans l’épisode 1, mais j’aimerais savoir comment ça se passe maintenant. Qui veut prendre la question ? Magali.

Magali Garnero : Je peux puisque j’avais préparé la réponse à la question.
Tout l’argent du financement de l’April, ce sont les adhésions et les dons, c’est-à-dire qu’on n’a aucune subvention, aucune aide de l’État, on dépend entièrement de nos membres. C’est aussi un choix puisque ça nous donne une liberté totale, on n’a de comptes à rendre à qui que ce soit.
Nous avons été extrêmement naïfs. En 2006 et en 2013, nous avons fait une demande pour être reconnue d’intérêt général, pour pouvoir distribuer ce fameux reçu fiscal à nos adhérents. Ça nous a été refusé deux fois parce qu’on ne rentrait pas dans les cases. J’ai relu le PDF des réponses ce matin, ça m’a énervée. On ne rentre pas dans les cases, on fait peut-être un peu trop de plaidoyer et peut-être pas assez d’éducation Nous sommes un peu naïfs, je sais, on s’est dit qu’on allait peut-être recommencer en 2025 ou en 2026.

Étienne Gonnu : Ce n’est pas forcément de la naïveté. De toute façon il faut essayer, le contexte politique a évolué, le contexte des actions de l’April a évolué, ça fait sens aussi. Mais effectivement, pour le moment on ne bénéficie pas de cette facilité.

Magali Garnero : Donc pas de reçu fiscal.
Ces dernières années, on a eu un petit souci au niveau de nos financements parce qu’on a tendance à perdre des collectivités, genre Paris, bientôt Toulouse et ainsi de suite. Les collectivités versent beaucoup d’argent d’un coup, donc, pour les remplacer par des petits membres adhérents qui sont au minimum à dix euros, il faut beaucoup d’adhérents, mais on ne peut pas leur en vouloir parce qu’elles ont elles-mêmes des restrictions budgétaires qui viennent de l’État, du gouvernement qui, comme vous avez pu le voir, je ne vais pas dire du mal, a tendance à enlever de l’argent là où il n’y en a pas plutôt que d’aller en chercher là où il y en a. On a beaucoup de diminution au niveau des collectivités, par contre au niveau des adhérents ça se maintient plus ou moins depuis trois ou quatre ans.

Walid Nouh : D’accord. Le financement c’est toujours un sujet crucial et tous les ans il faut reprendre son bâton de pèlerin.

Magali Garnero : Pas totalement parce qu’on avait la chance, à l’April, d’avoir une sorte de bas de laine, on avait des réserves, sauf que les réserves ce n’est pas forcément éternel. L’année dernière, on s’est rendu compte que nos réserves commençaient à diminuer comme peau de chagrin. On a donc lancé la campagne du Lama déchaîné [23], vraiment une campagne de soutien pour récupérer des sous. On avait demandé 20 000 euros l’année dernière, on demandera sûrement plus cette année quand on la refera, et on a eu de la chance puisque les gens nous ont soutenus.

Walid Nouh : Qu’est-ce que vous retenez de cette campagne ? Est-ce que ça a été compliqué ? Est-ce que ça a montré un vrai soutien à l’April ?

Magali Garnero : Je n’en retiens que du bonheur !

Laurent Costy : On s’était fixé l’objectif de collecter 20 000 euros et, finalement, on a obtenu 27 000 euros. Ça s’est fait plutôt dans la dernière partie de la campagne, c’est toujours un peu stressant, mais finalement le bilan est plutôt positif par rapport à l’objectif qu’on s’était fixé.
On a donc bien des adhérents qui nous soutiennent et on a essayé d’élargir un peu le cercle avec une campagne qui s’est étalée et une présidente aux manettes qui a passé beaucoup de temps sur de la communication, sur la production de contenus pour essayer de collecter de l’argent.

Walid Nouh : Mais, par exemple, qu’est-ce que vous mettez en avant ? Vous mettez en avant des réalisations ? Vous mettez en avant ce que vous voudriez faire avec cet argent ? Qu’est-ce que vous mettez en avant pour faire en sorte que les gens aient envie de continuer à vous donner ?

Étienne Gonnu : C’est important d’avoir cette distinction que tu évoques. Il y a la question de l’indépendance mais aussi la question de pérennité, de projection dans le futur. C’est l’intérêt d’avoir un fonctionnement par cotisation, ça permet notamment, quand il y a des personnes qui sont salariées, d’avoir une stabilité et de ne pas être tenu, tous les ans, de faire des campagnes.
C’est vrai que les contextes, depuis la fondation de l’April, ont quand même beaucoup évolué, il y a beaucoup plus d’associations notamment sur nos sujets. C’est très bien mais ça crée, de fait, une forme de concurrence pour les soutiens parce que les porte-monnaie des personnes et de nos soutiens ne sont pas non plus infinis, ils sont eux-mêmes sujets à une période économiquement compliquée, donc ça joue.
Ça pose aussi des questions et je pense que c’est bien de se réinterroger sur la façon dont on se finance et comment on convainc les gens de nous soutenir. On essaie de convaincre et je pense que l’intérêt de la campagne c’était aussi de montrer tout ce qu’on a pu faire que ce soit l’action politique, réinscrire l’April dans son histoire et montrer qu’on est aussi dans la continuité, qu’on continue à faire des actions, on suit des dossiers qu’on suit depuis le début sur lesquels on continue d’agir, sur lesquels on a construit une expertise. C’est aussi montrer ça, qu’on continue à faire des choses.
C’est compliqué quand des collectivités, parfois plus des personnes morales, demandent : « Qu’est-ce qu’il en est pour nous ? OK, on cotise, mais qu’est-ce qu’on en retire ? — Vous en retirez que vous nous soutenez, en fait c’est un soutien sur les valeurs. Notre action a vocation à faire que l’environnement économique, politique soit favorable au logiciel libre. » Donc tous ceux qui veulent faire du logiciel libre ont intérêt à ce que ce soit plus facile d’en faire, parce que les lois le permettent, parce que l’économie des logiciels libres est soutenue, qu’il y a de l’investissement, etc. L’intérêt à en retirer est là. On n’est pas dans des appels à projet où si vous nous donnez tant, vous allez gagner tant.

Laurent Costy : C’est sans doute un peu plus compliqué pour nous que pour Framasoft. Il y a des services concrets proposés : on peut effectivement expliquer à quoi cet argent va servir pour consolider, faire des versions suivantes, etc. Nous sommes effectivement dans l’aspect un peu plus politique. Maintenant, on peut invoquer quand même le Chapril, un chaton où on a des services concrets aussi. On sent bien que c’est plus compliqué d’argumenter vis-à-vis de nos adhérents et adhérentes.

Walid Nouh : Une question que je n’avais pas notée. Comment faites-vous cette promotion ? Sur quels réseaux sociaux ? En dehors des réseaux sociaux, quelles actions avez-vous menées justement pour mettre en avant vos actions ?

Étienne Gonnu : En deux mots déjà et je vais laisser Booky répondre : Libre à vous !, la campagne du Lama déchaîné, et après t-shirts, stickers.

Magali Garnero : L’Expolibre [24], les conférences. Je pense que ça serait vraiment un énorme gros sujet pour une prochaine fois.
Sinon, pour répondre sur les réseaux, on essaye de contacter certains journalistes. Je parlais de LinuxFr tout à l’heure. Chaque semaine, ils m’ont laissé faire une revue sur Le Lama déchaîné ; pareil sur le site internet de l’April. Tout ce qu’on peut inonder on a inondé. D’ailleurs, je propose à tous les membres de l’April de me bloquer de octobre à décembre parce que je vais faire du Lama déchaîné tous les jours, voire plusieurs fois par jour. Si vous ne voulez pas être inondés je vous autorise à me bloquer. À partir du mois de janvier, vous pourrez recommencer à me suivre.

