Oui, on peut se passer des GAFAM - Pouhiou à Radio Medi 1

Titre :
Oui, on peut se passer des GAFAM
Intervenants :
Pouhiou de Framasoft - Amaury Baradon
Lieu :
Radio Medi 1 - La Page Web
Date :
Octobre 2016
Durée :
6 min

Écouter L’émission
Licence de la transcription : Verbatim

Description

Peut-on encore naviguer sur Internet sans se passer de Google, Amazon, Facebook, Apple ou Microsoft ? En 2016, cela paraît mission impossible… Et pourtant, il existe des initiatives qui prouvent le contraire, moyennant quelques efforts d’adaptation. L’une d’entre elle s’appelle « Dégooglisons Internet ». Lancée par Framasoft, association qui a pour but de promouvoir l’Internet et le logiciel libre, elle fêtait cette semaine ses deux ans, en lançant de nouvelles solutions pour se passer des GAFAM. La vie sans les géants du Web, on en parle cette semaine avec Pouhiou (pseudonyme), médiateur chez Framasoft.

Transcription

Amaury Baradon : Alors, de quoi va-t-on parler cette semaine ? Du nouveau smartphone de Google, le Pixel, pourquoi pas ! De Yahoo qui s’est plié aux demandes des services de renseignement américain en espionnant les e-mails ? Ce n’est pas mal non plus. On parle toujours des mêmes !
En 2016, tout Internet est occupé par les GAFAM, Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft. Tout Internet ? Non ! D’irréductibles internautes résistent encore et toujours à l’envahisseur. Parmi eux l’association Framasoft [1]qui s’attelle à promouvoir l’Internet et le logiciel libre pour le grand public. Cette semaine, elle fêtait les deux ans de son initiative « Dégooglisons Internet » [2] qui propose des solutions pour surfer sans dépendance vis-à-vis des géants du Web. Alors pourquoi, comment et surtout est-il toujours possible de surfer en se passant des services des GAFAM ? On en parle avec Pouhiou, médiateur chez Framasoft, qui revendique son droit au pseudonymat. Alors Pouhiou, aujourd’hui les GAFAM sont partout, il est très difficile de les éviter et pourtant l’idée, derrière votre initiative, c’est de défendre un Internet libre, éthique, solidaire et décentralisé.
Pouhiou : Quand on écoute un peu les conférences des personnes qui ont fondé Internet, ça semblait vraiment être dans l’ADN du projet. Si on remonte au début, il y avait quand même une situation qui était beaucoup moins centralisée. C’est vrai que la concentration des données et de l’utilisation de certains services web s’est faite assez rapidement, mais c’est aussi quelque chose qui a été encouragé politiquement. Par exemple il y a eu internationalement une grande vague de répression contre le peer to peer, le partage de pair à pair, et c’est ce qui a permis, par exemple à l’époque à Megaupload de devenir très important.
Amaury Baradon : Aujourd’hui si tout le monde utilise les services de Google et consorts, c’est parce qu’ils sont bien pratiques au final. Pourquoi vouloir s’en passer ?
Pouhiou : C’est à chacun et à chacune de placer le curseur entre le confort, parce que ces services sont agréables, je suis parfaitement d’accord avec vous, et sa liberté. Nous sommes en train de donner actuellement nos vies numériques à ces grands géants de l’Internet. Il faut se rendre compte qu’aujourd’hui les cinq plus grandes capitalisations boursières, ce sont les fameux GAFAM, Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft. Et ça leur donne un pouvoir énorme et des dérives que l’on a pu constater avec les révélations d’Edward Snowden, l’espionnage de masse par la NSA ou la loi renseignement actuellement en France. Tout simplement il ne faut pas mettre toutes ses données dans le même panier. Plus on essaimera et plus nous serons en sécurité et nous empêcherons des monopoles qui, finalement, essaient de diriger nos vies.
Amaury Baradon : Votre initiative « Dégooglisons Internet » célébrait donc cette semaine ses deux ans et pour fêter ça, six nouveaux services, issus de logiciels libres, ont été présentés.
