Émission Libre à vous ! diffusée mardi 1er février 2022 sur radio Cause Commune Sujet pricipal : Science ouverte et logiciels libres


Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
La science ouverte et les logiciels libres, c’est le sujet principal de l’émission du jour, avec également au programme la chronique de Jean-Christophe Becquet sur « Documenter les caméras de surveillance grâce à OpenStreetMap » et aussi une interview par Isabella Vanni de mohican qui nous parlera d’organisation d’ateliers d’émancipation numérique. Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April, et c’est avec un grand plaisir que je vous retrouve en direct ; vous m’avez manqué !

Le site web de l’émission c’est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens, toutes les références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou nous poser toute question.

Nous sommes mardi 1er février 2022, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
Elle ne devait pas être présente aujourd’hui, mais elle remplace au pied levé notre collègue Étienne qui a un contretemps. Elle est affûtée, concentrée, elle va réaliser l’émission du jour, c’est ma collègue Isabella Vanni. Bonjour Isabella.

Isabella Vanni : Bonjour Fred.

Frédéric Couchet : Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « Pépites libres » de Jean-Christophe Becquet, vice-président de l’April sur Surveillance sous Surveillance – documenter les caméras avec OpenStreetMap

Frédéric Couchet : Texte, image, vidéo ou base de données, sélectionnée pour son intérêt artistique, pédagogique, insolite, utile, Jean-Christophe Becquet nous présente une ressource sous une licence libre. Les auteurs et autrices de ces pépites ont choisi de mettre l’accent sur les libertés accordées à leur public, parfois avec la complicité du chroniqueur. C’est la chronique « Pépites libres » de Jean-Christophe Becquet, vice-président de l’April. Bonjour Jean-Christophe.

Jean-Christophe Becquet : Bonjour Fred. Bonjour à tous. Bonjour à toutes.

Frédéric Couchet : Le thème du jour c’est Surveillance sous Surveillance autrement dit documenter les caméras avec OpenStreetMap.

Jean-Christophe Becquet : En effet, je présente aujourd’hui le projet Surveillance under Surveillance.
Surveillance under Surveillance propose de documenter les caméras partout dans le monde avec OpenStreetMap. Il s’agit d’un projet collaboratif intégralement basé sur des logiciels libres et des données ouvertes.

En France, la loi impose une obligation d’autorisation préalable pour l’installation de caméras de surveillance sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public. Les zones surveillées doivent également être signalées par des pancartes comportant un pictogramme représentant une caméra et les informations relatives aux droits « Informatique et libertés ». Cependant, il n’existe pas, à ma connaissance, de fichier open data permettant de suivre le déploiement de la vidéosurveillance au niveau national. On sait pourtant que la surveillance a un impact significatif sur les libertés individuelles. Ainsi, même s’ils n’en ont pas forcément conscience, les individus modifient leur comportement lorsqu’ils se savent surveillés. Il n’est donc pas nécessaire d’être mal intentionné pour se sentir concerné.

Surveillance under Surveillance s’inscrit donc parmi les innombrables initiatives citoyennes qui viennent combler un manque de transparence de l’administration. Il permet à chacun de suivre très simplement l’emprise de ces technologies.
Donner à voir les dispositifs de vidéosurveillance sur une carte s’avère ainsi très éclairant. On peut zoomer sur son quartier ou explorer ses itinéraires de déplacement ou de promenade. Différentes icônes et couleurs permettent de symboliser les types de caméra – fixe, panoramique, dôme, lecture automatique des plaques d’immatriculation – et les zones surveillées – intérieur/extérieur, public/privé…
Le site fournit également des statistiques sur le nombre de caméras référencées par pays, par type ou par zone et leur évolution au cours du temps. La France se classe en deuxième position après l’Allemagne avec 15 % des caméras mondiales. L’année 2021 fait apparaître un pic avec plus de 40 000 ajouts sur un total de 140 000 environ. On peut penser que cette évolution correspond à la somme de deux facteurs concomitants : l’augmentation très rapide du nombre de caméras installées et la présence d’une proportion de plus en plus importante de ce type d’objets dans la base OpenStreetMap.

Pour ajouter une nouvelle caméra dans Surveillance under Surveillance, il suffit de la référencer sur OpenStreetMap. La documentation disponible sur le site détaille les attributs à utiliser pour décrire la caméra, son champ de vision, l’opérateur responsable de son exploitation, etc. La base de données est mise à jour toutes les heures. Quelques minutes de patience et votre contribution sera donc visible sur la carte Surveillance under Surveillance.

Ce projet illustre l’intérêt d’une base de données libre, enrichie et mise à jour à chaque instant par des millions de contributeurs dans le monde entier. Grâce à sa licence libre, OpenStreetMap permet de construire tous types de projets géographiques. La réutilisation des données, dès lors qu’elle respecte l’obligation de créditer les contributeurs et la clause copyleft de la licence OdBL, augmente l’audience d’OpenStreetMap. En fournissant une documentation accessible et un retour visuel immédiat, le projet Surveillance under Surveillance encourage également les personnes à franchir le pas de la contribution. C’est un cercle vertueux rendu possible par les libertés accordées à tous et à toutes.

Frédéric Couchet : Merci Jean-Christophe. J’avoue que je ne connaissais pas du tout cet objet caméra de vidéosurveillance sur OpenStreetMap. Je vais préciser que la licence OdBL, dont tu viens de parler, c’est l’Open Database License, la licence libre pour les bases de données. Je vais également préciser qu’on a déjà parlé d’OpenStreetMap deux fois au moins, en détail, dans l’émission. Je renvoie les personnes qui nous écoutent aux émissions 29 et 37. Pour retrouver les émissions c’est facile, c’est libereavous.org#29 ou libreavous.org#37. Vous retrouverez à la fois les podcasts et les transcriptions. On peut préciser qu’on peut contribuer sur OpenStreetMap à partir d’un ordinateur mais aussi d’un téléphone mobile, c’est d’ailleurs souvent le plus simple.

Jean-Christophe Becquet : Absolument. OpenStreetMap est aujourd’hui devenu un projet très accessible et très ouvert. Il ne faut pas hésiter à faire ses premiers pas de contributeur ou de contributrice. La communauté francophone est très bienveillante et vous prendra par la main si vous avez besoin d’aide.

Frédéric Couchet : D’ailleurs je crois que la communauté a fêté ses dix ans il n’y a pas longtemps.

Jean-Christophe Becquet : Absolument. L’association OpenStreetMap a fêté ses dix ans l’année dernière.

Frédéric Couchet : C’est un bon souvenir. En plus, je crois que c’est la dernière fois que nous nous sommes vus de façon physique.

Jean-Christophe Becquet : Absolument. Sur Paris.

Frédéric Couchet : Exactement !
C’était la chronique « Pépites libres » de Jean-Christophe Becquet, vice-président de l’April.
On se retrouve pour la prochaine en mars, nous sommes déjà en février. Bonne journée Jean-Christophe. À bientôt.

Jean-Christophe Becquet : En mars. Merci. Bonne émission. À bientôt.

Frédéric Couchet : On va faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Après la pause musicale, nous aborderons notre sujet principal qui portera sur la science ouverte et les logiciels libres. Les deux invités sont déjà installés, prêt et prête à intervenir.
En attendant nous allons écouter K For Kool par Kuromaru. On se retrouve dans 2 minutes 50. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : K For Kool par Kuromaru.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter K For Kool par Kuromaru, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution 3.0.

[Jingle]

Frédéric Couchet : Nous allons passer au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Science ouverte et logiciels libres, avec Mélanie Clément-Fontaine, professeure de droit privé à l’Université de Paris-Saclay et membre de groupe « logiciels libres et ouverts », du Comité pour la science ouverte, et Alexandre Hocquet, historien des sciences, professeur à l’Université de Lorraine

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre avec notre sujet principal qui va porter sur la science ouverte et les logiciels libres avec Mélanie Clément-Fontaine, professeure de droit privé à l’Université de Paris-Saclay, et Alexandre Hocquet, historien des sciences, professeur à l’Université de Lorraine.
Bonjour Mélanie.

Mélanie Clément-Fontaine : Bonjour.

Frédéric Couchet : Bonjour Alexandre.

Alexandre Hocquet : Bonjour.

Frédéric Couchet : Première question toute simple. Qui êtes-vous ? On va commencer par Alexandre.

Alexandre Hocquet : Je suis historien des sciences et mon sujet c’est l’utilisation de logiciels en sciences, en particulier dans le domaine de la modélisation. Mon étude de cas préféré c’est ce qu’on appelle la modélisation de molécules entre les années 1970 et aujourd’hui et c’est une histoire qui accompagne le logiciel quasiment depuis ses débuts.

Frédéric Couchet : D’accord. Mélanie.

Mélanie Clément-Fontaine : Je suis enseignante-chercheuse. Chercheuse donc directement concernée par l’open science, la science ouverte. Mes thèmes de recherche concernent ces domaines puisque je travaille depuis des années sur les logiciels libres et, dans le prolongement, je participe au Plan national pour la science ouverte et je suis membre du groupe « logiciels libres et ouverts ».

Frédéric Couchet : On a déjà eu le plaisir de t’avoir dans l’émission pour parler des licences libres pour les logiciels ; comme j’ai mal préparé cette partie je ne me souviens pas du numéro ; je sais que sur le salon web on va me le signaler et je pourrai vous le signaler.
Le sujet principal, « science ouverte et logiciels libres ». On prévient tout de suite les personnes qui écoutent qu’on ne va pas aborder toute la science ouverte parce que c‘est très large, on va un petit peu se restreindre à la partie qui nous intéresse le plus. On va commencer par parler un petit peu de la science ouverte. D’ailleurs je vais préciser une chose, c’est Alexandre Hocquet qui nous a contacté il y a quelques mois pour nous proposer ce sujet que j’ai trouvé très intéressant. Et, pour moi, science ouverte ça veut dire qu’il y a de la science fermée. Est-ce qu’on peut essayer de préciser un petit peu ce qu’est la science ouverte ? Est-ce qu’il y a une définition de la science ouverte ? Mélanie.

