Interopérabilité et consommateur - Marie Duponchelle - RMLL 2015

Présentation

Titre
 : L’interopérabilité et le consommateur
Intervenant
 : Marie Duponchelle
Lieu
 : RMLL2015 - Beauvais
Date
 : Juillet 2015
Durée
 : 43 min 12
Licence :
Verbatim

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Public
 : Inaudible.
Marie
 : Oui, oui. Comment moi je l’ai définie ? Parce qu’il a bien fallu, à un moment donné, qu’on pose une définition, qu’on pose une définition accessible à tous. Comment moi je l’ai définie ? Je l’ai définie comme la capacité d’éléments, matériels ou immatériels, finalement, puisque c’est sur ça que nous, on travaille, les juristes, à échanger des données. Donc la notion de données est une notion qui est purement informatique, à la base, et qui a gagné le monde des juristes, véritablement, puisque vous savez qu’aujourd’hui on a une loi informatique et libertés qui parle de la notion de données. Donc ce ne sont pas des informations, ce ne sont pas des éléments, ce n’est pas tout ce qu’on veut, c’est une notion de données qui a une connotation juridique qui est identifiée, et il y a la notion d’échange mutuel. Et c’est sur ça que j’ai véritablement travaillé, c’est sur ça qu’on a travaillé, et c’est ça qui va faire la différence fondamentale entre l’interopérabilité et d’autres notions. Et j’ai rajouté un petit truc, ce que les juristes au démarrage ne voulaient pas, et n’ont toujours pas dans le dispositif légal, moi j’ai rajouté un tout petit truc quand j’ai défini l’interopérabilité, c’est un truc qui parle beaucoup aux gens qui sont dans la salle, c’est le recours à des standards ouverts de communication.
Public
 : Quand on veut poser une question, c’est après ?
Marie
 : Non, on peut faire en même temps il n’y a pas de souci, on fait dynamique.
Public
 : Le mutuellement, a t-il compétence juridiquement, en particulier quand on a cherché à qualifier le fait de sortir d’un système pour aller vers un autre où là il n’y a pas d’échanges mutuels, mais il s’agit d’exploiter, par exemple, une base de données d’un ancien logiciel avec un nouveau logiciel ?
Marie
 : Eh bien, il n’y a pas d’interopérabilité.
Public
 : Tu peux répéter la question ?
Marie
 : Ah, oui, il faudrait qu’on fasse passer le micro, en fait, directement. Je vais définir juste après : pour moi, dans ce cas-là, il n’y a pas d’interopérabilité véritablement, en fait.
Public
 : Inaudible

Compatibilité et interopérabilité

Marie : C’est ça. Il y a deux grandes notions. Je n’ai pas fait tous les autres ça fait trois cent cinquante pages chez moi, donc j’ai résumé, bien évidemment, toutes les autres notions, on va passer à côté. La notion de compatibilité, la notion d’interopérabilité, puisque ce sont les deux finalement. Quand vous expliquez, donc à des juristes, quand vous expliquez la notion d’interopérabilité, ils confondent généralement avec celle de compatibilité, ils ne voient absolument pas la différence, et ils ne voient pas en quoi le combat pour l’interopérabilité ne peut pas être gagné par la mise en place d’une compatibilité qui, finalement, irait très bien à tout monde et qui emmerderait moins le monde. C’est comme ça qu’ils le voient véritablement.
La compatibilité, c’est quoi ? Il n’y a pas de communication, en fait, véritablement entre les deux éléments. C’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas échanger entre eux. Il n’y a pas un socle commun où ils puissent interagir entre eux. La différence c’est que l’interopérabilité, on va mettre en place un socle commun et chacun pourra se connecter à ce socle commun, que vous connaissez très bien, ce qui s’appelle le standard ouvert, le format ouvert de communication. Et dès qu’on aura mis ça en place, en fait, il n’y aura plus besoin de réfléchir « mais comment je vais développer ? Il faut que je fasse tel format, tel truc, tel logiciel ». Non. Vous savez qu’il y a un format ouvert qui est utilisé, vous n’avez qu’à vous connecter, et ça fonctionne parfaitement. Et c’est ça la notion d’interopérabilité, et c’est ça qu’il faut mettre en place dans les systèmes aujourd’hui, pour que l’ensemble des logiciels, l’ensemble des systèmes, puissent communiquer sans qu’il y ait une position dominante, sans qu’il y ait une société, véritablement, qui truste le truc, en imposant son format, en imposant son système, et que tous les petits logiciels, en particulier je pense aux logiciels libres, qui ne veulent pas accepter les conditions générales de l’Apple Store, ou ce genre de trucs, bien évidemment, puisque c’est de ça qu’on parle, puissent interagir et puissent communiquer entre eux. Voilà.
En droit, parce que oui, les juristes ont défini l’interopérabilité, ça tient en une toute petite phrase, véritablement, en droit on n’a qu’une seule définition. On n’a qu’une seule définition, c’est une directive. Oui, ils travaillent au niveau européen, ça arrive, et une directive qui date de 1991. 1991 ça commence à dater, quand même. Donc dès 1991, ils ont défini la notion d’interopérabilité dans la directive. Pourquoi ils l’ont définie dans la directive de 1991 ? C’est la directive qui est relative aux programmes d’ordinateurs. Donc, ça vous intéresse plus particulièrement, ça intéresse plus particulièrement les informaticiens, parce que c’est cette directive-là qui a mis en place, alors ce que moi j’appelle l’exception de décompilation, donc tout ce qui est décompilation, ingénierie inverse, la reconnaissance juridique de ces techniques-là, véritablement, ça a été fait avec la directive de 1991. Et c’est ça qui fait que, aujourd’hui, vous avez le droit de faire de la décompilation, à des fins d’interopérabilité exclusivement, bien évidemment, parce que si on dépasse ça, c’est illégal, et vous avez le droit de faire de l’ingénierie inverse à des fins d’interopérabilité uniquement. Donc il a bien fallu le définir.
Sauf que, quand on l’a défini au niveau européen, vous savez qu’en France il faut transposer la directive, on l’a fait, avec quatre ans de retard, bien évidemment, mais ça c’est accessoire, on l’a fait en 94, et qu’est-ce qu’a fait, bien évidemment, le législateur français ? Eh bien il n’a pas mis de définition ! Ce serait trop facile, parce que sinon ! Voilà. Donc il n’y a pas de définition en droit interne, ce qui nous pose un véritable problème puisqu’il faut qu’on se rapporte à la directive, et pour autant, le législateur français, notamment là en 2014-2015, a sorti plein de textes, avec la notion d’interopérabilité, mais plein, je vais vous les montrer, moi ça m’a fait paniquer sur la fin, 2014, je ne sais pas ce qui leur a pris, mais ils ont tout sorti. 2014, ils ont sorti plein de textes, ils n’ont jamais défini l’interopérabilité et ils n’ont jamais fait référence à cette fameuse définition. Après, il suffit qu’on s’y réfère, mais on aurait pu faire l’effort d’en intégrer une, sachant qu’il y en avait déjà une qui était à peu près correcte dans la directive.

