Numérique électrique, numérique responsable Écosystème [4/7]

Boris Dolley évoque l’évolution du poids du numérique dans la consommation électrique nationale avant de détailler comment le gestionnaire du réseau public d’électricité travaille à déployer des outils et des pratiques relevant d’un numérique responsable.

Voix off : Next, Next, Next, Next, Next.

Mathilde Saliou : En février 2025, lors du Sommet mondial pour l’action sur l’intelligence artificielle [1], le président de la République a annoncé un grand plan d’investissement de 109 milliards d’euros pour soutenir la croissance de l’IA en France.

Emmanuel Macron, voix off : 109 milliards, c’est la première fois de l’histoire et c’est la première fois parce qu’on travaille énormément et parce qu’on a des atouts.

Mathilde Saliou : Au même moment, il jouait les parallèles avec une phrase de Donald Trump en lançant plug, baby, plug à l’adresse des entreprises du numérique. Autrement dit « connectez-vous à notre réseau électrique, surtout n’hésitez pas ! ». L’idée, c’est que la France avec ses centrales nucléaires a non seulement de l’électricité à revendre, mais, en plus, celle-ci est décarbonée.

Je suis Mathilde Saliou, journaliste chez Next, et vous écoutez Écosystème,

Épisode 4. Numérique électrique numérique responsable

Ce contexte d’investissements faramineux dans l’IA et dans l’infrastructure qui lui permet de tourner m’a convaincue qu’il serait intéressant de discuter avec Boris Dolley. Boris Dolley travaille chez RTE, le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité et il a une double casquette tout à fait pertinente pour continuer les pérégrinations d’Écosystème : il est en charge de la stratégie numérique responsable de RTE et il est à la tête du bureau des programmes open source.
Avant de plonger dans le vif du sujet, je me suis dit que peut-être, comme moi à l’origine, vous ne connaissiez pas très bien le fonctionnement de l’approvisionnement en électricité en France. Je lui ai donc demandé de détailler les missions de RTE.

Boris Dolley : RTE, c’est le gestionnaire du réseau de transport d’électricité. Si on résume vraiment, de manière très synthétique, les missions de RTE, la première va être de maintenir le réseau : il faut que le réseau électrique soit disponible et en bon état de fonctionnement en permanence, quelles que soient les conditions. La moitié de notre masse salariale travaille sur la maintenance.
Après, on va avoir deux strates au-dessus de l’infrastructure.
On va avoir l’équilibre entre l’offre et la demande : il faut que la production égale la consommation en permanence sinon il y a des phénomènes d’oscillation, un peu comme sur un lac ou une mer, qui viennent et qui perturbent. On régule donc en permanence l’équilibre entre l’offre et la demande.
La troisième mission, qui est encore au-dessus de ça, c’est d’être un acteur neutre pour qu’un marché de l’électricité à la maille de la France et de l’Europe puisse advenir.
Une dernière mission, non des moindres, c’est également d’éclairer l’avenir de l’électricité et de l’énergie, plus largement, à des horizons de temps comme 2050, on travaille donc beaucoup à ces questions de prospective sur l’avenir de l’énergie.

Mathilde Saliou : Dans quelle mesure l’explosion des usages numériques impacte-t-elle les activités de RTE depuis 20/30 ans ? Et la question qui arrive juste derrière : dans quelle mesure l’explosion de l’usage de l’IA impacte-t-elle les activités de RTE [Réseau de transport d’électricité] ?

Boris Dolley : C’est effectivement quelque chose qui est croissant dans le temps. Déjà dans les années 70, à l’époque du parc électronucléaire, on a commencé à mettre en place des éléments d’automatisme, d’asservissement, etc., entre la production, le transport, la distribution et la consommation, les grandes étapes du chemin de l’électricité, comme on aime à le dire.
Ça a commencé avec de l’électronique câblée avec des relais. Tout doucement, ça s’est numérisé au sens où on a commencé à mettre des ordinateurs dans ces boucles. Et, au fur et à mesure, on a augmenté la part du numérique dans le système nerveux, dans le système névralgique de ce qu’est notre réseau. Aujourd’hui, à l’heure où on se parle, il est intégralement numérique : dans les trois couches que j’ai citées tout à l’heure – la maintenance, le développement de réseaux, c’est la partie infrastructure, sur la partie équilibre entre l’offre et la demande et sur le marché, de manière croissante –, dans ces strates, le numérique est incontournable pour gérer la masse d’activités qu’on doit gérer et la fréquence à laquelle on les gère. C’est vraiment le système nerveux de notre réseau.
Ce réseau pourrait fonctionner sans aucune intervention humaine pendant un certain temps, en fonction des conditions, notamment météo, de tensions sur le système électrique pour les usages, mais sans le numérique, on serait comme un pilote d’avion qui n’aurait plus de cockpit et qui devrait conduire au feeling, ce n’est pas possible, sur un gros avion ce n’est pas possible. Le numérique est aujourd’hui complètement au cœur du système et on a accompagné son impact, c’est-à-dire qu’on gère le numérique sur tous les étages de la fusée de manière à toujours avoir un plan de reprise d’activité en cas de pépin, un plan de continuité de l’activité en cas d’indisponibilité de l’objet numérique, tant que faire se peut, forcément en mode dégradé. On gère cet objet-là, mais l’impact est réel.
J’ai oublié de dire que je travaille au sein de la recherche et développement de RTE. Au sein de la recherche et développement de RTE, on a une productivité sur les algorithmes, les données, qui est extrêmement importante. On travaille moins, maintenant, sur les aspects matériaux, on y travaille toujours, surtout avec nos fournisseurs, mais on travaille de plus en plus sur la question des services numériques qu’on rend aujourd’hui, surtout qu’on devra rendre demain, à l’ensemble des métiers qui composent notre entreprise et à l’ensemble des parties prenantes qui sont autour de nous.

