Pierre-Yves Gibello, voix off :
Mathilde Longuet, voix off : Le problème c’est qu’on a une grosse décorrélation de cycle de vie entre le logiciel et le matériel, c’est-à-dire qu’on a du matériel qui est quand même fonctionnel assez longtemps, souvent, qui peut durer cinq ans, dix ans, parfois vingt ans.
On a besoin de changements plus globaux sur nos modes de production et sur la croyance aussi que la technologie va nous sauver. On a besoin de plus penser techno-discernement et de quelles technologies on a vraiment besoin de produire.
Voix off : Vous écoutez Techologie, le podcast qui questionne le rôle des technologies face aux enjeux écologiques
Richard Hanna : Bonjour à toutes et tous. Bienvenue sur Open source Expérience, un événement durant deux jours, 6 et 7 décembre. Il y a une thématique « Numérique responsable ». Dans ce cadre-là j’ai proposé de faire un enregistrement d’un podcast qui s’appelle Techologie [1], que j’anime depuis cinq ans maintenant. Du coup, c’est une grande première en live du podcast.
Nous allons parler du logiciel libre : est-ce que c’est nécessaire et suffisant pour un numérique plus soutenable ?
Je suis Richard Hanna, animateur du podcast Techologie.
Avec nous, pour parler du logiciel libre et de numérique soutenable, nous avons Mathilde Longuet. Tu es ingénieure informatique de l’UTC Compiègne, tu es technologue, c’est-à-dire que tu croises sciences, techniques et étude de leurs impacts sociaux. Tu as contribué à différents projets en appliquant les philosophies du Libre et aujourd’hui tu portes un projet de la Fondation OwnTech [2], qui est sous l’égide de la fondation CNRS, dans le domaine de l’énergie. Tu vas nous en parler tout à l’heure.
Avec nous aussi Pierre-Yves Gibello. Tu es directeur général de la communauté du logiciel libre OW2 [3]. Cela fait plus de 25 ans que tu t’impliques dans l’open source. Pour le Conseil logiciels libres et la DINUM [Direction interministérielle du Numérique], tu as piloté une étude, « Les apports du logiciel libre à la durabilité des équipements » [4], en lien avec la future mise en place de l’indice de durabilité des équipements qui arrive en janvier 2024.
Nous allons rentrer dans le vif du sujet, mais avant, Mathilde, pourrais-tu nous parler des objectifs de la Fondation Owntech ?
Mathilde Longuet : Les objectifs de la Fondation Owntech, c’est de faciliter les connaissances et savoir-faire dans un domaine phare de l’électrification, qu’on appelle l’électronique de puissance. L’électronique de puissance sert à faire les transformations électriques, c’est-à-dire baisser, augmenter, onduler la tension et le courant. Comme tu l’as dit, c’est une fondation sous égide de la fondation CNRS. Au CNRS, on a développé un convertisseur électrique programmable, open source, que ce soit sur la partie hardware ou software, et avec ça on peut faire du contrôle moteur, de la gestion de panneaux solaires, de la gestion de batteries. L’objectif, derrière tout ça, c’est de démocratiser les savoir-faire autour de l’électrification et de faire une sorte d’Arduino de l’énergie avec des propositions de formations autour de l’électrification.
Richard Hanna : Merci. Pierre-Yves pareil, même question : quels sont les objectifs de l’association OW2 ?
Pierre-Yves Gibello : OW2 héberge des projets open source, anime une communauté et fait du lobbying, on peut le dire comme ça, est un acteur politique qui défend l’open source au sens général.
Historiquement, on est orienté sur l’open source professionnel, on a une communauté d’adhérents qui sont des organisations de diverses tailles, certaines vraiment du monde de l’entreprise. Ça va de la TPE d’une personne jusqu’aux très grands groupes, Huawei par exemple, Orange aussi qui est notre gros supporter, qui est un de nos membres fondateurs et qui nous a soutenus depuis le début.
On a aussi un background académique au départ, on a eu beaucoup d’académiques dès le début de l’histoire, on a donc toujours une connexion forte avec le monde académique.
On a aussi quelques beaux institutionnels du secteur public : gendarmerie nationale, Ville de Paris qui sont d’ailleurs sur notre stand cette année.
Et on a des individus. On peut s’inscrire, pour les individus c’est gratuit, les autres payent des cotisations. Les individus ont même un siège au conseil d’administration.
Nous avons une gouvernance ouverte, nous sommes une association avec conseil d’administration bénévole, un président élu, ce n’est pas moi, moi je suis DG. Nous sommes une équipe de salariés qui faisons tourner l’association.
Richard Hanna : Très bien. Le législateur doit-il rendre obligatoire l’ouverture des codes sources des logiciels critiques, tout comme les logiciels pilotes des équipements, donc les drivers, notamment pour les équipements du type IOT, l’Internet des Objets, qui arrivent ?
