Émission Libre à vous ! diffusée mardi 16 novembre 2021 sur radio Cause Commune


Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Isabella Vanni : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Le gestionnaire d’association libre Garradin, c’est le sujet principal de l’émission du jour, avec également au programme la chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi sur le thème « Valeurs du Libre, éthique de l’élu ».
Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Isabella Vanni, coordinatrice vie associative, responsable projets à l’April

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à cette émission avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou nous poser toute question.

Nous sommes mardi 16 novembre 2021, nous sommes en train de réenregistrer le début de l’émission, car nous avons malheureusement eu quelques petits soucis techniques lors de la diffusion en direct.
Vous écoutez une rediffusion ou un podcast. Sachez que la qualité des premières 15 minutes du sujet principal n’est pas au top, n’est pas au mieux, mais il y a une transcription disponible si vous souhaitez suivre le sujet tout en lisant ; après, la qualité retourne aux standards normaux.

À la réalisation de l’émission aujourd’hui il y avait mon collègue Étienne Gonnu qui est toujours là avec moi. Bonjour Étienne.

Étienne Gonnu : Salut.

Isabella Vanni : Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi intitulée « Valeurs du Libre, éthique de l’élu »

Isabella Vanni : Nous allons commencer avec la chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi, aujourd’hui sur le thème « Valeurs du Libre, éthique de l’élu ».
Marie-Odile bonjour, à toi la parole.

Marie-Odile : Bonjour à tous. Bonjour à toutes. Merci Isabella.
La transcription dont je souhaite vous parler aujourd’hui et que je vous invite vivement à lire ou relire est un réel coup de cœur.
Les Mardis du numérique éthique est un cycle de trois tables rondes organisé par le pôle écolo de la région Auvergne-Rhône-Alpes à l’occasion des dernières élections régionales et départementales, l’objectif étant, je cite, « de créer des échanges au sujet du monde numérique de façon à ce que ce sujet soit présent lors de la campagne ».

La première de ces tables rondes a eu lieu le 25 mai 2021 et était intitulée : Exemplarité de la Région : le choix technologique, un choix politique !

La notoriété des personnes présentes à cette table ronde n’est plus à démontrer : Marie-Jo Kopp, Laurence Comparat, Pascal Kuczynski et Jean-Marie Chosson.

La table ronde commence par la question volontairement provocatrice de la part de l’animatrice, Anne-Sophie Trujillo Gauchez : « Le Libre c’est sérieux, ce n’est pas sérieux ? ». Jean-Marie Chosson rappelle les différences entre logiciel propriétaire – boîte noire dans laquelle on ne peut pas aller voir ce qu’il y a, dans laquelle des portes dérobées permettent l’intrusion de virus informatiques – et logiciel libre dans lequel on peut vérifier que tout fonctionne, car le code est ouvert. « Alors franchement – dit-il – ce ne serait pas sérieux d’utiliser du logiciel libre ? Un logiciel plus sûr que le logiciel propriétaire ! »

Nous devons retenir plusieurs maîtres mots.
Mutualisation, mais une mutualisation en amont. Plusieurs collectivités se mettent autour de la table, projettent de développer un logiciel ou simplement une fonctionnalité qui correspond à un de leurs besoins mais qui manque. Ces collectivités font appel à des entreprises dont c’est le métier de développer et qui acceptent de faire un produit sous licence libre. Le prix est supporté par l’ensemble des collectivités, le codeur est payé, « tout travail mérite salaire », mais il est payé une seule fois. On ne crée par de rente de situation où le jackpot est énorme comme dans le cas du logiciel propriétaire.
Si on n’a ni le temps ni les compétences en interne pour ce développement, on fait appel à des prestataires de son territoire. En termes d’impôts, ces entreprises locales vont payer une taxe professionnelle qui reviendra à la commune. Leur rémunération c’est de l’argent qui va circuler sur le territoire ; les gens pourront rester sur place grâce à ce travail, leurs familles utiliseront les services publics locaux. On met ainsi en place des cercles vertueux, on crée de l’emploi local avec des projets économiques en lien avec le territoire.

Dans le cadre de cette mutualisation, la notion d’interopérabilité reste primordiale. Les différents modules informatiques réalisés doivent pouvoir communiquer. On peut ensuite envisager sur chacun d’eux le développement de besoins qui ne sont pas encore couverts.

Cette fonctionnalité, ce logiciel est alors mis à disposition de la communauté.
Donc partage. La collectivité peut partager à l’ensemble des partenaires de son territoire – autres collectivités, entreprises, associations, mais aussi ses concitoyens – ce qui a été conçu. Le logiciel ainsi distribué peut servir à d’autres métiers, d’autres professionnels qui pourront à leur tour l’améliorer.
Il y a alors un effet boule de neige. Grâce à cette démarche de partage, d’ouverture et de transparence, on développe ainsi un bien commun logiciel, un commun de la connaissance.

Les administrations se numérisent de plus en plus. Cependant, de nombreux citoyens sont coupés du numérique ce qui veut dire, potentiellement, rupture d’accès au service public, perte de droits, rupture d’égalité. Les élus doivent être conscients que derrière les enjeux techniques existent de vrais enjeux politiques dans leur approche du numérique. Leur devoir est de faire un choix dans lequel l’intérêt général doit primer.

Laurence Comparat énumère les questions que l’élu doit se poser concernant la souveraineté numérique : est-ce que j’ai la main sur les données que mes administrés me confient pour mes missions de service public ? Est-ce que je les ai externalisées dans un cloud à l’étranger, à une firme qui va en faire je ne sais quoi ? Les filer à je ne sais qui ? Est-ce que je peux garantir à mes administrés que je protège leurs données ? Que j’aurai toujours la possibilité de rendre le service public sans que des solutions me soient coupées ?

Marie-Jo Kopp, dont le métier est l’accompagnement de migrations vers la suite bureautique LibreOffice, détaille les éléments qui font qu’une migration se passera bien, sera réussie. Elle insiste particulièrement sur l’implication de ce qu’elle appelle le triptyque gagnant que sont les élus, le service informatique et la direction.
Il faut une vraie volonté de la part des élus, un projet expliqué à la communauté, accepté, une communication à outrance afin de rendre visibles tous les enjeux, avec un vrai budget à mettre en face.
Il faut convaincre le service informatique qui, souvent, travaille avec, voire est prisonnier, de tel ou tel éditeur, et ne souhaite pas changer ses habitudes. Mais quel sera le coût de sortie d’un logiciel propriétaire lorsque la collectivité voudra reprendre le contrôle de son système d’information pour retrouver une certaine autonomie et devenir maître de son destin numérique ?
Il faut impliquer la direction, qu’elle soit exemplaire, que les managers soient les premiers formés.
Cependant, Marie-Jo Kopp nous met en garde : ce changement vers le Libre ne doit pas découler d’un enjeu financier. Dans un projet de changement de bureautique il n’y a pas d’économies à court terme, par contre il y a un glissement des budgets : l’argent qui était destiné à payer des licences, les fameuses rentes de situation, qui était versé à un géant américain, est investi dans de la formation.
La plupart des personnes se sont formées à l’informatique sur le tas. En les accompagnant au moment de la migration, on en profite pour préciser leurs besoins, faire de l’acculturation numérique par exemple autour de la sécurité informatique, autour du RGPD, le règlement européen sur la protection des données.
Des évolutions des logiciels pourront aussi être envisagées, facilitant ainsi le travail des agents et des agentes avec, au final, une amélioration de la qualité du service public rendu.
Quand on est élu, le bon usage de l’argent public fait partie du cadre légal à respecter. Investir dans de la formation permettra aussi à l’agent de partager ses nouvelles compétences avec son entourage. Le Libre devient ainsi un projet émancipateur.

Donc enjeux de mutualisation, de partage, d’ouverture, d’égalité, d’inclusion, de bonne utilisation de l’argent public, ce sont les valeurs à retenir.

Avec la dématérialisation des services publics de nouveaux besoins logiciels sont apparus. Pascal Kuckzynzki, délégué général de l’ADULLACT, association des développeurs et utilisateurs de logiciels libres dans les administrations et les collectivités territoriales, affirme qu’avec ce développement mutualisé entre collectivités le logiciel libre, en compétition et sur la même ligne de départ que le logiciel propriétaire, est systématiquement gagnant, au bout du compte, pour couvrir ces besoins.