Laurent Costy : En sachant qu’on essaye évidemment de rester fidèles à nos valeurs, donc d’utiliser des réseaux alternatifs, donc des réseaux moins fréquentés. On a sans doute moins d’échos que si on avait fait le choix d’utiliser les plateformes mainstream. On l’assume, évidemment, sinon notre message ne serait pas très cohérent. C’est peut-être une difficulté qu’on peut avoir comparativement à des associations qui ne se poseraient pas de questions sur ce sujet-là.

Magali Garnero : C’est aussi une discussion qu’on a eue plusieurs fois au sein du CA : est-ce qu’on retourne, ou pas, sur des plateformes pas libres ? Finalement le « ou pas » nous convient beaucoup mieux. Tant pis s’il y a moins de sous, au moins nous restons cohérents avec nous-mêmes et avec nos idées.

Étienne Gonnu : Sans rentrer dans le détail, typiquement on était sur Twitter et on a fait le choix de quitter Twitter à un moment donné. Ça a été l’objet d’une discussion dans le cadre d’un CA étendu dont je parlais, salariés et membres élus.

Walid Nouh : Je pense que dans beaucoup d’associations c’est une discussion : doit-on rester sur ces réseaux des GAFAM où il y a des gens ou partir et avoir une audience moindre ? Chacun a sa propre réponse là-dessus.

Magali Garnero : Parfois des associations n’ont pas le choix. Si elles ne sont pas sur ces réseaux où il y a du monde, il n’y a pas de sous, et s’il n’y a pas de sous, il n’y a plus d’association. La question peut se poser, il peut y avoir différentes réponses, il n’y a pas de mauvaise réponse, la partie économique détermine le choix. À l’April, on a fait ce choix-là avec les conséquences que ça que ça amène, je ne pense pas qu’on regrette, même si c’est vrai que depuis, les fins d’année sont compliquées. L’année dernière on voulait 20, on nous a donné 27. Je pense vraiment qu’on n’a pas le droit de se plaindre.

Walid Nouh : Est-ce qu’on peut parler de certaines actions que vous avez menées récemment ou qui sont en cours, plutôt représentatives du travail de l’April ? Étienne, par exemple, est-ce que tu pourrais commencer à nous donner des actions sur lesquelles tu as travaillé ?

Étienne Gonnu : J’ai pensé à deux en réfléchissant à l’émission.
Je parlais de priorité au logiciel libre. Je pensais à ce qu’on appelle les open bar [25] ,qui peuvent s’exprimer de manières différentes, en gros la dépendance de nombreuses administrations, notamment des ministères, aux outils de Microsoft. Ce n’est pas récent dans le sens où c’est une problématique ancienne.
Pour revenir à la distinction, l’aspect défense c’est lutter contre les situations de dépendance à Microsoft en particulier, qui est assez emblématique mais pas que, mais Microsoft beaucoup. L’aspect positif c’est défendre une priorité. On voit bien que tout cela est très lié. C’est un dossier qu’on suit, sur lequel on continue à s’engager.
Plus récemment, ça a pu se manifester au niveau du ministère du Travail. C’est aussi l’occasion de montrer certains outils qu’on utilise. Les parlementaires votent des lois, mais ils contrôlent aussi le gouvernement, ce sont les deux pieds de leur action. Pour contrôler le gouvernement, ils ont notamment recours à ce qu’on appelle les questions au gouvernement. On voit les questions orales dans l’hémicycle, ce sont les plus visibles, en fait, les plus importantes sont les questions écrites. Parfois on contacte des parlementaires pour leur suggérer des questions.
Là, grâce à une question posée par un député, qui l’avait posée directement, on a appris, en 2023, que le ministère du Travail avait levé la possibilité d’une dérogation pour pouvoir utiliser les services cloud à distance de Microsoft [26], ce que, normalement, il ne peut pas faire, c’est la circulaire « Cloud au centre » pour les personnes qui veulent creuser le truc. On a donc vu ça, on s’est dit « on va essayer de comprendre quel est le texte ». Un autre levier, un autre outil qu’on utilise beaucoup, c’est ce qu’on appelle les demandes CADA, le droit d’accès aux documents administratifs, la CADA c’est la Commission d’accès aux documents administratifs, d’ailleurs tout le monde peut faire des demandes. Si le sujet vous intéresse, je vous recommande l’association Ma Dada [27] qui propose un outil pour faire des demandes de manière simplifiée.
On a donc demandé à l’administration quelle est cette dérogation, quelles sont les études qui vous ont permis de, etc. Ça nous permet de toujours creuser, l’idée étant de faire la lumière sur la situation de dépendance, donc là on a plusieurs demandes.
Le rôle de l’April dans tout ça, un des aspects de notre travail de plaidoyer, c’est d’être un poil à gratter, c’est-à-dire d’éviter que les administrations fassent n’importe quoi sans être embêtées derrière. On essaie d’être un peu poil à gratter à notre niveau.
Booky, tu voulais compléter.

Magali Garnero : Je reviens sur la dérogation. Quelles qu’elles soient, les dérogations sont limitées dans le temps, on demande une dérogation parce qu’on n’a pas encore trouvé la solution idéale. Sauf que là, pour le ministère du Travail dont tu parlais, c’est une dérogation qui se reproduisait depuis un, deux, trois ans, limite ça allait être du long terme, genre une dérogation temporaire qui ne l’est pas du tout. C’est bien qu’on ait été au courant de cela grâce à cette question. Comme dit Étienne, nous avons été poil à gratter, nous avons posé des questions, on leur a demandé : « Est-ce que c’est vraiment le cas ? Qu’est ce qui vous empêche vraiment de passer ? » et ainsi de suite. Chaque demande CADA a donné des réponses, ou pas, ou des réponses qu’on ne pouvait pas voir parce qu’elles étaient totalement caviardées. Je me souviens d’un document où 75 % de la page était totalement illisible.
Ça permet d’avoir des informations. Parfois ils parlent de dossiers qu’on ne connaît pas, mais le fait qu’ils en parlent permet de les demander à la CADA. C’est vraiment tout un travail de longue haleine, souvent avec un résultat peu satisfaisant, mais qui permet de continuer à défendre, à poser des questions et à les obliger à se remettre eux-mêmes en question, alors pas forcément, mais j’ai l’espoir qu’un jour le ministère du Travail passe à autre chose qu’au cloud de Microsoft. Quand il en aura marre de nous avoir sur le dos peut-être qu’il fera un effort, surtout que ce n’est pas comme si c’était impossible !

Étienne Gonnu : Concernant cette dépendance, c’est quelque chose qu’on essaie de pousser depuis trois/quatre ans. On pense que la question écrite peut être une bonne manière parce que ça oblige le gouvernement à prendre position, mais il y a aussi d’autres leviers auxquels on réfléchit : forcer un audit des dépenses logicielles globales, parce tant que l’État n’a pas un état des lieux, que les administrations n’ont pas une visibilité sur où est mis l’argent et quels sont les besoins logiciels, ou ne pourra pas avancer vers un meilleur usage du logiciel libre, ce qu’on défend, c’est aussi le sens de l’action.
Ce n’est pas forcément ce qu’on aurait choisi, mais on parle de souveraineté numérique, c’est un petit peu la manière entre guillemets « à la mode » de parler des sujets qui nous intéressent. Nous amenons un petit peu notre définition à travers le logiciel libre, nous expliquons pourquoi il n’y a pas de souveraineté numérique sans logiciel libre parce que ça apporte les garanties de maîtrise, etc. Donc tout cela est très lié :
on défend une priorité au logiciel libre,
on appelle à plus de transparence,
on pointe du doigt les situations de dépendance,
et on essaie vraiment de mettre le doigt sur les postes de travail. On dit que GNU/Linux est aligné sur les serveurs, mais ce qui nous intéresse c’est la bureautique, ce sont les postes de travail. On sait que c’est vraiment très clé et c’est pour cela qu’on essaie d’avoir une action continue et déterminée sur ces sujets de la dépendance à Microsoft.
Pour finir sur un dernier exemple, la migration forcée de Windows 10 vers Windows 11 arrive, ça fait parler. Une commission d’enquête, qui était d’ailleurs très intéressante, sur la commande publique, a notamment pointé que la police nationale va devoir dépenser des millions parce qu’elle va être obligée de monter en version. Ils faisaient le comparatif avec la gendarmerie nationale, l’exemple qu’on ressort tout le temps, mais, en même temps, qui est assez parlant, qui, depuis nombreuses années maintenant, a fait le choix de passer sous un système d’exploitation libre [28]. Elle a développé sa propre version d’Ubuntu et ne se retrouve pas dans cette situation de couteau sous la gorge, c’est l’expression qui me vient et je pense qu’elle n’est pas forcément fausse. Le sujet reste pleinement d’actualité et je pense que le passage de Windows 10 à Windows 11 en témoigne.

