La censure automatisée d’internet votée par le Parlement européen - Décryptualité du 24 septembre 2018 - Transcription

Titre :
La censure automatisée d’internet votée par le Parlement européen - Décryptualité du 24 septembre 2018
Intervenants :
Manu - Nico - Luc
Lieu :
April - Studio d’enregistrement
Date :
septembre 2018
Durée :
15 min
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Revue de presse pour la semaine 38 de l’année 2018

Licence de la transcription :
Verbatim
Illustration :
Censorship Flickr - Bill Kerr Licence Creative Commons CC BY-SA 2.0
transcription réalisée par nos soins.

Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas forcément celles de l’April.

Description

Les fameux articles 11 et 13 ont été votés par le Parlement européens. Ces dispositifs liberticides ont également toutes les chances de ne pas atteindre les objectifs qu’ils visent.

Transcription

Luc : Décryptualité.
Nico : Le podcast qui décrypte l’actualité des libertés numériques.
Luc : Semaine 38 de l’année 2018. Salut Manu.
Manu : Salut Nico.
Nico : Salut Luc.
Luc : C’est la rentrée, on a pris notre temps. C’est quasiment la fin septembre. Mais bon voilà ! On était très fatigués.
Manu : On s’est reposés.
Nico : Un peu de vacances ça fait du bien, quand même.
Luc : Voilà ! Et puis en plus de ça, on démarre l’année sur une super mauvaise nouvelle. Tout va mal !
Nico : Ouais ! On va en parler après. On va commencer par la revue de presse. Cette semaine sept articles. Le Monde.fr, « Linus Torvalds, l’emblématique fondateur de Linux, s’excuse d’avoir été insupportable », un article de Morgane Tual.
Manu : Je pense qu’on pourrait faire une émission sur le sujet : les relations sociales dans les groupes de développeurs notamment et dans ce groupe de développeurs en particulier, donc le noyau Linux, ce sont des milliers de développeurs sur Internet, eh bien l’ambiance n’est pas toujours au beau fixe, notamment à cause du créateur de Linux, Linus Torvalds.
Luc : Et on en a parlé de nombreuses fois dans nos émissions.
Manu : Là il va prendre du recul, un petit peu ; il ne va pas abandonner le développement de son noyau, qui est vraiment majeur pour lui, mais il va prendre un petit peu de recul, travailler sur lui-même pour être un peu moins vachard.
Luc : Oui. Il a découvert qu’il était un connard en fait !
Manu : Il y a un petit peu de ça.
Nico : Génération-NT, « Mounir Mahjoubi propose une liste d’alternatives aux grandes plateformes », un article de Jérôme G.
Manu : Là c’est l’administration française et effectivement encore une fois, ce n’est pas nouveau, ils présentent le fait qu’il y a des alternatives aux logiciels propriétaires, ils les mettent en avant, ils creusent là-dessus. C’est juste qu’à côté il y a d’autres trucs qui sont un petit peu négatifs dans l’administration en France : les rapprochements avec Microsoft, les choses de ce type-là. Donc un pas en avant d’un côté, deux pas en arrière de l’autre ; c’est toujours compliqué.
Nico : LeMagIT, « L’avenir du libre passe par la conversion des utilisateurs en contributeurs », un article de Thierry Carrez.
Manu : Certes il faut convertir, mais ce n’est pas facile parce que devenir contributeur, ce n’est pas tout le monde qui est motivé pour le faire, mais il est vrai que ce serait intéressant d’avoir plus de contributeurs.
Luc : Et puis il faut avoir les compétences pour ça aussi.
Manu : Ça se développe, mais ce n’est pas facile !
Nico : N’oublions qu’il n’y a pas que du code. On peut aussi contribuer en faisant des traductions, du design, des sites web ou autre, donc il y a plein de choses à faire ; ce ne sont pas que les codeurs qui peuvent contribuer.
Luc : Après, de façon bête et méchante, l’argent ça aide aussi les gens à aller bosser.
Manu : Tout à fait.
