Vers un numérique du service public écoresponsable - Richard Hanna

Richard Hanna, chargé de mission interministérielle numérique écoresponsable au sein de la direction interministérielle du numérique (DINUM), présente dans ce webinaire :

  • les travaux réalisés par l’administration publique en vue de réduire l’empreinte environnementale du numérique, depuis l’achat jusqu’à l’écoconception des services numériques et le réemploi des équipements ;
  • les enjeux de la nouvelle loi Réduction de l’empreinte environnementale du numérique, REEN, visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique, notamment des implications pour les communes et les intercommunalités de plus de 50 000 habitants.

Présentation

Steve : Bonjour à tous, bienvenue à ce cinquième webinaire du programme TNT, Transformation numérique des territoires. Le sujet du jour est « Vers un numérique du service public écoresponsable ». Notre intervenant sera Richard Hanna, chargé de mission numérique écoresponsable au sein de la DINUM, je le laisserai se présenter juste après.
Pour votre information, la présentation dure près de 30 minutes. On laissera après une trentaine de minutes, en fin de séance, pour les questions/réponses. Je vous laisserai les adresser dans la discussion publique sur votre gauche.

Richard, je te laisse la main tout de suite.

Richard Hanna : Bonjour à tous. Merci, Steve, merci à toute l’équipe TNT [1] de la DINUM [2] de m’inviter à ce webinaire, de pouvoir échanger avec vous, de partager un bon moment, j’espère, pendant cette heure.
Je vais dérouler toute une présentation en moins d’une demi-heure, j’espère, parce que je parle beaucoup, je parle un peu trop, pour laisser un large moment pour qu’on puisse échanger, répondre à vos questions sur tout ce qu’il faut clarifier ou tout ce qu’on peut creuser avec vous.

Je suis Richard Hanna, chargé de mission interministérielle Numérique écoresponsable. Récemment, on a voulu davantage communiquer grâce à un logo, un nouveau nom, MiNumEco, qui soit reconnaissable.

Par rapport à notre sujet du numérique, je voudrais commencer par poser les bonnes questions.
Est-ce qu’aujourd’hui il n’y a pas un problème de sémantique ? Est-ce que le numérique est vraiment immatériel, sachant qu’on parle à chaque fois de dématérialisation, de cloud, d’informatique en nuage ? On a l’impression que le numérique, c’est de la vapeur, quelque chose qui n’est pas tangible, qu’on ne peut pas toucher. Et en fait, non, le numérique repose sur toute une infrastructure matérielle.

Et puis l’autre sujet : on parle toujours du numérique, mais est-ce qu’on ne devrait pas parler des numériques ? On conçoit les services publics numériques ; est-ce que le numérique de Facebook, des réseaux sociaux, c’est le même ? Est-ce que le numérique des cryptomonnaies c’est le même que le numérique qu’on connaît au quotidien ? Le même que le numérique des métavers, des NFT [Non-Fungible Token], du Web3, etc., toutes les tendances un peu à la mode ? On parle du numérique ou du futur du numérique. Personnellement, je ne pense pas.
On a tendance à parler des impacts environnementaux du numérique, mais il faudrait peut-être parler des impacts environnementaux des numériques et peut-être séparer les activités numériques entre les activités numériques essentielles et les activités numériques qui le sont moins, ou qui sont peut-être plus axées sur de la spéculation, du capitalisme ou des choses comme ça.

Après cette petite introduction, parlons des impacts environnementaux des numériques ou, en tout cas, du secteur numérique. En 2020, cela représente entre 2 et 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, selon plusieurs études scientifiques. Dans ce chiffre rentrent vraiment tous les aspects numériques : ce n’est pas que l’ordinateur et le smartphone, ça va de la télé à l’infrastructure, les câbles et les réseaux, les datacenters, les consoles de jeux vidéo, tout le numérique embarqué dans les voitures, etc. Tout cela représente entre 2 et 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

MAIS les impacts environnementaux du numérique ne sont pas que des gaz à effet de serre. C’est d’ailleurs peut-être l’un des indicateurs les moins intéressants, finalement,puisqu’en fait il y a beaucoup de consommation de ressources et de pollution liées à la fabrication des équipements. Ce n’est pas une spécialité du numérique. Le numérique repose sur un extractivisme qui augmente d’année en année, on n’a jamais autant extrait de matières du sol, mais ce n’est pas dû au numérique, c’est juste que le numérique exploite un sous-produit de l’extraction minière. Regardez autour de vous : nos trains, nos immeubles, tous nos équipements du quotidien reposent sur de l’extraction du sol. L’aluminium ne pousse pas dans les arbres, on en parle beaucoup en ce moment, le coût des matières, etc. Le cuivre, bien sûr, depuis des années on sait qu’il y a pénurie de cuivre, c’est pour ça que, de temps en temps, on n’a pas nos trains parce que des gens ont volé les câbles des voies de chemin de fer.

Une particularité du numérique, en tout cas des équipements numériques, c’est qu’ils demandent beaucoup de variétés de métaux. On parle de métaux rares, de toutes les variétés de métaux : le cobalt, le l’indium, etc. Les smartphones concentrent vraiment toutes les diversités de métaux, une cinquantaine de métaux différents, avec des évolutions très rapides depuis ces dernières années. On en utilise de plus en plus, pas en quantité, mais en variété. En quantité, évidemment, parce qu’on a de plus en plus d’équipements connectés, d’équipements numériques un peu partout, de frigos connectés, de brosse à dents connectées, de chaussettes connectées, etc.

L’extraction minière n’est pas forcément que liée uniquement au numérique, mais le numérique accélère les choses. Elle repose aussi sur le travail des enfants [Photo d’un enfant noir travaillant dans une mine, NdT], notamment en Afrique, notamment en République démocratique du Congo qui est l’un des cas les plus connus. Selon Amnesty International, il y a entre 30 000 et 40 000 enfants dans des mines sauvages, des mines qui ne sont pas répertoriées, en tout cas exploitées par des milices locales.

