« En quoi la stratégie du numérique éducatif va impacter ma classe » - Audran Le Baron

À l’heure de la rentrée, il était effectivement nécessaire de parler aussi de stratégie et de ce qui est mis en place par la Direction du Numérique pour l’Éducation, la DNE, et peut-être aussi ce qui est attendu pour 2024.

Éric Fourcaud : Bonjour et bienvenue dans Les Podcasts de LUDOMAG.
Je suis Éric Fourcaud rédacteur en chef de LUDOMAG, premier magazine en ligne de partage d’expériences d’enseignants francophones sur leurs pratiques pédagogiques en classe avec le numérique.
Chaque semaine, nous recevons des enseignants, formateurs, éditeurs, chercheurs et institutionnels qui ont quelque chose à dire ou proposent des solutions à utiliser en classe.
Les Podcasts de LUDOMAG, saison 4, « Des Projets dans ma Classe ».

Aujourd’hui nous recevons Audran Le Baron, directeur du numérique pour l’éducation au ministère de l’Éducation nationale [1] avec qui nous allons parler de stratégie.
Bonjour Audran Le Baron.

Audran Le Baron : Bonjour Éric Fourcaud.

Éric Fourcaud : À l’heure de la rentrée, il était effectivement nécessaire de parler aussi de stratégie et de ce qui est mis en place par la direction du numérique pour l’éducation, la DNE pour les gens qui ont l’habitude de ces trois lettres, et peut-être aussi de ce qui est attendu pour 2024.
Comme on le sait, un nouveau ministre a été nommé au début de cet été, avec une équipe en partie renouvelée, j’imagine, autour de lui. Cela change-t-il la donne pour le numérique en éducation et sur les orientations de la DNE pour le moment, Audran Le Baron ?

Audran Le Baron : Est-ce que ça change quelque chose ? Bien sûr, toute arrivée d’un nouveau ministre change la donne. Au cas particulier nous avons traduit, dans un document assez complet, une stratégie du numérique pour l’éducation [2] avec le prédécesseur du ministre, Pap Ndiaye, en début d’année. Le nouveau ministre, Gabriel Attal, s’en est emparé et a déjà eu l’occasion d’ailleurs d’annoncer publiquement, dans une interview, qu’il faisait sienne cette stratégie, qu’il allait néanmoins prendre le temps de la regarder dans le détail, éventuellement d’y apporter quelques ajustements et qu’on le ferait posément, dans la concertation. C’est donc ce que l’on va probablement faire dans les prochaines semaines pour mettre à jour, le cas échéant, ce qui doit l’être avec l’ensemble des événements qui ont pu se dérouler depuis maintenant presque un an. Raison pour laquelle, à la date anniversaire de la publication de la stratégie, on pourrait effectivement faire une mise à jour mineure, mais qui sera issue de la concertation et de la volonté du ministre, que je veux souligner, d’avancer dans le sujet du numérique pour l’éducation. C’est un sujet qu’il souhaite porter, donc nous serons au rendez-vous.

Éric Fourcaud : Peut-on dire que la stratégie ou la méthode qui a déjà été mise en œuvre c’est d’abord et avant tout proposer une vision commune aux différents acteurs, qu’on appelle parfois la communauté du numérique éducatif – collectivités, enseignants, cadres, EdTech –, est-ce que c’est avant tout ça ou plus ?

Audran Le Baron : Merci de poser cette question dans ces termes. Souvent on me dit « la stratégie du ministère » et je réponds « non, ça n’est pas la stratégie du ministère, c’est la stratégie du numérique pour l’éducation », c’est donc une stratégie qui est le fruit d’une grande concertation avec l’ensemble des acteurs, que ce soit les acteurs institutionnels, l’État sous toutes ses formes, les collectivités territoriales et tous les niveaux de collectivités territoriales, les entreprises de l’EdTech, mais également tous ceux qui participent – les représentants des parents d’élèves, des professeurs, des élèves. Bref ! C’est vraiment tout ce travail de concertation qui a abouti à une vision largement partagée. Je ne veux pas dire qu’on est d’accord sur tout, il y a évidemment toujours des choses que certains voudraient voir un petite peu modifiées, amendées, etc., mais c’est globalement le fruit d’un consensus et c’est finalement ça la force de cette stratégie : elle est transpartisane, si j’ose dire, elle fédère l’ensemble de la communauté.

