CHATONS - Pierre-Yves Gosset - PSESHSF 2016

Pierre-Yves Gosset

Titre :
CHATONS : des félins (et de la bière ?) pour sauver le monde
Intervenant :
Pierre-Yves Gosset
Lieu :
PSESHSF (Pas Sage En Seine - Hacker Space Festival)
Date :
Juillet 2016
Licence :
Verbatim
Durée :
51 min 43
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Présentation

CHATONS est un collectif initié par l’association Framasoft suite au succès de sa campagne « Dégooglisons Internet ».
Le projet vise à rassembler des acteurs proposant des services en ligne libres, éthiques, décentralisés et solidaires afin de permettre aux utilisateurs de trouver - rapidement - des alternatives aux produits de Google (entre autres) mais respectueux de leurs données et de leur vie privée.
Bien que l’annonce officielle ne soit prévue que pour octobre 2016, cette conférence permettra de présenter le projet, son organisation, son manifeste, sa charte, ses ambitions et ses premiers membres en avant-première.

Transcription

Bonsoir. Pas Sage en Seine, Hacker Space Festival. Il ne faudrait pas qu’il y ait un troisième événement l’an prochain, sinon ça va devenir compliqué à dire. Je me suis dit qu’on était un petit peu entre, à la fois, des gens qui sont geeks, des hackers, etc., et puis peut-être du grand public, enfin j’espère.
On m’avait lancé le défi de le faire sans respirer, je ne pense pas que je vais y arriver : « CHATONS est un projet disruptif et innovant visant à solutionner la globalisation des e-services des pure-players historiques du digital au business model basé sur des plateformes big-data crowdsourcées via l’expérience user-centric dans le cloud, en mettant en œuvre A.S.A.P. [As Soon As Possible dès que possible, NdT] une contre-uberisation community-managée par des acteurs non-corporate travaillant en synergie en mode blockchain afin de challenger une stratégie de providers software as a service [SaaS] opensource en circuit-court, [on revient à la conf d’avant], en mutualisant efficacement les knowledge-process tout en intégrant du design de Retour Expérience d’utilisateurs sur les backlogs houblonnés entre les devops et les end-users. »
Applaudissements
Public : Bravo !
Pierre-Yves : Pas mal avec ça ! Et ça a vraiment du sens, parce qu’en fait, tout ce que je vais vous raconter après, ça va résumer ça, mais avec des vrais mots. Voilà. J’ai rajouté blockchain. J’ai mis blockchain, à la demande du public, j’ai mis blockchain. Je me suis dit, au cas où, ça pourrait servir.
Donc au commencement était Internet. Là suspense. J’avais dit qu’il y avait du gif animé de chatons. Je suis contractuellement obligé, mon contrat à Framasoft [1] m’oblige à mettre des photos, des vidéos de chatons dans chacune de mes présentations. Donc vieux gimmick sur Internet, comme quoi Internet serait composé de chatons, les tuyaux en fait. Les paquets Internet nous seraient apportés par des chatons. Voilà un exemple d’image de sous-réseau. C’est vraiment une toute petite partie d’un sous-réseau. Et donc, ce dont je vais vous parler c’est un petit peu de la concentration des acteurs. Je sais qu’il y a déjà eu Tristan qui est passé, je crois hier, qui a déjà dit beaucoup de choses dessus.
Donc aujourd’hui voilà Internet. C’est quand même beaucoup de gens qui font des choses, j’allais dire qui vous vendent des choses, mais pas forcément, ils ne les vendent pas forcément. [Alors hop. Si c’est bon.]
Et donc deuxième vie de chatons. Celui-ci explique pourquoi ma vidéo est lourde, enfin ma présentation est lourde. Voilà c’est devenu un petit peu encombré partout, au milieu des produits. Je ne vous cache pas, il a fallu la trouver celle-là. Aujourd’hui Internet c’est devenu un petit peu ça et voilà une image de quelqu’un qui avait présenté une carte des différents acteurs d’Internet. Voilà je zoome directement sur la partie Google. Vous avez Google News, Google Bookmarks, Google Groups, etc. Et ce qui est assez intéressant c’est que sur cette fausse carte, qui recense, je crois 1200 services quand même, il y a des gens qui n’ont pas grand-chose à faire de leurs journées, on voit différents continents, ou sous-continents qui apparaissent. Vous avez Google ici, Facebook, Amazon, Microsoft, Apple et puis en bas vous avez le Darknet, Darkweb, et le porno, quand même. Donc ce qui est assez intéressant c’est de voir que si on regroupe par services on s’aperçoit qu’il y a quand même des entreprises qui contrôlent un certain nombre de choses. Donc ce qu’on appelle GAFA ou GAFAM, ce que nous on appelle GAFAM en tout cas, Google, Apple, Facebook, Amazon, et nous on rajoute Microsoft parce qu’il y a des caractéristiques communes qui sont importantes, même si Microsoft paraît toujours has been dans l’esprit de beaucoup de journalistes, ça a quand même bien changé.
Je rappelle, parce que je vais beaucoup parler de Google, mais en fait Google ne s’appelle plus Google. Google s’appelle Alphabet [2], ça a changé il y a quelques mois. Google, donc, n’est plus qu’une filiale d’Alphabet, dans lequel vous retrouvez les services que vous connaissez. Mais vous avez aussi Nest qui est la filiale qui s’occupe de la domotique, Google Fiber qui s’occupe de poser du câble et du tuyau, pour l’instant essentiellement aux États-Unis, mais un jour ou l’autre ça finira bien par débarquer chez nous. Google ventures et Google Capital qui sont les bras armés financiers de Google. Google X qui est le laboratoire de recherche et développement, un des laboratoires de R&D les mieux dotés de la planète, qui font tout et n’importe quoi. Ils ont du pognon donc autant le claquer quelque part. Et vous avez Verily et Calico qui sont des filiales qui elles s’occupent plutôt de la santé. Chose que assez peu de gens savent, Google investit massivement dans les domaines de la santé, de l’ADN, etc.
Je vais aller très vite sur cette présentation, en tout cas sur le début, pour ensuite vous parler du projet CHATONS, mais c’est important de resituer pourquoi est-ce qu’on fait ce projet.
Donc voilà. Vous avez ici des chiffres qui montrent que entre janvier 2012 et octobre 2014, c’est le montant total des investissements et acquisitions sur les entreprises internet, on va appeler ça comme ça. Et on voit que, à deux entreprises, donc Google et Facebook, à elles-seules, représentent quasiment 30 % des achats qui ont pu être faits.
Ici vous avez un extrait de la page Wikipédia des acquisitions de Google. Et on voit que la 187e acquisition, je n’y suis pas retourné depuis, mais je pourrais, je pense que la liste s’est allongée, c’était une boîte qui s’appelait Bebop. Qui a entendu parler de Bebop ? Une société qui fait du cloud, qui a été rachetée quand même 380 millions de dollars. Voilà. Moi je n’avais jamais entendu parler de Bebop, mais ce qui était intéressant c’était de vous montrer que la liste est très longue.
