Émission Libre à vous ! diffusée mardi 27 avril 2021 sur radio Cause Commune


Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Étienne Gonnu : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Nous parlerons aujourd’hui de Technopolice, la campagne coordonnée par La Quadrature du Net contre les technologies de surveillance. Luk nous dira pourquoi lui il aime la technopolice et Laurent et Lorette nous parlerons de DNS. Voilà le programme du jour.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Étienne Gonnu, chargé affaires publiques pour l’April.

Le site web de l’April est april.org, vous pouvez y trouver une page consacrée à cette émission avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire tout retour utile ou à nous poser toute question.

Nous sommes le 27 avril, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être un podcast ou une rediffusion.

À la réalisation de l’émission aujourd’hui Patrick. Salut Patrick.

Patrick Creusot : Bonjour. Bonne émission.

Étienne Gonnu : Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Virgule musicale]

Chronique « À cœur vaillant, la voie est libre » de Laurent Costy, vice-président de l’April, et de sa fille Lorette. Épisode 2, les DNS, Domain Name System, « système de noms de domaine »

Étienne Gonnu : Nous allons commencer aujourd’hui par la chronique « À cœur vaillant, la voie est libre », la nouvelle chronique proposée par Laurent Costy et Lorette. Après un premier épisode portant… Laurent, quel était le sujet du premier épisode ?

Laurent Costy : Les adresses IP.

Étienne Gonnu : Les adresses IP. Merci du rappel. Voici aujourd’hui l’épisode 2, les DNS. Laurent, à toi la parole.

Laurent Costy : Plutôt à Lorette, d’ailleurs.

Lorette Costy : Allô, Papa-Potam ? C’est ta fille à 4 cœurs qui veut maîtriser les DNS, car je soupçonne cet acronyme de receler de terribles secrets.

Laurent Costy : Aïe, tu tombes mal ! En fait, je suis en direct d’une émission radio ! Attends, je demande à Étienne et à Patrick de mettre un interlude. En fait non ! Comme on va parler de DNS et qu’on est plutôt raccord avec le thème de l’émission, on va en faire profiter les auditeurs !

Lorette Costy : Tu es un papa-malin en plus d’être un Papa-Potam !

Laurent Costy : Oui, j’ai plusieurs casquettes et même un t-shirt de l’émission Libre à vous ! désormais. Bon !, comme disait presque Mme De Lafayette, trêve de princesse, parlons DNS !

Lorette Costy : Oui, parlons du système de noms de domaine ou plutôt, puisque j’excelle en anglais, du Domain Name System, soit DNS.

Laurent Costy : On ne dit pas de gros mots à table donc, on ne dit pas « j’excelle » mais plutôt je « LibreOffice ».

Lorette Costy : D’abord on n’est pas à table et, si on avait le temps, on pourrait s’interroger sur le pourquoi de ton humour discutable. Un peu comme si tu avais subi un traumatisme plus jeune. Tu t’es battu à l’époque avec une imprimante ?

Laurent Costy : Non, c’était plutôt avec un logiciel propriétaire de comptabilité pour association. J’en suis encore tout retourné ! Revenons au DNS. C’est le truc qui fait le lien entre des adresses IP, forme d’identité préférée pour les machines, et les noms de domaine plus intelligibles pour les humains.

Lorette Costy : Ce n’est pas un peu claqué ton bidule ? Pendant des décennies on retenait bien des numéros de téléphone !

Laurent Costy : C’était pour tester ta sagacité. Et ça marche ! Le principal intérêt, en effet, c’est finalement de permettre de conserver une forme de stabilité du nom dans le temps alors qu’une adresse IP peut changer. Par exemple, si tu changes de Fournisseur d’Accès à Internet, ton FAI.

Lorette Costy : Donc, si je comprends bien, le DNS, c’est une sorte de grande base de données ou un bottin, pour utiliser des mots de ton époque, dans lequel on trouve la correspondance entre une adresse IP unique et un nom de domaine.

Laurent Costy : Au moins, avec un bottin ou un annuaire, on pouvait démarrer un barbecue. Essaie de brûler un serveur qui contient une base de données, ce n’est pas gagné avec deux silex. Sinon, c’est quand même une bonne analogie que celle de l’annuaire, mais quelques précisions sont néanmoins nécessaires. Il faut distinguer deux types d’annuaire : ceux qui font « autorité » et ceux, intermédiaires, que l’on appelle plutôt résolveurs DNS.

Lorette Costy : J’aurais tendance à penser que tu préfères les résolveurs, car tu as un problème avec l’autorité !

Laurent Costy : Petite impertinente, je vais user de mon autorité pour t’envoyer au coin si tu continues ! Mais en fait non, je préfère te gaver de connaissances à la place. Et Bing, un sale moteur de recherche dans ta face !
Donc, alors que les serveurs faisant autorité contiennent, en quelque sorte, la vraie correspondance entre IP et nom de domaine, ils ne sont pratiquement jamais interrogés par les machines des utilisateurs, mais questionnés directement par les serveurs « intermédiaires » de l’autre catégorie, les résolveurs.

Lorette Costy : Pourquoi donc cette logique à deux étages, mon cher papa, même si je me demande si je ne préférerais pas aller directement au coin !

Laurent Costy : En fait, les résolveurs servent uniquement de relais et de stockage temporaire de données pour faire gagner du temps, limiter le nombre d’échanges et éviter de saturer de requêtes les serveurs faisant autorité. Par exemple, ces résolveurs sont ceux des FAI ou ceux du service informatique d’une entreprise. Leur gestion est généralement privée et c’est aussi un nœud d’Internet qui est une bonne cible lorsque l’on veut détourner ou masquer des résultats de requêtes.

Lorette Costy : Hum ! C’est à cet endroit qu’on peut modifier le bottin et faire que l’utilisateur final n’arrive pas à l’endroit souhaité ? Les serveurs faisant autorité, comme tu dis, seraient par exemple une imprimerie qui produit les bottins et, les bottins ainsi produits, les résolveurs DNS ? Alors que j’aurais plus de mal à aller dans l’imprimerie pour faire des modifications directement à la source, sur la rotative, je peux remplacer une page dans le bottin que je t’offre gracieusement ! Et là paf !, tu arrives sur un site qui vend des toilettes connectées alors que tu voulais consulter café-vie-privée.fr !

Laurent Costy : Pas mal du tout cette analogie filée ! Je me demande vraiment d’où te vient toute cette intelligence ! J’aurais tendance à penser qu’elle vient plus de ton papa, mais je reconnais une légère subjectivité égocentrée.

Lorette Costy : Raconte-moi donc plutôt qui modifie les bottins et ce qu’ils cherchent à atteindre en faisant ça, au lieu de t’auto-congratuler.

Laurent Costy : OK, OK, blague à part de Toto, cette technique de réécriture de bottin est appelée filtrage ou censure, c’est selon ! Si si, allitération remarquable en « s », tu noteras. Bref, le filtrage DNS consiste donc à substituer aux réponses vraies des serveurs faisant autorité des mensonges pour empêcher un utilisateur de communiquer avec les serveurs du domaine filtré. C’est par exemple utilisé en entreprise pour empêcher les employés de regarder les pages Facebook.

Lorette Costy : Oh !, mais je connais ça ! C’est pour ça qu’on ne peut pas aller sur des sites de cul au lycée ! Tout s’explique à présent…

Laurent Costy : Oui, je serais curieux que tu essaies une recherche sur le mot cul-de-sac la prochaine fois au lycée ! Au-delà du lycée, c’est aussi une technique utilisée par les États qui contraignent les FAI à faire mentir leur résolveur DNS pour que des sites appelant à la haine, par exemple, ne puissent pas être consultés.

Lorette Costy : Ouais, donc c’est quand même un peu une mesure cool, pour protéger des gens. Je pense surtout aux enfants d’ailleurs. C’est plutôt pas mal au final, non ?

Laurent Costy : C’est là que ça se complique. D’abord, c’est toujours très délicat sur le plan des libertés que de décider pour les autres ; c’est infantilisant, ça ne responsabilise pas. D’autant que consulter un site Web ne veut pas dire cautionner son contenu ! Et puis, on risque surtout l’over censure, tout ça sans réelle décision de justice, avec parfois des blocages de contenus plus graves que de ne pas trouver la définition de cul-de-sac ! Enfin, toutes ces manipulations sont toujours des occasions de collecter des données et de surveiller. Les FAI conservent sans doute l’historique de toutes nos connexions qui passent par leur résolveur DNS.

Lorette Costy : Mais, s’ils les gardent, ils font quoi de toutes ces données ? Des conserves à cornichons ?

Laurent Costy : Presque. L’historique de nos connexions, que les informaticiens appellent des logs, sont le socle de ce que l’on appelle le capitalisme de surveillance. Lorsque l’on surveille, on peut prédire les comportements. Lorsque l’on se sait surveillé, on modifie ses comportements. On alimente donc nous-même la possibilité de manipuler et d’orienter le comportement des gens.

Lorette Costy : Mais alors, le plus simple c’est de rester dans l’ignorance de ces pratiques ! Autrement dit on ne fait pas des pâtes à caisse pour chat de Schrödinger de ces questions et tout va bien ! En disant ça, j’ai bien conscience que c’est à la fois intelligent et stupide !

Laurent Costy : Et tout est fait pour soi-disant faciliter la vie des gens et faire qu’ils se posent le moins de questions possible. Si ça se trouve, la prochaine étape sera la suppression de l’école pour apprendre très tôt à ne plus réfléchir ! En attendant, ces pratiques de filtrage sont des atteintes à la neutralité du Net. On n’obtient plus les mêmes réponses à une requête quand on change de résolveur DNS !

Lorette Costy : Et après il n’y a plus de limites aux bornes du sommet des abysses ! Aïe, aïe, aïe ! Bon, je n’ai pas encore choisi si j’avais envie de prendre en main ma destinée informatique ou ignorer tout ça en auto-détruisant cette chronique à sa fin ! Supposons un instant qu’on veuille ne pas ignorer. Genre toi, à ma place, comment tu ferais pour avoir accès à la définition de cul-de-sac au lycée ?