Éric Fourcaud : On rappelle qu’en 2020 il y a eu les États Généraux de l’Éducation [3]. Suite à cela, il y a eu une réflexion menée sur cette stratégie, il y a eu l’organisation d’un colloque, en 2022, et puis la création d’un comité de dialogue entre les collectivités locales, territoriales, et le ministère ou le ministre.

Audran Le Baron : Absolument. Pour le coup, on a capitalisé sur des choses qui existaient déjà, pour être très honnête, mais un des premiers points que l’on pose dans la stratégie, ça correspond à l’essentiel du premier axe de la stratégie, c’est de travailler effectivement sur la gouvernance. Dans le numérique pour l’éducation, comme j’ai eu l’occasion de le dire à l’instant, il y a beaucoup d’acteurs qui participent – État, collectivités territoriales, entreprises, associations, communautés. L’enjeu c’est de faire en sorte que l’ensemble des acteurs partage finalement un cap, une stratégie, une méthode, donc le sujet de la gouvernance est crucial là-dedans, notamment le suivi de la gouvernance entre l’État et les collectivités territoriales puisqu’on ne développe rien dans le numérique, dans l’éducation, sans le recours aux collectivités territoriales qui sont notamment à la manœuvre pour les équipements, mais pas que, et le ministère, lui, a évidemment sa part à jouer en matière de formation, en matière de disciplines, de compétences numériques, etc. Donc ça n’est qu’en parlant ensemble, en prévoyant ensemble la feuille de route qu’on arrivera à quelque chose. C’est un point fondamental.

On avait déjà, de longue date, un comité des partenaires au sein du ministère à mon niveau, qui se tient tous les mois, en lien avec l’ensemble des représentants des collectivités territoriales – communes, départements et régions –, mais on a vraiment essayé d’avoir une instance réellement opérationnelle où on se dit les choses en transparence et de façon constructive et on a vraiment réussi à renouer un dialogue constructif, chaque mois, sur ces sujets-là avec une vraie relation de confiance ; si je me permets de le dire c’est que c’est le type de retour que j’ai eu. On a vraiment une instance qui fonctionne bien au niveau national de ce point de vue-là, à mon niveau. Il manquait une instance à un niveau plus politique, qui implique le ministre, non pas seulement sur le numérique éducatif, mais sur l’ensemble des politiques publiques liées à l’éducation. C’est quelque chose qui a été mis en place en septembre dernier par le ministre Pap Ndiaye, c’est également une instance sur laquelle notre nouveau ministre, Gabriel Attal, souhaite continuer parce qu’il voit tout le sens qu’il y a à maintenir ce dialogue politique, resserré, avec les collectivités territoriales. On a donc maintenant effectivement une gouvernance à la fois politique et puis plus technique, j’ai envie de dire, qui est opérationnelle au niveau national et qu’il s’agit de « décliner », entre guillemets, au niveau territorial. Il y a déjà beaucoup de choses qui existent. Là où il y a déjà une gouvernance qui marche il ne s’agit surtout pas de la modifier, on ne bouge pas quelque chose qui marche, mais de s’assurer que dans tous les territoires il y a bien une gouvernance à la fois à un niveau politique et à un niveau opérationnel qui fonctionne, notamment sur le sujet du numérique éducatif.

Éric Fourcaud : D’accord. On s’est donc mis d’accord sur les responsabilités de chacun, sur les indicateurs partagés en commun. On parle souvent d’évaluation des politiques publiques, je me souviens qu’à une époque les collectivités n’étaient pas totalement d’accord sur ce type d’évaluation, j’imagine que tout cela est bien coordonné aujourd’hui, une sorte de kit de gouvernance qui est mis en place.
Je voudrais parler maintenant de ce qui touche les enseignants puisque, dans notre saison 4, nous nous sommes intéressés aux projets dans les classes. Que propose cette stratégie du numérique éducatif pour les enseignants en matière de formation, en matière d’outils, de méthode ? Comment ça va fonctionner ou comment ça fonctionne déjà ?