Il reste cependant quelques soucis, par exemple avec les logiciels métiers. Une des raisons pour lesquelles la ville de Grenoble avait fait le choix de basculer en premier ses écoles sous GNU/Linux, c’est justement l’absence de contraintes dues à ces logiciels métiers. De plus, tout commence à l’école, donc les collectivités qui ont respectivement en charge l’équipement des écoles, des collèges et des lycées se doivent de faire ce travail proprement et en priorité.
Dans le budget des collectivités, un problème de ligne comptable concerne la distinction entre les produits qui sont de l’investissement et ceux qui sont du fonctionnement. Quand on paye une entreprise qui développe un logiciel libre, un commun numérique, il s’agit bien d’un investissement. Cette dépense n’est pas à imputer au fonctionnement. Donc affaire à suivre.
Une inquiétude concerne ce que l’on appelle la smart city, la ville intelligente. De nombreux fournisseurs vendent aux collectivités des objets connectés, des systèmes complets pour gérer les poubelles, pour gérer l’éclairage, sauf que ces fournisseurs travaillent en silos, tout en utilisant les données de la collectivité, avec un manque total d’interopérabilité. Que se passera-t-il le jour où il s’avérera nécessaire, on ne sait pas encore pour quel motif mais ça viendra, de faire communiquer entre eux ces systèmes ?

Pour Laurence Comparat, quand on s’engage en politique, on a évidemment une vision idéologique, un projet pour la société : « considère-t-on qu’on est dans une démarche de communs de la connaissance où ce que les uns et les unes vont concevoir va pouvoir être réutilisé librement par d’autres, va pouvoir être amélioré ? Est-on dans une démarche d’ouverture, de transparence ? Est-on dans un rapport au monde basé sur ces valeurs-là ou est-on dans une logique capitaliste, propriétaire, verrouillée ? »

Partager, mutualiser, interopérer, inclure, optimiser les coûts, retrouver autonomie et souveraineté, ce sont les valeurs du Libre que nous connaissons bien à l’April et qui doivent désormais faire partie de l’éthique de tous nos élus.

Vous retrouverez le lien vers cette transcription sur la page des références concernant l’émission d’aujourd’hui. Merci au pôle écolo de la région Auvergne-Rhône-Alpes qui a organisé cette table ronde. Merci aux intervenants et intervenantes.

Isabella Vanni : Merci Marie-Odile pour cette chronique.
C’était la chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi sur le thème « Valeurs du Libre, éthique de l’élu ». Une chronique inspirante et on espère bien qu’elle puisse inspirer d’autres collectivités.
Merci Marie-Odile et à la prochaine chronique.

Marie-Odile Morandi : Entendu. À la prochaine. Au revoir.

Isabella Vanni : Nous allons maintenant faire une pause musicale

[Virgule musicale]

Isabella Vanni : Nous allons écouter Whatever Comes My Way par Vienna Ditto et on se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Whatever Comes My Way par Vienna Ditto.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Isabella Vanni : Nous venons d’écouter Whatever Comes My Way par Vienna Ditto, disponible sous licence libre Creative Commons, CC By 3.0. Cette licence permet la réutilisation, la modification, la diffusion, le partage de cette musique pour toute utilisation, y compris commerciale, à condition de créditer l’artiste, d’indiquer la licence et d’indiquer si des modifications ont été effectuées.

[Jingle]

Isabella Vanni : Passons maintenant au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Le gestionnaire d’association libre Garradin

Isabella Vanni : Aujourd’hui le sujet principal de l’émission est consacré au gestionnaire d’association libre Garradin et nous allons en parler avec nos invités qui sont BohwaZ, développeur de Garradin, Isabelle Dutailly contributrice de ce logiciel et José Relland bénévole à l’association Oisux. L’échange sera animé par Laurent Costy, administrateur de l’April qui est avec nous au studio. Bonjour Laurent. Il faudra d’abord vérifier si nos invités sont connectés à distance. Je ne sais pas si ça a été fait. Étienne, peux-tu me dire si la console téléphonique est bien activée ?

Étienne Gonnu : Je vais m’y connecter. Je vais brancher les micros de Laurent et Isabelle pour qu‘ils puissent s’exprimer librement. Je vais aussi connecter le pont téléphonique.

Isabella Vanni : Merci beaucoup Étienne. On a avec nous au studio Laurent qui anime l’échange et aussi Isabelle Dutailly, contributrice de Garradin. Je vous propose de commencer l’échange avec vous. Bonjour.

Laurent Costy : Bonjour Isabella. Bonjour Isabelle, content de te recevoir ici malgré les conditions. On va peut-être pouvoir commencer à échanger sur Garradin qui est donc un logiciel de gestion d’association que tu as eu l’occasion à la fois de pratiquer mais aussi auquel tu as contribué.
La première question qu’on s’était posée pour essayer d’éclairer un peu les gens qui nous écoutent, c’était pourquoi Garradin, quelles avaient été les motivations initiales de ce projet-là ? C’est José qui souhaitait en parler, mais tu peux peut-être nous éclairer.

Isabelle Dutailly : À l’origine, je crois – mais BohwaZ va en parler mieux que moi parce que c’est quand même lui, c’est quand même son bébé – c’était une association, un atelier de vélos à Dijon qui s’est dit « on a besoin de gérer notre association ». À l’époque, il n’y avait pas beaucoup de logiciels libres, de logiciels de gestion d’association, j’ai vu qu’il y en a beaucoup plus maintenant. Il y avait Galette qui était complètement arrêté. Donc ils se sont dit « on va faire le boulot » et ça a démarré comme ça. C’était en 2011. Ça été annoncé en 2012 aux RMLL, d’ailleurs je ne sais plus où c’était à l’époque [Genève].

Laurent Costy : Je ne peux pas aider, parce qu’il y a eu plein de RMLL.

Isabelle Dutailly : Ça a été annoncé à cette époque-là et depuis je peux dire, parce que je suis dans le projet depuis à peu près le mois de mars, que ça bouge. Je veux dire que ça continue à bouger depuis, tout le temps.

Laurent Costy : D’accord. Du coup l’association de vélos à Dijon c’était La Rustine ? C’est ça ? On peut leur faire de la publicité au passage. En fait je n’habitais pas très loin de La Rustine, je vois où c’est situé. C’est le plus grand des hasards. C’est pour les besoins de son association de recyclage de vélos finalement, c’est le cas de le dire, pour ce besoin-là il a décidé de développer lui-même un logiciel. Que permet-il de faire finalement ?

Isabelle Dutailly : Il y a plusieurs choses, mais il y a surtout deux points forts. C’est-à-dire qu’on peut gérer les membres de l’association, les adhésions, les inscriptions aux activités diverses et faire la comptabilité ; les deux sont liés. Les deux sont importants. En plus on peut avoir un site, on peut avoir des documents en interne, c’est en plus, je dirais que fondamentalement, au départ, c’est surtout ça qui a motivé.

Laurent Costy : Qui a motivé d’activer la création du logiciel.
Je me suis fait aussi à pas mal d’associations. Il y a pas mal souplesse dans Garradin où, finalement, ce sont des adhésions de dates à dates, annuellement.

Isabelle Dutailly : Oui. Sur les adhésions on a un système qui s’appelle les activités et derrière, les tarifs. Une activité va être, par exemple, la cotisation. Cette cotisation va être à des tarifs différents qui peuvent être fixes, libres ou basés sur un calcul, un calcul de revenus par exemple. On a des associations qui sont des petites gestions de copropriété, ça peut-être un calcul de tantièmes par exemple, donc ça peut être soit ponctuel, soit de date à date, soit sur une année. Donc, en fait, il y a un choix au départ, ce n’est pas figé. Quand on veut créer le tarif on va dire c’est tant, c’est calculé de cette façon-là et sur telle période. Par contre, effectivement, il faut le faire tous les ans, c’est valable pour un exercice.

Laurent Costy : On me fait savoir qu’on a récupéré BohwaZ et José. Ils vont prendre la conversation. On termine sur la question des cotisations comme ça on va pouvoir reprendre un peu le fil des cotisations pour essayer de ne pas trop perdre les auditeurs et les auditrices.
Effectivement, il y a la question de l’adhésion à l’association, on paye 10 euros ou 15 euros par an. Et puis quand on est capacité ou quand le logiciel est en capacité de gérer la cotisation pour l’activité et s’il y a plusieurs activités, c’est une force du logiciel de pouvoir justement gérer les cotisations des activités de l’association. Je trouve que ce sont deux fonctions différentes. Je crois qu’à l’époque Galette ne gérait que l’adhésion finalement. Je pense que c’est un point positif à retenir pour Garradin.
On va dire bonjour à BohwaZ et à José, s’ils nous entendent. Bonjour.

José Relland : Bonjour. Je pense que BohwaZ va saluer.

BohwaZ : Bonjour.

Laurent Costy : Bienvenus à tous les deux. Excusez-nous pour les conditions d’aujourd’hui. On enchaîne les problèmes techniques, à priori ça commence à revenir. Déjà vous êtes là, très bien.
J’ai commencé à échanger avec Isabelle par rapport à Garradin.
Je vais reprendre la question parce que c’est vrai qu’elle s’adresse plus à BohwaZ ou à José sur la motivation initiale. On a un peu parlé de La Rustine à Dijon. BohwaZ, est-ce que tu peux compléter ? Quelles étaient les motivations initiales au développement de ce projet Garradin ?