Luc : C’est mon avis personnel en tout cas.
Nico : Numerama, « Le développement de CLIP, le système d’exploitation souverain "made in France", est ouvert à tous », un article de Julien Lausson.
Manu : Ça c’est un sujet à trolls, parce que le système d’exploitation souverain ça nous a fait beaucoup ricaner dans le monde du logiciel libre. Souverain, qu’est-ce que c’est que ce truc-là pour de l’informatique ? Mais ça n’empêche, il y a une administration française qui se lance, l’ANSSI [Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information], qui a l’air d’avoir des compétences en sécurité. Ils avaient déjà un embryon de système d’exploitation, il semblerait, donc là ils le mettent en avant, ils le poussent et ils le mettent sur GitHub, plateforme de logiciels libres.
Luc : Tout le monde peut participer et c’est sur une base de Linux.
Nico : C’est une base de Linux. L’ANSSI a quand même fait un petit disclaimer en disant « non, non, en fait ce n’est pas si souverain que ça, on n’a pas vocation à faire un truc 100 % français ». Donc ils vont effectivement réutiliser une base de Linux à fond. Aujourd’hui c’est encore en bêta, mais on espère voir une version stable un jour. LeDevoir.com, « La pertinence des communs », par Laure Waridel.
Manu : Sujet qu’on aime beaucoup. Il faut reparler de notre cher Prix Nobel qui a parlé justement des communs et de la manière dont on avait tourné l’économie autour de « les communs c’est mauvais ».
Luc : Elinor Ostrom.
Manu : Et on s’est rendu compte que finalement non, grâce à elle notamment, les communs c’est une manière de s’organiser économiquement viable, qui peut fonctionner. Il faut juste y réfléchir et remettre ça en place.
Nico : Libération, « Aucun algorithme, jamais, ne pourra défendre la démocratie », par Olivier Ertzscheid.
Manu : C’est rigolo parce que ça parle de Facebook, notamment, et du fait qu’il veut défendre la démocratie ! Ça nous a fait rigoler !
Luc : C’est une tribune d’un prof de sciences de l’information et de la communication de Nantes dont je recommande vraiment la lecture ; ça envoie du pâté ! Ce n’est pas technique, c’est vraiment très politique. C’est très intéressant. À lire !
Nico : Developpez.com, « Copyright : le rapporteur Axel Voss dit être surpris par un article du texte adopté », par Bill Fassinou.
Manu : Ça c’est le sujet de la semaine !
Manu : C’est Bill Fassinou qui a adopté l’article ? Non ? OK !
Manu : Il faudrait l’adopter ou il faudrait adopter le rapporteur, parce que là il a quand même raté une grosse coquille dans son texte. Ils viennent de passer un texte sur le droit d’auteur au niveau européen. C’est un texte qui nous inquiète beaucoup dans la communauté.
Luc : On en a parlé avant les vacances.
Manu : N’est-ce pas !
Luc : Un instant on avait cru qu’on était sorti d’affaire et en fait, ça s’est retourné !
Manu : Donc là ils viennent de voter au niveau du Parlement les articles 11 et 13, de je ne sais plus combien.
Luc : Ils ont voté tout ça, mais il y a deux articles qui posent particulièrement problème.
Manu : Et qui nous gênent et là, petite cerise sur le gâteau, le rapporteur vient de se rendre compte que dans tout ce fatras il y avait un article qu’il ne connaissait même pas et qui est passé. Ça c’est juste un détail, parce que ce qui nous embête vraiment ce sont les articles 11 et 13, qui sont très embêtants.
Luc : Ce n’est quand même pas un détail de dire que le rapporteur qui est le mec qui doit quand même super bien connaître le texte découvre des articles dedans. Enfin !
Nico : Surtout votés et adoptés !
Luc : Voilà. Votés et adoptés. Il fait : « Ah bon il y avait ça dedans ? » Ça veut dire qu’il a fait du boulot politique, il a fait du boulot de lobbying, mais il n’a pas fait de boulot juridique.