Sur l’image de droite, vous avez une représentation d’un artiste, Dylan March, qui a voulu représenter ce que représente tout ce qu’on extrait du sol et ce qu’on obtient à la fin, en fait cette petite boule de cuivre. Cela permet de mettre en perspective tout ce qu’on doit creuser et exploiter, avec toutes les pollutions qui sont liées, parce qu’on utilise beaucoup de produits chimiques, de l’arsenic, des machins, plein de produits qui ne sont pas du tout recyclés, qui sont conservés à ciel ouvert, comme ici, ou bien dans des barrages. Il y a régulièrement des barrages de rétention de produits chimiques dus à l’exploitation minière qui pètent et se déversent sur les villages. Des choses pas très joyeuses, désolé, je n’ai pas dit qu’on allait beaucoup rigoler ce matin.

Pour finir avec cette question de l’extraction minière, je vous invite vraiment à regarder l’étude de l’association Systext, Systèmes extractifs et environnements, « Controverses minières » [3]. Voilà pour la fabrication.

En fin de vie, en fait, ce n’est pas très glorieux non plus. Même si, en France, on a des réglementations assez contraignantes, il y a quand même pas mal de déchets électroniques. Les fameux D3E, déchets d’équipements électriques et électroniques, notamment de l’informatique, partent dans des décharges sauvages, notamment en Afrique, en Asie, en Chine aussi, on en parle peu, pour y être désossés et où on récupère les quelques grammes d’or, de cuivre, etc., qui sont dedans.

En France, pour vous donner un chiffre, c’est de l’ordre de 60 % d’équipements électroniques recyclés. Je vous invite à avoir le clip de Placebo, Life’s What You Make It [4], tourné à Agbogbloshie, une décharge du Ghana.

Voilà pour cette grande introduction sur les impacts environnementaux, pour vous amener à pourquoi on travaille sur ce sujet au niveau de l’État. La mission MiNumEco, la mission interministérielle Numérique écoresponsable, pilotée par le ministère de la Transition écologique [5] et la DINUM, Direction interministérielle du numérique [2], vise tout simplement à ce que le service public soit exemplaire sur le sujet, sur tous les sujets. En fait on a une circulaire du premier ministre pour que les services publics soient écoresponsables. On y parle notamment d’alimentation, de mobilité, de prendre moins l’avion, de chauffage, etc., et de numérique.

C’est la partie numérique qui nous concerne et dont nous nous occupons. Il y avait cette circulaire, des articles de la loi AGEC [6], évidemment, sur la commande publique qui doit être exemplaire, avoir des achats durables, des achats qui tiennent compte de l’indice de réparabilité, de s’approvisionner en reconditionné de l’ordre de 20 %. Et plus récemment a été lancée par le gouvernement une feuille de route « Numérique et environnement » [7].

On s’inscrit aussi dans certaines actions, notamment sur le périmètre administration publique. Donc vous l’aurez compris, on est beaucoup sur la mise en œuvre au niveau administration publique, mais, au-delà de ça, on travaille évidemment avec les collectivités territoriales, avec le secteur associatif, le secteur privé aussi. En fait, on produit beaucoup de documents avec tout le monde, on n’a pas de chapelle. L’idée, c’est aussi de fédérer tous les acteurs, tout l’écosystème sur le sujet numérique et environnement. Je pense notamment à l’Institut du Numérique Responsable [8], au Collectif des conceptions numériques responsables [9], à ÉcoInfo [10] du CNRS.Je ne peux pas tous les citer, mais tout l’écosystème qui travaille sur ces sujets-là. Nous essayons de contribuer à ces travaux, de fédérer tous ces acteurs.

Notre mission, en résumé, c’est à la fois mesurer l’empreinte environnementale du numérique dans l’administration, mais aussi mesurer les bonnes pratiques. On a fait un audit au niveau des ministères, avec 200 questions pour connaître les bonnes pratiques mises en œuvre. Cela permet de voir quelles sont les bonnes pratiques et les axes d’amélioration, il y en a beaucoup, forcément. Pour s’améliorer, il nous faut des méthodologies, des outils, des référentiels, je vais détailler juste après ce qu’on a pu produire depuis un an. Et, bien évidemment, avec ça, il faut se mettre en action, il faut se bouger un petit peu. On est en train de finaliser les plans d’action, j’en parlerai aussi tout à l’heure. On définit les actions, les objectifs, les indicateurs, etc., qu’on va suivre, notamment en 2022 et en 2023.

Juste un détail sur la feuille de route « Numérique et environnement ». Nous nous inscrivons dans le périmètre de l’administration, quelques actions concernent l’administration, notamment la publication de référentiels, de guides, je vais parler tout à l’heure notamment du Guide de bonnes pratique numérique responsable pour les organisations [11] qui sera publié ce soir.

Nous nous occupons donc de l’action au niveau de l’exemplarité de l’État. Vous trouverez toutes les informations, si ça vous intéresse, sur le site du Ministère de la Transition écologique [5].

En ce qui concerne les collectivités territoriales, vous avez peut-être vu passer la loi REEN, la loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France. Cette loi était vraiment dédiée à l’impact du numérique avec l’article 35, « Promouvoir une stratégie numérique responsable dans les territoires » [12]. À partir de 2025, toutes les communes et les intercommunalités de plus de 50 000 habitants devront élaborer une stratégie numérique responsable. Ça ne dit pas comment, avec qui, avec quels indicateurs, il faut juste avoir une stratégie. On va en parler juste après. J’espère que tous les guides d’outils et les plans d’action des ministères vous serviront, finalement, à établir cette stratégie numérique responsable.