BohwaZ : Tout simplement c’était pour les besoins de notre association. C’est un atelier de réparation de vélos associatif à Dijon. On apprend aux gens à réparer leur vélo. À cette époque-là, en 2011, on n’a pas trouvé de logiciel qui convenait notamment parce que Galette, à cette époque, n’était plus développé. C’est seulement quelques mois plus tard que Johan a repris le développement de Galette. Donc on cherchait une solution qui nous permette de faire de la comptabilité, on n’avait aucune expérience en comptabilité. On cherchait aussi un logiciel qui nous permette de gérer les membres et le site web. J’ai commencé à développer ça pour nos besoins et, après, ça a pris plus d’ampleur.

Laurent Costy : On ne se rend pas compte, évidemment, quand on est utilisateur, simple utilisateur de ce type de logiciel, mais on imagine bien que c’est un travail assez colossal, partir de zéro. Est-ce que vous êtes vraiment partis de zéro ? Est-ce que vous avez regardé ce qui se faisait ? Tu évoques Galette, mais comment a été pensé le logiciel ?

BohwaZ : J’avais fait le tour de toutes les solutions, que ce soient des solutions libres ou propriétaires à l’époque. J’avais un peu vu ce que je voulais et ce que je voulais pas. On est partis de zéro avec un focus sur la simplicité d’utilisation, pour que ce soit vraiment le plus accessible possible, le plus simple.

Laurent Costy : Très bien. Merci. José, est-ce que tu veux compléter, quand est-ce que tu as rejoint l’aventure ?

José Relland : Merci de l’invitation. Je ne suis pas de l’équipe Garradin, je suis de Oisux, nous sommes un GULL.

Laurent Costy : Excuse-moi José, je te coupe, il faut que tu expliques ce qu’est un GULL, même si on l’a déjà expliqué dans les émissions précédentes.

José Relland : D’accord. C’est l’acronyme de Groupe d’utilisateurs Linux, en fait ce sont des gens qui s’occupent de logiciels libres, qui font de la promotion, qui engagent à la pratique des logiciels libres et open source comme l’est justement Garradin.

Laurent Costy : Merci.

José Relland : Je n’en suis pas moins, ainsi que les gens de Oisux, contributeur et par exemple notre comptable, Jacques, à qui je passe le bonjour ainsi qu’à toute l’équipe Oisux, utilise Garradin. Moi-même je suis trésorier d’une autre association et j’utilise Garradin. Le complément que je voudrais apporter avec ce témoignage, je ne voudrais pas être trop long, j’ai une expérience dans le monde associatif, comme trésorier, comme secrétaire, comme président, et j’ai toujours été traumatisé par les trésoriers et les comptables que ce soit en association, que ce soit en entreprise. Je dis ça justement pour bien engager le sujet par rapport à l’intérêt de Garradin. J’ai souvent rencontré des comptables, des trésoriers qui étaient un petit peu dans leur tour d’ivoire et qui imposaient un petit peu leur baratin avec parfois énormément de temps dans les réunions, même au détriment de nos actions. Garradin est vraiment quelque chose de très intéressant pour ça. Ça permet justement, même à des personnes non initiées, il y a quand même un minimum à connaître en comptabilité, de pouvoir s’approprier la gestion comptable d’une entreprise, voire la gestion des membres, etc., tout en conservant ce côté extrêmement ouvert, pratique, communicant puisqu’on veut partager des informations. Dans l’esprit de Garradin, je trouve que c’est cet aspect-là qui est vraiment très présent.Merci.

Laurent Costy : Merci pour cet éclairage. Je vais me tourner vers BohwaZ, mais je crois bien qu’on dit « Garradine » et non pas « Garradin ». Je dis une bêtise ?

BohwaZ : Non, c’est tout à fait ça. Garradin est un mot qui vient d’un dialecte aborigène d’Australie, qui veut dire « argent », tout simplement.

Laurent Costy : D’accord. On va dire « Garradine » jusqu’à la fin du sujet, ce sera plus simple de donner le vrai ton, la vraie sonorité. Merci aussi pour cet éclairage.
On a commencé à parler des fonctionnalités avec Isabelle tout à l’heure, quand on a entamé le sujet. On a parlé de la gestion des membres, de la gestion des cotisations, de la gestion des adhésions. Très rapidement on a évoqué la question de la comptabilité. Est-ce que Garradin fait autre chose ? Est-ce que vous pouvez, éventuellemnt, détailler ses fonctionnalités ? Je ne sais pas qui veut prendre la parole sur ce sujet.

BohwaZ : Je peux faire un petit tour rapide sur le sujet. L’idée c’est de répondre à la majorité des besoins d’une association, donc principalement la gestion des cotisations, des inscriptions aux activités, la comptabilité et aussi, effectivement, le site web. Il y a un petit CMS intégré qui permet de gérer le site web, des articles, des catégories, des trucs comme ça. Qu’est-ce qu’il y a d’autre ? Il y a un peu de documents, c’est-à-dire toute la gestion de fichiers, on peut partager des documents de l’association, pareil sous forme de répertoires. C’est ce qu’on fait, c’est ce qu’on utilise à La Rustine pour partager des documents entre nous. Du coup, il y a aussi des extensions à rajouter pour des besoins spécifiques, par exemple, pour nous, l’extension pour gérer notre stock de vélos d’occasion. On a une extension pour gérer la caisse informatique. On a une extension qui permet d’aménager les horaires d’ouverture sur le site web et une extension qui permet de prendre des rendez-vous pour éviter qu’il y ait trop de monde en même temps à l’atelier ; les gens peuvent réserver directement sur le site web leur créneau.

Laurent Costy : D’accord. Ce que je trouve intéressant évidemment, et c’est une approche qui est primordiale pour les petites associations, c’est que ça soit modulaire. On peut commencer avec un Garradin finalement assez épuré, avec les fonctionnalités les plus basiques possible et puis, au fur et à mesure des besoins de l’association, consolider, étayer avec des fonctionnalités, avec les extensions que tu évoquais.

BohwaZ : Tout à fait. En fait, on peut n’utiliser qu’une seule fonction de Garradin, on n’est pas obligé d’utiliser les autres. On configure sa catégorie de membres pour ne donner accès qu’à une seule fonctionnalité. Les autres fonctionnalités disparaissent. C’est tout à fait possible. J’ai des associations qui n’utilisent que la fonctionnalité site web, d’autres qui n’utilisent que la comptabilité. À ce moment-là on n’est pas obligé de tout activer.

Laurent Costy : Je trouve ça extrêmement précieux. Pour avoir été confronté à des toutes petites associations, quand on leur met des outils développés – on leur dit que ce sont des progiciels de gestion intégrés qui, effectivement, peuvent potentiellement agréger énormément de fonctionnalités – quand on leur met ce type d’outil et que l’ensemble des fonctionnalités est présent devant leurs yeux, elles sont complètement perdues et évidemment on les perd très vite. Je trouve que cette approche modulaire, par étapes, est extrêmement intéressante pour des petites associations et des plus grosses.
Isabelle, je ne sais si pas tu veux compléter. Tu as l’expérience concrète de formatrice sur de petites associations et avec Garradin. Est-ce que tu peux nous faire part ?

Isabelle Dutailly : Non, avec Garradin je n’ai pas ce genre d’expérience. J’ai simplement l’expérience de m’être auto-formée en rentrant pour écrire l’aide. Je vais vous parler de la comptatabilité. Comme indépendante, il y a quelques années j’avais une comptable qui était très sympathique. J’ai eu une formation en comptabilité, je n’avais jamais rien compris. Donc il a fallu écrire des pages non seulement sur l’utilisation du logiciel, parce que je me mets dans la tête des associations qui débarquent, des gens qui débarquent, la comptabilité ce n’est pas leur truc, donc il a fallu que je me forme aussi là-dessus pour écrire l’aide pour Garradin.
En fait, le logiciel est très simple à utiliser. J’ai trouvé beaucoup plus facile de comprendre la comptabilité à partir de là. Une fois qu’on a mis tout en place, une fois qu’on sait comment fonctionne le logiciel, tout vient, même des trucs difficiles. C’est pour ça qu’on essaye de mettre des pages pour les choses plus compliquées. Par exemple, quand vous avez quelqu’un qui débarque sur Garradin, une association qui avait géré jusque-là son association à l’aide d’un tableur, il fallait expliquer deux/trois choses : il faut expliquer ce qu’on appelle la balance d’ouverture, dire comment mettre dans le logiciel Garradin l’argent qu’on a en banque. C’est un problème qu’on a déjà retrouvé plus d’une fois dans les appels, ce genre de choses, mais c’est vrai que ça facilite la comptabilité.

Laurent Costy : Effectivement c’est la question du transfert des comptes vers un autre logiciel, soit d’un tableur parce que les petites associations marchent comme ça.