Mathilde Saliou : Peut-on donner quelques exemples concrets ?

Boris Dolley : Oui, bien sûr.
Déjà, premier point, notre mission c’est de construire un réseau auquel on va se connecter. On s’y connecte soit en tant que producteur soit en tant que consommateur. À partir du moment où vous êtes éligible pour vous connecter au réseau de transport, vous allez devoir planifier cette connexion et c’est une planification pluriannuelle, ça ne se fait pas du jour au lendemain ni de la semaine pour la semaine d’après. Déjà, dans cet outil de planification, il y a un portail numérique qui permet de recevoir les propositions de raccordement, en tout cas l’expression du besoin de raccordement.
Ensuite, on va faire des itérations pour aller de plus en plus dans le détail du prix de raccordement, de la date à laquelle ça se passe et de tout un tas de facteurs techniques qu’il va falloir adapter pour la personne qui se connecte et pour nous, au niveau du réseau. C’est un flux qui est très humain, il y a beaucoup d’humain dans la boucle, mais il y a aussi beaucoup de services numériques. C’est un premier service numérique.
Si je vais beaucoup plus loin dans des choses du système électrique qui sont moins faciles à capter pour le profane, on a besoin du numérique pour prévoir, en tout cas essayer de prévoir ce qui va se passer en termes de comportement sur le réseau électrique en fonction des événements exogènes. Les évènements exogènes ça peut être les JO, ça peut être une éclipse de soleil, ça peut être un match de foot important, ça peut être une grève massive, un Covid. Qu’est-ce qui se passe sur le système électrique, qu’on n’a pas déjà exploré, et sur lequel on n’a pas encore capitalisé ? Cet exemple-là est particulièrement intéressant sur les notions de prévisions de conso, les prévisions de production. Les productions vont être soit programmées sur le marché et après elles vont s’exécuter sur des moyens qu’on appelle pilotables, ce sont les centrales qu’on connaît bien – les centrales nucléaires, les centrales thermiques, on en a moins en France, mais il y en a en Europe – et il y a ce qu’on subit : la vitesse du vent, l’intensité du soleil, etc. Il faut donc qu’on prévoie les comportements de consommation des industriels, des particuliers, de la France et un peu de l’Europe, et la production des énergies renouvelables. C’est un champ dans lequel le numérique nous offre une capacité beaucoup plus importante et ça va nous permettre de faire la transition avec l’IA puisque l’IA aura toute sa place dans ces questions et dans cette capitalisation de ce qu’on a constaté par le passé, ce qu’on a capitalisé au titre de ce passé et qu’on va projeter dans le futur.

Mathilde Saliou : L’explosion de l’usage de modèles très consommateurs en énergie, puisque là on a annoncé le grand plan d’investissement, notamment pour aider des gens du numérique à implanter des datacenters en France, dans quelle mesure est-ce que ça touche aussi aux activités de RTE cette fois en tant que fournisseur ?

Boris Dolley : L’essor des datacenters et du numérique est quelque chose qu’on ne percevait pas au niveau du réseau de transport d’électricité il y a encore dix ans, parce que les datacenters, en France notamment, étaient des datacenters qui se raccordaient plutôt sur le réseau de distribution d’Enedis et la France n’était pas nécessairement un hub mondial de données et de télécommunications pour l’usage des datacenters. Chacun avait un peu les siens, mais les hyperscalers, les très gros acteurs des datacenters, ne venaient pas nécessairement sur notre territoire pour les construire. Ce n’était pas un des endroits phares du monde.

Mathilde Saliou : Peut-on rappeler les différences entre Enedis et RTE ?