Le consommateur ?

Maintenant je vais vous parler de l’autre petit acteur - et je vais faire le lien, juste après, entre les deux : le consommateur. Le consommateur ça, plutôt, c’est un gros mot de juriste. C’est-à-dire que c’est une notion à la base économique, effectivement, et qu’est-ce qu’on entend par consommateur quand on est juriste, et quand on est du côté de ce que moi je fais ? Ça c’est 2014. Il a fallu attendre 2014, pour que le législateur français définisse le consommateur en France. Pourquoi est-ce qu’il l’a défini en 2014 ? Parce qu’il y a une directive, qu’il a fallu qu’on transpose, un jour ou l’autre aussi, qui est entrée en vigueur, et mars 2014, on a introduit un article préliminaire, donc on l’a mis juste avant, préliminaire ça veut dire juste avant tous les autres articles, et on a défini, enfin, la notion de consommateur, en faisant exactement un copier-coller des textes européens, bien évidemment. On n’a pas cherché à aller au-delà. Donc ça, c’est la définition du consommateur et c’est lui sur lequel je me suis attardée véritablement. C’est quoi un consommateur ?

Marie
 : Micro. Je ne sais pas où il est. Micro.
Public
 : Je vous voudrais juste remarquer que, dans cette définition, on semble ne pas tenir compte d’une éventuelle activité associative, économie sociale et solidaire.
Marie
 : J’y arrive.
Public
 : D’accord.
Marie
 : J’y arrive sur les petites catégories, il n’y a pas de souci. Parce que, oui, forcément, quand on fait une définition, en droit, là elle n’est absolument pas parfaite, la définition du consommateur.

Premier élément qu’on voit, j’ai mis non-professionnel, parce que sinon ça faisait trop long sur le slide, c’est un non-professionnel. C’est-à-dire que c’est quelqu’un qui va faire un acte, à un moment donné, non pas pour son activité professionnelle, mais pour son activité, on va dire, entre guillemets, « personnelle ». Se pose la question, bien évidemment, de, ouais mais les associations, on les met dans quelle catégorie ? Les sociétés qui font, qui commandent du papier alors qu’elles font du traitement informatique, finalement ce n’est pas leur objet, ce n’est pas leur thème, ce n’est pas sur ça qu’elles sont compétentes, est-ce qu’on les met dans cette catégorie-là ? Et vous avez vu qu’ils mettent activité commerciale, industrielle, libérale. Sauf qu’il y a l’agriculture, il y a les associations, il y a plein de choses qui, finalement, si on lit la définition littéralement ne rentrent pas dans la définition du consommateur. Et là on est face, nous juristes, à un combat qu’il y a entre la Cour de cassation, qui est la haute juridiction au niveau du droit, et ces textes-là, pour essayer d’étendre, on va dire au maximum, dès l’instant où ça ne rentre pas dans votre activité professionnelle. On a une tendance qui est actuellement comme ça : par exemple un développeur fait de l’informatique. Il sera professionnel dès l’instant où il va acheter quelque chose d’informatique, d’accord jusque-là, où il va faire du traitement logiciel et compagnie. Mais s’il achète une assurance, s’il va au supermarché du coin, s’il va acheter de la bière pour sa soirée, théoriquement, là, il va être dans ce qu’on va appeler le non-professionnel, puisque ce n’est pas son activité, ce n’est pas son cœur d’activité d’acheter de la bière. Enfin.
Public : Inaudible.
Marie : Même s’il commence à s’y connaître. Mais voilà, dès l’instant que ce n’est pas le cœur de votre activité, vous serez consommateur, en théorie. Mais sur ça, ça bouge véritablement et ça varie constamment.
Deuxième problème qu’on a, c’est que dans la définition que je vous ai mise, c’est que c’est une personne physique. En droit on distingue deux choses : la personne physique, la personne morale. En gros, pour schématiser beaucoup, vous avez donc d’un côté le petit bonhomme, avec ses petites « papattes », et ses petites jambes, et vous avez de l’autre côté les sociétés, les associations, ce genre de choses. Si on prend littéralement la définition, ça signifie qu’une société ne peut jamais être consommateur. Ah oui, ce n’est pas une personne physique, donc elle ne peut pas être consommateur. Et là, on a une interprétation, et c’est là parfois où la Cour de cassation, tout ça, n’est pas à l’aise, oui, elle n’est pas consommateur, mais elle est non-professionnelle et elle peut avoir des dispositions du code de la consommation qui s’appliquent. Vous voyez la nuance de ce qu’ils font, c’est juste un tour de passe-passe pour essayer de faire appliquer, à certaines situations, où la société est en situation de faiblesse, autant que le consommateur. Et elle est autant en difficulté, qui fait que ça nécessite parfois que les textes applicables au consommateur lambda, doivent s’étendre à la personne morale, non-professionnelle.
Et là, et ça je suis très fière parce que c’est un geek qui a consacré cette notion-là de « consommateur moyen », au sens informatique. Et ça, c’est un membre de l’April, d’ailleurs, qui a fait une procédure, qui a été jusqu’à la Cour de cassation, sur les problèmes de vente liée. Vous savez c’est le problème de vente de l’ordinateur avec Windows dedans, avec le système d’Apple dedans, et on est venu lui reprocher, en fait, on est venu lui dire « oui mais vous faites une procédure sur ça, arrêtez de nous embêter parce que vous savez pertinemment comment enlever les logiciels. Vous êtes un informaticien, vous êtes quelqu’un d’averti. Vous connaissez les ficelles pour enlever les fameux logiciels dont vous demandez le remboursement, donc arrêtez de nous embêter, vous n’êtes pas un consommateur, puisque vous êtes averti. » Et il a été jusqu’à la Cour de cassation et la Cour de cassation est venue consacrer, donc pour les informaticiens, pour les développeurs, dans le pur sens technique, pour la première fois donc en 2014, la notion de « consommateur moyen », appliquée à ça. C’est-à-dire que peu importe vos connaissances techniques, peu importe que vous soyez le geek qui a développé le super logiciel qui fait tout, et que vous ayez des connaissances ultra-performantes sur les notions de logiciel, sur tout ça, vous serez toujours considéré comme un consommateur. Donc les dispositions vont s’appliquer à vous. Donc, peu importe que vous soyez super fort, on va considérer que vous êtes un consommateur. Alors ce n’est pas un gros mot « moyen », c’est juste qu’on catégorise, c’est juste qu’on va se fixer par rapport à un consommateur moyen, lambda. Et c’est ça qui a fait, et c’est ça qui fait qu’aujourd’hui, je peux parler de consommateur, même si vous êtes quelqu’un d’ultra averti, et même si vous connaissez parfaitement les logiciels, et que vous savez pertinemment comment enlever ces fameux logiciels qu’on vous vend de force.