[Interruption pour résoudre le problème technique]

Laurent Costy : Je vais essayer de reprendre.
On a essayé d’expliquer pourquoi Garradin avait été développé. BohwaZ nous a expliqué que dans son association de vélos à Dijon ils avaient regardé ce qui existait. À cette époque-là existait le logiciel libre Galette qui aurait pu répondre aux besoins mais qui n’était plus développé, donc c’était prendre un risque de s’engager avec un logiciel qui n’était plus développé. Après avoir regardé un peu tout ce qui existait, ils se sont dit qu’ils allaient retrousser leurs manches et développer un logiciel de gestion d’association. Ça veut dire, à la fois, la question de la comptabilité, la question de la gestion des adhérents, la question des cotisations, des adhésions. On a fait la différence entre les deux avec Isabelle.

Isabelle Dutailly : Et la communication de l’association.

Laurent Costy : Tout à fait. C’étaient les premiers éléments qu’on a évoqués. On a complété, BohwaZ a complété avec le fait qu’il y a un CMS intégré, en anglais Content Management System, c’est-à-dire un petit logiciel qui permet d’éditer facilement un site web. C’est aussi assez précieux parce que la question de la communication reste une question récurrente dans le milieu associatif.

Isabelle Dutailly : Et aussi la communication interne via les documents. Il y a une fonctionnalité, très simple, de saisie de fichiers texte. On peut écrire un texte collaboratif, c’est très simple, mais ce n’est déjà pas mal, notamment quand on veut saisir un compte-rendu de réunion en cours de réunion.

Laurent Costy : Tout à fait. Ce sont effectivement des fonctions qui sont précieuses même si elles sont basiques parce que ça permet de collaborer vraiment de manière efficace au sein de l’association.
On a parlé aussi des extensions qui pouvaient exister. L’association La Rustine, à Dijon, a aussi une extension qui lui permet de gérer son stock de vélos d’occasion.

Isabelle Dutailly : Là je vais peut-être dire un mot un peu compliqué. Il y a deux choses. Il y a le logiciel Garradin et il y a l’instance Garradin qui est donc le service où on peut utiliser Garradin puisque, on ne l’a pas dit, c’est un logiciel en ligne. C’est pratique aussi, ça évite aux associations d’avoir des gens qui doivent aller dans un local pour saisir la comptabilité, on peut la faire un petit peu de partout, la comptabilité ou la gestion des membres, ce genre de choses.
On a intégré trois extensions qui sont Tāima, la gestion du temps pour les bénévoles, c’est vraiment bien.
On en a une petite qui permet de réserver, j’ai un peu oublié le nom, ça doit s’appeler « Réservation », qui permet de réserver un créneau d’activité, mais un seul, c’est très simple.
Et une troisième qui vient d’arriver, les statistiques du site parce que tout le monde voulait savoir comment le site était utilisé. Sachant que, je crois qu’on y reviendra, par rapport au RGPD, au règlement général pour la protection des données, les statistiques sont très simples, c’est le nombre de pages vues, c’est tout. On ne sait pas d’où les gens viennent, on ne sait pas à partir de quel ordinateur, etc., et on s’en fiche ; on ne connaît pas leur trajet. C‘est vraiment la base.

Laurent Costy : Chez Garradin, on respecte les utilisateurs et les utilisatrices !

Isabelle Dutailly : Voilà. Donc ces extensions sont intégrées, on peut les activer ou non.

Laurent Costy : Très bien. Merci. Ça complète effectivement, ça montre à quel point le logiciel peut être complet.
Du coup, je prends conscience de l’existence de la gestion du temps pour les bénévoles. Ça m’intéresse particulièrement ayant un lien fort avec Bénévalibre et je crois que des discussions, des questionnements, sont en cours sur des liens qui pourraient être faits avec Bénévalibre, logiciel libre qui permet aussi de faciliter la valorisation du bénévolat dans l’association. Ça fait partie des modules que je trouve extrêmement intéressants pour, justement, montrer tout ce qu’il y a à voir dans les associations et ce qu’on met rarement assez en valeur, de mon point de vue.

Isabelle Dutailly : C’est surtout que c’est maintenant une obligation légale, depuis 2020, de faire figurer ça dans la compta de l’association.

Laurent Costy : Isabella peut peut-être intervenir sur ce sujet.

Isabella vanni : J’ai vraiment étudié les textes parce que je ne connaissais pas. Si j’ai bien compris, en fait ce sont les associations qui reçoivent des subventions ou des dons au moins de 153 000 euros, ce chiffre est décidé par décret. Ces associations doivent, ont l’obligation de publier leurs comptes et après il faut qu’elles mentionnent les prestations en nature, donc le bénévolat. Elles ne sont pas obligées, forcément, de le monétariser si elles n’ont pas les moyens pour le faire, mais si c’est le cas elles doivent quand même dire quelle est l’importance, la nature de ces prestations dans l’annexe qui est un document obligatoire quand on publie ses comptes.
Donc obligation de publier ses comptes et puis de mentionner quelle est la nature, l’intérêt, le rôle des prestations en nature et, si elles sont en mesure, de les monétariser, de les valoriser de cette façon.

Isabelle Dutailly : J’ai quand même un tout petit peu lu le plan comptable associatif 2018. À partir du moment où une association est assujettie à ce plan comptable associatif – on ne va pas énumérer les critères, l’un des critères principaux c’est recevoir des subventions publiques –, elle doit faire figurer ce genre d’élément, à condition que le bénévolat soit important dans le travail de l’association.

Isabella vanni : Il faut que ça caractérise l’association. Tout à fait.

Isabelle Dutailly : En fait, ce n’est pas une question de montant.

BohwaZ : Si parce que, en fait, ce sont les associations qui sont soumises obligatoirement à utiliser le plan comptable. Effectivement, ça rejoint ce que dit Isabella, il faut que l’association ait un certain montant de subventions pour être obligée d’utiliser le plan comptable d’une certaine manière. En dessous de ce montant l’association fait un peu ce qu’elle veut.

Laurent Costy : Je suis un petit peu d’accord. De toute façon, ce montant de 153 000 euros rejoint aussi la nécessité d’avoir un commissaire aux comptes et souvent, d’ailleurs, le commissaire aux comptes a, dans ses missions, la nécessité de pointer quelle est la hauteur du bénévolat dans l’association. Donc les toutes petites associations, les très petites associations, n’ont pas des contraintes fortes vis-à-vis de ça. Je persiste à penser que c’est important de le faire autant que possible parce que, vis-à-vis des partenaires, ça permet de dire « regardez ce n’est pas que votre financement qui fait vivre l’association, il y a aussi tous les bénévoles ». C’est un point important.

BohwaZ : Ce sont souvent les financeurs publics qui vont demander ce genre de document, même pour des associations avec beaucoup moins de subventions.

Laurent Costy : Tout à fait. On va clore cette question du bénévolat puisqu‘on s’écarte un petit peu du sujet quoi que, moi je pense que c’est important d’en parler pour les associations.
Avant qu’on soit interrompus par les problématiques techniques, on était en train d’évoquer la question de la comptabilité dans l’association. C’est vrai que c’est un sujet extrêmement complexe. Je trouvais très juste la remarque de BohwaZ ou d’Isabelle, tout à l’heure, je ne sais plus, disant que le problème ce sont ces comptables, ces trésoriers, qui sont dans leur tour d’ivoire et qui ont du mal à partager.

Isabelle Dutailly : C’était José.

Laurent Costy : C’était José, pas de chance, c’était la troisième personne. Merci Isabelle.

José Relland : Ce n’est pas grave !

Laurent Costy : Effectivement, une des difficultés dans les associations c’est finalement le partage de cette information-là. En tout cas, j’ai tendance à penser que Garradin peut faciliter ce partage d’informations. Chacun peut accéder à ces informations-là, chacun peut être formé à cette question-là, ça rend plus simple la visibilité des comptes de l’association.
Du coup, j’allais renverser un peu la question vis-à-vis de BohwaZ, ça veut dire que non seulement tu dois avoir des compétences de développeur informatique, ce qui n’est pas quelque chose de simple et qui ne s’acquiert pas en un jour, mais en plus, finalement, tu dois avoir quand même compris les bases de la comptabilité pour pouvoir développer un logiciel comme Garradin ?

BohwaZ : À l’origine je ne suis pas du tout comptable. J’ai découvert la comptabilité en même temps que le développement. Le logiciel évolue aussi en fonction des retours que me font les gens. Ce n’est pas un logiciel professionnel. Pour l’instant on commence à avoir pas mal de grosses associations, des syndicats, etc., qui l’utilisent avec des experts-comptables et des commissaires aux comptes et, pour l’instant, les retours sont assez bons, donc l’objectif est atteint.

Laurent Costy : D’accord. Donc même les commissaires aux comptes et les experts-comptables ont validé les comptabilités d’associations avec Garradin. Je trouve que c’est quand même éloquent et démonstrateur de la qualité du logiciel.