Magali Garnero : Vous allez entendre parler très fort, dans les mois à venir, de ce passage de Windows 10 à Windows 11. Forcément, on peut pas rester silencieux, forcément on ne va pas être les seuls à se plaindre. Restez à l’écoute.

Laurent Costy : Tout à l’heure on parlait de liens avec d’autres structures et d’opportunités d’alliances. Avec Halte à l’obsolescence programmée nous avons eu des contacts, des échanges, et on prépare des communications cohérentes. Ce n’est pas forcément un travail de fond quotidien, en tout cas on se met au courant des initiatives qu’on souhaite lancer chacun pour pouvoir les partager, les relayer plus facilement. Ça fait vraiment partie de notre travail.

Étienne Gonnu : Ce qui me fait penser, pour faire un pas de côté, que sur la dépendance à Microsoft nous avons cette action parce que c’est un de nos cœurs de métier vis-à-vis des administrations pour qu’elles aient une priorité au logiciel libre, pour qu’elles sortent de cette dépendance, mais la dépense à Microsoft concerne aussi les associations. Je sais que Laurent a pas mal travaillé là-dessus.

Laurent Costy : C’est exactement la transition que je voulais faire.
Une grosse action se fait vis-à-vis des députés, vis-à-vis du gouvernement, vis-à-vis de l’État, mais on essaye aussi de regarder ce qui freine l’adoption du logiciel libre dans le monde associatif par exemple. On suit, depuis de nombreuses années, une structure qui s’appelle Solidatech, un programme qui s’appelle Solidatech, qui est très en vue et très prisé par les associations parce que ce programme permet d’avoir des licences de logiciels privateurs à des coûts vraiment très petits, qui n’ont rien à voir avec les coûts du marché. Quand on analyse ça, quand on comprend comment ça fonctionne, quelque chose d’international, qui s’appelle TechSoup [29] cherche localement, dans les pays, des structures qui ont pignon sur rue pour pouvoir relayer un peu cette mécanique. C’est un lobbying vraiment bien pensé, bien avancé, qui, du coup, empêche une adoption de logiciels libres. On essaye aussi de faire poil à gratter sur ces structures-là, on les interroge. Elles ont souvent un discours disant « on émancipe les associations, on leur facilite la vie, etc. » On les questionne aussi sur le fait qu’elles continuent de les enfermer dans un mécanisme. On a eu récemment un échange de courriers, ils nous ont enfin répondu. Le CA n’a pas encore décidé ce qu’on allait faire de ce courrier, des suites qu’on allait donner. On essaye de pousser le questionnement, de les pousser dans leurs retranchements pour qu’ils nous répondent : « Regardez la conséquence de votre objet associatif. Vous enfermez des associations dans un monde duquel les associations vont avoir beaucoup de mal à sortir le jour où elles voudront le faire. »

Walid Nouh : Concernant le passage de Windows 10, les actions de l’administration Trump ne sont-elles pas, quelque part, une espèce de bénédiction pour que les gens se rendent compte ? Je ne vais pas dire que les gens vont passer au logiciel libre du jour au lendemain, mais ça remet plus que jamais sur le devant de la scène la dépendance qu’on a.

Laurent Costy : Ce n’est pas la première fois que Windows fait le coup. Il y a eu Windows XP en 2014, il y a eu Windows 8, Windows 10. À chaque fois, ils nous font le coup.
Peut-être que le facteur qui change c’est la question environnementale, c’est peut-être ce qui va faire la différence. C’est-à-dire que là il y a une évaluation qui estime qu’il va y avoir 240 millions d’ordinateurs qui ne vont pas pouvoir, à terme, passer à Windows 11.

Étienne Gonnu : C’est Green IT [30], je me permets de les citer.

Laurent Costy : J’ai fait le calcul, je dévoile un peu la prochaine chronique de Libre à vous ! [31]. Si on prend l’épaisseur d’un laptop, en moyenne de deux centimètres, ça fait 480 millions de centimètres. Si on fait les bon s calculs, dans les bonnes unités, ça fait 1000 fois la hauteur de Mont Blanc. Il y a une pile d’ordinateurs de 1000 fois la hauteur du Mont Blanc dans laquelle Microsoft va faire une pichenette. Évidemment, pas du jour au lendemain, néanmoins ça veut dire que ça déclasse, de manière accélérée, des ordinateurs qui pouvaient encore servir, alors qu’on sait maintenant que pour produire un ordinateur il faut extraire 800 kilos de matière dans la nature. Ça vient peut-être bousculer, c’est peut-être un levier qu’on va avoir, et effectivement faire alliance avec des associations qui vont se battre contre ça.

Étienne Gonnu : Sur l’aspect Trump, il y a clairement une opportunité. Je mentionnais la commission d’enquête sur la commande publique, un gros sujet, Microsoft était assez emblématique, ils ont notamment beaucoup parlé du Health Data Hub et de la situation de l’Éducation nationale qui, comme la plupart des ministères, est en état de grosse dépendance. Il y a ce qu’on appelle l’extraterritorialité du droit. Pour les personnes qui connaissent le RGPD, le Règlement européen sur la protection des données, le problème du droit américain c’est que l’État américain peut potentiellement accéder à toutes les données stockées par des entreprises américaines où que la donnée soit stockée. Pour une administration c’est donc un gros problème, d’autant plus pour les administrations qui stockent des données sensibles par nature, j’ai envie de dire, puisque ce sont les données notamment des citoyens et des citoyennes. Donc l’utilisation de Microsoft, malgré cette situation d’extraterritorialité, dans le contexte d’une administration en voie de fascisation, ce sont mes termes, pose des questions. On sentait bien que ça mettait en exergue, pour l’administration, le gros problème de la dépendance.
Il y a donc effectivement un problème de dépendance, mais, en plus, une dépendance dans un contexte politique très particulier. Ils ont fait beaucoup d’auditions, d’ailleurs on va prochainement publier une actu pour partager notre analyse sur ce rapport qui est paru en juillet [32]. Ils ont notamment interviewé Guillaume Poupard, l’ancien directeur général de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI. Il rappelait que si l’administration américaine décide de couper les ponts technologiques, en gros que les mises à jour de Microsoft ne viennent plus en Europe, en quelques semaines, pas tellement plus, les administrations sont un peu le bec dans l’eau et n’ont plus de systèmes sûrs sur lesquels travailler. Je trouve que ça mettait bien en avant les enjeux très concrets de la dépendance aux solutions.

Magali Garnero : Écologiquement et pour l’indépendance, ça serait bien de passer au logiciel libre, on est tous d’accord.

Laurent Costy : Bifurcation.

Walid Nouh : Un autre sujet qu’on a abordé, justement dans ces actions, quand on a préparé le l’interview et je me suis dit que ça vaut la peine qu’on en dise quelques mots même si on va certainement faire un épisode complet là-dessus, c’est le travail, qui n’a absolument rien à voir, mais sur lequel vous, vous participez : la certification des logiciels de caisse, un gros sujet qui est là depuis longtemps, un sujet que j’aimerais traiter dans un épisode à part, de la même manière que j’ai traité l’épisode sur la réforme de la facturation électronique [33].
Étienne, peux-tu en dire deux mots puisque, à priori, c’est un des sujets sur lesquels tu travailles. Est-ce que tu peux expliquer assez simplement ce dont on parle et surtout quel est le rôle de l’April dans tout ça ?

