ChatGPT et l’inexorable avancée de l’IA

Philippe Papineau : Bonjour. Je m’appelle Philippe Papineau et vous écoutez Décrocher la une.

L’intelligence artificielle gagne du terrain. On a récemment eu DALL-E et Lensa AI pour la production d’images numériques. Voici qu’un nouvel outil, ChatGPT, est capable de répondre à nos questions et de produire des contenus écrits avec érudition et même avec un certain style. Cet engin puissant fascine autant qu’il inquiète et plusieurs observateurs y voient un tournant dans notre rapport aux technologies. Chose certaine, malgré les défauts de l’outil, il semble qu’on va devoir composer avec, on ne peut pas remettre le dentifrice dans le tube. Quel est le réel potentiel de l’outil ChatGPT et quels en sont les risques ? Nous recevons notre collègue journaliste Alain McKenna pour en discuter.
Bonjour Alain.

Alain McKenna : Bonjour Philippe.

Philippe Papineau : Pour nos auditeurs qui n’auraient pas encore eu la chance de tester la bête, peux-tu nous expliquer ce qu’est ChatGPT ?

Alain McKenna : C’est une nouvelle application d’intelligence artificielle qui a vu le jour début décembre [2022], donc ça ne fait pas très longtemps, et qui a vraiment pris l’Internet d’assaut, tellement qu’un peu avant qu’on se parle on l’a essayée et elle était surchargée.
C’est essentiellement un outil de clavardage extrêmement sophistiqué, auquel on peut poser des questions dans un langage tout à fait naturel, comme on se parle en ce moment mais à l’écrit, et il répond à son tour de façon tout aussi naturelle, comme si un humain nous répondait en fin de compte. Ce qui est intéressant c’est que c’est un outil qui est très sophistiqué, mais qui est accessible à tout le monde, il faut juste s’inscrire sur le site de son créateur, une agence qui s’appelle OpenAI [1]. On peut voir concrètement le potentiel de l’outil non seulement en français mais aussi dans des langages de programmation. Donc on peut lui demander une réponse sur un sujet d’actualité en français, mais on peut aussi lui demander de programmer un plugin pour un site web et elle le fait. Elle peut carrément créer des sites web en C et des bouts de code plus sophistiqués à la demande. Elle est tellement performante qu’on parle littéralement de remplacer des programmeurs ou des gens qui travaillent dans un bureau, qui feraient des tâches administratives essentiellement à base de texte.

Philippe Papineau : ChatGPT [2] a remporté un succès instantané depuis son lancement. On parle de plus d’un million d’utilisateurs inscrits. J’ai vu des tonnes d’exemples d’utilisation sur mes réseaux sociaux. Alain, je me demande qui est exactement derrière cette innovation.

Alain McKenna : C’est intéressant. En fait c’est une OBNL [Organisation à but non lucratif]qui s’appelle OpenAI, donc à but non lucratif, ce n’est pas une entreprise qui va chercher à faire des sous avec ça.

Philippe Papineau : C’est d’ailleurs gratuit.

Alain McKenna : Oui, exactement. Ça a été cofondé en 2015 dans la Silicon Valley, à San Francisco, et ça a été financé par des gens qui ont des poches profondes, notamment Elon Musk, dont on sait être un grand promoteur de l’intelligence artificielle. Il y a aussi des entreprises. Il y a des anciens de Google qui ont investi là-dedans. Microsoft aussi a mis un milliard de dollars, il y a déjà quelques années.

On connaît OpenAI dans le secteur technologique pour deux logiciels qui font partie des technos très populaires : GPT-3 qui est la base de ChatGPT, qui est un outil de gestion de compréhension naturelle du langage et DALL-E qui est, en fait, un générateur d’images basé, encore une fois, sur le langage naturel, complètement un autre sujet qui est aussi très up en ce moment.

Ce qui fait que ChatGPT existe en ce moment, c’est qu’on est au croisement de deux courants de recherche en intelligence artificielle sur la compréhension naturelle du langage, un des deux gros secteurs de la recherche depuis toujours en l’intelligence artificielle ; même à Montréal il y a des laboratoires en IA qui sont spécialisés et c’est une de leurs spécialités donc c’est quelque chose qui nous touche, même au niveau commercial ici à Montréal. L’autre partie, c’est cette espèce de tendance au niveau programmation qu’on appelle le No-Code, c’est-à-dire apprendre à programmer sans avoir à écrire du code. Là, tout d’un coup, on a un outil qui combine les deux et fonctionne un peu comme par magie. Ça permet justement de répondre à différentes questions. Il y a quelque chose de paradigmatique au fait que ça voit le jour en ce moment. C’est clairement une application d’intelligence artificielle qui confirme le potentiel de cette technologie-là dont on parle depuis des années puisque ça existe et maintenant ça fonctionne.