BohwaZ : Tout à fait.

Laurent Costy : Merci. C’est une bonne nouvelle.

Isabelle Dutailly : De la fiabilité.

Laurent Costy : Oui, la fiabilité, parce que les commissaires aux comptes, c’est pareil ! J’avais essayé un logiciel libre de comptabilité qui s’appelle désormais Noalyss. Il a fallu négocier, ça avait fini par fonctionner, le commissaire aux comptes avait aussi accepté, mais quand on leur disait « logiciel libre », ils étaient un peu craintifs.
Du coup, ça me permet de faire la transition sur le logiciel libre et la licence du logiciel. Pourquoi avoir choisi une licence libre pour Garradin ?

BohwaZ : En fait, ça fait très longtemps que je fais du Libre. J’ai commencé l’informatique avec Linux et ce genre de choses. Je viens de cette culture-là. J’ai fait de l’Art Libre. Tous les logiciels que j’ai faits, tout le code que j’ai fait, ça a toujours été du Libre à part en entreprise. Pour moi c’était le choix logique.

Laurent Costy : D’accord.
Est-ce que quelqu’un, un ou une d’entre vous, peut rappeler pour les auditeurs, même si on le fait régulièrement à l’antenne, ce qu’est un logiciel libre ? Merci Isabelle de te désigner.

Isabelle Dutailly : Un logiciel libre est un logiciel aux sources duquel on peut accéder, c’est-à-dire au code duquel on peut accéder facilement et sur lequel il n’y a pas une notion de propriété. On va pouvoir voir ce code, on va pouvoir l’examiner, voir s’il est bon, on va pouvoir le modifier, on va pouvoir y participer. Je dis ça, on va me dire « oui, ça c’est bien pour les développeurs, les gens normaux gnagnagna ». Je peux donner un exemple qui n’est pas Garradin, qui m’est personnel, sur la suite LibreOffice. La suite bureautique LibreOffice est aussi un logiciel libre. Il y a des choses, dans LibreOffice, comme les palettes de couleur. Je me suis mise à faire des trucs avec ces palettes de couleur, à faire des palettes de couleur, j’ai rédigé des tutoriels là-dessus. Donc c’est intervenir un petit peu sur le code, pas beaucoup mais un petit peu, et j’ai réalisé que c’est un truc que je n’aurais jamais pu faire avec une suite bureautique complètement propriétaire, d’où l’intérêt du logiciel libre. En fait, ça permet non seulement de l’utiliser, de l’installer comme on veut, le nombre de fois qu’on veut, où on veut, Garradin peut être installé n’importe où, après tout les gens peuvent ou pas.

Laurent Costy : Du coup, ça fait écho à ce qu’on disait tout à l’heure, c’est-à-dire que si plusieurs personnes veulent accéder à la comptabilité, finalement elles peuvent aussi l’installer de leur côté, triturer.

Isabelle Dutailly : Là où c’est hyper-porteur, on va justement reprendre l’exemple de la comptabilité, c’est qu’il n’y a pas de fonctionnalité, pour l’instant, de budget prévisionnel dans Garradin, mais il y a quelqu’un qui a développé une requête SQL maousse, qui nous l’a donnée.

Laurent Costy : SQL est un langage informatique, pour ceux qui ne connaissent pas.

Isabelle Dutailly : Qui va chercher les données dans la comptabilité de Garradin. J’ai rédigé une page d’aide pour dire comment ça fonctionne, du coup on a cette fonctionnalité qui s’ajoute. Ce n’est pas aussi bien, ce n’est pas un truc presse-bouton, mais une fois qu’on a intégré la requête là où il faut dans le logiciel, on peut l’utiliser. Je crois que c’est un truc que permet le logiciel libre, que ne permettrait pas un logiciel qui n’est pas libre ; ça fait partie des grandes qualités.
Je voudrais aussi ajouter une chose, le commentaire d’un développeur de jeux qui se posait une question, je crois que c’est un Américain, qui ne comprenait pas : pour ses jeux, il avait reçu énormément de rapports de bugs de gens qui sont sur Linux alors qu’il n’y avait que trois bugs spécifiques à Linux. On a réfléchi sur le site LinuxFr, par exemple, et la conclusion c’est qu’en fait, quand on utilise des logiciels libres, et Linux est un système d’exploitation libre, on est je ne dirais pas formés, mais on sait comment et où rapporter un fonctionnement ou un dysfonctionnement. On peut même être capable de dire « oui, mais là on pourrait peut-être faire comme ça », proposer des solutions. C’est typique du logiciel libre. Je sais que quand j’étais sous Windows, etc., d’abord je ne sais pas où j’aurais pu rapporter un bug et ça ne me serait même pas venu à l’idée.

Laurent Costy : Comme on a un bien commun, on est naturellement encouragé à contribuer. Finalement, si on rapporte un bug ça va améliorer le logiciel pour l’ensemble des personnes, donc pour soi mais aussi pour les autres. C’est une vraie vertu du logiciel libre.

Isabella Vanni : On parle des communautés de autour des différents logiciels, communautés qui se forment avec plein de profils différents.

Laurent Costy : Et c’est quelque chose de naturel. Les gens font des retours, du coup échangent et améliorent les choses.
Peut-être juste préciser la licence du logiciel. Rappeler d’abord que ce n’est pas parce que c’est un logiciel libre qu’il n’y a pas de licence. Il y a toujours une licence attachée à un logiciel libre, en tout cas dans la grande majorité des cas. Pour que le logiciel soit libre il faut qu’on retrouve, dans cette licence, les quatre libertés d’un logiciel libre. C’était juste pour préciser parce que parfois on entend le fait que les logiciels libres sont des logiciels libres de droits, c’est une erreur, c’est une vraie erreur ! Pareil, j’en profite pour rappeler, même si, encore une fois, on l’a beaucoup fait sur cette antenne, que logiciel libre ne veut pas dire gratuit, évidemment.

Isabelle Dutailly : Et ce n’est pas parce qu’un logiciel est gratuit qu’il est libre !

Laurent Costy : Et ce n’est pas non plus parce qu’un logiciel est gratuit qu’il est libre. Il faut vraiment distinguer les deux termes. C’est évidemment importé de l’anglais où le terme free veut dire à la fois libre et gratuit. On a importé cette complication en français alors qu’on avait deux termes.
Du coup ça me permet de faire une transition sur le modèle économique de Garradin. Qui est-ce qui peut nous parler de ce modèle économique-là, des perspectives aussi ?

BohwaZ : Je peux en parler.
Pour revenir sur ta question de la licence c’est la licence AGPL qui est donc la licence à peu près classique des logiciels libres sauf qu’il y a une petite nuance. À partir du moment où le logiciel est modifié, est installé sur un serveur, même si la personne qui utilise le logiciel n’a pas accès au code comme ça, la personne qui a modifié le code et l’a mis sur le serveur doit rendre disponibles les modifications. C’est un peu une clause qui permet d’éviter que quelqu’un reprenne le logiciel, l’installe sous un autre nom en faisant quelques modifications et le revende sans redistribuer les modifications. Le but c’est vraiment d’inciter au partage des modifications qui auraient été faites sur le logiciel.

Laurent Costy : Merci pour cette précision. C’est effectivement la licence AGPL quand on est sur un serveur. C’est important de le préciser. Donc AGPL, tu peux nous rappeler ce que ça veut dire en anglais ?

BohwaZ : C’est Affero General Public licence.

Laurent Costy : Merci. Ça a été adapté pour les serveurs, ça dérive de la GPL qui était pour les programmes qui tournent sur un ordinateur en local.

BohwaZ : Pour un service web comme ça, le programme ne tourne pas sur votre ordinateur, il tourne sur un serveur à distance ; c’est la petite différence.

Laurent Costy : Je te propose de faire une petite pause musicale avant d’évoquer le modèle économique, ça te va ?

BohwaZ : Allons-y.

Laurent Costy : Allons-y. Merci.

Isabella Vanni : Merci Laurent. Je reprends la parole pour vous annoncer la pause musicale. Nous allons écouter Drunk Blues par KPTN. On se retrouve juste après. Bonne écoute sur radio Cause Commune.

Pause musicale : Drunk Blues par KPTN.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Isabella Vanni : Nous venons d’écouter Drunk Blues par KPTN, sous licence libre Creative Commons, CC By SA 4.0. Ce morceau est tiré du CD, du disque Flamme qui est le premier disque officiel de cet artiste français, qui vient tout juste de sortir et que vous pouvez acheter sur le site Bandcamp. On a mis la référence sur la page de l’émission. Si vous aimez cette musique et que vous voulez soutenir un artiste français qui publie sous licence libre, n’hésitez pas, ça peut être un joli cadeau de Noël.
Je redonne maintenant la parole à Laurent qui anime un échange sur le gestionnaire d’association Garradin. Laurent à toi la parole.