Le premier guide qu’on a publié l’année dernière, c’est le Guide pratique pour des achats numériques responsables [13] qu’on a construit avec l’Institut du numérique responsable et la Direction des Achats de l’État. Pourquoi tout de suite travailler sur les achats ? Parce que, comme dit tout à l’heure, oubliez la suppression des mails ou je ne sais pas quoi, ça ne coûte rien, mais honnêtement si vous achetez moins, si vous achetez durable, si vous achetez du réemploi c’est nettement mieux. Si c’est fait à l’échelle de l’organisation cela a nettement plus d’impact. Acheter 1 000 équipements reconditionnés plutôt que 1 000 équipements neufs sera plus sympa que dire de toi « Bobo écolo » — je n’aime pas du tout le terme mais on nous a sorti ça dans des consultations, du coup je le reprends à mon compte. Si des écolos-bobos veulent supprimer les mails dans leur coin, OK, mais ça n’aura pas beaucoup d’impact. Si l’organisation s’engage dans une démarche responsable, en réduisant les achats ou, en tout cas, les achats de neuf, ce sera une grande première.

Le guide d’achats comporte six familles d’achats : les portables, les ordinateurs de bureau, les smartphones, l’équipement réseau, l’hébergement. Il y a aussi une fiche logiciel qui viendra dans une V1, on espère, en avril 2022, on l’a déjà sortie en version bêta. J’ai oublié le segment Prestation intellectuelle qui permet notamment de concevoir des services numériques, tous les aspects de conseils, de consulting. Voilà pour la partie achats. Tout ça est disponible sur https://ecoresponsable.numerique.gouv.fr/, en licence Ouverte. Il y a eu une consultation l’année dernière. On est en train de finaliser la prise en compte de la consultation ainsi que l’écriture de la fiche logiciel.

En octobre 2021, on a sorti le référentiel général d’éco-conception de services numériques. On ne voulait pas le sortir tout seuls, côté DINUM, donc on a convié notre copilote, le Ministère de la Transition écologique, mais aussi l’ADEME qui travaille beaucoup sur ces sujets-là, sur l’écoconception au sens général, mais aussi sur l’impact environnemental du numérique et l’Institut du numérique responsable qui avait déjà produit un guide de conception responsable de services numériques. On a donc écrémé ce guide pour en construire un référentiel, au même titre que le référentiel d’accessibilité. Il a moins d’assise que le RGAA sur l’accessibilité, on n’a pas encore d’assise réglementaire puisque, au niveau réglementaire, est annoncé pour l’instant dans la loi REEN juste l’établissement d’un référentiel d’éco-conception de service numérique, qui n’est d’ailleurs pas confié à la MiNumEco mais à l’ADEME, à l’Arcep [Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse] et au CSA [Conseil supérieur de l’audiovisuel] pour le contrôle. Tout ça est encore un peu à défricher.
En tout cas on met à disposition ce référentiel à l’ADEME et à l’Arcep qui ont contribué à nos travaux. J’ai cité un peu les copilotes, mais on a eu énormément de contributions, à la fois du secteur public mais aussi du secteur privé sur ce référentiel, le Référentiel général d’écoconception de service numérique (RGESN) [14]. Vous pouvez le découvrir en ligne si vous ne l’avez pas encore vu. Il y a eu une consultation publique, on est en train de finaliser les retours. Et on espère sortir la version 1 le mois prochain, tout se resserre, en ce moment, au niveau des publications.

En même temps que le référentiel, on a voulu proposer quelques outils libres et open source [15], la plupart dédiés, pour l’instant, à la mesure des impacts environnementaux, notamment des services numériques, mais aussi du parc informatique, du cloud, des choses comme ça. Ça peut être aussi des outils de sensibilisation. On a voulu identifier, référencer tous ces outils qui sont gratuits, open source, libres, parce qu’on voyait des start-ups s’insérer dans le petit trou et proposer des solutions qui étaient franchement, pas très intéressantes, surtout des solutions hyper chères, sachant qu’on a des solutions gratuites, open source. En tout cas, au niveau de l’État et au niveau de la DINUM, on promeut beaucoup les logiciels libres et open source.

Désolé, je ne vois pas le chat ou les questions, on y reviendra à la fin.

On mène pas mal de sujets de sensibilisation sous forme de guides, d’infographies, notamment avec ce guide qu’on a réalisé avec l’équipe de Point de M.I.R, Maison de l’informatique responsable. On a voulu un petit guide infographique assez rapide à lire, en cinq minutes, parce qu’on en avait un peu assez d’entendre parler toujours de supprimer ses e-mails, etc. On en parle dans ce guide, mais on dit que c’est moins important que des sujets sur l’allongement de durée de vie des équipements. On a voulu quantifier, on a voulu évaluer ce que cela représente en termes de gain si on utilise telle ou telle bonne pratique. On donne quelques éléments, des ordres de grandeur. N’allez pas chercher au gramme de CO2 près ou au nombre de centilitres d’eau consommés près, etc. On a voulu donner des ordres de grandeur et dire ce qu’il fallait prioriser. Tout cela est disponible sur notre site, à la fois en version web, en PDF, même les images sont disponibles en téléchargement [16]. On essaie d’ouvrir au maximum dans une démarche de respect des préceptes de l’open data.

Tous les aspects de sensibilisation passent, comme aujourd’hui, par des conférences, des webinaires, des ateliers. On a notamment une mini-formation de deux heures sur l’écoconception des services numériques, la vidéo est disponible sur notre site, si vous voulez la revoir [17].