Dernier achat qui a un petit peu, évidemment, fait parler de lui, c’est LinkedIn racheté par Microsoft pour la bagatelle de 26 milliards 200 millions de dollars, ce qui est quand même loin d’être négligeable !
Là vous avez les 185 acquisitions. Juste pour vous présenter, ça c’est ce qu’a acheté Google ces dernières années, en termes de boîtes. Là ce sont vraiment les acquisitions. Ce qu’on oublie aussi c’est qu’il y a les investissements. Vous ne le savez pas forcément mais Google est un des principaux investisseurs, en tout cas il faisait partie de la série A en termes de levée de capitaux de Uber. Donc Google fait à la fois des Google cars, mais Google est aujourd’hui un des principaux actionnaires de Uber.
Amazon, à travers le fonds d’investissement de Jeff Bezos, a investi 112 millions de dollars dans Airbnb, ce qui représente quand même un joli paquet d’actions.
Ce qui était pour moi intéressant là-dessus c’était de voir que…, évidemment il y a les cas que tout le monde connaît ou presque. Tout le monde sait que YouTube c’est Google. Les gens quand on leur dit Instagram c’est Facebook, ils en ont vaguement conscience. Quand on leur dit WhatsApp c’est Facebook, déjà ils font : « Ah je ne savais pas ! », parce qu’effectivement ce n’est marqué Facebook nulle part, en tout cas pas pour l’instant. Là on est vraiment sur des acquisitions. Mais par contre, quand on leur dit que Uber, il y a du Google dedans, là tout de suite ils sont : « Ah, on n’était pas au courant ! » Donc toutes ces informations sont évidemment vérifiables.
Juste pour donner quelques données chiffrées parce que c’est un peu ça, finalement, le fond du problème, à notre sens. C’est non seulement elles construisent, ces entreprises, des silos de données qui sont hyper-importants. Pour ceux qui ont assisté à la conf de Tristan, je ne reviens pas dessus, mais la puissance financière est quand même hyper-importante. On voit que pour finalement assez peu d’employés, Amazon sur les 220 400, il y a à peu près 200 000 esclaves qui sont payés au SMIC, qui font du carton. Mais finalement ce n’est pas tant d’employés que ça. Par contre on voit que les, alors là du coup s’il y a des gens qui travaillent un peu avec des entreprises ou dans la finance, ce sont des montants qui sont quand même en milliards de dollars, c’est quand même loin d’être négligeable. Si on prend le total de la valorisation boursière de ces entreprises, on arrive à peu près à 2 000 milliards de dollars, ce qui veut dire le PIB de l’Italie, de la Russie ou du Canada. Oui, ou de la France d’ailleurs, pas loin. On est un petit peu au-dessus, quand même.
Évidemment c’est la valorisation boursière donc ça ne veut pas dire grand-chose, mais par contre, là aussi, quand nous on s’adresse au grand public, on se rend compte assez raidement, qu’en fait, quand on leur demande qui est la boîte la plus puissante de la planète en termes [de capitalisation, NdT] boursière, enfin en termes de capitaux, la plupart des gens vont nous répondre, je ne sais pas, Exxson, BP, enfin des gros industriels, pétrole, énergie, etc. Non, non, la première capitalisation boursière mondiale en 2015 c’était Google suivie de près par Apple. Ils ont juste changé de place, l’année dernière c’était inversé. Bon, ils se tirent la bourre à quelques dizaines de milliards de dollars près, mais qu’est-ce que c’est aujourd’hui ? Quelques chemises de Macron ! Et ce qui est intéressant surtout, à mon sens, ce sont les capitaux propres, en gros ce qu’ils ont en trésorerie sur leur compte en banque. Et c’est 87 milliards pour Google, 119 milliards pour Apple. Amazon 80 milliards. Donc racheter une entreprise 26 milliards, évidemment ça ne représente pas grand-chose. Sachant que, évidemment, Microsoft n’a pas déboursé 26 milliards, il n’a pas fait un chèque de 26 milliards. Ils ont fait un échange d’actions, donc ça ne lui a quasiment rien coûté, probablement. Mais c’est assez intéressant, du coup, de voir que cette puissance financière est hyper importante.
Et le dernier chiffre que j’ai trouvé là récemment, c’était que Apple, Microsoft et Google détiennent à elles trois à peu près un quart du cash des entreprises américaines. Je vous laisse, il faut un peu l’encaisser cette phrase. Voilà, il y a trois boîtes qui tiennent à peu près le tiers du cash de toutes les entreprises américaines.
Concrètement elles sont donc pétées de thunes.
L’autre problème qu’on soulève. Non seulement elles sont riches, mais on a toujours l’impression qu’elles sont dans quelque chose de très numérique, voilà, Internet. Or aujourd’hui, on est bien d’accord qu’elles ont complètement débordé d’Internet. Ça, ça fait l’objet vraiment de la sensibilisation que nous faisons au public, c’est de dire : « Non, non Google ce n’est pas que un moteur de recherche et ce n’est pas que du Google Drive et des choses comme ça. » C’est aussi des Google cars. Voilà. Apple fait des montres. Google fait des thermostats. Sous peu, à mon avis, Amazon va faire des machines à laver. Ils font déjà plus ou moins des frigos. On va trouver des téléphones.
Évidement quand vous regardez sur les smartphones. Je vais faire le test du coup. Qui a un smartphone dans la pièce ? Ou plutôt qui n’en a pas ? On va gagner du temps. Trois, sur, je ne sais pas, une quarantaine/cinquantaine. Et donc maintenant ceux qui ont du Apple, levez la main, iOS du iPhone. Oh putain ! Deux. Je ne suis jamais tombé… C’est bien ! On est dans un truc. Qui a du Android ? Beaucoup plus. Blackberry et Ubuntu phone, Firefox OS, un petit peu, ouais OK. Putain ! Il n’y a que deux iPhones dans la pièce ! Vous me cassez toutes mes stats habituelles, mais ce n’est pas grave ! L’idée c’était de montrer qu’évidemment que sur l’ensemble des gens qui ont un smartphone, c’est-à-dire aujourd’hui quand même une grosse portion des utilisateurs de téléphones dans les pays développés et pas que dans les pays développés, il n’y a quasiment que deux systèmes qui émergent : iOS par Apple et Android qui, aujourd’hui, est largement tenu et de plus en plus refermé par Google.
Qu’est-ce qu’ils font ? Ils font évidemment de la télévision. Google fait des webcams et des systèmes de vidéosurveillance. Voilà. Ce que je voulais un petit peu exprimer c’était la capacité aujourd’hui qu’ils ont à sortir d’uniquement Internet.
Là j’ai pris quelques coupures de presse de ces derniers mois ou ces dernières années pour dire qu’il y a quand même des produits qu’on retrouve maintenant au quotidien, des objets physiques. Les Google Glass qu’on pensait abandonnées sont revenues. Là c’est une expérimentation à la SNCF. Je ne sais pas, je crois qu’elle a été abandonnée, mais en tout cas les Google Glass sont de retour notamment pour les médecins, pour les opérations, etc. Donc ce sont des produits qui sont de nouveau vendus. Je crois que ça ne s’appelle plus Google Glass, mais ça fait exactement la même chose.