Boris Dolley : Oui. C’est effectivement important. Je parlais tout à l’heure de la séparation entre production, transport, distribution et consommation.
En fait, cet étage-là est très simple à comprendre, sauf entre transport et distribution, parce que c’est « juste » une question, entre guillemets, pardonnez-moi le juste, c’est juste une question de niveau de tension de réseau et c’est aussi une question de modèle économique : RTE est propriétaire et gestionnaire du réseau de transport. Enedis est opérateur du réseau de distribution sur base des concessions qui lui ont été cédées, ce n’est pas donc la même équation ni économique ni technique.
Sur le sujet du numérique, pour le coup tout est en commun, mais sur l’aspect du métier de gestion des deux infrastructures et des deux niveaux de tension, ce sont bien deux choses distinctes, j’espère que ça répond à peu près. En gros, le réseau de distribution c’est Enedis et 200 et quelque entreprises locales de distribution, alors que RTE est un réseau monopolistique, il n’y en a qu’un, c’est nous, c’est un monopole dit naturel, nous sommes propriétaires de nos infrastructures et en charge de les maintenir.

Mathilde Saliou : Donc, avant, les acteurs du numérique allaient plutôt se brancher directement sur Enedis distributeur, etc. Depuis dix ans, qu’est-ce qui change ?

Boris Dolley : Ce qui change, c’est la puissance et le nombre de datacenters. L’actualité, dont on parle ensemble, qui se compte en dizaines de milliards, minimum, ça peut aller en centaines et après, il y a la notion des puissances.
Pour faire simple, les jambes d’un humain peuvent produire quelque 100 watts, grand max, il faut déjà être assez sportif. Il se trouve que ce qu’on accueille comme puissance sur le réseau en termes de datacenters, ça va commencer à toucher le gigawatt, c’est-à-dire des milliards de jambes en termes de puissance. Le parallèle n’est pas évident, mais, plus simplement, on peut dire qu’un sèche-cheveux fait un kilowatt, ça veut dire 1000 paires de jambes, ça va être un million de fois ça.
Puisque les investissements sont de plus en plus colossaux, c’est de plus en plus massifié, de plus en plus densifié à l’intérieur des datacenters, les datacenters ont besoin d’avoir une énergie électrique en entrée pour faire le compute de l’IA, etc., qui nécessite des GPU [Graphics Processing Unit] qui sont beaucoup plus consommateurs d’énergie électrique que les CPU qui étaient là il y a dix ans, qui le sont toujours bien sûr, mais c’est l’adéquation des deux qui est très consommatrice. cela fait qu’ils ont besoin de venir sur le réseau de transport pour avoir des appels de puissance réels très forts.

Mathilde Saliou : cela veut dire que ça change quelque chose à RTE. Est-ce que ça change beaucoup de choses ou est-ce que c’est juste un nouvel acteur dans la chaîne des acteurs avec lesquels vous avez l’habitude de traiter ?

Boris Dolley : C’est la soudaineté de leur arrivée qui change vraiment la donne. On fait toujours un plan décennal de développement du réseau, son nom c’est SDDR pour Schéma décennal de développement du réseau. On fait cet exercice-là très régulièrement, a minima tous les quatre ans, mais, de plus en plus, on le fait plus fréquemment et, en plus de ça, on le fait à des portées de tir qui sont maintenant de plus en plus au-delà de la décennie. Dans ces exercices qu’on fait depuis que RTE existe, c’est-à-dire depuis 2000, les datacenters n’ont jamais été présents dans l’équation jusqu’à 2019 où on commence à les voir apparaître. Maintenant, ce n’est plus qu’on les voit apparaître : pour leur fonctionnement, ils prennent l’énergie nécessaire qui est une part de l’énergie du pays. Ça devient significatif.
En ordre de grandeur, aujourd’hui en France, le numérique, tous usages confondus – le fait de recharger son smartphone à la maison, le fait d’avoir un datacenter qui tourne, le fait d’avoir des flux Netflix et consorts – si on prend tous les usages du numérique à un instant t, ça représente 10 % de la consommation de l’électricité en France. C’est l’Arcep [Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse] et l’Adème [Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie] qui nous le disent.
Dans les trois étages de la fusée du numérique – les terminaux, le réseau qui fait l’intermédiaire et les fameux datacenters –, il se trouve que les datacenters c’est entre 13 et 16 % de ces 10 % de l’électricité. Que va-t-il advenir dans les années à venir ? On ne sait pas. L’Agence internationale de l’énergie, RTE, l’Adème, l’Arcep y travaillent tous de manière coordonnée, concertée, et projettent des futurs possibles. Quand il y a des investissements comme ceux qui ont été annoncés tout récemment par le gouvernement, vraiment dans une démarche proactive d’accueillir ces grands datacenters, on est sur des projections qui ne sont plus du tout de l’ordre de 16 % de la consommation. Je ne sais pas à combien ça va aller. Je ne veux pas déclarer de chiffre, mais ça va changer du tout au tout.
À partir de là, on est sur un jeu à terrain limité. Quelle est la quantité d’énergie électrique qui sera disponible ? À nous de développer les EnR [énergies renouvelables], de développer le nouveau nucléaire, etc., et d’offrir l’énergie disponible pour les nouveaux usages de l’électrification, pour remplacer les fossiles par l’électrification, mais entre guillemets, pardonnez-moi le terme, « en concurrence » il y aura ces datacenters qui seront clairement présents dans l’équation. Ce n’est pas une petite paille comme ça a pu l’être au tout début des années 2018/2019. Là on est sur une rampe très forte de croissance.