Et puis, comme je le disais tout à l’heure, il faut, bien évidemment, mettre en œuvre des actions. On est en train de finaliser le plan d’action des principaux ministères en fixant des objectifs, des actions, des indicateurs à suivre, notamment sur l’allongement de durée de vie des équipements, sur l’écoconception de services numériques, sur le réemploi, le don des équipements en sortie d’organisation. Je ne peux pas citer toutes les actions, il y en a une bonne centaine à récapituler. On espère ouvrir tout ça, même les plans d’action des ministères, les publier, comme l’a fait la région Bretagne, qui a publié son plan d’action numérique responsable, numérique et environnement [18], avec des sujets sur l’écoconception, sur l’achat reconditionné, des choses comme ça.

J’oubliais.
Le sujet du jour dont j’aurais voulu vous mettre le lien pour que vous puissiez y accéder, mais ce n’est pas encore disponible, la peinture est encore trop fraîche, ça le sera d’ici ce soir puisqu’on a un webinaire de lancement de soir à 17 heures, c’est le Guide des bonnes pratiques numérique responsable pour les organisations [11], je vais vous en donner les principaux éléments.
Ce guide permet de construire son plan d’action, il est construit selon neuf thématiques différentes. On a vraiment voulu couvrir — d’ailleurs c’est un peu représenté dans la couverture — tout le cycle de vie des usages, des activités numériques au sein d’une organisation. Je précise que c’est pour les organisations ; on n’est pas sur un périmètre individuel ou particulier, il y a, en ce sens, des études et des publications de l’ADEME très bien.
On a vraiment ciblé les actions à mettre en œuvre au niveau d’une organisation, notamment tout ce qui est stratégie et gouvernance, par exemple avoir un référent, avoir un budget dédié, etc. Sensibilisation et formation, bien évidemment, mais aussi mesure et évaluation. Tout ce qui est achats a été séparé en réduction des achats, notamment éviter les achats en réemployant, en louant, etc. Ne pas systématiser la mise à disposition d’équipements — je donne des exemples peut-être extrêmes, mais que je vois au quotidien —, ne pas forcément systématiser la mise à disposition d’un téléphone professionnel s’il n’y en a pas vraiment besoin. Il y a d’autres sujets dont on parle peu : systématiser le deuxième écran quand on en a déjà un. Est-ce qu’on a besoin d’un deuxième écran ? Cas extrême : je vois de plus en plus souvent un troisième écran. Je ne veux cibler personne, mais un troisième écran partout, il faut se poser la question, sachant que si c’est juste pour afficher un tableau Excel ou des notifications sur le troisième écran, c’est un peu dommage. Ça va avec l’accélération des usages numériques : le deuxième écran est arrivé, le troisième écran, bientôt on en aura un quatrième. C’est un peu comme la 4G, 5G, 6G !

Phase d’usage, administration et paramétrages, c’est peut-être le moins impactant, mais c’est tout ce qui peut être fait au niveau de l’administration du parc informatique ou des usages.

La conception de services numériques, pour faire un peu le lien avec le référentiel et en développant un peu plus les sujets que le référentiel d’éco-conception le faisait.

Bien évidemment, tout ce qui est salle serveurs, centre de données, etc.

Et puis la fin d’usage. On n’a pas parlé de fin de vie, mais plutôt de fin d’usage qui va englober à la fois tous les sujets de réemploi, de reconditionnement, sortie d’organisation. Et finalement le recyclage, la gestion des D3E, ce à quoi il faut faire attention lors de leur collecte. Faire attention aux entreprises qui veulent vous acheter du D3E ; ça n’est pas possible, vous ne pouvez pas vendre de déchets électroniques.

On a développé tous ces sujets-là avec beaucoup de contributeurs, avec l’INR, l’Institut du Numérique Responsable, bien évidemment, avec ÉcoInfo, avec la Bibliothèque nationale de France. Je ne peux vraiment pas citer tout le monde, il y en a beaucoup.

Et puis vous donner peut-être un exemple de bonne pratique. Ce qui est intéressant, c’est que pour chaque bonne pratique, on a voulu donner un ordre de priorité, prioritaire, moyenne et pour aller plus loin, et la difficulté de la mise en œuvre facile, moyenne, difficile. Ce qui est aussi intéressant pour construire les plans d’action, c’est quels sont les pilotes. On a mis des exemples de pilotes — ça peut être un ou plusieurs pilotes ; ça peut être direction du numérique, direction des achats, direction des ressources humaines — et des exemples d’indicateurs de pilotage que vous pouvez utiliser dans vos plans d’action. Je dis bien « vous pouvez », c’est à adapter selon votre contexte. Ce n’est pas très lisible sur la présentation, vous verrez mieux sur le PDF en ligne. Pour chaque bonne pratique, bien évidemment, on détaille tout ce qu’on a voulu dire, les actions, etc.

Consultez le guide en ligne, il sera disponible en version web, en PDF, mis en forme. En extension .csv pour vos tableurs préférés, Excel, LibreOffice, etc., et aussi en .json. On a fait ça pour le référentiel d’éco-conception, on l’a proposé en .json et on s’est rendu compte que ça peut faire émerger des outils tiers, pourquoi pas, surtout des outils open source, ça peut être pas mal, toujours dans une optique d’ouverture des données.

Ce guide des bonnes pratiques sera suivi d’une consultation publique qui sera ouverte jusqu’au 1er avril 2022, sur la plateforme de participation citoyenne. Vous pourrez amender, ajouter des propositions, voter pour les bonnes pratiques, etc. Ça sera disponible ce soir. Je vous invite à participer, à améliorer ce guide, en répandant la consultation publique, mais vous pouvez aussi nous écrire. Je vous donne rendez-vous sur le site ecoresponsable.numerique.gouv.fr, pour cette publication et pour les autres, tout est disponible en licence Ouverte. Vous pouvez les réutiliser, les adapter selon vos besoins.

Questions/Répnses

Steve : Richard, je vais te poser les questions qui nous sont parvenues pendant que tu parlais. Une question d’Oliver qui demande si tu peux préciser les modes de collaboration que vous avez avec les collectivités.