Laurent Costy : Bah, Je demande à Mamie son dictionnaire, tiens ! Sinon, c’est une voie courageuse que tu choisirais là petite Padawan ! Il n’y a pas de solutions faciles à mettre en œuvre. Elles nécessitent souvent quelques connaissances techniques qui ne sont pas triviales. La première étape peut consister à passer par un autre résolveur DNS que celui fourni par ton FAI. Si tu veux, je peux t’aider en échange de ton argent de poche mensuel, que je ne te donnerai pas. Ça te va ?

Lorette Costy : Première règle, on ne touche pas à l’argent de poche. Deuxième règle, on ne touche pas à l’argent de poche ! Et sinon, penser ou ne pas penser, je n’ai toujours pas choisi.

Laurent Costy : Bon, on va laisser reposer tout ça et il est de toute façon difficile d’expliquer oralement comment mettre en place les choses pour reprendre un peu de contrôle sur tout ça. S’il fallait retenir un truc, ce serait de chercher à se faire aider par des vrais gens physiques qui ont quelques compétences et avec qui la confiance s’est construite.

Lorette Costy : Comme toi par exemple, j’imagine ! En tous cas, par rapport au début de notre conversation, j’en sais désormais beaucoup plus sur les DNS. Par contre, je ne sais pas comment je vais pouvoir glisser ça dans les conversations avec mes potes ! Tu m’imagines vraiment, au lycée, balancer entre deux conversations sur les salsifis de la cantine et notre devoir de philo un truc du style « Hé les filles vous pensez quoi des résolveurs DNS et du fait, qu’à cause d’eux, on ne puisse pas mater de porno depuis les PC du lycée ? »

Laurent Costy : Il y a des salsifis à la cantine des fois ? Waouh !, c’est cool. De toute façon je te laisse réfléchir, j’ai un résolveur DNS sur le feu ! Je t’envoie un Doux Neutrino Soyeux.

Lorette Costy : Moi aussi, DNS papa !

Voix off : Cette chronique s’autodétruira dans dix secondes, ou pas.

Étienne Gonnu : C’est bon ! Pas d’explosion.
Merci Laurent et Lorette. Une très belle introduction, je pense, pour notre sujet long à suivre.
Une idée sur l’épisode 3 ?

Laurent Costy : Ce sera l’e-mail ou la navigation internet. On est en train de réfléchir.

Étienne Gonnu : D’accord. Affaire à suivre. Merci Laurent.
Nous allons faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Étienne Gonnu : Une fois n’est pas coutume, nous allons écouter un style musical qui me semble assez rare sous licence libre. Une chanson pour enfant, dans un style plutôt folk que j’ai personnellement trouvé très plaisant. Nous allons écouter 1, 2, 3, petits pois ! par Ciboulette Cie. On se retrouve dans trois minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : 1, 2, 3, petits pois ! par Ciboulette Cie.

Voix off : Cause Commune à Paris 93.1 en FM et sur le bloc 9A du DAB+.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter 1, 2, 3, petits pois ! par Ciboulette Cie, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By.

[Jingle]

La campagne Technopolice de La Quadrature du Net

Étienne Gonnu : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui porte sur la campagne Technopolice coordonnée par La Quadrature du Net. Pour ça, j’ai le plaisir de passer la main à Eda, membre du conseil d’administration de l’April et membre de La Quadrature du Net, qu’elle ne manquera pas, j’imagine, de présenter.
Je rappelle, avant de passer la parole, que vous pouvez participer à notre conversation au 09 72 51 55 46 ou sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat ».
Eda, à toi la parole.

Eda Nano : Bonjour à tous. Je suis Eda, je suis de retour sur les ondes. Cette fois je suis très contente parce que je suis en direct du studio. Ça fait plaisir de revoir les amis de l’April.
Je suis en compagnie d’Alouette, à distance.

Alouette : Salut.

Eda Nano : Et de Martin Drago.
Alouette est la coordinatrice de la campagne Technopolice, salariée à La Quadrature du Net. Martin Drago est juriste, salarié lui aussi à La Quadrature du Net. Comme Étienne l’a rappelé j’ai ma double casquette aujourd’hui puisque je suis aussi membre de La Quadrature du Net, qui est une association loi 1901, qui défend les libertés numériques et pas que numériques du coup, comme on va le voir avec Technopolice. Je trouve que ça se marie assez bien parce qu’on défend le logiciel libre et la culture libre à l’April et on défend les libertés numériques avec La Quadrature du Net.
Alouette est-ce que tu es là ?

Alouette : Oui, je suis là.

Eda Nano : Coucou. Bonjour.

Alouette : Coucou.

Eda Nano : Je vais commencer avec toi Alouette. Est-ce que tu peux nous dire ce qu’est la Technopolice ?

Alouette : À La Quadrature on a lancé la campagne Technopolice en 2019. C’est une campagne qui vise à lutter contre les technologies de surveillance qui apparaissent d’abord dans l’espace urbain. On est parti du constat qu’il se développait en France les smarts cities et les safe cities, donc toutes les villes intelligentes et connectées, les villes sécurisées par cet ajout de technologie. Du coup, avec la campagne Technopolice, on vise à lutter contre cette numérisation de l’espace urbain à des fins sécuritaires.

Eda Nano : Merci Alouette. Martin pourquoi ce terme ? Pourquoi avoir choisi le terme « Technopolice » ? Qu’est-ce qu’il veut dire ? Qu’est-ce qu’il signifie ?

Martin Drago : Déjà bonjour.

Eda Nano : Bonjour. Je ne t’ai pas dit bonjour.

Alouette : Je crois qu’on a chacun sa définition. Moi je le vois de façon assez basique. Je vois la technopolice comme l’utilisation des nouvelles technologies dans l’espace public, comme l’a dit Alouette, par la police. Et puis il y a un jeu de mot parce que polis c’est aussi la ville en grec, je crois. Donc c’est un peu là-dessus entre polis, ville et surveillance et technologie. À voir aussi que Technopolice, à la base, était un salon de la gendarmerie sûr les nouvelles technologies, qui était plus dans la promotion de ces nouvelles technologies de surveillance. Aujourd’hui on a gagné parce que le terme est plus utilisé en termes de critique qu’en termes de promotion, c’est déjà une première victoire. Hop ! Tout d’un coup, comme ça. Voilà. La définition n’a jamais été parfaite, franchement c’est exactement ça je pense.
Juste rajouter qu’effectivement, au début, La Quadrature c’était beaucoup la question des défenses des libertés sur Internet et puis on s’est rendu compte qu’il y avait toute une partie sur laquelle on pouvait peut-être apporter quelques outils, quelques expertises par l’expérience qu’on avait des outils de surveillance dopés un peu à ce qu’on appelle, ce que certains appellent l’intelligence artificielle ou les capacités d’analyse en masse de données comme le big data, qu’on voyait sur Internet et qui commençait à arriver sur l’espace public. Là on a vu qu’il y avait un champ un peu libre, où il n’y avait pas tellement de combats, alors qu’il y avait beaucoup de dispositifs qui se développaient et qu’il fallait, effectivement, documenter et lutter un peu contre tout ça.

Eda Nano : Justement, j’aimerais bien qu’on parle un peu plus en détail de ces dispositifs qui se développent un peu partout dans nos villes. Je suis arrivée à La Quadrature du Net par la campagne Technopolice et, plus précisément, par ce qui se passait en termes de technopolice à Marseille, la ville où j’habite. On avait, en fait, la mise en place de ce projet qui s’appelle L’Observatoire Big Data de la tranquillité publique, qui venait d’être mis en place, qu’on venait de découvrir parce qu’il avait été commencé en 2017 et nous on l’a découvert en 2018/2019. Donc ce grand projet, comme ça, qui visait à croiser un tas de données qui étaient des données issues de la vidéosurveillance mais aussi issues des services municipaux, des hôpitaux publics, etc. On allait les croiser. Projet chapeauté par Engie Ineo, une entreprise privée.
J’aimerais bien qu’on revienne un petit peu sur les premiers dispositifs qui nous ont alertés, qu’on a vus et qui nous ont poussés, en fait, à créer cette campagne. Alouette, est-ce que tu as des villes ou des projets particuliers en tête dont tu veux nous parler ?

Alouette : Je n’étais pas encore à La Quadrature à ce moment-là. J’ai l’impression que dans les premiers projets qui ont vraiment alerté et qui sont au fondement de la campagne Technopolice, il y avait, par exemple, l’écoute urbaine à Saint-Étienne, donc le fait de mettre des micros dans un certain quartier, à Saint-Étienne, pour écouter les bruits. Il y avait toutes sortes de bruits qui étaient listés, ça allait des cris, des bruits de meuleuse, bruits de bombe aérosol donc de bombe, par exemple, pour taguer, ce genre de choses. Il y avait tout un projet assez délirant : une fois que ces bruits étaient écoutés et enregistrés par ces micros, ils allaient ensuite alarmer la gendarmerie qui allait ensuite envoyer des drones pour vérifier ce qui se passait sur place et ensuite amener la police sur place.
Donc il y avait ce projet-là. Après il y avait aussi à Marseille, encore, et à Nice les portiques de reconnaissance faciale qui étaient censés être déployés à l’entrée de deux lycées et qui visaient à scanner le visage des élèves avant qu’ils ne rentrent, comme une sorte de carte pour qu’ils puissent rentrer. Il y avait ces projets-là qui étaient au cœur de la campagne Technopolice au début. Je ne sais pas si Martin veut ajouter d’autres choses.

Eda Nano : Je veux bien, Martin, que tu nous parles un petit peu de la lutte juridique qu’il y a eu notamment contre le projet des portiques de reconnaissance faciale. Ils ont été mis en place, en fait, ce projet-là a été mis en place, il me semble ?

