Météo, open data et communs numériques

Parlons open data, météo, changement climatique et communs numériques avec l’association Infoclimat. Avec les enjeux climatiques que l’on connaît, le petit monde de la météo et du climat est florissant, à cheval entre utilité publique et business pur et simple qui surfe sur la vague de la science participative et de l’engagement citoyen. Dans ce petit monde, Infoclimat est une association loi 1901 qui tente depuis plus de 20 ans de remettre ces thématiques au cœur de l’intérêt général, par la mise à disposition d’un commun numérique géré de manière désintéressée

Frédéric Ameye : Je suis Frédéric Ameye. Je suis vice-président de l’association Infoclimat [1] qu’on va vous présenter aujourd’hui. Nous sommes tous bénévoles dans l’association, nous avons un autre métier qui n’a rien à voir, dans la vraie vie. Je vais laisser Mathieu se présenter.

Matthieu Ohrel : Je suis Matthieu Ohrel, administrateur fraîchement nommé de l’association Infoclimat,avant, j’étais responsable technique du site. Dans la vraie vie, je fais un métier qui n’a rien à voir avec la météo, mais voilà !, c’est une vraie passion.

Frédéric Ameye : Ça fait 13 ou 14 ans que je bosse pour Infoclimat bénévolement, d’abord en tant que développeur et aujourd’hui en tant que vice-président, mais toujours en tant que développeur du site tel que vous allez le découvrir.

On voulait vous présenter un peu la problématique météo, climat, open data, les citoyens, le business, comment ça s’organise. Voici le titre de la présentation : « Météo, open-data et les citoyens ». On a des mots-clés : utopie concrète et accessible, communs, multiplicité, inclusion, dialogue, humain, transmission. On a voulu rebondir sur chacun de ces mots-clés et expliquer en quoi ce qu’on proposait répondait un petit peu à ces critères parce qu’on se retrouvait particulièrement bien dans le concept. On ne va peut-être pas forcément couvrir le titre, mais on couvrira, à minima, les mots-clés.

Le citoyen en observateur météo

Il faut savoir que l’observation météo était réservée, dans les années 1850 ou avant, à des gens qui étaient un peu érudits : les moines, les instituteurs, qui notaient dans des cahiers qui ressemblaient à ça ; le célèbre mont Aigoual, le mont Ventoux en sont de bons exemples. Ils passaient leurs journées dans des observatoires, ils faisaient des mesures qui étaient très complètes. C’est difficile à déchiffrer mais c’est super intéressant à lire ; c’était la manière dont on faisait à l’époque, dans des cahiers manuscrits. Il y en a plein à la BNF [Bibliothèque nationale de France]. Aujourd’hui des travaux sont en cours pour essayer de les numériser et pouvoir accéder à ces données de manière plus simple.

Ça a progressivement évolué. En 1950, on a commencé à avoir des observateurs bénévoles de la Météorologie nationale, ce qui est aujourd’hui Météo France, qui reportaient, deux fois par jour, leurs observations au service de la météorologie nationale, d’abord sur papier dans des cahiers qui étaient envoyés une fois par mois, après c’était par ligne téléphonique. C’était très asynchrone, pas toujours en direct, c’était un nombre limité de personnes qui étaient généralement un petit peu rétribuées par la Météorologie nationale. C’était dans des bases de données privées, c’est-à-dire que c’était un peu réservé à Météo France, à la Météorologie nationale, ce n’était pas forcément diffusé au public.

Aujourd’hui nous sommes en l’an 2000, un peu plus qu’en l’an 2000, c’est l’heure de l’observation participative, des bases de données libres, des citoyens qui veulent s’impliquer dans la mesure de ce qui se passe autour d’eux. Ça peut être observer « tiens, il y a des flocons aujourd’hui à Lyon », ça peut être aussi mesurer la météo en installant une station météo dans son jardin, parce qu’on s’intéresse à l’évolution du climat ou qu’on aimerait juste savoir si les salades vont geler dans trois jours.

C’est typiquement là où Infoclimat s’est insérée à la fin des années 90, début des années 2000. Un site est créé sur l’Internet, un petit peu balbutiant à l’époque ; Stéphane Bortzmeyer pourra vous parler mieux que moi de l’Internet de l’époque ! Donc on crée un site on va dire d’observation participative, de base de données, de mise en commun d’informations météorologiques et climatologiques. C’était vraiment le point de départ de l’association. Aujourd’hui, c’est allé beaucoup plus loin et on va vous en parler tout de suite après.

Á propos d’Infoclimat

Les trois piliers base de notre asso, c’est ce site infoclimat.fr [1]. C’est une plateforme qui permet de partager les informations de météo à tous. Si vous connaissez OpenStreetMap [2] pour les cartes, vous connaissez Wikipédia pour la connaissance, et bien le truc pour la météo s’appelle Infoclimat. Ça fait plus de 20 ans qu’on existe, c’est 100 % gratuit, il n’y a pas de publicité, pas de trackers c’est hébergé en France, il n’y a pas de GAFAM. Sur ça, on est assez clair, c’est une volonté, c’est un truc qu’on veut faire perdurer dans le temps, ce qui pose d’autres problématiques en termes de revenus, de financement, etc., on en parlera.

Ensuite la science participative. On peut reporter le temps qu’il fait : vous pouvez aller vous inscrire aujourd’hui et publier qu’il neige sur Lyon. On peut inscrire sa station météo et mettre tout ça dans un commun numérique et, derrière, les données peuvent être exploitées par Infoclimat pour en faire une base de données collective et commune qui permet d’exploiter des données pour observer, par exemple, le changement climatique, pour redistribuer les données en open data sous forme d’API [Application programming interface] à des chercheurs, à des gens qui travaillent sur l’étude de panneaux photovoltaïques, sur l’éolien, à des agriculteurs. C’est super varié, plein de gens utilisent les données météo.
Non seulement on essaye de regrouper l’information météo, qu’elle provienne de diverses sources, mais on en produit aussi nous-mêmes, c’est-à-dire que nous ne sommes pas assez contents de l’information qui est disponible, alors nous-mêmes allons installer des stations météo sur le terrain, là où le service public ne le fait pas ou plus, ou là où on trouve que ce serait intéressant d’en installer.

Le troisième volet c’est l’éducation. On a grossi, on s’est dit que ça pourrait être intéressant d’essayer de diffuser ces connaissances-là, en participant à des conférences, en participant à des événements de vulgarisation auprès du grand public. On tient des stands et on explique à quoi sert un modèle météo, à quoi servent des modélisations climatiques, comment marche une station météo, pourquoi on en installe, toutes ces choses-là. Dans les écoles, on a aussi repris un programme qui s’appelle « Météo à l’école », qui avait été lancé par l’Éducation nationale, qui a failli disparaître faute de budget et qui a été repris par notre asso : on installe une station à l’école qui permet de travailler autour des données météo.

Je vais laisser Mathieu vous parler du site.

Matthieu Ohrel : Le site a été créé en 2001. Au début c’était un tout petit site qui était hébergé sur Free, de simples pages perso. Aujourd’hui, Infoclimat c’est plus de 6 milliards de données qu’on stocke, qu’on analyse, qu’on valorise sous forme de graphiques, de cartes. C’est 100 millions de pages vues par 6 millions de visiteurs uniques chaque année. Pour pallier ça, en 2003, les créateurs historiques du site ont créé l’association Infoclimat telle qu’on la connaît aujourd’hui, qui regroupe aujourd’hui plus de 2000 adhérents, puisque nous avons passé, pour la première fois, la barre des 2000 adhérents cette année.

Une des volontés du site Infoclimat c’est de créer, ce que disait Frédéric, un réseau de stations météo, notamment dans les zones où il n’y a plus de station météo, où il n’y a jamais eu de station météo, où le service public fait défaut. Du coup, on a aujourd’hui 726 stations météo qui émettent en temps réel, toutes les 10 minutes, les données de température, de pluie ou de vent.

