Le logiciel libre : un enjeu politique et social. Discussion autour de l’action institutionnelle de l’April - Étienne Gonnu

Titre :
Le logiciel libre : un enjeu politique et social. Discussion autour de l’action institutionnelle de l’April.
Intervenant :
Étienne Gonnu, chargé de mission affaires publiques pour l’April.
Lieu :
Rencontres Mondiales du Logiciel Libre - Saint-Étienne
Date :
Juillet 2017
Durée :
37 min 24
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Licence de la transcription :
Verbatim
transcription réalisée par nos soins.

Description

Par les libertés qu’elles offrent, les licences des logiciels libres sont d’une certaine manière la traduction informatique des éléments structurant d’une démocratie, notamment exprimé dans la devise : liberté, égalité, fraternité
À l’inverse, un logiciel privateur - conçu verticalement comme une « boite noire » imposant des usages aux utilisateurs - s’apparente dans la continuité de cette analogie à de l’autocratie.
Loin d’une réflexion de pure technique, ou d’une quelconque forme de dogmatisme comme cela est trop souvent entendu, cette distinction représente la manière dont nous entendons les notions de progrès, de vivre ensemble, et in fine de liberté, dans une société informatisée.
Des interrogations qui font du logiciel libre un enjeu fondamentalement politique et social.

Transcription

Bonjour. Étienne Gonnu, comme c’est écrit là, je suis chargé de mission affaires publiques pour l’April. L’April, je pense que tout le monde connaît. Il y a des apriliens ici, des membres de l’April ? Donc je pense que je n’ai pas besoin de vous rappeler dans les détails ce qu’est l’April. L’April c’est vraiment l’action nationale française, militante sur les questions de logiciel libre, promotion et défense du logiciel libre et on est avant tout une association à vocation politique pour faire avancer la société pour plus de libertés et une meilleure reconnaissance de l’importance des libertés informatiques.
On est trois permanents. Il y a Frédéric Couchet, qui est un membre fondateur et qui est délégué général de l’April. Isabella Vanni qui s’occupe de toute la coordination de la vie associative, elle s’occupe des projets, elle est vraiment sur le volet sensibilisation. Si ces sujets vous intéressent, il y a une liste Sensibilisation [1] qui est assez active et je sais qu’elle est preneuse de toutes les bonnes volontés. Et donc moi qui m’occupe des dossiers institutionnels pour l’April.
Juste pour me présenter très rapidement, savoir qui parle. J’ai une formation de juriste, de base, j’ai fait du droit comparé pour ceux qui connaissent un peu ces sujets-là. Ensuite j’ai fait des choses diverses et variées et pas du tout liées au droit ni au numérique, et ensuite j’ai repris mes études en droit du numérique ; c’est très fourre-tout comme terme. C’est là où j’ai commencé à me sensibiliser aux questions du logiciel libre, notamment à faire des ponts avec mes propres réflexions sur l’importance des libertés fondamentales, comment on vit ensemble, toutes ces bonnes considérations. J’ai commencé à travailler à l’April en janvier 2016. Je ne suis pas du tout informaticien, mais c’est quelque chose que j’aime bien dire aussi, revendiquer, parce que pour moi le logiciel libre n’est pas du tout qu’une question d’informaticien ; c’est une question vraiment sociale, politique, philosophique, toutes choses essentielles dans ce sens-là.
Ce que je vais vous proposer : je vous présenterai rapidement nos principaux dossiers. On pourra échanger ensuite plus en détails dessus et aussi sur des dossiers qui vous intéressent mais que je n’aurais pas mentionnés. Et avant ça, pour mettre en perspective, je vais échanger avec vous, vous donner mon impression, ma compréhension de pourquoi le logiciel libre est un message aussi politique et aussi fondamental et finalement partager avec vous, après un an et demi, on va dire, de militantisme salarié à l’April, l’état de mes réflexions et je serai ravi d’échanger avec vous ensuite, d’avoir vos retours.
Je pense que tout le monde sait ce qu’est le logiciel libre, mais ça ne fait jamais de mal de le rappeler, notamment parce qu’il y a une captation vidéo, si jamais il y a des gens qui s’intéressent au sujet pour la première fois.
Les logiciels libres, essentiellement, se construisent autour de ces quatre libertés :

  • la capacité d’utiliser le logiciel à toutes fins ;
  • de pouvoir en étudier le fonctionnement, donc le code source, la recette de cuisine ;
  • de pouvoir le modifier, l’adapter à ses besoins ;
  • et puis de pouvoir le partager. C’est aussi l’essence, c’est ce qui permet la collaboration autour de projets.

Ces quatre libertés sont vraiment les éléments structurants et elles se construisent donc autour des licences libres. Il y a toutes sortes de familles de licences libres. Les deux grandes bien sûr, enfin bien sûr, sont la copyleft qui impose de maintenir le logiciel, après modifications, sous la même licence et, en gros, c’est comme ça qu’on construit, finalement, un commun informationnel qu’est le logiciel libre et d’autres dites permissives qui considèrent que la liberté c’est que chacun peut ensuite rediffuser sous une autre licence. Ce sont vraiment les deux mouvements, on va dire philosophiques, autour du logiciel libre. C’est ça, c’est cette licence qui va garantir que le logiciel reste bien libre et qui garantit les libertés des utilisateurs.