Pourquoi ?

Pourquoi est-ce que je vous parle d’interopérabilité d’un côté, et pourquoi est-ce que je vous parle du consommateur de l’autre ? Parce que finalement, le consommateur, on ne va pas se le cacher, il en a un peu rien à faire de l’interopérabilité si on le voit comme ça. C’est-à-dire que : lui il achète un ordinateur, il veut que ça marche. Point. Moi, je me considère comme consommateur aussi, donc ça m’agace quand ça ne marche pas. Mais il considère que quand il achète un ordinateur il faut que ça fonctionne, peu importe le moyen, peu importe ce qu’il a dedans, ce qu’il veut c’est faire ce qu’il veut avec. Sauf que, quand il réfléchit comme ça, eh bien ça veut dire qu’il attend que, quel que soit le logiciel installé, eh bien il veut que ça fonctionne. Donc quand on lui met des obstacles, quand on lui met des obstacles qu’il ne comprend pas, vous savez quand il met son DVD dedans, et puis que ah, eh bien, par hasard, ça bloque parce que vous n’avez pas le plugin, le machin, le truc, vous n’avez pas installé Flash, vous n’avez pas installé truc, eh bien lui, peu importe, il s’en moque de ça, il veut que ça fonctionne.

Un droit du consommateur à l’interopérabilité

Et c’est cette mentalité-là du consommateur que j’ai prise en considération. Parce que le fait qu’il veuille que ça fonctionne, ça signifie que, pour lui, tout doit être interopérable. Ça signifie que pour lui il ne doit pas y avoir d’obstacle. Et ça signifie que pour lui, c’est ce qu’on appelle donc, pour nous, un droit à l’interopérabilité. Il est en droit d’exiger cette interopérabilité et il est en droit, donc, d’opposer à une autre personne en face, on va en parler à qui, parce que, finalement, c’est le problème, cette interopérabilité. Donc, c’est fini les DRM qui bloquent parce qu’on va en parler plus spécifiquement, c’est fini les DRM qui bloquent parce que vous n’avez pas acheté le truc Blu-ray qui fonctionne bien comme il faut, c’est fini le Flash qui n’est pas à jour, ce genre de truc. Lui, il faut que ça fonctionne, il faut que ce soit interopérable, et c’est l’exigence qu’a aujourd’hui tout consommateur.
Et ça a vraiment évolué ces dernières années, puisque lui, il a une exigence qui est un peu voisine, et qui nécessite une interopérabilité, c’est l’interconnexion. Vous savez qu’aujourd’hui, il veut rentrer dans sa voiture avec son smartphone, il veut que le smartphone se connecte à la voiture, il veut que, quand il rentre, les volets s’ouvrent tout seuls, quand il met sur son smartphone, donc il a une exigence d’interconnexion, qui fait que si on ne lui reconnaît pas un droit à l’interopérabilité, il est dans la merde, on ne va pas se le cacher, véritablement. Et c’est ça qui fait évoluer, et c’est ça qu’aujourd’hui, il faut travailler sur cette notion d’interopérabilité.
Et ceux d’en face, alors du coup. Parce que c’est bien gentil de dire le petit consommateur qui va à la Fnac « oui, mais mon interopérabilité, est-ce que je peux mettre tout dessus ? Est-ce que je peux faire tout ce que je veux avec ? » S’il va à la Fnac, à qui il va le dire ? Est-ce qu’il va le dire à Amazon, est-ce qu’il va le dire à l’éditeur du logiciel ? Est-ce qu’il va le dire Netflix ? Est-ce qu’il va le dire à tous ceux-là ? Parce que finalement ce sont ceux-là qui sont en interaction avec le consommateur.
Moi, je pense que tous les acteurs qui peuvent potentiellement entrer, qui donnent des logiciels, qui mettent à disposition des logiciels aux consommateurs, ont cette exigence, ont cette obligation d’interopérabilité. Et là, il va y avoir un gros combat sur lequel on va commencer à travailler, puisque vous savez qu’il y a la directive droit d’auteur qui est en train d’être réformée et compagnie, pour inclure cette notion-là, et pour travailler cette notion-là, et pour l’opposer, en particulier, parce que moi, il y a deux acteurs majeurs actuellement que j’ai identifiés : l’éditeur de logiciels, bien évidemment, c’est à lui de faire en sorte qu’il y ait l’interopérabilité pour le consommateur, et l’éditeur de contenus. Parce que, finalement, ce que fait le consommateur c’est, alors je sais que vous n’aimez pas trop ça, mais c’est consommer du contenu, ni plus ni moins, et donc, c’est à lui aussi d’assurer aussi qu’il prend les bons formats, c’est à lui d’assurer qu’avec n’importe quel ordinateur, avec n’importe quel système d’exploitation, on puisse lire le contenu que le consommateur a acheté. Parce qu’il n’y a rien de plus agaçant, vous téléchargez une musique, vous téléchargez un truc, alors ils parlent de téléchargement illégal, mais quand vous téléchargez légalement et que vous vous retrouvez à avoir payé 0,99 pour une chanson, ou 9,99 pour un album complet, et que vous vous retrouvez à ne pas pouvoir le lire, parce que j’ai fait l’expérience, du coup, avec un système d’exploitation libre, puisqu’il bloque, puisque vous n’avez pas les bons DRM qu’il faut et tout ça, eh bien, c’est une atteinte au droit du consommateur, véritablement. Et ça c’est quelque chose qui doit être sanctionné, et qui peut être sanctionné à l’heure actuelle.

