Libre à vous ! Radio Cause Commune - Transcription de l’émission du 18 février 2020

Titre :
Émission Libre à vous ! diffusée mardi 18 février 2020 sur radio Cause Commune
Intervenant·e·s :
Tristan Duval - Isabella Vanni - Nina Cercy - François Poulain - Luk - Frédéric Couchet - Étienne Gonnu à la régie
Lieu :
Radio Cause Commune
Date :
18 février 2020
Durée :
1 h 30 min
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Page des références utiles concernant cette émission

Licence de la transcription :
Verbatim
Illustration :
Bannière de l’émission Libre à vous ! de Antoine Bardelli, disponible selon les termes de, au moins, une des licences suivantes : licence CC BY-SA 2.0 FR ou supérieure ; licence Art Libre 1.3 ou supérieure et General Free Documentation License V1.3 ou supérieure. Logo de la radio Cause Commune utilisé avec l’accord de Olivier Grieco.

Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l’April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

logo cause commune

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.

Nextcloud, un logiciel libre d’hébergement et de partage de fichiers, d’agendas, de contacts et bien d’autres fonctionnalités encore, ce sera le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme la présentation du projet Sortir du cadre, un film et une série documentaire sur les artistes et les œuvres sous licence libre dans l’art. Et en fin d’émission la chronique « La Pituite de Luk » qui portera sur le thème « mieux vaut demander pardon que demander la permission ». Nous allons parler de tout ça dans l’émission du jour.
Vous êtes sur la radio Cause Commune 93.1 FM en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm.
Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre. Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.

Sur le site de l’association, april.org, vous pouvez d’ores et déjà trouver une page avec les références utiles pour l’émission du jour, page qui sera complétée après l’émission en fonction de nos échanges.
Nous sommes mardi 18 février 2020, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

Si vous souhaitez participer à notre discussion, n’hésitez pas à nous rejoindre sur le salon web de la radio : vous allez sur le site de la radio, causecommune.fm, vous cliquez sur « chat » et vous nous rejoignez sur le salon #libreavous.

Nous vous souhaitons une excellente écoute.
Nous allons passer au programme de l’émission.

Nous commencerons dans quelques secondes par la chronique « Le libre fait sa comm’ » de ma collègue Isabella Vanni, coordinatrice vie associative et responsable projets à l’April, qui va interviewer Tristan Duval du projet Sortir du cadre, un film et une série documentaire sur les artistes et les œuvres sous licences libres et ouvertes dans l’art.

D’ici une quinzaine de minutes nous aborderons notre sujet principal qui portera sur Nextcloud, site d’hébergement et de partage de fichiers avec de nombreuses autres fonctionnalités, avec Nina Cercy, Représentante France chez Nextcloud, et François Poulain de la société Cliss XXI et membre de l’équipe du Chapril, site qui propose des services libres.

En fin d’émission nous aurons donc la chronique de Luk qui portera sur le thème un peu mystérieux « mieux vaut demander pardon que demander la permission » et ce, en présence exceptionnelle de Luk qui devrait arriver au studio en cours d’émission.

À la réalisation de l’émission aujourd’hui mon collègue Étienne Gonnu. Bonjour Étienne.

Étienne Gonnu : Salut Fred.
Frédéric Couchet : Nous allons passer tout de suite au premier sujet.
[Virgule musicale]

Chronique « Le libre fait sa comm’ » d’Isabella Vanni, coordinatrice vie associative et responsable projets à l’April, avec l’interview de Tristan Duval du projet Sortir du cadre, un film et une série documentaire sur les artistes et les œuvres sous licences libres et ouverte dans l’art

Frédéric Couchet : Parler d’actions de type sensibilisation menées par l’April, annoncer des évènements libristes à venir avec éventuellement des interviews de personnes qui organisent ces évènements, c’est la chronique « Le libre fait sa comm’ » de ma collègue Isabella Vanni, coordinatrice vie associative et responsable projets à l’April. Bonjour Isabella.
Isabella Vanni : Bonjour.
Frédéric Couchet : Je te passe la parole pour la chronique du jour.
Isabella Vanni : Merci. Bonjour à toutes et à tous. Aujourd’hui nous avons le plaisir pour notre chronique « Le Libre fait sa comm’ » d’avoir avec nous Tristan Duval qui est coréalisateur du film documentaire Sortir du cadre qui traite du processus créatif, du droit d’auteur, des licences libres, de libre diffusion.

Tristan tu es avec nous ? Tu nous entends bien ?
Tristan Duval : Oui. Je vous entends bien. Bonjour.
Isabella Vanni : Bonjour. Bienvenue. Je te propose de rentrer tout de suite dans le vif du sujet parce que le film dont nous allons parler est, en fait, en cours de création, de production et a besoin d’être soutenu. Je te laisse commencer par une présentation de ce projet. Qu’est-ce que c’est Sortir du cadre ?
Tristan Duval : Sortir du cadre c’est un film et une série sur des artistes et des œuvres sous licence libre et, plus largement, sur les questions de rémunération des artistes, du droit d’auteur, des licences libres, de la création artistique et de sa diffusion. On est deux réalisateurs, il y a Pablo Albandea et moi-même qui sommes tous les deux membres de l’association Lent ciné.

À l’association Lent ciné, on produit et on diffuse des films sous licence libre et on promeut le Libre ce qui est, en fait, un petit peu compliqué, notamment sur cette question de promouvoir le Libre puisque, parmi les gens qui font des films, très peu comprennent l’intérêt des licences libres, voire écoutent quand on parle de licences libres. Chaque année on organise un festival qui s’appelle « Nos désirs sont désordres », un festival de films libres et de critique sociale et, pendant une édition, on a organisé un temps d’échange sur les licences libres pour essayer d’en parler collectivement, d’en parler à un public plus large et, en fait, il y a trois personnes qui sont venues, ça a été un peu compliqué et ça a été un peu un échec pour nous, donc on s’est dit que ce n’était pas la bonne forme.
Isabella Vanni : Ou alors c’était la confirmation de ce que vous disiez ! Peut-être que ce n’était pas un échec, c’était la confirmation.
Tristan Duval : Oui. C’était aussi la confirmation, donc on s’est dit qu’il fallait plus que ça pour que les gens comprennent l’intérêt et c’est comme ça qu’on est partis sur l’idée d’en faire un film pour prendre le temps d’expliquer l’intérêt et aussi les tenants et les aboutissants.
Isabella Vanni : Très bien. Ce projet est né quand ? Depuis quand est-il en production ?
Tristan Duval : On a commencé à y réfléchir, à en parler, à l’été 2018 et on a commencé le premier entretien en novembre 2018.
Isabella Vanni : D’accord. Donc ça fait déjà quelques mois, disons plusieurs mois.
Tristan Duval : Oui.
Isabella Vanni : J’ai regardé un petit peu ce dont il s’agit. Le contenu du film est plutôt intéressant parce qu’il va traiter d’un sujet assez technique, juridique comme les licences libres et de libre diffusion — il y a aussi un juriste, Benjamin Jean, qui est interviewé notamment pour expliquer en détail ce dont il s’agit —, mais ce ne pouvait pas être un film que sur ça donc vous avez voulu mettre en exergue, vous avez aussi voulu mettre en valeur le processus créatif en filmant des artistes, en montrant des images, etc. Du coup, je me demande comment vous avez choisi les artistes, les personnes qui sont interviewées et qui apparaissent dans le documentaire.
Tristan Duval : On est partis en cherchant tout simplement sur Internet. Pour le temps d’échange qu’on avait voulu organiser pendant le festival on avait commencé par là et on avait demandé à deux personnes, Joseph Paris qui est un cinéaste qui a créé le collectif Cassandre et qui est un des pionniers du cinéma sous licence libre et à Antoine Moreau. En fait, Antoine Moreau ne pouvait pas donc Joseph Paris devait intervenir pendant la conférence et c’est vers lui qu’on s’est tournés le premier. On est allés le voir. C’est avec lui qu’on a fait le premier entretien. Ensuite, comme on était aussi en contact Antoine Moreau, c’est avec Antoine Moreau qu’on a fait le deuxième entretien. Il y a d’autres personnes qu’on a contactées parce qu’on avait vu leurs projets sur Internet et il y a des personnes qu’on a contactées parce que les personnes avec qui on avait fait un lien nous avaient dit : « Vous devriez aller voir telle personne ou telle personne, ça devrait être intéressant. »

Donc la base des gens qu’on voit c’est leur lien avec les licences libres ou les licences de libre diffusion. Il y a un juriste, Benjamin Jean, qui est aussi membre de Framasoft et qui est aussi lui-même artiste puisqu’il fait de la musique et ensuite il y a un cinéaste, il y a des gens qui font plutôt de l’art contemporain, il y a plusieurs cinéastes, des gens qui font de la musique, il y a des gens qui font de la bande dessinée, il y a des gens qui sont illustrateurs.

L’idée c’était aussi de…
Isabella Vanni : Finalement de présenter un peu tous les domaines de l’art.
Tristan Duval : Exactement.
Isabella Vanni : D’ailleurs, parmi les personnes qui sont interviewées il y a aussi Jehan qui scénariste et développeur du projet ZeMarmot avec qui on a eu le plaisir de parler dans notre émission et on connaît bien aussi Gee qui est auteur-dessinateur d’une bande dessinée, qui est très connu par les personnes qui connaissent notamment Framasoft et pas que. Donc vous avez essayé de présenter plusieurs domaines, on va dire.