Audran Le Baron : Peut-être deux choses.
On insiste beaucoup dans la stratégie à la fois sur le fait qu’on doit progresser dans l’enseignement du numérique, là c’est plus en direction d’abord des élèves pour qu’ils puissent être formés à une citoyenneté numérique, c’est-à-dire connaître les codes du numérique, les possibilités qu’il offre mais également les risques et les limites du numérique, donc avoir toute cette connaissance sur le numérique, mais également les compétences plus pointues d’algorithmie, voire de codage. Là on va vers les sujets de spécialité NSI [Numérique et sciences informatiques], notamment, en filière générale et technologique ou également des équivalents en filière professionnelle.
On a donc tout un enjeu de progresser là-dessus et de remonter également du lycée vers le collège, c’est le sens de ce que l’on est en train de faire en revoyant le programme de technologie de cycle 4 pour tenter d’y inclure plus de numérique.
Tout ce volet-là est important. On y travaille et ça commencera à porter ses fruits à partir de la rentrée suivante, je passe rapidement.

Pour ce qui concerne cette année on a, d’ores et déjà, des premiers éléments de stratégie qui arrivent sur, vous l’avez dit, la formation des professeurs : pour pouvoir enseigner le numérique ou enseigner avec le numérique, il s’agit d’accompagner les enseignants, en tout cas ceux qui sont volontaires pour y aller, dans ce sens. On prévoit d’insister sur deux choses qui vont arriver progressivement dans cette année scolaire.
La première chose. Vous avez entendu parler du dispositif Pix. Pix c’est bien connu des élèves et des professeurs qui accompagnent pour s’évaluer voire développer ses compétences numériques. Eh bien Pix arrive également pour les professeurs, pour les enseignants. C’est ce qu’on appelle le Pix+ Édu [4]. Je ne vais pas décrire l’ensemble du processus, ce serait trop long. Ce que l’on met en place là, à la rentrée, dans les jours qui viennent, c’est ce qu’on appelle un parcours d’auto-positionnement Pix+ Édu. On va donner les codes d’un parcours à tous les enseignants pour qu’ils puissent, en deux heures, se tester sur leurs compétences numériques, à la fois les compétences numériques transversales qu’on utilise vous et moi au quotidien et sur les compétences propres au métier d’enseignant : comment on intègre le numérique dans sa pédagogie, dans son métier d’enseignant.
En deux heures ça permettra de se positionner, de savoir sur quelles compétences on est bon, sur lesquelles, en revanche, on pourrait progresser. Ça permettra ensuite, dans un dialogue avec les services, de proposer des formations qui vont permettre aux enseignants qui le veulent de progresser sur tel ou tel aspect et puis, pour ceux qui veulent vraiment s’investir dans cette direction-là potentiellement de pouvoir se certifier à un niveau élevé de compétences numériques que l’on pourra ensuite valoriser dans la carrière.
C’est tout ce dispositif qui a été annoncé dans la stratégie, que l’on démarre à la rentrée par ce parcours. C’est le premier point sur lequel je voulais insister.

Le deuxième. Je dis souvent « le numérique n’a rien de magique ». Ce que je veux dire avec cette formule c’est que, souvent, on a des fanatiques du numérique, des convaincus qui sont souvent assez peu audibles du grand public parce qu’ils sont convaincus que le numérique c’est formidable, que ça va tout révolutionner, que ça va permettre de rehausser le niveau général de tous les élèves, etc. Non, il n’y a rien de magique là-dedans. Ce n’est pas en distribuant des tablettes dans les mains de tous les enfants que, par magie, tout va s’améliorer. En revanche, oui, le numérique peut apporter une plus-value dans l’enseignement, dans les apprentissages, encore faut-il qu’il soit utilisé à bon escient, dans les bonnes séquences de cours, avec des outils qui ont été correctement conçus et des enseignants qui ont été correctement formés à l’utilisation de ces outils.
Pour aller vers cette utilisation raisonnée du numérique, en ce moment nous travaillons, à la direction numérique pour l’éducation et avec la Dgesco, la direction générale de l’enseignement scolaire, sur un guide à l’usage des enseignants, un guide d’usage des outils numériques dans la pédagogie. L’idée c’est que vraiment par discipline, par niveau, on puisse indiquer aux enseignants « voilà des utilisations pertinentes du numérique » pour qu’ils soient plus guidés. Ce n’est pas une référence absolue, obligatoire, etc., c’est un guide qui permet aux enseignants d’y voir clair sur des usages pertinents dans leur pédagogie selon les disciplines, selon les niveaux.