Comment ?

Comment est-ce que concrètement, aujourd’hui, il existe un droit à l’interopérabilité ? (Parce qu’il existe en vrai, et il est identifié. Il n’est pas idéal, il n’est pas efficace, mais il existe aujourd’hui). Il y a trois éléments. Il y a trois éléments qui ont beaucoup évolué ces dernières années et qui démontrent, en fait, que le législateur français prend de plus en plus en considération ces problèmes numériques, ces problèmes d’interopérabilité, véritablement.
Le premier élément, c’est une obligation d’information, je vais y revenir juste après. Le deuxième, c’est une obligation, et alors là, on pourrait en discuter longuement et ça pourrait faire l’objet d’une conférence à elle seule, une obligation de ne pas faire obstacle à l’interopérabilité et j’y reviendrai. Et le troisième qui existe, c’est une sanction. Parce qu’il existe une sanction pour le défaut d’interopérabilité aujourd’hui. Cette sanction c’est la sanction de ce qu’on appelle, nous, les vices cachés, et j’y reviendrai tout à l’heure.

Une obligation d’information

Première obligation : l’obligation d’information. Cette obligation d’information, elle existe, donc, depuis l’année dernière. C’est-à-dire que depuis l’année dernière vous avez deux petits articles dans le Code de la consommation, qui viennent dire que vous devez transmettre au consommateur les informations, je vous ai reproduit les textes, les informations relatives à l’interopérabilité. Et vous voyez qu’après on a petit décret, quand il y a un « R » c’est un petit décret, en fait, il y a un petit décret qui a précisé le truc en disant que c’était donc l’interopérabilité dont les mesures techniques de protection, moi c’est mon gros mot, en fait en juriste, les mesures techniques de protection, c’est ce que vous appelez les DRM. D’accord ? Donc aujourd’hui, et c’est une obligation, il doit y voir une information sur les DRM et sur l’interopérabilité. S’il y en a qui sont connectés, ils peuvent regarder sur n’importe quel site, est-ce qu’il y a une information sur l’interopérabilité aujourd’hui ? Pas encore. Pas encore et, à mon avis, il y a un gros travail à faire là-dessus, il y a un gros sujet à faire là-dessus, puisque depuis septembre 2014, il doit y avoir ça, il doit y avoir l’information sur l’interopérabilité. Comment ? Qu’est-ce ? Quoi ? C’est leur problème, finalement. Ils ont une obligation à respecter. C’est dans le même article que l’obligation sur le prix. Ils le mettent le prix ! Donc pourquoi est-ce qu’ils ne mettent pas l’interopérabilité ? Ils sont obligés aujourd’hui. Donc vous devez avoir, quand vous avez les caractéristiques d’un bien numérique que vous avez acheté, cette information sur l’interopérabilité. Donc : comment il rentre en communication, quels sont les logiciels qui rentrent en communication, et tout ça. Voilà.