Mathilde Saliou : Si ce changement se faisait tout de suite et qu’il n’y ait pas de nouvelles sources d’énergie, là, demain, en fait une concurrence assez forte va se créer entre l’énergie nécessaire pour alimenter nos usages numériques et l’usage de l’électricité qu’on fait pour s’éclairer, faire tourner, je ne sais pas, ça sert à tellement de choses, il me faudrait d’autres exemples, se déplacer.

Boris Dolley : C’est effectivement en concurrence à la fois sur la consommation d’électricité mais aussi sur l’extraction des minerais. En fait, tout vient en concurrence : la mobilité, la transition énergétique, le numérique et tout le reste. Le « tout le reste » c’est l’industrie, la production d’engrais, 1000 cas figures ont besoin des ressources qu’elles soient fossiles dans notre sol, qu’elles soient minérales, qu’elles soient d’électricité disponible ou d’énergie disponible. Le numérique est un sacré sujet dans cette concurrence.

Mathilde Saliou : Chez RTE, vous êtes en charge de la stratégie numérique responsable, à priori c’est que vous réfléchissez justement à ces questions de concurrence, etc. Qu’est-ce que c’est qu’être directeur de la stratégie numérique responsable pour RTE ?

Boris Dolley : Nous avons le droit et le devoir de nous soucier d’être responsables numériquement pour notre compte. Nous avons l’interdiction absolue de devoir guider qui que ce soit à l’être, notamment nos clients. Nous n’avons pas la possibilité de dire « ce datacenter ne sera pas connecté, plutôt que celui-là, parce que la fin de ce datacenter c’est ceci ou cela ». Je tiens à limiter mon propos à ce qui va être intrinsèque à RTE dans l’usage du numérique.
Le principe, c’est d’abord de partager, au plus haut niveau de l’entreprise, une stratégie qui consiste à être responsable. Être responsable numériquement, c’est d’abord s’intéresser à l’empreinte intrinsèque du numérique sur les limites planétaires, toutes limites confondues, pas que le CO2, c’est ce qu’on appelle le Green IT [2].
Le deuxième point, c’est en quoi le numérique peut-il être une opportunité qu’il faudra alors démontrer par une analyse de cycle de vie ou une approche systémique, en quoi ce numérique peut-il nous permettre de réduire l’empreinte de l’Homme sur les limites planétaires. C’est l’IT for Green [3].
Après, il y a les éléments qui sont plutôt du domaine de l’IT for Human. En quoi l’IT va-t-il aider une part de l’humanité dans son existence ? C’est le cas, par exemple, d’une personne qui serait sourde et qui nous observerait, elle ne pourrait pas lire nos interactions sur nos lèvres de manière simultanée, notamment quand on parle en même temps. Par contre, si elle a un objet numérique qui lui permet de retranscrire sous ses yeux, au format texte, qui parle et qui dit quoi, elle sera capable de faire une réunion n – n es pas un – un, avec elle, en lisant sur les lèvres tant que faire se peut. C’est typiquement de l’IT for Human.
Il y a aussi d’autres cas, par exemple quand on fait appel à un marché de brokers pour gérer un nouveau cycle de vie de nos matériels, ce broker va employer des personnes qui sont parfois éloignées de l’emploi, en réinsertion, parfois des personnes handicapées, cela aussi c’est de l’IT for Human. Il y a beaucoup de choses.
Et puis, un quatrième, qui est un peu transverse à ces trois-là, c’est la partie Human for IT, c’est-à-dire les personnes qui sont sachant dans le domaine du numérique responsable et qui éclairent les consciences de chacun de nous que ce soit une entreprise, que ce soient des citoyens ou des preneurs de décisions, notamment politiques. C’est Human for IT au sens de ce qui se passe en termes de dépendance au numérique, de souveraineté, sur tous les sujets, sur le sujet du service numérique lui-même, fini, délivré par tels ou tels acteurs, quelle est la tectonique des plaques de l’intelligence économique derrière ça et aussi quelles sont les limites de la supply chain qu’on peut toucher en cas de grand conflit, en cas de rareté d’un des minerais parmi les 90 qui composent nos équipements électroniques, etc. Human for IT c’est aussi une part importante du numérique responsable.