Tu disais que le film a commencé à être produit en 2018, comment ça se fait qu’il tarde à sortir ? Qu’est-ce qui vous en empêche ? Je sais que le financement n’a pas été hyper-facile à trouver. Tu peux nous en dire un peu plus sur les moyens de financement ?
Tristan Duval : En fait, pour l’instant, les moyens de financement c’est notre propre argent à Pablo et à moi et un petit peu l’argent de l’association aussi. On a écrit pas mal de dossiers pour demander des aides à des régions et à des fondations, on n’a eu que des refus pour l’instant. Ce qui est un peu compliqué c’est qu’en plus de mettre de l’argent pour l’instant pour le film, ça nous force à faire le film sur notre temps libre donc c’est pour ça qu’on n’avance pas très vite.
Isabella Vanni : Bien sûr. Donc vous avez proposé, vous avez soumis votre dossier notamment à des collectivités, à des fondations et tu me disais qu’on ne reçoit pas les financements parce que, peut-être, ces structures non plus ne comprennent pas l’intérêt de proposer une autre façon de diffuser son art. C’est peut-être lié à ça et peut-être que ce film va mieux expliquer l’intérêt de le faire et va peut-être permettre de financer davantage ces œuvres, en tout cas on l’espère.
Tristan Duval : Oui. C’est aussi notre objectif avec ce film. On le voit bien en ce moment, notamment avec les artistes de bande dessinée avec le festival d’Angoulême qu’il y a eu il n’y a pas longtemps, où, maintenant, on commence à se rendre compte que les auteurs sont très mal payés, que les dessinateurs sont très mal payés, que les artistes en général sont très mal payés, donc que, peut-être, il y a un problème. Les personnes qui sont dans les jurys, qui donnent les aides, ce sont plutôt des personnes qui ont réussi, qui vivent du droit d’auteur et qui vivent de leur art. En fait, elles ont du mal à comprendre qu’on remette en cause ce système-là.
Isabella Vanni : Il y a une distance, en fait, entre les deux mondes. C’est plus compliqué, finalement, de demander de financements auprès de ces structures.
Tristan Duval : Exactement.
Isabella Vanni : Je pense que le moment est arrivé de dire comment on peut faire pour vous aider à réaliser votre projet. Comment faire pour permettre à ce film de voir la lumière, de sortir ?
Tristan Duval : Il y a deux façons principales et après il y en a d’autres pour nous aider. Dans l’immédiat c’est de donner. Pour trouver la page je pense que ce sera sur votre site.
Isabella Vanni : Tout à fait, on a prévu de mettre le lien au site de la plateforme où faire un don.
Tristan Duval : Sinon, sur notre site Lent ciné, en tapant Lent ciné dans un moteur de recherche, vous trouverez assez facilement. Donc il y a donner et aussi faire connaître la campagne de financement et faire connaître le film au plus possible de gens.

Après, pour un peu plus tard, on a aussi besoin d’un peu d’aide pour quelques tâches, par exemple la retranscription d’entretiens, la création de sous-titres ou la traduction dans d’autres langues.
Isabella Vanni : Très bien. Je ne sais pas si j’ai encore le temps pour une question. En fait, j’ai vu que ce film sera publié sous licence libre, mais dans le passé votre association a diffusé des films soit sous licence libre soit sous licence de libre diffusion. On rappelle que les licences de libre diffusion peuvent avoir des clauses, par exemple non commerciale ou non dérivée, donc on ne peut pas modifier l’œuvre. Dans votre film vous parlez des deux types de licence. Il y a des artistes qui ont choisi soit un type de licence, soit l’autre. Qu’est-ce qui vous a poussé à opter pour un type de licence ou l’autre dans le passé ? Et pourquoi vous avez choisi la licence libre pour ce film ?
Tristan Duval : En termes de création, en fait, au départ nous on ne vient pas du tout des mouvements du logiciel libre, on ne connaissait pas du tout ça, donc on a un peu appris sur le tard et on a compris la philosophie en allant. Au début c’était surtout pour des questions de droit sur des musiques par exemple, ce qui faisait qu’on mettait sous licence non commerciale parce que la clause qui était sur la musique nous le demandait.

Au fur et à mesure on a avancé sur la philosophie et maintenant on est plutôt sur les licences libres prioritairement.

Après, en termes de diffusion de films, là on diffuse principalement des films sous licence de libre diffusion tout simplement parce qu’il y a très peu de films sous licence libre et déjà, les licences de libre diffusion, c’est un peu une bataille pour faire comprendre aux gens l’intérêt. Par exemple même des tout petits films qui ne passent nulle part, qui ne vont jamais rapporter un centime, il y a plein de gens qui ne s’imaginent même pas les mettre sous licence libre parce qu’ils ont peur de perdre leur œuvre et qu’il y ait des gens qui vont en faire n’importe quoi.
Isabella Vanni : D’où vraiment l’intérêt d’expliquer ce dont il s’agit, comment ça fonctionne.
Tristan Duval : Exactement.
Isabella Vanni : Tristan, notre entrevue est arrivée à son terme. Je te remercie énormément d’avoir participé.

Je rappelle à toutes les personnes qui nous écoutent qu’il est possible de soutenir ce projet, vous avez la référence, le lien sur la page dédiée à l’émission sur april.org. J’espère vraiment que le film puisse voir la lumière bientôt.
Tristan Duval : Merci beaucoup pour l’invitation.
Isabella Vanni : Merci à nouveau. Au revoir.
Tristan Duval : Au revoir.
Frédéric Couchet : Merci Tristan et merci Isabella. On va rappeler que pour la campagne de don il reste 13 jours, que l’objectif c’est 2500 euros et qu’actuellement ils sont à 75 %. Les références sont sur le site de l’April, april.org, mais vous pouvez aussi les retrouver sur le site de l’association Lent ciné, l, e, n, t, c, i, n, e point tuxfamily point org. N’hésitez pas à contribuer. Il reste 13 jours et il y a 25 % à contribuer pour permettre d’atteindre l’objectif.

Par rapport à l’appel pour les transcriptions d’entretiens, je suppose que Marie-Odile Morandi, de l’équipe Transcriptions de l’April, qui nous écoute, se portera volontaire pour aider à faire des transcriptions d’entretiens.

C’était la chronique « Le libre fait sa comm’ » de ma collègue Isabella Vanni.
On va faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Frédéric Couchet : Nous allons écouter Anime Gurl par Anozira. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause commune, la voix des possibles.
Voix off : Cause Commune 93.1.
Pause musicale : Anime Gurl par Anozira.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Anime Gurl par Anozira, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions. Vous retrouverez les références sur le site de l’April, april.org.

Vous écoutez l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm. Nous allons passer au sujet suivant.
[Virgule musicale]

Nextcloud, un logiciel libre, de sites d’hébergement et de partage de fichiers, d’agendas, de contacts et bien d’autres fonctionnalités, avec Nina Cercy, Représentante France chez Nextcloud, et François Poulain de la société Cliss XXI et membre de l’équipe du Chapril (site de l’April qui propose des services libres)

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre avec notre sujet principal qui va porter sur Nextcloud, un logiciel libre d’hébergement, de partage de fichiers, d’agendas, de contacts et bien d’autres fonctionnalités que vont nous présenter nos deux invités, à commencer par Nina Cercy, Représentante France chez Nextcloud. Bonjour Nina.
Nina Cercy : Bonjour Frédéric.
Frédéric Couchet : Et François Poulain de la société Cliss XXI et membre de l’équipe du Chapril qu’il présentera également tout à l’heure. Bonjour François.
François Poulain : Bonjour Frédéric.
Frédéric Couchet : N’hésitez pas à participer à notre conversation sur le salon web de la radio sur le site causecommune.fm, bouton « chat », vous nous rejoignez sur #libreavous et si vous avez des réactions ou des questions je les relaierai, évidemment, à nos invités.

Avant de commencer sur le cœur du sujet, on va faire un petit tour table de présentation personnelle. On va commencer par Nina. Qui es-tu Nina Cercy ?
Nina Cercy : Qui je suis ? Aujourd’hui on va rester sur la partie Nextcloud. Disons que je milite dans le milieu du logiciel libre depuis quelques années déjà. Chez Nextcloud j’ai plusieurs casquettes dont le point commun est la France avec un côté communautaire qui est plutôt sur les problématiques d’évangélisation et un côté plus entreprises en tant que gestionnaire de comptes, ce qui est mon titre officiel, on va dire, chez Nextcloud, ce qui signifie, en fait, que je m’occupe de gérer le parcours et l’implémentation de Nextcloud au sein des entreprises.
Frédéric Couchet : D’accord. Et de ton côté François Poulain ?
François Poulain : Je suis membre de l’April depuis assez longtemps, 2005. Je suis aussi impliqué administrateur, je fais la trésorerie aujourd’hui. Comme tu le dis, je travaille chez Cliss XXI, une petite coopérative, on est huit personnes dans l’équipe, six salariés et deux bénévoles, et ça se passe dans le Nord entre Lille et Lens.
Frédéric Couchet : D’accord. J’ai cité le nom Nextcloud, pas sûr que les gens aient entendu parler du nom de ce logiciel. Première question, tout simplement, c’est quoi Nextcloud, le contexte, d’où ça vient, quels problèmes ce logiciel cherche à résoudre ou quelles fonctionnalités permet-il d’obtenir ? On va commencer par Nina Cercy qui est Représentante France sur Nextcloud qui va nous faire une petite présentation générique sur le contexte.
Nina Cercy : Je pense que pour bien comprendre ce que fait Nextcloud, en fait il faut remonter en 2008 à peu près et se demander à quoi ressemblait l’informatique en 2008. Pour nos auditeurs et auditrices qui seraient trop jeunes pour s’en souvenir, c’étaient beaucoup de clés USB et beaucoup de documents envoyés par e-mail avec beaucoup de versions de documents ce qui était assez fastidieux et ne permettait pas toujours de s’y retrouver. Dans ce contexte il y a quelques entreprises qui ont très bien compris qu’il y avait là une opportunité de développer des services qui allaient vite devenir indispensables aux utilisateurs et aux utilisatrices ; on va citer les plus connus, Dropbox, Google, etc., qui ont ouvert des espaces, en ligne, de partage et de collaboration sur les fichiers avec au départ, comme offre, le fait de pouvoir synchroniser tout simplement ces fichiers : j’ai oublié mon exposé, en arrivant en cours je me connecte sur l’ordi de la classe, je vais dans mon espace Dropbox et c’est super, mon exposé est là dans sa dernière version. Le problème c’est que ce document, en fait, il est où ? Il n’est pas sur mon ordinateur, il n’est pas sur l’ordinateur de ma classe, il est sur les serveurs de Dropbox ou sur les serveurs de Google, sans aucune maîtrise possible de la part de l’utilisateur.