Pouhiou : L’initiative c’est proposer trente alternatives aux trente services phares des géants du Web sur trois ans, donc d’octobre 2014 à octobre 2017. Donc nous avons déjà des alternatives à Facebook, des alternatives au moteur de recherche Google, à Dropbox, à Doodle, à WeTransfer, tout un tas de choses. Ces alternatives sont tout le temps issues du logiciel libre. Nous n’avons rien à faire de vos données, ça n’est pas notre modèle économique, on vit du don. Évidemment il y a des données qui sont stockées, sinon les services ne peuvent pas marcher. Par contre nous stockons le minimum de données, nous anonymisons tout et nous ne transmettons rien à des tiers, publicitaires ou l’État et notamment, dès qu’on le peut, on propose le chiffrement. Notre alternative à WeeTransfer permet de chiffrer de bout en bout les fichiers que vous allez confier à nos serveurs, ce que Weetranfer ne proposera jamais puisque eux, ils ont besoin de savoir ce que mettez pour compléter votre profil personnel.
Amaury Baradon : Malgré tout on se rend compte que les logiciels libres, ça fait toujours peur. On a l’impression qu’on ne retrouvera ni l’ergonomie, ni la fiabilité, ni les options qu’on a sur les logiciels de référence. Que si on a problème, personne ne pourra nous aider. Ça change ça ?
Pouhiou : Il y a quand même une adoption de plus en plus massive parce qu’il y a une véritable volonté chez les gens, de plus en plus croissante, de protéger leur vie numérique. Quand je note sur mon agenda que je dois accompagner mon frère ou ma sœur à une chimiothérapie, c’est extrêmement intime. Après, on n’a pas les mêmes moyens que les entreprises les plus riches du monde, donc il n’y a pas forcément la même ergonomie ou les mêmes fonctionnalités, mais parfois on est surpris de manière très heureuse.
Amaury Baradon : Est-ce que le problème des logiciels alternatifs, au final, ce ne serait pas le fait que peu de gens les connaissent ?
Pouhiou : Tout à fait. Nous, c’est vraiment ce dont on se rend compte. On a rencontré des personnes qui disaient carrément : « Mais moi j’ai abandonné l’informatique et Internet parce que je me faisais espionner par tous ! » Malheureusement, ce n’est pas si faux. Il faut savoir que le moindre bouton « J’aime » sur une page Facebook d’un blog que vous aimez est en train de vous espionner. Nous, notre plus gros travail, c’est justement de mettre en valeur ces alternatives, de dire qu’elles existent, et d’accompagner des personnes qui veulent arriver à une indépendance totale, c’est-à-dire même à quitter Framasoft, pour installer la même chose, mais sur leur serveur à eux.
Amaury Baradon : Est-ce qu’aujourd’hui on peut vraiment avoir des équivalents à tous les logiciels de référence ? Ou est-ce qu’il y a encore des secteurs où ils sont très difficiles à égaler ?
Pouhiou : Le secteur de la vidéo : YouTube par exemple ou Dailymotion ou ce que vous voulez, est encore assez compliqué. Nous on va s’y attaquer là, en 2017. Le mail est extrêmement complexe et coûteux aussi. Et c’est le seul service sur lequel on n’est pas sûrs d’y arriver, remplacer Gmail, par exemple, tout simplement parce que ça demande énormément de temps de présence salarié. Le mail, ça semble la chose la plus basique mais au final, c’est une des choses les plus coûteuses à proposer.
Amaury Baradon : Merci Pouhiou. Pouhiou, je le rappelle médiateur chez Framasoft.
Et alors que l’initiative « Dégooglisons Internet » n’est pas encore terminée, l’association se prépare à lancer un collectif dans quelques jours, le collectif des Hébergeurs Alternatifs Transparents Ouverts Neutres et Solidaires. L’acronyme de tout ça c’est CHATONS [3], qui vise à rassembler des acteurs proposant des services du même type que ceux dont on vient de parler, c’est-à-dire des alternatives aux GAFAM, entre autres, évitant la collecte et la centralisation des données privées des internautes. Allez ! N’hésitez pas à surfer différemment et à la semaine prochaine.
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Références

[3CHATONS

Avertissement : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant⋅e⋅s mais rendant le discours fluide. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.