Une obligation à ne pas faire obstacle à l’interopérabilité

Deuxième obligation, et celle-là elle existe depuis un certain temps, elle fait polémique, et elle continue à faire polémique, parce qu’à mon avis, elle est parfaitement inadaptée à l’heure actuelle, c’est une obligation de ne pas faire obstacle à l’interopérabilité. C’est ce que nous on appelle une obligation de ne pas faire. C’est-à-dire je ne mets pas en œuvre, positivement, l’interopérabilité, mais je ne l’empêche pas non plus. Et je ne l’empêche pas, en particulier quand je recours aux DRM, puisque c’est ça, en fait. Alors vous allez m’expliquer comment, en ne recourant pas aux DRM, je ne fais pas obstacle à l’interopérabilité quand même. Et la fin de la petite phrase de cet article-là, le 331-5, virgule, « dans le respect du droit d’auteur ». Donc, je ne dois pas faire obstacle à l’interopérabilité, même si je recours à des DRM, virgule, dans le respect du droit d’auteur.
Alors autant vous dire que cette phrase-là, elle dit tout et rien et elle est assez impossible à mettre en œuvre concrètement, et à comprendre comment on ne peut pas faire obstacle à l’interopérabilité en recourant à des DRM qui précisément font obstacle, dont c’est l’objet, finalement, de faire obstacle à l’interopérabilité, pour certains types de logiciels et certains trucs que vous allez utiliser. Donc pourquoi est-ce qu’on a une phrase, comme ça, qui veut tout et rien dire ? C’est issu, donc, pour certains, pour la vielle garde des luttes d’il y a quelques années, c’est issu de ce que vous connaissez, c’est donc la loi DAVDSI, pour ceux qui ont connu les débats sur ça. En fait, ils ont essayé de faire un compromis entre les positions de la communauté du Libre, au moment où ils se sont mobilisés, et les ayants droit. Donc, en fait, vous avez « dans le respect du droit d’auteur », en même temps que le reste, et ça ne veut finalement rien dire d’un point de vue juridique. C’est inapplicable, et ce n’est pas possible de trouver une application complète.
Et ils vous ont précisé que si on n’arrive pas à mettre en œuvre l’interopérabilité, parce que les DRM font obstacle, vous devez communiquer les informations essentielles pour mettre en œuvre cette interopérabilité. Donc, vous devez mettre à disposition les informations qui permettront au développeur d’adapter les logiciels pour l’interopérabilité. Et si vous ne le faites pas, eh bien ils pourront recourir à des compilations, seulement si vous ne le faites pas, et ils pourront recourir à l’ingénierie inverse. C’est ça. Et si, même ça, il y a encore des obstacles, vous allez pouvoir saisir, et si vous voulez on fait conférence sur ça dans deux jours, vous pouvez saisir l’HADOPI. Et l’HADOPI vous sauvera, parce qu’elle vous aidera à obtenir les informations essentielles à l’interopérabilité.
Donc c’est le texte, et j’ai envie d’en terminer là, c’est le texte. Parce qu’on a essayé de le mettre en œuvre, donc vous êtes au courant qu’on a essayé de faire une procédure. On n’a pas fait une procédure pour la communication des informations essentielles à l’interopérabilité. On avait essayé de réfléchir, avec l’association VideoLAN, qui gère le logiciel VLC, à essayer de comprendre ces deux morceaux-là. Et donc on s’est dit, eh bien il y a une procédure pour avis où ils expliquent. Donc on avait saisi l’HADOPI pour qu’ils nous expliquent, ce que nous, finalement, on n’arrive pas à combiner. Voilà. Je n’ai toujours pas compris ! Je vous invite à aller voir le texte, je vous invite à aller voir la communication qu’ils font. En gros, ils nous disent : « Oui c’est possible, allez demander à Sony, parce que c’était Sony en face, c’était Blu-ray, allez demander à Sony les informations essentielles ». Eh bien, oui mais si je ne peux rien en faire, parce qu’il y a toute une série d’exceptions, bien évidemment, ça, ça fait trois lignes, mais il y a tout un truc derrière, si je ne peux rien en faire qu’est-ce que je fais après avec mes informations essentielles, si je ne dois les garder que pour moi, parce qu’il y a la sécurité du truc, la violation du DRM, parce qu’il y a ça aussi, théoriquement, qu’est-ce que je peux en faire ?
Donc aujourd’hui on en est là, et aujourd’hui il y a ces textes-là qui existent, et sur lesquels, finalement, on ne peut rien faire, concrètement, et je suis désolée de dire aux développeurs aujourd’hui que, en l’état des textes, je ne peux pas leur garantir qu’ils peuvent faire tout pour garantir l’interopérabilité. Ce n’est pas une valeur supérieure au droit d’auteur, à ces choses-là, même si c’est un droit aujourd’hui.

Sanction de la garantie des vices cachés

Et pour autant, aujourd’hui, et c’est ça que certains éditeurs n’ont pas compris, il y a une sanction qui existe, et cette sanction elle est concrète, aujourd’hui, pour un défaut d’interopérabilité. Parce que moi, à mon avis, quand vous achetez et ça a été jugé, donc ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les juges finalement, aujourd’hui, quand vous achetez un CD, quand vous téléchargez une musique, et que vous n’arrivez pas à le lire, eh bien c’est une atteinte au droit du consommateur. C’est inadmissible parce qu’il n’a pas été informé. Il n’a pas été informé de ça. Et il n’a pu voir dès qu’il l’a acheté, il ne le savait pas, et, bien sûr, il n’a pas les connaissances de toutes façons suffisantes, pour le savoir. Et là, on rebascule sur un truc classique, que moi j’applique aux voitures, à plein d’objets, aux machines à laver, à plein de trucs, finalement un logiciel c’est un truc comme un autre, et un contenu numérique c’est un objet comme un autre, qu’il faut traiter comme un autre, en droit, et c’est la sanction de ce qu’on appelle les vices cachés.
Les vices cachés, eh bien si vous n’aviez pas connaissance du vice au moment de la conclusion du contrat, donc le défaut d’interopérabilité, nécessairement vous n’en aviez pas connaissance, si ça rend impropre le logiciel à ce que vous vouliez en faire, c’est-à-dire que vous ne pouvez pas l’utiliser, ou vous l’utilisez et ça fonctionne tellement mal que ce n’est juste pas possible, et s’il existait avant que vous ne concluiez le contrat, ce qui est le cas d’un défaut d’interopérabilité, eh bien vous pouvez demander la résiliation du contrat, c’est-à-dire le remboursement, éventuellement des sommes, ou le remplacement. Alors autant vous dire que c’est le remboursement, parce que remplacement, ça ne va jamais fonctionner non plus.