Voilà le genre de dérives sur lesquelles on essaye un petit peu de sensibiliser le public. Le fait, par exemple, que Facebook puisse faire de l’évaluation de solvabilité de clients pour des banques. Amazon Echo, allez voir la publicité d’Amazon Echo [3], sur YouTube évidemment, tant qu’à faire. Et c’est assez phénoménal l’exemple qu’ils prennent. Alors Amazon Echo c’est ce petit cylindre que vous avez là. C’est un objet qui écoute, évidemment un objet connecté, qui écoute en permanence ce que vous dites. Et vous lui dites, je crois qu’il faut dire Alexa genre « Alexa joue-moi de la musique de Charles Trenet. » Et hop, Charles Trenet directement dans votre salon. Ça se connecte évidemment. Ça veut dire que ça écoute en permanence et ça envoie en permanence les informations aux serveurs d’Amazon. Ce qui est intéressant c’est que dans la publicité, ça dure trente secondes, mais c’est quand même assez rigolo. En fait, du coup, le Echo de Amazon est placé dans la chambre et vous voyez le mari qui sort, le couple américain typique. Le mari qui sort, vaguement, en disant ; « Oh là, là, c’est lundi est-ce qu’il faut que j’aille travailler ! Et là du coup la boîte lui répond : non, non, aujourd’hui tu n’as pas de réunion avant telle heure, tu peux te recoucher ! » Il se retourne, il embrasse sa femme, c’est merveilleux, c’est magnifique. Et donc ce truc-là est en train d’écouter chez lui et c’est comme ça qu’on vous le vend. Allez vérifier la pub, c’est plutôt rigolo.
La même chose mais pour les plus petits, avec des Barbies qui peuvent écouter, évidemment, ce que disent les enfants dans la pièce. Là du coup, il y a plus d’experts que moi en termes de sécurité dans la salle, mais je crois que ça a été hacké à peu près quinze jours après. Ils ont montré qu’on pouvait écouter le flux, évidemment qui était transmis, je ne sais pas s’il était chiffré ou en clair. Mais du coup c’était un petit peu compliqué. Moins de quinze jours, ça y est, on pouvait écouter ce qui transitait. Et la deuxième faille qui a été découverte sur cette Barbie donc qui a été vendue à Noël 2015 et qui a été, du coup, retirée quelques mois après, c’était qu’il y avait éventuellement, parce que toutes les phrases étaient enregistrées sur des serveurs d’un prestataire de Mattel, et donc que les phrases pouvaient être réécoutées a posteriori. Donc non seulement on pouvait écouter votre gamin dans la chambre, mais en plus, on pouvait réécouter ce qui avait été dit puisque, évidemment, la poupée ressortait les phrases, en fonction, c’est beaucoup plus intelligent qu’un système aléatoire, en fonction de ce qui lui était demandé par l’enfant.
Le coup des thermostats et des caméras qui peuvent vous surveiller. Ça soulève un autre problème. On a traduit un article sur le Framablog il n’y a pas très longtemps, sur ce que nous, on a appelé l’obsolescence imposée [4]. J’étais assez fier du terme, donc un peu d’auto-congratulation. À la différence de l’obsolescence programmée que vous connaissez déjà, c’est le fait que votre imprimante arrête d’imprimer au bout de 2 000 pages et pas 2 001. C’est le fait que votre machine à laver tombe en panne le lendemain de l’expiration de la garantie, donc ça c’est l’obsolescence programmée. L’obsolescence imposée, c’est Google qui a racheté Revolv qui était une boîte qui faisait aussi des thermostats connectés et quand ils ont racheté Revolv, deux/trois mois après, Google a envoyé, au nom de Revolv évidemment, ils n’ont pas envoyé au nom de Google, ils ne voulaient pas se faire de la mauvaise publicité. Ils ont envoyé un mot en disant : « Désolé, vous avez acheté un thermostat Revolv qui coûte trois cents dollars, mais en fait, dans trois mois, on le débranche. » Et les gens ont fait : « Mais pourquoi ? Qu’est-ce que se passe ? Il ne marche plus ? Si, si, il va très bien marcher, sauf que c’est un produit Revolv et nous, Revolv n’existe plus. » Donc vous avez un produit qui fonctionne, qui techniquement est toujours efficace, il n’est pas du tout arrêté, etc. C’est juste qu’il y a quelqu’un qui, à l’autre bout du monde, a décidé d’appuyer sur un bouton pour dire « on arrête de faire fonctionner ce produit. » Et donc ça, à mon avis, c’est quelque chose qu’on va voir de plus en plus souvent, c’est le fait que vous allez acheter des produits et que, tout simplement, il y a quelqu’un qui décidera quand est-ce qu’ils doivent fonctionner ou pas.
Des exemples encore. Voilà. Je vais aller un petit peu plus vite. Voilà les mouchards automobiles. Le Google Doctor, qui est toujours, je crois, en bêta test aux États-Unis. Calico et Verily qui sont des filiales de Google, enfin d’Alphabet — ils ont bien joué leur truc, comme ça on ne peut plus dire que c’est Google, non, c’est Alphabet,comme les gens ne connaissent pas Alphabet — qui fait des nanoparticules.
Encore une fois je vais très vite sur les dangers parce que, normalement, ça a été déjà plus ou moins traité avant, mais je reviens quand même rapidement dessus.
Premier point c’est qu’ils sont pétés de thune, mais tellement qu’aujourd’hui il n’y a pas grand-chose qui peut les arrêter et ça on a beaucoup de mal à expliquer. Quand vous parlez avec des gens de collectivités, voire du gouvernement, tout ce qu’ils veulent c’est faire des trucs aussi gros en face et on leur explique « vous n’y arriverez pas ! » Ils ont dépassé un seuil, un poids tel, qu’aujourd’hui ça ne va pas être possible de les tuer. Ça ne veut pas dire qu’ils ne peuvent pas disparaître demain, mais ça veut dire qu’un gouvernement ne peut pas dire « moi je vais m’attaquer à Google ». La Cour de justice européenne essaye depuis des années de les faire payer. Oui ! Le jour où ils décideront de mettre cinquante ou soixante avocats de plus eh bien ça va être beaucoup plus compliqué. À mon avis c’est peine perdue, c’est être extrêmement naïf que de croire qu’on va pouvoir les attaquer côté justice.
Évidemment il y a les atteintes aux libertés, à la vie privée. Donc la collusion entre l’État et GAFAM, évidemment, c’est mis en avant et de façon beaucoup plus visible par les révélations d’Edward Snowden.
Évidemment c’est gratuit mais c’est parce que, finalement, ils collectent des informations sur vous.
L’espionnage industriel, je ne reviens pas trop dessus. Mais on voit régulièrement des entreprises qui mettent leurs données sur du Google Drive et autres. C’est évident qu’ils sont parfaitement capables de traiter ces données pour en retirer de l’information. Personnellement je n’ai pas de preuves mais enfin, tôt ou tard, ça arrivera. En tout cas ce n’est pas intelligent de mettre les données, du coup, d’une boîte sur du Google Drive.