Richard Hanna : Pour l’instant, on répond aux mails qu’on reçoit de temps en temps. On passe aussi par l’Institut du numérique responsable [8], on fait partie du collège secteur public. C’est d’ailleurs mené par les collectivités, je pense notamment à l’agglo de La Rochelle. On a des moments d’échanges, on a des projets de travaux en commun, liés notamment à la sensibilisation. C’est vrai qu’on est peu nombreux, je n’ai pas cité mon collègue Olivier Joviado. On se fait accompagner depuis peu aussi par Murielle Timsit. On va dire qu’on est deux/trois personnes sur le sujet.

Au niveau des ministères on s’appuie sur les référents, sur nos correspondants des ministères et, bien évidemment, on a des contacts, des correspondants dans certaines collectivités ; on ne les a pas tous, donc n’hésitez pas à vous manifester. Pour l’instant, on ne peut pas répondre au cas par cas, c’est très difficile. On a énormément de mails et j’imagine que vous aussi. En tout cas, on essaie de recueillir des informations, des retours d’expérience, de promouvoir des actions, comme on l’a fait pour le plan d’action de la région Bretagne, qui a fait un remarquable travail.

Voilà, on essaye de promouvoir ces actions-là. On a une petite newsletter, assez modeste, où on pousse des informations vers tous nos correspondants, au niveau des ministères mais aussi au niveau des collectivités. C’est un peu protéiforme pour l’instant, ce n’est pas très bien organisé. On laisse ça vivre de manière un peu organique pour l’instant.

Steve : Super. Merci. Une question de Simon, du Puy-de-Dôme, qui demande pourquoi la loi REEN [Réduction de l’empreinte environnementale du numérique] concerne uniquement les communes et les EPCA [Établissement public de coopération intercommunale] ? Qu’en est-il des autres collectivités comme les départements ou les régions ?

Richard Hanna : Très bonne question, mais je n’ai pas la réponse ! Je pense que tout le monde peut se lancer sans attendre la loi, tout simplement avoir une démarche volontaire. On n’a pas d’assise réglementaire, mais, au niveau des ministères, on a une feuille de route : à la fois la circulaire dont j’ai parlé, du Premier ministre de février 2020, mais aussi la feuille de route Numérique et environnement [7]. Ce n’est pas inscrit dans la loi, c’est plutôt une démarche volontaire. Comme je le disais sur l’écoconception, on n’a pas d’assise réglementaire, mais rien ne nous empêche d’avoir une démarche volontaire sur le sujet.

Steve : Une autre question : « Cédric O [Secrétaire d’État chargé du Numérique] dit régulièrement qu’il faut contrebalancer l’impact environnemental généré par ses externalités positives. » Est-ce que c’est mesurable et est-ce que vous travaillez sur le sujet ?

Richard Hanna : On ne travaille pas forcément sur le sujet, mais on suit effectivement des chercheurs qui travaillent sur le sujet, en tout cas on est en veille sur vraiment tous les sujets, à la fois sur les impacts négatifs, les externalités négatives, mais aussi ceux qui essayent de quantifier. Des études sont souvent citées et je pense que notre Secrétaire chargé du Numérique cite souvent ça. En fait, ce ne sont pas des études scientifiques, ce sont plutôt des rapports de lobbyistes des opérateurs télécoms qui annoncent notamment qu’un gramme CO2 consommé par le numérique, ce sont dix grammes CO2 évités dans d’autres secteurs.

Je ne veux pas contredire notre Secrétaire du Numérique, mais, pour l’instant, je constate qu’on est quand même dans une situation d’urgence climatique, d’effondrement de la biodiversité. Pour l’instant on ne voit pas trop l’apport du numérique, à part accélérer globalement les activités des êtres humains et l’impact sur l’environnement.

Steve : Est-ce que tu as accès à la discussion publique pour les questions qui viennent d’arriver ?

Richard Hanna : Oui, mais je veux bien que tu m’indiques où on en est.

Steve : Sol s’interroge sur la disponibilité du référentiel : « Le référentiel disponible sur le site en .csv n’est pas exploitable. C’est sa version bêta, va-t-il être amélioré ? »

Richard Hanna : J’ai souvent la question. En fait, c’est un .csv qui n’est pas forcément dédié à Excel. Si vous avez testé sur Excel, c’est Excel qui ne sait pas lire les .csv. Il faut l’importer en mettant bien les points-virgules. Si vous l’ouvrez dans un autre outil comme LibreOffice, ça fonctionne très bien.

Je suis désolé, on a fait un développement, pas forcément... Je pense que c’est lié à l’UTF8, etc. N’hésitez pas à nous laisser un mail, je veux bien que tu partages notre e-mail générique de la mission. Je pense qu’on mettra une petite mention sur le site, c’est vrai que j’ai souvent cette question-là sur les .csv.

Après, il y avait : « L’article 15 de la loi REEN vise les services de l’État ainsi que les collectivités territoriales et leurs groupements. Donc les régions et les départements sont concernés ». OK.

Steve : « Quel panorama dresser de l’offre d’accompagnement public et privé ? »

Houlà, c’est un vaste sujet. Il y a pas mal de sujets notamment au niveau de l’ADEME [Agence de la transition écologique], mais c’est vrai que, du coup, ça sort un peu de notre périmètre. Je ne sais pas si on peut retrouver des choses, mais il y a des appels à manifestation d’intérêt [AMI] sur la réduction de l’empreinte environnementale du numérique, de la part de l’ADEME, en ce sens. Il faut peut-être regarder au niveau de l’AMI Verdissement du numérique, des choses comme ça. C’est difficile d’aller chercher les liens pendant que je discute avec vous, mais Murielle, si tu es là, que tu peux nous retrouver l’AMI Verdissement du numérique [19], notamment, ou les appels à manifestation d’intérêt de l’ADEME ?