Public
 : Inaudible.
Marie
 : Voilà.
Public
 : Et là aussi, est-ce que tu as le principe du consommateur moyen ? Typiquement, nous en tant qu’informaticiens si on achète un matériel qui, on sait, mais ce n’est pas écrit dessus, qu’il ne peut pas être consommé.
Marie
 : Il n’y a pas de procédures qui ont été engagées sur ce terrain-là, sur le terrain du défaut d’interopérabilité. Il n’y a pas de procédures qui ont été engagées par des développeurs, par des informaticiens. D’accord. Ils travaillent beaucoup sur la vente liée, déjà il y a beaucoup de travail, je pense, sur ça, et les seules décisions qu’on a, c’est sur des CD. C’est sur ce genre de choses où, en fait, il y a, notamment une jeune femme, elle n’est pas du tout geek, rien du tout, elle a dû faire une question de principe, ça devait être une chanteuse genre Lara Fabian, ou un truc comme ça, c’est pour ça, elle n’arrivait à le lire sur son autoradio. Enfin elle n’arrivait à transférer pour pouvoir le lire sur son autoradio de voiture, elle a fait une procédure, elle a gagné. Elle a gagné sur le défaut d’interopérabilité. Je ne vous dis pas à tous de faire ça, parce que, pour 9 euros 99, engager la procédure et compagnie, mais c’est une question de principe qui fait avancer le débat, et qui fait que, finalement, ça existe et on peut, véritablement, sanctionner le défaut d’interopérabilité.
Public
 : Oui, mais il n’y aurait pas moyen d’avoir quelques dédommagements en plus du remboursement, quand même ?
Marie
 : Pour 9 euros 99, les seuls dédommagements, au maximum, les juridictions ne donnent pas plus que le montant à peu près, donc ça tournerait autour de ça.
Public
 : Justement, il n’y a pas ?
Marie
 : Si, on peut demander des dommages et intérêts.
Public
 : On ne peut pas demander, par exemple, le remboursement au moins des frais d’avocat ou des choses comme ça.
Marie
 : Si, mais ça ce sont les frais de procédure, bien évidemment, mais ils ne sont jamais à la hauteur de tout ce que vous avez engagé. Les juridictions, quand vous vous amenez avec un dossier à 9 euros 99, ils regardent comme ça, d’un air de dire « mais tu m’encombres, tu m’embêtes ». En plus, ça vient devant ce qu’on appelle les juridictions de proximité. Donc ce sont des petites juridictions, ce ne sont pas des juges professionnels, et c’est pour ça que vous avez des problèmes, aussi, avec les procédures « vente liée », parce que vous arrivez devant des juges qui se disent « mais qu’est-ce qu’ils font. Mais qu’est-ce qu’ils m’embêtent, finalement, avec leur procédure », quoi !
Public
 : Inaudible.
Marie
 : Oui. Mais il faut continuer à les embêter.
Public
 : Pratiquement c’est tous les jours.
Marie
 : Il faut les embêter pour que la pratique évolue.
Public
 : Je sais qu’il n’y a pas de

class action, mais, personnellement, on ne pas grouper un certain nombre d’occasions où par exemple on n’a pas pu acheter un truc, parce que la première fois on s’est fait avoir. Admettons, on l’achète, on a la preuve d’achat, mais après, le lendemain, le surlendemain, on aurait voulu acheter et on ne peut pas.

Marie
 : Oui on pourrait. Il y a l’action de groupe qui existe aujourd’hui, mais vous savez très bien, en France, elle est extrêmement restrictive, puisqu’il faut l’accompagnement d’une association de consommateurs, autant vous dire que ce n’est pas, actuellement, le sujet prioritaire, mais à mon avis, peut-être qu’un jour on y arrivera.
Public
 : À L’UFC-Que Choisir , il font de très belles choses.
Marie
 : Oui, mais en fait ils nous ont dit que ce n’était pas actuellement la priorité. Ils ont d’autres actions de groupe dans les

starting-blocks, ils veulent lancer les autres actions de groupe et avoir des décisions.

Public
 : Je parle de l’UFC.
Marie
 : Oui, pardon. L’UFC-Que Choisir, qui ont engagé plusieurs actions de groupe, ils ont engagé plusieurs actions de groupe, pour voir véritablement si l’action de groupe fonctionne, et si elle est efficace. Puisque c’est ça aussi qu’il faut voir, parce que c’est bien joli d’avoir mis en place une action de groupe, mais si elle n’est pas efficace, ça ne sert à rien qu’on se lance tous. Ils ont lancé plusieurs procédures, et on va attendre de voir ce que ça donne sur d’autres sujets, pour effectivement voir s’il y a moyen de faire. Sur la vente liée, donc là on va mettre entre parenthèses, parce qu’il la CJUE, donc la Cour de Justice européenne qui a été saisie, donc ça ne sert à rien en attendant la décision de la CJUE, mais, à mon avis, de discuter de ce genre de problèmes-là, qui pourrissent véritablement la vie au quotidien des consommateurs, il y a moyen, effectivement, qu’une association de consommateurs suive et soutienne une action comme celle-là.
Public
 : Oui, mais en attendant qu’on puisse avoir une action de groupe, je me disais en tant que personne, enfin moi ou quelqu’un d’autre, admettons que la personne achète quelque chose à 9 euros 99 et constate que ça ne fonctionne pas, après ce jour-là où elle a acheté le truc, elle est victime d’un vice caché, mais le lendemain, elle n’est pas victime d’un vice caché, mais elle est victime parce qu’elle n’achète pas, parce qu’elle le sait, cette fois, que ça ne marche. Et le lendemain elle est victime d’une discrimination, enfin de quelque chose, qui empêche. On a un produit qui est là et qui n’est pas…
Marie
 : C’est sûr, l’action vice caché c’est sur un seul achat, véritablement, puisque, après, vous en avez parfaitement connaissance. En fait, si vous continuez à acheter le même modèle, le même truc, vous aviez connaissance.
Public
 : Le même genre de truc, en fait.
Marie
 : Oui, et pour autant, même moi je continue à me faire avoir quand je télécharge un truc, quand je me dis « allez, on essaie de bien faire, de respecter ».
Public
 : Ce n’est pas que le téléchargement, on achète des DVD, on a des ordinateurs.
Marie
 : Bien évidemment, des DVD moi j’en ai je ne sais combien qui ne fonctionnent pas avec mon ordinateur à moi.
Public
 : Et donc, on ne peut pas prolonger ce préjudice dans le fait qu’on est discriminé ?
Marie
 : Non, ce n’est pas dans le temps.
Public
 : Ça ne marche pas ?
Marie
 : C’est uniquement sur l’acte d’achat la sanction de vice caché. Mais il y a quelque chose à faire, et je n’en démords pas, et j’espère pouvoir aller plus loin que la théorie, en fait, sur ce sujet-là. C’est pour enregistrer, c’est juste pour enregistrer.
Public
 : Moi je pense quand même que si l’UFC-Que Choisir, donc l’Union française des consommateurs, est sensible à ce genre de choses.
Marie
 : Ils sont sensibles.
Public
 : Mais ce n’est pas leur priorité, ce n’est pas en attendant qu’ils aient des nouvelles que ça deviendra leur priorité. C’est peut-être aussi en les relançant, nous au niveau individuel, régulièrement, chacun d’entre nous, pas forcément l’April.
Marie
 : Bien sûr, régulièrement. Moi j’incite chacun à écrire, il n’y a pas que l’UFC-Que Choisir, bien évidemment, mais toutes les associations de consommateurs qui sont habilitées, véritablement, à accompagner ce genre de procédure, à les relancer régulièrement, parce que c’est un vrai problème, aujourd’hui, à mon avis. Et c’est quelque chose sur lequel il y a moyen de faire quelque chose et que ça va évoluer. Et, face aux problèmes que je vous ai présentés, alors c’est à ma petite échelle bien évidemment, mais c’est quelque chose sur lequel on travaille actuellement dans le cadre de la réforme de la directive droit d’auteur notamment, ni plus ni moins ce qu’il faut faire aussi, c’est de changer les textes, parce qu’ils ne sont pas figés les textes. Ils vont changer, effectivement, à terme, et, à mon avis, dans un avenir relativement proche, il y a moyen de faire évoluer ces textes. De quelle façon faire évoluer ces textes pour qu’ils s’adaptent et pour qu’ils correspondent à l’exigence d’interopérabilité, au droit à l’interopérabilité qui existe aujourd’hui ?