En fait, Nextcloud a été conçu comme une réponse à ce problème, c’est-à-dire qu’on a développé un espace qui présente la même valeur — on pouvait synchroniser et partager ses fichiers, les avoir toujours dans leur dernière version et sur tous les terminaux qu’on utilisait — qui présente le même intérêt, la même facilité d’utilisation mais avec deux libertés supplémentaires : d’un part la liberté du code, puisque l’intégralité du code est open source et peut donc être modifiée, redistribuée et adaptée aux usages des personnes qui l’utilisent et, la deuxième liberté qui, pour moi, est la plus importante, c’est le fait de pouvoir choisir où tout cela se passe. Si vous n’avez confiance en personne, vous pouvez héberger votre Nextcloud sur votre petit serveur sur votre cheminée si vous avez une cheminée, mais vous n’êtes pas obligé d’avoir une cheminée, bien sûr. En revanche, si vous vous dites que vous n’êtes pas capable de gérer du logiciel, pas capable de l’héberger chez vous, vous pouvez tout à fait choisir de l’héberger chez le fournisseur de services de votre choix en qui vous avez confiance.

Les usages, évidemment, ont évolué. Aujourd’hui je pense que plus personne n’utilise Dropbox simplement pour avoir le même fichier sur ses différents ordinateurs. Aujourd’hui on édite en ligne, on travaille en ligne, on travaille depuis son téléphone, son ordinateur, sa tablette et Nextcloud, tout comme les autres, a évolué pour accompagner ces nouveaux usages et offre aujourd’hui des fonctions avancées de collaboration, que ce soit de l’édition en ligne, que ce soit de la synchronisation non seulement de fichiers mais également de ses contacts, de son calendrier. En somme, c’est un écosystème qui vous permet d’avoir l’intégralité de vos données, qu’elles soient personnelles ou professionnelles, dans un seul espace.
Frédéric Couchet : D’accord. On va détailler évidemment les fonctionnalités. J’aurai une question pour Nina Cercy sur l’historique entre OwnCloud et Nextcloud. François, sur cette partie introductive, est-ce que tu veux compléter ?
François Poulain : Pas grand-chose à ajouter. J’ai découvert OwnCloud au tournant 2010. À l’époque j’étais à Paris. Un pote du groupe d’utilisateurs de logiciels libres qui s’appelait Parinux est venu me voir en me disant « il faut qu’on teste ça, ça a l’air génial ! » En fait, effectivement, ça s’est révélé assez rapidement fonctionnel, performant et tout à fait pertinent, donc on a commencé à en faire la promotion. À l’époque en 2012, à l’April, on a sorti un guide de logiciels libres à l’usage du monde associatif, on l’a cité dedans. Ça veut dire qu’avant on l’avait testé, on avait vérifié qu’il était correctement traduit, qu’il était facile à l’emploi, etc. Voilà ! Pour l’utilisation des contacts partagés à l’April on l’a déployé en 2014, donc ça commence à remonter !
Frédéric Couchet : Ça me fait penser que ce guide Libre Association doit être mis à jour. Est-ce qu’aujourd’hui on parle de Nextcloud ! Est-ce que le guide a déjà été mis à jour ?
François Poulain : Un peu que le guide a été mis à jour !
Frédéric Couchet : C’est une question piège ! Ceci, dit toi tu parles de OwnCloud. Effectivement, historiquement, un des premiers logiciels qui visaient les objectifs décrits par Nina Cercy c’était OwnCloud en 2010, aujourd’hui on parle de Nextcloud. Quelle est la relation entre les deux ? Nextcloud est le fork de OwnCloud, c’est-à-dire une branche alternative différente ? Est-ce que c’est un succès ? Est-ce que tu peux nous faire, en résumé, un petit point de la situation, Nina ?
Nina Cercy : Effectivement, le projet initial a fêté ses dix ans il y a un mois à peu près. Les premières lignes de code de ce logiciel qui ont été développées étaient effectivement sous le nom OwnCloud par Frank Karlitschek qui est aujourd’hui le CEO [Chief Executive officer de Nextcloud.
Frédéric Couchet : Tu veux dire le responsable, le patron.
Nina Cercy : Le patron, oui, le PDG de Nextcloud.

À l’époque, le projet était un projet qui n’était pas forcément à vocation d’entreprise. Frank, à l’époque, avait commencé ça comme un projet communautaire, il a été rejoint assez rapidement par une personne qui voyait le potentiel commercial du projet pour les entreprises et ils se sont associés pour créer un logiciel qui s’appelait OwnCloud.

OwnCloud avait exactement le même cœur de fonctionnalités que Nextcloud aujourd’hui. La différence qu’il y avait entre les deux, en fait, c’est que, à destination des entreprises, OwnCloud avait des fonctionnalités qui étaient des fonctionnalités payantes, accessibles uniquement par les entreprises qui payaient, on va dire, une licence OwnCloud, avec un modèle qu’on appelle dans l’open source l’open-core. L’idée c’est que les fonctionnalités basiques du logiciel sont disponibles en open source pour tout le monde et que les entreprises, elles, ont accès à des fonctionnalités qui sont payantes. Ce n’est pas un modèle qu’on critique en soi, il y a beaucoup d’entreprises qui font du Libre qui développent sur ce modèle-là, je pense notamment à GitLab qui fait ça, en partie en tout cas.
Frédéric Couchet : C’est un modèle qui est quand même assez largement critiqué. Ça dépend par qui, mais c’est un modèle qui existe largement.
Nina Cercy : Je suis tout à fait d’accord. C’est un modèle qui existe. Ça nous emmènerait assez loin, mais quand on parle du financement de l’open source, je comprends très bien qu’il y ait des entreprises, on va dire un peu par facilité parce que c’est une façon de monnayer plus rapidement, qui développent sur ce modèle-là.

Au bout d’un moment, effectivement, ça ne convenait plus du tout à Frank et à la grande majorité des ingénieurs de OwnCloud non plus, simplement parce que le modèle open-core a pas mal de défauts, déjà quand on veut développer du logiciel libre, avoir une partie de ses fonctionnalités qui ne sont pas libres et sur lesquelles des contributeurs contribuent, mais, du coup, ne contribuent pas vraiment selon la licence de base du logiciel mais sur une autre licence, ça crée énormément de complexité. Ce n’est pas rendre justice également à la communauté, tout simplement, qui contribue très largement sur le projet et qui devrait avoir accès à l’ensemble de ces fonctionnalités. Pour toutes ces raisons, Frank a fini par prendre la décision, en 2016 si je ne m’abuse, de forker le projet, donc effectivement de repartir de la même base de code mais monter une entreprise sur une branche alternative, on va dire, qu’il a appelée Nextcloud.
Frédéric Couchet : D’accord. Est-ce qu’aujourd’hui il y a encore un lien entre OwnCloud et Nextcloud ou il n’y a plus du tout de lien ?
Nina Cercy : Il y a un lien dans les recherches Google qu’on fait sur nous : pendant assez longtemps on avait des compare OwnCloud and Nextcloud.
Frédéric Couchet : Comparaisons entre OwnCloud et Nextcloud.
Nina Cercy : C’est ça. Finalement je dirais qu’aujourd’hui le lien a plutôt disparu, ne serait-ce que parce que les deux entreprises sont parties sur des modèles assez différents. OwnCloud a décidé de se recentrer exclusivement sur la partie partage et synchronisation et je crois que là ils sont en train de tout réécrire en Go ou quelque chose comme ça.
Frédéric Couchet : Qui est un langage relativement récent de Google.
Nina Cercy : C’est ça, exactement, qui est assez à la mode on va dire.
Frédéric Couchet : Oui, qui est à la mode.
Nina Cercy : Pour ne pas en dire du mal ! Nextcloud, en fait, on est partis sur un parti pris qui est de dire que le partage et la synchronisation c’est bien, mais ça ne suffit plus aujourd’hui pour définir un produit. C’est plus une commodité, en fait, et c’est attendu de l’intégralité des logiciels qui sortent. Nous on est partis plus sur la dimension collaborative, en essayant d’intégrer tous les outils qui font en sorte que n’importe quelle structure, que ce soit une association ou que ce soit une entreprise de centaines de milliers d’employés, puisse collaborer sur l’intégralité de ses projets tout en ayant la pleine de maîtrise de ses données.
Frédéric Couchet : D’accord. On peut dire, puisque c’est la question, est-ce que c’est un fork réussi ? C’est un fork réussi parce que finalement, aujourd’hui, c’est de Nextcloud qu’on parle plutôt que de OwnCloud entre guillemets.

François, est-ce que tu veux réagir là-dessus sur la partie historique ou sur la partie open-core ?
François Poulain : Oui, pour confirmer. C’est un fork qui a été extrêmement suivi, je pense que l’affaire a été pliée assez rapidement, en fait ; du point de vue de la communauté ça n’a pas fait de doute. On voit encore un petit peu dans la partie technique des strates.
Frédéric Couchet : Par rapport à ma question sur les liens entre les deux, il y a encore, dans la partie technique on va dire, des bouts de OwnCloud qui restent, qui n’ont pas encore été récrits.
François Poulain : Essentiellement le nommage des choses. Par exemple la commande de gestion s’appelle occ.
Frédéric Couchet : Les tables de la base de données doivent s’appeler oc quelque chose peut-être.
Nina Cercy : Exactement.
François Poulain : Probablement, oui.
Frédéric Couchet : On ne va pas rentrer dans la technique parce que sinon on n’intéressera pas forcément les gens qui nous écoutent. Donc c’est un fork qui a été réussi. OwnCloud continue, comme l’a expliqué Nina Cercy, sur un autre modèle. Là on va parler de Nextcloud qui rajoute des fonctionnalités de plus en plus.