Pierre-Yves Gibello : Je ne sais pas s’il faut aller forcément jusque-là, sauf, peut-être, sur des points extrêmement critiques où il serait extrêmement dangereux de ne pas le faire. Par contre, ce qui est essentiel, c’est qu’il existe des alternatives libres ou la possibilité d’en mettre en œuvre, c’est-à-dire que les API [Interfaces de programmation] soient ouvertes, que les spécifications soient ouvertes et libres, qu’on puisse développer des alternatives, libres ou pas – dans ce cas-là, des alternatives libres se développent très vite –, qui permettent de garantir une durabilité et une continuité de service et qu’on n’ait pas des équipements, du matériel, qui se retrouvent obsolètes du fait qu’il n’y a plus de logiciels qui permettent de les exploiter. C’est ce qui a été défendu également dans le rapport DINUM, etc., c’est un peu la position française.
Richard Hanna : Mathilde, est-ce que l’ouverture des fichiers des matériels, cette fois-ci, puisqu’on parle de logiciels mais aussi du matériel, ce qu’on appelle peut-être l’open hardware, permet vraiment plus de réparabilité ?
Mathilde Longuet : En fait, je dirais que c’est surtout la non-ouverture des fichiers hardware qui empêche, de facto, de réparer ou de modifier nos outils technologiques. Quand on a un objet, qu’on n’a pas les outils pour comprendre son fonctionnement, on est obligé de faire du rétro-engineering pour espérer le réparer, ce qui est beaucoup plus complexe, sans parler, en plus, des techniques qui empêchent volontairement de réparer, comme le fait, par exemple, de coller les batteries de téléphone. Résultat, aujourd’hui on n’a quasiment aucune carte électronique qui est réparée, réutilisée ou recyclée. La plupart sont enfouies ou broyées dans de l’acide pour récupérer l’or qui sert à faire les routages, mais c’est tout. On ne récupère quasiment pas les composants. Alors que quand on a un outil en open hardware, on peut avoir à la fois la liste des composants, savoir comment la carte fonctionne, ce qui permet de comprendre potentiellement la source du problème, et avoir la référence du composant permet tout simplement de le changer, sinon, quand on a une carte, on ne peut pas comprendre son fonctionnement.
Pour rappel, 80 % des gaz à effet de serre émis par le numérique viennent de la fabrication, que ce soit l’extraction, l’assemblage ou la transformation des composants. Et, pour l’instant, on est capable de recycler très peu de ces composants, la priorité c’est donc de les faire durer. L’allongement de la durée de vie, la réparabilité et la réutilisabilité sont encouragées par l’open hardware.
Richard Hanna : Tu parles de l’indice de réparabilité qui devient indice de durabilité [5]. Pierre-Yves, comment justement le facteur logiciel libre s’intègre-t-il dans ce futur indice de durabilité ? Je rappelle que tu as travaillé sur le sujet et produit un rapport pour les autorités publiques.
Pierre-Yves Gibello : Un indice de durabilité va s’imposer sur les matériels, un petit peu comme la réparabilité. C’est parti de la DINUM et de son Conseil logiciels libres qui a posé clairement la question : est-ce que la possibilité d’installer un logiciel libre – au départ c’était pour les smartphones et les ordinateurs – accroît, est un facteur positif pour cet indice de durabilité ? Il fallait apporter des éléments dans cet objectif.
Ce qu’a dit Mathilde juste avant : 80 % des émissions, c’est pour les smartphones, pour les ordinateurs je crois que c’est 75 %, c’est une étude ADEME [Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie]. Ça veut dire que c’est un vrai enjeu d’augmenter la durabilité. Le problème, c’est qu’on a une grosse décorrélation de cycle de vie entre le logiciel et le matériel, c’est-à-dire qu’on a du matériel qui est quand même fonctionnel assez longtemps, souvent, qui peut durer cinq ans, dix ans, parfois vingt ans, et il y a des roadmaps logicielles, soit c’est de l’obsolescence programmée – on a déjà vu ça, Apple a fait exprès de ralentir ses smartphones, on ne l’a pas inventé. Ça peut être aussi de l’obsolescence parce que l’acteur économique disparaît, que sa roadmap change ou qu’il est racheté par quelqu’un qui arrête le logiciel, etc. Ce sont donc des cycles de vie plus courts, avec de l’innovation rapide, et le logiciel finit par disparaître ou par ne plus être compatible avec le matériel bien avant la fin de vie.
Par contre, à partir du moment où les spécifications sont ouvertes, ça permet à une communauté de développer, de fournir une alternative libre. Ça peut être une communauté économique, ce n’est pas le souci, et ça peut même être un logiciel propriétaire, à la limite, ce n’est pas la problématique de la DINUM. À partir du moment où l’alternative libre est possible, on peut développer un logiciel qui permet d’exploiter ce matériel, donc on accroît notablement sa durabilité parce que l’écosystème va reprendre ça et parce que c’est même rentable. Des acteurs associatifs vont peut-être le faire, mais aussi des acteurs économiques vont le récupérer, vont vendre du support, etc. Il y a plein d’exemples de cela, notamment une histoire de smartwatch connectée qui avait été rachetée par Fitbit, qui a abandonné le projet et les utilisateurs n’avaient plus d’applis.