Avenir ?

Renforcer l’obligation d’information

Il y en a trois, que moi je vois principalement. La première c’est de renforcer cette obligation d’information. Alors c’est joli, c’est une première étape sur laquelle il faut se féliciter, être très content de l’obligation d’information qui a été instaurée, mais c’est, véritablement, faire que cette obligation d’information soit efficace. Comment en particulier ? Je vous donne un seul exemple. Dans le texte que je vous ai mis c’est une information sur le contenu numérique, il n’y a que ça sur l’interopérabilité du contenu numérique. Ça signifie, si je fais une lecture littérale du texte, que l’information sur l’interopérabilité logicielle, il n’y a pas. Il n’y a pas puisque ce n’est pas marqué dans le texte. Donc autant essayer de perfectionner le texte, autant essayer de l’améliorer, en mettant également l’interopérabilité logicielle et informer les gens de l’interopérabilité logicielle.

Consacrer une obligation de recourir à un format ouvert et non protégé de données

Le deuxième truc, alors j’avais très peur quand j’ai proposé ça, la personne que j’avais en face, le jour où je l’ai présenté, est l’auteur de la loi DADVSI, enfin l’un des auteurs de la loi DADVSI, en fait, donc j’avais très peur qu’il me dise : « C’est la fin du monde ! Vous faites tout tomber, vous avez fait tomber le droit d’auteur ! », la deuxième chose qu’il va falloir faire, à un moment donné, ça c’est un vaste débat, mais on va y arriver un jour, à mon avis, eh bien c’est d’obliger au recours à des formats non protégés, donc sans DRM, et des formats ouverts, des standards de communication, en particulier pour les données. Et ça, le jour où on arrivera véritablement à une obligation de faire ça, eh bien vous aurez quand même un gros obstacle, qui est celui des DRM, qui va un jour tomber. Et ce sera déjà un gros morceau d’éliminé. Alors ils inventeront peut-être autre chose, pour faire obstacle à ça, et pour garder leur monopole, mais au moins, si vous faites déjà ça, il y a un gros travail qui sera fait. Et à mon avis, le prochain combat, donc s’il y a une mobilisation à faire de la communauté, c’est sur la directive droit d’auteur, qui arrive. Tout le monde parle de TAFTA, de tout ça, effectivement, mais il y en a un gros qui arrive, qui est la réforme de la directive droit d’auteur, s’il y a un travail à faire, on avait de bons espoirs quand le premier rapport est sorti, ça a commencé à tomber, mais s’il y a un gros travail de mobilisation à faire, c’est que, dans ce texte-là, il y ait la fin des dispositions relatives aux DRM, parce que c’est ça qui pourrit la vie des gens, véritablement. C’est ça qui fait qu’aujourd’hui ça bloque un petit peu.

Instaurer une responsabilité de plein droit du professionnel

Et le troisième, et après je donne la parole aux questions comme ça j’en aurai fini sur la présentation, le troisième et ça aussi, à mon avis, la Fnac et compagnie vont faire des bonds quand on va proposer ça, c’est d’instaurer une responsabilité de plein droit du professionnel. Parce que vous savez très bien que le consommateur ne sait pas forcément qui a édité son CD, son truc, son machin, eh bien, le seul qu’il connaît, le seul qu’il identifie, c’est le vendeur en face. Et le seul qui est contractuellement tenu avec lui c’est la Fnac, c’est Amazon, c’est tout ça, c’est lui, le vendeur, en face. Eh bien, si lui est responsable de plein droit du défaut d’information et tout ça, je vous prie de croire qu’un jour, il va faire en sorte que cette obligation soit respectée, et il fera en sorte que tout soit respecté, pour ne pas avoir tous ses consommateurs, tous ses potentiels acheteurs, qui soient mécontents et qui reviennent vers lui systématiquement. Et ça, ce sont trois points juridiques sur lesquels, véritablement, il y a des choses à faire et sur lesquels il faut travailler. Et je vous incite à vous mobiliser, en particulier sur la directive droit d’auteur. Voilà. Je vous remercie, je fais place aux questions si j’ai encore un tout petit peu de temps.
Applaudissements