Notre budget est très modeste par rapport à des grosses structures en France. On a 65 000 euros environ de budget, on a un mécène qui est la CNR [Compagnie nationale du Rhône], donc pas très loin d’ici. Nous sommes à peu près 25 membres actifs qui gérons le site, l’association, dont 12 au conseil d’administration. Aujourd’hui, c’est 100% bénévole, on n’a pas de salarié, c’est sur notre temps libre, nous avons tous un autre travail à côté.

C’est Frédéric qui a développé le site tel qu’il est visible aujourd’hui, plus de 400 000 lignes de code. On a plusieurs partenaires qui sont sensibles à notre cause, comme la CNR, comme Gandi [3], qui nous permet d’avoir notamment des hébergements gratuits. Après, bien entendu, on a réussi à décrocher un partenariat avec Météo France ou l’INRA [Institut national de la recherche agronomique]. Météo France et l’INRA ont des stations météo mais, encore aujourd’hui, ne veulent pas trop faire de l’open data parce qu’ils tirent des revenus de ces produits-là. Plus récemment, nous avons pu échanger avec une autre association que vous devez certainement connaître, Framasoft [4], qui nous a aidés et guidés sur des choix pour le futur de l’association.

Commun

Aujourd’hui, Infoclimat est un véritable commun de données météo qui sont produites par le citoyen notamment via les 726 stations qui sont hébergées, installées par des particuliers ou par notre association. Sur l’open data des données météo la France est un peu la « dernière roue du carrosse », entre guillemets, parce que les pays européens, pour beaucoup, sont à l’open data, fournissent des API pour pouvoir récupérer facilement les données et les données sont libres d’utilisation et de réutilisation.

Nous avons installé, par exemple, une station météo sur le mont Ventoux, qui avait été délaissé. Météo France, faute de budget, avait arrêté la sienne en 1965. L’association a réussi à installer, après trois/quatre ans de démarches et de galères administratives ; installer une station météo sur un site historique comme ça, c’est relativement compliqué pour une association comme nous. En 2015, on a réussi à pouvoir installer cette station au sommet du mont Ventoux et reprendre les données là où Météo France les avait arrêtées.

En plus de celle du mont Ventoux, on a 25 à 30 stations qui sont installées et financées totalement par l’association Infoclimat, dont une installée en Antarctique par du personnel de Météo France. Historiquement, beaucoup de gens de Météo France ont commencé sur Infoclimat. On a réussi à avoir quelqu’un qui a apporté une station météo dans ses bagages, pour l’hibernation, qui l’a installée à côté de la station officielle, à Dumont d’Urville. Du coup cette station émet en temps réel, toutes les dix minutes, sur Infoclimat.

Aujourd’hui, nous essayons de mettre en commun toutes ces données, de les valoriser.

Là, par exemple, il s’agit d’une autre station qui a été délaissée par Météo France, l’observatoire bénévole à Casterino, dans la vallée de la Roya. L’observateur météo bénévole faisait des mesures manuelles depuis 1985. En 2021, Météo France a stoppé les observateurs bénévoles, faute de budget, faute de volonté. Infoclimat a décidé d’installer une station automatisée et nous avons pu reprendre ainsi les données et les avoir en temps réel. Ce genre de graphique nous permet, par exemple ici, de voir les occurrences de chaleur, donc une journée de chaleur qui est supérieure à 25°, et l’évolution dans le temps du nombre de jours de chaleur.

Nous essayons de mettre en forme, par différents graphiques, les données que nous exploitons, afin d’avoir non seulement une donnée numérique, mais une donnée visuelle qui peut être utilisée par tous.

Pareillement, nous avons cet indicateur thermique. Il est utilisé énormément par les thermiciens, par les producteurs d’énergie. Il faut savoir que Météo France fait le même indicateur, sauf que Météo France ne publie pas en open data ses données parce que pour eux, encore une fois, c’est une source de revenus. Cet indicateur nous permet de suivre l’écart par rapport à la moyenne sur toute la France. Une moyenne est faite sur toute la France et nous pouvons voir les jours où il y a des pics : en rouge ce sont les pics forts par rapport à la moyenne et, en bleu, là où il fait plus froid que la moyenne.

Beaucoup de pays européens mettent en open data leurs données. Du coup, nous pouvons réaliser de très belles cartes et nous pouvons suivre les événements lors des descentes de masses d’air froides ou de cumuls, par exemple de pluies, lors des épisodes cévenols sur toute la France, surtout sur le Sud-Est.

On peut montrer ce que donne la France sans les données des stations du réseau Infoclimat, puisque, aujourd’hui, seules 40 stations de Météo France sont en open data ; ici ça représente la France sans les stations Infoclimat ; avec les stations Infoclimat ça donne la carte de droite. Sachant que nos voisins européens — l’Allemagne, la Suisse, une partie de l’Italie qui n’est pas encore sur la carte, mais, aujourd’hui, les données d’une partie de l’Italie sont disponibles en open data. Voilà aujourd’hui, pour la France. Encore une fois on n’arrive pas à avoir ces données qu’on aimerait tant avoir, mais Météo France, pour l’instant, ne veut pas nous donner de marge de manœuvre.

Nous pouvons aussi installer ces stations grâce à des partenariats locaux, par exemple Météo Bretagne, Météo 06. Ce sont des acteurs locaux qui font un peu ce qu’on fait, mais à leur échelle, au niveau local ou alors ROMMA, pour la chaîne des Alpes. Grâce à eux, on peut s’appuyer pour installer des stations, pour trouver des partenariats, des sites, réaliser des conventions afin d’installer des stations météo.

Frédéric Ameye : Certains connaissent peut-être Windy [5], Météociel [6], Weather Underground [7]. Ce sont des sites qui sont très connus. Ce sont des sociétés privées qui font du business là-dessus, qui se rémunèrent sur les données météo qu’elles vous proposent. Vous mettez les données dans leur truc et, en fait, c’est un peu comme Google Maps, elles se rémunèrent sur la revente de services à d’autres boîtes. C’est utilisé pour des revenus publicitaires et ce sont des alternatives qui sont verrouillées, c’est-à-dire que le jour où ils décident d’arrêter la boîte, les données sont perdues.

L’intérêt d’Infoclimat, ce qu’on essaye de faire depuis 20 ans, c’est que ce soit collectivement géré et que ça puisse être soutenu par ses adhérents et par sa communauté ; que ce soit le plus contrôlé par les personnes qui font un don et qui cotisent, et que ce ne soit pas contrôlé de manière à générer du business, à être business oriented comme on le voit sur toutes ces alternatives, il y en a plein d’autres. Weather Underground, par exemple, appartient à IBM ; ce sont des grosses boîtes, des multinationales des médias, etc.
C’est quelque chose qui nous frustre beaucoup, parce que, parfois, on arrive à des situations ubuesques : Météo France revend ses données, qui ont été produites avec un petit peu d’argent public, à ces acteurs-là et, derrière, ces acteurs font des revenus avec les données de Météo France qui ont été payées par nos impôts. Et nous, Infoclimat, qui sommes une association d’intérêt général à but non lucratif, qui essayons de mettre tout ça à disposition des simples citoyens, on n’a pas accès à ces données parce qu’il y a des redevances de plusieurs centaines de milliers d’euros par an à payer ; c’est 200 000 euros à payer à Météo France par an si on veut accéder aux données du réseau complet, c’est inabordable pour une association comme la nôtre.