Éric Fourcaud : Ce n’est pas un manuel, on va dire que c’est un guide.

Audran Le Baron : Ce n’est pas un manuel, c’est vraiment une sorte de vade-mecum, je ne sais pas quel est le meilleur terme. Le numérique est difficile d’approche parce qu’il y a un foisonnement d’offres tel qu’on ne sait pas où donner de la tête. Ce guide est aussi là pour dire « concentrez-vous plutôt sur tel type d’outils dans la pédagogie, parce que c’est cela qui est particulièrement utile, et, au contraire, n’utilisez pas ou mieux vaut écarter le numérique dans tel ou tel type d’apprentissage parce qu’il n’a jamais prouvé sa plus-value, voire, dans certains types de séquences pédagogiques, il peut même être contre-productif ».

Éric Fourcaud : D’accord. On va toujours parler d’espaces numériques de travail, de ressources en ligne ? Y a-t-il des aspects techniques encore à régler ?

Audran Le Baron : Oui, on va toujours en parler, on ne fait pas table rase du passé. Les espaces numériques de travail prouvent quotidiennement leur utilité dans l’organisation des échanges entre parents, élèves, professeurs, personnels de direction, dans l’utilisation d’un certain nombre d’outils collaboratifs, donc tout cela n’est pas remis en question.
Ce sur quoi nous travaillons – pardon, c’est peut-être un peu technique – c’est ce qu’on appelle justement la doctrine technique du numérique pour l’éducation [5]. En des termes simples et compréhensibles, je parlais de foisonnement tout à l’heure, c’est parti du constat qu’il y a de nombreux outils aujourd’hui qui coexistent, les ENT, les logiciels de vie scolaire – Pronote ou les équivalents d’autres éditeurs – les différentes ressources numériques pédagogiques auxquelles on peut également accéder via l’ENT ou sur d’autres plateformes, divers sites, également, qui peuvent intervenir dans une vie scolaire, les outils du CNED [Centre national d’enseignement à distance], de Canopé. Bref, il y a cette myriade d’outils, de plateformes, de services et si on n’organise pas un minimum tout cela, si on n’organise pas notamment l’interopérabilité entre tout cela, eh bien ça finit par un paysage assez labyrinthique où l’utilisateur ne sait plus trop où cliquer et il est un peu fatigué, parfois, de devoir retenir x logins/mots de passe, de saisir indéfiniment les mêmes informations dans chaque plateforme. Cette doctrine technique du numérique pour l’éducation c’est simplement poser des règles et des exigences, notamment d’interopérabilité, qui « s’imposent », entre guillemets, à l’ensemble des acteurs qui contribuent à cette offre numérique dans l’éducation pour que chacun, en respectant ces règles conçues en concertation, offre à la fin un paysage plus lisible, plus simple à l’utilisateur final. Par exemple, qu’il n’y ait plus 36 logins/mots de passe, mais qu’il y ait un ÉduConnect [6] qui soit le même pour accéder à l’ENT, à son logiciel de vie scolaire ou à telle ou telle plateforme du CNED ou d’un autre fournisseur de services.
C’est typiquement le genre de règles qui permet d’organiser un peu mieux l’offre et, à la fin, de simplifier la vie de l’utilisateur qu’est l’élève, le professeur, le parent d’élève.

Éric Fourcaud : In fine fluidifier les usages des enseignants, qu’ils n’aient pas, à chaque fois, à détricoter les solutions et perdre du temps en classe parce que c’est souvent le cas.
Je résume :
une évaluation par Pix+ Édu ;
un parcours de formation, j’imagine que c’est au niveau des académies que ça va se régler ;
un guide d’accompagnement des usages selon les disciplines, qui n’est pas un manuel mais un guide d’accompagnement qui permet peut-être de mettre les petites astuces ou les points de surveillance à observer lors de l’utilisation de ces choses ;
et puis toujours une exigence : que les ingénieurs ou les éditeurs se mettent d’accord sur l’interopérabilité de leurs produits pour qu’on ait une fluidité au niveau des utilisateurs.