Public
 : Ce qui pose question c’est le fondement, enfin c’est le premier fondement juridique que vous avez identifié, c’est la question de la garantie légale des vices cachés. Ce fondement-là me paraît fragile, parce que c’est de la nature même du logiciel et du matériel, dans une période d’innovation extrêmement rapide, que de comporter, en soi, des vices cachés, et que donc, par conséquent si le juge décidait d’ouvrir un peu le champ d’interprétation de cette notion-là, il va se retrouver très vite submergé par les demandes des consommateurs.
Intervenant
 :Concernant les bugs.
Public
 : Ça concerne non seulement les bugs, mais concernant aussi le fait que l’interopérabilité dont on parle là, c’est du matériel qui évolue très rapidement, et des standards aussi qui évoluent très rapidement. Je pense que le juge ne prendrait jamais le risque d’ouvrir cette notion parce qu’il a peur des conséquences.
Marie
 : Il l’a fait. Il applique déjà la garantie des vices cachés.
Public
 : Oui, mais alors, j’aimerais dire au grand public et aux particuliers, c’est-à-dire ce qui concerne les gens qui sont aussi dans la salle, ça me paraît un peu, on va dire, ambitieux. Bon, bref. Je poursuis en disant, qu’en fait, le fondement qui me paraît le plus approprié, ça existe déjà en réalité, tout ce que vous évoquez à la fin, c’est le devoir de conseil du commerçant sachant, vis-à-vis du consommateur.
Marie
 : Mais il n’y a pas de sanction. Il n’y a pas de sanction de remboursement.
Public
 : Il n’y a pas de sanction du remboursement, mais le fondement existe. C’est-à-dire qu’il faut aussi, et c’est ce qui n’apparaît pas assez dans votre présentation, il faut aussi renvoyer le consommateur à ses responsabilités. C’est-à-dire que la personne qui, lors de son acte d’achat, ne pose pas les questions, ne va pas creuser les notices, n’interroge pas suffisamment le produit qu’elle achète, elle est aussi, d’une certaine manière, renvoyée à sa propre incompétence, mais aussi à son défaut de curiosité. Et je trouve que ça manque.
Marie
 : Je pense que vous prenez les consommateurs pour des gens trop avertis. Allez à la Fnac. On a déjà fait le jeu, parce que du coup je le sais. « Est-ce qu’il y a des logiciels pré-installés dedans ? » « Peuh ». Le vendeur Fnac, du rayon ordinateurs. Les gens, le vendeur qu’ils ont en face, c’est le vendeur Fnac, c’est le vendeur, quand il vend, quand ils se déplacent, parce que maintenant ils commandent tout par Internet. Qui le consommateur peut-il interroger sur l’interopérabilité, véritablement ? Et est-ce que vous croyez que le consommateur va se préoccuper, quand il va dans le magasin, de ça ? Concrètement, en allant, en embêtant tout le monde ? À mon avis vous prenez le consommateur pour quelqu’un de trop averti.
Public
 : C’est son boulot. Non ce que je récuse ici c’est le fait d’abonder, justement, dans la définition du consommateur que vous sembliez réprouver, c’est à-dire un consommateur colérique, pour qui ça doit fonctionner à tout prix.
Marie
 : Bien sûr !
Public
 : Sans condition, et que le droit abonde dans la vision de ce consommateur-là. Alors, qu’en réalité, c’est une autre vision qu’il faut nourrir. C’est la vision d’un consommateur éclairé, responsable, interrogé sur ce qu’il est en train d’acheter, et sur l’ensemble des dimensions que comprend son achat. Et obliger le professionnel à être proactif sur cette notion-là, c’est-à-dire lui donner l’information, et si le consommateur derrière se plaint, eh bien j’ai envie de dire : « Écoutez, vous aviez accès à l’information, vous n’avez pas creusé vous-même ».
Marie
 : Non, mais si l’information est présente, je suis tout à fait d’accord. Mais l’information, elle n’est pas présente, elle n’existe pas. Et là vous prenez à l’envers la problématique. C’est-à-dire que le code de la consommation et la notion de consommateur a été créée parce que, et, du coup, je vais utiliser un gros mot pour choquer volontairement, parce que le consommateur est un abruti en matière d’achat. C’est ce qu’on appelle, nous, une partie faible. La partie faible doit être protégée, comme le salarié est protégé par le code du travail, face à l’employeur. Le consommateur est protégé face au professionnel, parce qu’on considère qu’il n’a pas les connaissances et qu’il n’a pas les moyens suffisants, lui-même, pour se protéger tout seul. Et c’est pour ça qu’a été créé le code de la consommation, et c’est pour ça que toutes ces dispositions, enfin les dispositions sur l’information, sont dans le code de la consommation, parce qu’on considère qu’il est « trop bête », entre guillemets, pour récupérer et pour comprendre lui-même la situation dans laquelle il est. Et c’est ça, en fait, sur lequel a été construit le code de la consommation, et c’est comme ça qu’il est appréhendé en droit. C’est pour ça que la notion de consommateur moyen, ce n’est pas du tout choquant. On considère qu’il est lambda, on ne va prendre en compte s’il est trop bête ou trop intelligent. C’est ça, en fait, la notion de consommateur moyen. Moi je pense que, même au niveau du numérique, effectivement, plus on protégera le consommateur, plus on fera avancer sur ces notions-là. Je suis tout à fait d’accord que vous pouvez avoir une vision complètement différente de la notion de protection du consommateur en numérique. Mais ça pousse aussi les développeurs à faire que les logiciels, effectivement, fonctionnent mieux un jour, et soient beaucoup plus efficaces, pourquoi pas, dès le démarrage, sans les bugs à répétition, dès le démarrage, effectivement.

Est-ce qu’il y a d’autres questions ? Je pense que j’ai dépassé mon temps. Voilà, on ne peut pas, donc je laisse la place à l’intervenant suivant. J’invite Benjamin Jean qui a eu l’amabilité de faire le deuxième volet juridique de ces RMLL puisque, pour le coup, ce sont deux conférences qui sont très juridiques, très poussées sur ça, et donc je l’invite à prendre ma place.

Avertissement : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant⋅e⋅s mais rendant le discours fluide. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.