Public :
Google Traductions !
Pierre-Yves :
Ou Google trad ! Ouais.
Public :
Google Traductions. Des manuels entiers de produits qui sont traduits.
Pierre-Yves :
Voilà. Ouais. Donc on pourrait parler des bouquins qu’ils scannent aussi. Voilà. On leur file, de toutes façons, de la donnée sans trop y réfléchir.

Évidemment c’est la possibilité de fermer un service du jour au lendemain. Donc typiquement Google Reader qui fonctionnait plutôt bien, qui a fermé du jour au lendemain. Framanews était sorti le même jour. On était assez fiers, on était prêts. On attendait ! Tapis au fond du bois !
Évidemment des modifications des services qui font que, du jour au lendemain, Google peut dire « eh bien maintenant non, on va traiter le spam comme ça, et ça se passera comme ça, et vous avez juste pas le choix ». Bon. OK !
Ça peut être aussi : hier Google Calendar est tombé en rade pendant cinq heures je crois. Je ne sais pas s’ils ont fini par donner une explication, mais c’était assez nébuleux. Je crois qu’ils n’avaient pas trop compris, au départ, pourquoi est-ce que Google Calendar était tombé en rade. Mais du coup, ça veut dire qu’il y a potentiellement des centaines de millions d’utilisateurs qui n’ont pas pu utiliser leur calendrier. Donc si vous utilisez ce type de solution dans un cadre professionnel, eh bien vous vous retrouvez en rade. Encore une fois, n’importe qui peut tomber en rade. Si vous utilisez un service auto-hébergé, ou par un prestataire, je ne dis pas qu’il ne tombera pas en panne. Mais là, le problème c’était l’impact. L’impact a touché potentiellement des… C’est un peu comme quand Gmail tombe en panne. Il y a à peu près, aujourd’hui, un milliard de comptes Gmail. Autant vous dire que ça impacte un petit peu de monde !
Et puis surtout, ce sont les extensions hors d’Internet ou en tout cas sur l’Internet des objets et tout ce qui va être numérique connecté. On est capables de faire des moratoires sur les OGM, là aussi je fais le lien avec la conf d’avant ! On est capables de faire des moratoires sur le clonage humain ! Mais alors personne ne dit : « Est-ce qu’on ne devrait pas réfléchir un petit peu avant de confier toutes nos données à une boite ? » C’est soulevé, la question n’est même pas de nous. Mais il ne faut pas arrêter l’économie quoi ! Le clonage humain pour l’instant il n’y a pas d’économie donc on peut y réfléchir pendant cinq ou dix ans, ça ne pose pas de problème. Par contre, là il y a du pognon, donc surtout il ne faut pas toucher, on ralentirait l’économie !
Souvent on prend l’analogie de 1984, le bouquin de Georges Orwell, donc société plutôt d’oppression, de surveillance permanente, etc. Vous êtes bien conscients qu’il y a une part de vérité sans doute là-dedans, mais on est plus probablement dans Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley, c’est-à-dire une société de la distraction et donc tous ces objets-là, finalement, nous distraient. On a envie d’acheter le dernier iPhone parce que c’est l’objet qui éveille notre désir. Et ils sont très doués. Ils ont du pognon pour embaucher des gens en marketing. Là aussi je fais le lien avec une conf qui avait lieu plus tôt, à laquelle je n’étais pas, mais sur le marketing olfactif. Ils manipulent très bien ces outils-là, ce qui nous empêche de nous intéresser aux sujets de société qui devraient nous intéresser, genre est-ce qu’on a un premier ministre qui va bien ? Est-ce qu’on a un gouvernement qui est toujours de gauche ? Voilà. On n’a pas le temps de s’en occuper parce qu’on est très occupés à, finalement, aller poster nos petites vidéos de chatons sur Twitter ou Facebook, ou autre.
Question derrière, c’était de savoir si on n’arrivait pas à avoir une espèce de Skynet qui se préparait pour 2028. Je m’aperçois qu’il y a des gens qui n’ont pas vu Terminator, donc je vais quand même repitcher Terminator. Terminator, le premier du nom avec Schwarzenegger jeune ou à peu près jeune dedans. C’est en 1992, une boîte qui s’appelle Cyberdyne, en Californie, invente une super puce. Cette super puce permet de construire des super ordinateurs, un super calculateur. Ce super calculateur, dedans, on développe une intelligence artificielle qui s’appelle Skynet. Skynet est associée à des robots qui sont, au départ, censés assister l’être humain. Et puis, évidemment, autour de 2028 Skynet pète un câble parce que les humains ne font plus rien qu’à se taper dessus. Et donc, la meilleure façon de protéger les humains c’est de les éliminer et, du coup, on va dérouiller, à grands coups de Schwarzenegger, on va dérouiller les êtres humains.
Évidemment on pourrait dire que je suis paranoïaque, on n’est évidemment pas là. D’abord on n’est pas en 2028, ça peut encore arriver, mais je ne pense pas qu’on y arrive. Mais, par contre, Google a investi massivement dans des robots. Là je ne vous ai pas mis la vidéo, mais pour ceux qui voient c’est Boston Dynamics. C’est une société qu’a revendue Google récemment, parce que, justement, l’image de Boston Dynamics n’était pas très bonne. C’est une boîte qui, au départ, fabriquait des robots pour l’armée américaine, que Google a rachetée, parce que Google est évidemment très intéressée par nous vendre des objets qui seront des objets de confort, c’est-à-dire l’objet final de Google. Il y a Calico qui est donc la filiale d’Alphabet qui vise à prolonger la vie, voire à euthanasier la mort, c’est encore mieux. Allez voir Calico.com [5], je crois. Ils veulent tout simplement tuer la mort, mais surtout, l’objectif de Google, c’est de dire : « Il faut qu’on arrive à devancer, à comprendre quels sont les besoins des utilisateurs avant même qu’ils les formulent ». C’est-à-dire : « Tiens, il ne te reste qu’un yaourt dans ton frigo, je vais donc en recommander un puisque je sais que systématiquement tu commandes chaque fois telle marque de yaourt, etc. » Donc c’est hyper-pratique, sauf que ça fait évidemment consommer. On reste dans une société de consommation et, en plus, une société de consommation complètement assistée.
Donc voilà, ça c’était le bordel. Et donc on a cette dérive, petit à petit, de ces acteurs immensément riches et sur lesquels personne ne s’inquiète de savoir jusqu’où ils sont prêts à aller. J’aurais pu vous faire encore plus peur sur comment est-ce qu’ils commencent à investir un petit peu le champ de la politique étrangère, de la diplomatie, des choses comme ça. Et donc on s’est dit qu’il fallait qu’on réfléchisse un petit peu à ce qu’on pouvait faire pour proposer un autre système, on va dire. On s’est dit qu’on n’était pas contents. Je n’ai pas précisé, mais « on », c’est qui ? « On », c’est Framasoft, association loi 1901, toute petite association, il y a une trentaine de membres. Du coup il y a pas mal de salariés pour très peu de membres vu qu’on est à peu près cinq salariés. Et donc en 2013/2014, on s’est dit qu’il fallait qu’on propose quelque chose pour contrebalancer ce pouvoir, notamment suite aux révélations d’Edward Snowden.