On essaie de pousser à ce que tous les acteurs aillent dans cette direction de la donnée ouverte, en les incitant à une espèce de cercle vertueux. On dit aux acteurs qui mettent des stations météo — ça peut être des services de l’État, des chercheurs, des entreprises privées — « OK, vous pouvez mettre vos données dans notre commun, sur notre plateforme, vous avez tous les outils climatologiques, cartographiques, etc. Par contre, vous les mettez dans des licences ouvertes, sinon on ne vous propose pas la possibilité de les héberger sur la plateforme. »

Les données des stations météo qu’on installe sont, de départ, sous licence Ouverte Etalab [8]. Elles peuvent être réutilisées derrière dans des API. On propose une série de licences aux gens qui mettent leur station météo dans leur jardin et qui veulent s’inscrire sur Infoclimat, ce sont des licences Creative Commons. On peut discuter du choix de la licence, mais ce sont des licences Creative Commons, pour pouvoir filtrer : est-ce que j’utilise un usage non commercial ? Est-ce que j’autorise des boîtes privées à utiliser mes données pour faire des produits à valeur ajoutée ? On essaye d’avoir une granularité à ce niveau-là pour respecter le choix des gens qui produisent de la donnée météo. En tout cas, notre objectif c’est de pousser à ce que les données soient complètement ouvertes.

On a beaucoup parlé de données météo, mais c’est aussi un commun photographique : on a une base de données de photographies de plus de 200 000 photos. Les gens prennent régulièrement des photographies du temps qu’il fait, à Toulouse mais aussi un peu partout en France. Elles sont très utiles aussi pour l’éducation, typiquement pour faire des quiz avec les jeunes : quel est ce phénomène ? À quoi est-il dû ? Pourquoi ça se multiplie ? Etc. Et, de la même manière, c’est très utilisé à l’ENM [École nationale de la météo], par nos collègues officiels, pour former les étudiants aux types de phénomènes, types de nuages, etc. Ils les utilisent dans des bouquins, dans pas mal de publications. Là encore, les gens ont le choix de la licence qu’ils veulent pour leurs photographies.
Vous en voyez peut-être certaines dans les médias, puisqu’on a aussi des partenariats avec France TV, BFM, ITélé, les grosses chaînes de télés qui peuvent les reprendre uniquement dans les bulletins de télévision. Il n’y a pas de notion financière, c’est un partenariat. On cite la source et, en échange, vous avez la photo, si la licence est correcte pour afficher sur le bulletin, si les auteurs sont d’accord.

Multiplicités

C’est aussi une grande base de connaissances autour de la météo. Quand vous avez une question sur une problématique technique météo, vous tapez dans votre moteur de recherche favori, vous tombez régulièrement sur le forum d’Infoclimat, dans ces trois millions de messages aujourd’hui qui parlent de tout : des problématiques techniques, des problématiques d’instrumentation, de mesure... Même nous, quand on se pose des questions, en fait, on s’aperçoit qu’il y a déjà la réponse dans notre forum. Pareil, c’est super utile pour plein de gens, les profs qui veulent faire des activités autour de la météo, etc.

Mathieu vous l’a un petit peu dit tout à l’heure : on essaye de mutualiser tout ça dans un écosystème d’associations qui travaillent comme nous. On les a citées : Météo Bretagne, une association italienne qui s’appelle MeteoNetwork qui fait pareil, des Réunionnais, des gens qui viennent du 06, des Pyrénées, des Alpes, donc tous ceux qui produisent de la donnée météo, qui ont ce même état d’esprit de partage, de respect de la licence et d’open data et qui intègrent aussi des stations de bonne qualité de mesure, c’est un sujet que je n’ai pas abordé, mais on l’abordera peut-être. On essaye de les soutenir soit par des projets qu’on cofinance entre nous, soit par des soutiens financiers. On leur fait un gros don chaque année pour qu’ils puissent installer plus de stations météo ou par de la fourniture de services techniques, d’hébergement de données, de cartographie, etc.

Multiplicité, pourquoi ? On l’a dit tout à l’heure, on a parlé de partenariats avec des associations régionales qui sont du même monde, mais on essaye aussi de voir comment on peut travailler avec les gens qui partagent les mêmes valeurs que nous. Typiquement nous nous sommes orientés vers Framasoft pour comprendre comment on allait pouvoir évoluer. Framasoft est une association qui a 10 salariés et nous n’en avons aucun. Ça nous pose concrètement un problème de bénévolat, je ne vais pas vous dire que tout est rose. On a voulu chercher comment se réinventer. On a pris contact, un peu aussi grâce à Gandi qui nous a orientés vers les gens de chez Framasoft, pour voir comment ils ont évolué, comment ça se passe pour faire grossir une association en ne reniant pas ses valeurs et c’est vachement compliqué à faire. On essaye d’organiser des petites visios pour se synchroniser sur notre évolution, comment faire, on en reparlera un petit peu tout à l’heure.

Avec Gandi c’est pareil. Outre le don de capacités informatiques dont Mathieu vous parlé tout à l’heure, ils nous ont permis aussi, par exemple, d’organiser des hackathons avec des écoles d’ingénieurs en informatique, en l’occurrence l’ESGI [École Supérieure de Génie Informatique], pour faire travailler un petit peu les étudiants sur ce qu’on pourrait améliorer sur Infoclimat. Les étudiants trouvent ça super cool, parce qu’habituellement ce sont des grosses boîtes qui viennent les voir et qui leur disent : « Voilà un gros set de données, travaillez dessus gratos pendant deux jours et on réutilisera votre truc derrière pour notre business ». Là, ils étaient très rafraîchis de voir que c’était pour une asso à but non lucratif, que ça avait un peu plus de sens et que ce n’était pas pour rémunérer les actionnaires. C’était plutôt intéressant à faire. On remarque quand même la petite déformation professionnelle des étudiants en marketing : ils nous ont appelés « clients », ça nous gêne un petit peu d’être appelés des clients, mais bon !

Ça peut être aussi des multiplicités avec des acteurs privés, des gros acteurs privés, parce que la CNR [Compagnie nationale du Rhône], un producteur d’hydroélectricité et d’énergie éolienne, c’est plusieurs milliards de chiffre d’affaires par an. C’est un mécène d’Infoclimat, ils nous donnent 10 000 euros par an, parce qu’ils sont intéressés à ce qu’on continue notre activité d’installation de stations météo. Avoir de la donnée en open data sur le bassin versant du Rhône permet de calculer des trucs au niveau des barrages hydroélectriques ; avoir des données de vent, c’est super intéressant pour des calculs d’exploitation d’énergie éolienne. Donc ils ont trouvé ça intéressant et ils ont dit on va donner une partie de notre argent — on en a beaucoup — à une association à but non lucratif.

On essaye de favoriser ça dans le respect de nos valeurs, parce que, typiquement, si c’est Total, on dira probablement non.

Et puis avec les institutionnels. On a parlé de la Météorologie nationale tout à l’heure, Météo France historiquement, on a un partenariat avec Météo France depuis 2009. C’est assez difficile parce qu’ils ont des contraintes budgétaires très importantes, ils ne partagent pas grand-chose, comme Mathieu l’a dit, parce que c’est un business pour eux. Néanmoins, il nous aident quand même pas mal sur l’aspect éducation et formation, pour former nos bénévoles, pour nous aider à qualifier du matériel, pour nous aider dans l’installation, dans le choix de la configuration de matériel. On les voit quand même assez régulièrement pour nous faire des formations, deux fois par an dans des rencontres météo. Sur cet aspect-là, c’est vraiment très intéressant. Par contre, sur l’aspect données, il n’y a rien !

On participe également à un truc qui s’appelle le Conseil supérieur de la météorologie, une espèce d’instance qui regroupe tous les acteurs de la météo en France : ça peut être la DGAC [Direction générale de l’Aviation civile], Météo France, les militaires, l’éducation, tout ça. Nous représentons les passionnés, les bénévoles, les gens dont ce n’est pas le métier de faire de la météo et qui, pourtant, ont une action forte dans ce domaine-là et, parfois, font même mieux que les acteurs officiels publics.