Laurent Costy : Merci Isabella.
On reprend l’antenne avec José au téléphone, BohwaZ aussi au téléphone et Isabelle qui est avec nous en studio.
On était en train d’aborder la question du modèle économique de Garradin, logiciel de gestion d’association. BohwaZ, est-ce que tu peux nous expliquer un petit peu comment est pensé le modèle économique, même si j’ai cru comprendre qu’il n’y avait quand même pas beaucoup d’argent pour développer le logiciel. Je me trompe ?

BohwaZ : Non, effectivement, c’est encore assez précaire, mais on va dire que ça s’arrange un peu.
En fait, le logiciel a été commencé en 2011, ça fait bientôt 10 ans. Jusqu’à 2019 c’était sur mon temps libre. Depuis l’année dernière je suis au chômage, donc je passe beaucoup plus de temps sur le logiciel et j’essaye d’inciter les associations qui l’utilisent, particulièrement celles qui sont sur notre plateforme cloud Garradin, garradin.eu – on peut créer son compte sans rien installer, sans aucune connaissance technique –, à participer au financement du logiciel et du service. Ce qui a permis du coup, depuis février dernier si je ne dis pas de bêtise, de financer la participation d’Isabelle qui travaille sur la documentation de Garradin, à hauteur d’une journée par semaine depuis ce moment-là. Normalement, si tout continue bien, à partir de février ou mars 2022, je pourrai aussi être enfin payé un petit peu, c’est-à-dire à peu près une journée par semaine pour travailler sur Garradin.
C’est un modèle économique qui est basé sur la contribution libre, sur un don annuel d’un montant qui est choisi à l’appréciation de l’association, sachant que si chacune des 4000 associations hébergées sur le service donnait 10 euros ce serait déjà bien. Mais, pour l’instant, on est à peu près à un tiers de cet objectif-là sur l’année 2021. J’espère que ça va s’améliorer sur l’année 2022 et que les associations qui utilisent le logiciel en auto-hébergement financeront aussi parce qu’il y en a quand même beaucoup. Évidemment, vu que c’est un logiciel libre, il n’y a pas de statistiques, il n’y a rien du tout, donc je ne sais pas combien d’associations utilisent Garradin en auto-hébergement, mais je pense qu’il y en a quelques milliers.

Laurent Costy : Et parmi celles qui ne sont pas en auto-hébergement, donc qui sont hébergées sur les serveurs, il y en a qui ne contribuent pas, qui n’ont pas perçu, forcément, qu’il fallait aider le logiciel à se développer ? Quelle est la proportion, si ça peut être dit, peut-être que vous n’avez pas envie…

BohwaZ : Non. Je suis tout à fait transparent. Il y a à peu près 4200 associations inscrites, environ 3600 actives dans les 12 derniers mois et, là-dessus, il y en a à peu près 400 qui ont participé au financement dans l’année 2021.

Isabelle Dutailly : Et ce ne sont pas les plus grandes !

Laurent Costy : Ce n’est pas beaucoup. On va encourager celles qui nous écouteraient par le plus grand des hasards à contribuer. Quand on voit que le logiciel a commencé en 2011, le trajet est très long. Je suis admiratif de la persévérance de l’équipe qui est penchée sur le logiciel depuis 2011 parce qu’il y en a qui auraient abandonné depuis très longtemps étant donné que tu nous annonces, avec fierté, que tu vas peut-être pouvoir être payé une journée par semaine l’année prochaine pour développer le logiciel. On ne va pas faire du misérabilisme, ce n’est pas l’idée, en tout cas c’est beau de s’accrocher sur ce développement-là, je suis très admiratif !

BohwaZ : En fait, c’est principalement moi parce que j’avais besoin du logiciel pour mon association, donc le développement s’est fait de manière bénévole jusqu’à l’année dernière. Maintenant, en fait, c’est surtout le fait que le nombre d’associations utilisant le service est quand même assez important. Je passe à peu près deux heures par jour à répondre aux mails des gens. C’est quand même un temps qui commence à devenir conséquent, au service des gens, qui ne peut pas continuer de manière bénévole toute la vie.

Laurent Costy : Bien sûr. On peut même se dire que celles qui ne contribuent pas ne se rendent pas compte que, par exemple, tu dois louer des serveurs, tu utilises de l’électricité. Ça veut dire que c’est même toi ou l’association qui, quelque part, entre guillemets, « mettent de leur poche ».

BohwaZ : Oui. Les serveurs ce n’est pas grand-chose, c’est vraiment un temps humain, le temps humain ça se paye et la compétence aussi. C’est surtout ça. Quand on voit le prix des services en ligne de gestion d’association, « concurrents » on va dire, les tarifs sont de l’ordre 200, 300, 500 euros par an minimum. C’est vrai que quand on voit des associations sur le service qui peuvent avoir des « chiffres d’affaires », entre guillemets, des recettes annuelles qui dépassent les 100 000 euros, je pense que je vais commencer à faire des petits mails pour dire aux gens que ce serait bien de contribuer.

Laurent Costy : Je pense que c’est important de montrer ce que ça représente parce que, effectivement, les gens n’en prennent pas conscience.
Du coup, je peux peut-être faire un tout petit parallèle. Je travaille aux CEMÉA, ça a peut-être déjà été évoqué ; on a un logiciel qui permet de collaborer, qui s’appelle Zourit, dans lequel, potentiellement, on propose l’intégration de Garradin. Le service Zourit qu’on fait payer annuellement, pour lequel c’est absolument minimaliste, c’est juste pour payer les serveurs, le développeur qui est à La Réunion pour un tout petit peu de développement, il n’y a rien qui revient aux CEMÉA, c’est déjà 70 euros par an. C’est vrai qu’entre 0 et 70 euros il y a beaucoup de marge de progression et, par rapport au nombre d’associations contributrices que tu évoquais, je pense qu’il y a de la marge de progression pour Garradin.
C’est important de prendre conscience de tout ce qu’il y a derrière. C’est vrai que quand on est utilisateur, surtout quand c’est un logiciel libre, on se dit ça marche, ça fonctionne, je ne me pose pas de questions sur le modèle économique derrière, mais c’est important à montrer, me semble-t-il.

BohwaZ : Après, le but de Garradin n’est pas de devenir une grosse entreprise et d’avoir 20 personnes derrière. Je dis que je suis un artisan du Web, je fais de l’artisanat, je fais des petits logiciels à mon rythme, dans mon coin, tranquillement, à la vitesse à laquelle j’ai envie et en accord avec les demandes que les gens peuvent me faire. Ce qui m’intéresse surtout beaucoup c’est la relation humaine. C’est pour ça que je suis très attaché à écouter les retours des utilisateurs du logiciel. Quand on me fait des demandes, j’essaye de comprendre le contexte de l’association derrière, comment elle fonctionne, et j’essaye de voir comment répondre à son besoin avec Garradin. C’est aussi la démarche que j’ai au niveau de l’interface et de la simplicité. C’est de me dire, comme disait tout à l’heure Isabelle sur le problème des balances d’ouverture, si les gens bloquent ce n’est pas forcément que les gens sont trop bêtes pour comprendre, peut-être que le logiciel est mal conçu et qu’il y a quelque chose à améliorer. C‘est toujours la démarche que je vais avoir sur ce genre de problème : si le problème se répète avec plusieurs personnes c’est probablement qu’il y a quelque chose à améliorer et il faut réfléchir à comment faire.

Laurent Costy : Merci pour ces précisions. J’admire beaucoup cette modestie dans le logiciel libre qu’on retrouve assez couramment sur des projets comme ça, de ce type-là. Je trouve ça admirable, on n’a pas toujours ça dans notre société où il faut écraser l’autre, il faut gagner du pognon tous les jours un peu plus qu’hier. Bref ! Je trouve ça plutôt sympathique comme projet. Vraiment !
Tu as un petit peu évoqué, justement, cette relation à l’utilisateur et à l’utilisatrice. Parce qu’on est dans la question du logiciel libre donc du commun numérique, se pose la question de la gouvernance, tu y as un petit répondu. Mais comment est-elle pensée et comment évolue la gouvernance du projet ?

BohwaZ : Ce n’est pas une question très compliquée. Étant donné que je suis majoritairement le seul développeur à travailler, à part quelques contributions irrégulières, c’est moi qui décide.
Comment ça fonctionne ? Ça fonctionne en fonction des demandes qu’on me fait et en fonction des retours que j’ai des utilisateurs sur les listes de discussion, par chat, etc.

Laurent Costy : Finalement on est en train de montrer qu’il y a une vraie gouvernance du projet par les utilisateurs. Même si, encore une fois, tu es un petit peu modeste en disant « c’est moi, je suis le seul développeur, donc c’est moi qui décide », sauf que, finalement, tu décides parce que tu as des échanges quotidiens avec les utilisateurs et utilisatrices, que tu comprends pourquoi ça bloque donc ce qu’il faut améliorer, etc. Finalement on a une forme de gouvernance partagée dans l’évolution des fonctionnalités. Isabelle, tu veux compléter un peu ?