À RTE, gérer le numérique responsable, c’est gérer ces quatre éléments avec une stratégie qui soit atteignable. Il ne s’agit pas de faire de la science-fiction, il s’agit de faire des choses très concrètes sur ces quatre pans pour pouvoir faire des choix, au sein de notre entreprise, qui soient les meilleurs possibles en fonction de ce que les parties prenantes nous proposent. Les parties prenantes ce sont, au premier plan, les fournisseurs de matériels, de logiciels, et après nos homologues, qui sont en charge, comme moi, de la stratégie du numérique responsable pour qu’on se concerte en termes d’achats, en termes de bonnes pratiques dans l’usage et dans la construction des services numériques. Il y a beaucoup de choses à faire et on a des acteurs comme l’association Green IT [4], l’Institut du Numérique Responsable [5], l’AGIT, l’Alliance Green IT [6]. Il y a maintenant plein de choses en France et nous pouvons en être très fiers, parce que, en Europe c’est quand même moins représenté et, dans le reste du monde, n’en parlons pas !
Être directeur de la stratégie du numérique responsable à RTE c’est, pour nos métiers, faire le nécessaire pour que le service numérique soit optimal tout en ayant conscience des quatre piliers que j’ai cités et faire au mieux sur ces quatre piliers. C’est une question de trade-off en bon français : il faut trouver le bon compromis et ne pas se poser en dogme sur un comportement.
Par exemple, il m’arrive de faire des slides qui ne sont pas accessibles, parce que c’est très contraignant, c’est un savoir-faire que je n’ai pas, donc, quand je sais je vais être en situation de faire une présentation à des personnes qui sont en situation de handicap, je vais essayer de faire quelque chose qui est accessible, par contre, dans 99 % des cas, ce n’est pas accessible. La place au paradoxe est acceptable, ce n’est pas grave si on est fréquemment en faute mais qu’on a une démarche continue d’amélioration ; l’important c’est de faire mieux au rythme auquel on pourra le faire.
Pareil pour la puissance de calcul, on y reviendra peut-être tout à l’heure, on a besoin de puissance de calcul et je ne peux pas me placer envers nos métiers en disant « non, vous ne calculerez pas cette année » parce qu’l y a trop à perdre. En fait, on manque parce que RTE est un acteur de la transition énergétique. À ce titre-là, si les usages ne sont pas cumulatifs pour l’énergie et que l’électrification se substitue à l’usage des fossiles, je ne vais pas priver les personnes du calcul, parce que ce que je vais gagner, notamment en CO2 sur le fait d’avoir interdit du calcul, en réalité on l’aura perdu en milliards de fois cela parce qu’on n’aura pas optimisé le système énergétique. À côté de ça, l’optimisation du système énergétique n’est pas une carte joker et un totem d’immunité pour être numériquement irresponsable.
Voilà, c’est vraiment une question de compromis sur tous les étages.

Mathilde Saliou : Est-ce qu’on peut donner un exemple ou deux de chantiers où ça aurait pu être fait sans se poser de questions, peut-être par opposition à « en se posant la question du numérique responsable, ça a poussé à prendre telle décision » ?

Boris Dolley : Sur le Green IT, notre démarche d’achats et notre politique d’utilisation des équipements est particulièrement bonne si on se compare à nos homologues.
Nous achetons nos PC, nous ne les louons pas, parce que les loueurs ne nous offrent pas des contrats de durabilité des matériels aussi longs que ce que nous visons. Je ne suis pas capable de vous répondre en moyenne, mais sur un parc de plusieurs dizaines de milliers d’équipements terminaux, on a, dans les des ordinateurs portables, des ordinateurs qui ont 8 ans et demi et qui se portent comme des charmes. On a une politique, qui vient du comité exécutif, qui consiste à faire durer nos équipements, c’est une des clés du Green IT, c’est clair, faire durer les équipements, on ne va pas rentrer dans le détail, il faut l’accepter comme un axiome. À RTE, nous faisons durer nos équipements et nous en sommes très fiers. C’est une première illustration, c’est quelque chose qu’on fait, c’est volontariste.
Si on prend soin des ordinateurs à plein de titres, au sens matériel – ne pas les faire tomber –, mais aussi en prendre soin au sens logiciel – ne pas laisser les logiciels qu’on développe nous-mêmes ou qu’on achète gonfler les besoins de ressources –, alors on peut les faire durer très longtemps.

Mathilde Saliou : De la manière dont vous l’expliquez, est-ce que ça veut dire que dans les questions de développement de logiciels internes, il y a une attention particulière à ne pas développer des choses trop consommatrices ?

