Bonjour tout le monde, j’espère que vous allez bien.

Avant de commencer, j’aimerais remercier Maïwan de proposer ce genre d’événement pour parler de conception web et de logiciels respectueux des gens et de l’environnement. Aujourd’hui je vais vous parler de la façon dont tout le monde peut agir pour des outils numériques qui sont plus conviviaux, et je vais vous parler de Contribulle [1], un site sur lequel je travaille en ce moment avec Maïwan et d’autres personnes super chouettes.

Pour me présenter un petit peu : je suis Méli, designeuse d’expérience utilisateur et d’interface. Je profite de cette présentation pour dire que je recherche en ce moment un emploi, je travaille dans le domaine de l’inclusion numérique sur Toulouse. Donc si jamais vous avez des plans, n’hésitez pas à me contacter.

Pour commencer, je vais définir quelques termes, comme outil convivial, logiciel libre et culture de contribution, dans cette volonté d’agir. Je vais aussi vous parler des freins qu’il y a, en ce moment, à la contribution au Libre, et comment, avec Contribulle, on a essayé de répondre à ces problèmes-là. Je vais donc vous présenter le site et aussi vous expliquer notre démarche de travail qui s’est faite à distance.

Outil convivial

Un outil convivial, c’est une notion qui a été proposée par Ivan Illitch [2], un philosophe qui voulait dénoncer tout objet, instrument et même institution issus de notre société industrielle et qui ont tendance à prendre le contrôle sur l’être humain, alors que ça ne devrait pas être le cas. Quand Ivan Illitch parle d’outil convivial, il veut parler d’un outil avec lequel travailler, sur lequel on a une totale maîtrise, qui permettrait donc de gagner en autonomie et aussi en créativité, dans le monde qu’on est en train de façonner.

Le logiciel libre

Le logiciel libre est un mouvement qui date des années 80, qui a été initié par Richard Stallman [3]. Il n’était pas très content qu’il y ait des logiciels qui ne donnaient pas accès à leur code, donc impossible d’avoir le contrôle dessus. Pour lui, un logiciel libre devrait permettre quatre libertés sur le programme.
La première, de l’utiliser, donc de l’exécuter.
La deuxième liberté de pouvoir étudier le programme, donc de pouvoir consulter le code, de savoir quelles fonctionnalités sont appliquées.
La troisième liberté est la liberté de modifier le code : si jamais il y a une erreur, on peut la corriger rapidement ou bien on peut rajouter de nouvelles fonctionnalités.
Et la dernière des libertés est la liberté de distribuer le programme, donc de diffuser le code à qui le veut, et même de pouvoir s’approprier le code selon ses besoins.
Vu que le logiciel libre est peut-être une notion assez abstraite, j’ai mis quelques exemples de services libres qui sont assez connus, pour vous donner une idée de la pluralité des services possibles : Mozilla Firefox [4], LibreOffice [5], VLC [6], Gimp [7].

J’en profite aussi pour faire un petit aparté. On a souvent tendance à confondre le logiciel libre avec le logiciel open source, c’est tout à fait compréhensible parce que, des deux côtés, il y a une volonté de rendre le code source ouvert à tout le monde. Mais, côté logiciel libre, derrière l’ouverture du code il y a une visée politique, tandis que côté logiciel open source, c’est l’aspect technique qui est mis en avant ; l’aspect politique est mis de côté.

Pour approfondir cette visée politique du Libre, il y a une volonté de remettre en question nos usages numériques actuels, largement dominés par des outils privateurs incarnés par les GAFAM — Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft —, il y en a d’autres, mais ça donne déjà une idée. L’idée, c’est de pouvoir s’émanciper de ces géants du Web.

La notion de liberté est aussi mise en avant. Il faut penser à respecter les libertés de tout un chacun. L’idée de mettre en avant le partage des connaissances, l’ouverture du code et la coopération invite à glisser vers une société plus coopérative et plus inclusive, qui concerne tout le monde en fait. Le logiciel libre n’est pas à voir comme une fin en soi, mais plutôt comme un moyen pour se tourner vers une culture libre.
Je peux vous recommander le documentaire de Philippe Borrel qui s’appelle Internet ou la révolution du partage [8]. Il montre que la culture logicielle, avec ses valeurs que j’ai citées, peut impacter, en fait, tous les domaines d’existence ; il parle du domaine de la santé, de l’alimentation et de l’éducation. Ce documentaire est d’ailleurs accessible en ligne sur Imago TV [9], si vous avez l’occasion de le voir.