Logiciel libre, société libre

On part sur mon beau tee-shirt 20 ans. Je pense que c’est vraiment une phrase, alors qui est inspirée de la phrase de la Free Software Foundation : Free Software, Free Society. Moi je porte fièrement ce tee-shirt ; au-delà du fait que je travaille à l’April, je trouve qu’elle symbolise bien le message du Libre.
Richard Stallman qui est un peu le premier vraiment penseur de ces questions-là, des libertés informatiques, c’est vrai qu’il parle souvent, qu’il fait souvent un lien entre Liberté, égalité, fraternité, donc la devise française et exprime que le logiciel libre en serait l’incarnation. Donc liberté, liberté des utilisateurs. Égalité parce que personne n’a le pouvoir sur personne ; on travaille sur un pied d’égalité, de manière horizontale. Fraternité, donc idée solidarité, on collabore autour d’un projet.

J’aime bien aussi faire un parallèle avec, finalement, les éléments structurants qui définissent une démocratie. On peut avoir plein de définitions de ce qu’est une démocratie. Il me semble qu’il y a quelques éléments extrêmement essentiels au cœur de ce qu’est la démocratie, c’est-à-dire la capacité de connaître et d’avoir accès aux règles qui s’imposent à nous, qui conditionnent notre manière d’être dans la société, nos relations aux autres, ce qu’on peut faire ou ne pas faire. Et donc, finalement, le logiciel libre permet ça en nous donnant accès au code source, donc cette capacité de connaître les règles.

La capacité, ensuite, de pouvoir agir sur ces règles. Après il y a plein de processus différents ; il y en a qui considèrent que le vote est une bonne manière ; il y a des idées autour du tirage au sort ; l’autogestion ; enfin il y a plein de manières de s’organiser pour permettre aux membres de la société d’agir sur les règles qui s’imposent à eux.

Et enfin, philosophiquement dans la démocratie, il y a presque cette idée d’un droit voire d’un devoir d’insurrection. C’est-à-dire à partir du moment où on considère que le contrat social est rompu, qu’on n’est plus libres que, finalement, le système nous oppresse, la capacité de dire stop, de pouvoir se révolter et exiger de retrouver sa liberté. Ce que le logiciel libre permet en faisant ce qu’on appelle le fork : on peut reproduire le logiciel par ailleurs. On n’est plus contents, quelle que soit la raison, on n’est plus satisfaits du fonctionnement du projet libre dans lequel on est, on a tout à fait la possibilité de quitter ce projet-là, de repartir à zéro, de prendre les briques qui nous intéressent et de remonter quelque chose ailleurs. On peut le faire seul et se planter seul ; on peut trouver des gens qui vont partager nos avis et recréer quelque chose de cet ordre-là.

Moi, pour être taquin, je pense que si on considère que le logiciel libre, dans ce sens-là, est l’incarnation informatique de la démocratie, on peut se dire que logiciel, nous on dit privateur — puisque le logiciel libre garantit nos libertés, eh bien le logiciel privateur nous prive de libertés — le logiciel privateur fonctionne autour d’une boîte noire : on ne connaît pas les règles, ou très difficilement, les règles qui s’imposent à nous ; les usages nous sont imposés ; on a très peu de moyens, voire aucun, de capacité d’action sur les règles qui s’imposent à nous et on est généralement assez captifs. En plus, si on considère les questions de formats, d’interopérabilité, etc., on est coincé. Finalement, dans la suite de l’analogie, ça s’apparente plutôt à de l’autoritarisme, à une forme d’autocratie.
Finalement ça c’est c’est un premier élément, niveau de réflexion, autour de ce beau slogan qu’est « logiciel libre, société libre », donc l’incarnation informatique de la liberté.
Ensuite concrètement, finalement de plus en plus, on voit que les libertés informatiques sont des conditions d’exercice presque de libertés fondamentales. Parce que dans notre société, des pans de plus en plus nombreux de nos existences sont informatisés, que ce soit dans nos relations entre nous, la manière dont on échange, nos relations avec l’administration, la manière dont on est dans cette société.
On peut penser aux deux grands exemples que sont la liberté d’expression. On peut penser ce qu’on veut de Facebook, mais c’est un des miroirs importants, d’une certaine manière, c’est un des endroits importants où on va échanger dans un monde informatique. Sauf qu’on n’a pas la maîtrise de comment fonctionne ce logiciel, donc ça pose des questions. L’autre ça va être, dans la même suite logique, les questions de vie privée et de la maîtrise de ce qu’on va vouloir garder dans notre intimité de notre vie privée et ce qu’on va pouvoir rendre public. En ça, finalement la liberté informatique conditionne réellement l’exercice des libertés fondamentales.
Enfin, je pense que le logiciel libre, vraiment, est un modèle d’une société pour nous, qu’on va construire plus juste et plus solidaire.
Je pense qu’en ce moment on entend très régulièrement parler d’innovation, par exemple. Qu’est-ce que ça veut dire innovation ? On parle sans cesse d’innovation, mais pour qui ? Comment on fait ? Qui décide ? Qu’est-ce qu’une innovation ? On ne parle jamais de progrès, même si la définition reste un peu floue aussi, mais ça porte quand même quelque chose d’un peu plus positif, je trouve. Et le logiciel libre, finalement, permet par toutes ses garanties, par ce modèle qui est un modèle démocratique, tout simplement - il n’apporte pas forcément la réponse à qu’est-ce que l’innovation -, mais il met en place un système qui va nous permettre collaborativement, horizontalement, de manière transparente, de définir, donc collectivement, ce qu’on va considérer être de l’innovation. Qu’est-ce qui nous importe ? Ça peut être des questions environnementales, ça peut être des questions sociales ; on va mettre en avant ce qui nous importe, de manière collaborative et transparente, et permettre à chacun aussi de participer.
Et pour revenir à cette idée que ce n’est pas qu’une question d’informaticiens parce que, bien sûr, tout le monde ne peut pas aller jeter un coup d’œil dans le code source, comprendre comment il fonctionne, en plus il y a différents langages, différents niveaux de technicité, mais moi, dans une démocratie, je prends souvent cet exemple de la liberté de la presse. La liberté de la presse c’est une condition essentielle pour une démocratie qui fonctionne à peu près correctement ; on n’est pas tous journalistes, mais on a tous besoin de cette liberté de la presse parce qu’on a besoin d’une société où on peut avoir accès à l’information, on peut avoir confiance. C’est essentiel de ce point de vue-là.
Donc comment on agit ?
Parce que là, c’est vrai, je vous parle de belles théories, ce sont des idéaux et c’est extrêmement important d’en avoir, ça fixe un cap, mais comment on fait ? C’est ça, un peu, la mission que se fixe l’April dans son slogan « promouvoir et défendre le logiciel libre ». C’est finalement traduire ces idéaux dans des actions militantes.
[Excusez-moi je retrouve mon fil.]
On a différents dossiers.