Richard Hanna : Plus proche, Maison Connectée d’Orange qui a fermé ses portes en début d’année 2023. Heureusement, ça n’a pas trop marché, c’est pourquoi ça a fermé, il y a donc peu d’équipements dans la nature, mais on se retrouve avec des équipements qui ne sont plus mis à jour, il n’y a plus de pilotes pour faire fonctionner ces équipements de domotique, d’ampoules connectées, etc.
Pierre-Yves Gibello : Personnellement, j’ai vécu le cas avec une imprimante Canon. Les drivers ont été abandonnés, les spécifications n’avaient pas été publiées, et même sous Windows elle était devenue inexploitable. C’est-à-dire que non seulement il n’y avait jamais eu de drivers Linux, mais en plus, quand ils ont arrêté la roadmap, avec la nouvelle version de Windows, les utilisateurs pouvaient jeter leur imprimante.
L’ouverture des spécifications permet des alternatives libres et ça accroît notablement la durabilité.
Richard Hanna : Microsoft annonçait adorer Linux dès 2001. Sachant que les entreprises et le système économique capitaliste ont largement intégré le logiciel libre à leur compte et que les logiciels libres, aujourd’hui en grande majorité, font tourner Internet finalement, l’infrastructure internet, est-ce que le combat pour le logiciel libre est toujours d’actualité ou est-ce que c’est un combat obsolète ?
Pierre-Yves Gibello : Il est toujours d’actualité pour la bonne raison qu’on fait face à une arrière-garde féroce qui fait du lobbying, qui nous met des bâtons dans les roues au niveau législatif, partout dans le monde. Sachant, à part ça, que c’est un combat déjà gagné. Si vous lisez le rapport de l’IFRI [Institut français des relations internationales], qui est sorti en début d’année, ce n’est pas Alice Pannier qui a sorti ce chiffre, elle l’a récupéré quelque part, mais on va dire qu’un bon 80 % du code des logiciels, tous logiciels confondus, ça inclut le propriétaire, c’est du logiciel libre aujourd’hui, c’est de l’open source. Ça veut donc dire qu’il n’y a plus que la surface qui surnage au-dessus qui est propriétaire. Si on publiait un SBOM [Software Bill Of Material, briques dont est composé un logiciel, NdT] d’un logiciel propriétaire, on s’apercevrait que la plupart des dépendances qu’il sont dedans, c’est du Libre, donc le combat est déjà gagné. Et l’infrastructure d’internet c’est beaucoup plus : pour les super calculateurs c’est 100 %, pour le cloud ça doit être 90 % ou quelque chose comme ça, donc le Libre a déjà remporté la victoire et si on ne le prend pas en compte, c’est lui qui va s’occuper de vous.
Par contre, on a quand même en face un lobbying féroce et c’est pour cela qu’on est obligé de continuer à se battre, pour éviter aussi de se faire piéger par une société d’hyper-surveillance, de contrôle, qui soit pilotée par des trusts, parce qu’on a aussi cette problématique-là. On a des GAFAM qui régissent nos vies avec ce qu’on peut appeler de la pseudo-infrastructure. Aujourd’hui, si Google Maps éteint sa carte, vous êtes perdu. Ça a beau être un commun numérique au sens strict, au sens économique, c’est quand même une pseudo-infrastructure pilotée par une boîte privée, c’est dangereux au niveau sociétal. Il y a aussi à prendre en compte le fait d’avoir des communs et des services qui s’appuient sur des biens publics, c’est-à-dire sur de l’open source.
Richard Hanna : Mathilde, quelles sont les possibilités de réutilisation et de modification des matériels permises par l’ouverture des codes sources, à la fois des logiciels et matériels ? Est-ce que tu as des exemples concrets ?
Mathilde Longuet : Par exemple, dans le domaine dans lequel je travaille, donc l’électronique de puissance, les convertisseurs électriques sont fragmentés par applicatif, par industrie, par échelle de puissance, ce qui fait que chaque solution a un usage unique. Par exemple, si vous voulez un abaisseur de tension de 48 à 12 volts et que, quelques jours après, vous vous rendez compte qu’en fait vous voulez abaisser de 36 à 12 volts, vous êtes obligé d’en racheter un nouveau et de mettre l’ancien au placard, alors que, techniquement, ce ne sont pas des modifications très importantes à faire.
On peut parler, par exemple, d’imprimantes qui sont devenues des boîtes noires presque magiques, que plus personne ne comprend.
En fait, la fermeture du code nous empêche d’être autonomes et les entreprises nous empêchent de comprendre les objets qu’on leur achète et, comme cela, elles nous rendent dépendants à elles. Le bricolage est donc rendu complètement impossible. On n’est plus que dans une optique de consommation face aux objets techniques qui nous entourent.
Richard Hanna : Tu parles de bricolage. Est-ce qu’il y a des limites à la réutilisation et à la réparation ? On imagine qu’il faut avoir du temps et des compétences.