Et puis aussi ceux qui nous gouvernent : les ministères sont aussi en capacité d’aider à trouver des moyens pour que l’État puisse favoriser ces activités, on est d’intérêt général, on participe au service public. On a récemment présenté à la ministre de la Transformation publique, qui est aujourd’hui occupée à d’autres tâches, notre initiative, parce que nous avons été retenus dans un truc qui s’appelle l’Accélérateur d’initiative citoyenne [9]. Ils se sont dit « l’État a des données publiques, les citoyens font des trucs avec les données publiques, ça peut être intéressant de favoriser les liens entre les deux ». Pour l’instant, ça n’a pas donné grand chose, c’est en cours d’évaluation. Ce sont des choses qu’on suit quand même parce que c’est important. On peut être d’accord ou pas d’accord avec ce qui est fait, mais c’est important d’y mettre un pied et de montrer que l’on s’intéresse au sujet, qu’on a des demandes et qu’on a des choses qui peuvent être faites.

Et puis aussi avec ceux qui ne sont pas encore dans cette liste, mais qui sont l’avenir de la donnée météo, notamment les chercheurs. Les chercheurs ont beaucoup de problématiques d’hébergement de données météo, de création de plateformes. Ils produisent de la donnée, ils installent des capteurs un peu partout, notamment pour ce qu’on appelle les îlots de chaleur urbain, c’est mesurer les températures dans les villes et voir comment ça va évoluer avec le réchauffement climatique. Aujourd’hui ils sont un peu en peine parce qu’ils doivent créer des plateformes, ils doivent créer des bases de données. Ils font appel à des sous-traitants et puis, quatre ans plus tard, il n’y a plus de budget pour le projet de recherche, la plateforme disparaît et les données disparaissent avec. C’est une catastrophe, on trouve que c’est super dommage. On est là depuis 20 ans, on aimerait bien leur proposer nos plateformes pour qu’ils puissent héberger leurs données, qu’elles restent dans le temps, qu’elles restent pérennes. Parce que, aujourd’hui, vous avez des liens dans des papiers de recherche, vous cliquez et puis le site ne marche plus parce que le truc n’est plus hébergé, il n’y a plus de budget. On le voit très souvent depuis des années, c’est une catastrophe !

Je vais laisser Mathieu vous parler de notre site.

Inclusion

Matthieu Ohrel : Avant d’être un gros hub de données, il y a aussi des relations, nous sommes tous passionnés, nous sommes un groupe, nous sommes connaissons tous plus ou moins. Aujourd’hui nos adhérents ont de 7 ans, le plus jeune, à 91 ans. Celui de 7 ans a adhéré avec ses parents, mais il tenait à soutenir nos actions. La moyenne d’âge est élevée, elle est aujourd’hui autour de 55/60 ans. Que les gens aient une station météo et des connaissances ou que ce soient des chercheurs aguerris, bien entendu tout le monde est le bienvenu, il n’y a pas besoin d’avoir un minimum requis pour s’inscrire sur Infoclimat, des gens de tous horizons peuvent échanger vraiment sans aucun problème. Certains ont commencé sans aucune connaissance et ont fini ingénieur chez Météo France.

Frédéric : Mathieu est soudeur, mois je suis ingénieur en informatique.

Matthieu Ohrel : On a vraiment des horizons variés : il y a des gens qui bossent chez Orange, des gens qui sont boulangers.
Voilà une photo qui a été réalisée chez Météo France. On fait régulièrement des rassemblements, ce que disait Frédéric, on se rassemble deux fois par an tous autour de notre passion. On propose des activités, souvent dans la région où on est, avec Météo France notamment. Quand on était au Col de Porte, on a eu un cours sur la nivologie. On essaie, à chaque fois, de trouver un thème qui peut correspondre aux adhérents et au moment où on se rencontre.

Frédéric l’a dit aussi, on participe à beaucoup de manifestations liées à la vulgarisation météo. On participe à la Fête du Vent à Marseille, on participe à la Nuit Européenne des Chercheur.e.s, au Festival international de la Météo. À chaque fois on essaye de montrer aux enfants, de manière ludique, certains phénomènes météo, on essaye même de répondre à toutes les questions liées à la météo, que ce soit la prévision, la climatologie, la mesure, l’instrumentation.

C’est le cas dans le cadre des [10]. Les élèves font des petits projets, on monte des groupes de travail et on les aide à faire leur projet et à le présenter à un jury. Infoclimat participe à cette rencontre dans le but d’aider les élèves à présenter leurs projets.

Ici c’était une intervention au Forum International de la météo et du climat [11]. Pareil, on présente l’association, nos activités, ce qu’on fait. On essaye de sensibiliser les gens également aux changements climatiques, aux enjeux.

Dialogue

Ce matin nous sommes avec vous puis, cet après-midi, nous aurons une AG, notre assemblée générale annuelle, nous serons en visioconférence. On essaye de la faire en présentiel tant que possible. Ces dernières années ça a été compliqué avec la covid. Avec 2000 adhérents, c’est compliqué. On a souvent eu du mal à avoir le quorum, avec 2000 adhérents le quorum est de plus en plus compliqué à avoir, du coup on va se baser, pour les années à venir, sur du mixte, faire du présentiel avec de la visioconférence, comme ça s’est vachement démocratisé ces dix dernières années ; toutes nos réunions sont faites en visioconférence en ce moment. On s’est rendu compte que ça nous permet d’être plus réactifs sur certains sujets que d’attendre de nous réunir en présentiel.

Frédéric Ameye : Surtout là où avant on avait une cinquantaine de votes maximum, aujourd’hui on en a 1000. C’est plus facile d’inclure les adhérents et de les faire participer à la vie de l’association ; quand on est répartis sur toute la France, on ne peut pas dire aux adhérents « venez tous à Paris le... ».

Matthieu Ohrel : Avant on faisait le vote en présentiel. Aujourd’hui, on a complètement dématérialisé, le vote est en ligne, les gens ont 15 jours, trois semaines pour voter. Toutes les questions sont posées, ils ont tous les éléments et peuvent reprendre le vote à n’importe quel moment. Ça leur laisse aussi une certaine latitude et ça nous permet de toucher justement plus de gens. Aujourd’hui 1000 personnes ont voté les 15 derniers jours sur les 2000 adhérents que nous sommes.

Humain

Avant tout c’est de l’humain, c’est un groupe d’amis, de copains. On s’organise, comme pour l’installation de la station à Casterino, dans la vallée de la Roya, qui a été dévastée par la tempête Alex. Les routes étaient coupées, on n’a pas pu finir le chemin en voiture, du coup on a fini à pied. Il y avait la station météo, de la gaine, plein de choses à emporter, 5/6 km aller-retour par contre dans la montagne, ce n’est pas un profil plat comme au centre-ville de Lyon, c’est plus escarpé.

On est vriament sur toute la France : à Paris, en Alsace, dans le Sud, Sud-Ouest. On échange tous ensemble sur notre forum et ça se passe globalement de bonne manière.

Frédéric Ameye : On a pas mal de Belges aussi, surtout des francophones, des Wallons, parce que le site est principalement francophone.

Transmission

Frédéric Ameye : On parlait tout à l’heure de dialogue, dans le #transmission on a mis des trucs un petit peu liés à ça aussi : essayer de faire participer les jeunes à ça et leur faire comprendre. Ils sont généralement plus sensibilisés que les plus vieux, c’est-à-dire que c’est plus facile d’expliquer aux jeunes le changement climatique, comment ça marche, qu’à certaines personnes qui sont parfois moins sensibles à ce sujet-là. C’est toujours rigolo d’apporter une station météo et d’expliquer, de démonter : ça ce sont les capteurs, vous pouvez souffler dans l’anémomètre, comment ça marche, la mesure des précipitations, etc.

