Cloud computing Retour vers le futur, OWF 2010

Présentation

  • Titre : Cloud computing Retour vers le futur OWF 2010
  • Intervenants :Nicolas Barcet (Canonical / ubuntu Linux) et Raphaël Ferreira (Enovance)
  • Lieu CNIT de la défense
  • Durée : 13min26s
  • Média : Lien vers la vidéo
  • Date : octobre 2010

Transcription

Philippe Nieuwbourg, journaliste :
Bienvenue sur le plateau télé de l’Open World Forum 2010 ! Nous vous proposons un débat sur un sujet un peu polémique mais c’est moi qui vais jouer le rôle du polémiste. On va parler du Cloud bien entendu. Le Cloud est-il un retour vers le futur ? Et est-ce que le Cloud est une véritable avancée ou la copie conforme de choses qui se faisaient déjà dans le passé ? On va en débattre et parler du sujet avec nos deux invités qui sont juste à mes cotés, Raphaël Ferreira qui est associé chez Enovance, bonjour.
Raphaël Ferreira :
Bonjour.
Philippe Nieuwbourg :
Et puis Nicolas Barcet, Nic sur la carte de visite, extrêmement anglo-saxon « Cloud Solution Lead », il y a quelques années, on aurait dit évangéliste aussi un peu !
Nicolas Barcet :
Ce n’est pas tout à fait mon rôle mais pourquoi pas ! Bonjour Philippe en tout cas.
Philippe Nieuwbourg :
Un peu ça, chez Canonical en tout cas. Bonjour. Alors le sujet en effet « Le retour vers le futur du Cloud », c’est vrai que le temps que j’ai passé sur la conception du musée de l’informatique m’a fait remonter jusqu’aux débuts de l’informatique partagée telle qu’on l’a connue, ce qu’on appelait le « Time Sharing » où on se connectait avec un terminal, qui au départ n’avait même pas d’écran, pour consommer une partie du temps machine d’un ordinateur qui était forcément centralisé, bien avant qu’on ne puisse imaginer l’avoir un jour sur le coin de notre bureau, et finalement quand on regarde un peu le mode de fonctionnement du Cloud aujourd’hui, on est très proche, j’ai l’impression, de ce fonctionnement ancien. Alors est-ce qu’on a progressé en allant vers le Cloud ? Ou est-ce qu’on s’est rendu compte que le PC, le client-serveur et toutes ces architectures lourdes étaient finalement de l’argent jeté par les fenêtres et que le seul bon vieux modèle du Time Sharing des années 70 devait être retranscrit dans le Cloud ? Est-ce qu’on est revenu 30 ans en arrière Raphaël ? Qu’est-ce que vous en pensez ?
Raphaël Ferreira :
Moi, je ne pense pas complètement. Je pense qu’il y a quand même des évolutions technologiques et d’usages. Le modèle que vous avez cité, il y avait quand même une mobilisation forte d’infrastructures centralisées qui souvent appartenaient à l’entreprise qui déployait ce service là. Là, on est quand même sur un modèle plus de consommation à l’usage où l’infrastructure ne nous appartient pas forcément, on ne mobilise pas les investissements pour centraliser et mettre en place l’infrastructure, ça reste tous des utilisateurs, mais on va utiliser ponctuellement des infrastructures de tiers. Et on parle de centralisation, moi je dirais quand même qu’il y a eu une grosse décentralisation puisque les plates-formes cloud aujourd’hui comme Amazon ou Rackspace nous permettent d’avoir des infrastructures aux États-Unis, en Europe, en Asie, pour aller servir des services au plus près des utilisateurs. Donc il y a quand même une décentralisation possible, une distribution plus massive des infrastructures.
Philippe Nieuwbourg :
Tout dépend par rapport à quoi. Par rapport à la situation juste avant, dans laquelle le serveur était dans la salle des machines à l’intérieur de l’entreprise ? Là, on n’est plus sur une forme de centralisation.
Nicolas Barcet :
En fait, si on regarde un petit peu l’histoire de ce concept de Cloud Computing, en fait on se rend compte que c’est une évolution de la notion, ou un renommage de la notion de Utility Computing. C’est-à-dire, l’idée de pouvoir accéder à de la ressource informatique comme on accède à du courant électrique. C’est quelque chose qui date des années 60 en terme d’idée donc ce n’est pas tout nouveau.