Boris Dolley : La réponse est oui. C’est de l’écoconception et, de manière générale, de la bonne conception, le clean code, le fait de documenter, le fait de tester, le fait de mettre des analytics pour savoir ce que fait cette application et ce qu’elle ne fait pas alors qu’elle a été faite pour, ce sont des choses qu’on maîtrise de mieux en mieux aujourd’hui et ça change absolument tout, ça nous vient notamment de l’open source.

Mathilde Saliou : Rapide incise. L’open source [7] est un courant de fabrication des logiciels et un qualificatif qu’on peut apposer à ces fameux logiciels, dont la définition est établie par la Free Software Foundation [8] et l’Open Source Initiative [9].
Pour faire court, l’open source c’est le droit de consulter le code du service numérique, celui de l’éditer, celui de le redistribuer et puis celui de l’exécuter. Tout cela se fait bien sûr en fonction d’une variété de licences, plus ou moins ouvertes.
Une autre application de l’open source c’est, pour certaines de ces licences, l’idée qu’on fait à peu près ce qu’on veut du code, c’est-à-dire qu’on peut se servir de cette ressource ouverte et gratuite pour fournir, par exemple, des services payants.

Boris Dolley : Ça fait partie des conditions sine qua non pour faire grandir une communauté open source que de gérer sa dette technique.

Mathilde Saliou : La dette technique, c’est la gestion de tout ce qui a été construit de manière rapide et pas forcément très soignée au départ. Ça a un lien direct avec la culture de l’open source puisque celle-ci pousse à la publication rapide et récurrente de logiciels à laquelle s’ajoute ensuite l’exigence de ne jamais cesser d’améliorer les services ainsi produits.

Boris Dolley : Si on gère bien sa dette technique et si on conceptualise bien le besoin au départ, quand on prend les utilisateurs, qu’on le met au centre, que sur toute la chaîne de construction des logiciels on applique les concepts de clean code qui sont des cohérences entre les briques qu’on assemble, et après des bonnes pratiques de dev vraiment au sens lignes de code du terme, que derrière on documente fonctionnellement, quelque chose qui est difficile à faire faire à tout le monde, parce qu’on aime bien avoir un service qui fonctionne, de toute façon il fonctionne, il n’y a pas besoin de le documenter, c’est vrai mais c’est faux. Aujourd’hui, un logiciel a son cycle de vie : il naît, il dure quelques années, il meurt, mais pourquoi meurt-il ? Pas parce qu’on a mal géré sa dette technique, mais parce que, à un moment, on a des besoins qui viennent en périphérie et qui deviennent significatifs ; puisqu’on doit les prendre en considération avec les autres besoins, quels étaient les autres besoins auxquels répondait à cette application ? Il faut faire du reverse engineering fonctionnel pour savoir vraiment à quoi ça répond, il faudrait mettre quelqu’un qui regarde ce qui se passe, en permanence, parce que c’est diffus dans un collectif d’experts métiers et, derrière, il faudrait surtout du reverse engineering de code, beaucoup plus coûteux que de partir d’une page blanche.
La documentation est un point sur lequel j’insiste en termes de Green IT.
Ne pas avoir des logiciels obèses ou qui meurent prématurément, dans les deux cas, il faut documenter.
Ensuite, sur la partie IT for Green, RTE a la chance d’avoir été retenu par l’Adème pour faire une analyse de cycle de vie complète, qui sera publiée en fin d’année, pour démontrer que certains de nos services numériques limitent l’empreinte du réseau, c’est un peu technique, ça s’appelle les Dynamic line rating for electric utilities. Le principe c’est l’effet joule : quand du courant passe dans un conducteur métallique, il se dilate, il chauffe. En hiver, c’est gérable parce qu’il fait froid, il y a du vent, c’est propice à faire passer beaucoup d’intensité. En été, c’est un petit peu plus compliqué quand il fait 40 degrés en plein soleil.
Les DLR ça consiste à avoir soit un modèle d’extrapolation de la réalité, soit des capteurs sur le terrain qui nous permettent de connaître la vitesse du vent, qui nous permettent de connaître la nébulosité des nuages, qui nous permettent de connaître tous les paramètres, qui nous permettent de passer plus d’intensité dans les câbles. En passant plus d’intensité dans les câbles, si on ne fait pas d’effet rebond, au final on aura développé moins de réseau, parce qu’on aura mieux fait passer l’énergie électrique dans les câbles plutôt que de se dire qu’on va être conservateurs, qu’on ne va pas passer plus que telle intensité parce qu’on craint d’aller au-delà pour une raison simple qui est que le câble se rapproche du sol, donc on met en danger les personnes qui peuvent être à proximité et l’ouvrage en tant que tel. Nous sommes donc très précautionneux sur ce qu’on appelle la flèche, la descente du câble vers le sol.
Avec les DLR, je crois que c’est en très bonne voie d’être positif, l’Adème va démontrer que c’est du pur IT for Green, sauf si on fait de l’effet rebond et que, derrière, on fait passer plus d’énergie pour en consommer plus.
Le troisième pilier, je l’ai déjà un petit peu cité dans l’illustration. J’ai eu la chance, c’est vraiment une chance, de diriger une équipe d’une trentaine de personnes dans laquelle il y avait une personne en situation de surdité. Avoir 30 personnes qui se réunissent avec une personne en situation de surdité profonde, ça nécessite des compétences humaines et des outils technologiques. Notre groupe a été coaché par le prestataire qui vendait la solution d’assistance pour cette personne-là et j’ai pu observer que c’était fantastique de vivre l’expérience avec un sourd et de voir quelle est la limite à comprendre ce qui se passe quand on est sourd. Ça amène énormément de choses, en termes humains, dans le collectif, et surtout, ça nous permet de voir que la technologie, pour le coup, est réellement aidante pour une personne qui serait vraiment dans l’incapacité de faire son travail, parce que notre travail c’est de travailler à plusieurs.