Tu as parlé tout à l’heure des entreprises. On va déjà plutôt commencer par les personnes individuelles qui nous écoutent, il y a aussi des entreprises qui nous écoutent. Quelles sont les fonctionnalités proposées par Nextcloud, les cas d’usage ? Comment quelqu’un qui se dit « aujourd’hui j’écoute, Nina et François me convainquent que Dropbox, Google, tout ça, eh bien il faut passer à autre chose, il faut utiliser Nextcloud ». Quelles sont déjà les fonctionnalités qu’offre l’outil ? François Poulain.
François Poulain : La fonctionnalité de base, vraiment le cœur autour duquel tout ça s’est popularisé, c’est le fichier. Donc on peut stocker en ligne des fichiers, on peut y accéder depuis n’importe quel ordinateur si on a les bons mots de passe. On peut les partager à des tiers, y compris des gens qui n’auraient pas de compte sur le Nextcloud. Il y a, comme ça, un mécanisme qui est fait pour partager des liens non devinables. Et puis, autour de ça, se sont greffées pas mal de choses : une application qui a été rapidement très populaire c’est l’agenda en ligne, donc on peut avoir son agenda en ligne sous sa maîtrise et ne pas passer par Google Agenda.

Il y a eu le partage de contacts aussi très rapidement et ça fait partie des briques de base de l’outil.

Là, quand on fait du partage de contacts, on commence à rentrer un petit peu dans la partie collaborative, parce que ça peut être intéressant dans un collectif de partager un peu les adresses.

Et puis, ces dernières années il y a eu un magasin d’applications qui s’est créé en même temps que Nextcloud et il y a énormément, énormément d’applications possibles. Donc aujourd’hui on va pouvoir avoir directement un client mail dans Nextcloud, on va avoir de l’édition.
Frédéric Couchet : Il y a un client courriel dans Nextcloud ? Je ne savais pas.
François Poulain : Un webmail.

On peut avoir l’édition des documents, édition éventuellement en multi-mains, simultanée.
Frédéric Couchet : J’aurai des questions tout à l’heure sur l’édition de documents parce qu’on a eu des questions en préparation de l’émission.
François Poulain : Je ne saurais pas citer toutes les fonctionnalités parce qu’il y en a une centaine.
Frédéric Couchet : Ça va être ma question : il y a une centaine d’applications qui sont utilisables dans un NextCloud ?
Nina Cercy : Je crois qu’on est même à 200 aujourd’hui.
Frédéric Couchet : Nina Cercy ? 200. D’accord. On a dépassé largement le cap de simplement de partage de fichiers. Quasiment, en fait, presque tous les besoins que peuvent avoir des utilisateurs, des utilisatrices ou des entreprises sont couverts, quelque part finalement, par Nextcloud. Potentiellement ! Peut-être pas non plus !
Nina Cercy : On va quand même rester réalistes. Heureusement, on ne fait pas encore l’intégralité de tout ce que font toutes les entreprises du monde, mais, de fait, on a énormément d’applications et d’applications communautaires. Moi il y en a une que j’aime bien citer parce que je trouve que ça donne une bonne idée de la diversité : on a un DICOM Viewer qui est, en fait, une application pour faire de la lecture de documents médicaux. Je n’y connais absolument rien personnellement, mais ça reprend les informations qu’on a quand on passe des radiographies, donc ça permet de les visualiser. Ça été développé totalement en externe à l’entreprise par deux personnes qui en avaient besoin.

En fait, pour moi, la force de Nextcloud c’est que c’est une excellente brique de base qui donne toutes les fonctionnalités de base sur lesquelles on a envie de pouvoir greffer des lecteurs fichiers ; on a des gestions de projets, on a des visualisateurs de l’intégralité des données qu’on met dedans. On a une application qui est absolument géniale, je trouve, pour les particuliers qui s’appelle Maps qui, en fait, va utiliser l’intégralité des données que vous avez dans votre Nextcloud pour, par exemple, quand vous regardez une mappemonde, placer tous vos amis en fonction de la ville qui est indiquée dans le contact et leur rattacher des photos dans lesquelles ils ont été cités, ce genre de chose. Je ne dirais pas que c’est une application entreprise, pour le coup, mais c’est vrai que c’est super agréable d’ouvrir Maps et de pouvoir visualiser un peu tout le monde sur la carte.

Effectivement, comme le disait François, le problème de citer les fonctionnalités de Nextcloud c’est qu’il y en a tellement et que ça va tellement dépendre du cas d’usage ! Je sais que la façon dont je l’ai découvert c’est en collocation. On était en collocation, on était 16 et on avait besoin de plusieurs choses. La première c’était de suivre un peu les frais de la collocation, donc de mettre à disposition le fichier de suivi des frais de la collocation, mais aussi de partager nos photos de soirées, d’avoir un endroit où on avait les numéros de tout le monde et, à chaque fois qu’on voulait s’échanger un fichier pour se faire relire ou échanger un e-book ou ce genre de choses, on le mettait sur Nextcloud, on partageait avec la personne et c’était fini. Ça marchait super bien. C’est ça qui m’a donné envie de travailler chez eux, c’est le fait que je les utilisais au quotidien, que ça couvrait la quasi-totalité de mes besoins de base d’interaction avec des fichiers en termes de partage, de synchronisation ; j’avais mes photos qui étaient synchronisées automatiquement, quand j’ai perdu mon téléphone je n’ai absolument rien perdu et je me disais « tout ça sans rien avoir à donner à Google, ce n’est quand même pas mal quoi ! »
Frédéric Couchet : Justement, peut-être pour être un peu plus concret et expliquer un petit peu comment ça marche entre la partie serveur et la partie client, imaginons, que ce soit une personne ou un collectif qui se dit je veux partager des contacts comme tu le dis, des fichiers ou des photos de vacances – une personne est partie loin, on veut partager des photos de vacances – ou une sauvegarde automatique de ses contacts effectivement avec son téléphone, donc il y a une partie serveur et une partie client. Pour bien comprendre, côté Nextcloud il y a une partie serveur, soit il faut l’installer sur un serveur à soi, soit il faut trouver un prestataire ou un collectif, on parlera peut-être tout à l’heure de la partie CHATONS pour installer Nextcloud. Et côté client ça se passe comment ? Par exemple tu es sur téléphone mobile qui est aujourd’hui une pratique classique, est-ce qu’il y a un client Nextcloud qui permet de se connecter au serveur et de tout faire ? Ou est-ce qu’il y a plusieurs clients qu’il faut utiliser, par exemple partage de contacts, agenda ? Comment ça fonctionne concrètement ?
François Poulain : Il n’y a pas une réponse unique. Pour utiliser Nextcloud, le client de base c’est votre navigateur web. Si vous avez Firefox sur votre ordinateur, vous ouvrez Firefox, vous tapez l’adresse ou vous cliquez sur le raccourci et vous avez accès direct aux fonctionnalités.

Après il y a des ponts, des interconnexions qui sont possibles puisqu’on peut, on va dire, faire un montage du système : on peut avoir montés de façon transparente les fichiers qui sont dans Nextcloud dans le navigateur de fichiers de l’ordinateur. Par exemple, si vous êtes bien traité en matière d’informatique et que vous êtes chez Debian, que vous utilisez par exemple un bureau GNOME.
Frédéric Couchet : C’est quoi Debian ?
François Poulain : Debian, c’est une distribution de logiciels libres qui fournit un système d’exploitation complet sur un ordinateur. Dans Debian, le bureau par défaut c’est le bureau qu’on appelle GNOME et dans GNOME vous avez vos préférences utilisateur, vous pouvez mettre simplement l’adresse de votre serveur Nextcloud et tout est connecté automatiquement : vous avez l’agenda, vous avez le partage de contacts, vous avez l’accès au système de fichiers sans rien faire.
Frédéric Couchet : C’est transparent en fait.
François Poulain : C’est transparent : vous donnez l’adresse du serveur, vous mettez votre mot de passe et ça marche. C’est un exemple de client qui n’est pas le client du navigateur web.
Frédéric Couchet : Qui n’est pas le navigateur web. Vas-y Nina.
Nina Cercy : Plus prosaïquement on a aussi un client Android, un client iOS, qui sont des apps et qu’on peut télécharger tout bêtement depuis un Play Store.
Frédéric Couchet : Exactement, justement François répond, mais c’est peut-être aussi parce qu’il n’a pas de téléphone qu’il ne répond pas sur la partie applications, pas de téléphone mobile j’entends ! François nous explique pour un poste de travail classique, environnement libre ou autre environnement d’ailleurs, il a cité Debian GNU/Linux. Mais Nina justement, sur la partie téléphone mobile qui est aujourd’hui ! Tout à l’heure on a fait des photos qu’on met en ligne, pour faire des photos j’ai utilisé mon téléphone, j’ai utilisé le client Nextcloud et je les ai mises directement en ligne sur le serveur de l’April pour qu’ensuite ce soit mis en ligne publiquement. Quelles sont les applications, comment ça fonctionne sur téléphone mobile ? Nina Cercy.
Nina Cercy : Sur téléphone mobile c’est extrêmement simple : vous téléchargez votre application, que ce soit sur le store des téléphones Apple ou le Play Store de Google ; je crois qu’aujourd’hui l’intégralité des stores qui proposent des applications libres proposent aussi l’application Nextcloud.
Frédéric Couchet : F-Droid qui est le principal le store d’applications libres le propose.
Nina Cercy : Exactement, F-Droid propose l’application Nextcloud.

Vous la téléchargez, vous mettez effectivement l’adresse de votre serveur. Ça a l’air exotique dit comme ça, mais ça va être cloud point votre nom de domaine point fr ou ce genre de complexité, donc pas trop complexe normalement. Vous mettez votre login, votre mot de passe, et vous retrouvez, en fait, l’intégralité de vos fichiers affichés sur votre téléphone sans que les fichiers aient besoin d’être stockés. C’est quand mème quelque chose qui est plutôt appréciable. Nous, sur notre cloud, je ne sais pas, on doit être à 200 ou 300 gigas de données, j’apprécie de ne pas avoir à les synchroniser sur mon téléphone.
Frédéric Couchet : Quand tu parles de ton cloud, c’est de ta collocation ?
Nina Cercy : Non, c’est le mien, personnel.
Frédéric Couchet : Le tien, personnel. D’accord. 200/300 gigas !
Nina Cercy : Oui c’est ça, on a beaucoup de choses, beaucoup de photos surtout.