Martin Drago : On les a arrêtés juste avant !

Eda Nano : Ah oui ! Explique-nous du coup.

Martin Drago : Effectivement, on va dire que dans la campagne Technopolice – je préfère qu’on n’arrête pas tout au droit parce que sinon c’est rapidement embêtant, pour rester très poli.

Eda Nano : On va en parler très peu.

Martin Drago : Effectivement, un des moyens de lutte qui existe aujourd’hui, oui, c’est l’outil juridique ou contentieux. On voit, exactement comme disait Alouette, tous ces dispositifs qui se déploient et on voit aussi que s’il y a des collectifs locaux qui font des trucs sur place, les instances nationales ne réagissent pas. Quand je parle d’instances nationales c’est évidemment la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, l’autorité qui est censée nous protéger de tout cela et qui, là, ne fait pas grand-chose et ne faisait déjà pas grand-chose à l’époque, malheureusement. Elle fait des trucs, des échanges de courriers, on sait qu’elle a des échanges de courriers avec les collectivités. Typiquement, sur les portiques de reconnaissance faciale, elle donnait des conseils en disant « ça, ça serait vraiment très grave. Si vous ne faites pas de base de données des visages des élèves ce sera moins grave ». On va dire qu’elle met quelques limites mais sans aller vraiment jusqu’à une vraie volonté politique qui serait l’interdiction de ce type de dispositif.
C’est là où l’outil juridique est assez cool parce que ça permet un, d’essayer de faire arrêter strictement ces dispositifs et puis derrière, comme tout enjeu juridique, il y a aussi un enjeu de médiatisation, un enjeu de politisation aussi parce que ça permet de faire parler un peu de ces dispositifs.
Du coup, effectivement, on a attaqué la région Sud qui avait fait un partenariat avec Cisco, une entreprise américaine qui donnait gratuitement ses portiques de reconnaissance faciale pour tester ses algorithmes tranquillement à l’entrée des lycées. On a attaqué en gros, je vais très vite, la délibération qui autorisait la signature de la convention, j’espère que je n’ai endormi personne.
On a gagné sur des principes juridiques assez intéressants, notamment celui de la nécessité. En droit sur beaucoup de trucs, notamment le RGPD, le Réglement général sur la protection des données, quand vous faites un dispositif qui traite des données personnelles, il faut que vous prouviez que c’est nécessaire, c’est-à-dire qu’il n’y ait aucun autre dispositif qui puisse atteindre le même objectif en portant moins atteinte à nos libertés. Or là, ce que disait le tribunal administratif et ce qu’a redit la CNIL derrière une fois qu’on avait gagné, c’était qu’à aucun moment la région n’avait prouvé qu’un humain ferait mieux ou moins bien ce travail qu’un portique de reconnaissance faciale. À partir du moment où il n’y avait pas cette preuve le projet s’est un peu dégonflé. Il y avait d’autres raisonnements juridiques derrière que je trouve moins intéressants. Ce truc de la nécessité est un argument politique qu’on utilise beaucoup, juridique, mais qui, derrière, se politise énormément, que je trouve intéressant.
Je ne sais pas si c’est très clair.

Eda Nano : Oui. C’est très clair. Merci Martin.
Je voulais revenir un petit peu sur ces dispositifs-là et, si vous le voulez bien, parler de vidéosurveillance automatisée, VSA. On entend aussi souvent parler de vidéosurveillance intelligente, VSI, c’est la même chose. Une des premières villes où ça a été mis en place c’était Marseille ; nous avons porté deux recours là-dessus. Est-ce qu’on peut expliquer un petit peu ce qu’est la VSA, Alouette ?

Alouette : La vidéosurveillance automatisée, c’est le fait d’ajouter une couche logicielle sur les caméras de vidéosurveillance classiques. En fait, de l’extérieur, on ne voit pas du tout la différence. Sauf que ces logiciels-là ont pour but d’avoir une surveillance encore plus fine. Ça fait, par exemple, remonter des informations et des alertes au CSU, au Centre de supervision urbaine, là où il y a le visionnage des vidéos des caméras de vidéosurveillance. Ça permet, en fait, de faire remonter des alertes comme quelqu’un qui maraude. Marauder, dans ce sens-là, c’est quelqu’un qui est statique plus de 300 secondes, plus d’un certain nombre de secondes. Ça envoie une alerte en disant aux gens derrière ces caméras de vraiment surveiller cette personne parce qu’elle a un comportement bizarre. Sinon, il y a des algorithmes qui essayent de détecter ce qu’ils appellent les comportements anormaux. On se sait pas vraiment ce qu’il y a derrière ce comportement anormal, derrière ce terme-là. En fait, c’est l’entreprise qui développe les algorithmes qui décide ce qu’il y a derrière. Ça peut être des gens qui courent dans la rue, une valise abandonnée, quelqu’un qui tague, ce genre de choses.
Tous ces algorithmes ont pour but d’avoir une surveillance encore plus fine de l’espace public à travers l’automatisation de la surveillance. Ces algorithmes sont développés à Marseille, à Toulouse, dans plein de villes, énormément, de plus en plus, sauf que c’est très opaque. On arrive à savoir mais ça demande beaucoup de recherches pour savoir où ces dispositifs de VSA sont employés.

Eda Nano : Du coup on remarque, en quelque sorte, que ce sont les entreprises privées qui vendent ces solutions-là qui décident de ce qui est un comportement suspect, ou pas, dans nos villes aujourd’hui. Ce n’est plus la société, les habitants qui décident ou discutent de ça, ce sont des entreprises privées qui imposent cette « éthique », entre guillemets, de comportement en ville. Qu’est-ce que tu en penses Martin ?

Martin Drago : C’est ça. C’est-à-dire que le truc de la smart city, on utilise un terme anglais, ce sont souvent des packages. En fait on va avoir une entreprise, je ne sais pas, Thalès, qui va avoir son package safe city qu’elle va essayer de revendre partout, qu’elle va avoir effectivement développé en considérant qu’un comportement anormal, comme disait Alouette, c’est le maraudage, c’est se mettre à courir dans la rue, c’est faire un tag sur les murs. Elle va vendre ses différents produits à différentes villes et les différentes villes vont acheter ça. Peut-être qu’elles vont un peu discuter sur « je considère ça comme anormal ou pas », n’empêche qu’à la fin on prend le produit Thalès et on l’applique dans sa ville ; je dis Thalès parce que c’est une grande entreprise dans le sujet. Effectivement, on arrive à des trucs hyper-intéressants et hyper-tristes en même temps : la surveillance de l’espace public est totalement déshumanisée parce qu’elle est réglée, en partie, par des algorithmes qui ne sont plus décidés, comme tu le disais, par la collectivité, mais par des ingénieurs dans des centres qui sont des entreprises privées. Et surtout, souvent, on est sur de l’apprentissage profond, c’est-à-dire qu’on ne sait même plus tellement comment marche exactement l’algorithme parce que l’algorithme va apprendre tout seul, par exemple à suivre quelqu’un, à suivre une silhouette sur plusieurs caméras ou suivre quelqu’un sur plusieurs caméras. Comment l’algorithme est entraîné, comment lui-même s’est entraîné, quelles sont les bases de données d’entraînement, tout ça ce sont des choses auxquelles on n’a pas du tout accès. Finalement, on perd un peu le contrôle de la machine qui, pourtant, surveille de plus en plus l’espace public.

Eda Nano : Du coup, comment est-ce que la campagne Technopolice peut nous aider pour lutter contre ces dispositifs-là, pour les analyser, pour savoir ce qu’il en est ? Je prends l’exemple de Marseille où vraiment arriver à savoir ce qui se passe exactement par la veille c’est très difficile. On est souvent, pour ne pas dire toujours, dans l’opacité totale. Comment fait-on Alouette ? Comment est-ce que la campagne peut nous aider ? Quels sont les outils mis en place ?

Alouette : Pour la campagne on a mis en place le forum Technopolice où il y a des personnes un peu partout en France qui peuvent alerter quand il se passe quelque chose chez elles. Ce sont souvent des dispositifs qui sont mis en place au niveau local, du coup on n’a pas forcément une vision de ce qui se passe sur tout le territoire. Ça permet déjà d’être au courant. Ce forum peut permettre aussi à des gens qui viennent à peu près des mêmes endroits de se rencontrer et, du coup, de se parler et de voir ce qu’ils peuvent faire au niveau local. Donc il y a tout le forum qui est un outil de veille, de documentation, de rencontre entre les personnes.
Ensuite on documente également sur un outil qu’on appelle le Carré. Ce sont des pads collectifs. On documente ce dispositif-là et, après, on met sur le site Technopolice où il y a une super carte qui essaye de lister un peu tous les dispositifs en France et pas que, en Belgique aussi ou ailleurs.
Donc il y a notamment ces outils-là qui permettent surtout la documentation et la rencontre entre les personnes.

Eda Nano : Il y a deux semaines, ici sur les ondes de la radio Cause Commune, dans l’émission Libre à vous !, on avait invité l’équipe de Ma Dada. On a parlé des demandes CADA. Je sais qu’on les utilise beaucoup dans la campagne Technopolice. Qu’est-ce qu’on fait avec ? Quel est l’intérêt du coup ?

Martin Drago : Tu ne me donnes que les sujets juridiques secs !

Eda Nano : Non ! On va changer après.