Mathilde Saliou : Vous êtes aussi le directeur du bureau de l’open source de RTE et je vous ai entendu expliquer que l’open source était très utile, voire nécessaire pour aller vers un numérique plus responsable. En quoi ? Pourquoi ?

Boris Dolley : Je vais prendre la balle au bond pour illustrer le quatrième pilier.
J’ai dit que la question de la dépendance au numérique fait partie du système nerveux d’une infrastructure vitale pour le pays, voire pour le continent, eh bien il est important qu’on maîtrise certains logiciels. Je vais prendre un exemple qui est plutôt du domaine militaire : certains avions ne peuvent pas décoller, aujourd’hui, parce qu’ils sont numérisés très fortement, que les configurations numériques du plan de vol sont à un endroit sur terre et si la personne décide de ne plus donner la clé des configurations, l’avion ne décollera pas.
Si je transpose cette question de la dépendance numérique du militaire au civil et à l’énergie électrique, nous nous devons de savoir gérer notre cockpit, notre réseau de transport, savoir à tout moment ce qui s’y passe et agir dessus, avec quelque chose dont on maîtrise la dépendance, et l’open source est une clé absolument merveilleuse pour le gérer.
Qu’est-ce que permet de faire l’open source ? Dans le pire des cas, l’open source est vendu par des fournisseurs et tant mieux, c’est super que l’open source soit vendu par des fournisseurs parce que, comme cela, c’est un peu du contrat clé en main. Mais l’énorme avantage c’est que s’il fallait, en situation de crise ou de manière un peu pérenne, internaliser des compétences qui doivent maîtriser le logiciel dont on est tributaire, on peut le faire, ça s’appelle avoir un parachute quand on saute de l’avion. C’est ceinture/bretelles mais aussi parachute.
C’est donc extrêmement important du point de vue de la souveraineté – je n’aime pas le terme parce qu’on n’est jamais souverain en termes de numérique, on gère la dépendance à certains étages du sujet, mais pas partout, ce n’est pas possible : l’open source est un super allié sur la question de la souveraineté numérique.
Après, sur le reste du numérique responsable, le cœur du sujet dans l’open source c’est la communauté, ce ne sont pas les lignes de code en tant telles. Le respect qu’on a pour les besoins couverts par ce service numérique, c’est ce qui nous unit dans la communauté.
Par exemple, pour faire une transition énergétique et calculer le futur énergétique à des horizons 2050/2100, il y a des communautés open source qui bossent. Ce qui les mobilise c’est le cerveau, ce sont souvent des personnes brillantes sur le sujet mathématique mais c’est aussi des geeks. Quand ces personnes-là s’unissent autour d’un produit et le respectent, ce produit est un never-ending project, c’est un projet qui durera des décennies, comme chez certains éditeurs. Aujourd’hui, certains produits ont plusieurs décennies et sont en très bonne santé, ils ont su faire leur métamorphose, leur mue, au fil du temps.
Dans l’open source, l’objectif de la communauté c’est d’être aussi performante que ça, sans avoir l’intérêt mercantile en tant que tel, mais en ayant l’intérêt que ce produit rende le service parce qu’on estime sa valeur et on estime le produit qui le rend.
À partir du moment où on a cette estime, ce respect, cette entente, cette convergence des intérêts, on arrive à gérer les conflits à l’intérieur de sa communauté, on y a tout intérêt. On a ses roadmaps et, à chaque fois qu’on fait un pas en avant sur le plan des lignes de code, on s’oblige à faire une partie de ce chemin pour gérer la dette technique et on s’oblige à documenter. Pourquoi ? Parce que cette communauté est internationale par construction et elle est distante, les gens ne se voient que très peu dans la vraie vie. Il faut donc bosser de manière super coordonnée, super fluide et, quand quelqu’un arrive, il faut qu’il puisse avoir un manuel qui lui explique tout : le fonctionnel, le technique, comment on s’organise dans cette communauté, quels sont les outils, comment on les fait fonctionner ensemble, etc. Il ne suffit pas d’être développeur pour savoir faire de l’open source, il faut connaître les modalités de l’open source mais aussi de la communauté en tant que telle, parce qu’elles sont très différentes de l’une à l’autre. Tout cela est documenté.
Je parle de cela pour les objets industriels costauds, pour les communautés qui sont sous fondation par exemple, sous fondation open source. On s’organise pour qu’il y ait une viabilité du produit indépendamment du turnover des équipes et c’est un art, et c’est du numérique responsable parce que ça fait des produits qu’on ne jette pas, qu’on ne fait pas pour refaire, pour jeter, etc., ça fait des produits qui sont pérennes et qui sont souverains.