En fait, tous les fichiers s’affichent. Si on clique ça les télécharge, on les ouvre et l’intégration, aujourd’hui, est assez poussée, elle est faite quasiment exclusivement sur la partie fichiers pour l’application officielle au sens où, typiquement, vous n’allez pas avoir d’intégration avec les apps au niveau gestion de projet, c’est un projet qu’on a en tout cas. Pour ce qui est d’interagir avec les fichiers, typiquement je sais que si vous avez installé, on y reviendra plus tard, des services d’édition collaborative en ligne du type ONLYOFFICE ou Collabora, moi je peux ouvrir dans mon application mobile un fichier, travailler dessus, il est sauvegardé en temps réel et je n’ai pas besoin d’avoir ONLYOFFICE installé sur mon téléphone.
Frédéric Couchet : D’accord. On reviendra notamment sur la partie collaborative tout à l’heure. Juste une petite question sur la partie contacts parce que je l’ai eue en préparant l’émission, la synchronisation des contacts et aussi de l’agenda, en fait, en plus du client Nextcloud, l’application Nextcloud officielle, il faut installer une application de type synchronisation d’agenda, donc CalDAV et l’application de contacts qui permet de synchroniser les contacts, donc ça fait deux applications de plus à installer. Est-ce qu’il est prévu d’intégrer ces fonctionnalités-là dans le client officiel Nextcloud ou, pour l’instant, ce n’est pas prévu ?
Nina Cercy : On y travaille, mais je pense que toutes les personnes ici qui travaillent sur du logiciel libre comprendront très bien pourquoi on a des difficultés à le faire. À l’origine, ces briques-là ont été développées par des contributeurs et clairement, on n’a pas du tout envie de s’aliéner notre base de contributeurs et de contributrices en disant « oui, c’est bien vous avez développé ça, mais regardez, nous on a développé mieux, allez hop ! on évacue votre appli. » On est tout à fait conscients du problème et du fait que, quand on prône la simplicité, devoir installer deux applications supplémentaires eh bien, mine de rien, ça met une petite barrière à l’entrée. On travaille avec eux justement pour essayer de comprendre comment, tout en respectant leur contribution et le fait qu’ils aient développé leur appli de leur côté, réintégrer ce qu’ils ont fait au cœur de Nextcloud afin de simplifier encore l’utilisation par, j’allais dire, n’importe qui, je déteste l’expression « madame Michu », mais la personne lambda qui n’y connaît absolument rien et qui, sinon, utiliserait Google Drive.
Frédéric Couchet : C’est vrai que ça fait trois applications à installer mais ce n’est pas la mort et, en plus, ces applications sont disponibles par défaut sur F-Droid. C’est vrai que dans une évolution de simplicité pour tout le monde, avoir un seul client ça peut être une évolution.

Je surveille en même temps le salon web de la radio, il y a Marie-Odile qui fait une remarque : 300 gigas de photos, je souhaite à Nina d’avoir un jour une longue retraite et de pouvoir les regarder toutes. Je crois que côté familial, chez moi, ce sont 250 gigas, donc je peux comprendre la problématique de Nina.
Nina Cercy : Ce sont juste des photos d’excellente qualité !
Frédéric Couchet : Exactement ça prend de la place !

François, tu veux compléter sur cette partie-là même si, effectivement comme je l’ai dit tout à l’heure, tu n’as pas de téléphone mobile, sur la partie applications de base. Après on va parler de l’aspect collaboratif.
François Poulain : Il y a une application à laquelle on a fait un petit peu allusion et qui est aussi intéressante pour l’usage familial, je trouve, c’est la galerie photo. Dans les fichiers vous avez des photos, ça vous génère une galerie photo et vous pouvez les partager, les visualiser. Ça paraît tout simple, tout bête, mais en fait ce n’est pas si simple de faire de l’auto-hébergement de photos aujourd’hui sur le web, donc Nextcloud facilite la tâche.
Frédéric Couchet : D’accord. Sur le salon web on a aussi une question. Là on a parlé de la partie client, mais il y a évidemment la question de la partie serveur, c’est-à-dire comment on fait, concrètement, pour avoir Nextcloud. La question de pirtouille2 c’est : existe-t-il des prestataires de confiance proposant un hébergement Nextcloud pour les personnes qui n’ont pas les moyens de l’installer sur un serveur à soi ? Nina Cercy.
Nina Cercy : Tout à fait, oui, bien sûr.

En fait, nous on distingue deux types de personnes qui proposent du Nextcloud. On a aujourd’hui un nombre, je ne sais pas, ça doit être 200/300 entreprises qui proposent du Nextcloud et on est ravis, des espaces où, pour quelques euros par an, vous allez avoir quelques gigas de données sur votre Nextcloud. Ce ne sont pas toujours des entreprises qui ont un contrat de support avec nous, donc ce ne sont pas des entreprises qu’on peut vraiment recommander parce que si ça se trouve elles font extrêmement bien leur travail ou si ça se trouve elles n’y connaissent absolument rien et ça, on n’a aucun moyen de le vérifier. On les liste, on a une page GitHub qui leur est dédiée où chacun peut se lister et dire ce qu’il propose, de quelle façon. On a également des prestataires avec qui on travaille et qui ont un contrat de support avec nous justement pour les cas un peu difficiles ou pour les déploiements qui sont complexes et qui sont disponibles sur une page qu’on mettra, j’imagine en ligne, en référence.
Frédéric Couchet : La page références, exactement, sur le site de l’April.
Nina Cercy : Sur la page nextcloud.com/providers.
Frédéric Couchet : Providers, d’acord. Il y a des fournisseurs en France ?
Nina Cercy : Il y a des fournisseurs en France. Là encore, comment dire ça, c’est un peu la limite entre officiel et non officiel. C’est vrai qu’à chaque fois qu’on me demande ça, j’ai tendance à dire qu’on a l’association Zaclys qui fait un travail extraordinaire.
Frédéric Couchet : Zaclys c’est z, a, c, l, y, s, je crois. Ça fait partie du collectif CHATONS dont on parlera tout à l’heure ou si tu veux en parler.
Nina Cercy : Non, je ne voulais pas divulgacher le collectif CHATONS.
Frédéric Couchet : Divulgacher. On en parlera tout à l’heure.
Nina Cercy : Sinon on a effectivement, pareil, Framasoft qui fait un super boulot avec son Framadrive. Mais je n’ai pas non plus envie de les citer et qu’après il y ait une vague d’inscriptions parce que ça reste des associations qui ne peuvent pas forcément supporter une charge supplémentaire et qui n’ont pas vocation à être des gens qui fournissent Nextcloud gratuitement au grand public.
Frédéric Couchet : Surtout s’ils sont tous comme toi et ma famille avec 300 gigas de photos, en termes d’espace disque ça va prendre de la place !
Nina Cercy : Pierre-Yves va me tuer, ça va être horrible !
Frédéric Couchet : Pierre-Yves Gosset de Framasoft en l’occurrence.

François, je vais te poser la question sur les fournisseurs types parce que, en venant à l’émission, tu m’as parlé d’OVH et compagnie, il y a aussi le Chapril, on en parlera tout à l’heure, qui offre effectivement un Nextcloud avec des limitations. Quelqu’un qui, par exemple, a un hébergement aujourd’hui chez OVH, chez Gandi ou que sais-je, est-ce qu’il y a des possibilités d’installer simplement un Nextcloud ? Tu m’as dit en arrivant, je ne sais plus quelle expression tu as employée, « avec des compétences basiques en informatique ». Est-ce que tu peux nous expliquer ça ? Comment quelqu’un qui a un hébergement chez un hébergeur type OVH ou autre, peut installer un Nextcloud de base avec les fonctionnalités dont on a parlé tout à l’heure ?
François Poulain : Pour répondre rapidement à la question, disons que quelqu’un qui est bidouilleur et qui sait comment installer une application PHP/SQL, il n’aura aucune difficulté à installer un Nextcloud parce que c’est exactement une application PHP/SQL.
Frédéric Couchet : Comme il y a quelques années on installait, enfin on installe toujours, des SPIP sur des hébergeurs, SPIP qui est un site web.
François Poulain : Quelqu’un qui sait installer un SPIP, qui sait installer un WordPress, saura installer un Nextcloud, il n’y a pas de difficulté majeure.
Frédéric Couchet : Par défaut les applications c’est quoi ? C’est un pack d’applications de base qui sont installées et ensuite, si on veut en ajouter d’autres, il suffit de les sélectionner dans une liste, dans une sorte de magasin, c’est ça ? C’est du clicodrome en gros ?
François Poulain : Oui, c’est ça. À l’issue de l’installation il est relativement vide. Aujourd’hui, sur les versions récentes, il y a des packs d’applications qui vous sont proposés. Il y a quelques packs qui existent, par exemple un pack bureautique, un pack travail collaboratif, etc., et après il y a un magasin d’applications avec les applications triées par catégories.
Frédéric Couchet : D’accord. Ça c’est une autre solution. Tu voulais compléter, Nina.
Nina Cercy : Oui, je veux bien compléter pour deux raisons. La première c’est que moi je n’appelle pas ça des compétences basiques en informatique.
Frédéric Couchet : C’est pour ça que j’ai mis des guillemets.
François Poulain : De bidouille.
Nina Cercy : Je comprends très bien et effectivement, je pense que pour toute personne qui fait de l’administration de système c’est très facile d’installer du Nextcloud. J’ai quand même vu le cas plusieurs fois : il y a des gens qui mettent des données importantes sur Nextcloud en se disant que c’est très facile à déployer et qu’ils n’auront pas de problèmes d’administration, ce qui est globalement vrai, mais ça nécessite quand même des compétences de base en termes de faire des sauvegardes ; toute une notion de maintenance qu’il ne faut pas absolument oublier quand on utilise un outil qui centralise autant de données.

La deuxième nuance que je voulais apporter, qui n’est pas une nuance d’ailleurs qui est plus une information, c’est le fait que la dernière version de Nextcloud qu’on a sortie s’appelle Nextcloud Hub et le concept c’est justement qu’on a sélectionné les applications qui, pour nous, devraient venir avec chaque Nextcloud. Typiquement maintenant, si vous installez Nextcloud, par défaut vous avez de l’édition collaborative en ligne, vous avez du chat avec Nextcloud Talk, avec des salons de discussion et ce genre de fonctionnalités en plus des fonctionnalités de base, du calendrier, des contacts, etc.
Frédéric Couchet : D’accord. On va faire une pause musicale. Au retour de la pause musicale on va quand même parler aussi des CHATONS qui est une solution et on abordera l’aspect collaboratif, l’aspect entreprises.