Philippe Papineau : Quel est l’avantage pour OpenAI d’avoir rendu publique une technologie qui est si puissante ?

Alain McKenna : Il y en deux.
Le premier, c’est évidemment que d’autres chercheurs ont accès à la technologie donc peuvent l’améliorer. Qu’on soit chercheur, développeur ou même juste curieux, si on accède à la plateforme et qu’on l’utilise, les gens d’OpenAI nous demandent de donner notre opinion si la réponse est bonne. Donc on peut aider à affiner l’outil à travers la perception qu’on a de ses réponses.
Il y a aussi quelque chose d’assez intéressant parce que cette volonté de rendre publique la recherche vient, entre autres choses, d’Elon Musk — c’est d’ailleurs très typique de l’intelligence artificielle — pour faire avancer plus vite les recherches que font d’autres chercheurs. Je parle de Musk parce que, du côté de Tesla, c’est ce qu’il a fait à peu près à la même époque de la fondation d’OpenAI en libérant un paquet de brevets sur la voiture électrique que Tesla possédait pour, justement, encourager les autres fabricants à se lancer dans l’électrique plus rapidement puisqu’il y avait un effet de goulot d’entonnoir à ce moment-là, on n’arrivait pas à mettre sur le marché des véhicules comparables aux Tesla. On peut faire un parallèle parce qu’en IA c’est la même chose : à un moment donné, la recherche en silo ralentit l’émergence de la technologie comme telle. On voit clairement que là ça a été bénéfique à OpenAI parce qu’on arrive avec un outil qui est extrêmement puissant et qui fait vraiment parler dans le secteur de la recherche en IA aussi. Tout le monde en parle, même ici à Montréal, parce qu’une des forces de Montréal c’est ce genre d’application, de reconnaissance du langage naturel.

Philippe Papineau : En faisant tomber tous ces murs-là on est allé plus vite, on est allé vers un produit meilleur.

Alain McKenna : Meilleur et, surtout, qui va être testé plus durablement, en tout cas plus sérieusement par des gens qui sont aussi des experts en recherche en intelligence artificielle.

Philippe Papineau : On évoquait plus tôt ce qu’on pourrait accomplir avec cette nouvelle intelligence artificielle. J’imagine que toi aussi tu l’as testée : à quel point est-ce que c’est performant ?

Alain McKenna : J’ai eu beaucoup de plaisir à l’essayer. Quand on l’essaie, je pense que pour tout le monde c’est la même chose, le but c’est d’essayer de la prendre en défaut, d’arriver à lui faire dire quelque chose qu’elle ne devrait pas.
Le premier réflexe que j’ai eu en voyant ChatGPT c’est de dire « waouh !, pour un travail d’école, un travail de recherche, c’est fou parce qu’elle peut faire le job à notre place ! ». Je lui ai d’abord demandé « qui est René Lévesque ? » pour savoir si elle avait vraiment une certaine connaissance de ce qui nous concerne ici au Québec. Elle m’a répondu en deux paragraphes son histoire publique, ce qu’on connaît de lui, journaliste québécois, fondateur et ainsi de suite. Je suis allé un petit plus loin en me disant « maintenant qu’on sait la politique québécoise, qu’est-ce qu’elle peut nous dire sur l’histoire politique du monde ? ». Donc je lui ai demandé de me résumer ce que pensait Jean-Jacques Rousseau de la séparation des pouvoirs dans l’État, ce qui est quand même assez pointu. Elle m’a vraiment défini que lui voyait les choses avec une séparation de l’exécutif, du législatif, du judiciaire et ainsi de suite. C’est là où j’ai voulu la piéger en lui demandant si Thomas Hobbes, un penseur qui est né un siècle plus tôt que Rousseau, est d’accord avec Rousseau, en tout cas aurait inspiré Rousseau. Elle m’a dit qu’effectivement, dans son livre Léviathan qui est son grand livre, il parlait de l’importance de la séparation des pouvoirs, ce qui est, malheureusement, faux parce que Hobbes était un absolutiste qui croyait plutôt qu’un leader fort et unique devait diriger l’État. Donc elle n’a pas toujours raison !