Étienne Gonnu : Je vais essayer de faire de mon mieux.
Je voulais aussi évoquer ce sujet et j’étais content que le sujet t’intéresse, parce que je trouve qu’il est assez emblématique d’une autre manière, d’une autre typologie d’action. Un projet de loi arrive, une proposition, dans un projet de loi, menace le logiciel libre, là on sort l’action : avec des arguments pour s’y opposer, on contacte les parlementaires, on propose des amendements pour aller l’encontre, etc.
Les logiciels de caisse c’est un sujet sur lequel on a travaillé en 2016, je vais devoir d’abord rapidement donner ce contexte-là, et qui est revenu récemment.
En gros, en 2016/2017, un projet de loi de finances a créé une obligation, pour toutes les personnes qui ont un logiciel de caisse, de pouvoir produire un document qui prouve, quelque part, la conformité de leur logiciel aux exigences de la loi. Si des comptables nous écoutent, ils sauront me corriger, mais en gros ça parle d’inaltérabilité, d’archivage, plusieurs critères comme cela. Pour prouver il fallait un document, ce document pouvait être soit une certification, c’est-à-dire un document qu’on obtient par une autorité certifiante, on peut penser à l’Afnor, donc l’entreprise qui propose le logiciel fait certifier, etc., ou alors l’entreprise qui propose un logiciel peut attester elle-même, elle engage sa responsabilité, elle dit « je t’atteste à toi, client qui veut utiliser mon logiciel, que le logiciel que tu vas utiliser est conforme » et s’il y a un contrôle et que le logiciel n’est pas conforme, c’est l’entreprise qui va devoir répondre au fait qu’elle a donné un faux document, quelque part.
À l’époque, nous étions intervenus parce que, tel que c’était formulé, on considérait qu’il y avait le risque que ça interdise de fait la liberté de modification, qui est quand même une liberté un peu importante, les quatre libertés sont essentielles pour qu’on puisse avoir un logiciel libre, donc que ça interdise la liberté modification, tout simplement. Il y avait cette crainte que si le client, l’utilisateur ou l’utilisatrice du logiciel de caisse, le modifie, ça invalide le document, donc que ça fasse une forme de responsabilité infinie de l’entreprise qui avait délivré le document puisqu’elle serait responsable des modifications faites. Donc, quelque part, ça imposait d’empêcher la liberté de modification.
Nous sommes intervenus notamment avec des membres de Dolibarr et de Pastèque, qui sont deux logiciels de caisse, par ailleurs membres de l’April, nous avons échangé avec l’administration qui devait produire ce qu’on appelle la doctrine fiscale, un échange qui a été très constructif sur la façon dont ils allaient interpréter. Des échanges productifs puisqu’on a réussi à écrire noir sur blanc, en gros pour clarifier très objectivement les conditions pour que la liberté de modification soit garantie, je ne vais pas entrer dans les détails.
C’était la situation qui convenait visiblement à tout le monde, on a discuté plus tard avec l’administration qui était très satisfaite de cette situation sauf que tombe un amendement. C’est toujours intéressant de se demander d’où viennent les amendements, on n’a pas encore identifié, c’est un sujet intéressant quand on s’intéresse à la façon dont naissent les lois et d’où viennent les amendements. Bref ! Plusieurs députés, ça a été assez transpartisan, ont porté un amendement pour interdire l’attestation. C’est-à-dire que la seule manière, pour quelqu’un qui fait des logiciels de caisse, de pouvoir fournir un document qui dit que le logiciel est conforme, c’est de passer par une autorité comme l’Afnor, etc., sauf que c’est long, que ça a des coûts très importants et que, quelque part, ça ne marche pas avec ce qu’on appelle l’agilité, une manière très active et très fluide de produire du logiciel et qui correspond d’autant plus au logiciel libre où on a des contributions extérieures. Donc interdire l’attestation que toutes les entreprises du Libre, mais pas que d’ailleurs, utilisent parce que la certification est lourde.
L’April est intervenue pour proposer des arguments. J’ai appelé beaucoup de parlementaires, j’ai eu des échanges avec certains pour essayer de faire en sorte que l’amendement proposé soit rejeté. Il a malheureusement été adopté et, dans le contexte du projet de loi de finances pour 2025, avec la censure du gouvernement, cela crée aussi des conditions politiques où il est un peu plus compliqué d’agir.
Donc le texte est passé. On continue aussi à agir. Après coup on a contacté l’administration fiscale, on a échangé. Elle devait préciser, dans ses textes, comment elle allait appliquer cette nouvelle obligation. Je pense qu’ils avaient déjà l’intention de limiter l’impact, on a donc obtenu un délai d’application [34] , de toute façon elle l’aurait accordé. D’autre part, et c’est aussi intéressant, c’est valider la possibilité d’une forme de certification communautaire : des entreprises, des utilisateurs, des associations peuvent se mettre ensemble, faire certifier le logiciel qui bénéficie à toutes les personnes qui vont l’implémenter, le distribuer.
Pour finir sur ce dossier ––désolé je suis un peu long––, on a su, parce qu’on a continué à avoir des échanges, que des membres ont contacté eux-mêmes ou elles-mêmes leurs députés, que visiblement, côté gouvernement, ils sont d’accord sur le fait que ce n’est pas forcément bienvenu comme vote, donc on a bon espoir et on va se mobiliser pour que, sur le prochain projet de loi de finances, on puisse revenir à la situation antérieure, en tout cas on va agir en sens.
Désolé pour ce tunnel.

Walid Nouh : C’est intéressant, parce que sur ce genre de sujet l’April a un rôle important de plaidoyer, de collaboration.

Étienne Gonnu : Si je peux expliquer, en très peu de mots. J’avais déjà travaillé sur ce texte, c’était donc presque naturel, pour moi, de me replonger dedans puisqu’on a effectivement vu l’alerte venir.
L’April a plutôt un rôle de coordinateur des personnes qui ont l’expertise. Moi je n’ai pas l’expertise métier, on va dire, c’est pour cela qu’on échange avec des entreprises et des membres des associations dont Dolibarr qui est un des principaux logiciels libres de caisse. On a une liste dédiée à ce sujet où se font les discussions. Moi j’arrive avec mon habitude de contacter des parlementaires ou les administrations et je fais venir avec moi ceux qui ont l’expertise. Quand on rédige une analyse, j’ai plutôt un rôle de synthèse des idées qui ont été construites par les personnes qui ont cette connaissance du métier, de la réalité technique et de ses implications.

Walid Nouh : OK. Très intéressant. Laurent, est-ce qu’il y a des actions, des choses que tu voudrais mentionner ?