Mathilde Saliou : Est-ce qu’on peut définir un peu « le souverain », puisqu’on a dit que les communautés sont très internationales, tout le monde est derrière son ordinateur, partout ?

Boris Dolley : C’est une excellente question. Les personnes qui prônent la souveraineté disent très souvent : « OK, il faut qu’on fasse un logiciel open source européen ou à une maille inférieure, peu importe, mais il faut qu’on fasse un logiciel qui soit souverain et en open source. – Oui, mais vous n’interdirez à personne de rentrer ! – Ah, justement, on voulait faire cette dichotomie en se disant il y a tel empire, on ne veut pas tel empire, etc. » En réalité, à partir du moment où on se met dans une posture d’ouverture, mais qui soit régulée, régulée au sens propre : des membres sont élus par le collège des pairs pour dire « tu en as la charge, c’est toi le décideur sur tel ou tel aspect du projet », il faut gérer cette gouvernance et il faut la gérer en personnes responsables. Parfois ça passe par des communications où on va se dire les choses, on va se dire « non, je ne veux pas que tel acteur prenne les droits de vote », on aime beaucoup qu’il contribue, en revanche on ne souhaite pas qu’il décide. Ce sont des choses qui se font parfaitement.
Après, la magie de l’open source, c’est aussi la possibilité de forker. En anglais, fork veut dire fourche. Le principe du fork, ça veut dire tout simplement qu’il y a une branche qui existe, je me base sur cette branche, je crée une sous-branche, d’ailleurs, j’espère que cette branche deviendra plus forte que l’autre parce que je divorce d’elle, je me sépare d’elle, je prends un autre chemin, mais je pars sur la base de ce qui existait. Qu’à cela ne tienne, les personnes qui sont fâchées dans les communautés partent vers une autre communauté, concurrente, et que le meilleur gagne au sens le plus noble du terme.

Mathilde Saliou : Est-ce que dans cet entretien qui a touché finalement une variété de sujets, vous avez quelque chose à ajouter ou à souligner, qu’il vous semble important de transmettre ?

Boris Dolley : Je passerais peut-être un message aux jeunes générations de développeurs : respectez votre travail au plus haut point, ne craignez pas que l’IA vous remplace dans votre job. Certes il va beaucoup changer, c’est clair, mais ça reste un savoir-faire et, comme pour tout savoir-faire, mieux vaut viser à savoir travailler sur des chefs-d’œuvre que travailler sur des pièces éphémères qui n’ont d’intérêt ni pour vous ni pour les bénéficiaires des objets que vous construisez. Visez une approche noble dans votre métier et ce sera salvateur pour le numérique responsable, pour le numérique tout court. Si vous bossez bien, le numérique s’en portera mieux, la planète de fait et l’humanité également.

Mathilde Saliou : Merci beaucoup à Boris Dolley pour le temps qu’il nous a accordé.
Vous l’avez entendu, son rôle au sein de RTE nous a permis d’évoquer deux choses. D’abord l’impact grandissant, fulgurant même, des géants du numérique sur notre approvisionnement en électricité, que nous avions commencé à explorer avec Cécile Diguet [10]. Et puis je trouve toujours passionnant d’écouter des praticiens de l’open source détailler leur méthode de travail. Il me semble que ce qui insuffle le collectif est riche en inspiration pour qui réfléchit aux meilleures manières de fabriquer un monde plus durable.

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Écosystème est un podcast écrit et tourné par moi, Mathilde Saliou. Il a été réalisé par Clarisse Horn et produit par Next. Pour nous retrouver, direction Bluesky, Linkedin, Mastodon ou bien Next, évidemment.
À très vite.