Mélanie Clément-Fontaine : Je vais retenir une définition générale et presque institutionnelle qui consiste à dire que la science ouverte c’est la diffusion, sans entrave, des publications et des données de la recherche financée sur des fonds publics. L’objectif est à la fois économique et démocratique. Il s’agit de permettre à toutes et à tous l’accès aux savoirs à des fins de formation, de recherche, d’innovation. La science ouverte doit également favoriser la transparence de la recherche et c’est donc un levier pour l’intégrité scientifique.

Frédéric Couchet : Quelque part j’aurais en vie de dire que la science doit fonctionner comme ça, alors qu’en fait ce n’est pas vraiment le cas ? Alexandre Hocquet.

Alexandre Hocquet : Pour faire une petite historicisation du concept, il y a une version institutionnelle, mais il y a aussi des initiatives qui datent de plusieurs années, voire plusieurs décennies, qui viennent de la base, de certaines situations, dans certaines communautés. Par exemple il y avait et il y a toujours un mécontentement vers l’industrie de l’édition scientifique et les profits qu’elle réalise. Il y a un mécontentement envers le processus même de publication, ce qui fait sa validité, le fait qu’il est relu par les pairs c’est considéré par certains comme un processus qui est toujours un peu opaque, donc qui demandent des changements dans le processus même de validation des publications, etc. Il y a aussi des initiatives qui appellent à plus d’inclusivité, par exemple la promotion d’une science citoyenne, ce genre de choses.

Frédéric Couchet : D’accord. En termes historiques, est-ce que vous pourriez essayer de positionner quelques dates dans l’histoire de la science avant qu’on parle un peu des avantages et peut-être aussi des limites ? En tout cas est-ce que ce concept de science ouverte est récent ? Est-ce que ça a été lancé à un moment par une structure ? Qui le formalise ? Quelques dates pour positionner un petit peu ça dans l’histoire. Qui veut répondre ? Alexandre.

Alexandre Hocquet : Pour continuer sur ce que je disais. Dans la science ouverte il y a souvent une référence implicite aux principes du Libre. Du coup, historiquement, il y a quelque chose qui est lié aux années 80/90 où, d’une part, il y avait une industrie du logiciel représentée par Microsoft, pour faire vite, qui correspond à des pratiques de plus en plus fermées dans le monde du logiciel avec du lock-in, etc., c’est-à-dire la captation des utilisateurs qui est une technique classique de Microsoft. Il y a aussi une transformation du monde académique de cette époque-là qui est très néo-libéral, Reagan, Thatcher, encouragement de recours aux brevets, à la création de startups, particulièrement dans les sciences du vivant et du coup, en opposition, les principes du Libre qui sont eux-mêmes liés à une vision de la science en réaction à cette évolution, le désintéressement, l’universalisme, la mise en commun, etc.

Frédéric Couchet : D’accord. Mélanie.

Mélanie Clément-Fontaine : Tu évoquais le fait qu’il y ait de la science fermée. Oui, il y a de la science fermée parce que les productions intellectuelles relèvent d’un droit de propriété intellectuelle et le propre de ce droit c’est de créer un monopole, donc de permettre à quiconque qui dispose de ses droits de s’opposer à l’utilisation, à la réutilisation de ces contenus scientifiques.
En contrepoids il y a eu le logiciel libre qui vient d’être évoqué, qui a donné une autre façon d’envisager le rapport à la production intellectuelle. À cela s’est mêlée aussi toute la politique de l’open data qui consiste à mettre à disposition les données publiques, c’est ancien, ça date des années 70 et ça n’a été que renforcé dans le temps.
Ces deux mouvements, venant du public, venant du privé, se sont réunis dans cette notion de science ouverte. Des institutions internationales se sont emparées de ces questions : l’UNESCO, par exemple, a fait une déclaration sur la science et l’utilisation du savoir scientifique en 1999, l’OCDE a publié, en 2006, des lignes directrices en vue de guider vers cette science ouverte, donc finalement d’élargir la mise à disposition, partant des données publiques, à plutôt des contenus scientifiques et des données scientifiques. Donc c’est un vrai élargissement d’un mouvement qui vient d’initiatives privées, logiciel libre, et d’initiatives publiques, tel qu’on le voit.

Frédéric Couchet : D’accord. Tu voulais compléter Alexandre.

Alexandre Hocquet : Je voulais juste dire que la science c’est aussi une compétition. Selon les époques et les contextes, la compétition se traduit par plus ou moins de secret ou plus ou moins d’ouverture, selon des tas d’influences. En particulier il y a aussi une influence du capitalisme ; selon les contextes, le business demande aussi plus de secret, par exemple dans l’industrie pharmaceutique, les molécules.

Frédéric Couchet : Dont on parle beaucoup en ce moment.

Alexandre Hocquet : Par ailleurs, il peut aussi demander plus d’ouverture, par exemple la demande de moins de barrières à la circulation de l’information pour pouvoir créer un marché de la donnée par exemple.

Frédéric Couchet : D’accord. Je précise que si vous voulez intervenir pendant l’émission n’hésitez pas à venir sur le salon web de la radio, site causecommune.fm, bouton « chat », salon #libreavous. Il y a une remarque d’une personne qui dit que si c’est fermé c’est de la recherche et développement, pas de la science. Par défaut, la science ne devrait-elle pas être ouverte ?

Mélanie Clément-Fontaine : Je suis d’accord. La science c’est la confrontation de différentes analyses, de différents points de vue, c’est pour ça que le chercheur n’a de cesse d’avoir accès à de plus en plus de contenus, à un fonds commun de connaissances. Il y a un paradoxe à poser des entraves à l’accès à ce savoir. Mais il se trouve qu’il y a aussi des contraintes économiques, c’est-à-dire que diffuser des contenus ça a un coût et il y a un savoir-faire. Moi par exemple, en tant que chercheuse, je suis capable de faire du contenu scientifique mais éditer un ouvrage, que ça soit en ligne ou sur papier, je n’en ai pas les moyens, je n’en ai pas les compétences. Donc on a forcément recours à des fonds et, quand ils sont privés, en contrepartie, évidemment, on va nous demander une exclusivité sur notre production scientifique.

Frédéric Couchet : D’accord.

Alexandre Hocquet : Il y a toujours eu une tension entre ce que la science devrait être et ce que la science est en pratique. La science c’est aussi une industrie. La question du secret et de l’ouverture se pose aussi des fois en termes industriels, dans les instruments scientifiques par exemple.

Frédéric Couchet : Je précise que je n’y connais vraiment pas grand-chose. Je pense que l’image que les gens ont souvent un petit peu des publications scientifiques ce sont ces fameuses grandes revues que les chercheurs et les chercheuses doivent payer pour être édités, pour être publiés, et que les autres doivent payer pour y avoir accès. Est-ce que ça correspond à une réalité, ces grandes revues, et est-ce que la science ouverte, finalement quelque part, s’oppose à cette logique, ou pas du tout ? Mélanie Clément-Fontaine.

Mélanie Clément-Fontaine : Je dirais que c’est une alternative et c’est ça qui est intéressant ; c’est comme le logiciel libre, il y a toujours des diffusions dites propriétaires de logiciels, ça répond à un système économique, à un modèle économique et, à côté de ça, on peut faire autrement. C’est cela qui est intéressant, cette pluralité de diffusions. C’est vrai que là on parle de contenus et de données qui sont produites avec des fonds publics, donc il y a une certaine logique à ce que les personnes qui ont contribué financièrement par les impôts, par les taxes, à financer cette recherche publique puissent, en retour, avoir accès à ce fonds commun. C’est une belle chose que d’avoir ce domaine public qui s’étend à destination de toutes et tous.

Frédéric Couchet : Alexandre.

Alexandre Hocquet : Je dirais aussi que les textes scientifiques, comme les pratiques scientifiques en général, ne sont pas les mêmes d’une communauté à l’autre, la façon de publier n’est pas la même. Les différentes sociétés savantes n’ont pas la même approche de la question, par exemple est-ce que les textes doivent être en libre accès ou pas ? Certains domaines de la science, particulièrement en sciences humaines, comptent beaucoup sur le livre, donc ils dépendent beaucoup de la négociation avec des maisons d’édition.

Frédéric Couchet : Pour que leurs livres soient édités ?

Alexandre Hocquet : Et aussi qu’ils aient la plus grande publicité possible. Il y a des prestiges différents dans les différentes maisons d’édition. Il y a d’autres domaines, par exemple la physique des particules, où là les gens mettent complètement tout en commun, une façon de publier qui s’oppose radicalement aux grandes maisons d’édition et ils proposent eux-mêmes leurs propres dépôts de publication comme Arxiv.

Frédéric Couchet : Le site arxiv.org.

Alexandre Hocquet : Oui.

Frédéric Couchet : Je vais relayer la question que je vois sur le salon web, mais ta remarque me fait venir une question par rapport à cette importance des publications. Pour les chercheurs et les chercheuses, quel rôle joue par rapport à « votre carrière », je le mets entre guillemets, le fait d’être publié dans des revues ou des livres ? Est-ce que ça a impact ? Tout simplement quel impact cela a-t-il ? Mélanie.

Mélanie Clément-Fontaine : C’est un sujet qui est vraiment discuté par exemple dans le programme de la science ouverte, le plan national, parce que nous sommes évalués par nos publications, donc c’est une question sensible. Aujourd’hui, l’idée c’est justement de valoriser les publications libres et, pour cela, il y a eu création d’une plateforme nationale, il existe HAL.

Frédéric Couchet : HAL. Tu te souviens de ce que ça veut dire ?

Mélanie Clément-Fontaine : Je ne me souviens plus !

Alexandre Hocquet : Hyper Articles en Ligne.

Frédéric Couchet : Peut-être, un truc comme ça !