Culture de contribution

Forcément, dans l’idée d’agir pour cette culture libre, il faut faire en sorte que tout le monde puisse passer à l’action, et on peut parler aujourd’hui de la notion de contribution.

L’association Framasoft [10], une association d’éducation populaire aux enjeux du numérique, a lancé, en 2017, la campagne Contributopia, qui est toujours d’actualité, d’ailleurs. Il y a l’idée de montrer comment on peut contribuer aujourd’hui pour un monde plus désirable et souhaitable. Il y a aussi l’idée de montrer qu’on peut se rassembler entre des communautés qui sont différentes pour avancer ensemble. Il y a aussi la notion de préservation des ressources, des communs du coup, auxquels il faut faire attention, et il y a une invitation à créer des outils numériques qui nous permettent d’être plus autonomes. La feuille de route est d’ailleurs accessible en ligne [11].

Quelques freins à la contribution au Libre

Malheureusement, il y a encore quelques freins à la contribution aux outils libres/accessibles que je vais vous présenter.
Tout d’abord, même si on ne s’en rend pas compte, le Libre est vraiment autour de nous ; c’est un domaine qui est hyper vaste.

Quand on découvre cet univers-là, on peut s’y retrouver au niveau des valeurs, on peut se dire « le Libre c’est super cool, j’ai envie de contribuer, mais je ne sais pas comment m’y prendre ». À partir de ce moment-là, il peut y avoir différentes réponses, la première pouvant être : « Tu n’as qu’à prendre n’importe quel projet libre qui te plaît, vas-y, lance-toi ». Ce genre de réponse est quand même assez évasif et n’aide pas du tout, en fait, la personne qui veut contribuer à savoir comment s’y prendre. Donc ça peut être très décourageant et ce n’est pas hyper compréhensible par la personne qui demande de l’aide. Donc souvent la contribution est inexistante à ce moment-là.

Pour avancer un peu plus loin, il peut avoir la réponse : « C’est super beau si tu veux contribuer au libre ; tu n’as qu’à aller sur notre dépôt et vas-y, mets des issues. » En disant ça, il faut savoir qu’il s’agit d’un vocabulaire qui n’est pas forcément accessible à des personnes sans connaissances informatiques ou techniques, c’est quand même assez spécifique. C’est aussi très décourageant, parce que les personnes qui veulent contribuer ne se sentent pas forcément légitimes à contribuer, elles se disent « je ne comprends pas cet outil ». Il faudrait peut-être penser à un accompagnement ou à une autre manière de pouvoir autoriser la contribution.

Ensuite il y a aussi souvent la réponse qu’il faut savoir coder ; ça montre que la contribution est aujourd’hui encore trop limitée au code. Parfois il y a aussi des contributions dans le domaine de la traduction, même un petit peu du graphisme, ce sont les trois qui reviennent souvent. Ça montre qu’il y a un manque de diversité au niveau des compétences, des savoir-faire, et ça ne rejoint pas du tout l’idée de faire société ensemble, essayer de mêler un maximum de savoir-faire, en tout cas d’inviter plein de gens à participer et à contribuer à l’évolution d’outils libres.

Un endroit

Je me suis donc posé la question : comment faciliter la contribution au Libre ? Comment montrer la richesse des contributions pour montrer qu’il y a autre chose que du code ? Et aussi et surtout, comment rassurer et accompagner des personnes qui n’ont pas de compétences techniques dans la contribution au Libre ?

J’avais discuté de ces questions avec Maïwan et on s’était dit que ça serait cool s’il y avait un endroit qui puisse centraliser un maximum de projets libres, pour qu’on puisse s’y retrouver, où les tâches qui sont demandées, les demandes de contribution sont variées, donc qui ne se limitent pas qu’au code. Un endroit qui permettrait aussi de bien expliquer le besoin de la contribution qui est demandée.

On s’était dit aussi qu’on pouvait imaginer un endroit où il serait possible de ne proposer que des contributions assez clé en main, qui sont déjà accessibles.

Et enfin, super important, penser le rapport humain. Il faut se souvenir qu’il y a quand même des échanges entre des êtres humains à mettre en avant.