Civic tech

Là je vais vous parler très rapidement de la civic tech. Ce n’est pas au cœur de nos dossiers. C’est quelque chose de très marketing, c’est vrai, on en entend parler, c’est un peu à la mode, mais je trouve que ça soulève des questions intéressantes. Déjà en termes de comment on encapacite. Je vais peut-être définir rapidement civic tech. En gros ce sont tous ces outils, l’utilisation d’outils informatiques. Souvent c’est décrit comme pour recréer du lien, recréer de la démocratie, permettre la participation citoyenne ; typiquement les outils de consultation en ligne comme il y a pu avoir pour le projet de loi numérique, donc la consultation en ligne qui avait eu lieu fin 2015. Donc typiquement c’est ça les civic tech. Au-delà de la pertinence de l’outil, ce qu’on considère c’est que ça n’a pas de sens si ce n’est pas du logiciel libre. Pour refaire un pont : utiliser des outils non démocratiques pour amener de la démocratie, ça n’a pas de sens.Je vous montre et je vous conseille, si le sujet vous intéresse, ce billet qu’avait publié Regards Citoyens : « Civic Tech ou Civic Business ? Le numérique ne pourra aider la démocratie sans en adopter les fondements » [2], et on voit qu’il y a une difficulté ; et ça, c’est une sensibilisation qu’il faut mener pour pas mal de décideurs, pour pas mal de gens aussi, de comprendre que l’outil va conditionner les usages. Le processus de décision va conditionner les décisions qu’on va en tirer.
Et ils ont tendance à voir les outils de manière très neutre, alors qu’on sait très bien que les outils sont codés par des humains, les logiciels sont programmés par des humains avec leurs propres biais intellectuels, avec leurs propres motivations, aussi positives puissent-elles être. Donc c’est indispensable d’inclure les outils dans le processus de décision. Même si tout le monde ne va pas pouvoir avoir accès, ne va pas pouvoir auditionner, c’est une base essentielle ne serait-ce que de confiance, une certaine certitude, parce que si on n’a pas confiance dans l’outil, on ne peut pas faire sereinement, on ne peut pas prendre de décisions et faire de démocratie sans une certaine sérénité.