Isabelle Dutailly : Oui. Je compléterais à mon niveau puisque je m’occupe aussi de répondre aux gens, de faire de temps en temps des rapports de bugs, mais pas souvent, et surtout de rédiger de l’aide en ligne de Garradin, ce qui est extrêmement important. S’il y a des gens qui écoutent, qui font du logiciel libre, c’est important pas uniquement pour aider les gens mais en termes de communication. On va tomber dessus au hasard d’une recherche, on va se dire « tiens, ce logiciel fait ça, peut-être que je le prends, ou pas ». Sur l’aide c‘est pareil. Il y a des pages d’aide que j’ai faites parce qu’il fallait les faire, c’est normal, et d’autres que j’ai faites parce qu’il y avait des demandes, il y avait des questions sur les balances d’ouverture, sur, justement, quand je démarre dans Garradin où est-ce que je mets mon argent, en compta évidemment !, et ce genre de choses.
Donc il y a aussi de l‘aide que j’ai faite à un moment donné, une page que j’avais faite au moment de l’incendie d’OVH parce qu’il manquait une page sur la sauvegarde. Là, une page détaillée expliquant pourquoi c’est utile, comment la faire, etc. C’est très important.
Je crois que c’est un petit peu l’intérêt de logiciels comme Garradin, c’est qu’on est quand même très près des gens qui utilisent le logiciel. Ils s’adressent à la liste d’entraide ou à la liste support quand il y a quelque chose qui ne va pas ; sur la liste d’entraide il peut y avoir d’autres gens qui répondent. C’est bien en comptabilité parce qu’il y en a qui sont assez trapus en comptabilité, du coup ça aide pour faire votre page d’aide et ainsi de suite ! Ça auto-alimente, en fait, l’information et la documentation sur le logiciel. En plus il y a des choses que j’avais écrites en me disant « tiens, il y a cette question-là, il n’y a pas la fonctionnalité, j’appuie sur un bouton et ça fait ça dans le logiciel, comment je peux trouver moyen de faire ça ? ». Je citais le budget prévisionnel, mais il y a d’autres exemples.

Laurent Costy : Très bien. Effectivement, on touche encore une fois cette vertu du logiciel libre qui fait que la communauté s’auto-alimente. Je trouve ça extraordinaire. Quand sur une liste, finalement, ce n’est pas le responsable du projet ou le développeur qui répond systématiquement aux questions mais justement les autres utilisateurs ou utilisatrices qui ont déjà rencontré le problème, qui aident les nouveaux arrivants, je trouve ce fonctionnement très vertueux. Donc merci pour cet éclairage.
Si on devait préciser un peu pour quelles associations Garradin est le plus adapté. José, est-ce que tu peux nous éclairer ?

José Relland : Oui, très bien, je peux tout à fait apporter une réponse.
De mon point de vue ce sont toutes les associations, particulièrement les associations, justement un peu comme on l’évoquait tout à l’heure, comme il en existe beaucoup en France, le club de foot, etc. Peut-être que les limites que je souligne ici c’est qu’il n’y a pas de gestion de TVA, il n’y a pas de liasse fiscale, il n’y a pas de rédaction du salaire ; pour les salaires ont peut faire appel à des partenaires comme la MSA [Mutualité Sociale Agricole] pour le milieu agricole ou l’Ursaaf pour d’autres. Je dirais qu’il n’y a pas de limites dans les associations. Il a été dit tout à l’heure, et c’était très juste, qu’effectivement parfois les comptables utilisent des outils soit parce qu’ils ont des abonnements soit parce qu’ils ont une préférence pour un outil professionnel, propriétaire, à l’opposé du logiciel libre et open source que vous avez bien expliqué. Il n’empêche, quand même, qu’un outil comme Garradin permet effectivement, pour toutes les associations, de gérer son association.

Laurent Costy : Merci José.
On a évoqué le nombre d’associations qui utilisent les serveurs de Garradin. On ne connaît pas le nombre d’associations qui s’auto-hébergent sur le logiciel. Je regarde un petit peu les questions qui ont été posées. Quels sont les budgets les plus importants qui ont été consolidés avec Garradin ? Est-ce que vous pouvez nous éclairer, nous donner quelques chiffres pour qu’on puisse appréhender et consolider un peu ce que vient de nous dire José ?

BohwaZ : Ça va dépendre parce qu’on n’a pas données sur toutes associations qui sont auto-hébergées. Par contre, sur garradin.eu, le plus gros budget doit être dans les 600 000 euros. On a aussi des associations avec plus de 6000 membres.

Laurent Costy : D’accord. Ça commence à être de belles associations, quand on a un chiffre d’affaires d’un demi-million et plus de 6000 adhérents ! Ça montre un peu le plafond, ça n’est pas un plafond haut puisqu’on peut sans doute aller bien au-delà, mais ça donne bien une idée de où on peut aller. Isabelle.

Isabelle Dutailly : On a aussi des associations étrangères. On a une association belge. Comment je le sais ? Parce que sur la liste d’entraide, justement, on a une association belge qui, une fois, nous a demandé si on a un plan comptable, un exemple de plan comptable belge parce que, c’est une chose qu’on n’a pas dite, on peut ajouter des plans comptables à Garradin. D’ailleurs j’en ai ajouté : le plan comptable général pour les micros entreprises, le plan comptable des copropriétés et le plan comptable, je ne sais plus comment ça s’appelle, des CE, comités CHSCT [Comités d’hygiène de sécurité et des conditions de travail], tout ce qui a remplacé tout ça. On a eu ça.
On a aussi eu des gens qui nous ont demandé « comment peut-on traduire le logiciel Garradin ? ». Ça veut dire qu’une association italienne ou hispanophone qui veut traduire le logiciel l’utilise, donc elle va aussi intégrer son plan comptable, etc.
C’est aussi ça. Par rapport à d’autres logiciels plus fermés, c’est beaucoup plus ouvert sur des tas d’autres gens.

Laurent Costy : Ça se fait en fonction des besoins, c’est exactement ça. Là où un logiciel propriétaire ne verrait pas de marché en se disant « ça ne concerne que trois personnes, on ne va pas le faire », là où il y a finalement un besoin, trois personnes vont peut-être le faire. Ça fait aussi une sacrée différence.
Le temps file. Je passe en revue les questions qu’on s’était un peu listées et je vois écoconception. BohwaZ, veux-tu évoquer un peu cette logique-là vis-à-vis de Garradin ?

BohwaZ : C’est aussi un point qui me semble important. Les retours des professionnels de l’informatique, on va dire, sur Garradin, ça a souvent été « ça fait vieillot, gnagnagna, des trucs comme ça ». Oui, si on veut ! Ce que j’aime bien dans la conception d’un logiciel c’est d’avoir des interfaces qui vont être stables, c’est-à-dire que ça ne va pas changer tous les ans, qu’on ne va pas tout devoir tout réapprendre, changer les habitudes qu’on a prises, donc j’aime bien les choses qui ne bougent pas trop. Il y a cet aspect-là, mais il y a aussi l’aspect au niveau technologie. On est sur des technologies très simples et très légères. On n’a pas des choses qui vont être très lourdes à charger. On a des pages qui sont relativement légères, très rapides, avec très peu de JavaScript, donc très peu d’utilisation processeur au niveau du navigateur qui va utiliser le logiciel. Ce sont des choses qui, au niveau de l’industrie informatique on va dire, sont relativement mal vues. Mais le retour que j’ai des utilisateurs c’est : « C’est vachement bien, c’est simple, c’est rapide, ça fonctionne, ça ne mouline pas, ça ne pas ramer ma machine ». Ce sont des retours que j’aime bien avoir. Effectivement c’est parce que, derrière, il y a toute une conception qui fait qu’on va essayer de limiter au maximum que ce soit l’empreinte d’utilisation du serveur, que ce soit aussi l’empreinte au niveau du navigateur de la personne qui va utiliser.

Laurent Costy : D’accord. C’est vraiment pensé pour la sobriété numérique et c’est aussi une bonne chose, me semble-t-il, à une époque où l’on sort de la COP 26.

BohwaZ : Tout à fait.

Laurent Costy : Très bien. Vous pouvez peut-être nous évoquer les plus grandes difficultés. On en a déjà évoqué une tout à l’heure par rapport à la balance d’entrée dans le logiciel. Est-ce que vous avez d’autres difficultés en tête que les utilisateurs ou utilisatrices auraient rencontrées et que, du coup, vous avez pu résoudre ou qui sont encore bloquantes pour certaines associations ? Qui est-ce qui veut prendre la parole ?

Isabelle Dutailly : Peut-être José.