Cela dit, il y a plein d’autres choses plus accessibles qu’elle peut faire aussi. Elle peut créer des recettes, si on lui demande, avec des ingrédients de base, ce qui est quand même, en soi, assez fou. On dit aussi qu’elle peut écrire des chansons, je n’ai pas essayé, elle peut même reproduire le style de certains artistes, le slam, le rap, des choses comme ça. Donc il y a vraiment bien choses qu’elle peut faire.

Philippe Papineau : Je te propose qu’on teste. J’ai l’ordi avec ChatGPT dessus. Peut-être un poème de quatre lignes, Alain, sur quel thème ?

Alain McKenna : Je ne sais pas, sur le hockey ?

Philippe Papineau : Sur le hockey.
« Le hockey, un sport intense
Où la glace est le terrain
Les joueurs sont rapides et habiles
Et le but est de marquer des points. »

Alain McKenna : Il y a quand même une rime en plus !

Philippe Papineau : Oui, bravo ! Un autre ? Alain, je n’ai pas encore acheté tous mes cadeaux de Noël alors je vais demander à l’intelligence artificielle de me dire ce que je pourrais acheter pour ma mère : « Qu’est-ce que je pourrais acheter comme cadeau à ma mère ? — 
Il y a tellement de choses que vous pourriez acheter comme cadeau pour votre mère, tout dépend de ses goûts et de ses intérêts — déjà il y a du sens ! — Si votre mère aime les bijoux, vous pourriez lui acheter de jolies boucles d’oreilles ou un collier — ce n’est pas genré du tout ça ! — Si elle aime les livres, vous pourriez lui offrir un livre qui l’intéresse. Si elle aime cuisiner, vous pourriez lui acheter un livre de recettes ou un ustensile de cuisine qu’elle n’a pas encore. Vous pourriez également lui offrir un abonnement à un club d’intérêt, comme un club de lecture ou un club de fitness. L’important c’est de montrer à votre mère que vous l’aimez et que vous connaissez ses goûts et ses intérêts. » Quand même, c’est joli !

Alain McKenna : On ne dirait pas un robot !

Philippe Papineau : Non, c’est vrai.
Pour ce qui est de mon père : « Qu’est-ce que je pourrais acheter comme cadeau à mon père ? — Il y a beaucoup de choses que vous pourriez acheter comme cadeau à votre père — bien sûr —, tout dépend de ses goûts et de ses intérêts. — Je pense que c’est la thématique d’un cadeau. — Si votre père est un passionné de sport, vous pourriez lui acheter un billet pour un match de son équipe favorite ou un livre sur l’histoire de son sport préféré. Si votre père est un amateur de bière, vous pourriez lui offrir une caisse de sa bière préférée ou un kit pour brasser sa propre bière. Si votre père aime le jardinage, vous pourriez lui offrir des outils de jardinage ou des graines pour son jardin. L’important c’est de trouver quelque chose qui corresponde à ses goûts et à ses intérêts pour lui montrer que vous le connaissez et que vous l’appréciez. » On a la même petite morale à la fin, mais des suggestions assez concrètes et un peu genrées encore.

Alain McKenna : C’est un peu cliché quand même !

Philippe Papineau : Décrocher la une revient après ceci.

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Philippe Papineau : Maintenant qu’on a bu la caisse de bière qu’on a offerte à notre père, il y a quand même des limites à cet outil, ce n’est pas tout rose !

Alain McKenna : Il y a quand même des limites, c’est certain. Entre autres, la première chose c’est qu’elle n’est pas au courant de l’actualité brûlante du moment. En fait, elle se dit elle-même déconnectée d’Internet, donc elle a probablement filtré ce qui existe sur les réseaux, et elle dit qu’elle a arrêté de fouiner en 2021 ; elle n’a pas ce qui est vraiment dans la dernière année. Évidemment elle ne va pas faire de projections sportives non plus. On peut lui demander ce qu’elle pense des Canadiens, elle va nous raconter l’histoire du club, elle ne va pas nous dire si cette année ils sont bons, s’ils vont faire les séries ou quoi que ce soit.

Elle peut aussi se contredire, parfois, ce qui est un peu fâcheux.
Tout à l’heure j’ai pris l’exemple de Thomas Hobbes, c’est évidemment assez pointu, mais, de façon plus générale, on lui avait demandé ce qu’elle pense d’elle-même, de l’impact qu’elle pourrait avoir sur la société ou l’éducation. Elle disait : « Je peux représenter une menace réelle au modèle actuel ». On l’a challengé en lui demandant : « Vraiment ? ». Elle a répondu : « Non, pas vraiment. Je suis peut-être plus une occasion potentielle d’améliorer les techniques », ou quelque chose comme ça. Donc selon comment on présente l’information elle peut répondre de façon différente. Il y a évidemment des choses qu’elle ne va pas nous dire, elle n‘a pas d’opinion comme telle. Notre collègue à la musique, Christophe Huss, lui a demandé si Yannick Nézet-Séguin est un excellent chef d’orchestre et elle a dit : « Je suis une intelligence artificielle, je n’ai pas de goûts musicaux particuliers, je ne peux pas répondre à cette question-là. »

Philippe Papineau : Donc il y a quand même des limites à ce qu’elle peut nous dire.