On va faire une pause musicale. On va écouter une artiste qu’on aime beaucoup, qui s’appelle Hungry Lucy et qui nous fait un morceau intitulé Wandering. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune.
Voix off : Cause Commune 93.1.
Pause musicale : Wandering par Hungry Lucy.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Wandering par Hungry Lucy, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions. Vous retrouverez les références sur le site de l’April, april.org.
Vous écoutez toujours l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune 93.1 FM en Île-de-France et partout dans le monde sur causecommune.fm.

Nous parlons de Nextcloud avec nos invités Nina Cercy, Représentante France de Nextcloud, et François Poulain de la société Cliss XXI et du Chapril dont on va parler tout à l’heure.

Juste avant la pause musicale on parlait des applications, on parlait de la recherche de prestataires pour quelqu’un qui voudrait installer un serveur Nextcloud pour héberger, partager des fichiers, des contacts, des photos, qui est un grand besoin. J’avoue que la première fois que j’ai installé Nextcloud c’est pour partager des photos avec ma femme qui partait en voyage. On a évoqué tout à l’heure un terme, « CHATONS » avec un « S », qui veut présenter ce que sont les chatons et quelles solutions peuvent permettre d’offrir ces structures par rapport à un hébergement Nextcloud ? Nina Cercy.
Nina Cercy : En fait c’est l’interro. CHATONS ça veut dire Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires.
Frédéric Couchet : Exactement, chatons.org.
Nina Cercy : Exactement. C’est une initiative qui a été lancée par Framasoft qui est une association d’éducation populaire qui se base sur du logiciel libre mais qui ne parle pas que de ça. L’idée c’est vraiment d’avoir la culture libre en général.
Frédéric Couchet : La culture libre en général.
Nina Cercy : Exactement. Framasoft, en fait, s’est retrouvée il y a quelques années face à un bon problème, on va dire. Eux avaient mis à disposition des services libres, pas forcément à leurs adhérents mais à tout un chacun, ça va du calendrier libre, contacts libres ou alors des alternatives à Doodle qui est un logiciel qui permet de choisir le meilleur moment pour organiser une soirée par exemple. Ils ont été un peu victimes de leur succès parce que, finalement, il y a beaucoup de gens qui avaient très envie de ne plus mettre ce genre de données chez Google et consorts et qui sont tous allés sur Framasoft. Donc Framasoft qui est une petite association, ce n’est pas une association de 1500 personnes, s’est retrouvée à devoir gérer un nombre de comptes incalculable avec du support très lourd, etc. Ils se sont dit ça n’a aucun sens. Nous on faisait ça pour lutter contre la centralisation des données chez quelques hébergeurs et là on se retrouve, finalement, à centraliser les données de tous les gens qui ne veulent pas aller chez Google. En plus de ça, ça leur faisait une charge de travail qui était beaucoup trop importante. Dans ces conditions ils se sont dit comment pourrait-on faire pour faire en sorte qu’il y ait plus d’associations ou de structures en général qui proposent des services libres comme nous on le fait et qui pourraient permettre à plus de gens de faire héberger leurs données on va dire chez des gens en qui ils ont confiance. Donc ils ont lancé cette idée des chatons qui sont des hébergeurs qui peuvent être des associations, je crois qu’il y a des partis politiques qui sont devenus chatons qui fasse partie du collectif [il n’y a pas de partis politiques proposant une offre d’hébergement, précision donnée par Angie Gaudion, chargée de communication et de partenariats chez Framasoft, NdT]. En fait, c’est un peu la même idée que les AMAP. Dans une AMAP, vous avez le petit paysan producteur ou le moyen paysan producteur qui va fournir dans un rayon, je ne sais pas, de 50 kilomètres autour de chez lui grâce à une asso qui va le mettre en contact directement avec des personnes qui veulent acheter leurs légumes directement auprès du producteur. Les chatons sont un peu les AMAP du Libre, c’est local, c’est vous qui choisissez chez qui sont stockées vos données et ils fournissent un service qui est basé sur du logiciel libre en s’engageant à ne pas exploiter vos données à des fins commerciales.
Frédéric Couchet : D’accord. François Poulain tu fais partie de l’équipe bénévole qui s’occupe du Chapril, chapril.org, qui est le chaton de l‘April, enfin la contribution de l’April aux CHATONS. Il y a notamment, depuis récemment, un service Nextcloud qui a été ouvert, qui s’appelle valise.chapril.org, parce que dans la valise on met tout, on y met la brosse à dents, les photos, etc., ses livres. Ce site, chapril.org, offre un service d’hébergement de type Nextcloud ouvert à toute personne ?
François Poulain : Oui. Le service d’hébergement vient d’ouvrir,en fait. Je pense que la publicité n’est pas encore fortement démarrée.
Frédéric Couchet : C’est pour ça que j’en fais la pub à la radio.
François Poulain : Là, aujourd’hui, on peut librement s’inscrire sur la plateforme, ouvrir un compte, il y a un quota de un giga.
Frédéric Couchet : Nina, pour les photos ça n’ira pas !
François Poulain : Qui est relativement modeste. On ne pourra mettre des vidéos et pas trop de photos mais qui est déjà une base de travail pour démarrer.
Frédéric Couchet : D’accord. Sachant que dans le collectif CHATONS il y a plein d’autres structures qui offrent ça. Tout à l’heure Nina parlait de la mère Zaclys, zaclys.com. On les retrouve sur chatons.org, chatons avec un « s », qui proposent des services d’hébergement de Nextcloud et qui permettent à quelqu’un, une personne, un collectif – on va parler tout à l’heure de l’importance de Nextcloud pour les collectifs. Je relaie une question qui est sur le salon web par rapport à ça : une personne ou un collectif a installé, a choisi un prestataire pour son Nextcloud et, demain, souhaite changer de prestataire. Comment ça se passe au niveau des données ? Est-ce que c’est facile de récupérer ses données et les transférer ? Est-ce que c’est compliqué ? Est-ce que c’est infaisable ? On n’imagine pas que ce soit infaisable ! Nina Cercy.
Nina Cercy : Je vais faire une super réponse à savoir : ça dépend des données. Il y a des données qui sont extrêmement simples à récupérer et à transférer. Typiquement votre calendrier, vous faites un simple export, vous remettez le fichier que vous avez exporté sur votre calendrier dans votre autre instance Nextcloud, c’est fait. Vos fichiers, vous pouvez tout télécharger d’un coup et tout remettre. En revanche on a un système, une application qui est un tableau kanban, donc un tableau de gestion de projets, eh bien là bon courage pour exporter ! Je ne crois pas que ces données soient dans un format qui soit facilement exportables. Vous allez perdre, a priori tout ce qui est version, modification de vos fichiers édités en ligne.

Je dirais que pour tout ce qui est export de fichiers, calendriers, c’est assez simple. Le plus simple évidemment c’est si votre prestataire déploie Nextcloud en tant que VM.
Frédéric Couchet : Machine virtuel.
Nina Cercy : Machine virtuelle, exactement, auquel cas vous avez juste, on va dire, à prendre le paquet et le coller chez quelqu’un d’autre.

Après, si ce n’est pas la façon dont votre prestataire déploie Nextcloud, eh bien il y a des données qui vont être très faciles à récupérer et d’autres pour lesquelles ça va être très compliqué.
Frédéric Couchet : D’accord. François tu veux compléter ?
François Poulain : Oui. C’est très important d’avoir un prestataire qui est ouvert au dialogue. Malheureusement, il y a énormément de prestataires et, en général, ça se ressent au niveau du prix, où c’est très difficile d’avoir un support efficace. Vous pouvez avoir des hébergeurs comme OVH, le plus connu, qui va vous faire un hébergement à 40 euros l’année, mais ça sera éventuellement difficile d’avoir un support efficace derrière pour récupérer vos données et pour être conseillé sur comment les réinstaller ailleurs.
Frédéric Couchet : D’accord. On a beaucoup parlé des besoins de personnes physiques, mais Nextcloud ne s’adresse pas uniquement aux personnes physiques, ça s’adresse aussi aux collectifs, aux entreprises, aux administrations. Je suppose qu’il y a évidemment des prestataires pas plus professionnels mais plus dédiés, en fait, à l’aspect entreprise, mais au niveau fonctionnalités est-ce qu’il y a des outils spécialement orientés entreprise ou en tout cas collaboratifs. Vous avez commencé tout à l’heure à parler notamment de l’édition de documents. Est-ce que, aujourd’hui, on peut éditer des documents directement dans Nextcloud et comment ça marche, en fait ? Nina Cercy.
Nina Cercy : Comment ça marche techniquement ? Ou l’expérience que c’est ?
Frédéric Couchet : L’expérience d’usage.
Nina Cercy : L’expérience est assez simple. En fait, quand vous arrivez sur votre Nextcloud vous avez une liste des fichiers que vous avez et si votre fichier c’est, par exemple, un document texte que ce soit du .doc, du .docx, du point .odt, vous cliquez dessus, ça l’ouvre et vous pouvez éditer en ligne.
Frédéric Couchet : Et ça c’est sur n’importe quelle instance de Nextcloud par défaut ou c’est un des modules particuliers ?
Nina Cercy : Maintenant oui. Maintenant, par défaut, sur l’intégralité des Nextcloud qui sont installés, vous avez de l’édition collaborative gratuitement. La limitation c’est que vous allez avoir un nombre de personnes qui peuvent travailler sur le même document en simultané qui est limité, je crois, à 20 personnes ou quelque chose comme ça et ensuite, si vous êtes dans un contexte d’entreprise – ce n’est pas nous développons ça, on travaille là-dessus avec des partenaires – vous allez acheter à ces partenaires, ça dépendra de leur modèle, soit un nombre de connexions simultanées pour leurs logiciels ou alors du support dans le cas de Collabora. Vous aurez cette même expérience juste avec plus de personnes qui peuvent éditer au même moment.
Frédéric Couchet : D’accord. François Poulain.
François Poulain : Juste pour préciser, c’est très récent parce que c’est la version 18 du logiciel qui est sortie en janvier, mi-janvier.
Nina Cercy : Exactement.
Frédéric Couchet : C’est la fameuse version Nextcloud Hub, h, u, b.
Nina Cercy : Exactement, tout à fait.
Frédéric Couchet : Nextcloud est une société allemande c’est ça ?
Nina Cercy : C’est ça, tout à fait.
Frédéric Couchet : En fait, on n’a pas beaucoup parlé du modèle économique : dans le modèle économique le logiciel est libre donc, finalement, c’est au niveau des services que Nextcloud se finance par rapport au logiciel, peut-être par rapport à de la formation, je ne sais pas ?
Nina Cercy : Exactement, c’est au niveau des services. En fait nous, ce qu’on vend ce n’est effectivement pas, comme tu le disais, une licence d’utilisation. On a un modèle qui est autour de l’accès à l’expertise. En fait, ce qu’on appelle la souscription Nextcloud va avoir plusieurs avantages pour les entreprises. En général, ce qu’elles voient le plus, c’est le support, évidemment, parce que ça vous donne un accès au support, mais il n’y a pas que ça. L’accès à tout ce qui est autour de Nextcloud, que ce soit le développement de fonctionnalités spécifiques, que ce soit l’accès aux addons de nos partenaires.
Frédéric Couchet : Les addons ce sont, François aide-nous.
François Poulain : Les greffons.
Frédéric Couchet : Les greffons, voilà.
Nina Cercy : Les greffons, Je n’arrivais pas trop à trouver une traduction. C’est génial.
Frédéric Couchet : Je ne sais pas si c’est plus compréhensible, mais bon !
Nina Cercy : Je ne sais pas, mais typiquement tous les produits que vous allez acheter en plus de Nextcloud seront uniquement accessibles aux entreprises comme partie de la souscription Nextcloud. On a également, en termes de sécurité, le fait qu’on réintègre uniquement les correctifs de sécurité sur les anciennes versions : typiquement, si vous avez NextCloud, je ne sais pas, 13, qui aujourd’hui n’est plus maintenu en version communautaire, continue à être maintenu pour les entreprises.