Ce qui est intéressant aussi c’est la reprise de l’initiative « MÉTÉO à l’École », une initiative qui avait été lancée par le ministère de l’Éducation nationale et Sciences à l’école, qui a failli disparaître faute de budget. On nous a dit : « Ça va disparaître, que fait-on ? ». On a dit « on va vous l’héberger à nouveau, on va le mettre sur nos serveurs. On va recoder ce qu’il faut pour que ça marche, on va remettre les fiches pédagogiques derrière, les données, etc. »

C’est pareil, ce sont des choses qu’on fait de manière complètement bénévole, sans un centime d’argent public, en tout cas pour l’instant, et qu’on continue pour essayer de faire comprendre les enjeux de la météo et du climat, pourquoi on fait ça et à quoi ça sert pour le futur, pour analyser ce qui va nous arriver dans les années à venir et comment ça a évolué. On a vu tout à l’heure le très beau graphique de Casterino, la courbe qui monte. Les courbes ne font que monter, dans pas mal d’endroits, c’est important de le mesurer, y compris dans les milieux de montagne et les milieux urbains où c’est particulièrement sensible.

Il y a aussi la transmission intergénérationnelle, j’ai trouvé ça touchant : l’ancien observateur bénévole de Météo France, à Casterino, était isolé dans sa vallée, ils sont quatre habitants au fin fond de la vallée. Il était très touché que l’on s’intéresse à lui, que nous, association, on lui automatise son poste, hébergé depuis des années et des années par Météo France qui ne s’intéressait plus trop à lui. Il était un petit peu triste. De temps en temps il envoie des messages, il dit : « Venez chez moi, j’ai le pluvio, etc. » C’est cet humain qui est intéressant dans cette aventure qu’on a lancée, c’est de pouvoir refaire le lien un petit peu entre tous ceux qui produisent de la donnée, qui la consomment, qui vivent de leur passion ou qui sont juste intéressés, comme ça, parce qu’ils ont un besoin ponctuel pour installer des panneaux solaires sur leur maison, pour faire des études sur leur parcelle de vigne ou des choses comme ça.

Utopie concrète et accessible

La dernière prhase : utopie concrète et accessible. En quoi c’est une utopie ? On vous l’a dit, on est 100% bénévole, ça fait 20 ans qu’on fait ça. On a un site qui a 100 millions de pages vues par an, avec 40 000 euros de budget en 2020. Généralement, quand les gens qui nous connaissent visitent le site, ils pensent que c’est une entreprise et disent : « Ah bon ! Comment faites-vous ? Ce ne sont vraiment que des bénévoles ? Vraiment ? ». Ou alors vous avez des grosses multinationales dont c’est le business de faire de la météo, ou des gens qui ont besoin de la météo pour leurs activités stratégiques parce qu’ils vendent la production d’électricité ou parce qu’ils font de l’agriculture à l’échelle industrielle qui vous disent : « On ne comprend pas, vos outils sont mieux que les nôtres, comment ça se fait ? »

C’était le cas aussi de Météo France, il y a quelques années. La première source de connexions à Infoclimat, c’était les agents de Météo France, depuis leur réseau interne, parce qu’ils n’avaient pas, en interne, des outils aussi bien faits que ceux d’Infoclimat, alors que c’est leur métier de faire des outils pour ça ! La situation s’est un peu résolue aujourd’hui, Météo France a un petit peu corrigé le tir, n’empêche que sur bien des outils destinés au grand public, aux profs et aux gens qui sont un peu plus que le grand public, Infoclimat reste une référence en termes d’outils proposés.

Cet aspect-là, je vous ai mis « haussement de sourcils ministériel ». Il y a trois semaines je suis allé présenter Infoclimat dans le cadre de cet Accélérateur auprès de la ministre ; elle a fait une tête quand on lui a dit qu’on était 100% de bénévoles, qu’on avait 40 000 euros de budget et qu’on avait un site avec 100 millions de pages visitées par par mois !

Pourquoi c’est concret ? Ça fait 20 ans qu’on travaille bénévolement. J’utilise le mot travail parce que c’est un vrai travail. Des initiatives ont essayé de faire la même chose : des start-ups, des grosses multinationales des médias ; ça s’est cassé la gueule, ça a fait des trucs un peu moins bien, ça a fait des trucs un peu bien. On a vu passer tout cet écosystème. Ça fait 20 ans qu’on est là, qu’on continue, qu’on s’améliore, qu’on prend les retours, qu’on essaye de faire des choses supplémentaires, avec des vrais projets.

On vous a montré deux exemples vite fait de stations météo. Il y a des vrais projets de long terme, des vrais projets du point de vue des activités qu’on peut faire avec des profs et des élèves dans des forums, dans des événements.
On a une communauté qui est plus que jamais impliquée. On a aujourd’hui 2 000 adhérents, 700 donateurs. C’est en hausse régulière ; la croissance exponentielle à l’infini n’est pas possible. On a une communauté qui nous soutient vraiment de telle manière qu’on est confiants pour l’avenir et — on va vous en parler —, on est même en train de recruter notre premier salarié en CDI et ça ne nous pose aucun problème de le faire parce qu’on sait que la communauté sera là pour financer ce poste-là.

Nous sommes reconnus dans l’écosystème météo et climato. Tous ceux qui utilisent de la donnée météo connaissent un petit peu Infoclimat mais ne savent pas forcément comment ça fonctionne, en tout cas, ils sont bien contents de l’utiliser et d’en profiter, sans parfois qu’on le sache. On découvre parfois dans des rapports, dans des trucs internes que les données sont utilisées, parfois dans le respect de la licence, parfois pas.

Public : La ministre, c’était Amélie de Montchalin ?

Frédéric Ameye : Oui, c’est ça.
Par contre, vous ne nous connaissiez peut-être pas forcément avant de venir ici et c’est vrai qu’on a encore des efforts de communication à faire, parce qu’on n’est pas forcément très connus par les gens qui sont hors de la sphère de l’écosystème météo et aussi parce que notre site est un peu compliqué. Il a 20 ans, plein de rubriques se sont enfilées les unes par-dessus les autres. Ce n’est pas forcément toujours très aisé de naviguer dans notre site internet et le fait qu’on soit bénévoles, qu’on travaille comme on peut, c’est un peu la difficulté qu’on a.

Pourquoi accessible ? Je vous l’ai dit tout à l’heure, on est anti-GAFAM, on n’héberge qu’en France, les bandeaux cookies nous saoulent, donc on ne met que les cookies nécessaires pour la connexion et, pour le reste, on ne fait pas de statistiques. Ce n’est pas payant, il n’y pas de pubs. Quand vous scrollez, le site ne vous remet pas en avant 50 fois sur la page, vous n’avez pas de trucs compliqués. On tient vraiment à ce que ça reste comme ça, parce qu’on utilise tous des sites de météo, de cuisine qui sont super mal foutus.

Accessible pour tous, c’est ce qu’on essaye de faire. Initialement, c’était plutôt une initiative dédiée un peu aux experts, aux gens qui étaient quand même dans ce monde de la météo. On essaye de le rendre plus accessible au grand public avec des interfaces qui sont mieux faites, mieux compréhensibles, notamment aux jeunes qui utilisent le site dans le cadre de Météo à l’école, par exemple pour extraire des données, pour faire des rapport autour du changement climatique dans leur endroit favori, etc.
Accessible, parce qu’on tient à ce que ce soit toujours ouvert à tous et contrôlé uniquement par la communauté des adhérents et pas par quelques intérêts privés par-ci, par-là, qui voudraient décider de ce qui se passe et de ce qui fait le futur d’Infoclimat. C’est vraiment le point important pour nous.