Alain McKenna : Exact.

Philippe Papineau : Si la prouesse de cet engin d’intelligence artificielle impressionne, il y a quand même de quoi mettre en garde les gens dans plusieurs domaines, selon les observateurs. Est-ce inquiétant ?

Alain McKenna : C’est un outil très général, mais il y a des applications concrètes qui inquiètent ou qui font sourciller. Un bel exemple, parce que c’est très facile à illustrer, c’est tout ce qui inquiète les programmeurs, ceux qui écrivent des applications, des sites web, des choses comme ça. Entre autres choses, comme on disait, premièrement en termes d’ordre de grandeur, d’importance du phénomène, c’est qu’on compare ça au passage de l’ordinateur de la carte perforée à l’ordinateur avec un clavier et une souris, en termes de prouesse dans ce que ça représente pour un programmeur. Donc c’est un potentiel parce que ça simplifie beaucoup la programmation, mais ça peut aller tellement loin que ça peut remplacer des programmeurs, donc on s’inquiète là-dessus.

Philippe Papineau : Des pertes d’emploi ?

Alain McKenna : En partie. Il y a évidemment aussi la question de l’origine du code : à qui emprunte-t-elle les codes qu’elle produit ? C’est sûr que là il y a une question non seulement de droit d’auteur mais de propriété intellectuelle assez intéressante.
Comme c’est du travail écrit, ce sont des choses qui ressemblent beaucoup aux travaux qu’on fait à l’école et, dans le secteur de l’éducation aussi, on se demande comment on va gérer ça, parce que là, tu le disais, on ne remettra pas le génie dans sa lampe ; c’est là, ça existe et dans le secteur de l’éducation, notre collègue Anne-Marie Provost a écrit là-dessus, a parlé avec des gens du secteur de l’éducation. D’ailleurs un groupe Facebook s’est créé quelques jours après la naissance de ChatGPT, qui regroupe 500 professeurs québécois qui échangent sur la façon de gérer cet outil-là, sur comment l’utiliser de la bonne manière, parce qu’ils y voient du potentiel. L’idée c’est évidemment d’éviter la tricherie parce qu’il va être facile de créer des textes scolaires, à partir de ça, sans aucun effort.

Philippe Papineau : C’est ça. Je pourrais demander « fais-moi un résumé sur la naissance de la Deuxième guerre mondiale » et elle va pouvoir m’expliquer ça.

Alain McKenna : Exactement. Et tu peux lui demander dans quel style, genre à la façon de quelqu’un ; tu peux aussi demander une certaine longueur, 750 mots, quatre pages, des choses comme ça, et elle respecte les paramètres. C’est effectivement inquiétant. Comme ça ne va pas disparaître, ce serait surprenant que ça disparaisse après tout ce que ça a fait comme buzz depuis quelques jours, il faut que les enseignants se questionnent sur comment l’intelligence artificielle peut être utilisée, est-ce qu’il faut l’encadrer, ou comment on revoit la façon dont on enseigne les choses pour éviter que ça devienne justement un risque ou une menace.

Philippe Papineau : Oui. Les étudiants vont créer avec l’intelligence artificielle, les professeurs vont corriger avec le même outil et personne ne va rien apprendre.

Alain McKenna : Exactement. Sauf l’intelligence artificielle qui s’affine à chaque fois !

Philippe Papineau : On va lui donner un diplôme à la fin !
Tu parlais du juridique. Est-ce qu’il y a des limites ? Est-ce que l’utilisation du matériel est encadrée ?