Martin Drago : Ça paraît un peu triste comme ça. C’est vrai que la demande CADA qui est, en gros, une demande pour dire à des collectivités qui ont des documents qui sont publics, à caractère public, mais qui ne sont pas publiés, permet à n’importe qui, vous, moi, de demander la publication de ce document, en tout cas de demander la communication de ce document administratif.
Du coup, ça peut paraître un peu bête comme ça, mais moi je le vois pas mal en première étape de documentation et de lutte. Si je prends l’exemple de Saint-Étienne, je trouve que c’est un bon exemple. On l’a appris par la presse parce que Gaël Perdriau, le maire de droite de Saint-Étienne, se vantait d’avoir mis en place ces capteurs sonores dont parlait Alouette tout à l’heure. On fait une demande CADA et on a reçu 150 pages. Je ne sais pas qui, à la mairie, était affilié à La Quadrature secrètement, mais on a eu tous les procès verbaux des réunions, tous les schémas de l’entreprise qui développait ça avec Saint-Étienne, Verney Carron, l’entreprise qui fait des flash-balls. Rien que le fait d’avoir ça, on a tout diffusé, ensuite, sur notre site en faisant un petit article d’analyse. Ça a rendu visible le projet, le dispositif. Alouette parlait en plus de drones, de reconnaissance de graffitis, etc., rien que le fait d’avoir publié ces documents, ça a contribué un peu à la pression politique, ça a montré un peu le ridicule et les dangers du projet et, finalement, ça a abouti, à la fin, à une sanction de la CNIL contre Saint-Étienne.
Donc demander ces documents ça permet de visibiliser le projet, de mieux le comprendre et quelquefois même de le faire tomber. Pour vous donner un peu un ordre d’idées, je pense qu’à La Quadrature on fait au moins deux-trois demandes CADA par semaine, chaque fois qu’on entend parler d’un projet. En fait c’est assez rapide à faire grâce à madada.fr, j’avoue que je l’utilise très régulièrement, c’est hyper-pratique. On en fait beaucoup, ça prend cinq minutes. Il y a 10 % de chance de réussite, mais 10 % de chance de réussite ce n’est déjà pas mal !

Eda Nano : Je voulais dire que sur le site Technopolice on a un endroit pour pouvoir faire fuiter des documents, ça s’appelle « Fuiter », c’est un logiciel libre, évidemment, qui s’appelle SecureDrop qui est raccordé derrière, pour les plus techniciens. On peut très facilement faire fuiter des documents. Donc n’hésitez pas, que vous soyez employé dans des mairies, que vous soyez employé dans des entreprises comme Thalès, etc., si vous ne vous sentez pas à l’aise avec tout ça, n’hésitez pas en toute sécurité vous pouvez faire fuiter des documents sur SecureDrop.

Martin Drago : Allez-y !

Eda Nano : Faites fuiter ! Ensuite, je voulais revenir un petit peu sur ce forum où j’ai fait mes tout débuts, en fait, dans la campagne Technopolice. Je suis arrivée un jour et j’ai dit « c’est quoi ici ? Est-ce que quelqu’un peut me renseigner sur la cartographie des caméras à Marseille où j’habite ? ». C’est comme ça que pour moi tout a commencé vraiment. Petit à petit je me suis de plus en plus impliquée dans la campagne Technopolice locale, petit à petit dans la campagne Technopolice nationale.
Nous avons fait une exposition artistique, vraiment artistique, qui s’appelait Technopolice à Marseille. Je voulais en parler parce que nous avons Marne, à La Quadrature, qui a fait des visuels vraiment magnifiques sur cette campagne, qu’on peut trouver, pour la plupart, sur le site technopolice.fr, je crois que c’est dans l’onglet « Se mobiliser » et là on a un kit d’images, magnifique. Marne s’est vraiment inspiré un peu de cette atmosphère oppressante de la smart ville et de la ville surveillée. On a fait, comme ça, une exposition dans une galerie alternative, à Marseille, de ces visuels-là. Mine de rien, on accueillait du public et on a vu passer vraiment souvent des gens très intéressés et très interpellés par ces problèmes-là, de simples citoyens avec qui on a pu discuter, dicuter des problèmes de ces dispositifs-là, des moyens de se mobiliser, etc.
On en a refait une autre à Avignon, quelques mois après. À chaque fois on remarque que les gens sont vraiment très interpellés par ces dispositifs-là, par ce qui se passe autour d’eux, parce que, en fait, on ne leur a jamais demandé leur avis, ils n’ont pas été concertés et ils ne comprennent pas vraiment en quoi cela aide à la sécurité de la ville.
Je vais poser la question que tout le monde pose qui est : quelle est l’efficacité de ces dispositifs ? Je vais même aller au-delà, Alouette, si tu veux bien en parler, quel est le but de ces dispositifs ? Est-ce que le sentiment de sécurité ou d’insécurité y est pour quelque chose dans cette histoire ? Est-ce qu’on peut tout voir par le prisme de la sécurité parce qu’il y a peut-être d’autres problèmes qui sont induits par ces dispositifs-là, qui vont au-delà de cette sécurité, qu’elle soit réelle ou que ce soit juste le sentiment que ça induit ?

Alouette : J’ai l’impression que ce sentiment d’insécurité c’est surtout quelque chose qui a été porté dans le discours politique et dans le discours médiatique, mais qu’il n’y a pas vraiment de fondement à la naissance de concept-là qui est tout seul et qui s’auto-alimente.
Sur la question de l’efficacité de ces dispositifs, de ce pourquoi ils sont déployés dans l’espace public, je pense qu’il faut d’abord rappeler qu’il y a d’énormes enjeux économiques et politiques derrière à travers l’ouverture de nouveaux marchés. On voit des entreprises qui sont des entreprises de la défense, de la sécurité, comme Thalès, des entreprises comme Engie Ineo qui sont des entreprises qui n’étaient pas dans ce domaine à la base ou alors des startups derrière. Il y a tout un champ d’entreprises assez différentes qui vont dans ce marché-là parce que c’est un marché qui est économiquement rentable. Les caméras de vidéosurveillance coûtent énormément d’argent et il y a besoin de les renouveler assez régulièrement, etc. Donc il y a tout un poids économique assez fort et politique aussi de la part des élus, des villes, etc., parce que, en fait, ça constitue une ressource politique pour ces élus de dire « regardez, je fais quelque chose pour ma ville, je mets des caméras », c’est un discours qui est assez facile à tenir, à porter. Il y a tout ce côté-là. Pourquoi ces dispositifs sont installés ? Il y a d’énormes enjeux économiques et politiques derrière avant tout.

Eda Nano : Merci Alouette.
Je laisse la parole à Étienne pour la pause musicale je crois.

Étienne Gonnu : Pas encore. Je voulais juste un petit retour de témoignage, bref un témoignage. J’habite sur Saint-Denis et j’ai reçu, comme beaucoup de Dionysiens je pense, la lettre d’information municipale. Il y avait un petit encart, la ville se vantait, nous expliquait qu’il y avait plus de caméras et que bientôt des policiers, des agents de police seraient dans des centres, j’ai oublié le terme exact, à surveiller 7 jours sur 7 ce qui se passe derrière ces caméras. C’est une municipalité PS qui se vante très naturellement. Il y a quelques années encore, on voyait les affiches à Béziers, tout le monde se scandalisait d’imaginer par exemple des policiers municipaux qui seraient armés et on voit comment ça se banalise. Du coup, ce qu’expliquait Alouette m’a vraiment évoqué ça.

Eda Nano : Ce que tu dis là est très intéressant, Étienne. À Marseille il se passe un peu la même chose. Nous avons une nouvelle municipalité depuis un an qui, cette fois, est de gauche et qui, en plus, se dit écologiste. On s’attendait tous, en plus ils avaient promis donc c’est normal qu’on s’y attende, qu’il y ait un moratoire sur la vidéosurveillance dans notre ville. Et qu’est-ce qu’on remarque avec beaucoup de tristesse, mais vraiment une sincère tristesse c’est que, depuis quelques mois, ils ont continué les marchés de maintenance des caméras de vidéosurveillance, ensuite ils prévoient des budgets pour augmenter les caméras de vidéosurveillance. Nous avons un recours en cours contre la vidéosurveillance automatique de Marseille que, dans un premier temps, ils avaient dit qu’ils avaient suspendue mais, finalement, ils se défendent avec un grand cabinet d’avocats parisien. Ensuite, dernière nouvelle vraiment triste, on vient d’apprendre qu’ils continuent ce fameux projet Observatoire Big Data de la tranquillité publique. C’est une mairie de gauche, c’est une mairie qui se dit écologiste. Comment on l’explique, Martin ?

Martin Drago : C’est ce que Alouette a dit. C’est franchement un argument facile politiquement. Il y a toujours des élections en jeu et dire qu’on fait quelque chose ça permet souvent de se faire réélire sans avoir à s’occuper du fond. Faire de l’esbroufe algorithmique, on va dire que ça marche toujours !

Eda Nano : C’est d’autant plus important, du coup, d’avoir des campagnes comme Technopolice pour un petit peu...

Martin Drago : Oui. Et des gens sur le forum ; n’hésitez pas à y aller.

Étienne Gonnu : Avant qu’on fasse la pause musicale, Marie-Odile nous pose une question sur le salon, qui me semble faire parfaitement écho à ce que tu évoquais, notamment sur les budgets que ça fait reposer sur la ville et qui est considération assez concrète : quelle est la durée de vie ? Est-ce que vous savez la durée de vie de ces caméras ? On imagine que c’est très cher s’il faut les renouveler tous les quatre/cinq ans, en plus de toute la logistique derrière à payer. Est-ce qu‘on a une idée de la durée de vie ?

Eda Nano : Dans une ville comme Marseille, on a 1500 caméras actuellement en place. On a un budget de maintenance, donc juste de maintenance, qui est de près de 7 millions d’euros par an.
La durée de vie est très variable en fait. Il va y avoir les conditions climatiques, ça dépend du matériel, etc. Il peut aussi y avoir des dégradations qui viennent de la population. Donc je n’en ai aucune idée, parce que, en fait, toutes les données sont opaques et même ça c’est opaque. Par contre, je sais que le remplacement est très rapide et qu’on ne s’est jamais posé la question du coût écologique de ces dispositifs-là.
Martin, tu voudrais dire quelque chose.