La grosse différence entre le modèle centralisé des mainframes d’avant à aujourd’hui, c’est qu’entre temps, il y a eu la révolution du client-serveur, c’est-à-dire de mettre sur des petites machines, pas des mainframes, des capacités de calcul local, c’est-à-dire que chacun a pu faire ce qu’il voulait dans l’environnement applicatif et OS tel qu’il l’entendait et aujourd’hui, quand on parle de Cloud Computing, en fait on permet à chacun d’utiliser sur des ressources partagées ce que l’on veut. On va pouvoir créer des machines et les instancier à la demande, avec l’environnement de son choix. On n’est plus comme dans un mainframe où on était contraint à utiliser Cobol ou un autre de ces langages spécifiques dans un environnement défini, unique, par l’entreprise. Je crois que c’est ça la grosse différence. C’est centralisé mais individualisé.

Philippe Nieuwbourg :
Est-ce que vous êtes d’accord avec cette analyse ?
Raphaël Ferreira :
Je suis complètement d’accord et je dirais même qu’il y a un gros travail aujourd’hui sur les projets sur lesquels on s’oriente, sur l’abstraction totale de l’environnement d’accueil, donc l’abstraction totale des ressources pour qu’elles puissent être provisionnées sur n’importe quel type de matériel, n’importe quel type d’architecture réseau, qu’on s’attache juste à la notion de service rendu, de SLA (Service Level Agreement), d’engagement, mais qu’on puisse installer un petit peu tout ce qu’on veut parce qu’on a une couche d’abstraction des ressources suffisamment avancée pour permettre ça.
Philippe Nieuwbourg :
En même temps en informatique, on est des grands adeptes du balancier. On passe son temps à un coup décentraliser, un coup centraliser, un peu comme en politique d’ailleurs. On a l’impression qu’on ne trouve jamais la solution ultime. Est-ce qu’aujourd’hui, vous avez l’impression que vous seriez prêts à prendre le risque de dire publiquement que le Cloud serait la solution ultime ou est-ce que dans 5 ans ou dans 10 ans, on ne va pas revenir à une forme de localisation plus importante en se disant « Ah mais le Cloud il avait plein d’inconvénients ! » ?
Raphaël Ferreira :
En ce qui nous concerne, chez Enovance, nous, on n’est pas du tout pour le tout Cloud. Pour nous, il y a certaines applications de nos clients qui n’ont rien à faire sur un cloud ou qui ont des besoins que ce soit en termes de sécurité ou de design sur mesure, spécifiques, qui aujourd’hui sont encore difficilement portables sur une architecture cloud. Donc, nous, on est plutôt sur un modèle hybride, avec une réflexion intelligente sur qu’est-ce qui doit être sur une infrastructure plus traditionnelle et qu’est-ce qui peut être porté sur une infrastructure distribuée, décentralisée, de ce type-là.
Philippe Nieuwbourg :
D’accord.
Nicolas Barcet :
Le balancier, on peut toujours penser aux choses de façon dichotomique et dire on est soit à droite soit à gauche ; malheureusement les clients eux sont généralement quelque part au milieu. En ce moment, c’est quelque chose sur lequel il y a des avancées assez importantes. Le Cloud Computing est donc en avant. Mais à partir du moment où on aura résolu tous les petits problèmes d’interopérabilité qu’on essaye de résoudre en ce moment, ce sera passé dans le bien commun et quelque chose d’autre prendra le devant. Ça ne voudra pas dire que les gens ne l’utiliseront plus, ça voudra juste dire que ce sera commun.
Philippe Nieuwbourg :
Si on reprend l’analogie que vous faisiez avec l’électricité, je trouve que c’est intéressant parce que le modèle de production d’électricité, qui au départ était très décentralisé, s’est ensuite centralisé, parce qu’on considérait qu’en effet une centrale nucléaire ou une centrale thermique permettait de produire à moindre coût de l’électricité pour un grande nombre de personnes. Et puis aujourd’hui, on voit parfois revenir de la production locale en disant « mais finalement si chacun a ses panneaux solaires, chacun a son éolienne, sa pompe à chaleur peut-être que l’on est dans une forme plus écologique de production ».