Mathilde Longuet : Comme je disais, aujourd’hui on répare très peu et c’est en partie empêché par la privatisation des connaissances autour des objets techniques. En effet, les rendre open source ça ne suffit pas.
Il y a à la fois un coût économique et un coût technique assez important. Par exemple sur les cartes électroniques où, vu qu’on miniaturise de plus en plus, on a presque besoin de moyens industriels pour réparer maintenant et ça va en empirant, voire ça devient impossible de réparer. Et, comme tu disais, on a besoin d’une certaine expertise qui peut être contrebalancée par exemple par de la modularité, comme le fait Fairphone [6] qui propose de réparer avec des blocs. Par exemple, on peut acheter le bloc supérieur du téléphone pour le remplacer et ne pas avoir à jeter tout le téléphone.
Après, je pense que l’objectif ce n’est pas forcément que tout le monde sache réparer, mais qu’on essaye d’impliquer le plus possible de personnes pour permettre à des business d’éclore dans ces domaines-là. Par exemple, plein d’ateliers de réparation de vélos se mettent en place. Si on proposait des vélos électriques open source et modulaires, on pourrait imaginer que ces réparateurs, qui fleurissent un peu partout, puissent aussi réparer la partie électrique de nos vélos en comprenant comment fonctionne la gestion de la batterie, le contrôle moteur, ce genre de choses.
Richard Hanna : Est-ce que l’open source suffit pour que le numérique soit soutenable ? Mathilde.
Mathilde Longuet : Je dirais qu’il n’est pas suffisant mais nécessaire.
Pas suffisant, parce qu’on a besoin de changements plus globaux sur nos modes de production et sur la croyance que la technologie va nous sauver. On a besoin de plus penser techno-discernement et quelles sont les technologies qu’on a vraiment besoin de produire.
par contre, je pense qu’il est nécessaire parce que la privatisation des connaissances, comme je disais, nous fait entrer dans un mode de consommation par rapport à nos objets, ce qui fait que, pour moi, on devrait appliquer le modèle open source bien au-delà du logiciel et même des cartes électroniques, proposer des objets du quotidien qui soient open source et modulaires. Par exemple, une association fait des vélos qui s’appellent Vhélio. Il y a aussi des contrôleurs midi pour faire de la musique assistée par ordinateur, Hackin’Toys [7], qui, pareil, proposent des solutions montables par blocs pour accompagner les artistes à comprendre l’outil qu’ils prennent en main. On pourrait même encore penser plus loin avec des machines open source pour faire de l’usinage open source et modulable, pour faire de l’usinage décentralisé, comme le propose le projet Precious Plastics [8], je ne sais pas si vous connaissez. C’est un super projet où, en gros, l’idée c’est d’avoir des machines dans lesquelles on va mettre des plastiques usagés pour en faire sortir des filaments de plastique qu’on peut utiliser dans des imprimantes 3D et ces machines sont open source. Soit on peut les acheter telles quelles sur Internet, soit on peut les monter soi-même et ensuite on a toute la notice, la compréhension de l’utilisation derrière.
Je pense que l’usine décentralisée est un gros enjeu pour l’avenir, pour proposer un monde plus soutenable et plus local.
En plus, si on arrête aussi de privatiser les connaissances, on mutualise la R&D, ce qui participe à la soutenabilité, et la valeur ne se situe plus forcément sur la production mais sur le service qui l’accompagne.
Richard Hanna : Pierre-Yves, tu veux compléter ? Même question : est-ce que l’open source suffit pour rendre le numérique soutenable ?
Pierre-Yves Gibello : Non. Je vais faire exactement la même réponse que Mathilde, elle a été très complète dans sa réponse.
Richard Hanna : Est-ce que tu as des éléments concrets ?
Pierre-Yves Gibello : J’insiste une fois de plus sur la durabilité. Mathilde a eu bien raison de préciser par rapport à d’autres domaines que l’informatique. Ce qui fait le plus de dégâts, dans tous les domaines, c’est le matériel, c’est le plus gros impact, donc, pour faire durer le matériel, il faut qu’il soit réparable, il faut qu’on puisse trouver des alternatives et des solutions pour l’user au maximum, c’est un peu ça.
Pour reprendre le numérique, quand on a des impacts à au moins 75 % sur le matériel, j’allais dire que le côté Green IT, « j’optimise mon application web, etc. », il y en a plein qui racontent ça à tous les vents, ils ne touchent plus que 20 % du total. Donc même s’ils arrivent à optimiser de 30 %, ils auront gagné 7 à la fin. Il faut donc arrêter. C’est bien de le faire, c’est nécessaire, mais ce n’est pas là-dessus qu’on va gagner.
Il faut donc que le matériel dure et pour qu’il dure il faut qu’il y ait des alternatives possibles de telle manière que ça ne dépende pas de l’abandon d’un logiciel.
Richard Hanna : On a parlé beaucoup d’open source, etc., mais on n’a pas parlé d’interopérabilité. Est-ce que c’est aussi un sujet qui vous concerne dans vos différents travaux ?