Priorité au logiciel libre

Ça c’est vraiment le cœur de notre action. C’est ce qu’on pousse. Ça s’exprime d’un point de vue sensibilisation grand public pour amener chacun à utiliser, de manière prioritaire, le logiciel libre dans la vie de tous les jours.
Sur un point de vue institutionnel, nous ce qu’on porte, le message qu’on porte, c’est « priorité au logiciel libre et aux formats ouverts », parce que ça c’est indispensable dans les administrations publiques. Pour vous donner un exemple précis, on l’a beaucoup poussé pendant le projet de loi République numérique. C’est une loi qui a été ratifiée en octobre, il me semble, 2016. Donc tout le processus législatif, la navette, a eu lieu grosso modo entre janvier en juillet. Et elle faisait suite à une consultation publique ; on avait participé, on portait ce message. Notre action, on pourra revenir dessus par la suite, en gros notre action c’était de rédiger des argumentaires et proposer des amendements ; d’être au contact des parlementaires, donc on en a rencontré certains, plus ou moins réceptifs, certains très ; on a mobilisé nos bénévoles, c’est-à-dire prendre contact, relayer nos informations, sensibiliser autour d’eux, ça c’est indispensable bien sûr.
Et ce qui en est sorti c’est quand même qu’il y a eu des débats très longs pendant les débats parlementaires, autour d’une heure : 45 minutes à l’Assemblée nationale, plus d’une heure au Sénat, donc c’est quelque chose ! En général, les amendements ça peut aller très vite ; là c’est que finalement ils se saisissent de ce sujet-là ; ça devient presque sexy politiquent donc pour nous c’est quelque chose sur lequel il faut capitaliser. Voilà sur le plan législatif.
La loi s’est conclue par un « encouragement » au logiciel libre. Nous on considère ça insatisfaisant. C’est toujours bien d’avoir le terme, peut-être, dans la loi, mais le problème c’est qu’un encouragement c’est un signal très faible. Déjà ce n’est pas normatif, on dit, ça n’impose aucune obligation : faites ce que vous voulez ! C’est vrai que si on laisse faire ce qu’on veut, en général on ne change pas nos habitudes. Là il faut quand même un peu hacker le système. Donc on est déçus de ce point de vue-là, mais bon, ça avance quand même !
Qu’est-ce que ça veut dire priorité au logiciel libre ? En gros, c’est quand une administration, une collectivité, va acquérir des logiciels, va remodeler son système d’information, eh bien elle doit utiliser prioritairement le logiciel libre. En gros c’est tout simple, ça veut dire que dans son cahier des charges elle va exprimer ses besoins : elle a besoin de faire ce qu’elle veut avec le logiciel ; elle a besoin, éventuellement, de pouvoir mettre le nez dans le code source pour pouvoir l’adapter à ses besoins ou demander à quelqu’un d’autre de l’adapter pour elle ; elle a besoin, peut-être, ça peut être intéressant, de mutualiser les investissements. Ce sont juste des questions un peu juridiques basées sur la licence, donc c’est totalement possible, ça demande juste un peu de volonté politique ; voilà, c’est ça qu’on pousse.
Bien sûr, la loi ne fait pas du tout, mais ça permet aussi. Moi je pense que sur ces choses-là surtout les premiers acteurs sont les acteurs de terrain, typiquement les directeurs de systèmes d’information. On sait que c’est parfois très difficile. Ça part d’initiatives individuelles et le but d’une loi c’est que ça les renforce, ça les arme, ça leur donne une légitimité quand ils poussent ces actions-là auprès des élus, auprès de leurs services. Donc voilà. C’est pour ça qu’on pousse la priorité au logiciel libre dans la loi.
De manière liée, il y a eu une conférence lundi, il me semble, « Au cœur de l’April » [3]. On fait à chaque élection - enfin la plupart des élections, du moins quand elles ne sont pas présidentielles parce qu’elles sont spécifiques - on propose la signature d’un Pacte logiciel libre. Rapidement parce que ça a été largement évoqué, il y a un bilan en ligne. Il faut revoir la conférence « Au cœur de l’April », Christian aborde en détail ce beau projet. En gros, d’un point de vue institutionnel, le but pour nous ça permet d’identifier les députés qui vont être des interlocuteurs pertinents, qui vont pouvoir porter nos messages, avec qui on va pouvoir échanger, construire un projet.
Donc là on a eu 26 signataires élus. On verra quand est-ce qu’on aura une opportunité d’une loi qui nous permettra à nouveau d’apporter cette idée. Ça peut être une loi sur les marchés publics, une nouvelle loi sur le numérique, plein de choses, sachant qu’il n’est pas impossible pour des élus de signer par la suite. Ça fait partie de ces constructions pour atteindre une priorité au logiciel libre.