Mélanie Clément-Fontaine : À force d’utiliser des acronymes, on en perd le sens !
C’est effectivement un véritable enjeu pour les scientifiques. Un autre enjeu c’est l’usage de la langue, parce que diffuser c’est une chose, être compris par le reste du monde, c’en est une autre. Là aussi il y a un véritable effort à mener, un accompagnement à faire. Il ne suffit pas de déclarer que ça va être ouvert, que ça va être accessible à tous, pour que ça fonctionne. C’est un engagement, c’est un accompagnement, ce sont des moyens qui doivent être mis en œuvre.

Frédéric Couchet : Par rapport à ça et je te laisse réagir Alexandre, ma compréhension de la publication par des revues scientifiques c’est qu’il y a une obligation, en tout cas un engagement, de valider le contenu par la relecture par les pairs ; ai-je bien compris ? Vous me corrigerez. Ma question est : dans le cadre de la science ouverte, est-ce que ça fonctionne de la même façon ? Ou simplement n’importe quel scientifique peut publier sur une archive comme on vient de le dire ? Est-ce qu’il y a une sorte de validation ou de revue par les pairs ? Alexandre.

Alexandre Hocquet : Il y a une remise en cause de ce principe. Par exemple, dans Arxiv, c’est ce qu’on appelle un preprint, quelque chose qui, durant la pandémie, s’est répandu dans le monde alors qu’avant c’était un objet assez obscur. C’est quelque chose qu’on met en ligne pour pouvoir être lu avant même qu’il soit validé par les pairs. Il y a à la fois une question de rapidité, parce qu’être le premier c’est quelque chose qui compte énormément en sciences, mais il y a aussi une question de diffusion, de médiatisation. Par ailleurs, il y a aussi une forme radicale de relecture qui consiste à dire je mets mon texte ouvert à la communauté et, ça peut exister, qu’il soit commentable, donc n’importe qui peut, à ce moment-là, commenter, comme dans Wikipédia.

Frédéric Couchet : On laissera Mélanie réagir.

Alexandre Hocquet : Ce qui est une version radicale d’être ouvert, mais qui peut être en tension avec ce que c’est qu’être accepté par ses pairs et qui sont exactement les pairs.

Frédéric Couchet : Mélanie, tu as réagi sur l’analogie avec Wikipédia.

Mélanie Clément-Fontaine : Oui. Je crois qu’il n’y a pas un modèle. C’est-à-dire qu’on n’est pas dans ce modèle Wikipédia où il y a quand même des règles éditoriales qui sont assez fortes. On ne peut pas tracer un seul modèle de diffusion d’ouvrages en science ouverte. Je crois qu’il va falloir s’adapter aux différents cas. Il est bon que certains papiers soient relus, qu’il y ait des pairs qui attestent de la valeur scientifique ; il est bon que d’autres soient diffusés vite ; à chaque cas son modèle. L’évaluation est une question. La traçabilité, la source sont aussi importantes. Aujourd’hui on parle beaucoup de désinformation. Il s’agit aussi, avec la science ouverte, de renforcer la qualité des contenus que l’on trouve en ligne. Il y a une vraie bataille culturelle, de diversité culturelle et de qualité qui est derrière ce mouvement de science ouverte. Tout cela va sans doute être accompagné aussi de conditions d’accès, de diffusion, et ça pourrait prendre la forme de licences comme on les connaît dans les logiciels libres.

Frédéric Couchet : D’accord. Je relaie une petite question sur le salon web avant de poursuivre. Par rapport aux langues dont tu parlais tout à l’heure Mélanie, Marie-Odile demande si les publications sont toujours en anglais.

Mélanie Clément-Fontaine : Non, bien sûr que non ! La francophonie est encore défendue aujourd’hui et bien sûr d’autres langues. Quand je parle de diversité, c’est très important. Il s’agit effectivement de rencontrer l’autre, donc de se faire comprendre, et les traductions sont importantes. Mais le langage initial, la langue initiale a son importance surtout dans domaines comme en sciences humaines où les mots n’ont pas de traduction immédiate dans d’autres langues.

Frédéric Couchet : Alexandre.

Alexandre Hocquet : Oui, en sciences humaines. La situation est très différente dans d’autres communautés. Il y a des communautés où ça n’est même pas envisageable de publier en autre chose qu’en anglais, ça ne servirait à rien d’un point de vue de la logique de combien compte une publication.

Frédéric Couchet : J’ai une question. On a parlé de la science ouverte donc de l’accès aux publications. Les recherches scientifiques s’appuient aussi sur des données, sur des méthodes. Est-ce que la science ouverte ça veut dire que toutes les données sont toujours également accessibles de manière à pouvoir vérifier ce qu’affirme la personne qui a publié, voire reproduire ? Est-ce qu’il n’y a pas des limites – on parle de sciences humaines – par exemple au niveau de la vie privée peut-être, je ne sais pas, sur des échanges personnels. En fait, dans la science ouverte, qu’est-ce qui est ouvert ? La publication ? Les données ? On parlera des logiciels après. Est-ce que ce sont aussi les méthodes de la recherche ? Qui veut répondre ? Alexandre.

Alexandre Hocquet : Dans la définition que Mélanie a donné tout à l’heure, il y avait « accès et données », si je souviens bien, qui sont les deux grands piliers. Je parle de piliers parce que je sais que quand Roberto Di Cosmo parle du logiciel il parle du troisième pilier, j’imagine qu’on va y revenir. Effectivement, « accès » ce sont les textes et « données » ce sont les données et l’idée que pour pouvoir avoir confiance dans une expérience qui a eu lieu, qui a été publiée, le texte d’une publication ne suffit pas par exemple pour essayer de refaire la même chose. L’idée des données – ce qui est contestable d’un point de la vue la philosophie des sciences –, l’idée des données ouvertes et fournies c’est qu’on peut les réutiliser, d’où l’utilisation des licences Creative Commons, la question c’est la réutilisation.
Le problème, cette fois du point de vue de l’historien, du philosophe des sciences, c’est que les données d’une expérience sont situées elles-mêmes, c’est-à-dire qu’elles dépendent largement de comment l’expérience a été faite, de quelles valeurs, de quelles théories la personne a mis dedans et les données qu’elle récupère. En fait, elles supportent mal le voyage une fois qu’on les transpose dans un autre contexte pour essayer, par exemple, de refaire la même expérience. C’est-à-dire que ce n’est pas du tout naturel qu’une donnée puisse être reprise sans que ça transforme quelque chose à sa valeur scientifique, à sa valeur épistémique.

Frédéric Couchet : D’accord. Mélanie.

Mélanie Clément-Fontaine : La science ouverte, tout dépendra de ce qu’on en fera. Si on veut que ça soit aussi un moyen de transparence de la recherche, notamment avec des thèmes comme la bioéthique ou l’intelligence artificielle qui vont avoir une incidence très importante dans nos sociétés, il faut effectivement une transparence des sources, mais, en principe, la recherche c’est ça, c’est aussi donner ses sources. Tout dépendra de la politique qu’on défend de la science ouverte.
Ensuite, et ça peut constituer des freins, si on veut, mais ce sont surtout des garde-fous, il y a des questions telles que la protection des données personnelles, des données sensibles, la confidentialité, la sécurité. Il y a des intérêts commerciaux légitimes qui pourraient réduire, en tout cas freiner certaines mises à disposition. Cet équilibre est à trouver et on part d’un principe aussi ouvert que possible et aussi fermé que nécessaire. Voilà l’équilibre qu’on va chercher.

Frédéric Couchet : D’accord. Quels sont, en fait, les avantages de la science ouverte et son intérêt, à la fois pour les scientifiques mais aussi pour le public ? Première question : vous, en tant que scientifiques, quels avantages voyez-vous à la science ouverte ? Je vous proposerai après la question sur les freins et/ou les éventuelles limites. Déjà, pour vous, en tant que scientifiques ?

Mélanie Clément-Fontaine : Je l’ai dit plus tôt, c’est le dynamisme intellectuel, c’est évidemment accéder à des connaissances pour continuer sa recherche, c’est l’innovation – certains parlent d’innovation, je n’aime pas tellement ce terme, mais il existe. C’est aussi un enjeu démocratique, c’est-à-dire l’accès par tout un chacun aux savoirs, la transparence, l’éthique. Ce sont là tous les enjeux qui font qu’on s’engage dans ce mouvement de la science ouverte.

Frédéric Couchet : D’accord. Alexandre Hocquet.

Alexandre Hocquet : C’est à peu près la même chose. Pour compléter, il y a aussi l’espoir de ne plus dépendre d’une énorme industrie qui est très peu populaire dans le monde de la science mais qui est intrinsèquement liée au monde de la science, qui est celle de l’édition scientifique à laquelle les scientifiques reprochent beaucoup de choses, mais, pour des raisons historiques ils y sont quand même complètement liés.

Frédéric Couchet : Je poursuis ma question. Après les avantages et intérêts, est-ce qu’il y a des limites ou des freins pour la science ouverte ? Freins qui peuvent être institutionnels ou autres, je ne sais pas, ou limites ? Est-ce que vous en voyez ? Il n’y en a peut-être pas, la question est ouverte.

Alexandre Hocquet : Moi j’en vois plein.

Mélanie Clément-Fontaine : J’en ai évoqué quelques-uns avec justement des données que l’on ne va pas divulguer pour des raisons diverses.

Frédéric Couchet : Est-ce qu’il y a des freins institutionnels ou autres ? Alexandre Hocquet, tu disais que tu en vois plein. Donnes-en un ou deux principaux.

Alexandre Hocquet : Je pense qu’il y en plein. Si je devais en citer un, je pense qu’il y a un frein industriel dans plein de domaines, pas tous, pas les mathématiques par exemple. Le gars qui dépend d’une industrie scientifique, par exemple celle des instruments. Un spectroscope de résonance magnétique nucléaire est un instrument typique très courant mais qui est aussi un énorme investissement, ça coûte des centaines de milliers voire des millions d’euros et c’est quelque chose qui repose sur des compagnies qui vendent ces instruments. La confiance dans l’instrument n’est absolument pas basée sur le fait que l’instrument est transparent, il ne l’est pas du tout, il y a mêmes des secrets industriels, etc. Par contre, il y a beaucoup moins de contestations quant à la validité des résultats que donne un de ces spectroscopes. Il y a eu un énorme processus d’acculturation des scientifiques qui l’utilisent. L’appareil a gagné sa légitimité par tout un processus de négociations entre industriels et scientifiques et, en l’occurrence, là la confiance n’est pas du tout sur le fait qu’il est transparent, il ne l’est pas !