Steve : « Quid de la tension entre zéro papier et tout numérique ? Qu’est-ce que vous présentez ? »

On a posé la question au niveau des audits ministères. Pour l’instant dans les études, dans les constats qu’on fait, c’est vrai que le tout numérique, la numérisation ou la dématérialisation, comme on dit, n’a rien dématérialisé du tout puisqu’on ne constate pas, globalement, une baisse de la consommation de papier, on imprime toujours autant. Peut-être qu’on imprime moins de démarches, etc., mais on imprime plus de documents, mais au final ! Je veux bien que quelqu’un puisse fact-checker ce sujet-là. Il y a eu une étude un peu controversée de la Poste sur la comparaison entre le papier et le numérique. On le traite dans le guide des bonnes pratiques qui est publié ce soir, on traite de proposer une alternative non numérique, notamment pour des questions de résilience notamment face aux risques de cybersécurité.

On a des cas où des administrations se sont retrouvées à revenir sur du papier parce qu’elles étaient complètement bloquées au niveau du service numérique. Et puis il y a des questions de fracture numérique, bien sûr liées, des questions de publics éloignés du numérique, donc il ne faut pas forcément opposer le papier au numérique.

Steve : « Peut-on avoir des précisions sur le contenu de la stratégie numérique responsable obligatoire et surtout du bilan annuel qui doit être intégré dans le rapport développement durable ? Un décret est-il prévu pour donner des précisions ? »

Richard Hanna : Oui, effectivement, un décret d’application. Je poserai la question au CGDD [Commissariat général au développement durable] au ministère de la Transition écologique qui travaille sur le sujet. Je ne sais pas si un décret va vraiment en préciser le contenu. Pour l’instant, le contenu qu’on vous propose c’est de vous appuyer sur justement le Guide des bonnes pratiques [11], et puis sur les plans d’action qu’on va publier prochainement. Je ne sais pas si ça va être vraiment précisé dans un décret d’application.

Steve : Yann dit : « Démarche volontaire, volonté politique : comment vendre la démarche numérique responsable ? Déjà que ce n’est pas facile d’assurer l’opérationnel, les responsables sont frileux de rajouter des contraintes liées au numérique responsable ».

Richard Hanna : C’est une très bonne question. On y travaille aussi, on est en train de préparer un petit article, une petite documentation sur la numérisation des services publics numériques. Plus globalement, d’une démarche numérique responsable ou écoresponsable.
Je pense que les questions environnementales doivent rejoindre les questions sociétales à la fois sur des questions d’accessibilité, de sécurité, d’inclusion numérique, de protection des données personnelles, etc. Ça, c’est pour les services numériques.

Après, sur la gestion du parc informatique, il y a effectivement forcément une contrainte, puisque c’est tout un nouveau champ à explorer, notamment le réemploi d’équipements, le don d’équipements, la réparation des équipements, etc. On a forcément besoin de se former sur ces sujets-là.

C’est vrai que, peut-être, pour des petites collectivités, c’est effectivement difficile, comme vous le dites, d’assurer l’opérationnel. Peut-être commencer par des petites touches, par exemple, comment on le disait tout à l’heure, prioriser les actions. Ne pas forcément se mettre un plan d’action avec 50 objectifs à atteindre : ça peut être tout simplement un seul objectif : acheter reconditionné. prioriser l’achat reconditionné, prioriser l’achat d’occasion. Ça peut être une première action.

En dehors de l’action d’achat, de ce que j’ai vu avec les ministères, il y a une action, j’en ai parlé tout à l’heure, qui est très facile à mettre en œuvre : ne pas systématiser les fournitures d’équipements supplémentaires. Souvent les téléphones professionnels dorment dans des tiroirs, sont très peu utilisés ; les écrans supplémentaires ne sont pas forcément utilisés. Est-ce que l’ordinateur professionnel peut servir à un usage personnel ? De ce qu’on constate parfois, pour des raisons de sécurité, tout est bloqué pour qu’on ne puisse pas l’utiliser pour un usage personnel et c’est bien dommage. Je ne dis pas que les gens doivent apporter leur ordinateur personnel au travail, il y a ce cas-là, mais, à priori, c’est bloqué pour plein de raisons, mais plutôt dans l’autre sens, c’est-à-dire qu’on puisse utiliser l’équipement professionnel pour un usage personnel, pour que l’agent n’ait pas à s’acheter un équipement personnel. Vraiment mutualiser les équipements.

Steve : Aurore dit que l’’article 35 de la loi REEN prévoit effectivement qu’un décret viendra. Les modalités de son élaboration seront précisées par décret.

Richard Hanna : OK, d’accord. Je vais me renseigner, je ne sais pas du tout où ça en est.

Steve : David demande : « Existe-t-il un label de société qui accompagne les collectivités sur les stratégies numériques responsables, bilan carbone ? »

Richard Hanna : Oui. Le label Numérique Responsable a été proposé par l’Institut du numérique responsable et qui est opéré par l’agence LUCIE [20]. C’est une démarche de labellisation qui est engageante, sur trois ans, et qui est payante.

Le bilan carbone, sur la démarche, je ne sais pas s’il y a une mesure de l’empreinte. En dehors du bilan carbone, il faut plutôt parler du bilan environnemental des activités numériques. Sur le numérique, comme je l’ai dit, il faut tenir compte de plusieurs indicateurs et pas que de l’indicateur carbone. Si vous voyez « bilan carbone », c’est bien, mais ça ne suffit pas. Regardez un peu ce que fait l’Institut du numérique responsable [8], regardez ce que fait ÉcoInfo [21], qui propose l’ÉcoDiag [22]. Et puis le label NR [23], le WeNR [24] et l’appel à manifestation d’intérêt Verdissement du numérique [25]. Ne vous fiez pas au nom « Verdissement du numérique », c’est juste pour faire joli !

