Dégooglisons Internet - Pouhiou à l’émission Les Décodeurs - RTBF

Titre :
Dégooglisons Internet ! Les Décodeurs - RTBF
Intervenant :
Pouhiou de Framasoft - Alain Gerlache
Lieu :
Émission Les Décodeurs - RTBF
Date :
09 octobre 2016
Durée :
7 min 42
Licence :
Verbatim
Écouter l’émission

Transcription

Alain Gerlache :
Pour commencer cette édition, le coup de com’. Dégooglisons Internet, c’est le mot d’ordre lancé par des partisans des logiciels libres. Ils s’opposent à la mainmise sur le numérique de ceux qu’on appelle maintenant les GAFAM, Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft. Les libristes, réunis au sein de l’association Framasoft, cherchent donc à promouvoir des solutions logicielles alternatives, éthiques et décentralisées, aux grandes solutions que l’on connaît habituellement Outlook, Google Docs, WeTransfer ou encore Dropbox. Alors, avec nous pour en parler, Pouhiou, médiateur chez Framasoft. Bonjour.
Pouhiou :
Bonjour.
Alain Gerlache :
Le visuel de votre campagne c’est une parodie de la célèbre image du village d’Astérix. On y voit le village libriste entouré des quatre camps : Privatum, Fermetum, Espionnum et Centralisum. Vous êtes irréductibles !
Pouhiou :
Oh ! Irréductibles, pas forcément, mais il y a ce petit aspect de résistance et notamment d’envahisseurs puisque les GAFAM sont aujourd’hui incontournables dans nos vies numériques. Pour nous, ça pose quand même quelques problèmes.
Alain Gerlache :
De quel genre ?
Pouhiou :
En gros, leur modèle économique est basé sur l’exploitation de nos données personnelles. Alors, données personnelles, comme ça, c’est un mot qui est un peu froid et dont on ne sait pas ce que ça veut dire. Mais, en fait, ce sont nos vies numériques, nos intimités numériques. Ces entreprises-là récoltent de plus en plus d’informations sur nous et sur nos relations aux autres, dans la vie numérique, afin de nous profiler et de vendre ce profil à des publicitaires.
Alain Gerlache :
Mais beaucoup de gens les utilisent, ces solutions, et pourtant ils connaissent ce dont vous venez de parler. Ça veut dire qu’ils se font consciemment avoir ?
Pouhiou :
C’est plus ou moins conscient, en fait. On ne se rend pas compte, forcément, de la portée des données que l’on peut confier, c’est-à-dire faire confiance, aux GAFAM. C’est ça qui est très important. Typiquement, lorsque dans son agenda on va marquer – alors désolé du sujet grave –, mais on va marquer qu’on accompagne son frère ou sa sœur à une séance de chimiothérapie, voilà, on le marque dans son agenda, on ne rend pas compte qu’on est en train de dévoiler des choses extrêmement personnelles aux GAFAM et qu’en plus cette concentration des données, parce qu’il y a à la fois l’espionnage, mais il y a une concentration. Tout le monde, vous venez de le dire, utilise ces services-là, il y a un véritable monopole, eh bien cette concentration permet aussi un moissonnage des données comme on a pu le voir avec les révélations d’Edward Snowden sur l’espionnage avec la NSA, ou comme on peut le voir aussi avec la loi renseignement en France, par exemple, qui a été promulguée par Manuel Valls.
Alain Gerlache :
Et donc vous, chez Framasoft, vous voulez proposer des solutions alternatives ?
Pouhiou :
Exactement. C’est exactement comme pour tout ce qui est la nourriture. Vous avez des hypermarchés, des supermarchés avec du Monsanto et des choses un peu bizarres à l’intérieur, et puis vous avez une alternative, c’est ce qu’on appelle le bio ou le local ou le solidaire. Voilà. ! Eh bien, dans la vie numérique, c’est pareil. Il y a les bio du numérique, c’est ce qu’on appelle les libristes, les personnes qui défendent le logiciel libre, c’est-à-dire un logiciel qui respecte vos libertés à vous. Et l’idée c’est de dire, voilà, face à trente services des GAFAM, nous allons montrer que le logiciel libre apporte trente réponses, alternatives, qui ne seront pas forcément les mêmes, qui ne seront pas forcément aussi parfaites, parfois c’est mieux, parfois c’est moins bien, mais qui permettent comme ça, à un moment donné, de sortir de ce monopole, d’avoir, en fait, le choix.
Alain Gerlache :
Mais alors par exemple, si j’utilise Dropbox, Skype, Google Docs, WeTransfer, ce sont des solutions pour lesquelles vous avez des alternatives ?
Pouhiou :