Frédéric Couchet : D’accord. Mélanie, tu voulais compléter ?

Mélanie Clément-Fontaine : Ça rejoint la question du financement. La science ouverte vise les publications et les données de la recherche financée par des fonds publics. À partir du moment où on dépend de fonds privés, on n’est plus dans la cadre de la science ouverte. Ça va être la fracture et il y a beaucoup de projets qui ont un double financement. Là il va y avoir nécessairement des tensions entre deux mouvements, celui de la réservation, du secret, de la propriété, et celui de l’ouverture, de la diffusion.

Frédéric Couchet : D’accord. Est-ce qu’on a des chiffres, en tout cas des tendances sur l’évolution des publications en science ouverte, que ce soit dans le monde ou en France, sur ces dernières années ?

Mélanie Clément-Fontaine : Vous en trouverez. J’ai vu que des liens qui avaient été mis sur le site.

Frédéric Couchet : On ne va pas vous les répéter. Vous aurez la liste de tous les liens qu’on citera sur libreavous.org.

Mélanie Clément-Fontaine : Le Plan national de la science ouverte montre qu’il y a une évolution, il y a véritablement beaucoup plus de publications en sciences ouvertes.

Alexandre Hocquet : Même exponentielle.

Mélanie Clément-Fontaine : L’objectif c’est d’atteindre 100 % d’ici 2030. C’est le projet.

Frédéric Couchet : L’objectif en France ou dans le monde ?

Mélanie Clément-Fontaine : En France. On parle du Plan national de la science ouverte.

Frédéric Couchet : Donc 100 % sur les recherches financées sur fonds publics ? D’accord. Tu voulais compléter Alexandre.

Alexandre Hocquet : Non, c’est ça.

Frédéric Couchet : Je vois qu’il y a beaucoup de questions sur le salon web, en fait sur la partie logiciels. On va bientôt faire une pause musicale et on abordera la partie logiciels juste après.
Sur cette partie introductive à la science ouverte est-ce que vous souhaitez rajouter quelque chose avant qu’on fasse la pause musicale ? On peut y revenir dans le cours de l’émission, mais le temps avance. Est-ce que vous pensez qu’il y a quelque chose dont on n’a pas encore parlé ? On reviendra évidemment sur le plan, dont on a parlé, dans la deuxième partie de l’émission. Sur cette introduction ?

Alexandre Hocquet : Moi je suis pressé de passer à la partie logiciels.

Frédéric Couchet : Je sais bien. Il est à fond il est dans les starting-blocks ! Mélanie.

Mélanie Clément-Fontaine : On voit bien qu’il y a eu une conjonction de circonstances qui a été favorable à l’émergence de la science ouverte et le lien qu’il y a avec les logiciels libres, ce qu’on développera sans doute dans la deuxième partie.

Frédéric Couchet : Nous allons effectivement aborder ça dans la deuxième partie.
En attendant nous allons faire une courte musicale. Si je me souviens bien on va aller du côté du Brésil. Nous allons écouter Bem Vindo par Madame Rrose Sélavy. On se retrouve dans 2 minutes 30. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Bem Vindo par Madame Rrose Sélavy.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Bem Vindo par Madame Rrose Sélavy, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By 3.0.

[Jingle]

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre notre discussion sur la science ouverte et les logiciels libres avec Mélanie Clément-Fontaine qui est professeure de droit privé à l’Université de Paris-Saclay et Alexandre Hocquet qui est historien des sciences, professeur à l’Université de Lorraine.
Juste avant la pause musicale on parlait de science ouverte en général, mais notre émission est consacrée principalement aux libertés informatiques, notamment au logiciel libre. Maintenant on va un petit peu aborder la question du logiciel, même si on reviendra sur le Plan pour la science ouverte dont on a parlé tout à l’heure.
Avant de relayer les questions que j’ai vu passer sur le salon web, je vous rappelle causecommune.fm, bouton « chat », salon #libreavous, en préparant l’émission je me suis demandé quels sont les logiciels utilisés, libres ou pas, peu importe pour l’instant, dans le monde la science et je me suis dit que je n’en avais aucune idée. Quels sont les logiciels utilisés dans le monde de la science ?

Alexandre Hocquet : Les logiciels auxquels on pense en premier quand on pense aux logiciels en science, ce sont les logiciels créés par les informaticiens. Dans le domaine de l’informatique, de la computer science, de la science informatique, ils sont souvent l’objet lui-même de la recherche, c’est-à-dire que produire un logiciel fait partie du produit de recherche qu’a l’informaticien, mais ça ne représente qu’une toute petite partie des logiciels utilisés en sciences. Par exemple, si vous êtes modélisateur du climat ou épidémiologiste, vous développez des modèles et vous créez des logiciels qui vont les transformer en calculs sur l’ordinateur, mais le code lui-même, ce que vous avez créé, n’est pas l’objet lui-même de la recherche, ce qui fait une énorme différence.
Ensuite il y a tous les instruments scientifiques dont on vient de parler, qui contiennent en eux des logiciels, évidemment, traitement du signal, traitement de la donnée, ce sont des choses qui sont dans tous les instruments. Il n’y a plus aucun instrument scientifique qui n’a pas une partie logicielle importante en lui et propriétaire. C’est donc une énorme partie invisibilisée des logiciels. C’est impossible de faire une liste.
Ensuite il y a plein d’usages possibles et il y a aussi énormément de logiciels utilisés qui ne sont pas eux-mêmes scientifiques.
Photoshop est largement utilisé dans le traitement d’images en sciences avec tous les problèmes que vous pouvez imaginer. Ils pourraient utiliser Gimp ! Il existe des logiciels libres de traitement d’image, ImageJ je crois, créés par des scientifiques dont c’est le boulot de montrer des images particulièrement en biologie moléculaire, les gels d’électrophorèse ce sont des photos qui sont les preuves.
Excel est largement utilisé pour des utilisations qui n’ont même pas grand-chose à voir avec un tableur, par exemple établir des grandes listes de données qu’on met en matériel supplémentaire dans les publications justement pour pouvoir ouvrir et élargir. C’est souvent sous format xlsx, un format très peu ouvert. Il n’y a pas tellement de raisons d’utiliser un tableur plutôt que de faire un fichier texte tabulé et pourtant c’est une pratique qui est vraiment très répandue.

Frédéric Couchet : D’accord. C’est une pratique qui est liée à la pratique personnelle des scientifiques ou est-ce que c’est, entre guillemets, « une obligation » par rapport à leur institution ?

Alexandre Hocquet : Ce n’est pas du tout une obligation, c’est leur culture qui veut ça. On peut considérer que c’est n’est pas vraiment de la science d’utiliser Excel pour faire des listes de données, n’empêche que ça a des conséquences épistémiques, c’est-à-dire que ça a des conséquences sur comment la science marche en pratique. Ces pratiques-là sont largement dépendantes de la culture des gens donc de ce à quoi ils sont habitués à utiliser comme outils, et Excel et Word en font partie.

Frédéric Couchet : Tu disais que c’est principalement développé par des informaticiens et des informaticiennes, mais est-ce que les chercheurs et les chercheuses développent ? Souvent ce sont des gens qui peuvent développer eux-mêmes leurs logiciels par rapport à un besoin spécifique de recherche. Je suppose qu’il a plein de logiciels qui existent qui correspondent à une seule recherche. Est-ce que c’est ça ou pas ? Est-ce que ça existe ?

Alexandre Hocquet : Il y a des milliards de scripts Python. GitHub est plein de codes.

Frédéric Couchet : GiHub est une plateforme sur laquelle on peut héberger des logiciels libres, elle-même n’étant pas libre, mais bon !

Alexandre Hocquet : Effectivement. Il existe des centaines, des milliers de scripts Python, pas d’amateurs mais de personnes dont ce n’est pas le cœur de métier, pour pouvoir résoudre des problèmes ponctuels.

Frédéric Couchet : Mélanie, tu voulais intervenir ?

Mélanie Clément-Fontaine : On voit qu’il y a deux niveaux. Il y a le chercheur lambda qui n’est pas informaticien et qui utilise des outils. Il est intéressant de voir que dans les établissements publics tels que les universités il y a eu quand même tout un discours pour inciter les chercheurs à utiliser les chercheurs à utiliser des logiciels libres donc un peu lâcher Word, Excel and co. C’est une chose et c’est aussi inciter les étudiants, futurs chercheurs, à utiliser ces logiciels libres.
La deuxième chose : on constate qu’il y a une production importante, au moins en France, de logiciels libres. On a ouvert un prix du logiciel libre, il y a eu quand même 129 candidatures d’excellente qualité. Ce prix a justement pour objectif de mettre en lumière ces projets, identifier des projets d’excellence qui pourraient aussi servir de modèles pour les autres. Ont été ciblées notamment les qualités de pertinence scientifique et technique, c’est un premier prix ; la synergie communautaire autour du projet, c’est un second prix ; la documentation, qui paraît importante ; et puis il y a le prix suprême qui réunit toutes ces qualités, c’est le quatrième prix ou le premier prix si on veut.

Frédéric Couchet : Je vais juste préciser que l’annonce des résultats se fera dans quelques jours, peut-être que quand le podcast sera disponible les résultats seront disponibles, en tout cas on les mettra en référence sur libreavous.org. C’est le Prix de la science ouverte, du logiciel libre et données de la recherche ; il y a quatre catégories, on mettra évidemment les références.
Alexandre.

Alexandre Hocquet : Je voulais juste dire qu’il y a aussi des tensions institutionnelles parfois à l’intérieur même de l’université, il y a une vraie volonté politique. Par exemple il y a des chargés de mission de la science ouverte dans les universités qui encouragent effectivement à adopter le Libre, mais, d’un autre côté, il y a d’autres structures dans les universités, comme les services juridiques qui, au contraire, ont une attitude qui est parfois à l’opposé du Libre, qui recommandent de recourir au propriétaire.