Laurent Costy : C’est vrai que depuis le début, mon application à l’April s’est beaucoup orientée sur la question du lien entre logiciel libre et monde associatif, en particulier l’éducation populaire, parce que j’étais convaincu qu’il y avait une convergence de valeurs fortes qui devait faciliter leur adoption. La réalité est beaucoup plus complexe, d’une part parce que les associations n’ont pas de temps à consacrer à ce qu’elles considèrent comme un outil, comme quelque chose qui doit marcher.
On a eu un groupe de travail qui a été très actif milieu des années 2010, on va dire, qui s’appelait Libre Association. La liste existe encore, il y a encore quelques questions qui se posent « qu’est-ce que vous utilisez comme logiciel libre pour faire ça dans votre association, etc. ». Il y a eu une continuité et c’est pour cela que je parle de complémentarité avec Framasoft, c’est-à-dire que les initiatives Dégooglisons Internet, le collectif CHATONS, désormais Émancip’Asso [35] font, je dirais, que l’objet s’est un peu déplacé et il s’est actualisé avec des gens qui sont volontaires.
Je dirais que Libre Association a fait le plus gros de son travail dans le milieu des années 2010 et Framasoft, avec ses projets, continue, quelque part, un travail qui me semble extrêmement important vis-à-vis des associations parce qu’elles sont à la merci de structures, comme je l’évoquais tout à l’heure, qui font qu’à un moment donné elles restent enfermées, elles ne se posent pas de questions sur leurs enjeux. Alors que, quand on réussit à convaincre des responsables associatifs de prendre le temps d’expliquer les enjeux, qu’on arrive à mettre autour de la table quelques salariés, quelques bénévoles, les gens sont volontaires, ils ont envie de transition, ils ont envie de changer leurs logiciels, mais le plus dur finalement c’est ça. C’est de réussir à convaincre qu’il faut prendre une journée ensemble pour poser les enjeux vis-à-vis des données des membres de l’association, vis-à-vis des données de l’association. Donc prenons ce temps-là et après ça, en général, la transition est beaucoup plus fluide.
Je me suis retrouvé dans deux situations où j’accompagnais des associations, une où on avait fait ce travail-là et une où on ne l’avait pas fait, on voit clairement la différence. Les gens sont vraiment en opposition quand on n’a pas eu le temps de préparer ça, ils sont vraiment dans « ça ne marche pas, ça ne fait pas la même chose, excel et word étaient bien meilleurs. » Alors qu’une fois qu’on a posé les enjeux, la question ne se pose même pas, on fait l’effort, on sait qu’il y a des solutions et on sait pourquoi il faut aller chercher des solutions.
C’est assez vital pour pouvoir essayer de changer la donne dans le monde associatif parce qu’en face on a quand même des monstres avec un pouvoir et de l’argent infinis.

Walid Nouh : Magali.

Magali Garnero : On va demander à ces gens-là de faire un don à l’April.
J’aimerais bien revenir sur un dossier un peu plus ancien que les logiciels de caisse mais moins que l’« open bar » de Microsoft, c’est le projet de loi sur le contrôle parental qui obligeait tout constructeur d’ordinateur à mettre un petit logiciel de contrôle parental. On n’est pas contre le contrôle parental, mais ce petit logiciel faisait qu’on ne pouvait plus acheter de matériel sans système d’exploitation. Or, pour la plupart des gens que je connais, qui sont libristes, cette interdiction-là était quand même assez catastrophique puisque la plupart des libristes aiment bien acheter leur matériel, installer la petite distribution qu’ils veulent et qui leur convient, bidouiller au maximum, et là ça n’aurait plus été possible. Nous sommes montés au créneau. Je me souviens, Étienne, que tu avais travaillé avec le rapporteur du projet de loi.

Étienne Gonnu : Je trouve que c’est emblématique. Nous sommes aussi une sorte de vigie, quelque part, par la veille qu’on fait.
En soi, le texte n’interdisait pas, il n’était pas écrit qu’il est interdit de vendre, sauf que c’était une interprétation possible puisqu’il faut installer un logiciel, il faut bien qu’il y ait un système d’exploitation pour le faire tourner. Problème : dans le droit, on sait que le doute va plutôt dans le sens des limitations, est plutôt contre les libertés. Et les entreprises, pour éviter tout doute, auraient peut-être cessé, tout simplement, de proposer des équipements sans système d’exploitation [36].
Là j’ai appelé. Au bout d’un moment, j’ai été en contact avec le rapporteur parce qu’un administrateur de l’Assemblée nationale m’a rappelé en me disant « j’ai des retours dans tous les sens, les gens s’inquiètent de ça » alors que ce n’était pas du tout le but. C’est là où, après, il y a eu le lien avec le rapporteur et c’est allé dans l’autre sens.

Magali Garnero : C’est vrai que Étienne et Frédéric ont cette vigilance vis-à-vis de tout ce qui est projet de loi, mais il y a aussi des actions, des choses qui nous sont remontées par des gens qui veulent souvent rester anonymes. Sans le travail-là de ces personnes et de nos salariés, des choses nous passeraient sous le nez, on ne les verrait pas forcément. Heureusement qu’on a cette vigilance-là et que nous sommes aidés par de nombreuses personnes.

Étienne Gonnu : Je vais le redire, parce que c’est hyper important. Fred et moi avons du temps salarié à y consacrer, moi en particulier, mon temps plein porte là-dessus, mais nous sommes des humains, avec notre temps disponible, nous avons aussi d’autres choses à faire, il nous arrive de louper des trucs. J’invite donc les personnes qui nous écoutent et qui voient passer des choses, à ne surtout pas hésiter à nous remonter « tiens j’ai vu ça », même si ça semble effectivement évident pour tout le monde, parfois non, en fait, parce que chacun a ses trucs. On agira si on peut agir. Plus on a de contributions en termes de veille et de vigilance, mieux nous serons équipés pour agir.

Walid Nouh : J’ai une question complémentaire là-dessus. Ce travail de surveillance, de plaidoyer, du fait qu’on ne gagne pas à chaque fois, qu’il faut revenir, etc., n’est-de pas un travail usant à force ?

Étienne Gonnu : Sur le contrôle parental finalement on a gagné, on a gagné parce qu’on s’est défendu et que la défense est passée.
Non. Moi je suis dans la perspective. Que ce soit pour le logiciel libre ou pour autre chose, on est dans le temps long, j’aime bien cette phrase de Framasoft, « la route est longue mais la voie est libre. » Il ne faut pas se focaliser sur chaque combat pris individuellement. On progresse, dans chaque combat on apprend, on se renforce et c’est avec qui. C’est la question des moyens et de la finalité. La finalité qu’on se donne est presque secondaire par rapport aux moyens. Je défends ça dans une super équipe, dans une association que j’aime bien, j’apprends des trucs, donc non, ce n’est pas usant grâce à ça.

Magali Garnero : Quand je vois le résultat pour les logiciels des caisse, nous avons quand même été assez déçus, on n’a pas forcément compris pourquoi ce sujet est arrivé. On pourrait se décourager en disant « tant pis ». Mais j’ai déjà entendu plusieurs personnes, autour de moi, qui ont dit « on va y retourner l’année prochaine, pour le prochain projet de loi de finances, pour proposer à nouveau cette attestation. » À priori, le gouvernement nous suivrait parce qu’il a été aussi étonné que nous. Nous avons été déçus, mais il y a toujours de l’espoir, il y a toujours des actions à faire, à continuer, et si ça se trouve l’année prochaine on pourra boire le champagne en disant « l’attestation a été remise. » Il faut toujours regarder le côté positif, il n’y a pas de petites ou de grandes batailles, il y a souvent plein de petites victoires et de petits échecs, mais une victoire c’est quand même extraordinaire.

Walid Nouh : Donc beaucoup de vigilance.

Étienne Gonnu : Une grosse victoire nous donnerait beaucoup d’énergie, on ne cracherait pas dessus, mais ce n’est pas frustrant ou décourageant, c’est parfois agaçant. De toute façon, globalement le contexte politique n’est pas hyper réjouissant, on ne va pas se mentir, mais c’est avec qui on fait et comment on fait les choses.

Laurent Costy : Ce n’est pas l’April qui avait œuvré, mais le dernier procès Entr’Ouvert contre Orange, c’est finalement une victoire [37], donc ça a bien montré que le Libre pouvait aussi gagner et je pense que c’est important pour la communauté du Libre.

Walid Nouh : Je mettrai en lien, dans la transcription, une conférence qui a été donnée au Capitole du Libre [38], qui revient justement sur toutes les péripéties, les années de procédure et tout, c’est assez incroyable, pour voir le résultat final.

Magali Garnero : Autre action positive, les rencontres avec les élus, avec les sénateurs, les parlementaires qui prennent contact avec nous pour avoir des informations ou que nous-mêmes avons contactés et qui nous ont répondu. Je ne pense pas que 100 % des parlementaires répondent quand on les contacte, je suis sûre que non, en tout cas ceux qui nous ont répondu, ça nous fait un réseau, ça augmente un réseau, ça stabilise ce réseau-là et c’est ce réseau qui fait qu’on peut les relancer à la prochaine action. Plus on connaît de monde, plus ce réseau est important, plus nous avons de chances d’être efficaces dans notre travail

Walid Nouh : Dernière grande partie que j’aimerais qu’on aborde, c’est la partie assez habituelle dans mes épisodes, que j’appelle les défis. J’aimerais comprendre, dans votre cas, quelles sont les grandes problématiques, quels sont les défis que vous avez à la fois en interne, à l’intérieur de l’association, et aussi, dans un deuxième temps, en externe de l’association. Si on commence d’abord en interne de l’association, à quoi êtes-vous confrontés ? Quelles sont vraiment les problématiques principales que vous rencontrez, sur lesquelles vous travaillez ou vous devez travailler régulièrement ? Qui veut commencer ? Magali.