Logiciel libre de caisse

Ça c’est un dossier, alors je ne vais pas rentrer à nouveau dans les détails. En plus, il y a une conférence d’un acteur très proche du dossier, Philippe Pary. C’est un dossier très technique. On avait une inquiétude, c’était que finalement la loi telle qu’elle était passée, dans une loi de finances, interdisait de fait l’utilisation des logiciels libres de caisse, parce que ça interdisait de fait la liberté de modification. Donc s’il n’y a plus de liberté de modification, ça devient un petit peu difficile de parler de logiciel libre.
Pourquoi je parle de dossier-là ? Déjà s’il y en a qui suivaient ce dossier c’est que, finalement, c’est bon, il y a eu des évolutions et on peut utiliser les logiciels libres de caisse, c’est clairement dit, il n’y a plus de doutes par rapport à ça. Mais en gros, ce qui est intéressant, c’est qu’on a pu rencontrer des fonctionnaires à Bercy ; on a pu travailler avec eux, échanger avec eux et ça c’est aussi possible parce qu’on est un interlocuteur pris au sérieux, parce qu’on a une histoire, parce que quand on rédige des arguments on le fait sérieusement ; on est dans une relation de confiance, il y a eu une écoute en face ; c’est possible aussi, ça fait partie de nos actions. Donc là, plus d’action.
Et récemment, une autre question, c’est le champ d’application qui était très large, très flou, on ne savait pas à quoi ça s’appliquait. Parfois il y a aussi des actions et des avancées qui ne dépendent pas de nous. Il y a eu l’association des autoentrepreneurs qui a été un peu prise de panique parce que ça posait beaucoup d’obligations et des obligations floues. C’est une association assez importante. En plus, comme il y a le nouveau gouvernement, en général ils essaient d’être attentifs à ce genre de gros mouvement. Ça va bouger à nouveau, du coup, mais ils ont été à l’écoute, ils ont reprécisé que ce n’étaient bien que les logiciels de caisse et pas ceux de gestion qui étaient concernés. Ça aussi, ça nous a rassurés.
Public : Et les logiciels de gestion ?
Étienne : Plus justement. On avait un doute, il nous semblait que non, mais ils nous ont dit clairement non, ce ne sont que les logiciels d’encaissement. Et ça va être repoussé par la suite, alors je n’ai plus exactement, ils ont communiqué une lettre pour dire qu’en gros ils vont soit refaire une nouvelle loi, soit faire un décret, une circulaire pour dire, je crois, qu’il y aura six mois de rab, un truc comme ça pour faire…
Public : Et les logiciels de compta d’entreprise ?
Étienne : Il me semble que ce sont vraiment les logiciels de caisse qui sont concernés, encaissement. Si ce sont des sujets qui vous intéressent, on a une liste qui est assez active, comptabilité [4]. Là on a des bénévoles et moi j’ai fait une synthèse, mais j’ai beaucoup échangé sur cette liste-là parce qu’en plus, ce sont des sujets qui peuvent être techniques par aspect, notamment sur des questions de comptabilité. Moi ce n’est pas du tout mon truc. On a discuté ensemble, ça a pris du temps, mais on a réussi à faire un truc [5], il me semble, à peu près cohérent et complet.
Donc là, les deux enjeux que je note c’est déjà être un acteur historique de référence et ce qui ressort, et c’est ça la problématique, c’est pour ça aussi qu’on pousse à nouveau pour la priorité au logiciel libre, parce qu’on est encore sur un système qui fonctionne sur le paradigme du logiciel privateur. L’informatique fonctionne, pour eux, comme ça, autour d’une boîte noire. Et là, ils nous ont aménagé à la main un espace pour que le logiciel libre puisse exister. C’est bien, mais c’est loin d’être satisfaisant. Et on voit que tout l’enjeu sur le long terme c’est de renverser cette logique ; qu’une informatique fonctionnelle, qui ait du sens, ce soit une informatique libre. En plus là, si vous voulez, la motivation derrière cette loi c’était la lutte contre la fraude. Nous ce qu’on dit, finalement le logiciel libre c’est vachement mieux, ça a plein de vertus pour lutter contre la fraude. Regardez ce qui s’est passé avec Volkswagen, etc. Donc c’est un enjeu de fond, ça va mettre du temps, mais on y croit, que le logiciel libre soit perçu en fait, finalement, comme la manière de faire de l’informatique, d’innover pour reprendre le terme, la plus cohérente si on se dit en démocratie.