Et puis nous sommes tous bénévoles, ce n’est pas toujours facile de réaliser de telles actions de manière 100 % bénévole sur toute la France, en plus ce n’est pas une action localisée, on est répartis un peu partout, ça n’est pas évident. On a mis tous les moyens en œuvre pour augmenter un peu notre budget annuel. Concrètement, on était à 40 000 euros en 2020. Aujourd’hui on est plutôt autour de 90 000 euros, ce qui nous permet de recruter un jeune développeur web full stack, en CDI, avec un salaire très correct. Dans les entretiens, ils nous ont tous dit qu’on proposait un salaire plus élevé que toutes les boîtes qui font du dev, toutes les ESN [Entreprises de services numériques], etc.

80% des gens qui ont postulé nous ont dit : « Je suis à la recherche de sens dans mon travail, c’est pour ça que j’ai postulé à votre offre d’emploi ». Ça nous fait vachement plaisir de voir que la communauté qui a été créée il y a plus de 20 ans et qui, aujourd’hui, a mis les moyens en œuvre, peut recruter une personne qui va pouvoir travailler dans un écosystème qui est très cool, il y a beaucoup de choses sympas à faire dans ce monde de la météo quand on est dev. Cette personne sera encadrée par une équipe de passionnés, de bénévoles, on lui proposera des horaires flexibles pour travailler comme elle veut. Les gens sont vachement sensibles à l’ère du télétravail et de la recherche de sens dans leur emploi ; nous sommes contents d’y participer et moi je suis content parce que ce collègue va travailler à temps plein avec moi et ça c’est cool !

Soutenir

Si vous voulez vous aussi participer à cette aventure, prendre un petit bout du contrôle d’Infoclimat, donner votre avis en assemblée générale, vous pouvez le faire même sans être adhérent, cet après-midi il y a notre AG à 14 heures, c’est en libre accès, vous pouvez poser des questions, etc. Le site de l’association permet d’avoir beaucoup plus d’infos. On a un petit dossier de présentation.

Si vous voulez aller plus loin pour comprendre l’écosystème de la météo, le business autour de ça, l’intérêt que l’observation météo peut avoir pour l’amélioration des prévisions météo, on a fait un très long article chez Framasoft, sur le Framablog [12]. Vous cherchez Infoclimat, vous avez une très longue interview de moi et d’un de mes collègues vice-président.
Nous expliquons notamment pourquoi c’est important d’avoir de la donnée météo en open data : derrière, la donnée peut être réutilisée par les acteurs qui produisent de la prévision météo et de la prévision climatique. Ces acteurs-là, il y en a un, c’est Météo France, c’est l’organisme officiel qui fait tourner des supercalculateurs pour faire les prévisions. Vous avez tous, sur votre téléphone, une appli de prévision et vous avez tous, sûrement, une appli différente, et c’est la même source, c’est Météo France. Et derrière, quelles données d’entrée utilise météo France pour ses modèles de prévision ? Ce sont les données des réseaux de stations qu’elle développe et les données des réseaux de stations que nous développons et que nous essayons justement de proposer à Météo France. Ils ont 1000 stations, on en a 726. L’intérêt c’est de pouvoir doubler cette quantité d’observations à injecter dans les modèles de prévisions météorologiques, dans les modèles de prévisions climatiques, pour améliorer la prévision en général. Ce sont des travaux qui sont super importants. Faciliter l’accès à la donnée météo, c’est primordial pour améliorer la prévisibilité de ce qui nous attend dans les années à venir et il y a des choses qui nous attendent, ça je peux vous le dire !

On a terminé. Ça nous laisse du temps pour des questions. Nous sommes allés assez rapidement sur plein de points. On fait ça généralement en deux heures devant des amphis d’étudiants, donc avec un peu plus de temps pour creuser les sujets. Si vous avez des questions, n’hésitez pas.

Questions

Public : Vous avez une appli sur laquelle on peut aller consulter la data. C’est un modèle un peu comme OpenWeatherMap, avec un nombre limité de requêtage ?

Frédéric Ameye : Oui, c’est limité pour des raisons techniques, le budget de nos serveurs, tout simplement. La seule limitation c’est qu’il faut déclarer si cette utilisation est à objectif commercial ou non commercial ; c’est la seule limitation parce que les licences dépendent de ça. Le reste est ouvert, c’est-à-dire que vous avez une API qui sort toutes les données. C’est limité en termes de quantité de données par requête pour ne pas surcharger le serveur.

Public : C’est une requête à la minute ou à l’heure ?

Frédéric Ameye : Pour l’instant, on ne vérifie pas. On dit juste aux gens de faire gaffe.

Public : Vous avez pas mal d’outils pour la vulgarisation, pour essayer de communiquer avec les enfants, dans les écoles ou les associations. Ces outils sont accessibles sur le site, sur la plateforme ?

Frédéric Ameye : Oui, dans l’onglet « pédagogie ».

Public : La source aussi ? Le code source ?

Frédéric Ameye : Nous sommes effectivement aux Journées du Logiciel Libre, Infoclimat n’est pas en logiciel libre ! C’est très simple, c’est parce que c’est du spaghetti de 400 000 lignes de code qu’on a honte de mettre en open source, qu’on ne sait même pas comment mettre en open source pour que ce soit compréhensible par les gens. Et justement, avoir un salarié, ça va nous permettre, peut-être, d’optimiser un peu tout ça pour faire du truc propre, pour pouvoir le reverser ensuite dans la communauté.
On auto-héberge notre GitLab avec tous les outils qui vont bien pour travailler en interne. Pour l’instant on le garde en interne, parce qu’on sait que c’est un petit peu compliqué. L’objectif, à terme, c’est de pouvoir le mettre en open source.
Par contre, les productions sont en licence Ouverte, généralement la licence Ouverte d’Etalab. C’est un choix, on utilise deux grands groupes de licences : la licence Ouverte Étalab et les Creative Commons, CC BY SA. Je ne sais plus si elle est SA partout ou pas. C’est un sujet un peu compliqué parce que ce n’est pas forcément notre domaine. Des gens essaient de nous aider pour comprendre quelle est la meilleure licence et c’est un sujet très compliqué. On a essayé de faire au mieux de nos capacités, on nous le reproche de temps en temps.

Matthieu Ohrel : On a aussi essayé de faire au plus simple, parce que, derrière, ce sont nos adhérents qui doivent sélectionner cette licence. Par exemple, aujourd’hui, on est plus ou moins obligés de demander de sélectionner un type de licence à la personne qui est juste passionnée de météo ou qui voudrait juste une station météo. Du coup, on a essayé de faire ça de manière simple, parce que commencer avec je ne sais combien de licences ! On essaye aussi de ne pas perdre les gens, ceux qui n’ont pas du tout la notion de licence, de ce qu’est l’open data. On a essayé de faire une explication claire, simple, pour ne pas perdre trop de monde.

Frédéric Ameye : Il y a aussi la pédagogie au sens large, nos propres utilisateurs ne sont pas des geeks habitués à ces sujets. Ce sont vraiment des gens qui produisent de la donnée météo, qui ont une station, qui sont passionnés, qui font des photos, mais qui ne sont pas forcément à l’aise avec ces sujets-là, donc on les accompagne. Pour nous aussi ça a été une découverte, ce n’est pas mon métier d’origine, toi non plus, on a quelques adhérents qui s’y connaissent et qui nous aident. C’est un sujet qui est assez délicat.

Public : Supposons qu’on ait une station météo dans son jardin, c’est important la météo, et qu’on veuille en rajouter une. Si vous avez déjà de la data, est-ce que c’est intéressant d’ajouter une station météo proche d’une autre ? Ou est-ce que vous êtes plutôt intéressé par améliorer la couverture ?