Pierre-Yves Gibello : Je ne sais pas pourquoi, je me suis toujours méfié de l’interopérabilité, quelque part ! Je l’ai toujours remplacée par « possibilité d’intégration », donc le fait d’avoir des API, des formats, des standards ouverts, que les gens puissent implémenter et qui finissent par faire consensus, en tout cas par permettre que les choses s’intègrent entre elles. Parce que vouloir imposer de l’interopérabilité à tout prix, avec des référentiels, des standards, des machins, ce n’est pas toujours gagné, il y a du lobbying, c’est compliqué et ça finit souvent avec des comités qui inventent des spécifications pas possibles. L’interopérabilité au sens strict n’est pas un sujet simple, ce n’est ni blanc ni noir, il faut des process assez légers, assez experts. OK, ce que fait l’IETF [Internet Engineering Task Force], les protocoles internet ça marche, les RFC [Requests for comments] ça marche, mais il y a des limites à appliquer ce truc-là de façon générale.
Faites des choses modulaires qui peuvent interagir entre elles parce que vous avez des librairies sympas, bien documentées, des API propres, etc., oui, ça c’est très bien. Mais vouloir dire « je cours à tout prix vers de l’interopérabilité », c’est parfois presque une contrainte de plus.
Mathilde Longuet : Du coup, je dirais que dans le domaine de l’électricité c’est devenu important avec la privatisation des réseaux. On se retrouve avec plein d’objets qui utilisent des protocoles différents et c’est une force que peut proposer l’open source : être la brique qui vient se mettre entre tous ces objets qu’on ne peut pas comprendre et paramétrer soi-même.
Richard Hanna : Quels sont les objectifs sociétaux que devraient poursuivre non pas les produits, maintenant les organisations en mettant en place des outils numériques ?
Mathilde Longuet : Je dirais que la première question à se poser, qui peut paraître basique mais qu’on se pose assez peu, c’est : que veut-on vraiment en proposant de nouveaux outils ? Pour répondre, on se pose beaucoup la question des marchés financiers, des besoins individuels et un peu du désir du consommateur qu’on vient combler. Mais maintenant, il faut qu’on réapprenne à voir la question d’un point de vue plus social, plus englobant, vers quel monde va-t-on, parce qu’on est conscient, maintenant, qu’on ne peut plus produire à tout-va. Ce n’est pas parce qu’on peut produire qu’on doit le faire. J’ai l’impression qu’il n’y a que dans la technologie qu’on se dit que parce qu’on peut on doit le faire. Aurélien Barrau parlait, il n’y a pas longtemps, du pharmakon, du fait que pour chaque chose dans la vie il y a un dosage. On le sait très bien pour la nourriture, pour le sommeil, par contre, pour la technologie, on court à fond. Pour moi, c’est vraiment la question centrale.
Richard Hanna : Pierre-Yves.
Pierre-Yves Gibello : Je sors peut-être un peu de la question. Plein de gens disent que le capitalisme c’est mal, etc. J’ai plutôt tendance à dire que le capitalisme financiarisé, qui fait n’importe quoi, c’est mal. Je crois que Debord avait dit que c’était le spectacle de l’économie qui se développe pour elle-même, ou un truc comme ça. Ce qui n’est pas bon, c’est l’économie qui se développe pour elle-même.
Quand on me dit « le capitalisme c’est mal », je dis « attendez ». Le capitaliste c’est un type qui utilise des facteurs de production, il utilise, en gros, du travail et du capital pour produire des biens et des services. Mon agriculteur bio utilise de la terre, des machines et des salariés pour produire des légumes. C’est un capitaliste. Ce n’est pas ça le problème, ça c’est très bien.
Dans l’écosystème open source il y a des éditeurs, on en a plein, qui sont des capitalistes plus ou moins forcenés. Il y en a qui sont à fond avec une logique presque appropriatrice, d’autres sont vachement open, ils autorisent les gens à contribuer à leurs projets, etc., ils sont très libristes, mais cet écosystème-là ce sont des capitalistes et ils font le boulot. Aujourd’hui, il y a aussi des gros capitalistes. Il y a par exemple, entre autres, la MAIF, sixième assureur de France, ce sont des capitalistes. Les grosses structures ne sont pas forcément néfastes à partir du moment où elles ont un certain nombre de valeurs et qu’elles s’intègrent avec le tissu sociétal.
C’est un petit peu à ce niveau-là que ça se joue. Il faut que la greffe arrive à prendre avec les gens et qu’on arrive à créer une espèce d’économie sociale et solidaire élargie, qui intègre un petit peu toutes les visions, mais qui n’autorise pas qu’on fasse n’importe quoi.
Mathilde Longuet : Je pense qu’un angle mort du capitalisme actuel c’est que grâce à l’automatisation et en partie l’informatisation, en fait l’optimisation de tous les processus, théoriquement on a libéré beaucoup de temps de travail qu’on a compensé par du surtravail ailleurs. Ce surtravail nous amène à une surproduction et on ne sait pas trop dans quel objectif, ce n’est pas pour un bien-être social. C’est cela qu’on doit pointer du doigt : qu’est-ce qu’on fait de ce gain de richesses qu’on a fait qui, pour l’instant, va dans les mains d’une petite élite ? Ça pose des questions : qu’est-ce que le travail aujourd’hui ? Est-ce que c’est vraiment la production qu’on doit maintenir ?