Open Bar Microsoft/Défense

Ça c’est notre gros dossier du moment et depuis quelque temps d’ailleurs. À l’April on est dessus depuis presque le début, depuis que c’est, du moins, plus ou moins public. On a permis de mettre des dossiers en lumière. Je vais vous décrire deux/trois actions. On a mis en lumière des documents ; on a nourri, finalement, les journalistes qui ont repris ça et on est un acteur assez clef, très, central même de ce dossier-là. C’est vrai, c’est plein de péripéties cette affaire, c’est vraiment un feuilleton !
Le premier contrat 2009/2013, ça a été renouvelé en 2013, et là c’est en cours de renouvellement. À priori c’est sûrement déjà signé, on va essayer de tirer ça au clair.
Pour vous décrire rapidement « Open Bar ». En gros Microsoft et la Défense ont fait un accord : Microsoft met à disposition tous ses logiciels et l’administration peut aller choisir les logiciels qui l’intéresse, en fonction. Ça a été fait selon une procédure qui s’appelle la procédure négociée et, plus spécifiquement, sans appel d’offres, enfin sans publicité ni mise en concurrence. Normalement c’est limité à des cas très spécifiques. On pense qu’ils se sont un peu fait plaisir, enfin ils ont un peu détourné l’utilité première, enfin la raison première de cette offre-là.
En fait, ce qui caractérise beaucoup ce dossier-là, c’est à la fois l’incohérence de beaucoup d’actions et une opacité extraordinaire. Il y a eu un Cash investigation en octobre 2016 et on voit notamment le ministre de l’Intérieur [ministre de la Défense, NdT], tous les intervenants, tous les acteurs de ce dossier refusent de s’exprimer. On peut penser ce qu’on veut des méthodes de Cash investigation, mais ça reste des journalistes du service public de la télévision, donc c’est quand même assez grave, je trouve, de refuser de s’exprimer sur un dossier aussi important. Marianne a récemment, donc en mai 2017, fait un nouvel article. Ça ce sont des choses qui nous permettent de donner une résonance publique. Il y a des rebondissements, ça nous amène des billes, ça nous permet d’avancer de manière plus efficace.
Ce qui marque aussi, je disais, l’incohérence. En 2009, ils réfléchissent à monter ce projet-là — pour faire le feuilleton je vais essayer d’être concis —, ils décident de faire ce processus-là. Un comité de pilotage est monté. Ce comité de pilotage demande à un groupe d’experts de se prononcer sur la possibilité de nouer ce contrat avec Microsoft, ce qui s’appelle un accord-cadre.
Donc ce groupe d’experts, ce sont des militaires, ce sont des gens sérieux, disent : « Faites tout sauf ça. Il y a un grave risque d’accoutumance, de perte de souveraineté. Il y a les problématiques de portes dérobées, on le sait, notamment vis-à-vis de la NSA, etc., bon, c’est assez grave ». Tous les voyants étaient au rouge. Peu de temps après, le président de ce comité directeur dit : « Non, mais ce rapport était partial. » Point. Aucune argumentation. Parallèlement à ça, il y a eu un rapport pour la commission des marchés publics de l’État, un rapport qui émettait quand même de lourdes réserves sur ce dossier, sur la possibilité de faire ça. Tout ça pour dire que finalement, bien sûr, ils ont quand même fait comme ils entendaient cet accord. Et sur l’avis du rapporteur, ce rapporteur s’est exprimé dans Marianne, voici ce qu’il disait : il considère que c’était illégal, que c’était une décision politique ; qu’en gros quoi que les rapporteurs, quoi que les experts disent, de toutes façons ils allaient faire ce qu’ils voulaient ; il parle d’un délit de favoritisme ; il considère que ça relève du pénal. Ce sont quand même des accusations assez graves. Nous, ça nourrit nos actions.
Et là notre but, le but qu’on va poursuivre, ce qu’on va construire, et on a notamment des parlementaires avec qui on travaille, avec qui on collabore, enfin on échange sur ce sujet, c’est de réunir ce qu’on appelle une commission d’enquête parlementaire. La commission d’enquête parlementaire, quand on est convoqué, on est obligé d’y aller ; et aller mentir face à une commission d’enquête parlementaire, ça peut avoir des conséquences assez graves. À notre sens, vu l’état du dossier et vu les acteurs en cause, parce que c’est un gros ministère, ce n’est pas n’importe lequel non plus, ce sont des très gros enjeux, des très grosses sommes, on va pousser à ça. La déclaration du rapporteur est quand même un argument assez fort.
Nous, nos actions en général, on fait beaucoup de demandes de communication. On a quatre types CADA. En gros CADA c’est la Commission d’accès aux documents administratifs. La loi française donne à tout citoyen qui le souhaite le droit de demander l’accès à un document administratif. Il y a bien sûr quelques exceptions. Si ça vous intéresse on pourra en parler, mais qu’importent les exceptions !On demande, donc c’est comme ça qu’on a obtenu certains des accords des précédentes années. On a eu le rapport du groupe d’experts et ainsi de suite.
Là, en ce moment, on en a trois [demandes CADA, NdT] dans les tuyaux : une qui porte sur un accord de sécurité. En gros, dans le Cash investigation que j’ai mentionné, il y a un acteur de Microsoft, le représentant des affaires publiques de Microsoft France, qui dit, en plus très généreusement, il dit : « Je vais vous donner un petit tuyau ; il y aurait un accord de sécurité entre Microsoft et l’État français ». En gros les failles de sécurité seraient communiquées, on imagine, à l’État français. Pour quoi faire ? Comment ça se passe ? On aimerait bien avoir les détails de cet accord, parce qu’on se dit qu’en fait l’État français sera sûrement très intéressé d’avoir les failles, peut-être moins de les communiquer au public. Donc on se demande ce qu’il y a derrière.
On a une demande, tout simplement, sur le prochain. On demande communication du nouvel accord-cadre en imaginant qu’il soit signé. Et on demande les études, parce que dans des réponses à des parlementaires à des questions écrites, ils parlent d’études derrière le bilan risques/opportunités, etc. Ce bilan risques/opportunités, nous on l’a. Il était dans un dossier. En fait, on en a demandé communication parce qu’on n’avait pas conscience qu’on l’avait parce qu’il fait trois lignes, un truc comme ça. Donc en gros il dit « les risques, bof ! En fait on passe le contrat, il n’y aura plus de risques, on verra bien ! »
Là vraiment ils ont déformé, et puis tout en retournant les arguments utilisés par les experts militaires. C’est très particulier comme situation. Et comme je vous dis, questions écrites de parlementaires. Donc on a certains parlementaires qui se saisissent vraiment de cet enjeu-là, notamment une sénatrice, Joëlle Garriaud-Maylam. Parfois on travaille avec eux, c’est-à-dire qu’ils prennent contact, ilsnous demandent de relire ; parfois on leur demande « est-ce que ça vous intéresserait de poser une question écrite ? » Parfois ils nous disent : « On a posé cette question écrite ». Ils ont posé une question directement, spontanément, et ce sont des bonnes surprises dans ces cas-là. Et là, cette sénatrice vient de poser une question à la nouvelle ministre des Armées pour lui demander où en est ce contrat et pour qu’elle suspende les négociations, notamment, vu l’accusation du rapporteur.
Ça avance, c’est un dossier de long cours, très important, assez complexe mais passionnant.
Je vous ai mis April/Open bar [6] c’est là où vous trouverez nos articles. On a un article notamment qui liste les différents éléments ; on essaie de donner un peu de lisibilité à tout ça. Et moi je vous recommande cet article sur le blog « Bug Brother » de Jean-Marc Manach pour ceux qui connaissent. C’est un journaliste qui a énormément fait sur ce dossier-là et je vous recommande notamment Le Vinvinteur. Il a mis un lien, c’est une vidéo de 13 minutes, il me semble, et qui résume de manière très amusante, c’est très chouette, et en dix minutes on a vraiment toutes les billes de base du dossier. Ça date de 2013, mais vraiment il y avait déjà les éléments fondamentaux. Voilà. Si vous voulez creuser un peu, moi je vous recommande vraiment d’aller jeter un coup d’œil de ce côté-là.