Pour le zéro papier, voir avec la DIPP [Direction interministérielle de la transformation publique] qui a sorti plein de choses là-dessus [26], très bien.

Steve : « Le décret est-il déjà sorti ? »

Richard Hanna : Non.

Steve : « Merci pour vos conseils ». « Quelles observations sur l’usage du numérique avec le contexte covid ? ».

Richard Hanna : C’est une très bonne question de Nathalie. Effectivement l’usage du numérique a explosé et l’observation qu’on a faite, surtout dans l’administration publique, c’est un passage massif de l’ordinateur fixe, qui pouvait être réparable, parce qu’on peut l’ouvrir, on peut changer des choses, vers des ordinateurs portables qui sont très peu réparables. En ce sens on arrive un peu tard, ça y est, c’est fait. En tout cas, dans l’administration publique, il y a un passage massif en télétravail, donc avec un ordinateur portable heureusement mutualisé, on n’a pas constaté un double équipement : il n’y a pas un ordinateur à la maison et un ordinateur au bureau. C’est vraiment seulement le portable qu’on transporte, du coup les sacs à dos sont un peu plus lourds.

Le constat un peu négatif, c’est qu’un passage obligé, massif et rapide, sans forcément de réflexion sur la réparabilité des équipements, a eu lieu. C’est peut-être un peu trop tard, mais, pour la prochaine itération, le renouvellement des équipements, peut-être tenir compte davantage de l’indice de réparabilité, l’indice de durabilité qui arrive en 2024 et, bien évidemment, s’approvisionner en équipements réemployés.

Je ne sais pas s’il y a d’autres questions.

Steve : La loi de Moore.

Richard Hanna : Effectivement.
Tout est publié sur le site https://ecoresponsable.numerique.gouv.fr/.

On a encore quelques minutes. Si vous avez d’autres questions ou si on a raté des questions, n’hésitez pas à les remettre.

Steve Question de Julien : « Existe-t-il des prestataires de cloud plus verts que d’autres ? »

Richard Hanna : C’est une bonne question. Des prestataires cloud plus verts que d’autres ? Si vous regardez leurs promesses de neutralité carbone ils sont tous verts, donc tout va bien ! Non ! Sur l’aspect cloud, sur l’aspect datacenter, etc., il n’y a pas trop de différences. Il faut se méfier des grandes annonces sur la neutralité carbone. Toutes les activités humaines et les activités numériques ont des impacts !

Après, globalement sur le cloud, il y a deux constatations : d’une part, effectivement, ça permet de mutualiser les équipements et de mutualiser les ressources informatiques, les ressources de calcul. Mais le gros point négatif, c’est qu’il y a énormément d’effet rebond. C’est tellement efficace qu’on a tendance à les utiliser davantage et, au final, tout ce qu’on a gagné est perdu.

Après, les prestataires cloud, aujourd’hui, malheureusement, ce sont les GAFAM, même la doctrine cloud de l’État repose sur des solutions des GAFAM. Donc tout va bien ! Non ! L’idée c’est notamment de regarder un peu que les hébergements soient en France, plus proches des utilisateurs. C’est vrai que sur l’aspect cloud, c’est difficile de savoir où sont localisées les données ; c’est dans le nuage ! Là-dessus j’ai juste un gros warning sur l’aspect effet rebond.

Peut-être citer aussi les indicateurs. Si on ne vous parle que de gaz à effet de serre, de CO2 sur l’aspect consommation énergétique des datacenters, fuyez parce que ça ne suffit largement pas. Il faut avoir des indicateurs à la fois sur l’efficacité énergétique mais aussi sur l’efficacité de refroidissement : est-ce que ça utilise de l’eau ? Quelles sont ses sources d’énergie ? Quelle est sa politique de gestion des équipements ? Nos amis les GAFAM communiquent très peu sur ça. On sait très bien, par exemple, qu’on préfère brûler les processeurs au bout d’un an au lieu de les refroidir. Il y a des choses comme ça. C’est assez compliqué mais, grosso modo, ils préfèrent améliorer un indicateur qui est public, qui est publié, qui est standard, par exemple le PUE, le Power Usage Effectiveness [27], ils préfèrent améliorer cet indicateur-là quitte à cramer des processeurs, à utiliser énormément d’eau, mais ces indicateurs-là ne sont pas utilisés, donc tout va bien !
Il y a des transferts de pollution, mais ne vous inquiétez pas, les GAFAM gèrent très bien ce sujet-là, arrivent à très bien communiquer sur leur neutralité carbone, mais pas du tout sur leur neutralité en consommation d’eau, leur neutralité en consommation d’équipements. Il n’y pas de souci !

SteveQuestion d’Olivier sur un potentiel projet de comptabilité verte uniformisée à destination des collectivités du secteur public.

Richard Hanna : Pas à ma connaissance. Je ne sais pas non plus ce qu’est qu’une comptabilité verte. Aujourd’hui on a la démarche de services publics écoresponsables [28], où on a des indicateurs et des objectifs à suivre, mais on est loin de la comptabilité. On a eu un sujet de discussion avec Bercy sur le budget de l’État, le budget vert : par rapport à tel ou tel investissement de l’État, est-ce qu’on est en faveur du climat, de l’environnement globalement, ou est-ce qu’on est en sa défaveur ?

Steve : « Influencer, sensibiliser nos collaborateurs pour ne pas créer de sentiment de frustration ».

Richard Hanna : Je ne comprends pas trop la question, en tout cas le sentiment de frustration peut-être par rapport à l’usage de reconditionné, des choses comme ça. Si c’est sur ce sujet-là, effectivement, il faut sensibiliser sur le fait qu’un ordinateur en réemployé n’est pas forcément un ordinateur bas de gamme, surtout si on communique sur l’effet écoresponsable, en tout cas le fait de réduire l’empreinte de nos activités numériques.