La première chose qu’on a faite c’est qu’on a quitté Google, d’abord, parce qu’on utilisait nous-mêmes, Framasoft utilisait massivement les services de Google. Je me repends, je bats ma coulpe, etc. On a mis des mois, en fait, à quitter les services de Google et on s’est dit « c’est juste pas possible, si nous, alors qu’il y a quelques informaticiens dans l’asso, même si on n’est pas une asso d’informaticiens » — Framasoft c’est français et mathématiques, le « fra » et le « ma », on vient plutôt du milieu de l’éducation. Mais on s’est dit que si nous on avait mis des mois et des mois à quitter Google, pour M. et Mme Dupuis-Morizot ça allait être un petit peu compliqué. On ne les appelle pas les Michu chez nous : les pauvres Michu dans l’annuaire, ils sont un petit peu harcelés. Et donc M. et Mme Dupuis-Morizot, on s’est dit « eh bien ça va être un petit peu compliqué pour eux de quitter Google surtout si on ne leur dit pas quels sont les dangers, déjà, et comment est-ce qu’on peut leur proposer des alternatives . »
Donc on s’est dit que la première chose qu’on pouvait faire c’était sensibiliser. Ça tombe bien, on est une association d’éducation populaire, donc notre boulot c’est aussi de venir parler devant les gens et leur expliquer quels sont les problèmes.
Deuxième chose, on s’est dit on ne peut pas juste sensibiliser et dire « ce n’est pas bien d’utiliser du Google Drive, etc. » Il faut qu’on puisse proposer des alternatives en face.
Et le troisième objectif c’était d’essaimer. [C’est le moment où je regarde ma montre pour savoir si je suis très à la bourre ou juste un peu à la bourre. Vous noterez que j’ai un téléphone Nexus Android by Google. Même pas avec avec Cyanogen. Il ne me reste même pas vingt minutes, enfin une vingtaine de minutes. Je vais aller très vite.]
Donc qu’est-ce qu’on a fait ? On a sorti une campagne qui s’appelle Dégooglisons Internet [6] qui vise, en fait, à prendre un certain nombre de services et on s’est dit « voilà, sur trois ans, les services sur lesquels on pourrait essayer de proposer des alternatives ». Et donc en octobre 2015, ça fait encore quelques mois, eh bien on a quand même abattu certains camps romains de l’oppression « googlelienne » et pas seulement « googlelienne ». Quand je dis Google, encore une fois, c’est beaucoup plus large que ça, c’est GAFAM. On pourrait rajouter d’autres entreprises dedans. Si vous voulez j’ai un petit stand, en bas, qui recense un petit peu les différentes alternatives qu’on propose. Donc voilà alternative à Google Docs, alternative à Google Spreadsheet, on en est loin, mais au moins ça existe.
Alternative à Pocket, alternative à Doodle, Mindmap, Google Reader, et la nôtre elle fonctionne encore ! Facebook, Twitter, c’est du diaspora, on est à mi-chemin entre les deux, ce n’est ni l’un ni l’autre, mais ça fonctionne : on a 27 000 membres quand même, on est loin d’un milliard cinq cents millions. Tous ces services-là vous les retrouverez sur de la documentation que j’ai en bas.
Framagit, on a 5 000 projets. Framabee alternative pour le moteur de recherche, Google Books, des jeux. Alternative à Dropbox, on avait 5 000 membres, ils sont partis en, je ne sais plus ! En tout cas, il y a 2 000 comptes qui sont partis en quarante-huit heures. Donc les 5 000 ont dû partir très vite aussi.
On a crowdfoundé et développé un plugin qui s’appelle MyPads qui permet d’avoir des pads privés. Voilà alternative à Trello, alternative à WeTransfer. Puisque que ça parle quand même beaucoup sécurité, je rappelle juste que sur cette alternative-là, la particularité c’est que les fichiers sont chiffrés avant de nous parvenir ce qui fait que, nous-mêmes, nous ne savons pas ce qui est hébergé sur nos serveurs.
Alternative à uMap, service bien sûr ajouté par-dessus OpenStreetMap, qui été utilisé notamment pas Nuit debout. Autant vous dire que, du coup, la communauté OpenStreetMap était plutôt ravie que ça soit chez nous plutôt que chez eux parce que ça permettait de maintenir correctement le service pour eux.
Les deux derniers services qu’on ait sortis Framateam, Framavox. J’en parlerai éventuellement après.
Voilà. Schwarzenegger, clin d’œil. C’est pensé quand même ! J’ai beau l’avoir finie il y a dix minutes ! Quels sont les problèmes que tout ça pose ?
Le premier problème c’est qu’on ne pensait pas que ça marcherait aussi bien. Et en gros, il y a plein de gens qui viennent chez nous et donc ça fait beaucoup de travail. Ce n’est pas qu’on n’aime pas travailler, mais on se sentirait plus à l’aise s’il y avait un peu moins de gens chez nous.
Deuxième problème, c’est que, nous à la base, [ah ça y est il y en a qui viennent de comprendre !], en gros, on est une bande de potes. C’est une petite association qui ne vise pas du tout à devenir grosse et du coup on pose des services un peu comme ça. Là je peux teaser un petit peu, annonce spéciale dédicace, spéciale spoiler Pas Sage en Seine, on va sans doute sortir un service alternatif à MinecraftEdu, et ça, on ne le savait pas il y a quinze jours. On s’est dit « tiens Microsoft a racheté Minecraft. Microsoft veut mettre du Minecraft éducation et pousser ça à l’Éducation nationale. Ce n’est pas cool. Tiens, si on faisait un serveur Minetest, à base, donc, logiciel libre, alternative à Minecraft. Oh ouais, tiens ça pourrait être rigolo ! » Il y a quinze jours et ça se fait un peu comme ça un peu à l’arrache, mais c’est quand même bien chouette.
On fait de l’expérimentation. On n’est pas là pour proposer du service, avec une qualité de service, avec de l’hot time à 99,9999 %.
Troisième point qu’on nous reproche toujours : « Ah ! Mais vous êtes en train de recentraliser le web. En gros c’est super, les gens quittent Google pour aller chez Framasoft. Bande de salauds ! Vous ne faites pas de la décentralisation ! » Eh bien excusez-nous, on ne l’a pas fait exprès ! D’abord on n’a pas un milliard cinq cents millions de comptes sur Framasphère, mais c’est vrai que ça pose un vrai problème et on n’avait pas du tout anticipé que ça se passerait comme ça.
Et enfin, dernier problème. Ce n’est pas un problème, c’est un choix qu’on a fait en assemblée générale, c’est qu’on a dit qu’on voulait arrêter de grossir. Je ne parle pas de moi, je parle de l’asso ! Mais du coup, vraiment, la difficulté qu’on a c’est que, encore une fois, on est une asso qui est une bande de copains et on n’a pas envie, à un moment donné, d’avoir cinquante salariés, etc. On n’a pas volonté, de toutes façons, de devenir leaders de quoi que ce soit. Donc on est plutôt en mode AMAP, en train de se dire : « Bon c’est bien, nous on a bien réussi à cultiver notre jardin. C’est bien ! Ça marche bien. Il y a des gens, ils viennent chez nous, on est contents, mais il ne faudrait pas qu’ils soient trop nombreux. » Donc comment est-ce qu’on va faire pour virer ces gens-là, en tout cas les envoyer ailleurs ? Et ces gens-là, potentiellement, c’est vous !