Martin Drago : Il y a des documentations là-dessus. En gros, une grande partie de la vidéosurveillance en France est financée par un fonds public d’État qui s’appelle le fonds interministériel pour la prévention de la délinquance. Ce sont des documentations qui sont publiques. Vous verrez là-dessus les financements extrêmement importants qui sont donnés chaque année par l’État pour financer en masse la vidéosurveillance qui s’est lancée depuis 2012, notamment sous Sarkozy qui voulait et a lancé un grand plan de vidéosurveillance en France.

Eda Nano : Et ça ne va pas s’arrêter parce qu’on a les Jeux olympiques qui arrivent. On va en parler peut-être après la pause avec Alouette et Martin.

Étienne Gonnu : Super. Merci Eda.
Nous allons effectivement faire une pause musicale. Je vous propose d’écouter Late as usual par The Freak Fandango Orchestra. On se retrouve juste après. Je vous souhaite une belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Late as usual par The Freak Fandango Orchestra.

Voix off : Cause Commune à Paris 93.1 en FM et sur le bloc 9A du DAB+.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Late as usual par The Freak Fandango Orchestra, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions.

[Jingle]

Étienne Gonnu : Nous sommes donc avec Eda, Martin et Alouette pour parler de Technopolice et je vous rends la parole.

Eda Nano : Re coucou tout le monde. Nous sommes de retour avec Martin de La Quadrature du Net et Alouette de Technopolice, une campagne coordonnée par La Quadrature du Net, mais qui, en fait, est une campagne très décentralisée. Que veut dire très décentralisée ? Que sur le forum Technopolice nous avons différentes villes et différents collectifs dans chaque ville qui participent à la campagne, mais aussi différents collectifs autour qui n’ont peut-être pas grand-chose à voir avec La Quadrature du Net mais qui s’emparent de ces questions-là. Nous allons entendre Pablo de l’UCL, par exemple, qui parle de leur campagne Technopolice et des liens avec notre campagne.

Pablo voix off : L’Union communiste libertaire, l’UCL, est une organisation politique qu’on a fondée en juin 2019 en fusionnant Alternative libertaire et la Coordination des groupes anarchistes. Elle est bâtie sur le modèle démocratique qu’on défend, c’est-à-dire sur une structure fédéraliste. Donc c’est d’abord une fédération de groupes locaux qui sont répartis géographiquement sur toute la France. Ce sont aussi des commissions et des groupes de travail, ce qui nous permet de rassembler de manière transversale des militantes et des militants de toute l’organisation autour de sujets politiques comme l’antifascisme, l’anti-patriarcat ou l’écologie, mais aussi sur le librisme avec un groupe qui s’occupe des libertés numériques.
L’UCL s’est lancée dans la campagne Technopolice sous l’impulsion de notre commission libriste justement. On ne peut plus vraiment dissocier aujourd’hui nos libertés numériques de nos libertés tout court.
En tant que communistes libertaires on lutte contre toutes les formes de domination, d’oppression ou d’exploitation. Dans l’espace numérique, mais pas que, on a ce qu’on aura envie d’appeler d’un côté le capitalisme de surveillance avec les plus grosses multinationales capitalistes dont le business modèle c’est la récolte de nos données et la revente de nos profils, c’est-à-dire la surveillance de masse. De l’autre côté on a des États, et la France en particulier, dont les dérives autoritaires et sécuritaires sont toujours plus inquiétantes. Ça fait des années, par exemple, que l’arsenal législatif qui fait de chacun et chacune de nous des suspects, voire des coupables, se renforce considérablement, encore en ce moment avec la loi « sécurité globale » ou la loi « séparatisme » par exemple.
On assiste aussi au déploiement de plus en plus massif de la vidéosurveillance et des technologies d’identification automatisée. En fait, c’est ça la technopolice. Et les États font ça en collaboration avec des entreprises ; on l’a vu, par exemple, sur la reconnaissance faciale avec Amazon et Facebook. En tout cas les intérêts des dirigeants y convergent, c’est sûr. C’est la lutte des classes concrètement. Qu’ils soient à la tête des États ou qu’ils soient à la tête des entreprises, ce qu’ils veulent c’est nous surveiller, nous ficher pour mieux nous contrôler, pour mieux nous exploiter et nous rentabiliser.
Dans notre mensuel Alternative libertaire, on publie régulièrement des articles sur ces sujets-là. Ça peut être des articles de réflexion sur notre rapport aux GAFAM par exemple ou des articles bien plus concrets comme dernièrement sur l’application Signal ou sur la surveillance à distance par les patrons lors de la généralisation du télétravail.
On fait aussi de la formation, essentiellement en interne pour l’instant, à l’hygiène et à la sécurité numérique.
En plus de ça, on a rejoint la campagne contre la technopolice qui été lancée par La Quadrature du Net, dont l’UCL a signé l’appel en septembre 2019 donc quelques mois seulement après notre création.
De notre côté on a monté une campagne qui s’appelle qui s’appelle « Contre le capitalisme de surveillance et la technopolice : le logiciel libre ». Pour nous, le Libre est hyper-important pour se défaire des aliénations aux outils numériques et pour se protéger collectivement – j’insiste bien sur le mot « collectivement », on ne croit pas du tout aux solutions individuelles. Pour se protéger collectivement de la surveillance, les outils libres sont indispensables. Ils ne sont pas suffisants, mais ils sont nécessaires. On recommande, en fonction des usages, des outils libres permettant de lutter contre la surveillance. Par exemple, pour naviguer sur le Web on recommande le navigateur Tor. Pour l’usage réseau social, on recommande Mastodon qui a l’avantage, en plus, d’être bâti sur un modèle fédéré qui est complètement compatible avec le modèle du fédéralisme qu’on défend par ailleurs.
De manière générale on promeut une vision des logiciels libres comme des communs, c’est-à-dire des biens non marchands qui profitent à toutes et tous, sans imposer d’aliénation.

Eda Nano : Nous venons d’écouter un communiqué enregistré par l’UCL. Si on en parle ici c’est parce que, lorsque nous avons lancé la campagne Technopolice, on a tout de suite été épaulés par un tas d’association comme l’UCL qui ont signé notre appel de lancement de campagne. Donc on a eu une décentralisation de cette campagne associative, qui est passée ensuite aussi au niveau citoyen à travers les différents collectifs qui sont nés sur le forum dans les villes.
Alouette, est-ce que tu peux nous parler un petit peu de comment marche cette décentralisation ou des liens concrets les uns avec les autres ?

Alouette : Quand on a lancé la campagne Technopolice l’idée c’était de mettre à disposition des outils et des aides potentielles, mais c’était d’abord aux gens qui habitaient dans les villes, qui étaient les mieux placés, de se saisir de ces questions-là pour lutter contre ces dispositifs-là.
Du coup, l’idée du forum c’est de permettre de rencontrer des gens, d’échanger sur des expériences, etc. Il y a des groupes qui sont créés et dans l’idéal il y en aura plus. Par exemple, à Marseille, il y a un groupe qui lutte contre la technopolice et qui est mieux au courant de ce qui se passe dans la ville, qui peut plus suivre, plus faire de veille et de pression quelle qu’elle soit sur la municipalité. Il y a aussi récemment, il y a quelques mois, le Technopolice belge qui s’est créé. Donc il y a un groupe de personnes à Bruxelles, notamment, qui lutte contre la technopolice et qui fait beaucoup de cartographie de caméras de vidéosurveillance mais pas que, de dispositifs anti-SDF, qui cartographie ce genre de choses, qui est aussi une manière de lutter contre la technopolice.

Eda Nano : D’ailleurs le groupe Technopolice Marseille par exemple, dont je fais partie, est très indépendant. Effectivement on fait une veille assez forte sur des sujets et on revient vers vous ensuite pour croiser les connaissances de chacun et pour avoir un peu un appui plus juridique, par exemple, si on manque juristes, plus graphique si on manque de graphistes. Mais si on peut, en interne, on va essayer le plus possible d’être indépendants. La campagne est coordonnée par La Quadrature, mais elle est plus là pour nous apporter un peu cette aide ou cette médiatisation dont on aurait besoin, plutôt que pour chapeauter ou donner des règles. En fait il n’y a pas de règles, n’est-ce pas Martin ?

Martin Drago : On n’est pas anarchistes !

Eda Nano : Un peu [mais l’anarchie ce n’est pas le chaos, il y a des règles, Note de l’intervenante] !

Martin Drago : Je rejoins totalement ça. Il y a aussi la question qu’à La Quadrature on est sept salariés. Il y a malheureusement d’autres sujets que la surveillance dans l’espace public. Il y a aussi le fait que, de toute façon, on ne pourra pas tout faire et heureusement on ne prétend pas pouvoir tout faire et on ne doit jamais prétendre pouvoir faire ça et, en plus, ne jamais prendre la parole de quelqu’un d’autre.
C’est le fait de : voilà quelques expertises qu’on peut faire, voilà ce qu’on vous conseille, en tout cas ce qu’on fait sur les demandes CADA. On met à disposition tous nos contentieux juridiques avec toutes nos écritures. Un contentieux administratif c’est complexe à faire, mais on ne sait jamais, il y a peut-être des gens qui sont motivés, on les donne aussi. Je pense typiquement à ceux qu’on a faits contre les drones, qu’on a gagnés, on a publié toutes les écritures. En ce moment, à Lyon, il y a des gens qui essayent de faire à peu près la même chose sur les hélicoptères de surveillance puisque c’est à peu près le même problème juridique.
C’est aussi vraiment cette idée-là de boîte à outils et de mettre tout à disposition en disant « voila comment nous faisons, vous, faites comme vous voulez ». C’est juste plus facile si on est plusieurs et si on peut se coordonner.