Pour 2024, qui est une grande année — il va y avoir plein de choses en 2024 en France, j’espère qu’il y en aura pour l’éducation, je pense, je suppose —, est-ce que cette stratégie va évoluer ? On aura du nouveau, vous n’êtes pas devin, j’imagine que c’est en train de se construire, mais est-ce qu’on peut déjà donner des pistes ? Est-ce qu’il va y avoir vraiment une révolution ? Est-ce qu’on est dans la continuité ? Qu’est-ce qui va se passer exactement ?

Audran Le Baron : Je ne suis pas devin. Là où je peux être très affirmatif c’est sur la méthode. La méthode ne va pas changer, on va rester dans une méthode de concertation parce qu’elle a fait ses preuves, c’est comme ça qu’on embarque tout le monde, tout le monde en est content, il n’y a pas de raison de changer, le ministre est totalement en phase avec cela.

Après, sur le fond, l’idée n’est évidemment pas de remettre en question une stratégie qui a été globalement largement consensuelle, mais l’intelligence générative a débarqué dans tous les esprits. La stratégie l’avait un peu anticipé, cette technologie n’est pas absente de notre texte, mais, si on doit ajuster la stratégie l’année prochaine, est-ce qu’il faut ajouter un peu plus d’éléments en la matière ? C’est typiquement le genre de question qu’on va se poser dans ce dernier trimestre de l’année civile pour voir à quel endroit il semble pertinent d’ajuster la stratégie. Encore une fois, on est plus sur un ajustement : tirer les conclusions de tout ce qui s’est passé, des concertations qui continuent, des dialogues qui continuent. On sera plus sur un ajustement dans la continuité, si je devais décrire les choses.
Il y a déjà pas mal de choses écrites dans la stratégie, qui nous engagent collectivement, sur lesquelles nous travaillons. On peut notamment parler de ce qu’on indique dans l’axe 3 de la stratégie : une offre numérique au service des enseignants et des agents publics.
On a, à la fois, la volonté de simplifier l’acquisition de ressources numériques qui sont offertes par les EdTech, donc de simplifier l’acquisition de ces ressources au niveau des enseignants. On a parlé de la notion d’un « compte ressources » dans la stratégie, qui est une des annonces fortes de la stratégie. C’est quelque chose sur lequel nous travaillons, nous sommes en train de bien détourer le sujet, de prendre les arbitrages essentiels qui doivent se faire au niveau stratégique sur ce sujet. J’espère pouvoir avancer très concrètement sur ce compte ressources dans l’année suivante.

L’autre chose sur laquelle nous travaillons c’est sur le développement des communs numériques, que l’État puisse proposer un certain nombre de plateformes sur lesquelles les enseignants pourront venir à la fois créer des contenus pédagogiques, des scénarios pédagogiques, je parle notamment du projet Éléa [7], un projet de plateforme Moodle nationale, d’un commun numérique Moodle, dans lequel les enseignants pourront créer leurs contenus pédagogiques, les partager entre eux, reprendre le scénario pédagogique d’un collègue et le personnaliser pour le donner à leurs élèves. Toutes ces plateformes de collaboration pour les enseignants qui permettront de mettre en activité leurs élèves, c’est quelque chose qu’on a démarré d’ores et déjà cette année, de nombreuses académies nous ont rejoints pour la première vague de déploiement d’Éléa et ça va véritablement prendre un déploiement à très grande échelle dans les prochaines années jusqu’à couvrir l’ensemble du territoire.
Je peux parler également de Capytale [8] qui est un autre commun numérique spécialisé dans l’apprentissage de la programmation, des activités informatiques. Là aussi c’est un commun qui a été largement déployé dans les ENT des lycées et désormais, l’enjeu, pour nous, c’est de le déployer également à l’échelle dans les collèges, notamment pour permettre de faire des activités de programmation par blocs de type Scratch sur une plateforme souveraine, respectueuse des données personnelles, etc.