Donc on a comparé les 74 milliards de dollars, machin, 23 milliards de bénéfices. Nous on a 20 000 euros de perte en 2014. 4,4 salariés parce qu’ils ne sont pas tous à temps plein. 22 serveurs pour 33 machines virtuelles. Donc on n’est rien, mais c’est quand même rigolo !
Donc on s’est dit qu’il fallait maintenant passer à la phase 3, un petit peu anticipée. On n’avait pas prévu que ça viendrait aussi vite, mais on s’est dit pourquoi pas ! Et donc cette phase s’appelle CHATONS, j’y reviens après, mais c’est chercher, finalement, à créer un réseau d’hébergeurs, avec des hébergeurs qui existent déjà depuis longtemps et puis d’autres qui veulent se créer. J’ai quelques exemplaires de la charte version papier que je pourrai diffuser après, sinon vous pourrez la retrouver en ligne [7].
Les principaux points c’est, en gros, on utilise 100 % du logiciel libre. Pas 99 % ! 100 %. On fait évidemment de l’éthique. On est transparents sur les méthodologies qu’on a pour mettre en place les services. Sur les tarifs aussi, on est transparents vis-à-vis de l’utilisateur. On n’utilise pas de régie publicitaire qui vient croiser les données, les récupérer, les revendre,etc. On respecte la vie privée et les données personnelles. On essaye, évidemment, de décentraliser, donc là, pour nous, notre boulot ça va être d’accompagner différentes structures dans la mise en place de services équivalents à ceux qu’on propose, voire d’autres, je pense notamment au mail qui est une question qu’on nous pose souvent.
Et surtout, en tout cas pour nous c’est important, solidaires, c’est-à-dire non seulement qui facilite l’entraide entre CHATONS et qui fait de l’éducation populaire. C’est-à-dire que ce qu’on veut c’est, à un moment donné, rapprocher l’informaticien du reste du monde, c’est-à-dire des utilisateurs, ces trucs qui vous envoient des mails pour vous dire que ça ne marche pas. Et donc, je vais y revenir, éventuellement, tout à l’heure.
On n’est pas les premiers à faire ça. Il y a plein de gens qui proposent ça depuis longtemps. Je pense au Rhien, historiquement, à Ouvaton, Lautre, etc. Il y a plein de gens qui proposent déjà ce type de services, mais l’idée c’est de se mettre d’accord. Donc il y a un manifeste et une charte. Là je n’ai vraiment pas le temps de revenir sur le manifeste et la charte, mais je vous donne l’adresse après, donc vous pourrez aller les voir en ligne.
L’idée c’est, à un moment donné, de créer finalement un réseau d’acteurs. Concrètement c’est, voyez ce que fait la FFDN pour les fournisseurs d’accès à Internet associatifs. Eh bien c’est de faire un petit peu la même chose. Il va y avoir forcément des différences, mais pour des gens qui proposent de l’hébergement de services en ligne. Notamment, une des choses sur lesquelles on insiste c’est que, en termes de taille, vous pouvez être une association, une coopérative, une entreprise, à la limite, nous on s’en fout, on ne regarde pas la structure juridique en tant que telle, par contre on cherche plutôt les artisans du numérique plutôt que les gros. C’est-à-dire que typiquement OVH, même si on peut penser ce qu’on veut d’OVH, en bien ou en mal, ne pourra pas faire partie de CHATONS tout simplement parce qu’ils ont une taille trop grande et qu’ils sont déjà, eux-mêmes, en train de concentrer des données. Ce qui n’empêche pas que des CHATONS mettent en place des services en partie sur OVH.
Ce qu’on veut c’est abaisser la barrière à l’entrée pour les gens qui veulent créer, notamment une association, par exemple. Et puis surtout, agir localement, ça veut dire, en gros, boire des bières, avec ou sans alcool, enfin buvez autre chose que de la bière sans alcool ! Mais vraiment l’idée de fond c’est que si on veut résister aux énormes silos de GAFAM, à un moment donné, ce qu’il va falloir mettre en place, et on n’y coupera pas à mon avis, c’est rapprocher l’informaticien qui lui sait chiffrer ses mails, sait changer, sait sécuriser sa connexion, sait éventuellement s’installer un ownCloud ou autre, de l’utilisateur qui, lui, ne sait pas forcément comment ça marche. Et donc l’idée est toute simple : c’est tout simplement on met ces deux personnes localement dans un même lieu, en train de boire un coup ensemble, et en espérant qu’à un moment donné il va dire : « Mais pourquoi mon mail était en panne hier. Ah ben oui c’est parce qu’il s’est passé ça, etc. » Et que les gens s’intéressent finalement à comment ça marche l’informatique plutôt que de se laisser avoir par le côté Le Meilleur des mondes, le bouquin d’Aldous Huxley dont je vous parlais tout à l’heure où ça part un petit peu en sucette et où, finalement, on dit : « Vous n’avez pas à savoir comment ça marche. Google s’occupe de tout ! »
Donc voilà. La carte est totalement évidemment fausse, mais l’idée c’est un peu ça c’est de dire « où est-ce qu’on va trouver des CHATONS près de chez soi ? » Cette carte est tout aussi fausse. Vous noterez quand même qu’on avait fait un effort sur le nom : Collectif des Hébergeurs Alternatifs Transparents Ouverts Neutres et Solidaires, ce qui fait CHATONS. Et bizarrement ça marche plutôt bien. En France on déjà une vingtaine de structures qui sont intéressées, pour l’instant. On va voir, après, qui part en même temps que nous ou pas. Et puis à l’étranger ça y est, ça commence. Donc au Québec ils sont déjà partants : on a une asso qui est partante pour se lancer dans le projet. Aux Pays-Bas vous avez Disroot [8]. En Allemagne je crois qu’il y avait Cobite [9], au Portugal Indiehosters [10]. Voilà. En Côte d’Ivoire, il y a des gens qui sont intéressés aussi. À La Réunion aussi il va se monter probablement un CHATONS. Et comme il me reste très peu de temps je speed un peu.
Donc c’est inspiré directement de ce que fait, de ce que propose la FFDN, si ce n’est qu’eux font fournisseur d’accès. L’idée c’est de dire « OK, mais pour l’hébergement comment est-ce qu’on fait ? » On reste sur un modèle AMAP de façon à ce que si jamais il y en un qui tombe, eh bien ce n’est pas grave, on va chez celui d’à côté. CHATONS ce n’est jamais ni plus ni moins qu’un label qui peut être forké. C’est-à-dire si CHATONS ne vous plaît pas, si des gros veulent faire les chiots, les canards, les oies, ils se démerdent, ils reprennent, tout est sous licence libre.