Frédéric Couchet : Tu veux dire que les experts en droit d’auteur veulent plutôt restreindre la diffusion ?

Alexandre Hocquet : Ça se passe dans le cas de photographies par exemple. Mélanie est sûrement plus qualifiée, elle a un meilleur panorama que moi de ces questions, mais il y a aussi des tensions à l’intérieur même des institutions.

Frédéric Couchet : Avant de parler de cet aspect, je n’oublie pas, notamment sur l’aspect licence, je vais quand même relayer une question qui est sur le salon web, par rapport aux recherches qui utilisent des logiciels. On sait que les logiciels ont souvent des bugs, donc il peut y avoir, il doit y avoir forcément des résultats de recherches scientifiques qui sont faux non pas par rapport aux données mais par rapport au logiciel qui est bugué. Est-ce que ça arrive souvent ? Est-ce qu’on a souvent cette impression-là après vérifications ? Est-ce que ça arrive souvent ?

b>Alexandre Hocquet : Ça arrive tout le temps ! Disons que la question du logiciel et de la science ouverte c’est aussi une question d’avoir confiance dans les calculs et c’est pour ça qu’on associe vraiment très souvent la science ouverte à la notion de transparence, donc à la notion de reproductibilité des résultats et ce genre de choses. En particulier dans les années 2010 et 2020, la complexité des logiciels est qu’ils font de plus en plus appel à d’autres logiciels, il y a des interdépendances de librairies, c’est quelque chose que les auditeurs connaissent parfaitement bien, ça existe aussi en sciences. C’est très difficile, même si vous avez publié votre logiciel 10 ans avant pour être ouvert, c’est très difficile de refaire le calcul pour des tas de questions d’interdépendance de librairies qui ont, par exemple, évolué entre-temps.

Frédéric Couchet : Ça suppose, idéalement, qu’avec les données il faut aussi archiver le logiciel tel qu’il a été utilisé au moment du calcul ?

Alexandre Hocquet : Voilà. J’imagine que c’est un des avantages que préconise Roberto Di Cosmo avec le Software Heritage, Mélanie en sait sûrement plus que moi là-dessus. Il y a la question de pouvoir reproduire des vieux logiciels.

Frédéric Couchet : On va juste préciser que Software Heritage est un projet de plusieurs structures, notamment l’Inria, si je me souviens bien Roberto Di Cosmo était chercheur là-bas. L’idée c’est de faire une archive mondiale des logiciels, pas forcément des logiciels libres. On a invité Roberto Di Cosmo dans Libre a vous !. Vous allez sur libreavous.org et vous cherchez, avec le moteur de recherche, Roberto Di Cosmo, vous trouverez. Sinon on mettra le numéro de l’émission ici.
Tu voulais compléter ?

Alexandre Hocquet : C’est effectivement quelqu’un qui est aussi un acteur bien connu dans le monde du Libre.

Frédéric Couchet : Oui, tout à fait. Mélanie.

Mélanie Clément-Fontaine : On peut ajouter que c’est un des défis du groupe de logiciels libres du Plan national de la recherche qui va devenir un collège, c’est justement cet archivage des logiciels.

Frédéric Couchet : On va en parler. L’émission avec Roberto Di Como, Software Heritage, c’est l’émission numéro 13. Je vous rappelle que sur le nouveau site web de l’émission Libre à vous !, vous faites libreavous.org # le numéro de l’émission, donc #13, vous retrouverez le podcast et la transcription. C’est une émission qu’on a faite il y a longtemps, la numéro 13, sachant qu’on est à la 130 aujourd’hui, je pense qu’à un moment on va inviter à nouveau Roberto Di Cosmo pour avoir un petit peu une mise à jour, savoir où on en est.
Tout à l’heure, Alexandre, tu parlais des services juridiques des instituts de recherche et autres et j’ai l’impression que tu avais envie d’en dire beaucoup de mal, je ne vais pas te relancer là-dessus, par contre j’aimerais avoir l’avis de Mélanie sur le sujet. C’est vrai qu’on a peut-être un peu l’idée que, du côté des services juridiques, on aurait plutôt envie d’essayer de conserver les droits d’auteur et autres, de contrôler pour essayer d’en faire un maximum de fric quelque part. Est-ce que c’est toujours comme ça ou pas du tout ? Est-ce que j’ai une image totalement fausse ? Comment ça fonctionne ?

Mélanie Clément-Fontaine : Ça dépend où on se trouve. Quand on est dans des établissements publics oui, il y a une question de valorisation. On connaît ce modèle. En fait c’est une question de formation. Si vous avez un service juridique qui est constitué de juristes qui n’ont pas été sensibilisés à ces questions, ils appliquent leur modèle de valorisation. Donc il y a une vraie transformation d’état d’esprit à faire. J’ai un master, j’essaye de former des futurs juristes, qui seront dans ces bureaux de valorisation, à la science ouverte, vers les modèles libres, les licences libres, afin qu’ils sachent qu’il y a des alternatives et, selon les projets, eh bien il sera pertinent de plutôt aller vers du propriétaire et, selon d’autres, plutôt vers une ouverture libre, science ouverte, etc.

Frédéric Couchet : En tout cas, d’un point de vue logiciel libre, le fait que ce soit du logiciel libre en science ouverte est-ce que ce n’est pas, quelque part, une obligation pour que ça rentre dans le mécanisme de la science ouverte ? Le fait que s’il y a des logiciels ils doivent forcément être libérés sous une licence libre ? Est-ce que ça rentre dans les critères de science ouverte ?

Mélanie Clément-Fontaine : Les logiciels sont maintenant compris dans les données publiques.

Frédéric Couchet : Depuis la loi de 2016, la loi pour une République numérique.

Mélanie Clément-Fontaine : La France a fait ce choix. Ce n’est un choix imposé par l’Union européenne. La directive de 2019 laisse le choix aux États de décider que les programmes d’ordinateur, les codes sources, sont des données publiques. En France c’est le choix qui a été fait. En tant que données publiques elles doivent être diffusées et on doit pouvoir les réutiliser. Donc à priori, si c’est produit par un établissement public, ce sont des logiciels qui suivent la science ouverte donc des logiciels libres.

Frédéric Couchet : D’accord. Alexandre.

Alexandre Hocquet : Au moins dans la rhétorique, mais aussi dans les pratiques liées à des normes des scientifiques, il y a une référence diffuse aux principes du Libre, par exemple l’idée qu’un code doit être ouvert pour qu’il soit transparent, donc pour qu’il soit reproductible, donc qu’on ait de meilleures pratiques scientifiques – déjà c’est plus compliqué que ça, il ne suffit pas qu’un code soit transparent pour qu’il soit reproductible –, mais je dirais qu’il y a peu de conscience des quatre libertés ou ce genre de référence classique au Libre.

Frédéric Couchet : Rappelle-nous les quatre libertés du logiciel libre, en quatre mots !

Alexandre Hocquet : Je crois que tu les connais mieux que moi !

Frédéric Couchet : Mais c’est toi l’intervenant, ce n’est pas moi !

Alexandre Hocquet : Disons la première, par exemple dans le cas des articles, beaucoup de gens comprennent que le texte soit ouvert à tous, mais la question de la réutilisation c’est quelque chose qui est très mal compris dans le milieu scientifique, même si on se réfère au logiciel libre en tant qu’inspiration de la science ouverte.

Frédéric Couchet : D’accord. Les quatre libertés c’est utiliser, étudier le fonctionnement, modifier, redistribuer. Et c’est la dernière qui fait la communauté, le fait qu’on redistribue, qui n’est pas forcément une obligation, d’ailleurs on va le redire, en fonction des licences.

Alexandre Hocquet : Par exemple les articles, les publications scientifiques, sont souvent en licence Creative Commons By, Attribution, du coup tout le monde est content parce qu’on peut lire l’article, mais personne ne se rend compte qu’on pourrait très bien, par exemple, copier-coller des morceaux d’articles, de plusieurs articles sous cette licence, et en faire un article. Ça paraît même délirant, mais c’est quelque chose qui est en tension avec des normes, par exemple avec ce qu’est le plagiat.

Frédéric Couchet : La question est intéressante. Je vais d’ailleurs laisser Mélanie réagir là-dessus. Ça veut dire que tu supposes, en tout cas tu sous-entends que du point de vue du scientifique ce genre de licence pourrait encourager à une sorte de « plagiat », entre guillemets, quelque chose qui n’est pas forcément super bien vu dans le monde scientifique ? C’est ça ?

Alexandre Hocquet : Oui, encore une fois ça dépend des communautés. Le plagiat est une norme qui vient de la littérature, pas de la science. Ce qui compte en science c’est le premier qui a publié. Vous pouvez publier la même chose ensuite, vous êtes le deuxième, donc ça ne compte pas !

Frédéric Couchet : Mélanie.

Mélanie Clément-Fontaine : Je crois que là il faut faire attention. La science ouverte c’est rendre l’accès facile, l’interopérabilité, la réutilisation. Mais réutilisation ça ne veut pas dire qu’on va puiser et qu’on va faire ça à sa sauce. Sur l’écrit on n’est pas dans le logiciel. Même dans le logiciel il y a la question d’attribution, c’est-à-dire citer sa source, citer ce qu’on emprunte pour attribuer à la bonne personne l’extrait. Dans l’écrit on va retrouver la même chose, c’est-à-dire que si on récupère une phrase, un paragraphe, il y a des guillemets, c’est une convention, on cite sa source, on dit qui a écrit cela avant et on peut très bien intégrer, effectivement, ces extraits dans un autre développement, c’est même recommandé.

Frédéric Couchet : Je vais juste préciser que tout à l’heure, Alexandre, quand tu parlais de la licence Creative Commons Attribution, le « Attribution » veut dire exactement ce que vient de dire Mélanie : on cite. Après il y a d’autres licences libres, certaines musiques qu’on a diffusées aujourd’hui sont sous licence libre Attribution, c’est-à-dire qu’on attribue, on met les liens, etc.