Manu : Il n’a pas lu le texte qu’il mettait en avant. Le gars il ne l’a pas lu ! C’est quand même assez choquant sachant que la clause qui a été ratée c’est une clause qui parle ?
Nico : Ce sont des restrictions pour filmer les évènements sportifs vis-à-vis des sites de paris ou autres pour éviter la réutilisation des vidéos officielles. Ça c’est pareil, ils essayent de minimiser un peu la portée du truc, il faudrait regarder le détail, mais ce n’est pas clair.
Luc : Je crois que c’est un truc du genre : si on te prend avec ton téléphone portable dans un match de foot, on te le fait manger !
Manu : Ah ! C’est ce qu’ils ont fait aux Jeux olympiques. Méfie-toi, fais gaffe !
Luc : Ça c’est un truc sur le droit ; les évènements sportifs c’est l’occasion de réduire les droits de tout le monde ; tu n’as plus le droit de faire quoi que ce soit. Ton image appartient aux gens qui organisent.
Manu : Tu comprends, il y a des milliards d’euros en jeu ; on ne va pas laisser le péquin moyen filmer un match, le rediffuser sur Internet ? Non, non, non ! Ça ne va pas marcher.
Nico : De toutes façons maintenant il n’aura plus le droit, justement avec l’article 13.
Manu : Eh bien voilà ! Donc l’article 11 et l’article 13 qui nous embêtent bien. On peut résumer rapidement. On en a déjà parlé, les deux articles.
Nico : Pour résumer rapidement l’article 11 [article 13, NdT] c’est ce qu’on appelle les algorithmes de filtrage. Les ayants droit disent « si jamais vous mettez en ligne une vidéo, une musique qui a des droits d’auteur dessus, les plateformes de publication doivent le détecter et le bloquer ou rémunérer l’auteur ». Ça, aujourd’hui, ça a été entériné dans l’article 13. Globalement toutes les plateformes, il n’y a pas de discrimination particulière, toutes les plateformes doivent faire la détection de contenus sous copyright.
Luc : Automatiquement.
Nico : Et bloquer automatiquement, et bloquer les vidéos et le contenu indéfiniment.
Luc : Ça c’est l’article 11 [article 13, NdT].
Nico : Voilà. Et donc l’article 13 [article 11, NdT], c’est de mettre les liens. En fait, ça cible essentiellement Google Actualités ou les sites comme ça qui font du gros trafic en reprenant du contenu d’autres sites. Donc l’article 13 [article 11, NdT] instaure une taxe sur ces hébergeurs-là qui vont mettre à disposition du contenu.
Manu : Ces agrégateurs.
Nico : Ces agrégateurs et donc ils vont devoir payer à chaque visionnage des articles.
Luc : Manu, je te vois changer de couleur !
Manu : Oui, parce qu’en fait ce n’est pas dans le bon sens ! C’est tellement le bordel ! C’est l’article 11 qui parle des agrégateurs et l’article 13 qui parle des filtres sur Internet. Bon ! On les déteste ces trucs-là !
Nico : On n’en veut pas de toutes façons.
Manu : Oui, mais on risque de les avoir, ils ont été votés.
Luc : Nicolas sera fouetté. Mais les deux infos sont justes, on a juste une petite interversion. Donc ces machins ont été votés ; c’est assez abominable. Pourquoi ça pose problème sur cette partie de filtrage, premier point ?
Nico : Parce que ça va mettre en avant les GAFAM bien que les ayants droit pensaient justement tirer une balle dans le pied des GAFAM en disant « tiens on va les faire payer ».
Luc : Souvent on se tire une balle à soi en général, c’est l’expression.
Nico : Là ils se tirent une balle dans le pied eux-mêmes. En fait, ils pensaient bloquer les GAFAM en disant « vous allez devoir virer nos contenus, ne pas pouvoir les réutiliser ».
Manu : Payer !
Nico : Payer en plus, après, si vous voulez vous en servir. Et en fait eh bien non, les GAFAM, sont déjà prêts. Ils ont déjà Content ID par exemple sur YouTube qui strike toutes les vidéos à chaque fois que vous mettez.