Nicolas Barcet :
Je crois que quand tu as parlé de modèle hybride, on parlait justement exactement de ça. D’ores et déjà, il y a eu une première mise en œuvre du Cloud complètement publique, puis ensuite les gens ont dit « Ah mais non, toutes mes données, je ne vais pas les mettre sur des endroits décentralisés par rapport à mon entreprise ; je dois mettre des choses à l’intérieur de mon firewall ». Donc je fais du Cloud privé. Et puis ensuite, on se dit que ce serait peut-être bien que je puisse accéder tantôt à de la ressource privée, tantôt à de la ressource publique. Là encore, tout n’est pas blanc ni noir. Mettre en œuvre les technologies qui vont permettre aux gens développer les applications qui vont tirer partie de ces architectures hybrides, c’est exactement l’un des grands challenges que nous avons aujourd’hui et dont on va parler dans l’Open Cloud Track.
Philippe Nieuwbourg :
Alors voilà, c’est peut-être ça qui est intéressant de décrire un petit peu plus en détail. Une des grosses problématiques, c’est en effet comment faire cohabiter, faire inter-opérer, l’ensemble de ces applications et de ces infrastructures qu’on va aller acheter ou louer ponctuellement. Et on a l’impression que les fournisseurs de tout ça les ont conçus de manière un petit peu sans penser à ce qu’il pouvait y avoir autour. Est-ce que vous pouvez nous dire un petit peu plus en détails ce qu’est cette initiative Open Cloud et comment est-ce qu’on peut imaginer qu’elle réglera ce problème-là ?
Raphaël Ferreira :
Je pense que c’est quand même en train de s’ouvrir. Aujourd’hui, on voit sur des initiatives comme Open Stack ou d’autres projets, il y a quand même une volonté des acteurs historiques de s’ouvrir, d’être plus interopérables, plus compatibles. En tout cas, nous, sur les travaux Open Cloud sur lequel on est, CompatibleOne qui est un projet de Recherche et Développement, le projet s’appelle Compatible puisque effectivement, c’est l’enjeu qu’on a, c’est de pouvoir avoir une partie privée, une partie publique chez un tiers, une partie publique chez un autre tiers, et de gérer tout ça de manière cohérente et d’avoir des facilités d’interopérabilité. Donc ça, je pense que dans l’Open Cloud, c’est vraiment un des enjeux importants, c’est la cohabitation, la compatibilité pour pouvoir prendre ce qu’il y a de bon à chaque endroit pour tel type d’application.
Nicolas Barcet :
Une chose qui est fondamentale pour les clients, aujourd’hui ils ne veulent plus être enfermés chez un vendeur. Il y a un certain nombre de vendeurs qui sont les dominants du marché qui ont essayé d’enfermer leurs utilisateurs dans leurs modèles en faisant des choses qui ne soient pas avec une base open source. Les initiatives qui visent à ouvrir le Cloud via du Logiciel Libre permettent à terme d’avoir plusieurs fournisseurs fournissant un même type de service qui puisse fournir au client la possibilité de passer d’un fournisseur à un autre de façon complètement libre. Et c’est grâce à ce type d’initiative que les clients pourront s’en sortir à terme. Ces initiatives sont non seulement importantes pour l’entreprise mais aussi pour l’individu. Il y a un certain nombre de projets, de micro-cloud ou de clouds collaboratifs où chacun pourrait héberger ses propres données chez lui tout en participant à un réseau d’échange plus global. Et tout ceci, c’est en fait une bataille entre le monde propriétaire qui essaie de nous enfermer et le monde du Logiciel Libre qui essaie de défendre avant tout les libertés des entreprises et des individus.
Philippe Nieuwbourg :
Qui va gagner ?
Nicolas Barcet :
La liberté, bien entendu !
Philippe Nieuwbourg :
Aujourd’hui vous sentez de la part des utilisateurs une volonté suffisamment importante pour aller dans cette direction là, au risque que ce soit peut-être un petit peu plus compliqué à initier ?
Nicolas Barcet :
Tous les clients avec lesquels nous parlons sont excessivement intéressés. Est-ce qu’aujourd’hui, ils sont prêts à franchir le pas ? Ça va dépendre du cycle de leurs différents projets. Pour vous donner un ordre d’idées, nous fournissons un cloud avec Ubuntu depuis maintenant un an et demi, il y a 200 installations par semaine de ce cloud que nous enregistrons. Donc c’est quelque chose d’assez volumineux !