Richard Hanna : On a parlé de créer des outils numériques, de les rendre open source, etc., de les ouvrir. Mais pour aller vers plus de sobriété, ne faudrait-il pas réduire la numérisation, dé-numériser, dé-commissionner des équipements, des services, démanteler des infrastructures inutiles ou, comme le diraient Les Soulèvements de la Terre [9], désarmer les infrastructures destructrices du vivant ? Mathilde.
Mathilde Longuet : Les Soulèvements de la Terre s’inscrivent dans la tradition des luddistes. En fait, le démantèlement est nécessaire pour sortir du système sociotechnique qui, à l’heure actuelle, nous met en danger.
Comme on le disait avec Pierre-Yves, 4/5 des émissions de gaz à effet de serre sont dus à la fabrication, donc, intuitivement, j’aurais tendance à dire qu’il faut surtout ralentir cette production et garder les infrastructures qu’on a déjà mises en place. En même temps, dans mon domaine électronique de puissance, quand je vois des industriels et des politiques parler tout le temps de l’avion électrique qui est l’avion décarboné, j’avoue que ça m’inquiète un peu et ça donne souvent raison aux Soulèvements de la Terre ne serait-ce que pour avoir une force qui contrebalance le gain économique fait par ces infrastructures.
De manière générale, je dirais qu’il faut questionner l’accaparement, par les entreprises, de ressources qui sont communes. Par exemple, cet été je voyais que Facebook a installé un datacenter dans une zone désertique de l’Espagne et qui, du coup, pompe l’eau qui est vitale pour les personnes et l’écosystème qui est présent. J’aurais tendance à dire que le point le plus important serait de légiférer sur les ressources que peuvent pomper les entreprises, que ce soit l’eau ou les minerais. Pour le démantèlement je botte en touche.
Richard Hanna : Pierre-Yves.
Pierre-Yves Gibello : Je n’irais pas jusqu’à dire qu’il faut tout casser, je ne suis pas un luddite. Ceci étant dit, j’ai quand même fait partie de ceux qui ont saisi le Conseil d’État contre la dissolution des Soulèvements, je l’avais rendu public, je considère que la désobéissance civile est un garde-fou nécessaire, qui est d’ailleurs inscrit dans les droits de l’homme et qui est mal traduit au niveau des décisions juridiques. On a tendance à durcir le ton contre les militants écologistes, etc. Je ne dis pas qu’il faut tout casser, mais je dis quand même que la désobéissance civile fait aussi partie de nos gènes et on en a besoin pour arriver à limiter un certain nombre de choses.
D’ailleurs, quand tu parlais d’avion vert, je ne sais pas si vous souvenez, il y avait eu une magnifique action de Greenpeace qui avait dit « vous voulez des avions verts, on va les faire ! ». Quelques militants s’étaient introduits sur un aéroport international et avaient commencé à peindre un avion en vert, ils ont fini évidemment en taule, pas très longtemps, mais ils ont quand même passé un mauvais quart d’heure. C’était un beau clin d’œil à l’avion vert qui n’existe pas. On est d’accord.
Richard Hanna : L’avion vert reste assez hypothétique. Aujourd’hui on constate le fait, dans les décisions politiques, de vouloir remplacer les véhicules thermiques par des véhicules électriques sans remettre en question la place de la voiture, sans remettre en question nos modes de vie, le côté individualiste de la voiture, etc.
Mathilde Longuet : J’ai participé récemment à un salon organisé par l’ADEME sur les véhicules intermédiaires. L’objectif c’est justement de les promouvoir, du coup ils donnent des subventions, ils font des ateliers pour travailler sur des véhicules entre la voiture et le vélo, c’est une chouette initiative. Mais en effet, à côté de ça il y a, j’ai envie dire, le lobby de la voiture – c’est peut-être un abus de langage– – qui est très fort et qui ne veut pas remettre en cause tout simplement l’espace qu’on prend en tant qu’individus. La voiture a grossi de plus en plus ces dernières décennies. Même en dehors de l’environnement, c’est à questionner sur la place qu’on veut prendre sur la chaussée et comment on se partage l’espace commun. Après évidemment, écologiquement parlant, faire une Tesla électrique ne fait que délocaliser la pollution dans d’autres pays que le nôtre.
Richard Hanna : Je vous invite à faire aussi un parallèle entre la voiture électrique qui grossit et nos téléphones. On avait des smartphones qui étaient tout petits, aujourd’hui on a des grands écrans, on a des écrans qui se plient, on a des écrans qui se plient avec un écran de l’autre côté, c’est une gabegie ! C’est une croissance de la taille des écrans et une réduction du temps de vie de ces équipements. On pointe la voiture, mais tous nos équipements électriques, électroniques, numériques, suivent finalement aussi cette trajectoire complètement folle.