José Relland : Je peux effectivement rapporter une expérience personnelle, l’élément qu’on appelle activité cotisation versus tarif. Quand on analyse c’est très bien fait, mais c’est vrai qu’en première approche, il faut bien regarder le système. À titre personnel, c’est l’équipe de Garradin qui m’a aidé à bien mettre ça en place quand je l’ai mis en place dans mon association. Pour la prise en main je trouve que c’est peut-être un point à regarder. Comme ça a été souligné tout à l’heure, effectivement la notion de reprise de comptes c’est aussi quelque chose d’assez important et il faut bien regarder le sujet.

Laurent Costy : C’est intéressant parce que ça reboucle aussi avec la discussion qu’on avait en entrée de ce sujet avec Isabelle sur la cotisation, l’adhésion. Quand les associations ne sont pas claires elles-mêmes vis-à-vis des termes, vis-à-vis de comment elles définissent les choses, la traduction dans un logiciel est, du coup, encore plus complexe. C’est vrai que ça fait souvent partie des accompagnants que de clarifier ça pour pouvoir, justement, le traduire et le mettre en œuvre ensuite dans le logiciel.

Isabelle Dutailly : Il y a une autre difficulté. BohwaZ parlait tout à l’heure des catégories, c’est-à-dire qui donnent des droits sur Garradin. Ce n’est pas lié à autre chose, ce n’est pas lié à un type de projet, etc., et les gens ont un peu de mal à comprendre ça.
Effectivement, on ne peut être que dans une catégorie ce qui veut dire qu’on va avoir le droit de faire ça et ça et pas ça et j’ai vu passer beaucoup de demandes là-dessus. J’avoue que je ne sais pas trop comment, une fois qu’on a fait une page d’aide qui me semble claire, je ne vois pas trop comment aller plus loin. C’est quand même une dimension plus informatique qu’autre chose.

Laurent Costy : Bien sûr. Et celui qui n’a pas beaucoup de droits ne voit pas certaines icônes, certains menus. Du coup il ne peut pas savoir que potentiellement ça peut exister, c’est vrai que c’est une complexité.

Isabelle Dutailly : Et, quand on n’a pas de culture informatique, ce n’est pas forcément évident à comprendre, à saisir comme ça, d’entrée de jeu.

Laurent Costy : D’accord. Ça fait partie des éléments à accompagner pour les utilisateurs et les utilisatrices.

José Relland : Je me permets d’intervenir parce que ça a été aussi un débat, non pas chez nous, mais il y a eu un peu d’échanges. Aujourd’hui on a ce qu’on appelle les groupes et c’est vrai qu’on a maintenant un moyen de pouvoir voir les choses sous un autre angle du point de vue des utilisateurs, je ne parle du point de vue technique, mais du point des utilisateurs. Souvent, ce que veut l’utilisateur, ce n’est pas trop la problématique de ses droits d’usage – quand je parle de l’utilisateur, ce sont les dizaines ou les centaines de membres, je ne parle pas vraiment des gens qui font de l’administration. Ce qui est important pour eux c’est de pouvoir se retrouver dans des groupes. Par exemple, imaginons que vous êtes dans votre association, vous êtes un groupe qui travaillez sur LibreOffice ou sur Ubuntu qui est un système d’exploitation, eh bien le fait de pouvoir faire des groupes qui permettent justement de regrouper les gens derrière cette dénomination, ça permet aux utilisateurs de mieux se reconnaître et c’est un élément de synergie qui est très intéressant.

Laurent Costy : Merci pour cette précision. Il va falloir conclure, je vous laisse la parole chacun une minute pour conclure, comme ça on va redonner la parole à Isabella.

José Relland : Je me permets de commencer plutôt côté utilisateur, je vous laisse l’aspect plutôt opérationnel et technique. Je voulais aussi souligner ici, au-delà des aspects techniques, il y a vraiment deux choses qui sont extrêmement intéressantes avec Garradin. C’est d’abord la possibilité de valoriser le bénévolat, ce qu‘on appelle le bénévolat, je ne vais pas revenir dessus, ça a été dit. C’est vraiment un élément de dynamisation des équipes parce que les équipes peuvent se prendre elles-mêmes en charge par rapport au bénévolat de l’association et c’est une bonne chose.
La deuxième chose qui est vraiment très importante, de mon point de vue, c’est justement l’hébergement qui est proposé par Garradin. C’est quelque chose que je recommande à tout le monde, particulièrement pour la majorité des associations qui n’ont pas de ressources justement informatiques, que ce soit un administrateur système ou que ce soit tout simplement de l’hébergement. En plus, grâce à l’hébergement Garradin, on dispose immédiatement d’un nom de domaine, parce que ce sont souvent des questions qu’on nous pose, « comment fait-on pour avoir un nom de domaine ? » ; là on a immédiatement un nom de domaine. L’association n’a pas à s’occuper de la maintenance, de tout ce qui est mises à jour, de tout ça, etc., donc elle n’a pas besoin d’avoir un administrateur système. Et puis vous avez toute l’aide qui est disponible, ça a été dit, je ne le redis pas, c’est quand même extrêmement important.
La conclusion, et je vais m’arrêter là, Garradin est finalement, pour moi, la figure de proue de ce qu’on appelle la transformation numérique des associations à l’aide des logiciels libres et open source qui ont une philosophie qui est beaucoup plus en accord, qui est plus alignée sur la philosophie des associations.

Laurent Costy : La valeur des associations en général.

José Relland : Je me suis permis. Je pense que tu feras peut-être une annonce, il se trouve que Oisux organise une conférence.

Laurent Costy : Isabella fera une annone à la fin de l’émission.
Il vous reste 30 secondes chacun Isabelle et BohwaZ. Isabelle, ton tour.

Isabelle Dutailly : Je ne peux rien dire de plus ! Garradin respecte parfaitement le RGPD.

Laurent Costy : On n’a pas eu le temps de l’aborder. On avait déjà évoqué le fait que c’est respecté.
BohwaZ, pour la conclusion.

BohwaZ : Merci beaucoup de nous avoir invités aujourd’hui. Les gens qui seraient intéressés, vous pouvez essayer le logiciel directement sur le site garradin.eu. N’hésitez pas à faire des remarques, des retours. On est toujours ouvert à prendre des suggestions et des idées.

Laurent Costy : Merci beaucoup pour votre participation avec, au début, des conditions qui étaient un peu complexes. Je pense que tout ce qu’on a pu échanger sera précieux pour le podcast de Libre à vous !
Je repasse la parole à Isabella.

Isabella Vanni : Merci beaucoup Laurent. Merci à nos invités.
Nous approchons de la fin de l’émission, nous allons terminer par quelques annonces.

[Virgule musicale]

Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre

Isabella Vanni : Il y aura une nouvelle réunion du groupe de travail Sensibilisation de l’April ce jeudi 18 novembre 2021 de 17 heures 30 à 19 heures 30 en ligne.
À suivre, le même jeudi, Soirée de Conversations autour du Libre consacrée à Yunohost, donc auto-hébergement. Ce sera à partir de 20 heures 30 et jusqu’à 22 heures 30 toujours en ligne.
On en parlait tout à l’heure, lors du sujet principal de l’émission, il y a une conférence proposée par l’association Oisux qui a pour titre « Animation et gestion des associations avec Garradin ». Elle aura lieu samedi 20 novembre de 9 heures 30 à midi en ligne. Si vous voulez en savoir plus sur ce logiciel libre qui permet de gérer les associations n’hésitez pas à participer en direct à la conférence en ligne, mais je sais que, normalement, elle sera aussi disponible par la suite, donc vous pourrez la récupérer plus tard.
Je vous rappelle, comme d’habitude, que vous pouvez consulter l’Agenda du Libre pour les autres événements en lien avec le logiciel libre.

Notre émission se termine.

Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission : Marie-Odile Morandi, Laurent Costy, BohwaZ, Isabelle Dutailly, José Relland.

Aux manettes de la régie aujourd’hui Étienne.
Merci également à l’équipe des personnes qui s’occupent de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang1, bénévoles à l’April, Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio.
Merci aussi à Quentin, bénévole à l’April, qui découpera le podcast complet en podcasts individuels par sujet.

Vous retrouverez sur le nouveau site, libreavous.org, toutes les références utiles, ainsi, que sur le site de la radio, causecommune.fm.
N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu mais aussi des points d’amélioration. Vous pouvez également nous poser toute question et nous y répondrons directement ou lors d’une prochaine émission.
Toutes vos remarques et vos questions sont les bienvenues à l’adresse bonjour chez libreavous.org.

Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission.
Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et à faire connaître également la radio Cause Commune, la voix des possibles.

La prochaine émission aura lieu en direct mardi 23 novembre 2021 à 15 heures 30. Notre sujet principal portera sur le gestionnaire de contenu web libre SPIP. Le site web de l’émission est géré avec SPIP.

Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 23 novembre et d’ici là, portez-vous bien.

Générique de fin d’émission : Wesh tone par Realaze.