Partenariat Microsoft/Éducation nationale

Rapidement là-dessus. Pour ceux qui avaient suivi le partenariat Microsoft/Éducation nationale. Ça aussi c’est vraiment un enjeu fondamental. En novembre 2015, il y a eu donc un partenariat annoncé en grande pompe, juste après, d’ailleurs, la consultation sur la République numérique où il y avait eu un engouement génial pour la priorité au logiciel libre, notamment d’ailleurs il y avait une proposition autour de la priorité au logiciel libre dans les universités. On parle ensuite, deux mois après, en grande pompe, de ce partenariat.
En gros, grâce à l’action du collectif EduNathon [7], on a appris que c’était un contrat de mécénat. C’est non exclusif. En gros personne n’est obligé, mais on donne gratos, comme ça, pour 13 millions d’euros de tablettes et de formation. Ça c’est très lourd de conséquences, particulièrement, et ça montre une vision de ce qu’est éduquer les futures générations à vivre dans une société informatisée : on est au niveau 0. On va leur apprendre à utiliser des outils spécifiques et à appuyer sur le bouton. On fait la comparaison que ça reviendrait à permettre à Mac Donald de distribuer ses repas, il ferait des repas gratuits dans les écoles où personne n’est obligé de les manger ! On est un peu dans cette réflexion-là.
Il y a plein de réflexions pédagogiques et là on a la liste Éducation [8] qui parfois creuse ces sujets-là. Si ça vous intéresse, je vous la recommande. Donc là nous on est plus en soutien, parce que c’est vrai qu’il y a EduNathon qui est assez actif. C’est beaucoup de questions sur les données personnelles. Notamment il y a eu une lettre, récemment, pour ceux qui ont suivi, du directeur du numérique à l’Éducation qui en gros dit « il n’y a pas de soucis dans les clauses des GAFAM — donc Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft — il n’y a pas de soucis pour les données personnelles, pas de problèmes. » C’est assez inquiétant et du coup c’est tellement inquiétant qu’il y a beaucoup de syndicats de professeurs, d’enseignants, qui se mobilisent là-dessus. Nous on a relayé, par exemple, des lettres ouvertes, des prises de position fortes sur ce sujet-là. C’est un gros dossier.
Là c’est vrai qu’on parle beaucoup de Microsoft parce que ce sont des gros dossiers qui sont en cours. En plus, en France, Microsoft a une relation assez forte, bien sûr ce n’est pas Microsoft spécifiquement le problème, c’est un problème de fond, mais là ce sont des actions spécifiques et ce sont eux qui sont en cause.
Voilà. C’est un tour. Je voulais ménager assez de temps si vous vouliez avoir des détails plus spécifiques, quels que soient les sujets. Vous pouvez adhérer à l’April, bien sûr, si vous voulez nous soutenir, c’est toujours bienvenu.
Public : Au niveau de la Gendarmerie nationale, qu’est-ce que vous pouvez dire ?
Étienne : Gendarmerie nationale.
Public : Ils étaient passés en Libre et à priori ils reviennent.
Étienne : Non, non, ils sont encore en Libre. Moi je n’ai pas eu d’écho. Tu confonds avec ce qui se passe à Munich.
Public : Non ! Enfin j’ai eu des échos comme quoi ils étaient en train de voir, justement, pour revenir dans le giron de Microsoft, progressivement en fait.
Étienne : Eh bien je vais m’inquiéter de ça. Je n’ai pas vu passer la nouvelle. Peut-être que c’est quelque chose que je n’ai pas eu. Ce qui est intéressant c’est qu’il y a des documents qui montrent que la gendarmerie, c’est l’exemple qu’on donne, typique, c’est une administration qui a son propre système d’exploitation libre, basé sur Ubuntu, de tête. Et c’est vraiment cité en exemple ; ils ont fait ça vachement bien. Mais, par contre, quand ils ont envisagé de le faire, ils ont fait ça, il y a des lettres qui le montrent, un peu discrètement parce qu’ils avaient peur que Microsoft vienne leur mettre des bâtons dans les roues. Donc on en est un peu là, quand même ! Du coup il y a Munich, effectivement, la ville allemande qui était citée en exemple. Ça faisait dix ans qu’ils étaient sous Libre et là ça va repasser. Voilà, ce sont les deux penchants. C’est que souvent ce sont des individus derrière qui portent, qui sont les premiers. Ce sont les acteurs individuels qui peuvent porter le Libre mais, malheureusement, de la même manière, une personne peut suffire à re basculer.
Je vous mets mon adresse mail, n’hésitez pas et si vous voulez me pouetter sur Mastodon, un logiciel libre. Ça, la liste atelier [9], c’est là où on échange sur les sujets institutionnels et on est vraiment preneurs. Si vous voulez juste suivre les dossiers ou donner votre avis, ou si vous avez vu quelque chose qui vous inquiète, qui vous parait pertinent, c’est un bon endroit où venir en parler.
Public : Je voulais savoir si vous avez des passerelles ou des contacts réguliers avec la Commission de la concurrence européenne par rapport à ce genre de dossier ; c’est quand même un peu gros à chaque fois.
Étienne : Moi je n’en ai pas eus depuis que je suis arrivé. J’imagine, après, ça dépend des dossiers. C’est-à-dire que selon le dossier on essaye de lever les leviers, d’utiliser les leviers pertinents. Je pense qu’on n’a pas de relations directement au sein de la Commission de la concurrence.