Magali Garnero : En interne de l’association, moi je voudrais un plus grand équilibre hommes/femmes. On est à 8 % de membres femmes, donc forcément 92 % de membres se disant hommes. J’aimerais que la différence soit moins importante, mais j’essaye de ne pas me plaindre parce qu’à l’époque on était à 6 % de femmes, on est passé à 8 % depuis je suis présidente, je me dis qu’on va dans le bon sens.
J’aimerais aussi qu’il y ait plus d’accessibilité, que tous les logiciels libres soient vraiment accessibles, que les rencontres que nous organisons soient toutes dans des lieux où tout le monde peut venir.
Donc plus de femmes, plus d’accessibilité, je sais qu’il y en avait un troisième mais là tout de suite, il ne me revient pas, je vais laisser la parole à mes collègues.

Laurent Costy : Il y a aussi la question générationnelle. L’April vieillit avec ses membres du conseil d’administration, c’est aussi un enjeu pour l’April, c’est clair. Pour l’instant, on n’a pas encore trouvé forcément de voie à travailler, mais ça fait partie des enjeux du conseil d’administration.
Le conseil d’administration se pose aussi beaucoup de questions. Ça fait 40 ans que le logiciel libre existe et, depuis 40 ans, beaucoup de choses ont évolué et il faut pouvoir replacer le logiciel libre dans ces contextes qui ont évolué. L’idée n’est pas de changer la définition du logiciel libre, on pourrait y être tenté, ça serait un peu trop facile, c’est un peu comme changer les statuts d’une association quand ça arrange, ce n’est comme ça qu’il faut procéder. Par contre, il faut qu’on prenne bien conscience des enjeux, des choses qui se passent autour de nous. On a déjà eu des discussions au sein du CA sur des licences à réciprocité par exemple, qui ne peuvent pas être considérées comme des licences libres, mais qui, d’un certain point de vue, sont des expérimentations, des innovations, des communautés dans des Scop [Société coopérative et participative], dans des Scic [Société coopérative d’intérêt collectif], qui expérimentent ce genre de chose. Il faut que l’April soutienne ces initiatives-là tout en leur disant « ce ne sont pas des logiciels libres, mais votre initiative est intéressante parce que vous continuez à creuser cette question-là, donc vous vous situez complémentairement à côté, comment… » On a déjà vu, dans des communautés libristes, certaines personnes qui, quelque part, condamnent en disant « ce n’est pas du Libre » ; à partir de là, ça condamne complètement le travail, la réflexion.
Je pense qu’il faut être plus prudent par rapport à ça, il faut savoir écouter, regarder, et puis essayer de voir comment nous pouvons être complémentaires de ça. C’est plutôt une question de posture. Encore une fois, il n’est pas question de changer forcément les quatre libertés du logiciel, en tout cas de faire complémentarité, d’intégrer le logiciel libre dans son époque et ne pas rester sur le logiciel libre de 1985 où il n’y avait pas la gratuité de Google arrivée dans les années 2010. Plein de choses ont bougé, il faut donc qu’on intègre ça dans notre époque. C’est une réflexion que doit mener le conseil d’administration, que le conseil d’administration mène. Entre nous on a un code qui s’appelle le « Ririboute », parce qu’il y a déjà eu un « ririboute », on est plutôt dans la phase 2 du ririboute.

Walid Nouh : C’est une des problématiques que j’ai assez vite rencontrée en lançant le podcast, puisque ça m’amène à suivre des personnes dont certaines sont plutôt en train de dire « tout ça ce n’est pas du logiciel libre, ça ne sert à rien d’en parler » et moi, à côté, qui m’intéresse aussi à ces sujets-là en me demandant « pourquoi ces gens font-ils ces choix » en sachant pertinemment que ce n’est pas du logiciel libre, ce ne sont pas des licences qu’on considère comme libres, pourtant ils font ce choix. On ne peut pas juste dire « ces gens font un choix, ce n’est pas du logiciel, ça ne sert à rien d’en parler ! »
Par contre, je voudrais revenir sur la partie générationnelle. Arrivez-vous à attirer des jeunes ? Et si oui, pourquoi ces jeunes viennent-ils ?

Magali Garnero : Définis « jeunes ». Pour moi jeunes, ce sont toutes les personnes moins âgées que moi, elles sont donc très nombreuses. Qu’est-ce que tu appelles jeunes ?

Walid Nouh : Par exemple des étudiants ou des gens qui sortent d’écoles d’informatique puisqu’il y a un vrai sujet de la formation au logiciel libre à l’intérieur des écoles d’informatique. Je me souviens que, quand je suis sorti de l’école, je suis assez rapidement tombé dans le logiciel libre, mais, à l’époque, il n’y avait pas les applications, l’environnement était beaucoup plus facile, il n’y avait pas de SaaS [Software as a Service], il n’y avait pas la tentation de se dire « je vais faire une app, je vais la mettre sur un store, je vais gagner de l’argent », c’était beaucoup plus facile que l’environnement actuel. Si je prends l’exemple des étudiants, qui est un vrai sujet puisque ce sont eux l’avenir.

Laurent Costy : J’ai deux points pour apporter des éléments de réponse à ta question.
D’abord la question des générations dans les associations est une problématique qu’on retrouve à travers toutes les associations finalement. Souvent les conseils d’administration vieillissent avec les membres qui ont initié le projet et c’est très compliqué de mixer générationnellement une instance dirigeante d’une structure associative, soit c’est la nouvelle équipe qui arrive à mettre dehors l’ancienne, mais la mixité est quand même compliquée. Les sociologues associatifs seraient capables de montrer qu’on a du mal à trouver vraiment une mixité.
Par rapport à la question des étudiants, je peux prendre le témoignage concernant le master I2L, à Calais, qui invite des étudiants à poursuivre en ingénierie du logiciel libre. Je pense que c’est un master qui a maintenant plus d’une quinzaine d’années, l’enseignant, dont le nom m’échappe dans l’instant, suit ce master depuis le début. Il voit bien un changement d’attitude des étudiants. Avant, c’était de la formation continue, les gens venaient vraiment faire le master. Maintenant c’est systématiquement majoritairement de l’alternance, ça change donc un peu la donne. Un peu ironiquement, il me disait « au début, les enseignants qui intervenaient avaient peur des élèves parce qu’ils étaient plus libristes encore que les enseignants », c’est-à-dire que les élèves reprenaient les enseignants sur les quatre libertés, sur une définition qui aurait été mal ajustée.
Pour être intervenu, ces deux dernières années sur ce master, les étudiants qu’on voit sont très loin de la question du logiciel libre. Ils ne viennent pas par choix, c’est plutôt pour des questions de proximité, des questions de carrière. Il y a effectivement un décalage, en tout cas sur ce master-là, je ne veux surtout pas généraliser.
Même pour l’April, alors qu’on aurait pu penser que c’était facile de « recruter », entre guillemets, un administrateur, une administratrice dans ces endroits-là, ça reste très compliqué parce qu’ils n’ont pas la culture libriste, sur deux années je dis bien.