Eda Nano : Du coup, j’en profite vraiment pour vous dire largement que si vous êtes intéressé par cette question-là, si autour de vous, dans vos villes, vous remarquez qu’il se passe des choses en termes de surveillance, de vidéosurveillance, de surveillance numérique, etc., n’hésitez pas à venir sur le forum de façon anonyme, pseudonyme, ce que vous voulez, vous inscrire et commencer à lancer un groupe local ou même juste poser des questions en espérant qu’il y ait des réponses et que quelque chose naisse naturellement.

Martin Drago : Je ne veux pas être déprimant, mais il se passe sûrement quelque chose dans votre ville. De plus de plus de villes installent ce qu’elles appellent de la vidéo-protection, donc des caméras de vidéosurveillance dans la rue, et on voit que c’est très rare, maintenant, que ce soit juste des caméras « simples », entre guillemets, sans derrière un logiciel d’analyse. On se rend compte dans les demandes qu’on fait, dans les enquêtes qu’on fait, que les mairies ne savent même plus ce qu’elles installent en fait. Dans le package, à un moment, il y a une ligne avec marqué « logiciel d’analyse d’images ». On ne sait pas ce que fait ce logiciel d’analyse d’images, souvent c’est un sous-traitant d’un sous-traitant.
Malheureusement, il y a de grandes chances qu’il y ait un dispositif comme ça chez vous, même dans des tout petits villages. Je me rappelle qu’on était allés tracter au Congrès des maires à l’AMF [Association des maires de France], il y a longtemps, et beaucoup de maires de petits villages nous disaient que eux, oui, voulaient installer de la vidéo-protection pour surveiller les déchetteries, pour surveiller les gens qui pouvaient uriner sur les murs, etc.

Eda Nano : Étienne.

Étienne Gonnu : J’aurais une question, peut-être que vous n’aurez pas la réponse. On entend souvent parler de biais racistes dans les algorithmes. On imagine que ce genre d’algorithme n’en est pas exempt. Est-ce que c’est chiffré, un peu documenté ? On suppose que ça existe aussi dans ce genre d’algorithme parce que ça a été plutôt validé sur d’autres configurations plus pour la prédiction me semble-t-il.

Martin Drago : Je veux bien répondre. C’est vraiment une question qu’on évite d’aborder pour une raison très simple c’est qu’on a toujours l’impression qu’on a passé une étape dans la réflexion. Pour avoir fait le congrès Technopolice à la gendarmerie, la question des biais racistes dans les algorithmes de surveillance, eux en sont pleinement conscients. On avait des grands tableaux de Thalès qui nous disaient « vous voyez là on était à 30 % d’erreur et maintenant on est tombé à 10 % ». On s’est rendu compte, en étant là-bas, qu’une fois que ce taux serait descendu à 0,5 %, même si, peut-être, ça n’arrivera jamais, du coup on avait passé une étape qui est, avant de parler de son efficacité : est-ce qu’on veut l’algorithme de surveillance ?
Pour réponde à ta question, même si ça ne répond pas vraiment, je pense que politiquement on fait attention à ne pas trop aborder ce sujet en disant « attention, on est en train de sauter une étape : avant de s’intéresser à comment et est-ce que ça marche mal, est-ce qu’on en a besoin ? »

Eda Nano : Alouette.

Alouette : Tu as tout dit !

Eda Nano : Après, il y a pas mal de sociologues quand même qui s’intéressent aux questions de biais ou d’effets de bord, on va dire, excusez-moi pour les termes techniques, que ces dispositifs-là font naître. J’avais lu un tas d’articles, qui sont d’ailleurs tous documentés sur le forum Technopolice, sur le fait qu’on remarque que la vidéosurveillance crée ce phénomène de « on déplace les problèmes, on déplace l’insécurité ». Si une zone est vidéosurveillée, etc., elle se gentrifie, elle devient « sûre » entre guillemets, mais hop !, toute la délinquance passe au bord de cette zone, passe en banlieue.
Il y a, comme ça, tout un tas de phénomènes géographiques qu’on remarque dans des villes vidéosurveillées depuis quelque temps, que les sociologues ont quand même étudiés. Je me rappelle aussi d’un article qui parlait de ces biais-là et qui disait qu’en fait, comme les algorithmes c’est fait par des humains, finalement ce sont juste des recettes créées par des humains, eh bien les biais humains qu’on a dans la police, qu’on a parmi nous tous, les biais sociaux, racistes, etc., se retrouvent forcément et on peut les chiffrer, je ne sais pas comment, il faut voir le détail de l’article, on peut voir que ces biais se retrouvent ensuite dans les résultats obtenus par ces algorithmes. Sur le forum on peut trouver, je pense, pas mal de choses là-dessus.
Je voulais revenir un petit peu sur le contentieux drone. Si tu veux nous dire quelques mots Martin, qu’est-ce qu’on a gagné et la loi SG qui est venue juste après, qui a fait qu’on n’a eu que quelques mois de plaisir.

Martin Drago : Attends ! Ce n’est toujours pas fini.

Eda Nano : Pardon c’est vrai. On a le Conseil constitutionnel.

Martin Drago : Du coup je vais reprendre l’historique rapidement. La loi SG c’est la loi relative à la sécurité globale.
Ça fait longtemps que la police utilise des drones, malheureusement, pour surveiller les manifestations et pendant le premier confinement – quelle tristesse de dire ça – on a vu que la police et la gendarmerie utilisaient énormément de drones pour surveiller le respect du confinement et notamment pour diffuser par des haut-parleurs les consignes sanitaires, chose qui a fait beaucoup de bruit. En cherchant, nous nous sommes rendu compte que c’était totalement illégal. Pourquoi ? Parce qu’il n’y avait aucune cadre juridique à l’utilisation des images des drones que pouvait faire la police. Très rapidement ça veut dire qu’aujourd’hui on a – il est vraiment nul, mais il est là – un cadre juridique pour les vidéos fixes, d’accord, les caméras fixes, c’est-à-dire combien de temps vous pouvez garder l’image, qu’est-ce que vous pouvez filmer, qui peut regarder les images. Pour les drones il n’y avait rien, ce qui fait que la police pouvait faire ce qu’elle voulait avec les drones, sans aucune limite ou contrainte.
On a attaqué, on a gagné devant le Conseil d’État, parce que ça se passait devant le Conseil d’État, sur les notions sanitaires.
Ensuite la police n’a pas respecté, elle a continué à utiliser les drones pour surveiller les manifestations. On a attaqué à nouveau. On a gagné à nouveau devant le Conseil d’État fin décembre 2020. Pendant ce temps-là, en fait, pour combler ce vide juridique, parce qu’on gagnait sur ça, on gagnait sur le fait que la police utilisait les drones sans cadre juridique, a été introduit dans une loi qui devait être discutée depuis longtemps sur les polices municipales et les forces de sécurité privées, une disposition pour essayer d’encadrer un peu, de créer un régime juridique des drones. C’est la loi relative à la sécurité globale.
C’est pour ça que tu dis qu’on a gagné parce que, d’un côté, on a eu deux victoires contre la préfecture de police de Paris, ce qui est cool, et on lui a fait payer 6000 d’euros de frais de justice, ce qui fait toujours plaisir, un don de la préfecture. Mais de l’autre côté, en fait, oui la loi « sécurité globale » vient d’être adoptée par le Parlement et elle va permettre à la police et à la gendarmerie, maintenant, d’utiliser pleinement ces drones dans des termes extrêmement larges qui sont extrêmement inquiétants.
Il reste un adversaire, on va dire une institution, avant ça, c’est le Conseil constitutionnel. Il a été saisi sur la loi. Les espoirs qu’on peut poster devant une institution qui n’est pas élue et qui est largement critiquable c’est selon chacun. On espère au moins, je ne sais pas, qu’elle restreindra un peu les libertés de la police sur l’utilisation des drones.

Eda Nano : Très bien. Donc la lutte continue. On a encore espoir.
Je voulais revenir justement sur cette lutte parce qu’il s’est passé quelque chose, en fait, dans la campagne Technopolice au moment de la loi sur la sécurité globale, pour nous à La Quadrature. On s’est retrouvés d’un coup au milieu de cette lutte-là, de cette lutte citoyenne qui était très forte, très belle à voir à la fois. C’était une période très intense pour nous aussi. Je pense que la campagne Technopolice a eu un rôle très important là-dessus parce qu’on a pu, du coup, avec cette décentralisation, organiser un peu mieux la lutte et les manifestations anti-SG. Qu’est-ce que tu en penses Alouette ?

Alouette : Je dirais qu’on a surtout aussi permis d’alerter sur le fait que cette loi « sécurité globale » ce n’était pas uniquement l’article 24, qu’il y avait plein d’autres choses derrière qui étaient dégueulasses. On a essayé de politiser, de mettre sur le devant de la scène que cette loi avait plein d’implications et qu’elle permettait de mettre en place aussi un peu le Livre blanc de la sécurité intérieure, c’est la feuille de route du ministère de l’Intérieur, ce qu’il prévoit de faire dans les prochaines années, quels dispositifs il veut mettre en place, quelles nouvelles technologies il envisage pour la police et la gendarmerie, etc. La loi sur la sécurité globale c’était un premier pas dans le déploiement de ce Livre blanc. Du coup, c’était surtout permettre d’alerter sur toutes les autres choses. Comme Martin l’a dit il y avait les drones, il y avait la vidéosurveillance dans les halls d’immeubles, il y avait le fait que ça étendait les caméras portatives sur les policiers et les gendarmes, ce qui fait que maintenant les vidéos de ces caméras-là pouvaient être diffusées en direct dans le centre de supervision urbaine, étaient accessibles aux policiers qui étaient derrière en live. Il y avait plein de dispositions dans cette loi qui étaient en dehors de l’article 24 ; il n’y avait pas que cet article.

Eda Nano : Je me souviens qu’en manifestation c’était très important qu’on sorte un petit peu des analyses précises sur ces sujets-là. Je me souviens que ça servait un peu de socle pour beaucoup de gens pour comprendre ce qui se passait, le fait qu’on ait suivi et qu’on ait documenté un peu tout ça.