Donc avancer sur le compte ressources, avancer sur les communs numériques et également, je quitte le domaine de la pédagogie pour arriver à des sujets plus d’outillage des professeurs et de l’ensemble des agents de l’Éducation nationale, avec notre programme qu’on appelle ETNA, pour Environnement de travail numérique de l’agent. Qu’est-ce que c’est ? Comme son nom l’indique, un environnement numérique de travail pour l’agent c’est son poste de travail, c’est sa messagerie, c’est son agenda, ce sont tous les outils du quotidien qu’on peut utiliser. Dans ce cadre-là, on a le projet de refonte globale de la messagerie offerte à l’ensemble des agents de l’Éducation nationale. Aujourd’hui il y a 30 messageries, c’est-à-dire une dans chaque académie, opérée par chaque académie, avec un service qui, parfois, manque de qualité parce que des quotas de volume parfois assez faibles, des possibilités de mettre des pièces jointes assez limitées, des problématiques de sécurité, de phishing – hameçonnage pour parler français –, etc. On va donc proposer une offre nationale totalement rénovée de messagerie collaborative à l’ensemble des agents, y compris donc les professeurs, à l’Éducation nationale, une offre vraiment qualitative, avec plusieurs gigas de quotas, des possibilités de joindre des pièces beaucoup plus facilement, une compatibilité avec l’ensemble des outils utilisés au quotidien – smartphone, clients lourds divers et variés, un webmail. Bref, quelque chose de vraiment qualitatif. On croit beaucoup en ce projet, je crois qu’il est très attendu d’un certain nombre d’agents, c’est quelque chose qui va commencer à arriver dans le paysage d’ici la fin de cette année civile, dans quelques territoires, mais qui, là aussi, sera déployé à plus grande échelle à partir de 2024.

Éric Fourcaud : On a fait le tour, quand même de gros chantiers, mine de rien.

Audran Le Baron : De gros chantiers.

Éric Fourcaud : On ne peut pas dire que ça n’évolue pas, parce que la messagerie c’est quand même une autre paire de manches, donc gros chantiers.
Avant qu’on termine, parce que ça fait quand même 25 minutes qu’on discute ensemble sur la stratégie, il me semble qu’il y a un an on avait parlé beaucoup de souveraineté. Je ne sais pas si vous vous souvenez, on parlait beaucoup de souveraineté, ce sujet-là avait été mis sur la table justement lors des grandes discussions qu’il y a eues en 2020. Est-ce que c’est quelque chose qui a été un petit peu traité ou est-ce qu’on a encore des interrogations sur le rôle des, on n’appelle plus ça les GAFAM, des grosses entreprises américaines et les problématiques d’hébergement de données ? Est-ce que ça a déjà été traité ou est-ce que c’est encore un sujet de travail conséquent pour le ministère ?

Audran Le Baron : En tout cas nous n’avons pas dévié de stratégie, si c’est votre question. Le sujet de souveraineté reste un axe très fort, raison pour laquelle, par exemple, la messagerie dont je viens de vous parler, qui s’adressera à 1,2 million d’agents, ce qui en fait le plus gros projet de messagerie en Europe, vous parliez de gros projets, vous ne croyiez pas si bien dire ! Typiquement, sur ce projet-là, nous reposons sur des technologies open source que nous opérons, que nous maîtrisons en interne, afin d’avoir, justement, une totale souveraineté, une totale maîtrise de ces dispositifs. Pour moi c’est absolument clé, c’est au cœur de la stratégie et ça le restera. Tout l’effort que nous mettons pour travailler sur un écosystème souverain avec des ENT, avec également des logiciels de vie scolaire qui sont tous proposés par des entreprises françaises ou européennes, tout le travail que nous menons également avec les entreprises de l’EdTech françaises, tout cela va dans le sens de développer des outils qui soient adaptés au contexte français et européen, totalement compatibles avec le RGPD [9] et irréprochables de ce point de vue-là. C’est quelque chose qui est constant dans la stratégie et qui n’est pas près de changer.

Éric Fourcaud : Bien. C’est ce que je voulais un peu vous entendre dire puisque c’était effectivement un gros sujet il y a un an et je crois que, derrière tout cela, on n’a pas changé.
En tout cas merci beaucoup pour cet entretien, Audran Le Baron.

Audran Le Baron : Merci à vous.

Éric Fourcaud : Et peut-être à 2024.

Audran Le Baron : Avec plaisir.

Éric Fourcaud : C’était Les Podcasts de LUDOMAG saison 4. Des projets pour ma classe.