Steve : « Est-ce qu’il existe des études sur les impacts du télétravail de crise qui permettraient de corriger les mesures des usages sur le long terme ? »

Richard Hanna : Oui, notamment une étude de l’ADEME, de l’année dernière, qui porte sur le télétravail, les effets induits, c’est super intéressant ; on l’a pas mal utilisée. On a constaté, notamment dans les grandes métropoles, s’il y a très peu de déplacements en voiture, on ne gagne pas grand-chose avec le télétravail puisqu’on a des effets rebonds dus au chauffage à la maison, etc. Peut-être qu’en dehors des grandes villes c’est vrai que ça peut être bénéfique lorsqu’il y a beaucoup de déplacements en voiture. On l’a effectivement utilisée dans nos plans d’action lorsqu’on parlait de télétravail.

Il y a le framework, effectivement, les ordinateurs modulaires. On peut citer aussi Fairphone [29] pour les téléphones portables équivalents.

Steve : « Pouvez-vous citer les indicateurs pour décrire une marge de progression ? »

Richard Hanna : Je veux bien un complément à la question : marge de progression de quoi ? Sur les actions ?

Steve : « Des vidéos de sensibilisation en prévision pour nos utilisateurs ? »

Richard Hanna : Oui, effectivement, c’est prévu courant 2022. On prépare des petites pastilles vidéos, notamment avec des experts, pour parler des différents sujets, que ce soit sur le réemploi, la gestion des D3E, l’écoconception. Ça arrive, surveillez le site <a https://ecoresponsable.numerique.gouv.fr/ où vous avez un flux RSS ou bien n’hésitez pas à nous écrire, on vous rajoute dans notre mini newsletter gérée de manière artisanale.

Steve : « Concernant les technologies mobiles, êtes-vous en porte-à-faux avec la DGE [Direction générale des entreprises] et l’Europe qui poussent beaucoup la 5G, voire la 6G ? »

Richard Hanna : Non, on n’est pas en porte-à-faux. La 5G, la 6G, ce n’est pas forcément notre sujet. Comme vous l’avez vu, on n’a pas d’action en ce sens. La seule action en rapport avec ça, c’est peut-être dans le référentiel d’écoconception de services numériques où on a un critère qui dit que le service numérique doit fonctionner avec des niveaux de connectivité les plus bas possibles ou, en tout cas, que ça puisse fonctionner en 3G dans les campagnes, même dans des lieux clos en ville où on a juste de la 3G, ou en 512 kilo-bauds en connexion fixe. La 5G, la 6G, ça n’est pas vraiment notre sujet.

Steve : « Aujourd’hui, la Défenseure des droits tire la sonnette d’alarme concernant la dématérialisation des services numériques [30]. »

Richard Hanna : Oui, effectivement, très belle étude que j’ai regardée, pour l’instant en diagonale.

Steve : « Pouvez-vous nous parler des limites actuelles, de nature déontologique, de l’exercice concret de la transition numérique ? »

Richard Hanna : C’est tout un webinaire à prévoir et ce n’est pas forcément notre sujet non plus, mais c’est vrai que ça rejoint des questions environnementales. C’est un peu les messages qu’on essaye de faire passer pour sensibiliser : il faut se poser les bonnes questions, il faut être critique par rapport à la mise en place des technologies et du numérique, même nous, personnes du numérique. Est-ce qu’il y a des alternatives au tout numérique ? D’ailleurs, il y a pas mal de propositions dans le rapport de la Défenseure des droits qui visent, justement, à davantage prévoir des alternatives notamment au numérique.

Jacques propose le MOOC [Massive Open Online Course] de l’INR [31]. Il y a aussi le MOOC de l’Inria. Vous avez une page FormationS sur notre site, qui référence les MOOC, les outils de formation qui sont libres et gratuits [17].

Steve : « Si une collectivité voulait se doter de cinq indicateurs, lesquels choisir ? »

Richard Hanna : Vous me posez beaucoup de questions compliquées !
Grosso-modo, comme je l’ai dit tout à l’heure, les cinq indicateurs à choisir, c’est l’achat reconditionné, quel pourcentage d’achats de reconditionné durant l’année sur le montant total ou sur le nombre total d’équipements, par type d’équipements. Ça peut-être le nombre d’équipements évités, par exemple par la mutualisation : ne pas systématiser le double écran, le troisième écran, le quatrième, le cinquième. Et puis le réemploi : combien d’équipements donnés en sortie d’organisation ? Ce sont, grosso modo, les trois principaux. Après, si vous voulez en rajouter un quatrième, un cinquième, vous pouvez envisager l’écoconception de services numériques.
Dernièrement, j’ai passé beaucoup de temps pour des démarches numériques pour mes parents sur des sites notamment de collectivités, de mairie, etc. Je n’ai pas vu un seul site qui ne chargeait pas dix mégas dès la page d’accueil. Ce sont tous des sites hyper lourds, avec plein de services tiers, parfois du Google Analytics. D’ailleurs Google Analytics, je ne sais pas si vous avez vu la sortie de la CNIL, est devenu illégal en France. Sur les sites du service public ou des mairies, on doit retirer les traqueurs de Google ! ce n’est plus possible !

Les indicateurs, ça dépend d’où on part, il faut cibler là où il y a le plus de potentiel. Là où il y a le plus de potentiel, c’est éviter la fabrication d’équipements numériques, donc tout ce qui est achat reconditionné, réemploi.

Steve : Je vois qu’il est midi trois. Richard, je te propose qu’on conclue. Merci beaucoup pour ton intervention. Je vous donne tous rendez-vous pour la sortie prochaine du guide dont Richard vous parlait.
Merci à tous pour votre participation et je vous donne rendez-vous le mois prochain pour le prochain webinaire du programme. Bonne journée.

Richard Hanna : Merci à vous.