On vise nous spécifiquement plutôt, vraiment encore une fois, les artisans, ce qui va poser des problèmes puisqu’en termes de, je ne sais pas, je vais dire de sécurisation par exemple, eh bien il n’y a pas 800 ingénieurs sécurité comme chez Google.
C’est du 100 % logiciel libre. On s’engage donc, là encore je vais vous redonner l’adresse de la charte et du manifeste. C’est basé sur la confiance et l’autogestion. C’est probablement le point faible, je ne le nie pas. Mais d’un autre côté, si on veut résoudre les problèmes avant qu’ils n’apparaissent, je pense qu’on ne fait pas des bonnes choses. Et l’idée c’est de rapprocher les informaticiens et les moldus, le prolétaire du web qui va se retrouver face à Internet.
Le planning, pour l’instant, il est respecté, ce qui n’est quand même pas toujours le cas avec nous. Si vous avez pour l’instant une adresse à retenir c’est celle-là, donc framagit.org/framasoft/CHATONS [11]. Vous allez autrement sur le site chatons.org. Le nom de domaine était disponible, c’était quand même super. C’était le win du jour quoi ! Vous retrouverez le manifeste et la charte qui sont assez longs, qui sont des documents que je vais faire tourner tout à l’heure. Mai/septembre, c’est-à-dire à peu près maintenant, on va se remettre à faire le site web, à accueillir les premières structures. L’idée c’est de faire une annonce en octobre. Et un an après, si tout va bien, je reviendrai à Pas sage en Seine avec d’autres…
Libérez le monde avec des CHATONS et de la bière, c’est possible et c’est important parce que sinon on risque d’avoir un monde qui sera non pas… Internet pourrait devenir « Googlternet » et ce n’est pas que une question de tuyaux. Je sais qu’il y a beaucoup de techniciens, mais là je ne vous parle pas de termes techniques, je vous parle en termes vraiment de vision politique, voire sociétale du monde qui nous sera imposé, vu que tout ce qu’on va utiliser, le téléphone, la télé, les vidéos, etc., passeront par Google ou autre, peu importe, mais en tout cas, on sera complètement dépendants de ça.
Voilà, ça c’est le slogan. Si vous avez des questions, j’ai été hyper vite mais le sujet était vaste.

Stéphane Bortzmeyer :
Comme d’habitude, seulement avec le micro les questions pour les malheureux qui sont loin.
Pierre-Yves :
Je peux même transmettre le micro, si tu veux.
Public :
Moi j’ai une question toute bête. Est-ce qu’il y a une taille minimale pour être un CHATONS ?
Pierre-Yves :
Non.
Public :
Non ! C’est-à-dire même si c’est un truc où on est vingt ?
Pierre-Yves :
Par contre, il y a des engagements, par exemple sur le backup. Pour moi, il faut que tu sois capable de proposer une solution. Tu ne peux pas juste te contenter de mettre en place, par exemple, du Framadate, que tu renommes « totodate » ou ce que tu veux, ça c’est parfaitement possible, et dire « ça y est je demande à apparaître sur la carte des CHATONS ». Parce que si tu ne fais que ça, potentiellement, si le service tombe, les gens ne sont pas contents, etc. Donc il y a des engagements vis-à-vis notamment du backup qui sont indispensables. Peu importe la taille, l’important c’est que ça soit bien fait ou suffisamment bien fait pour que ça ne pose pas de problèmes derrière.
Public :
OK. Merci.
Pierre-Yves :
Et on déjà plusieurs particuliers qui potentiellement sont intéressés pour proposer ça uniquement à leur famille, par exemple. Très bien.
Stéphane Bortzmeyer :
D’autres questions ? Loin là-bas.
Pierre-Yves :
Je vais faire tourner la charte en attendant.
Public :
Tout d’abord bravo, merci ! Vous êtes formidable ! Je suis là.
Pierre-Yves :
Merci. Ah tu es là !
Public :
Du coup comment imaginer aussi des complémentarités avec de l’auto-hébergement, les projets genre YunoHost [12].
Pierre-Yves :
Cozy [13] et compagnie.
Public :
Je pensais plus à la brique YunoHost, ce genre de projet.
Pierre-Yves :
On sur-kiffe notamment YunoHost, avec qui on se disait, justement la semaine dernière, qu’on allait sans doute faire des projets ensemble, notamment pour que nous on facilite le travail d’intégration des applications, type ce qu’on propose, donc je ne sais pas, du EtherPad dans YunoHost. Peut-être qu’on arrivera à libérer un peu de temps salarié, ce qui est important, pour participer et contribuer à YunoHost. Le problème de l’auto-hébergement c’est qu’il y a des super bons côtés d’un point de vue technique, mais il y a des vraies problématiques qui, pour l’instant, ne sont pas résolues d’un point de vue logistique, pratique. C’est-à-dire qu’est-ce qui se passe si j’ai tout mis sur une petite carte mémoire, donc j’ai ma distrib YunoHost qui est installée sur ma micro SD qui fait, je ne sais pas, 128 gigas, super, et puis cette carte plante ? Qu’est-ce qui se passe si j’ai une inondation dans mon appartement et que ma brique internet a pris la flotte ? Toutes ces questions-là de l’auto-hébergement. On est vraiment pour l’auto-hébergement, soyons très clairs, ce projet ne sert qu’à faire la transition vers un auto-hébergement, mais un auto-hébergement qui soit efficace chez M.et Mme Dupuis-Morizot. Aujourd’hui, la brique internet c’est super et on est plusieurs a en avoir. C’est très bien, mais c’est compliqué de dire à M. et Mme Toutlemonde « allez-y, branchez-le et vous n’aurez plus à vous occuper de rien ! » Ce n’est pas vrai ! Pour moi, aujourd’hui, c’est juste pas vrai ! Ça marche et ça marche carrément bien, mais on ne peut pas juste se contenter de dire « ouais ça va fonctionner et vous n’aurez plus à vous occuper de rien ! »

Alors que là, l’idée c’est qu’à un moment donné ce soient des gens. Typiquement moi je suis à Lyon. Il y a une association qui s’appelle Hadoly [14] qui s’est montée à Lyon il y a peu de temps. Ce n’était pas du tout en relation avec le projet CHATONS. Ce sont juste des gens de Illyse qui est le fournisseur d’accès associatif local, membre de la FFDN, des gens de l’ALDIL, qui est le GULL local, qui se sont dit : « Ah ben tiens, on pourrait aussi, nous, mutualiser nos solutions d’hébergement. OK très Bien. Ah ben tiens, on va monter une asso. OK, très bien. Ah puis tiens, on pourrait proposer ces services à des gens aussi qui sont à l’extérieur. OK très bien. » Sauf que, à un moment donné, c’est comment est-ce qu’on fait pour que cette offre soit visible sur Lyon ? Et moi ce que j’espère c’est que, à un moment donné, CHATONS ce sera une carte sur laquelle, eh bien OK je suis à Lyon, je veux faire héberger mes mails, ce que ne fera pas Framasoft, je tease un peu, mais je doute qu’on propose un jour une alternative de ce côté-là. À ce moment-là tu vas voir Hadoly qui elle pourra proposer du mail contre un abonnement type ce que propose Lautre.net, etc., mais en version décentralisée. Parce que moi, aujourd’hui, si j’envoie tous les gens qui veulent du mail Framasoft chez Lautre.net, j’en connais qui vont faire la gueule, parce que ça va leur faire un petit peu de boulot. Ça va leur faire des sous, ouais, mais un petit peu de boulot.