Manu : C’est-à-dire qui vire, qui cible les vidéos qui contiennent des contenus qui enfreignent le droit d’auteur.
Nico : On a eu un bon exemple sur PSES.
Manu : Pas Sage En Seine.
Nico : Pas Sage En Seine. On a fait une vidéo avec un rickroll, on avait mis la musique de Rick Roll sur une bande son.
Manu : Ah ! C’est une sorte de troll.
Nico : On s’est fait striker la vidéo. Ils nous ont dit : « Eh bien non, vous devez mettre de la pub dessus parce que vous avez… », même pas 10 secondes, c’était en plus une parodie et tout ça. « Vous devez monétiser votre vidéo et vous devez donner de la tune aux ayants droit ».
Manu : Ça va plus loin que juste un filtre, il me semble que c’est un filtre qui va être mis en accord avec des sociétés d’ayants droit et donc les sociétés d’ayants droit vont probablement – parce qu’on va voir comment ça se réalise – leur filer des listes de tous les contenus qu’ils veulent voir suivis sur Internet et bloqués sur Internet. Le denier album de Madona vient de sortir ; ils vont donner la liste des mots-clefs qu’ils veulent bloquer, je suppose, peut-être des musiques, et Google, Facebook, vont peut-être bloquer ça.
Luc : Ils peuvent détecter des tas de choses.
Manu : Oui.
Luc : Ça pose plein de problèmes. Le premier c’est la fiabilité des systèmes puisqu’on sait que tout système automatique même s’il marche dans 99 % des cas, ce qui ne sera pas le cas, mais même si on c’est ultra performant, 1 % des cas ça fait quand même des millions de personnes et des millions de cas : on est nombreux sur Internet.
L’autre problème que ça pose c’est que, eh bien au final ce sont les ayants droit qui décident de ce qui peut être filtré et de ce qui leur appartient et donc si on n’est pas d’accord avec eux, tu cites le cas du dernier album de Madona on peut se dire que ça c’est clair. Mais après, on peut avoir des trucs où on dit est-ce que c’est dans le domaine public ou pas en fonction des pays ? Est-ce que je suis dans de la parodie ? Parce que j’ai le droit de faire une parodie !
Nico : Parodie ou droit de citation.
Luc : Ou droit de citation.
Nico : En France on a le droit d’avoir des courts extraits, vous avez le droit de les diffuser librement sans problème.
Luc : Du coup, ceux qui vont décider de où est la règle ce sont les ayants droit et ils vont mettre ça dans le code. Du coup, si on veut défendre nos droits, on se retrouve dans la position de devoir aller attaquer, de devoir prouver.
Manu : Et de montrer qu’on a le droit de faire ce qu’on a fait.
Luc : Et de pouvoir prouver qu’on a été coincé, qu’on a été bloqué parce que ce n’est pas évident puisque tout se passe sur leurs serveurs, etc. Du coup, on se retrouve dans une situation totalement dépendante, le truc totalement arbitraire : je peux dire « non, non, ça ça m’appartient » et après il faut aller se mettre 3000, 4000 euros d’avocat pour essayer de faire avancer le truc sans aucune garantie de succès.
Nico : Et puis il y a les faux positifs aussi. Il y a eu plusieurs fois le cas sur YouTube ou autre. Un musicien, par exemple, qui générait du bruit blanc, ce sont des bruits complètement aléatoires, eh bien sa vidéo s’est faite shooter aussi par l’algorithme parce qu’elle a été reconnue comme étant une composition de Mozart [de Bach, NdT]], je crois, et hop les ayants droit sont arrivés [1], ont shooté la vidéo.
Luc : Et puis dès qu’on fait une vidéo qui fait plus de 4 minutes et 33 secondes [2], si on ne met pas de musique, eh bien c’est une reprise.
Manu : Ah !
Luc : Eh Bien oui !
Luc : 4 minutes 33 de silence, c’est pourtant évident.
Manu : La référence !