Matthieu Ohrel : Aujourd’hui, on a quand même des zones dites blanches, beaucoup de régions où il y a peu, voire pas du tout de station. Mais aujourd’hui il y a certains secteurs où des particularités peuvent se jouer à moins de cinq kilomètre. Je ne connais pas bien Lyon, vous m’excuserez, mais la météo ne sera pas forcément la même à Lyon 6e qu’à Lyon 3e, je ne sais pas quelle est la distance. Parfois le profil, la géologie ou l’altitude peuvent jouer très rapidement sur un rayon. Je viens d’Alsace, dans un secteur que je connais bien, il fait souvent très froid le matin parce que c’est une cuvette enclavée et, à moins de 10 kilomètres, il fait souvent 10° de plus parce que c’est sur un plateau, c’est en hauteur, c’est exposé au vent ; on est sur deux stations quasi à altitude similaire et à moins de 10 km de distance. En hiver et même en été lors des journées bien chaudes avec des nuits très claires, dans certains secteurs ça va bien se rafraîchir et dans d’autres beaucoup moins, on peut avoir 10° degrés d’écart. Après, dire qu’on va en mettre une tous les 500 mètres, ça va être compliqué. Des fois, à 5/10 kilomètres on peut avoir des écarts conséquents.

Frédéric Ameye : Typiquement on accepte celles qui sont proposées par nos passionnés, là où nous n’irons peut-être pas forcément en installer sur le budget de l’association. Vous voyez qu’on utilise Google pour les outils internes de l’association, pour les <em<slides, pour les drives, pour les mails : c’est gratuit et comme nous ne sommes pas forcément des geeks dans le CA, c’est un petit peu difficile parfois de passer à des solutions libres, il y a des petites frustrations, donc, pour l’instant, on est là-dessus !

Je voulais vous dire que dans les Alpes, par exemple, on a des stations tous les 500 mètres le long du versant et ça ne pose pas forcément de problème. Par contre, pour l’achat de stations avec le budget de l’association, on va plutôt essayer de couvrir les endroits où il a des trous et où ça parait pertinent d’un point de vue météo et climatique.

Public : Sinon, si ça n’est pas forcément pertinent, ça sera sur le budget de la personne, en fait.

Frédéric Ameye : Oui, dans ces cas-là c’est à l’initiative de la personne.

Public : Combien coûte une station météo ?

Frédéric Ameye : Il faut compter un bon millier d’euros. On n’intègre que du matériel de qualité. Typiquement les Netatmo, les petits capteurs WMR d’Oregon Scientific que vous pouvez trouver à Jardiland ne sont pas assez qualifiés et ne donnent pas forcément des bons résultats, ça surchauffe beaucoup, notamment en été. On vous a parlé rapidement, mais il y a un vrai sujet de qualité de la donnée, quand on fait de l’étude de changement climatique. C’est notamment là que Météo France nous apporte pas mal de choses avec son expertise, savoir que tel matériel c’est bon, tel matériel ce n’est pas bon, telle installation c’est OK parce qu’il y a assez d’herbe, les obstacles sont bien comme il faut, etc. C’est une contrainte particulièrement forte, notamment en ville, c’est pour ça qu’on vous parlait tout à l’heure d’îlots de chaleur urbain. En ville, il faut savoir mesurer comment le climat va évoluer avec l’évolution des températures et de l’urbanisme. Ça pose une problématique particulière en termes de mesure parce qu’on ne peut pas faire un parc d’un hectare, ce n’est pas représentatif de la situation. C’est une difficulté habituelle. En tout cas pour installer une station soi-même, perso dans son jardin quand on a la chance d’en avoir un, c’est un millier d’euros, en gros.

Public : Et sûrement avec de la maintenance au bout d’un moment.

Matthieu Ohrel : Oui, tous les ans. C’est souvent du nettoyage. Parfois il y a de la casse au niveau de l’anémomètre ; il y a des questions de sondes de température. Mais, par rapport au coût d’achat initial, l’entretien reste quand même minime. Une sonde de température aujourd’hui revient à 60 euros. Si les coupelles d’anémomètre cassent, on est autour d’une vingtaine d’euros ; par rapport à l’achat initial, ça reste raisonnable. La sonde de température ou les coupelles ne cassent pas chaque année. Des station tournent trois/quatre/cinq ans sans souci.

Public : Comment gérez-vous les différences de qualité ou de fiabilité des mesures de données que vous avez ?

Frédéric Ameye : On a un système qu’on appelle les métadonnées. Chaque donnée de l’API, chaque donnée qui est hébergée sur la plateforme, chaque station est associée à une fiche qualité qui traque l’évolution de la qualité du matériel et de la qualité de l’environnement de la station. Pour chaque donnée vous avez une métadonnée qui vous dit : « OK, la mesure de la température est notée 4 sur 5 parce que la sonde est de bonne qualité, parce que les arbres sont dégagés autour, etc. », vous avez tous ces critères-là. C’est suivi dans le temps par notre équipe de bénévoles qui vont aller dire régulièrement aux gens : « Est-ce que ça a évolué ? Est-ce que vous avez fait votre maintenance ? Est-ce que vous avez changé la sonde ? Est-ce qu’un arbre a poussé ? », des choses comme ça, et c’est suivi dans le temps pour pouvoir justement tracer ça au fil de l’évolution des données. Certaines stations sont depuis plus de dix ans sur Infoclimat, hébergées par des passionnés. L’environnement a eu le temps d’évoluer, les gens ont eu le temps de déménager, ça arrive aussi et ça pose des problématiques particulières. On trace ça et c’est mis à côté de la donnée, parce que c’est super important d’avoir justement cette information-là pour savoir comment faire. C’est bien beau d’avoir du big data et de la donnée en masse, mais, derrière, il faut que la donnée soit un tout petit peu qualifiée et de qualité, et c’est un sujet assez particulier.

Public : Vous avez dit que vous étiez partis en Antarctique. Est-ce que vous avez aussi installé des stations dans les Outremers ?

Frédéric Ameye : Nous ne sommes pas partis en Antarctique. C’est un de nos adhérents de Météo France qui a eu la chance de partir en Antarctique et qui a embarqué une station dans ses valises. On a des passionnés en Outremer, l’un est à Miquelon, pas beaucoup d’habitants à Miquelon ! On a une association partenaire qui est à la Réunion, qui s’appelle MétéoR Océan Indien. Pareil, c’est un petit groupe de passionnés qui font la même chose que nous mais sur la Réunion. On a des Belges, des Suisses, des Canadiens. Je me demande si on n’a pas un Japonais ou des Taïwanais, des Portugais.

Malheureusement, comme le site n’est pas traduit dans d’autres langues, on essaye de propager ça en Europe de l’Ouest, on a des Italiens qui fonctionnent de la même manière, des Portugais. C’est surtout la barrière de la langue qui est embêtante ; un jour on essaiera de traduire un peu le site. En tout cas en France on a les DOM-TOM et, sur les autres DOM-TOM, en Martinique et en Guadeloupe, on n’a pas de stations. C’est dommage, parce que ce sont des endroits où c’est particulièrement intéressant de faire des mesures. Typiquement à La Réunion, d’un versant à l’autre, les mesures de précipitations, c’est du simple au quadruple.

Donc typiquement, sur chaque station, on a une fiche de métadonnées qui récapitule le type de matériel, la licence utilisée — comme je suis administrateur, je peux la changer —, les emplacements successifs, parce que si elle se déplace de quelques dixièmes de degrés, nous, derrière, on produit des interpolations et des petits calculs de contrôle qualité, des choses comme ça, donc, c’est utile de savoir si elle a déménagé, même de quelques mètres. Et puis pour chaque paramètres — température, humidité, vent, cumuls pluviométriques —, on assigne une classe de qualité avec un petit commentaire de chaque modérateur qui dit par exemple « cette donnée n’est pas très bonne parce qu’il y a des ombres portées ».