Bien sûr. Alors attendez, je vais essayer de le faire dans l’ordre. Pour Dropbox nous avons ce qui s’appelle Framadrive, qui est un équivalent libre qui est extrêmement facile à installer. Moi-même, je ne suis pas du tout geek, j’ai réussi à l’avoir sur un petit serveur à la maison en deux clics. C’était parfait ! Pour WeTransfer nous proposons Framadrop et Framadrop, par exemple, a l’avantage par rapport à WeTransfer de chiffrer complètement les fichiers que vous mettez sur notre serveur, ce qui veut dire que nous ne pouvons rien savoir de ce que vous avez mis sur nos serveurs.
Alain Gerlache :
Alors pour ceux qui sont moins familiarisés avec ça, je signale que WeTransfer c’est donc une plateforme d’échange de fichiers de tous types. Mais est-ce que vos solutions sont aussi efficaces ? Est-ce que ça marche aussi bien que les solutions officielles, disons ?
Pouhiou :
La plupart du temps oui, il faut le dire, ça marche aussi bien. Parfois ça n’est pas aussi complet, parfois ça n’est pas aussi joli. Tout simplement parce qu’on est face aux géants du web étasuniens qui sont les cinq plus grandes capitalisations boursières au monde. Il faut savoir que les cinq entreprises les plus riches du monde ne sont pas du pétrole, ne sont pas de l’énergie, ne sont pas du big pharma, c’est du big data, ce sont les GAFAM, Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft.
Alain Gerlache :
Donc ça veut dire que vous n’avez pas vraiment les moyens de proposer des solutions aussi efficaces dans tous les domaines ?
Pouhiou :
Pas forcément, non. Après, ces moyens peuvent advenir, puisque le gros avantage c’est qu’on n’est pas dans une construction entrepreneuriale, on est dans une construction communautaire. Le logiciel libre, n’importe qui a la possibilité d’en étudier le code et de le modifier, d’apporter sa part.
Alain Gerlache :
Et ça veut dire que c’est gratuit aussi ?
Pouhiou :
Pas forcément. Le libre est forcément toujours payé quelque part : soit des entreprises financent, soit c’est financé par des dons, soit c’est financé par un autre modèle économique. C’est-à-dire qu’on ne paye pas le logiciel, mais on peut payer, par exemple, des développeurs pour qu’ils fassent des fonctionnalités spécifiques à nos besoins ou pour qu’ils nous éduquent, ils nous forment. Mais le libre ne veut pas forcément dire gratuit.
Alain Gerlache :
Votre slogan c’est la route est longue mais la voie est libre. Vous savez que ça prendra du temps avant de convaincre, éventuellement, le grand public.
Pouhiou :
Tout à fait. Nous sommes une association d’éducation populaire et l’éducation ça prend du temps ! C’est aussi simple que ça ! Par contre, nous voyons de plus en plus des personnes qui sont concernées par ces sujets et qui donc, cherchent des alternatives, cherchent quelque chose qui corresponde mieux à leurs valeurs. Et, d’un coup d’un seul, on arrive à faire le lien entre ces alternatives qui existent déjà, nous n’avons rien inventé mais nous avons juste voulu faire le lien avec ce public qui recherchait des valeurs plus humaines, on va dire plus humanistes, dans leur vie numérique.
Alain Gerlache :
Où peut-on trouver les informations sur votre association et vos propositions ?
Pouhiou :
Allez ! Deux sites suffisent. Soit vous allez sur framasoft.org pour connaître tous les projets qu’on peut présenter, parce que là on parle principalement des services, mais on peut parler aussi de culture libre ou de logiciel libre. Soit vous allez sur degooglisons-internet.org et vous allez voir, il y a tous les enjeux qui sont inscrits dans la page principale et puis vous avez une petite liste des services et vous trouvez tous les services que nous proposons, à portée de clic.
Alain Gerlache :
Eh bien j’ose à peine vous dire que l’on va indiquer ces références sur notre page Facebook.
Pouhiou :
C’est très gentil. Bien sûr nous utilisons aussi Facebook et Twitter, etc.
Alain Gerlache :
D’accord !
Pouhiou :
Parce que pour dégoogliser les gens il faut aller les chercher là où ils sont ! Aucun trait de morale là-dessus !
Alain Gerlache :
OK. Pouhiou, merci beaucoup. Bonne journée à vous.
Pouhiou :
Avec plaisir. Merci à vous.
Alain Gerlache :
À noter que chez nous aussi, il y a des libristes et des associations de défense des logiciels libres. C’est à découvrir sur notre page ou avec le mot-clé LDC RTBF.
Voix off :
Retrouvez les décodeurs RTBF chaque dimanche entre 10 heures et 11 heures, en direct sur la Première.

Avertissement : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant⋅e⋅s mais rendant le discours fluide. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.