Nico : En tout cas c’est très compliqué et après ça pose plein de problèmes parce que les algorithmes aujourd’hui il va falloir les mettre en place. Il y a des choses assez pointues dans cet article de loi justement : ça doit pouvoir détecter du coup des extraits ou autres ; il faut des algorithmes, des bases de données assez colossales pour faire ça. Donc il y aura un énorme frein d’entrée à tous ceux qui voudront se mettre sur ce marché-là des plateformes musicales ou vidéos parce qu’il va falloir acheter des bases de données ou les algorithmes pour faire cette détection ; il va falloir faire ça.
Manu : Et puis il va falloir se mettre d’accord, peut-être faire des contrats avec les ayants droit pour voir comment ils peuvent échanger les bases de données.
Nico : Acheter des bases de données.
Luc : Faire des choses que les ayants droit ont envie qu’on fasse.
Nico : Et aujourd’hui, malheureusement les GAFAM, eux, sont déjà opérationnels. YouTube ça marche très bien le Content ID, voire trop !
Luc : Avec tous les problèmes qu’on a évoqués.
Manu : On a un exemple. Peertube [3] par exemple, qui est une petite plateforme qui est en train de monter, qui est en train de se mettre en place du côté de Framasoft, donc des amis, des gens qu’on aime beaucoup, eh bien cette plateforme-là de partage de vidéos, comment ça va se passer avec ce filtrage, cette censure d’internet ? Probablement qu’ils vont avoir du mal à le mettre en place.
Luc : C’est surtout que chacun a son instance : Nicolas qui monte son instance sur ses serveurs parce qu’il aime bien bidouiller des trucs, il peut, du jour au lendemain, se prendre des procès parce que comme c’est son instance, c’est lui qui sera responsable.
Nico : PeerTube c’est le bon exemple, c’est que nous on aime bien tout ce qui décentralisé et une instance PeerTube est connectée à toutes les autres. Donc si quelqu’un poste du contenu, vous allez automatiquement le répliquer, l’héberger chez vous, etc. Et donc eh bien oui, si quelqu’un met une vidéo illégale, ça va arriver chez vous et vous allez être responsable du contenu. Enfin c’est un vrai merdier juridique et donc tous les systèmes décentralisés se prennent une énorme balle dans le pied parce que ce n’est plus possible d’aller récupérer le contenu d’un tiers ; on en devient responsable.
Manu : Ça va loin parce que le partage de contenu c’est quelque chose d’assez universel dans Internet. Internet, tout le monde l’utilise, et ça va tellement loin que les associations de logiciel libre se sont plaintes, ont hurlé à la mort et ça a marché.
Luc : Et pas que le Libre d’ailleurs.
Manu : Et pas que le Libre, Wikipédia par exemple. Il y a eu des clauses, je n’ai pas regardé sous quelle forme exactement, qui ont été rajoutées et qui disent « non, non, non, on ne touchera pas aux plateformes de partage de code source. »
Nico : Ce sont les forges logicielles en général.
Manu : Exactement.
Nico : Tout ce qui va être plateforme de développement ou autre il n’y aura pas de…
Manu : OK ! Il faudrait voir pour Wikipédia aussi. Est-ce que Wikipédia va être obligée de mettre en place des filtres ?
Luc : Oui. Tu peux héberger plein de médias sur Commons ; il y a essentiellement des images, mais tu peux mettre des vidéos, tu peux mettre des sons, donc ils sont en plein dedans et ce n’est pas une forge de logiciels.
Nico : Ils risquent d’être impactés même si eux font quand même du travail de revue manuelle et autre, donc les plateformes ne sont pas sous copyright.
Luc : Certes !N’empêche que si quelqu’un débarque en disant « vous enfreignez le machin », ils peuvent se prendre des procès.
Nico : C’est compliqué !
Luc : Et puis ils sont censés mettre en place tous ces procédés.
Manu : Oui, c’est la loi !
Luc : Voilà, c’est la loi.
Manu : Donc là c’est de la censure automatique ; c’est encore mieux que la censure à l’ancienne où il y avait des censeurs ; c’est automatique !