Public : C’est-à-dire ? La station est dans l’ombre d’un arbre ?

Matthieu Ohrel : Il y a des ombres sur la droite, du coup pas en été parce que le soleil est assez haut, mais en hiver, il y a souvent un branchage assez massif, ça peut faire quelques ombres et un peu fausser. On disait qu’on essaye d’avoir un maillage de stations important, mais on essaye surtout d’avoir des relevés de qualité et on essaye, derrière, de qualifier ces relevés.

Frédéric Ameye : Au point qu’on a des systèmes de restriction. Si la station pète un câble, parce que le capteur ne marche plus bien ou parce que le gars a rentré la station à l’intérieur — ça arrive —, les bénévoles surveillent de près jour et nuit la base de données, sont capables d’aller mettre des restrictions et dire « cette station a un problème, on va avertir le propriétaire, lui dire qu’il y a un souci, lui envoyer un petit mail », et puis, derrière, ses données sont filtrées. Pour l’instant, c’est manuel, on aimerait bien pouvoir, potentiellement un jour, faire aussi des choses un peu plus automatisées. Il y a matière à faire des choses, on peut faire de l’IA si on veut.

Public : Pour la station qui a été rentrée à l’intérieur, c’est un bénévole qui a noté que la courbe avait changé et donc il faut être là tout le temps ?

Frédéric Ameye : Oui, oui ! Le site actualise en direct, parce qu’on sait qu’il faut être là tout le temps. Les passionnés sont vraiment à fond. Quand il neige, je pense qu’il y en a plein qui ne vont pas dormir.

Matthieu Ohrel : Il y en a qui se lèvent à 3 heures du matin parce qu’il va y avoir des orages, d’autres parce qu’il va neiger. Et le matin, on a tout un tas d’infos très fraîches ou très pluvieuses, on contrôle juste certains paramètres pour les valider. On a vraiment un groupe de passionnés, une communauté qui nous suit là-dessus.

Frédéric Ameye : on peut voir, station par station, on regarde les cartes et on voit qu’il y a un truc un peu bizarre.

Public : À la fin vous avez parlé des prévisions de Météo France. Est-ce que vous faites aussi des prévisions ou est-ce que c’est juste de l’observation ?

Frédéric Ameye : Non ! Pourquoi ? Parce que toutes les prévisions que vous voyez sur Internet c’est nul ! Je vais vous dire pourquoi, c’est compliqué. La manière standard de faire des prévisions sur toutes les applis que vous avez, c’est de prendre les sorties de ce qu’on appelle un modèle de prévision numérique qui découpe la France en petits carrés de 1,3 km à peu près. C’est fourni par Météo France, en open data, c’est un produit fait avec de l’argent public, avec des supercalculateurs payés par l’argent public, avec des données météo qui sont en partie des données publiques. Ça vous donne, sur un pixel de 1,3 km2 de côté, la situation météo dans les heures à venir. Cette donnée est prise par tous les acteurs qui vous font des applis pour les smartphones et des applis payés avec plein de pub sur internet. À partir de ce carré d’un kilomètre de côté, ils font des petites moulinettes et, en fonction des paramètres que le modèle sort, ils vont essayer de sortir un pictogramme de temps avec une petite indication de la qualité de la prévision. Selon l’algorithme qu’ils vont mettre entre la donnée brute et le picto, vous allez avoir un résultat qui va être différent. C’est ça qui vous donne l’impression que les prévisions sont différentes. Ils peuvent aussi combiner un petit peu avec d’autres modèles de prévision. Météo France en fait, un service européen aussi en fait. Si on fusionne un petit peu toutes ces données-là, on peut avoir des résultats de qualité un petit peu différente. Si on paye beaucoup d’argent, on peut aussi avoir plus de données de la part de Météo France pour affiner ces algorithmes-là et faire ce qu’on appelle de la prévision probabiliste : c’est mettre plusieurs modèles en concurrence et essayer d’avoir une vision plus statistique de ce qui peut se passer.

Tout le monde fait ça, tout le monde prend ces données publiques ou achète quelques données auprès des principaux fournisseurs, parce que personne n’a les moyens de faire tourner un vrai modèle de prévision avec un vrai supercalculateur, ça coûte des dizaines de millions, il faut des scientifiques de super haut niveau, c’est compliqué. Ceux qui vous disent qu’ils font ça ne le font probablement pas.

Donc, en fait, toutes les sources de prévisions météo c’est la même chose. Le seul différenciateur c’est la qualité de la petite brique qu’ils vont mettre entre les deux, qui essaye de mâchouiller les différents paramètres pour vous sortir un picto à la fin et, éventuellement, un commentaire qui est généré semi-automatiquement, en général. Il y a une exception. Il y a quelques sites où ce sont des vrais génies, des humains qui font l’analyse des modèles météo, à la main, avec des cartes un peu plus compliquées, avec des comparaisons, et qui ont l’expertise.
À Météo France, ils font un peu ça, c’est semi-automatisé et semi-fait par des humains. Il y a d’autres sites météo sur Internet, que vous connaissez sûrement, qui se revendiquent de faire de la prévision avec de l’expertise humaine et, généralement, c’est de meilleure qualité.

Nous ne faisons pas de prévisions parce que nous n’avons pas la capacité d’avoir un supercalculateur pour faire tourner un modèle de prévisions. On n’a pas non plus la capacité d’avoir suffisamment de gens, de bénévoles, qui soient toujours impliqués pour faire de la prévision expertisée sur toutes les zones de France en même temps. On préfère laisser faire ça à Météo France et aux gens qui ont l’argent et les ressources humaines pour le faire.

Donc on passe quand même cette information-là, mais avec tout un tas d’avertissements disant « attention, c’est de la donnée brute, elle sert de modèle ». En plus, c’est utile pour nos passionnés, parce qu’ils ont directement les tableaux avec des infos bien détaillées de ce qui peut se passer, etc., donc c’est quand même pratique pour nous, passionnés. Par contre, pour le grand public, ce ne sont pas du tout des choses qu’on recommande, parce que, généralement, c’est de la mauvaise qualité, ça va changer quatre fois par jour ; le supercalculateur tourne quatre fois par jour et quatre fois par jour ça change, donc ils vont dire « ils ont toujours raison ! », c’est normal parce que ça change quatre fois par jour.

Les seules prévisions qu’on aura ce sont soit des trucs automatiques avec des avertissements qui vont dire « attention, c’est de la donnée brute, il faut l’analyser avec une grand expertise » ou, de temps en temps, des bulletins pédagogiques, qui sont écrits par nos passionnés, et là c’est du texte, pas des pictos dans des tableaux avec des trucs automatiques.

J’espère que ça répond à votre question. C’est un sujet très vaste et qui tient à beaucoup de choses, parce qu’on se rend compte que le business de la météo est principalement creux. Les gens qui font la vraie expertise autour de ça, ce sont les gens des services publics, des organismes européens, les chercheurs du CNRM, les chercheurs d’ECMWF [European">Centre for Medium-Range Weather Forecasts, Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme] qui travaillent sur les algos, sur les calculateurs et derrière, qui reversent ces données-là soit de manière payante soit en open data, et c’est réutilisé derrière par les acteurs privés qui se targuent de faire des super prévisions avec ça.
C’est un sujet dont on pourrait encore discuter pendant des heures, mais je pense qu’on a dépassé le temps. Si vous voulez discuter en off, n’hésitez pas. On vous a mis l’arobase Infoclimat, on a aussi des petites plaquettes si ça vous intéresse.
En tout cas merci.

Public : Merci à vous.