Étienne Gonnu : Juste pour préciser pour les auditrices qui ne souviendraient pas, l’article 24 concernait le fait d’interdire le fait de filmer des policiers, qui était effectivement celui qui prenait toute la lumière.

Eda Nano : Qui était très médiatisé parce que ça concernait beaucoup les journalistes qui avaient peut-être une plus grande facilité à le mettre en avant dans les médias.
On a parlé du Livre blanc de la sécurité intérieure. Alouette, qu’est-ce que tu penses du lien de ce Livre blanc avec les JO de Paris 2024 ?

Alouette : Le Livre blanc est un livre qui sort tous les cinq ans, au bout de certaines années. Là il a clairement été fait avec la doctrine du ministère de l’Intérieur, sa feuille de route. C’est aussi à voir dans la temporalité des Jeux Olympiques de 2024 et de la Coupe de rugby de 2023 qui aura lieu en France. Tout ça c’est aussi dans le but de renforcer les pouvoirs des forces de l’ordre et d’étendre aussi les potentialités d’utilisation des technologies à ce moment-là pour plusieurs raisons, notamment pour faire aussi de la France une vitrine sécuritaire, pour permettre aux entreprises françaises, et pas que françaises, de la sécurité de montrer un peu le savoir-faire de la France en matière de sécurité, de surveillance.
Oui, le Livre blanc est à replacer dans cette temporalité des Jeux Olympiques. La loi « sécurité globale » aussi est un premier pas dans une temporalité qui vise à renforcer tous les pouvoirs de la police, etc., pour faire de la France cette vitrine-là.

Eda Nano : On a beaucoup parlé d’expérimentation tout au long de cette émission. Martin tu disais tester, etc. Ce qu’on remarque, en fait, dans tous ces projets qu’on découvre un peu au fur et à mesure de nos analyses c’est qu’il y a beaucoup d’expérimentations et c’est vraiment le terme même utilisé par les industriels ; des fois, c’est même le terme utilisé pour se défendre, pour dire « mais ce n’est qu’une expérimentation ». J’ai justement l’impression que ces expérimentations vont avoir lieu encore plus pour et pendant les JO. Qu’est-ce que tu peux nous dire là-dessus, Martin ?

Martin Drago : C’est hyper-intéressant parce que c’est vrai que j’ai même l’impression que nous, à Technopolice, on parle toujours d’expérimentation et de dispositifs expérimentaux alors qu’en fait ce sont souvent des trucs, évidemment, qui sont testés, qui restent et qui, surtout, continuent à être testés et qui n’ont d’expérimentation que le nom.
Si je prends, par exemple, les portiques de reconnaissance faciale, c’était une expérimentation mais qui allait être installée physiquement à l’entrée des lycées, donc ce n’était pas tellement une expérimentation vu que ça demande une construction physique. Si je prends les capteurs de Saint-Étienne, même chose, on parlait d’expérimentation mais c’était plutôt dans le long terme.
Oui, tu as totalement raison. C’est présenté comme une expérimentation, on va dire un peu pour habituer la population en se disant « c’est un peu moins grave, vous voyez, on va tester pendant deux mois ». Si je prends un autre dispositif, par exemple le comptage des masques dans le métro parisien, on disait « ça va, on va le tester pendant trois mois », comme si c’était un peu moins grave en oubliant que, si je prends le comptage des masques il y a un an, c’était totalement illégal. Oui, peut-être que ça n’a duré que trois mois, mais pendant trois mois quelque chose d’illégal a été testé sur nous.
Après, j’aime bien aussi le terme « tester » parce que souvent ça permet de voir ce que nous devenons, nous, habitants et habitantes d’une ville. Eh bien, finalement, nous sommes celles et ceux sur qui est testé le dispositif. Je me souviens de Caroline Pozmentier, qui était l’adjointe à la sécurité à la mairie de Marseille, qui voulait faire de Marseille un laboratoire d’expérimentation des dispositifs de surveillance, ce qui est atroce parce que ça faisait de nous des rats de laboratoire. Elle l’affichait et elle en était plutôt fière.

Eda Nano : Donc c’est important d’insister là-dessus et de faire comprendre que nous ne sommes pas des rats de laboratoire.

Martin Drago : Ce serait bien, oui !

Eda Nano : Que nous ne sommes pas là pour améliorer les algorithmes et le produit de ces boîtes de sécurité privées. Que ce n’est pas sur notre dos ou sur nos libertés fondamentales qu’il faut que ces choses-là se fassent.

Martin Drago : C’est intéressant aussi, parce qu’en déroulant le fil on trouve plein de trucs. Souvent tous ces dispositifs de technopolice c’est dans des termes expérimentaux donc ça va être prêté gratuitement, un peu, à la collectivité. Du coup, la collectivité ne va pas avoir à payer pour ça. Donc il va y avoir moins d’obligations de publication, de publier et de parler du sujet parce que la collectivité n’a pas déboursé un euro pour ça. En même temps, derrière, l’entreprise va venir tester ses algorithmes pour les améliorer. Si je prends l’entreprise chinoise Huawei à Valenciennes, si je prends IBM à Toulouse qui font toutes de la vidéosurveillance automatisée, si je prends une nouvelle entreprise de sécurité qui s’appelle XXII, qui déploie dans la région Île-de-France, à Suresnes et à Saint-Denis, désolé Étienne, en fait elles l’affichent ostensiblement : « On vous donne gratuitement ces algorithmes, ces logiciels, derrière ça va nous permettre de les entraîner » et puis de mieux les revendre sur le marché dont parlait Alouette tout à l’heure.

Eda Nano : En fait, c’est la technique très connue du dealer de drogue que nous connaissons bien à l’April pour l’avoir vécu pendant longtemps avec Microsoft et les autres GAFAM, Google, Amazon, Facebook et Apple, qui consiste, en fait, à donner une première dose gratuite, un premier contrat qui ne coûte pas très cher, à faire une accoutumance qui fait qu’après on va en vouloir plus, etc.

Étienne Gonnu : Il vous reste cinq minutes pour ne pas presser le temps, qu’on finisse tranquillement.

Eda Nano : OK. On va profiter de ces cinq dernières minutes, Alouette et Martin, pour voir un peu ce qui est prévu pour la suite de la campagne. Comment va-t-on contrer la technopolice ?

Martin Drago : Alouette, as-tu des spoilers pour le futur ?

Alouette : Plein de choses !
Là, dans la suite de la campagne, du coup, on va se concentrer sur ces Jeux Olympiques et tout ce que ça implique par la suite pour nos libertés.
On va aussi voir un peu quelque chose qui est en train d’être déployé, notamment dans les supermarchés : de la vidéosurveillance automatisée pour, en gros, voir qui vole dans les supermarchés. C’est un peu une nouvelle chose sur laquelle on va essayer de se concentrer.
Ensuite il y a quelque chose qu’on a aussi remarqué il n’y a pas très longtemps, à Marseille et à Paris pour l’instant, le fait que maintenant il y a des contrôles d’identité par la police où les policiers prennent en photo la personne et ensuite envoient au central pour voir si la personne a été fichée dans les TAJ, le fichier de Traitement d’antécédents judiciaires. C’est un fichier qui autorise la reconnaissance faciale. On se rend compte qu’il y a de plus en plus de contrôles de police où cet outil-là est utilisé pour directement voir si la personne est fichée. Ça permet aussi de vérifier son identité plus vite et de voir si elle ne ment pas.
Il y a tous ces dispositifs-là. Je ne sais pas si tu vois d’autres choses de ton côté Martin.

Martin Drago : Franchement c’est exactement ça. J’avoue que le sujet sur la VSA dans les supermarchés est assez inquiétant parce qu’on se rend compte que pendant qu’on essayait de documenter la VSA sur l’espace public, en fait énormément de grandes surfaces type, pour ne pas les citer, Monoprix, utilisent, elles, des algorithmes de détection, quelquefois biométriques, pour voir s’il y a des vols ou pas. On a pas mal de remontées, d’ailleurs n’hésitez pas si vous en avez, de gens qui se font arrêter par les vigiles parce qu’à un moment ils ont remis leur téléphone dans leur poche et l’algorithme a cru qu’ils étaient en train de mettre un produit dans leur sac.
Et puis ce sujet de la reconnaissance faciale utilisée de plus en plus par la police ; si je ne me trompe pas, à Marseille, la police a parlé à un de nos membres de machine de reconnaissance faciale. Il n’avait plus ses papiers et, du coup, elle voulait faire ce dispositif de reconnaissance faciale avec un portable, dans la rue.

Eda Nano : Il a entendu « amène la machine à reco ».

Martin Drago : C’est quelque chose qui est assez incroyable ! Je sais qu’on est toujours dans le fantasme de 1984, mais maintenant on se rend compte qu’on est vraiment largement dépassés où les policiers font, dans l’espace public, sur des manifestants et des manifestantes, de la reconnaissance faciale avec leurs téléphones.

Eda Nano : Merci beaucoup Martin. Merci Alouette. De mon côté je vous invite vraiment à venir voir le site technopolice.fr, à vous inscrire sur le forum et à échanger avec nous là-dessus. N’hésitez pas à poser des questions. Je ne sais pas s’il y a des questions, Étienne, si on a le temps.

Étienne Gonnu : Marie-Odile faisait effectivement un très bon résumé : « nous sommes les cobayes utilisés pour améliorer les algorithmes qui seront ensuite payés avec non impôts », nous dit-elle. Mais vous nous proposez justement des manières de nous organiser pour résister, pour lutter. On n’est pas non plus démunis, on peut encore agir collectivement.
Je vous recommande effectivement vivement d’aller sur le site Technopolice, il y a vraiment de très beaux visuels. Récemment je suis allé sur le forum, je cherchais une information, effectivement il y a énormément de ressources.

Martin Drago : Cool. Tu n’as pas été déçu.