Alexandre Hocquet : Bien sûr.

Frédéric Couchet : Le temps passe super vite, il nous reste encore dix minutes et quelques, rassurez-vous. On reviendra un petit peu sur le logiciel si on a besoin, mais je voudrais qu’on avance pour être sûr qu’on aborde tous les points qu’on avait prévus. Mélanie a cité plusieurs choses, notamment le Plan de la science ouverte 2021/2024, dont on se rappelle l’objectif : 100 % de science ouverte pour les recherches publiées sur fonds publics. Tu as parlé aussi, peut-être que tu n’en a pas encore parlé mais je vais le citer, le Comité pour la science ouverte dont tu fais partie et dont Roberto Di Cosmo est d’ailleurs l’un des coprésidents, l’autre est François Pellegrini qui est chercheur à l’université de Bordeaux et notamment membre du collège de la CNIL. C’est quoi ce Plan national pour la science ouverte et c’est quoi ce Comité pour la science ouverte ? Quelles sont les relations ? Mélanie.

Mélanie Clément-Fontaine : Ce Plan national pour la science ouverte c’est une démarche de la France de s’inscrire activement dans la science ouverte donc de donner aussi sa vision de ce que devra être la science ouverte. Il faut savoir que la France est prise dans un mouvement européen, dans son programme l’Union européenne s’est engagée à promouvoir la science ouverte, c’est un mouvement mondial, avec les autres États il y a des accords multilatéraux pour la science ouverte. La France, elle, a voulu se positionner et, pour cela, a créé ce Plan national en 2018 pour accompagner ce mouvement. Là on est dans la deuxième phase, c’est le deuxième Plan national pour la science ouverte qui couvre la période 2021/2024 et qui vise à généraliser les pratiques de la science ouverte, à partager et ouvrir les données de la recherche. La promotion des codes sources produits par la recherche a été ajoutée dans ce programme.
Initialement ce Comité national était composé, et est encore composé, de quatre collèges : un collège concernant les données de la recherche, un deuxième sur les compétences et la formation, un troisième sur les publications et enfin le collège européen et international. Le groupe de travail auquel je participe va être transformé en un collège intitulé « codes sources et logiciels » parce qu’on voit que les logiciels ont finalement une place essentielle dans la science ouverte en tant qu’outil et puis en tant simplement qu’objet de cette recherche.

Frédéric Couchet : D’accord. Tu voulais réagir Alexandre ?

Alexandre Hocquet : Ça me paraît une excellente définition.

Frédéric Couchet : D’accord. C’est ce comité qui est en charge de faire le choix pour le prix dont on parlait tout à l’heure de la science ouverte, du logiciel libre et des données de la recherche ?

Mélanie Clément-Fontaine : C’est ce groupe qui a créé ces prix, ils sont quatre. C’est une initiative qui va être reconduite tous les ans, qui va être suivie par le collège avec cette idée de vraiment mettre la lumière sur des beaux projets qui montrent le dynamisme qu’il y a dans ce domaine et qui donnent aussi l’exemple pour d’autres projets. Par ailleurs, ces derniers mois, en janvier et février, ont été organisés des ateliers où on a invité les personnes à nous dire les points sur lesquels il leur semble important de travailler. Nous avons une feuille de route au sein du collège du code source et du logiciel libre. Évidemment ces informations, toutes ces données qui vont être présentées le 3 février prochain dans le cadre des Journées européennes de la science ouverte vont nous indiquer quels sont les ateliers sur lesquels on va plancher plus encore.

Frédéric Couchet : D’accord. Ça donne l’occasion, mais on n’a pas fini, de préciser que les Journées européennes de la science ouverte devaient avoir lieu initialement en présentiel complet à Paris. La plupart des intervenants et intervenantes seront à Paris mais ce sera diffusé en distanciel. Vous retrouverez les références sur le site libreavous.org. Il y a notamment des conférences le vendredi 4 et le samedi 5 février. Peut-être beaucoup de chose en anglais, je ne sais pas s’il y a aura des interventions en français, Mélanie dit que oui. Ça va couvrir beaucoup de sujets, il y a une partie logiciels, il y a évidemment une grosse partie, je suppose, autour des médicaments, de la pandémie, etc. Je pense que Roberto Di Cosmo ou peut-être François Pellegrini devraient intervenir. Mélanie, est-ce que tu interviens ?

Mélanie Clément-Fontaine : Non, ce n’est pas prévu. Je participe à un atelier.

Frédéric Couchet : En tout cas n’hésitez pas, c’est visible en ligne. Je ne sais pas si les vidéos seront disponibles après.

Alexandre Hocquet : Je crois que si, je pense qu’il y a aussi une traduction simultanée pour ce qui est en anglais. Je crois, c’était comme ça les autres années.

Frédéric Couchet : J’ai une question sur le salon web, je pense que c’est pour toi Mélanie – je rappelle, site causecommune.fm, bouton « chat », salon #libreavous, n’hésitez pas à venir, il nous reste quelques minutes. Je lis texto la question : est-ce que les délires marketing, « basés sur la science » — entre guillemets — pendant la pandémie de Covid 19 ont eu une influence sur le travail du Comité pour la science ouverte ?

Mélanie Clément-Fontaine : Je ne sais pas de quels délires marketing il s’agit.

Frédéric Couchet : La propagande, apparemment, je ne sais pas exactement de laquelle il parle.

Mélanie Clément-Fontaine : Je ne sais pas. C’est trop vague.

Frédéric Couchet : J’encourage la personne, Shinobi, à préciser, c’est trop vague.

Mélanie Clément-Fontaine : Ce qui est certain c’est que tous les débats qu’on a sur la désinformation motivent à encourager la science ouverte. Par science ouverte on entend quand même la diffusion de travaux de qualité. Ce n’est pas parce que c’est de libre accès et qu’on encourage les chercheurs à publier directement leurs recherches que cette recherche est de mauvaise qualité. C’est une recherche faite par des personnes qui passent du temps, qui confrontent leur travail avec d’autres. En tout cas, je pense que dans ce contexte-là c’est extrêmement important.

Frédéric Couchet : Il ne nous reste pas beaucoup de temps, je vous rappelle qu’il y a la dernière question. Alexandre, je vous laisse réagir.

Alexandre Hocquet : La pandémie me fait penser que l’image de la science a radicalement changé, en deux ans, du point de vue du grand public.

Frédéric Couchet : Dans quel sens ?

Alexandre Hocquet : Dans le sens où des tas de gens, les médias par exemple, ont découvert ce qu’est un preprint, ses avantages et ses inconvénients. Avant c’était un objet inconnu du grand public.
Il y a aussi quelque chose qui s’est radicalement passé du point de vue d’une ouverture de la science qui est l’apparition – quelques années avant, mais elles se sont vraiment développées pendant la pandémie – de plateformes qui critiquent les articles scientifiques, comme Pubpeer. Grosso modo Pubpeer est un forum web où chaque fil de discussion est, en fait, un article identifié par son identifiant unique et les gens commentent, par exemple le fameux article de Didier Raoult d’il y a deux ans.

Frédéric Couchet : Je m’étais dit qu’on arriverait à faire une émission sur la science ouverte sans prononcer ce nom. Eh bien non !

Alexandre Hocquet : C’est effectivement un épisode important. Cet article a été critiqué par des tas d’horizons différents, statistique, éthique, etc., pas simplement une communauté. D’autre part Pubpeer est quelque chose qui a fait tomber des têtes. Par exemple la manipulation d’images sous Photoshop. C’est une utilisation classique du logiciel qui peut aller du simple embellissement jusqu’à une fraude manifeste. Des tas d’articles scientifiques sont tombés parce que des gens ont repéré des retouches d’images, c’est devenu faisable, même pour un amateur, de voir ce genre de choses. Au CNRS des têtes sont tombées, donc au CNRS ils n’ont pas une bonne image, au point de vue science ouverte, de ce que représente cette plateforme.

Frédéric Couchet : J’imagine ! Ils n’ont pas l’habitude !

Alexandre Hocquet : C’est une forme radicale d’être ouvert, ce qui peut être critiquable : n’importe qui peut dire n’importe quoi, peut se venger de quelqu’un, etc., un peu aussi comme dans Wikipédia.

Frédéric Couchet : D’accord. Je vois que tu aimes bien l’analogie avec Wikipédia.
On arrive à la fin de notre échange, on reparlera de ce sujet, on y reviendra, c’est évident. Je vous laisse le mot de la fin sous forme de conclusion soit pour ajouter quelque chose soit plutôt pour dire, en moins de deux minutes, les points essentiels à retenir pour les gens qui nous écoutent. Qui veut commencer ? Mélanie, rajoute un point.

Mélanie Clément-Fontaine : Je voudrais juste rajouter une information. Il y a un appel à manifestation d’intérêt pour rejoindre le collège code source et logiciels, c’est très important parce qu’on veut élargir la communauté des experts qui constituent ce collège. C’est un collège pluridisciplinaire, il y a des informaticiens, des juristes, des économistes de la science, de l’information, etc. Si cela vous intéresse, allez sur le site et répondez à cet appel à manifestation d’intérêt.

Frédéric Couchet : Je vois que ton voisin va sans doute montrer un intérêt.

Alexandre Hocquet : Effectivement, il n’y a pas d’historien !

Frédéric Couchet : Alexandre Hocquet, en moins de deux minutes les points essentiels à retenir selon toi et après on finira avec Mélanie.