Étienne Gonnu : J’aime bien dire que tout est lié, je suis persuadé que tout est lié. Du coup, il y a la problématique de faire venir des jeunes, qu’on se pose, pour laquelle on n’a pas de solution clé en main, la question de la parité s’y inscrit également, il y a beaucoup de champs communs, des enjeux communs par rapport à ça et je pense que ça va aussi avec l’évolution des contextes politiques, l’évolution sociale. Je pense qu’il faut réussir aussi à suivre ça et on y arrivera, notamment pour inclure les plus jeunes, en ne tournant pas le dos aux évolutions et aux attentes.
Booky évoquait ce sur quoi elle a très concrètement agi pour défendre une meilleure parité au sein de l’April. Tu disais 8 %, je pense que si on ne regarde que les membres actifs le pourcentage doit être meilleur, certainement pas 50, en tout cas meilleur. Ça ne fonctionne que si on met des choses concrètement en œuvre.
Pour Libre à vous !, par exemple, on se bagarre, on insiste auprès des invités, on essaie d’avoir un plateau paritaire, on évite autant que possible de n’avoir que des plateaux que masculins. Avant on faisait les « Apéros April », on appelle ça « Rencontres April », à défaut de trouver un meilleur nom, pour ne plus mettre en avant le côté alcool qui peut rebuter les femmes.
Avoir cette vigilance très concrète inscrit l’April, montre que l’April a cette vigilance et cela fait aussi un peu écho à ce que disait Laurent sur les association. Si on prend le temps de voir, elles ont leur objet social, ce n’est pas forcément le Libre, mais, en fait, il y a un lien. De la même manière que l’April défend le logiciel libre, si on prend deux secondes, on se rend compte que notre objet, au-delà du logiciel libre, des quatre libertés d’un point de vue juridique, nous défendons une informatique qui soit au service de l’émancipation humaine, pour dire les choses de manière très rapide, et ça passe aussi par intégrer dans nos fonctionnements et dans ce qu’on met en œuvre cette vigilance sur la parité, comment intégrer la jeunesse, l’accessibilité, différentes choses. Du coup, je pense que ça apporte une cohérence, c’est ce qui me plaît aussi à l’April, cette cohérence globale par rapport à son objet. On essaie vraiment d’être une association d’émancipation.

Walid Nouh : Pour finir sur ce sujet-là, une remarque. J’ai souvent des conversations avec un de mes neveux qui a 18 ans, qui va rentrer en école d’informatique, qui a parfois écouté ou tenté d’écouter certains de mes épisodes et qui me dit : « Tonton, ton format n’est pas fait pour nous, déjà c’est de l’audio, tu ne fais pas de vidéo, il faudrait que tu intercales des images. » Bref ! Il y a donc une vraie question « à qui s’adresse mes podcasts ? ». Clairement pas aux personnes de 18 ans, alors que j’aimerais que ça puisse servir de support de cours ou autre chose, mais, et c’est la réalité, je pense que le format n’est pas fait pour ça. D’autres personnes ça hyper bien. En informatique, par exemple, je pense à Micode [39], un youtubeur qui fait des choses vraiment pas mal en termes de format, accessible justement pour les gens qui sont plus jeunes. De manière plus générale, un autre qui fait des choses que je trouve assez bien en termes de format qui est HugoDécrypte [40]. Ils font des formats qui parlent aux jeunes et pas qu’aux jeunes, il m’arrive de les écouter pour m’informer.
Il y a donc un sujet : à qui veut-on parler ? Et la manière dont on le fait, en tout cas mon format n’attire pas les jeunes, c’est clair. Ce sont des formats d’une heure, une heure demie, ce n’est que de l’audio avec une transcription, ce n’est pas sur YouTube, il n’y a pas de short video. C’est clair que ce n’est pas ça. Il y a certainement un travail à faire sur la manière dont on communique, qui est bien pour nos générations, mais, pour les jeunes, est-ce que c’est adapté ? Je me pose des questions.

Laurent Costy : On entend la recommandation, pour le CA, de prendre contact peut-être avec des youtubeurs pour se faire inviter ! Après tout !

Walid Nouh : Je ne dis pas ça. Je me pose certaines questions, faire certains formats de manière différente ou reprendre certains épisodes et les retravailler sur un format différent pour qu’ils parlent plus à des gens. Les gens vont plutôt sur d’autres plateformes, ils vont voir des lives, ils vont voir d’autres choses que les formats qu’on fait.

Étienne Gonnu : Je pense que ce sont des interrogations qu’on se pose aussi, sans encore avoir trouvé encore la solution magique, mais on fait aussi ce qu’on peut par rapport à nos capacités. C’est d’ailleurs un peu la raison pour laquelle on s’est lancé dans Libre à vous !, c’était pour toucher d’autres publics, ce n’est pas qu’une question de jeunes ou pas jeunes. C’est aussi une émission sur la bande FM, ce n’est pas qu’un podcast, ça permet potentiellement de toucher des gens qui sont loin de nos premiers cercles et je pense que c’est très compliqué.

Magali Garnero : Après, les jeunes ne sont pas forcément à l’April. Je pense que pour venir s’investir dans l’April, il faut cette envie de changer les choses, dans le sens où faire du plaidoyer politique ça fait peur, faire des conférences, ça fait peur. Il faut avoir une sacrée confiance en soi pour investir du temps dans l’April, chose que n’ont pas forcément les jeunes étudiants.
Quand je parle avec mon apprentie qui a 21 ans, elle va s’investir dans le sens où elle va utiliser plein de logiciels libres à la place des logiciels privateurs, elle va dire « ah c’est trop cool », elle va en parler à ses copines, elle va faire de la propagande, comme elle dit, alors que je préfère dire le mot plaidoyer, mais elle ne se sent pas du tout légitime à aller agir au niveau des politiques ; aller donner des conférences et donner son avis, pareil. Elle n’est pas légitime, elle préfère que des gens expérimentés et experts le fassent. Quand elle a des demandes de ses copines, elle vient me faire les yeux doux et j’essaye d’expliquer avec des mots simples.
C’est vrai que l’April a été fondée par des étudiants. Après, je ne suis pas sûre que c’était la cible de l’April au fur et à mesure des années.

Walid Nouh : Étienne et après on finit.

Étienne Gonnu : Même si on souhaiterait que les étudiants et les étudiantes se mobilisent davantage politiquement, je pense que ceux et celles qui le font le font sur d’autres sujets plus préoccupants en direct : lutte des classes, lutte écologique, lutte féministe et avec d’autres modes d’action. Peut-être a-t-on des modes d’action, entre guillemets, « vieillissants », mais je pense qu’ils continuent à être pertinents parce que qu’ils continuent à produire des effets. Ce ne sont pas des modes d’action qui correspondent aux envies, me semble-t-il, je ne suis plus étudiant depuis quelques années maintenant. Je pense qu’il y a peut-être là aussi la limite, ce ne sont pas les mêmes sujets, ce n’est pas forcément, en termes de mode d’action, ce que les jeunes veulent.
Après, si tous les étudiants se mobilisaient sur d’autres sujets et pas du tout sur le logiciel libre, s’ils sont tous mobilisés sur les questions de lutte écologique, etc., j’en serais ravi.

Laurent Costy : C’est aussi un parcours, c’est-à-dire qu’on se construit. Projeter un étudiant, en pleine construction, dans un conseil d’administration qui s’occupe du budget, qui s’occupe de la gestion des locaux ! Il faut consolider un peu ses compétences et ses connaissances pour appréhender la construction d’un budget, etc. Il y a donc aussi tout un parcours, il y a un décalage dans le parcours, finalement. C’est juste qu’ils ne sont pas encore prêts.
Je fais aussi la distinction, et là je compare avec les Maisons des jeunes de la culture, on identifie deux phases : il y a la phase de création du projet et, pour des jeunes, la création d’un projet c’est génial. Il y a la phase d’après : une fois que le projet est installé, on passe dans une phase de gestion et c’est souvent un peu plus chiant, soyons clairs, je dis un gros mot.
Tous ces facteurs-là font qu’à un moment donné ce n’est pas simple de réussir une mixité générationnelle.

Walid Nouh : On arrive sur la fin de l’émission, on va parler des défis externes avant de se quitter. Quels sont les défis vis-à-vis de l’environnement extérieur à l’April ?