Tout ce qui touche à l’expertise va faire partie de la souscription et c’est comme ça qu’on se finance.
Frédéric Couchet : D’accord. Très bien. On a appris que le ministère de l’Intérieur, et sans doute d’autres, se lance dans l’installation massive de Nextcloud. C’est accompagné par la société Nextcloud. Est-ce qu’on peut savoir si ça se passe bien ou est-ce que c’est trop tôt ?
Nina Cercy : Tout à fait. C’est accompagné par la société Nextcloud directement. On travaille en direct avec eux. Est-ce que ça passe bien ? Eh bien c’est à eux qu’il faudrait le demander !
Frédéric Couchet : On les invitera !
Nina Cercy : C’est ça. Je n’ai pas trop le droit d’en parler, pas tellement du côté de Nextcloud mais plutôt de leur côté à eux, parce que ça reste le ministère de l’Intérieur, tout simplement. Leur objectif, à terme, c’est de déployer Nextcloud, je crois, pour leur 300 000 agents, c’est ça le terme. Forcément, quand on déploie un service pour 300 000 agents, ça ne se fait pas en deux jours ! Là je sais qu’on continue à travailler avec eux, en tout cas ça c’est sûr, mais je ne peux pas en dire tellement plus.
Frédéric Couchet : D’accord. Quand ils auront fini la migration, ils viendront nous faire un retour d’expérience comme l’a fait la Gendarmerie.

François, tout à l’heure tu expliquais que tu travailles pour Cliss XXI, une petite société libriste dans le Nord, et je crois que vous travaillez pas mal avec des collectifs, associations diverses et variées, est-ce que tu as des retours d’expérience, des cas d’usages particuliers par rapport à Nextcloud ?
François Poulain : On travaille beaucoup soit avec des mairies soit avec des associations et plutôt de petite taille, quand il y a 15 usagers c’est déjà beaucoup.

On parlait de modèle économique tout à l’heure, nous, ce qu’on vend essentiellement c’est le support, en fait. On vend un petit peu l’hébergement et un petit peu la maintenance parce qu’on a un modèle économique de service, mais c’est surtout le support qui fait notre valeur ajoutée. On est face à des gens qui mettent un agenda partagé et, pour une raison ou pour une autre, ils n’arrivent pas à l’installer dans leur Thunderbird, donc on vient les aider, comprendre leur problème, leur expliquer. On les forme un petit peu aussi parce qu’il faut qu’ils acquièrent un peu les mécanismes de fonctionnement. Par exemple il y a des gens qui nous sollicitent parce qu’il faut installer le synchroniseur sur Android et qu’ils ne savent pas, donc on les guide, etc. C’est typiquement le genre de choses qu’on fait.

On parlait un petit peu tout à l’heure des techniques d’hébergement. Nous on fonctionne sur deux modes. On va avoir une infrastructure d’hébergement mutualisé : sur nos serveurs, chez nous, qui sont chez un petit hébergeur à Valenciennes, on va avoir différents Nextcloud qui sont hébergés aux côtés d’autres applications pour différents utilisateurs mais qui sont sur nos ordinateurs à nous, c’est ce qu’on appelle de l’hébergement mutualisé. On va aussi avoir des gens qui veulent avoir un ordinateur avec des services chez eux. Donc on a plusieurs usagers comme ça.

Une fois il y a eu une rencontre, en 2019, avec une sociologue qui faisait beaucoup d’enquêtes de terrain, qui collectait beaucoup de données, qui mettait ça sur Dropbox et Google, de façon un peu sans savoir. Un jour, elle a fait une formation au RGPD parce que tout le monde a parlé du RGPD.
Frédéric Couchet : Rappelle-nous ce qu’est le RGPD.
François Poulain : C’est le règlement sur la protection des données.
Frédéric Couchet : Réglement général sur la protection de données, réglement européen entré en vigueur il y a deux ans, de mémoire.
François Poulain : Voilà. Qui a fait beaucoup parler de la question de la protection des données personnelles. Il n’a pas vraiment changé le cadre réglementaire ; en France, il n’a quasiment pas changé parce que le cadre réglementaire français était déjà très protecteur, par contre il a fait qu’on en a beaucoup parlé.

Cette personne-là s’est rendu compte « mais en fait j’expose énormément de choses dans les mains de prestataires auxquels je ne peux rien dire ». En plus, ce sont des comptes gratuits, donc il n’y a aucune garantie derrière, la seule garantie que vous avez c’est que Google vous espionne. Donc elle s’est posé la question : comment on peut faire ? Elle est venue nous voir, on s’est mis d’accord sur un plan de migration. Elle a passé ses postes sous Debian puisque c’était une volonté de sa part. On a installé un serveur domestique chez elle et elle a son serveur de fichiers en Nextcloud qui est à deux mètres du bureau où elle travaille. Elle a les données de ses enquêtes, ses données de travail, elle utilise Nextcloud pour collaborer avec des partenaires quand il faut travailler en commun sur des dossiers, etc. Et, à l’époque, il n’y avait pas Nextcloud 18, donc on a mis un serveur Collabora pour qu’elle édite ses documents.

Notre valeur ajoutée c’est de faire ça, c’est de rapprocher les données des gens.
Frédéric Couchet : Et de rapprocher le service des gens parce que vous travaillez beaucoup en local.
François Poulain : Oui, essentiellement. La grosse partie de notre travail c’est de faire de l’assistance pour que les gens aient une informatique qui fonctionne clés en main en libre.
Frédéric Couchet : D’accord. Le temps passe vite, là vous venez de citer la dernière version de Nextcloud, c’est la 18, c’est ça ? Est-ce qu’on peut avoir des informations sur les dernières versions ? Est-ce qu’il y a des choses qui vont arriver ? Est-ce qu’il y a quelques infos à partager ? Peut-être Nina Cercy.
Nina Cercy : Oui, je vais révolutionner ça, la prochaine c’est la 19 !
[Rires]
Nina Cercy : Je n’ai rien dit, je nierai ! Très clairement, notre objectif pour ce qui est de l’avenir de Nextcloud, c’est d’intégrer de manière toujours plus poussée toutes les briques ensemble. Typiquement, aujourd’hui on a des intégrations des serveurs de fichiers dans le chat donc les discussions instantanées et on voudrait que ce soit beaucoup plus fluide pour les utilisateurs et que, finalement, on puisse devenir la brique de base d’un écosystème libre de toutes les applications dont les gens ont besoin.

On voit qu’on réussit pas mal ça parce qu’on a effectivement beaucoup de gens qui développent des applications sur notre plateforme. L’avenir pour nous c’est de réussir à susciter encore plus, on va dire, de vocations ou de contributions auprès de nos contributeurs et de nos contributrices. On a lancé un programme développeurs et développeuses, Developer program en anglais, mais francisé.
Frédéric Couchet : On se comprend.
Nina Cercy : Ça s’adresse tout à fait aussi aux développeuses, évidemment. Ce programme vise justement à mentorer les gens qui auraient envie de développer une application pour Nextcloud et on aimerait bien, à terme, que oui, bien sûr nous on aura, je pense, toujours la plus grande partie du code, en termes de pourcentage de code, qui sera développée par les ingénieurs de Nextcloud, mais on voudrait que l’écosystème soit vraiment complété pour répondre aux besoins de toute personne qui a besoin de développer un service ou une application sur le serveur.
Frédéric Couchet : D’accord. Avant ma dernière question, François, je crois que tu voulais quand même citer au moins un autre logiciel libre sur le même segment de fonctionnalités de Nextcloud c’est ça ?
François Poulain : Oui, si on avait l’occasion.
Frédéric Couchet : Trente secondes, voilà.
François Poulain : Il y a des Français de Grenoble qui développent un logiciel qui s’appelle Tracim, qui peut être intéressant à tester, qui est beaucoup moins flexible que Nextcloud, mais c’est une fonctionnalité ; il arrive, il est beaucoup plus pré-configuré, prêt à l’emploi. Je pense que ça peut être intéressant pour les gens qui cherchent à avoir une alternative.
Frédéric Couchet : D’accord. Ma dernière question, deux minutes chacun. En résumé, quels seraient les éléments clés que vous voudriez faire passer sur Nextcloud. On va commencer par François et puis on laissera la parole à Nina.
François Poulain : C’est un super logiciel qui est déjà très pointu mais qui, à mon, avis va encore gagner en qualité dans les années à venir.