Alexandre Hocquet : Pour moi, le besoin de science ouverte s’interprète comme un symptôme que quelque chose, ou plusieurs choses, ne vont pas bien dans les pratiques scientifiques, une crise de confiance. Si on situe, ce ne sont pas les mêmes frustrations d’une communauté à l’autre : en médecine, par exemple, il y a une pression énorme pour échapper aux soupçons de collusion avec des intérêts privés ; en physique des particules il y a des conditions favorables pour un rejet unanime de la domination de la publication par les gros éditeurs, etc. Donc mon point c’est qu’il n’y a pas de solution globale.
En ce qui concerne le logiciel, la communauté la plus visible, celle de l’informatique, a ses propres frustrations comme la question de la reconnaissance de l’écriture de logiciels, de la contribution à un programme, mais le logiciel existe partout en sciences et la question des utilisateurs est souvent oubliée au point d’en arriver à un déni. En grande majorité les logiciels ne seront jamais ouverts et on ne peut pas résoudre la question de la confiance sans tenir compte de ça. Même les développeurs en informatique qui appellent, par exemple, des librairies sont en fait aussi des utilisateurs et ils ont des problèmes d’utilisateurs en plus de leurs problèmes de développeurs.

Frédéric Couchet : Merci Alexandre Hocquet. Mélanie Clément-Fontaine.

Mélanie Clément-Fontaine : Je dirais que la science ouverte c’est l’affaire de toutes et de tous, c’est-à-dire que c’est une opportunité incroyable de partager des connaissances. On a parlé de la publication d’articles qui ont été critiqués. Il faut penser aussi en tant que recherche, c‘est-à-dire que quand on publie ce sont des hypothèses qui sont mises à débat mais à débat constructif, c’est-à-dire qu’on va se répondre, on va, ensemble, former une œuvre évolutive, collective, finalement à l’image des logiciels libres.

Frédéric Couchet : Merci pour cette belle conclusion.
C’étaient Mélanie Clément-Fontaine, professeure de droit privé à l’Université de Paris-Saclay, Alexandre Hocquet, historien des sciences, professeur à l’Université de Lorraine. Je vous rappelle donc que ce week-end, en ligne, il y a les Journées européennes de la science ouverte. Nous mettrons sur le site libreavous.org toutes les références qui ont été citées, ne vous inquiétez pas, vous allez sur libreavous.org, vous retrouverez tout.
Je vous souhaite une belle fin de journée.

Mélanie Clément-Fontaine : Merci de votre invitation.

Alexandre Hocquet : Merci.

Frédéric Couchet : On va faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Après la pause musicale, nous entendrons la chronique d’Isabella Vanni qui échangera avec mohican sur l’organisation d’ateliers d’émancipation numérique.
En attendant nous allons écouter un groupe français que nous aimons beaucoup. Le titre s’appelle L’air de rien, le groupe s’appelle ZinKarO. On se retrouve dans 4 minutes 20. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : L’air de rien par ZinKarO.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter L’air de rien par ZinKarO, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions. Je précise que ce titre a terminé deuxième de l’élection 2021 de Ziklibrenbib, ce site de musiques plus ou moins libres, choisies par médiathèques. Le site a une nouvelle version en cours de mise en place. Vous retrouverez les références sur le site de l’émission, libreavous.org.
Nous allons passer au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Chronique « Le libre fait sa comm’ » d’Isabella Vanni, coordinatrice vie associative et responsable projets à l’April, sur le thème « organiser des ateliers d’émancipation numérique ». Interview de mohican de l’association Libérons les ordis

Frédéric Couchet : Parler d’actions de type sensibilisation menées par l’April ou par d’autres structures, annoncer des événements libristes à venir avec éventuellement des interviews de personnes qui organisent ces événements, c’est la chronique « Le libre fait sa comm’ » de ma collègue Isabella Vanni qui est coordinatrice vie associative et responsable projets à l’April. Le thème du jour : organiser des ateliers d’émancipation numérique avec notre invité mohican de l’association Libérons nos ordis. Je vous passe la parole.

Isabella Vanni : Merci Fred.
mohican tient un blog, Libère ton ordi, qui donne des conseils pratiques et propose des tutoriels pour aider les personnes à libérer leur informatique. Le blog s’adresse principalement aux débutants et débutantes de l’informatique libre. Il y a aussi certains billets qui s’adressent à des personnes qui s’y connaissent déjà et qui sont à la recherche de ressources et de conseils pour faire découvrir, à leur tour, les logiciels libres et leurs enjeux à leur entourage. C’est le cas d’un billet que mohican a publié tout récemment et qui donne justement des conseils sur comment organiser des ateliers d’émancipation numérique. Le billet est plutôt long et articulé. On va essayer aujourd’hui de vous en présenter quelques points essentiels pour vous donner envie, ensuite, d’aller le lire en entier.
Bonjour mohican.

mohican : Bonjour à tout le monde.

Isabella Vanni : Il y a eu un petit blanc, j’ai eu peur, mais tout va bien !
Merci d’être là avec nous. Je te propose de commencer avec un grand classique, une courte présentation personnelle. À toi la parole.

mohican : Donc mohican, ça fait depuis 2015 que je tiens ce blog, Libère ton ordi. C’est d’abord le fruit de ma propre expérience d’avoir aidé autour de moi des gens à s’émanciper, à installer GNU/Linux ou d’autres logiciels libres. Et puis, petit à petit, c’est à disposition de tout le monde pour soit faire soi-même des changements, soit aider d’autres à adopter des solutions alternatives. Ça c’est pour mon blog et, en ce qui concerne l’association, elle s’est structurée essentiellement justement pour faire des ateliers, d’une part, ou pour aider d’autres structures à passer au logiciel libre.

Isabella Vanni : Merci pour cette présentation. On parlait du billet que tu as récemment publié et qui a attiré mon attention, organiser des ateliers d’émancipation numérique, eh bien une question assez simple : qu’est-ce que c’est qu’un atelier d’émancipation numérique ? Comment le définirais-tu ? À qui s’adresse-t-il ? Quels sont les objectifs ?

mohican : Déjà ce sont des ateliers grand public. La grande différence avec un atelier informatique plus classique, c’est que là non seulement on va manipuler, on va installer des applications, on va apprendre à s’en servir, mais il y a aussi une volonté de sensibiliser aux logiciels libres et aux services éthiques. On fait les deux en même temps, c’est-à-dire à la fois quelque chose de pratique et d’utile et on explique pourquoi on fait intervenir, à ce niveau-là, des logiciels libres, en quoi ils vont justement permettre de répondre à ces problématiques.

Isabella Vanni : Est-ce que tu peux nous faire des exemples concrets d’ateliers d’émancipation numérique organisés par ton association ?

mohican : Déjà c’est assez différent si on fait un atelier ponctuel où il n’y aura pas de suite, juste une fois, des gens qui viennent et qui repartent, ou alors si on fait une série d’ateliers où il va y avoir un suivi, donc ce sont plus ou moins les mêmes personnes qui vont revenir soit de jour en jour ou de semaine en semaine.
Si on fait un atelier ponctuel on va essayer quelque chose qui va être immédiatement utile, avec un bénéfice immédiat pour les gens qui viennent. Donc on va faire quelque chose d’assez simple. En général, ça va être sécuriser sa navigation web : changer de navigateur, prendre Firefox notamment, mettre un bloqueur de pub et de trackers et changer de moteur de recherche. Là, déjà, les gens ne verront plus de publicité dans leur navigation web, pour eux ça va être un progrès immédiat, perceptible, palpable. L’autre atelier ponctuel qu’on fait souvent c’est installer Blokada qui est un bloquer de pub et de trackers pour les smartphones, qui va agir sur l’ensemble des applications du smartphone pour éviter qu’elles diffusent de la publicité ou qu’elles vous traquent.

Isabella Vanni : Ça c’est pour des ateliers ponctuels. Tu disais un bénéfice immédiat, il faut que les personnes puissent mettre en pratique tout de suite, qu’elles retournent chez elle avec les changements effectués. Et un exemple de série d’ateliers pour lesquels il faut un peu plus de temps ?

mohican : Les séries permettent de balayer plus d’applications ou plus de logiciels. On peut aller plus loin que ce que j’ai présenté là. On peut s’intéresser aux messageries instantanées, on peut s’intéresser aux applications de navigation géographique.

Isabella Vanni : Le changement de boite de messagerie c’est aussi quelque chose qui intéresse beaucoup les personnes, tu en parles dans ton blog, et là aussi, peut-être, faut-il un peu plus de temps.

mohican : Il faut plus de temps, d’abord parce qu’il faut faire un choix, ce c’est pas nous qui allons l’imposer, on va présenter plusieurs alternatives et les gens vont faire leur choix. Ensuite il va y avoir des choses un peu plus complexes comme transférer ses messages de son ancienne boîte vers la nouvelle pendant une période de transition.

Isabella Vanni : D’après ton expérience quelles sont les conditions qui facilitent la réalisation des objectifs dont tu as parlé, c’est-à-dire à la fois une sensibilisation aux logiciels libres et la satisfaction de besoins concrets ? Qu’est-ce qui marche ? Qui fait que tout cela arrive ?

mohican : Ce qui est important c’est de répondre à un besoin du public. Le besoin du public n’est pas totalement défini au départ, notamment parce que, en général, les gens ne connaissent pas les alternatives, ils ne savent même pas forcément qu’il existe des alternatives libres et ils ne savent pas forcément non plus ce que ça veut dire. Ils peuvent avoir des besoins très immédiats comme ne plus avoir de spam, ne plus avoir de virus, ne plus voir de publicités, ou ne plus être traqué, ça peut aussi être un besoin qui s’exprime parce que, de plus en plus, dans les médias, on parle quand même du fait que les GAFAM exploitent nos données personnelles

Isabella Vanni : Merci. Quelles sont, par contre, les erreurs à ne pas faire ? Que faut-il prendre en compte pour éviter qu’il y ait un couac ?

mohican : Je dirais qu’il faut peut-être éviter de commencer tout de suite par donner la définition de la licence libre et les quatre points de la définition.

Isabella Vanni : Ce que l’April fait quand les gens viennent sur notre stand, mais ce n’est pas le cas des ateliers d’émancipation numérique ! Il faut bien faire la différence !

mohican : Ce n’est pas du tout le même public. Il ne faut pas commencer par quelque chose qui est abstrait, difficile à appréhender et à comprendre. En fait les gens vont comprendre l’intérêt de venir quand ils vont voir l’effet sur leur machine, le fait que ça change des choses pour eux.