Étienne Gonnu : Je n’y ai pas pensé avant. Peut-être un défi dans lequel l’April veut essayer de s’inscrire, elle le fait déjà sans que ce soit sa cible, c’est la question écologique. On a essayé de produire une position pour rappeler de mettre en lien le fait que le logiciel libre poursuit un enjeu d’émancipation, qu’il n’y a pas d’émancipation dans une planète qui meurt, dans un environnement qui n’est plus habitable.
Défendre le logiciel libre s’inscrit dans des défis plus globaux.
Et puis, on a déjà parlé, c’est le défi d’avoir les moyens de notre action, notamment les moyens financiers. Comme pour beaucoup d’associations, je pense que c’est un peu au centre des défis.

Walid Nouh : Quelqu’un veut rajouter quelque chose ?

Laurent Costy : Et puis, finalement, c’est la question démocratique. On arrive à une période où des entreprises ont plus de pouvoir que certains pays, c’est une des difficultés et notre enjeu est là. On est obligé de s’allier à des gens qui défendent la démocratie pour pouvoir remettre le pouvoir où il doit être, parce que ça a glissé à un niveau qu’on n’a jamais vu !
On revient sur Microsoft parce que c’est vrai que c’est un des premiers combats de l’April. C’est une entreprise qui réussit à vendre des choses aux gens – la licence Windows quand ils achètent un ordinateur – sans que les gens sachent combien ça coûte, sans même savoir qu’ils l’achètent. Quelle autre entreprise au monde a réussi à faire ça et à des échelles, en termes de nombre, qui sont juste colossales ! Ça leur permet d’asseoir de l’argent, donc un pouvoir colossal auprès de la Commission européenne, etc.
Pour moi, indirectement, l’enjeu est aussi là. On doit s’allier pour défendre ces enjeux-là.

Walid Nouh : Magali.

Magali Garnero : Pour moi, le défi externe c’est d’arriver à faire comprendre aux élus et aux décisionnaires la priorité au logiciel libre. Retrouvons notre indépendance, refaisons du local, faisons travailler nos entreprises, arrêtons de gâcher du matériel qui fonctionne encore sous prétexte qu’il n’est plus compatible avec UN logiciel ou Un distribution d’UNE entreprise américaine.

Walid Nouh : C’est l’heure de faire la conclusion. Je vais passer la parole à chacun pour que vous donniez un mot de la fin, si vous voulez faire passer une idée, une envie, un message avant qu’on se quitte. Magali, honneur à toi.

Magali Garnero : J’aurais bien voulu savoir ce que les copains allaient dire.

Étienne Gonnu : Je peux commencer. Magali saura faire une belle conclusion en tant que présidente.

Laurent Costy : On laissera le mot de la fin à la présidente.

Étienne Gonnu : J’avais en tête de dire un truc que j’aime bien dire, notamment quand je fais une conférence, qui a été évoqué au début : ce n’est pas un problème d’informaticien, d’informaticienne, presque au contraire. En gros, l’informatique est omniprésente, je n’ai pas besoin d’en convaincre qui que ce soit maintenant, donc nos interactions avec l’administration, nos interactions avec les autres, en fait notre vie dépend largement des outils informatiques. Donc la question : c’est qui maîtrise ces outils ?
Le logiciel libre c’est d’abord la question de la maîtrise, d’être en mesure d’interagir avec les machines, de décider, mais tout le monde n’a pas cette capacité. Si on prend du recul et qu’on regarde avec un champ plus large, il y a la question de la maîtrise et de qui décide comment fonctionnent ces outils-là, donc l’enjeu de la transparence. Là, Microsoft décide comment tout un pan de l’informatique fonctionne, sauf que ça se passe de manière opaque, on ne sait pas comment ils codent.
Pour illustrer mon propos parce que je ne prends pas le chemin le plus rapide, je fais le parallèle avec le fonctionnement d’une démocratie, les lois : il y a un certain nombre de procédures qui font qu’elles sont votées en transparence. Pour qu’il y ait une démocratie, il faut qu’on sache comment les lois sont votées, qu’on puisse y accéder, si ce n’est que ça demande une certaine formation, que tout le monde n’a pas, pour être capable de comprendre comment fonctionnent les procédures, savoir lire une loi ; les lois sont écrites en français mais c’est compliqué à lire quand même et c’est compliqué de les écrire pour proposer des choses. On n’a pas besoin, pour que ce soit une démocratie, que tout le monde sache écrire et lire des lois et comprenne ça tout de suite. L’important c’est que ce soit transparent et que quiconque souhaite lire, se former pour comprendre et pouvoir contribuer, soit en mesure de le faire.
Je ne sais pas vraiment lire du code, mais le fait que je sache, comme pour les lois, que d’autres personnes, que n’importe qui peut le faire, c’est ce qui me donne les conditions d’une confiance nécessaire pour pouvoir agir.
Le logiciel libre n’est pas tant pour les informaticiens, je pense que c’est surtout pour les personnes qui n’ont pas ces compétences-là, ça les protège d’une possible mainmise d’experts et on ne veut pas un régime d’experts, on veut une démocratie. Le logiciel libre c’est avant tout pour les personnes qui n’ont pas l’expertise pour défendre leurs libertés.

Walid Nouh : Laurent.

Laurent Costy : Je vais revenir sur ce que j’ai dit tout à l’heure parce que je trouve extrêmement importante cette question de prendre le temps d’expliquer les enjeux. Encore une fois, ça va être une clé pour pouvoir avancer et peut-être, de manière un peu concomitante, c’est faire intervenir des tiers. J’ai vu beaucoup de gens, au sein de structures, qui n’arrêtent pas de dire « il faut qu’on change de logiciel, il faut qu’on aille vers du logiciel libre, etc. », mais à force ils ne sont plus entendus ; ils sont dans la structure et ils ne sont plus entendus. Le jour où on fait venir quelqu’un de l’extérieur, qui dit exactement la même chose, les gens ouvrent de grands yeux et disent « en fait, il n’arrêtait pas de nous le dire » et ça change complètement la donne. C’est vraiment là qu’il faut qu’on joue avec des alliances entre toutes les structures de l’écosystème libriste pour être en capacité justement de faire intervenir, d’échanger, de se rendre des services pour pouvoir ouvrir cette capacité-là, parce que, franchement, je trouve que ça change la donne.

Walid Nouh : Magali.

Magali Garnero : On parle toujours des quatre libertés du logiciel libre et ainsi de suite, mais j’ai toujours l’impression, avec le logiciel libre, de me libérer moi-même parce qu’il me permet de faire ce que je veux avec mon informatique. J’aurais tendance à dire, à vous tous et toutes qui nous écoutez, libérez-vous et aidez-nous à libérer les autres.

Walid Nouh : Une belle conclusion. Je n’ai pas grand-chose à ajouter à part que j’espère que ça vous a plu. Je remercie mes trois invités plus Fred qui est à la régie.

Étienne Gonnu : Merci à toi de nous avoir invités.

Magali Garnero : Merci à toi de nous avoir reçus.

Walid Nouh : Avec grand plaisir. J’essaye, avec le podcast, de décrire un peu notre écosystème et de voir un peu comment tout le monde interagit, les uns avec les autres. C’était vraiment parfait aujourd’hui, on a on a bien abordé ça.
Aux auditrices et auditeurs, si ça vous a plu, le plus simple c’est de partager ces épisodes. Vous pouvez aussi les commenter, vous pouvez aller sur Mastodon, sur le site projets-libres.org dans la page « Nous suivre ». Vous allez avoir tous les liens pour nous suivre sur les différents réseaux et sur les différents comptes Mastodon de l’émission, du podcast et du blog.
N’hésitez pas à partager, à commenter. N’hésitez pas à adhérer à l’April. N’hésitez pas à parler de toutes ces problématiques-là.
On va vous retrouver dans quelque temps pour un troisième épisode avec d’autres membres de l’April, sur d’autres sujets connexes dont on a un tout petit peu parlé aujourd’hui.
Merci à toutes et à tous et à très bientôt.

Laurent Costy : Merci Walid.

Magali Garnero : Merci.