Luc : On a une autre partie c’est la partie des liens. Là l’idée c’est que Google notamment, Facebook, donnent des tas de liens vers la presse et que du coup la presse a du mal à gagner de l’argent avec puisque, évidemment, quand ils passent toutes ces infos-là ce sont les GAFAM qui mettent leur pub à la place des médias. Bien sûr, la presse a défendu ça à mort, tout ce truc-là.
Manu : Ils ont fait un lobbying intense pour les articles 11 et 13.
Luc : Mais ça ne marchera pas !
Nico : On sait que ça ne marchera parce qu’il y a déjà eu l’exemple de l’Allemagne je crois.
Manu : L’Espagne.
Nico : Non, non l’Allemagne ; c’est l’Allemagne [Belgique, Espagne, et de nombreux autres pays, NdT]. Il y avait une boîte de presse qui avait porté plainte contre les GAFAM, surtout contre Google, en disant « vous faites plein de blé en mettant de la pub sur notre contenu que vous récupérez chez nous. Donc vous allez devoir payer. » Un tribunal a dit : « OK, Google doit vous payer à chaque fois qu’il y a un lien d’affiché ; il doit vous payer ». Google dit : « Ouais, il n’y a pas de problème, moi je ne vais pas vous payer, je vais vous enlever votre contenu ». Eh puis forcément, la visite du site de presse en question a chuté de 80 %. Donc ils n’avaient plus une tune qui rentrait, plus un seul visiteur, plus rien, donc ils sont allés pleurer chez Google, en disant « s’il vous plaît on n’appliquera pas cette décision de justice parce que si on demande à l’appliquer, de toutes façons on est morts ». Ça risque d’être assez drôle ce qui va se passer.
Luc : On peut se dire que si c’est la loi et que tous les médias en même temps le font, Google ne peut pas sucrer tout le monde, mais, d’une part, il y a des dispositions dans la loi qui disent qu’il faut le titre de l’article plus du texte, machin.
Nico : Il y a des conditions.
Luc : Ça décrit assez précisément ce qui est couvert par ça donc on peut très bien imaginer qu’ils changent la forme, donc qu’ils contournent complètement. Après, il faut rappeler qu’au début des moteurs de recherche, avant que Google arrive, on avait notamment des trucs tenus par France Télécoms où, pour figurer dans le moteur de recherche, il faillait donner de la tune, il fallait payer son entrée dans l’annuaire. Si on était une entreprise et tout c’était quand même des sommes assez importantes. Donc on peut tout à fait imaginer que Google choisisse de changer radicalement son système de fonctionnement et dise : « Vous voulez être en avant dans mon moteur, eh bien je mettrai en avant ce qui me coûte le moins cher ! »
Manu : Pourquoi pas !
Luc : Et voilà ! Celui qui tient le robinet a le pouvoir. Donc au final !
Manu : En tout cas ça embête bien les médias, et les médias puisque ce sont eux qui ont fait un gros travail là-dessus, ils ont tiré l’artillerie lourde, plein d’articles sont parus cet été, ce sont eux qui ont gagné contre les GAFAM et ils le revendiquent. Ils disent : « Nous on a battu les GAFAM ; on va se faire payer, on va sauver la citoyenneté et la démocratie. »
Luc : Au passage ils ont dit que tous les gens qui s’étaient mobilisés contre la loi c’étaient, en gros, des idiots utiles des GAFAM, c’est-à-dire nous. Donc on fait une prédiction qui est que tout ça ne va pas marcher. On verra dans deux ans si on s’est trompé ou pas.
Nico : Ça risque d’être un gros bordel en tout cas.
Luc : En tout cas mauvaise nouvelle pour commencer cette nouvelle saison. Mais on essaiera de trouver des trucs plus positifs pour la semaine prochaine.
Manu : Carrément. Bon eh bien à la semaine prochaine.
Nico : Bonne semaine à tous.
Luc : Salut.

Références

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Avertissement : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant⋅e⋅s mais rendant le discours fluide. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.