Isabella Vanni : D’accord. Tu pars d’un besoin concret, voir les bénéfices et tout de suite expliquer que ces bénéfices sont possibles justement parce qu’il s’agit de solutions libres.

mohican : Libres et éthiques. J’insiste sur le fait éthique parce que, en fait, de plus en plus on a recours à des services internet, le mail mais en fait la plupart des applis sont sur des services internet, donc libre ne suffit pas. Peut-être que ces applis utilisent des logiciels libres, mais ça ne suffit pas ! Encore faut-il que le service soit rendu par un fournisseur qui est éthique, qui assure qu’il ne va pas exploiter les données des gens.

Isabella Vanni : Et c’est le cas, par exemple, des organismes qui font partie du Collectif CHATONS, des hébergeurs éthiques qui ont signé une charte par laquelle ils s’engagent effectivement à ne pas exploiter les données personnelles.
Quelles sont les réactions des personnes qui participent à ces ateliers ? Tu as dit qu’il s’agit de personnes débutantes. Comment réagissent-elles ? Elles sont inquiètes ? Elles se relaxent un moment pendant l’atelier ? Elles sont contentes à la fin ? Elles t’écrivent, elles te recontactent ?

mohican : Ce sont des ateliers collectifs. Ce qui est déjà intéressant c’est que tout le groupe va faire la même chose en même temps, donc ça permet aussi aux gens d’échanger entre eux et, bien sûr, les animateurs viennent voir où ils en sont et les aider. Le fait que ça soit une démarche collective est important. Du coup, même si la personne rentre chez elle après, elle sait qu’elle n’est pas la seule à avoir fait ce choix, à avoir installé ces applications. C’est le point important. Après, bien sûr, on laisse nos coordonnées et parfois des gens nous recontactent plus aller plus loin, ils demandent des conseils, par exemple « maintenant on a fait ça, on voudrait faire quelque chose de plus ».

Isabella Vanni : C’est vrai que ce qu’on appelle l’accompagnement « après-vente », entre guillemets, est important, il ne faut pas que la personne se sente seule, d’autant plus que, comme tu l’expliques bien dans ton billet, ça me fait sourire à chaque fois, un nouveau logiciel installé c’est normalement le suspect numéro 1 s’il y a un souci sur sa machine.

mohican : Absolument, parce que c’est difficile pour les gens qui ne comprennent pas trop comment ça fonctionne de diagnostiquer une panne. Ils vont mettre sur le compte de ce qu’on vient de changer pour eux la première panne qu’ils vont avoir après un atelier, même si ça n’a absolument rien à voir. Là, éventuellement, ça peut être un cas où ils vont me recontacter en disant « nous avons changé ça sur mon ordi ou sur mon smartphone, ça ne marche plus ! ». Là je vais voir avec eux ce dont il s’agit et souvent ça n’a absolument rien à voir avec ce qui a été fait en atelier.

Isabella Vanni : Une autre chose dont tu parles dans ton billet, à part le fait du suspect numéro 1 pour les logiciels, c’est aussi, justement, la résistance au changement, les peurs, les inquiétudes par rapport à ce qui peut se passer et cela est aussi dû au fait que les personnes ne connaissent pas. Nous utilisons tous et toutes l’informatique mais nous ne savons pas vraiment comment marchent les ordinateurs. On prétend que la machine fasse les opérations qu’on lui demande de faire, mais on ne s’intéresse pas à comment cela arrive. Il y a aussi un petit peu un travail de démystification de ce qu’est un ordinateur qui, à la base, est complètement bête, ce sont des humains qui lui donnent les instructions ; tu en parles aussi dans ton billet.

mohican : Pour la démystification, si j’ai la possibilité de faire une série d’ateliers, je vais effectivement consacrer une partie d’un atelier à ça, au début. Une chose déjà importante à montrer aux gens c’est que leur smartphone est un ordinateur, donc faire le parallèle entre les deux pour qu’ils considèrent vraiment cet appareil comme un ordinateur et pas juste comme un téléphone amélioré. C’est un des points importants.
Après, en ce qui concerne la résistance au changement, forcément elle est là, donc il faut que les gens se sentent accompagnés pas seulement le temps de l’atelier, mais qu’ils aient les moyens, ensuite, de demander de l’aide, que ce soit à nous ou à une association près de chez eux.

Isabella Vanni : Très bien. En ce moment c’est un peu plus compliqué d’organiser des ateliers, on est encore en pleine pandémie, ce n’est pas fini, mais on espère qu’on pourra en organiser pleins bientôt et que tes conseils pourront être utiles à d’autres organisations, à d’autres personnes qui voudront aussi organiser un atelier dans leur cercle d’amis, dans leur entourage, pourquoi pas. Il y a des bibliothèques, des associations, qui peuvent mettre à disposition des locaux, ça peut être aussi chez soi.
La question classique que nous faisons à la fin de nos chroniques, le mot de la fin, c’est quel est le message que tu souhaiterais faire passer, l’idée clef par rapport aux ateliers d’émancipation numérique ?

mohican : Déjà je voudrais dire que sur notre blog on retrouve pas mal de ressources, à la page ressources, tous les diaporamas, les déroulés d’ateliers, tout cela est réutilisable.

Isabella Vanni : Sous licence libre ?

mohican : Sous licence libre, donc vous pouvez tout à fait reprendre nos documents et les adapter à votre cas particulier.
Le conseil que je donnerais pour qu’un atelier soit réussi c’est vraiment que les gens repartent de l’atelier avec quelque chose qui leur a apporté un bénéfice immédiat et visible qui va durer dans le temps.

Isabella Vanni : Voilà. Une impression positive tout de suite.
Merci beaucoup mohican pour ta participation à l’émission. Je vous invite vraiment à aller lire l’article en entier.
C’était la chronique « Le Libre fait sa comm’ ». Je redonne la parole à Fred. Merci encore mohican.

mohican : Merci à tous.

Frédéric Couchet : Merci Isabella. Merci mohican. C’était évidemment ta chronique que tu as faite en plus de la régie, « Le Libre fait sa comm’ » avec mohican de Libérons nos ordisblog d’adresse. Toutes les références sont sur le site de l’émission libreavous.org.
Nous approchons de la fin de l’émission. Nous allons terminer par quelques annonces.

[Virgule musicale]

Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre

Frédéric Couchet : Des annonces rapides.
mohican a dit qu’un smartphone est un ordinateur et effectivement ! Pourquoi je dis ça ? Tout simplement parce que le Sénat étudie actuellement une proposition de loi visant à encourager l’usage du contrôle parental sur certains équipements et services vendus en France et permettant d’accéder à Internet, en gros les smartphones, les ordinateurs, les télés connectées, etc. Sans qu’il soit ici question de discuter du fond de la proposition de loi, sa rédaction actuelle pourrait laisser craindre des atteintes à certaines libertés informatiques des consommateurs et consommatrices, notamment la possibilité de vendre ou d’acheter des ordinateurs sans système d’exploitation. Nous avons transmis des propositions d’amendements que vous retrouverez sur note site april.org.
En mars on espère qu’il y aura plein d’évènements en présentiel, notamment pour le Libre en Fête autour du 20 mars, découvrez le logiciel libre partout en France. Les dates retenues pour l’édition 2022 vont du 5 mars au dimanche 3 avril. Le site c’est libre-en-fete.net. Vous pouvez inscrire vos évènements ou retrouvez vos évènements et, s’ils n’ont pas lieu en présentiel, ils auront sans doute lieu en distanciel. On espère qu’il y en aura quand même présentiel.
Le pôle d’expertise logiciels libres d’Etalab, que nous avons reçu récemment dans l’émission, fait une permanence en ligne chaque lundi de 16 heures à 17 heures pour répondre à toutes les questions. La première a eu lieu hier lundi 31 janvier. C’est ouvert à toute personne intéressée, les membres du pôle répondent aux questions. Vous retrouverez les références sur libreavous.org pour rejoindre cette permanence du pôle d’expertise logiciels libres d’Etalab, donc chaque lundi de 16 heures à 17 heures.
Vous retrouverez évidemment sur le site de l’Agenda du Libre, agendadulibre.org, tous les évènements libristes en cours.

Notre émission se termine.
Je remercie les personnes les personnes qui ont participé à l’émission du jour : Jean-Christophe Becquet, Mélanie Clément-Fontaine, Alexandre Hocquet, Isabella Vanni, mohican.
Aux manettes de la régie aujourd’hui Isabella qui a été multitâche.
Merci également à l’équipe qui s’occupe de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang1, bénévoles à l’April, Olivier Grieco le directeur d’antenne de la radio.
Merci aussi à Quentin Gibeaux, bénévole à l’April, qui découpera le podcast complet en podcasts individuels par sujet.

Vous retrouverez sur notre site web libreavous.org toutes les références utiles ainsi que sur le site de la radio, causecommune.fm.
N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu mais aussi des points d’amélioration. Vous pouvez également nous poser toute question et nous y répondrons directement ou lors d’une prochaine émission.

Nous sommes ravis de vous savoir fidèles au rendez-vous régulier avec Libre à vous ! le mardi à 15 heures 30 ou encore en podcast. Antoine de Saint-Exupéry nous rappelle d’ailleurs l’importance des rendez-vous réguliers et des rites. Dans le livre Le Petit Prince, il y a, à un moment, la rencontre du Petit Prince avec un renard. Ils discutent. Le lendemain Petit Prince revient, mais pas à la même heure. Le renard lui dit : « Il eut mieux valu revenir à la même heure. Si tu viens n’importe quand, je ne saurai jamais à quelle heure m’habiller le cœur. Il faut des rites. ». Donc merci à vous pour votre présence.

La prochaine émission aura lieu en direct mardi 8 février 2022 à 15 heures 30. C’est Isabella qui animera le sujet long. Pour le moment on ne sait pas encore quel sujet on abordera. Vous verrez bien la semaine prochaine.

Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 8 février et d’ici là, portez-vous bien.

Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.