Pierre-Yves Gibello : Oui. On peut quand même être un peu sobres. Je récupère les smartphones de mes enfants quand ils trouvent qu’ils ne sont plus assez performants, ils ont encore plusieurs années de vie derrière eux et ils fonctionnent très bien. Je pense qu’on peut très bien continuer à avoir un mode de vie moderne, c’est pareil pour la voiture, en étant relativement sobres quant à l’usage qu’on en fait. Un smartphone, ça marche. Mon vieux Samsung, qui doit avoir bientôt dix ans, marche toujours. Même si j’ai besoin de m’orienter avec, les applis tournent, il n’y a pas de problème. C’est pareil pour votre voiture. Déjà, avez-vous besoin d’une voiture individuelle ou est-ce qu’une voiture partagée ne suffirait pas ? Il commence à y avoir des bons services d’autopartage. On peut se poser ce genre de question. Mais même votre voiture individuelle : combien de fois faites-vous un déplacement de moins de 10 kilomètres avec ? Vous montez sur un vélo. Maintenant je fais plusieurs milliers de kilomètres de vélo urbain par an. Je suis à Grenoble, d’accord. À chaque fois que je me déplace dans l’agglo je suis sur un vélo, ça va plus vite, c’est bon pour la santé, ça ne pollue quasiment pas et en plus c’est plus agréable, on n’est pas dans les bouchons. Déjà si les gens se mettent à faire rien que ça, pourtant ce n’est pas grand-chose, un peu de vélo, il n’y aura pas toutes ces bagnoles qu’on voit dehors par la fenêtre. La plupart sont tout seuls dans leur voiture, ils sont en train de faire cinq kilomètres ! C’est facile de changer ça, c’est une prise de conscience collective, on peut y arriver.
Richard Hanna : Et des décisions politiques ?
Pierre-Yves Gibello : Oui, ça joue. À Grenoble, nous sommes favorisés, il y a vraiment une grosse volonté politique locale de différents acteurs, d’ailleurs pas forcément seulement ceux qu’on attend, il y a les écolos, certes, qui dirigent la ville, mais il y a aussi le Conseil départemental, la Région, etc., qui ne sont pas tous à gauche. Il y a un gros développement des infrastructures cyclables, nous sommes clairement favorisés là-dessus et ça marche. il y a presque des bouchons de vélos quand c’est l’heure du vélotaf, quand c’est l’heure de pointe sur les lignes Chrono, ça s’appelle comme ça chez nous, ce sont les autoroutes à vélos, il y en a des vélos ! Ça marche.
Mathilde Longuet : Sur le sujet du smartphone, je voudrais juste faire de la publicité pour un projet du Libre qui permet justement de combattre ces problèmes d’obsolescence logicielle, qui s’appelle /e/OS [10], qui ressemble vraiment à un Android, qui fonctionne très bien et qui évite la surcharge d’utilisation des processeurs. Si vous vous retrouvez avec un téléphone qui rame beaucoup trop, vous pouvez tenter cette alternative.
Pierre-Yves Gibello : Juste un mot pour rebondir là-dessus et pour rebondir aussi sur la suite. Ce n’est pas pour prêcher pour ma paroisse, je vais dire pourquoi. On a une très grosse annonce à faire, ça sera demain matin dans la salle Passy, à 9 heures 50, c’est le fond NGI Zero Commons [NGI Zero Commons Fund] [11] c’est donc de l’argent européen, Next Generation Internet, qui est investi sur de l’open source, sur les communs numériques basés sur des biens publics. C’est piloté par la fondation NLnet, aux Pays-Bas, qui est très regardante sur les libertés civiles, sur l’Internet citoyen, la neutralité du réseau, etc. Il y a quand même 21,6 millions qui vont être distribués à la communauté, ça doit être la plus grosse annonce de tous les temps dans ce secteur-là. C’est important pour l’écosystème au sens large.
Au passage je rebondissais là-dessus aussi parce que la e Foundation fait partie des gens qu’on a réussi à financer récemment sur un projet NGI qui est encore en cours, qui précède celui que je vais annoncer demain. Ça finance aussi des acteurs comme cela. On a réussi à financer Open Food Facts [12], on a réussi à financer Software Heritage [13]. Les fonds européens, même si c’est une petite partie du programme, arrivent parfois à être bien orientés, c’est une grosse news et c’est important.
Richard Hanna : Merci beaucoup. On a cinq minutes pour prendre une ou deux questions du public si vous avez des questions.
Questions du public et réponses
Public : Ce n’est pas forcément une question, c’est une précision sur l’indice de durabilité dont a parlé tout à l’heure Pierre-Yves. L’Europe a annoncé, il y a deux, trois semaines, qu’elle s’opposait au décret d’application de la loi anti-gaspillage concernant l’indice de durabilité français. À priori, de ce qu’on a pu comprendre, c’est visiblement la partie critère logiciel libre qui pose un problème à l’Europe, parce que l’Europe a son propre critère de durabilité. Pour l’instant, il y a un veto mis par l’Europe sur ce que fait la France. La France doit retravailler sur le sujet [14].