Philippe Nieuwbourg :
D’accord !
Raphaël Ferreira :
Moi, je suis assez d’accord. Aujourd’hui, tous les clients nous demandent ça : la capacité à ne pas être enfermés chez nous. Nous, on est hébergeur, donc typiquement, les hébergeurs souvent, c’est tout sur leur infrastructure et nous, au contraire, on essaie aujourd’hui de proposer un modèle d’infogérance multi-plate-forme, multi-cloud, pour que le client ait la liberté d’avoir une partie de son patrimoine sur nos infrastructures, une partie de son patrimoine qu’il pourrait garder chez lui mais qui sera info-géré avec le même niveau de qualité de service et des services périphériques de médias et d’images qui seraient sur des clouds publics. Mais tout ça, avec un seul contrat et la liberté, si on est défaillant, d’avoir déjà une partie de ses actifs qui sont répartis et plusieurs prestataires avec qui il peut travailler.
Philippe Nieuwbourg :
Peut-être qu’en effet, la réponse à la question qu’on se posait tout à l’heure, à savoir si c’était le modèle ultime, peut-être que la bonne nouvelle c’est d’avoir dès le départ pensé à ce modèle hybride en n’étant pas en train d’instaurer un dogme, de dire tout doit partir vers le Cloud ou tout doit rester dans l’entreprise. C’est peut-être ça la force de l’intelligence et de la maturité finalement de l’économie des systèmes d’information.
Nicolas Barcet :
Non seulement ça, mais ce que l’on voit aussi, c’est que la plupart des clouds, qu’ils soient propriétaires ou non, s’appuient tous sur des technologies open source. Toutes les applications qui s’appuient sur du Cloud aujourd’hui sont sur des bases de technologies open source. Donc, on n’est plus dans un modèle où l’open source est en train d’essayer de rattraper un leader du marché, mais dans un modèle où l’innovation est réellement faite dans le logiciel libre et les logiciels propriétaires sont en train d’essayer de rattraper cette innovation.
Philippe Nieuwbourg :
Et en tant qu’hébergeur, vous êtes d’accord avec cette idée là ? Aujourd’hui, c’est la force pour un hébergeur de pouvoir accéder à toutes ces briques open-source ?
Raphaël Ferreira :
C’est typiquement l’objet des offres qu’on a lancées cette année. C’est d’être capable d’adresser nos clients en leur disant « Tout ne sera pas chez nous ! En fonction de votre patrimoine, en fonction de vos objectifs, on va travailler là où c’est le plus performant en termes de tarif, de performance, de disponibilité pour vos applications et on va essayer de répartir ça de manière intelligente et pas avoir cette volonté de tout centraliser uniquement sur nos infras ».
Philippe Nieuwbourg :
Donc finalement la conclusion, ce serait que le Cloud serait bien un retour vers le futur, mais un retour intelligent. On aurait profité finalement des enseignements de chacune des étapes précédentes. Est-ce que ce sera le modèle final ? On le verra dans 5 ans si cette vidéo est encore disponible sur l’Internet de dans 5 ans. En tout cas, merci beaucoup à tous les deux. Je vous rappelle que nous avons lancé ce débat avec Raphaël Ferreira, associé chez Enovance. Peut-être qu’on peut donner l’adresse du site web si on a envie d’en savoir plus sur vos offres ?
Raphaël Ferreira :
Facile : www.enovance.com
Philippe Nieuwbourg :
Parfait. Et Nicolas Barcet. On n’a pas beaucoup parlé de Canonical, mais si on a envie d’en savoir un tout petit peu plus ?
Nicolas Barcet :
Le plus simple c’est d’aller sur le site ubuntu.com/cloud, si vous voulez en savoir plus sur le cloud particulièrement.
Philippe Nieuwbourg :
Parfait, merci à tous les deux. Merci à tous de nous avoir écoutés. On se retrouve très bientôt sur le plateau de l’Open World Cloud pour un nouveau débat.

Merci

Avertissement : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant⋅e⋅s mais rendant le discours fluide. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.