Public :
Dans le préambule, juste au début, en fait, un des premiers engagements qu’on prend c’est celui de respecter la loi. C’était quoi l’importance de s’engager à ça ? Qu’est-ce qui fait que c’est important que les gens qui adhèrent à ce truc soient absolument respectueux de la loi en premier ?
Pierre-Yves :
Tu veux dire dans la charte ? On a mis ça parce qu’à un moment donné on est pris, nous, pour des terroristes, pédonazis, machin, bidule, et on explique que non ! C’est très peu arrivé dans l’histoire de Framasoft, mais on a déjà eu des requêtes judiciaires spécifiquement sur tel ou tel point. Il ne s’agit pas de se mettre contre la loi, il s’agit de l’appliquer strictement en fonction des besoins qui nous sont faits. C’est-à-dire qu’on ne réagit pas sur un coup de fil, quand bien même on nous dirait que c’est la police, machin et tout. On attend la requête judiciaire qui nous dit : « Il faut fournir des infos de tel endroit, de tel type, à tel moment ». Si évidemment il y a quelque chose qui arrive et qui nous dit : « Voilà on veut avoir un accès root à vos serveurs », eh bien on va probablement se prendre les pieds dans le tapis et tous nos serveurs se retrouveront effacés. Merde ! Désolés ! Un peu ce qu’avait fait Lavabit.
Public :
Je n’ai pas micro, mais tu ne respectes pas la loi dans ce cas-là.
Pierre-Yves :
Non.
Public :
Je n’ai pas le micro, mais dans ce cas-là, tu ne respectes pas la loi du tout.
Pierre-Yves :
Ah si tu effaces ? Je dis bien ! J’ai bien dit « on s’est pris les pieds dans le tapis, désolés ! »
Public :
C’est un accident.
Pierre-Yves :
Voilà. C’est un accident !
Public :
Cinq admins oublient leurs mots de passe !
Pierre-Yves :
Oui, voilà, ça marche aussi. On trouvera une façon de… Voilà !
Public :
Je suis Mme Dupuis-Morizet.
Pierre-Yves :
Mme Dupuis-Morizot.
Public :
La moldu des spectateurs je pense, et du coup j’ai une petite question pour conquérir le monde. Est-ce que dans vos projets vous arrivez à avoir, notamment en organisation et en communication, des gens qui ne sont pas le côté informatique, mais qui aideraient plutôt dans l’organisation, la répartition des demandes ou des choses, on va dire, de base, de gestion en fait. Et qui aideraient peut-être à, justement, populariser un peu ce côté-là.
Pierre-Yves :
Ouais ! Très bonne question. On galère, très honnêtement. Framasoft, c’est trente membres, il y a peut-être dix informaticiens à tout casser. On a la chance d’avoir de très bons informaticiens dans ce lot-là. Mais pour le reste, à la louche, tu as du prof de ski, du comptable, du directeur d’école primaire. Donc tous types de métiers qui ne sont pas des informaticiens et qui ont, du coup, une vision plus grand public. Encore une fois, nous on vient du milieu de l’Éducation nationale/éducation populaire donc c’est assez varié comme profils. Par contre on est ouverts à toutes les contributions. C’est-à-dire que pour nous, il n’y a pas besoin d’être membre d’une asso pour participer à améliorer les choses. Donc on est complètement ouverts à toutes les propositions. Je remets au passage peut-être l’adresse du Git. Après vous pouvez aller discuter. OK, il faut se créer un compte, c’est du Gitlab. Mais vous pouvez participer et donc poser des questions et on répond. La charte et le manifeste là, qui circulent, ont déjà été modifiés par des personnes qui ne font pas du tout partie de l’association et qui viennent poser des questions sur « mais telle règle, je trouve qu’il faudrait l’adapter comme ci comme ça ». Et donc ça peut être aussi le cas sur l’aspect communication. Je ne sais pas si ça répond à ta question.
Stéphane Bortzmeyer :
Il reste le temps juste pour une question, donc si quelqu’un en a une.
Public :
Est-ce que les collectivités telles que les villes et les régions peuvent participer en tant qu’hébergeur ?
Pierre-Yves :
Pour moi, si elles respectent la charte et le manifeste, si elles s’engagent à respecter la charte et le manifeste, oui. Je suis complètement agnostique en termes de structure. Par contre il y a une problématique de taille. C’est-à-dire que si demain une collectivité dit : « Moi je vais être CHATONS pour x millions de personnes », ça fait un silo. Si ça fait un silo ce n’est pas bon !
Stéphane Bortzmeyer :
On a peut-être le temps pour une dernière, dernière question.
Public :
Du coup quelle est la taille critique, finalement ?
Pierre-Yves :
Je n’en sais fichtrement rien. Et je vous propose qu’on la définisse ensemble, que ce soit demain, que ce soit en ligne, etc. Soyons très clairs, ce n’est pas un projet qui a été pensé pendant des mois et des mois. L’acronyme a été sorti un soir de presque beuverie, on ne va pas faire de la promotion. Mais à un moment donné, nous, c’est juste qu’on s’est dit « mais on commence à porter un poids qui est trop lourd par rapport au projet qu’on voulait faire. Soit on grossit et on va devenir un gros machin centralisé avec des gens qui ne se connaissent pas dans l’asso et ça va être chiant. Et ce n’est pas ça qu’on voulait. Donc on s’est dit il faut qu’on encourage les gens, finalement, à faire un petit peu la même chose que ce que nous on propose, mais ce que La mère Zaclys, ce que Lautre.net, ce que Ouvaton font déjà depuis des années. Et donc de dire mettons en avant ce modèle-là, le modèle de l’AMAP, ni plus ni moins ». Nous on fait du service bio, du service en ligne bio. C’est très bien, mais on le fait sur 20 hectares. On ne peut pas le faire sur 2 000. À un moment donné c’est comment est-ce qu’on accompagne d’autres structures pour dire « vous allez pouvoir, vous aussi, vous constituer comme ça ». Et donc quelle est la taille ? Sur les tailles maximales ou des choses comme ça, je n’en sais strictement rien, et je pense qu’il faudra qu’on le définisse ensemble. Très concrètement, moi, ma façon de fonctionner, alors ce n’est pas forcément l’unanimité ou dans l’asso ou ailleurs, c’est de dire « on fait le truc et on voit si ça marche. » Et si ça marche eh bien c’est chouette ! Et si ça ne marche pas, ce n’est pas grave ! Quand je dis qu’on veut sauver le monde, vous êtes conscients de l’ironie, j’espère. On n’a pas non plus la tête comme ça.
Stéphane Bortzmeyer :
Merci bien Pyg pour cette présentation.
Pierre-Yves :
Merci à vous.

Applaudissements
[footnotes /]