Alain McKenna : Oui et non. Il y a des conditions d’utilisation. OpenAI sait évidemment très bien qu’il y a un risque avec son outil, donc elle spécifie, j’allais dire de façon assez précise, les limites, le cadre qu’elle souhaite imposer pour éviter les abus. Évidemment, on ne veut pas déraper, on ne veut pas voir l’outil déraper : comme on peut créer du code, on peut créer du code malicieux, donc on veut éviter ça. On peut aussi, évidemment, reproduire, même si c’est moins apparent : quand on dit qu’on veut écrire quelque chose dans le style de quelqu’un, on pourrait peut-être écrire une chanson dans le style d’un auteur connu et là on vient un peu usurper la façon de faire de certaines personnes. La question, pas nécessairement de propriété intellectuelle mais quand même, de légitimité de l’outil et de remise en question, mais c’est un peu limité par les conditions. Au-delà de ça, on parle beaucoup du droit d’auteur et c’est très évident du côté de DALL-E, des outils d’image, parce que, là, on reconnaît le style artistique d’un auteur connu plus facilement que dans du texte. L’outil ne reproduit pas du texte verbatim, il n’y a pas de copier-coller dans cet outil-là, donc ça a l’air plus légitime de ce côté-là.

Naturellement, ce n’est pas un outil professionnel, ce n’est pas un gestionnaire de portefeuille, ce n’est pas un avocat, ce n’est pas un médecin, donc les questions qu’on lui poserait sur la maladie, sur les traitements d’une maladie, sur les conseils d’investissement, si quelqu’un veut essayer, n’ont aucune valeur, d’une certaine façon, c’est comme parler à son voisin, donc il n’y a pas de risques. En tout cas il n’y a pas de recours si quelqu’un faisait un geste mal avisé basé sur les conseils d’une intelligence artificielle comme celle-là. Il ne faut pas imaginer que quelqu’un va essayer de poursuivre OpenAI parce qu’elle lui a raté son coup en bourse ; ça, au moins, c’est bon !
On parle de choses juridiques, il y a quand même quelque chose de pas banal, c’est que l’outil peut servir dans les applications de droit. Des gens ont essayé d’écrire, entre autres, des documents juridiques ou, par exemple, des documents qui permettent d’encadrer, de créer une entreprise ou un certificat de copropriété.

Philippe Papineau : Une convention.

Alain McKenna : Exactement, et elle le fait, semble-t-il, de façon impeccable, elle respecte le formatage, la mise en forme et les différents éléments qui se retrouvent généralement dans des documents comme celui-là. Non seulement les avocats, mais les notaires aussi devraient regarder ça de plus près et peut-être qu’il y a des inquiétudes à avoir de ce côté-là.

Philippe Papineau : Est-ce que des lois existent pour encadrer ce genre d’outil ?

Alain McKenna : Il n’y en a pas encore, mais c’est à l’étude. L’Union européenne est un peu le leader, il y a un projet de loi qui est à l’étude là-bas, pour être voté bientôt, sur comment encadrer l’intelligence artificielle. Il y a aussi le projet de loi C-27 [3] au Canada, à Ottawa, qui est en train d’être analysé. Au niveau gouvernemental, l’enjeu c’est plus d’éviter, en fait, les biais, la discrimination, ces choses-là, qui étaient et qui sont peut-être encore des questions, de façon plus large, dans le secteur de l’intelligence artificielle.

Philippe Papineau : L’intelligence artificielle a souvent a été associée à une menace, mais, avec l’arrivée de ChatGPT, ces peurs-là sont-elles justifiées ? Les travailleurs doivent-ils craindre le pire, Alain ?

Alain McKenna : Certains travailleurs sont, peut-être, menacés. On parle beaucoup d’intelligence artificielle et de robotisation comme d’un outil pour remplacer les travailleurs dans certaines applications spécifiques. Est-ce qu’un outil conversationnel peut le faire ? Certainement dans certaines applications, on le voit déjà avec ce qu’on appelait les chatbots jusqu’à tout récemment, les outils automatisés de service à la clientèle pour sites web où là, clairement, ça remplace des agents.
Est-ce que ça remplace tellement des agents que ça permet de couvrir plus de terrain, de répondre à plus de demandes en même temps ? Il y a là une question de productivité où ChatGPT va certainement être une partie de la solution, en tout cas des outils comme celui-là. Est-ce que ça va voler des jobs ? C’est une question qui reste ouverte, parce qu’on ne le sait pas encore, mais ça a le potentiel de le faire.

Philippe Papineau : En tout cas j’espère, Alain, que l’intelligence artificielle ne te vole pas ton job. Merci d’avoir été là aujourd’hui.

Alain McKenna : Je te dirais que je peux lui demander de faire mon CV !

Philippe Papineau : C’est ce qui conclut notre épisode d’aujourd’hui.
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Je m’appelle Philippe Papineau. Ce balado est réalisé par Xavier Kronström Richard, à la recherche Marie-Ève Brassard, le thème musical est signé par Alexis Elina.
Merci beaucoup d’avoir été des nôtres. On se retrouve demain.