Contribulle

De tout ça est né le projet Contribulle. C’est un site qui permet de mettre en relation des projets libres ou liés aux communs avec des contributeurs et contributrices qui viennent de tous les horizons. Derrière Contribulle, nous sommes un petit collectif avec quatre personnes fixes, on va dire. Il y a Maïwann et moi-même qui avons le poste de designeuses. Il y a aussi lelibreauquotidien et Da-max qui développent pour faire en sorte que le site puisse être mis en ligne. Je mentionne aussi les contributeurs et contributrices ponctuels qui ont l’occasion de nous aider à certains moments au niveau du code, ou même pour donner des conseils pour améliorer la plateforme, donc des remerciements à eux et elles.

Avant de parler de notre démarche du travail, je vais vous faire visiter le site. C’est contribulle.org. Dès la page d’accueil, on voit qu’il y a deux entrées possibles : une première entrée pour des personnes qui ont un projet libre et qui souhaitent faire une demande de contribution ; une deuxième entrée pour les personnes qui veulent contribuer au Libre et qui pourront voir quelles compétences elles peuvent mettre en avant pour des projets.

Pour la page « Porteurs et porteuses de projets », il y a un formulaire à remplir. Au tout début, évidemment, il y a une présentation à faire du projet. Ensuite, s’il existe un lien vers ce projet, sa licence aussi qui est ce qui donne des autorisations, ou non, au niveau de l’utilisation du code. Ensuite, il y a la catégorie, la définition d’un type de contribution ; ici on a listé plusieurs domaines de contributions qui peuvent être associés à des métiers existants, il peut y avoir de l’audiovisuel, de la traduction, du graphisme, même de la rédaction. Dans la zone « Aide facile et rapide », on peut demander de l’aide pour tester des fonctionnalités, ou faire des dons financiers, c’est aussi une contribution en soi.

Il est important de détailler un peu plus la demande de contribution, en quoi ça consiste, pour que les contributeurs et contributrices puissent voir s’ils peuvent vraiment aider dans ce domaine-là.

Il y a aussi une partie dédiée à la rémunération, puisqu’il faut rappeler que les personnes qui veulent contribuer donnent de leur temps libre pour aider un projet, peut-être qu’une rétribution, financière ou non, peut être envisageable, c’est à discuter entre vous.

Ensuite, le rapport humain : il y a une mention pour savoir à qui on s’adresse et une autre vers l’adresse mail pour pouvoir se contacter.

Quand la demande de contribution est remplie, on la retrouve dans la partie « Contributeur - contributrice ». On peut donc retrouver une liste de demandes qui ont été faites jusqu’à aujourd’hui. La dernière annonce demande de l’aide au niveau du développement en CSS, donc on retrouve l’annonce ici avec le contact.

Sur cette partie-là, il y a aussi une zone consacrée aux contributions dites faciles. On a listé des sites externes dans lesquels les personnes peuvent contribuer au Libre très rapidement. C’est assez varié. Il peut y avoir Common Voice [12], qui concerne la reconnaissance vocale, à alimenter.
StreetComplete [13], lié à OpenStreetMap [14], qui est une carte collaborative. Il y a aussi la cuisine et, évidemment, les wikis.

Notre démarche de travail

Je vais vous expliquer notre démarche de travail. L’idée de cette plate-forme a émergé en janvier 2020, quand j’étais en plein mémoire de design, d’ailleurs sur le logiciel libre, et j’en avais très rapidement discuté avec Maïwan. C’est à partir de juin 2020 que ça s’est un peu plus concrétisé ; un confin’atelier s’est déroulé. Un confin’atelier c’est un atelier qui dure le temps d’un après-midi, proposé par Framasoft, qui permet de contribuer au Libre, tout simplement. Le vrai nom de ce genre d’événement c’est Contribatelier, et vous pouvez aller sur le site contribatelier.org [15].

Pour cette occasion, on s’est dit que ce serait bien de pouvoir présenter le projet. J’ai donc commencé à faire des parcours utilisateurs et utilisatrices, à prototyper, à maquetter une première version du site. Les objectifs de ce premier confin’atelier étaient d’abord de valider l’intérêt du projet, de savoir s’il serait intéressant de travailler dessus. Ensuite de rechercher des contributions, parce qu’on avait des besoins en développement pour faire en sorte que le site soit en ligne.