Pareil il y a un dossier sur la vente forcée, ça c’est un gros truc aussi. Récemment c’était en quoi, en septembre 2017 [2016, NdT], la CJUE n’a pas reconnu la problématique de la vente forcée [10]. La vente forcée c’est quand on achète un ordinateur avec le logiciel installé ; donc on considère que c’est de la vente forcée, parce qu’on n’a pas le choix ; on ne peut pas dire je ne veux pas. Ce sont deux choses différentes : il y a le matériel et le logiciel, donc on veut pouvoir choisir. La CJUE on a non seulement refusé de qualifier ça de vente forcée, sur des arguments assez fallacieux selon nous, et en plus, même la distinction du prix n’est pas considérée comme une obligation. Donc ça c’est quelque chose. Alors on va attendre une directive, une prochaine, éventuellement, affaire pour pouvoir avancer là-dessus, mais c’est vrai que ça c’était un coup dur. Mais avec la concurrence [Commission de la concurrence, NdT] directement, on n’a pas de relations.
Public : J’ai très peu d’historique avec tout ça, mais je me suis retrouvée confrontée. Je travaille avec l’administration française sur un tout petit service dans la DRAC et donc chaque région a son protocole spécifique ce qui complexifie quand on est une entreprise nationale en travaillant dans chaque région. Ils avaient un protocole intéressant, justement, en disant voilà on voudrait des rapports, on voudrait des extensions avec des logiciels libres. C’est vachement bien tout ça. Sauf que bon, j’ai regardé ça mettait en référence, en fait, un décret qui était abrogé, qui est un décret de 2008, qui a été abrogé en 2010 avec la création d’un interministériel pour pouvoir promouvoir un peu le logiciel libre au niveau administratif dans l’administration française. Et en fait, quand j’ai demandé à la personne elle a fait : « Oui on sait que c’est abrogé, mais on n’a pas le temps de refaire les protocoles. » Et donc je me demande comment, par exemple l’April ou quelqu’un d’autre, peut intervenir dans ce genre de dossier, en fait. Parce qu’on est complètement en bas de l’échelle, la personne qui fait le protocole est en bas de l’échelle aussi et on se retrouve à ne pas pouvoir aller au-delà et refaire des protocoles actuels. Ils datent maintenant de plus de dix ans, en fait.
Étienne : Ce sont des problématiques. Nous on est en train de construire ce projet-là, voir comment agir au niveau des collectivités, pour sensibiliser au niveau des collectivités ; on pense que ça peut être une action utile de ce point de vue-là. En termes de ressources on s’occupe du niveau un peu national, moi je suis seul à temps plein sur ces questions-là. Frédéric Couchet intervient aussi. Donc on a les moyens qu’on a, on ne peut pas intervenir partout !
C’est aussi le but des listes de discussion. C’est-à-dire que peut-être vous allez soulever cette question-là sur une liste de discussion et quelqu’un va peut-être avoir déjà été confronté à une situation similaire. Donc c’est une manière d’échanger là-dessus. Après, c’est aussi la lame de fond « priorité au logiciel libre », de faire ressortir l’importance, l’action de sensibilisation de manière générale.
Malheureusement c’est vrai que nous, sur des cas très locaux comme ça, ce n’est pas qu’on considère que ce n’est pas essentiel et important, mais on ne peut pas avoir une action directe, de cette manière-là, parce qu’on n’a juste pas les ressources, en fait. Mais si vous avez des questions spécifiques. Moi, c’est vrai que je ne peux pas traiter toutes les questions que je peux avoir, mais j’interviens aussi sur les listes, si j’ai un avis, si je peux avoir une idée. Il ne faut pas hésiter. Je pense que c’est par l’échange aussi qu’on enrichit tout ça, la collaboration en fait.
Public : Vous contribuez aussi à la liste interministérielle des logiciels libres, justement. Vous savez, ils éditent, en fait, une liste de logiciels libres.
Étienne : Le socle interministériel des logiciels libres [11].
Public : Voilà, c’est ça.
Étienne : Il est plutôt bien fait, il me semble. Il y a des gens très compétents sur le logiciel libre au sein, notamment, de l’interministériel. Malheureusement ça n’a pas l’impact qu’on souhaiterait. On n’intervient pas directement. Par contre, par exemple, dans la loi République numérique il y a un décret qui dit, en gros, que si les administrations veulent permettre la réutilisation gratuite de certaines de leurs données, dont les codes sources maintenant - les codes sources sont considérés comme des documents administratifs - ils doivent utiliser certaines licences. Ils ont publié une liste de licences applicables, avec les versions, et là on les a contactés. On a un peu travaillé avec le juriste parce que, notamment, ils créaient une hiérarchie entre les licences permissives et les licences copyleft. Nous on leur a dit « permettez tout, mettez-les sur un pied d’égalité ». Donc on a pu échanger. Ils ont considéré effectivement, ils comprenaient ce qu’on voulait dire. Donc ça nous arrive de manière ponctuelle aussi d’interagir, du coup dans un cadre interministériel. Il y a des interlocuteurs qui écoutent et qui comprennent très bien les enjeux. Heureusement d’ailleurs !
Bon, eh bien merci beaucoup de votre attention. Et si vous aimez ce tee-shirt on en vend plein ainsi que des goodies.
[Applaudissements]