Étienne Gonnu : Tu parlais du problème de politisation du sujet. On entend souvent des gens qui disent « la sécurité, le vol à la tire, etc. », il y a beaucoup de références pour nous armer aussi, parce que savoir c’est aussi être armé pour pouvoir expliquer, déconstruire et expliquer que non, ce n’est pas la sécurité, qu’on peut aussi réfléchir autrement à comment on vit sereinement dans nos espaces de vie. Se réapproprier nos espaces de vie en tant que citoyens et citoyennes me paraît important et je pense que les caméras de surveillance nous aliènent plus, au contraire.
En tout cas un grand merci Eda d’avoir animé cet échange que j’ai trouvé passionnant.

Eda Nano : Merci à vous.

Martin Drago : Merci à l’April.

Étienne Gonnu : Merci à toute l’équipe Technopolice. Merci à Alouette aussi à distance.

Alouette : Merci.

Eda Nano : Merci à la radio.

Étienne Gonnu : Je vous souhaite une très bonne fin de journée et à bientôt.

Martin Drago : À bientôt.

Eda Nano : Merci. À bientôt.

Alouette : À bientôt.

Étienne Gonnu : Nous allons faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Étienne Gonnu : Nous allons écouter Arcane par CloudKicker. On se retrouve juste après. Je vous souhaite une belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Arcane par CloudKicker.

Voix off : Cause Commune à Paris 93.1 en FM et sur le bloc 9A du DAB+.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Arcane par CloudKicker, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By. Vous retrouverez les références sur le site de l’April.

[Jingle]

Étienne Gonnu : Je suis Étienne Gonnu de l’April et vous écoutez toujours Libre à vous ! l’émission qui vous raconte les libertés informatiques.

Chronique « La pituite de Luk » au sujet de la technopolice

Étienne Gonnu : L’April est soucieuse de permettre la diversité des expressions. J’ai donc le plaisir de donner la parole à Luk qui, me semble-t-il, tenait à nous dire que lui, il aime ça la technopolice.
Luk.

Luk : Oui ! J’ai appris que des gens sont invités dans cette émission pour se plaindre de la technopolice. C’est pour ça que je ne suis pas venu. Moi, je ne veux pas parler à des gens qui sont contre le progrès.

Ce n’est pas une nouveauté en fait, on a des caméras de vidéo-protection depuis des décennies et ça marche. Depuis qu’il y a des caméras partout, je n’ai jamais été agressé. Bon, OK, je n’avais jamais été agressé avant non plus, mais le fait est que je suis encore vivant.

Puis la vidéosurveillance aujourd’hui, ce n’est pas que les caméras accrochées aux lampadaires. Avec les téléphones portables, les dashcams et les caméras de sécurité privées qui ont pullulé partout, la vidéosurveillance a pris une toute autre ampleur. Les évènements autrefois rapportés par de simples allégations sont désormais enregistrés.

Et que nous révèle cette vidéosurveillance de tous par chacun ? Des extra-terrestres ? Des miracles ? Des phénomènes surnaturels ? Non, non, des chats qui font des trucs rigolos, des comportements routiers improbables et pas mal de violences policières.
Or, en 2012, un policier britannique s’était traqué lui-même pendant plus d’une heure. Ses collègues, derrières les écrans, avaient repéré un mec louche dans le quartier et lui avaient donné des indications sur ses déplacements. Bien entendu, le mec louche était le policier lui-même. Quand on considère la violence policière révélée par la vidéosurveillance aujourd’hui, on comprend que cette auto-traque était finalement visionnaire.

Et puis il y a également Christian Estrosi qui ne s’étouffe pas avec sa décence. La notion lui est tellement étrangère que quand il entend ce mot, décence, cet ancien champion de moto croit toujours qu’on parle de carburant. Au lendemain des attentats du Bataclan il s’était vanté que ça ne serait pas arrivé à Nice, grâce à son réseau de vidéo-protection. Il a eu raison : il n’y a pas eu aucun attentat du Bataclan à Nice.

Mais bon ! Certains rapports récents disent que la vidéosurveillance ne marche pas, notamment parce que les policiers ne sont pas formés et trouvent que ça fait trop de boulot. Pas étonnant quand on sait que leur niveau baisse drastiquement : surpoids, illettrisme, incapacité à conserver son calme et parfois même casier judiciaire ! Donc heureusement que la Technopolice est là pour compenser.
Grâce aux IA et aux algorithmes on pourra continuer à recruter des policiers inaptes délivrés par notre système scolaire en déroute. Le monde est quand même bien fait. Avec les technologies pour analyser les trajectoires suspectes et les bruits hors normes dans les espaces publics, la police n’aura plus qu’à appuyer sur la détente du LDB. Quand ils vont revenir, les touristes vont prendre cher ! Mais bon !, visiter la France, ça vaut le coup dans l’œil.

On peut faire confiance aux IA pour appliquer des critères subtils et mesurés. Il faut prendre exemple sur Facebook qui a censuré la page de la ville de Bitche récemment. Non seulement c’est offensant comme nom, mais, en plus, c’est une intolérable appropriation culturelle. Comme si ça ne suffisait pas que les Chtis nomment leurs enfants Kelly ou Dylan, maintenant même leurs villes ont des noms américains.

Mais bon, les esprits chagrins qui critiquent la technopolice s’en prennent aussi à la notion de smart city et à l’utilisation de la big data. Ils regrettent notamment que des entreprises soient à la manœuvre. C’est vrai qu’en détenant les moyens de mesure et d’action, elles accèdent à des missions régaliennes. Franchement, il n’y a pas à en faire tout un fromage. Nos lois sont déjà largement rédigées par des lobbyistes et ça marche très bien !

Et puis bon, voilà ! Vivre en société, c’est vivre dans des relations de pouvoir. Michel Foucault le disait dans Surveiller et punir. La discipline au travers d’examens, de critères d’évaluation standardisés nous a rendu comparables et normés. Nous avons été élevés et conditionnés à être des stats depuis bien longtemps. Nous sommes à la fois l’objet et l’instrument du pouvoir disciplinaire dont le big data et les modèles multi-agents de la smart city ne sont qu’un nouvel avatar, plus moderne et plus performant.
La surveillance disciplinaire, c’est notre tradition occidentale moderne. Pourquoi vouloir s’y soustraire ?
Foucault l’avait bien compris, puisqu’il est aujourd’hui accusé d’avoir profité de son séjour en Tunisie, loin du regard du Panopticon français, pour se taper des enfants. Alors moi je dis que mettre en cause la technopolice, c’est un truc de pédophile ! Rien de moins.

Étienne Gonnu : Merci Luk d’amener de la nuance à ce débat important.

Luk : La nuance c’est mon truc !

Étienne Gonnu : Tout à fait ! Je te dis au mois prochain.

Luk : Oui, au mois prochain.

Étienne Gonnu : Salut Luk.

Luk : Salut.

Étienne Gonnu : Nous approchons de la fin de l’émission, nous allons terminer par quelques annonces.

[Virgule musicale]

Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre

Étienne Gonnu : En ouverture de l’émission, Laurent Costy et Lorette nous ont parlé du protocole DNS, Domain Name System, qui est structurant pour Internet. Nous avons malheureusement appris le récent décès de Daniel Kaminsky à l’âge de 42 ans. Dan Kaminsky était un chercheur en sécurité, connu notamment pour sa découverte d’une faiblesse fondamentale dans le protocole DNS. Il est décédé vendredi à son domicile de San Francisco. Nos pensées vont bien sûr à ses proches.
Jeudi 29 avril, dans deux jours, n’hésitez pas à participer à la réunion du groupe Sensibilisation de l’April, rendez-vous à 17 h 45. Une réunion ouverte à toutes et à tous. Il vous suffit d’un ordinateur, d’un micro et d’un navigateur web pour participer. À l’ordre du jour le projet La boussole du Libre. Toutes les infos sur le site de l’April.
On vous rappelle aussi que t-shirt April « Le logiciel libre donne de la voix ! » spécial émission Libre à vous ! est toujours disponible sur le site enventelibre.org.
Vous pourrez trouver, comme d’habitude, tous les évènements liés au logiciel libre près de chez vous sur agendadulibre.org.

Je rappelle également que l’émission et plus globalement la radio est contributive. N’hésitez pas à proposer des sujets, des musiques, des personnes à inviter ; vous pouvez contribuer à l’émission. Retrouvez sur les sites april.org et causecommune.fm les différents moyens de nous contacter et de contribuer.

Notre émission se termine.

Je remercie bien sûr les personnes qui ont participé à l’émission : Laurent et Lorette, Eda, Martin, Alouette ainsi que Luk.
Merci à l’équipe qui s’occupe de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang 1, qui sont tous bénévoles à l’April, ainsi que Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio.
Merci également à Quentin Gibeaux qui découpe le podcast complet en podcasts individuels par sujet.
Et enfin un très grand et chaleureux merci à Patrick, aux manettes de la régie aujourd’hui, qui réalisait sa dernière régie pour Libre à vous !. Ce fut un plaisir de partager cette aventure avec toi et au plaisir de se croiser dans d’autres actions au sein de l’April. Bravo Patrick ! Mine de rien, la régie ce n’est pas évident, surtout en direct. Tu as su nous aider, nous épauler dans cette aventure.

Vous retrouverez sur le web, april.org, toutes les références utiles, comme je vous l’ai dit, ainsi que sur le site de la radio causecommune.fm. N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu, des pistes d’amélioration, des propositions et ainsi de suite. Vous pouvez également nous poser toute question et nous y répondrons directement ou lors d’une prochaine émission.

Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission.
Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et à faire connaître également la radio Cause Commune, la voix des possibles.

La prochaine émission aura lieu en direct mardi 4 mai 2021 à 15 heures 30. Notre sujet principal portera sur le difficile exercice de la modération.

Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 4 mai et d’ici là, que la force soit avec vous !.

Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.