Deuxième petite remarque sur la question : est-ce que le logiciel libre a gagné ? Je ne suis pas convaincu que les personnes utilisatrices soit gagnantes quand des systèmes enferment les personnes utilisatrices, les guident vers des contenus grâce à des algorithmes, même si c’est basé à 80 % sur du logiciel libre. Techniquement le logiciel libre, ou l’open source, a peut-être gagné, mais, concernant leurs libertés, les personnes utilisatrices n’ont pas du tout gagné. Il y a donc encore ce combat-là à mener. Construire des solutions qui enferment les personnes utilisatrices en se basant sur des logiciels libres, on n’y gagne pas.
Pierre-Yves Gibello : Tu fais très bien de rappeler cette histoire de durabilité retoquée par l’Europe. J’ai oublié de le mentionner quand on m’a posé la question du fait qu’il pouvait y avoir encore des résistances, etc. Ce truc-là a été retoqué suite notamment à un très gros lobbying de l’AFNUM [Alliance Française des Industries du Numérique] qui représente les gros du logiciel propriétaire, on va le dire comme ça. Même si l’open source a gagné au sens de sa pénétration dans le stack logiciel, on a en face de nous des lobbyistes qui sont bons, je les félicite pour cette action, ils ont gagné cette fois-ci, la prochaine fois ils ne gagneront peut-être pas, c’est le jeu.
Effectivement, on va dire que l’essentiel du stack de Google est libre et pourtant ils nous poussent des contenus, c’est tout à fait vrai, c’est clair, ça reste problématique. L’Europe est schizophrène, elle fait des choses comme ça, mais elle fait aussi NGI. C’est aussi une des raisons pour lesquelles des acteurs comme ça veillent.
La Fondation NLnet, dont je parlais tout à l’heure, que quasiment personne ne connaît à part les spécialistes, est une des fondations les plus puissantes d’Europe, fondée en 1982, premier point d’accès à Internet en Europe, ces gens-là ont amené Internet aux Pays-Bas, rachetée par UUNET/Verizon en 97 pour un paquet de millions, même pas publié, plein de zéros, qui a dit « nous sommes une association libertés civiles, Internet neutre, on continue avec ce pactole, on fait des appels à projets, on finance un stack internet citoyen. » Cette fondation est peut-être plus riche que la fondation Eclipse, c’est une fondation super libre, c’est probablement la plus puissante d’Europe et personne n’en entend parler, ils sont peut-être un peu discrets niveau communication, mais faites passer le mot, il y en a d’autres. Eux aussi sont des lobbyistes, évidemment, ils ne sont pas mauvais non plus, parfois ils gagnent.
Le nouveau fonds vise aussi à développer des communs numériques appuyés sur des biens publics open source, ça sert justement à pallier ce genre de trucs. Mastodon [15] entre autres, a été financé par ce projet-là déjà avant et le sera peut-être encore à l’avenir, on peut l’espérer, un réseau social qui ne pousse pas les contenus haineux en tête pour faire plus de vues. Des communs collaboratifs aussi, d’ailleurs ils ont aussi financé OpenStreetMap [16], que je sache, ce qui permet qu’on ne va pas éteindre la carte demain à cause d’intérêts privés ou d’intérêts géostratégiques.
C’est une bonne remarque, elle aussi est prise en compte et l’open source est ce qui permet que ça soit possible.
Public : Ce qu’on peut reprocher au monde du Libre, à la communauté des libristes, c’est aussi d’être un peu techno-solutionnistes. N’y a-t-il pas un manque de convergence des luttes concernant les questions écologiques, les questions sociales, les questions de genre, les questions de sexisme, tous les enjeux de racisme ? N’est-on pas dans une espèce d’entre-soi très techno-solutionniste ?
Mathilde Longuet : Merci de poser cette question, je voulais en parler et je ne l’ai pas fait.
C’est en effet un milieu où il y a un énorme entre-soi socio-économique et genré. Même si on est militant, on n’a pas tendance à prendre en compte les autres questions en rapport avec les inégalités sociales et à se poser la question de la raison, même avec nos valeurs d’ouverture, pour laquelle l’expertise reste dans la main d’une sorte d’élite intellectuelle. Il faut donc pousser, avec nos associations ou entreprises, à faire des formations à des personnes qui n’ont pas forcément accès à ces milieux technologiques, qui viennent de milieux défavorisés ou, par exemple, des formations en non-mixité ; dans le milieu de la technologie ce sont des formations qui marchent énormément, qui attirent beaucoup de femmes ou de personnes en minorité de genre.
Je pense que c’est un gros sujet sur lequel travailler dans notre milieu pour s’ouvrir à l’altérité et justement ne pas rester dans notre techno-solutionnisme.
Richard Hanna : Je vous propose que ce soit le mot de la fin. Merci beaucoup.
Voix off : Si tu aimes Techologie, parles-en autour de toi, mets des étoiles et un petit commentaire sur ta plateforme de podcasts préférée. Merci.