L’objectif était d’énumérer les types de contributions qui sont possibles. Ce que vous avez pu voir dans la page « Ma demande de contribution », avec les types de contributions, est un travail qui a été initié à ce moment-là. Je précise d’ailleurs qu’il s’agit d’une liste non exhaustive.

Le dernier objectif consistait à réfléchir à un nom pour le projet. Avant que le projet s’appelle Contribulle, on avait pensé « Mythiques du Libre » et « Participalibre ». Pour diverses raisons que vous pouvez peut-être deviner, on n’a pas pu continuer avec ces noms-là.

Après ce confin’atelier, il ne s’est pas passé grand-chose du coup, comme vous pouvez le voir sur ce graphique des modifications du code de Contribulle, c’est assez vide, jusqu’à novembre. On s’est dit que ce serait quand même dommage de laisser ce projet en suspens, surtout qu’il n’était pas difficile à lancer en fait. On a profité d’un deuxième confin’atelier pour relancer le projet, pour remotiver des personnes qui étaient intéressées. Et on s’est dit qu’on pourrait mettre en place une organisation un peu plus carrée pour avancer un peu plus rapidement. On s’est dit qu’on se retrouverait tous les vendredis soir à 19 heures pour échanger ensemble sur les avancées et voir comment on peut dépasser certains blocages. Et, important aussi, définir des fonctionnalités à développer en priorité pour une première version bêta qu’on voulait lancer le plus rapidement possible.

Voici un petit aperçu de notre organisation au niveau des fonctionnalités à travailler, autant au niveau développement, que design, que contenu, etc. On a des tâches, on a des petits issues, des tickets qu’on déplace de colonne en colonne selon l’avancée et la priorité de ces fonctionnalités. On s’est dit, par exemple, qu’une fois ces deux fonctionnalités terminées, on aurait notre première version qu’on pourrait mettre en ligne et présenter au grand public.

Les semaines passent, les échanges passent aussi. On arrive à février 2021, il y a 3 mois, et on lance notre version bêta.
En guise de mini-synthèse de ce qui a permis sa mise en ligne rapide :
le fait de notre équipe avec plusieurs compétences a permis d’avancer assez rapidement, et d’ailleurs on s’est réparti nos rôles assez naturellement, c’était plutôt agréable ;
mettre en place des discussions hebdomadaires pour se motiver, échanger sur nos avancées et nos blocages nous a beaucoup aidé.
C’était aussi l’occasion de se rappeler de notre cadre en fait : pourquoi veut-on mettre en avant cette fonctionnalité, en quoi ça va être utile, et on se met tous sur la même longueur d’onde.
On a aussi eu l’aide ponctuelle de contributeurs et contributrices variés et ça, ça fait vraiment chaud. On voit que grâce aux contributions des autres on peut vraiment bien avancer.

Et maintenant ?

En ce moment du coup, comme le site est quand même assez récent, je fais la promotion du site afin, justement, afin qu’il soit utilisé, que ce soit pas inutile. J’essaye de guetter les premiers retours pour pouvoir améliorer l’interface, l’aspect de l’interface. On parle d’une démarche itérative où l’on avance petit à petit vers un projet qui est vraiment adapté aux besoins des personnes.

En parallèle, on avance tranquillement vers la prochaine version, la v1, qui va sortir prochainement dont vous avez pu en voir un petit aperçu via la visite de Contribulle.

Conclusion

Pour conclure, Contribulle a pour objectif de rendre visibles des outils libres/conviviaux et de rappeler que tout le monde, vraiment tout le monde, peut participer à leur évolution. Aujourd’hui, il est aussi plus qu’important d’utiliser des outils respectueux de nos libertés, en accord avec nos valeurs et qui permettent l’autonomie. Nous pouvons tous et toutes faire en sorte d’avancer vers des futurs plus conviviaux et plus humains.

Merci pour votre écoute. Si l’actualité de Contribulle vous intéresse, n’hésitez pas à suivre nos Mastodon et Twitter. Vous pouvez aussi me contacter si vous avez des questions ou autre, sur Mastodon et Twitter, je suis un peu plus présente sur Twitter : @icimeli. Merci beaucoup et bon appétit.