En termes de qualité d’hébergement, faites attention là où vous mettez les pieds. Comme Nina l’a rappelé tout à l’heure, il y a quand même des détails techniques à avoir derrière, par exemple le fait d’avoir de la sécurité, des sauvegardes, ce sont des éléments importants. Des fois il y a même des hébergeurs qui disent faire des sauvegardes et qui ne les font pas si bien que ça, donc ça vaut le coup de regarder un peu.
Frédéric Couchet : C’est-à-dire qu’ils font des sauvegardes mais jamais de tests de restauration, peut-être !
François Poulain : Ça arrive et pas que des amateurs.
Nina Cercy : Je ne citerai personne.
Frédéric Couchet : Pas que des amateurs, nous sommes d’accord. Souvent les amateurs font un meilleur travail. Nina, en deux minutes.
Nina Cercy : En deux minutes. Tout simplement ce qui m’a fait travailler chez Nextcloud, évangéliser pour Nextcloud, c’est de dire qu’on n’a pas besoin de sacrifier sa vie privée pour avoir un service de qualité. Aujourd’hui, pour moi, ce logiciel c’est quand même la preuve qu’on peut faire aussi bien, sinon mieux, que les grands acteurs qu’on connaît tous aujourd’hui, les GAFAM, Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft.
Frédéric Couchet : Et puis les autres qui arrivent aussi.
Nina Cercy : Tous les autres qui sont très contents de ne pas faire payer leurs services puisque les gens payent en données. Ça ne devrait pas être le seul modèle et je suis vraiment ravie de contribuer à un contre-modèle qui prouve qu’on peut faire bien les choses sans avoir besoin d’abuser de la naïveté, on va dire, et de l’inexpérience technique des utilisateurs et utilisatrices.
Frédéric Couchet : En tout cas, les personnes qui veulent en savoir plus, n’hésitez pas aller sur nextcloud.com. Pour des hébergeurs, on a beaucoup parlé notamment des chatons, c’est chatons avec un « s » point org, dont le chapril qui propose un hébergement.
François Poulain : chapril.org.
Frédéric Couchet : chapril.org, exactement.

En tout cas je remercie Nina Cercy, Représentante France pour Nextcloud, et François Poulain de Cliss XXI et de l’April et je vous souhaite une agréable fin de journée.

Nous allons faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Frédéric Couchet : Nous allons écouter I’ll Be Right Behind You Josephine par Josh Woodward. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune.
Voix off : Cause Commune 93.1.
Pause musicale : I’ll Be Right Behind You Josephine par Josh Woodward.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter I’ll Be Right Behind You Josephine par Josh Woodward, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution. Vous retrouverez les références sur le site de l’April, april.org.
Vous écouter l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 en Île-de-France et partout ailleurs sur le site causecommune.fm.
Frédéric Couchet : Nous allons changer de sujet. Normalement notre chroniqueur Luk devait être présent au studio, mais il n’est toujours pas arrivé ! À moins que Étienne ait des nouvelles.
Étienne Gonnu : Oui. Justement Fred, là je l’ai au téléphone, il vient de nous appeler. Je te le connecte ?
Frédéric Couchet : Connecte-le, sinon on va devoir improviser. Allez, on passe au sujet suivant.
[Virgule musicale]

Chronique « La pituite de Luk » sur le thème « mieux vaut demander pardon que demander la permission »

Frédéric Couchet : Passons maintenant au sujet suivant. Nous allons poursuivre avec la chronique « La pituite de Luk » qui, la dernière fois, était coincé aux toilettes et n’osait plus en sortir. Luk nous avait assuré être au studio aujourd’hui, mais il n’est pas là, il est au téléphone et il n’avait même pas prévenu qu’il ne serait pas là. J’espère que nous aurons des explications !

Bonjour Luk. Est-ce que tu es avec nous au téléphone ?
Luk : Oui Fred, je suis là. Je suis désolé, j’avais promis d’être vraiment là ce coup-ci mais c’est encore raté. Je m’excuse de ne pas être venu. Je m’excuse de ne pas t’avoir prévenu. Je m’excuse vraiment platement. Je suis vraiment désolé, c’est ma très grande faute !
Ce n’est pas mal, hein ? En fait, je suis à la CCI pour monter ma boîte. J’entre de plein droit dans la start-up nation, et le secret des startups qui réussissent c’est « mieux vaut demander pardon que demander la permission. » Du coup, je m’entraîne. Je pose des lapins et après : « Oups ! Pardon. » C’est ça le style « premier de cordée ». Ça donne peut-être l’impression que je me fous de la gueule du monde, mais vu que je me suis excusé platement, ce serait mesquin de se plaindre !
On n’est pas toujours obligé de s’excuser pour réussir. Par exemple Elon Musk qui nous spamme actuellement l’orbite avec ses satellites Starlink, aurait réagi au tollé autour de la pollution lumineuse par un laconique : « Les astronomes, combien de divisions ? » Je me suis dit que quand même, si on a pas besoin de s’excuser, c’est souvent le signe qu’on ne disrupte pas assez. On reste gagne-petit.
Moi, j’admire le boulot d’un mec comme Zuk. Il s’excuse vraiment bien et fait ça souvent. Pour les ignares restés bloqués au stade analogique, qui ne savent pas de qui je parle, Zuck c’est Mark Zuckerberg, le patron data-énurétique de Facebook. Tout le monde sait ça normalement ! Il faut vous sortir le digital du cul ! Oups pardon ! Je m’excuse.
Récemment on a découvert qu’Avast, le célèbre éditeur d’antivirus, collectait plein d’infos personnelles pour les revendre. Comme l’affaire a fait scandale, le patron d’Avast a arrêté et s’est excusé. Oups ! Pardon !
Mais mon modèle, c’est Travis Kalanick, l’amer ex-patron d’Uber.

Uber a fait tous les coups pourris possibles avec son appli. C’est tellement puissant de maîtriser un système d’information de bout en bout quand on n’a aucune limite morale. S’ajoute à ça des scandales variés mêlant violences sexuelles, discrimination et tentatives de corruption. Ça a été un festival d’excuses jusqu’à la démission de Kalanick. Sa fortune est estimée à 6,1 milliards d’euros, alors qu’Uber n’a jamais fait le moindre bénéfice. Excusez du peu !
Mais là où Uber a atteint un niveau supérieur c’est quand il a tué une piétonne avec son véhicule autonome. Comme l’Intelligence Approximative de la bagnole n’arrivait à rien, tous ses curseurs d’alerte avaient été mis à 0 ou presque, il fallait montrer aux investisseurs qu’elle pouvait rouler plus de 10 mètres sans planter un coup de frein. En conséquence, la bagnole avait bien détecté un truc louche durant les six secondes précédant l’impact, mais n’a ni dévié ni freiné. Des excuses et un gros chèque ont permis à Uber d’éviter le procès.
J’admire également Practice Fusion qui propose un service d’aide à la prescription pour les toubibs américains. L’éditeur a avoué avoir touché un million de dollars pour favoriser la prescription d’antidouleurs, apportant ainsi sa pierre à l’édifice de la crise américaine des opioïdes qui a fait 300 000 morts en 20 ans. Bien sûr, la boîte a écopé d’une grosse amende, mais on ne parle d’aucune mise en cause personnelle.
Je suis aussi fan de Dennis Muilenburg, l’ancien DG de Boeing, qui a démissionné non pas parce que le 737 Max a tué 347 personnes en quelques mois en se crashant deux fois, mais parce que l’avion est cloué au sol depuis bientôt un an et que la compagnie perd une fortune. La sécurité du nouvel avion avait été bâclée sous la pression des financiers. Boeing avait même désactivé à distance l’alarme de dysfonctionnement du système fautif après le premier crash, pour rendre l’option payante. Muilenburg se sera fait 21 millions d’euros à la tête de Boeing, c’est moins que Kalanick, mais 347 morts, ce n’est quand même pas rien.
C’est ça mon vrai objectif de réussite : tuer des gens sans en subir les conséquences. C’est l’achèvement ultime pour quiconque suit ce principe de « demander pardon plutôt que la permission ».

Ce qui me met une larme à l’œil, c’est que ce principe est lui-même une entourloupe. Les premiers de cordée ne demandent pas pardon, ils s’auto-absolvent en s’excusant eux-mêmes. On reconnaît les purs et durs à ce qu’ils parviennent à dissoudre la morale dans le business. Finalement, gagner des millions, c’est médiocre. Si à 50 ans on a pas tué impunément, c’est qu’on a quand même raté sa vie.
Frédéric Couchet : Merci Luk. Sans vouloir trop dévoiler des infos personnelles te concernant, je te donne donc rendez-vous dans deux ans pour savoir si tu as raté ta vie ou pas ?
Luk : C’est ça. Quelque chose comme ça, oui.
Frédéric Couchet : Moi je suis dans ma cinquantième année, donc on verra assez rapidement si j’ai réussi ou pas ma vie.

En tout cas merci Luk. C’était la chronique « La pituite de Luk » sur le thème « mieux vaut demander pardon que demander la permission ». Le site de Luk avec un « k » c’est incroyableluk.org. Peut-être qu’on aura Luk le mois prochain en studio, mais je commence vraiment à désespérer.
Luk : Non, non, la prochaine fois c’est la bonne.
Frédéric Couchet : La prochaine fois c’est la bonne ? Rendez-vous la prochaine fois. De toute façon la prochaine fois si tu ne viens pas, je ne te prendrai pas au téléphone, je te préviens.

Je te souhaite en tout cas une belle fin de journée et au mois prochain.
Luk : Merci. Salut tout le monde.
Frédéric Couchet : Nous approchons de la fin de l’émission, nous allons terminer par quelques annonces.
[Virgule musicale]

Annonces

Frédéric Couchet : Tout à l’heure ma collègue Isabella Vanni était présente en studio pour sa chronique. Elle animera la réunion du groupe de travail Sensibilisation de l’April jeudi 20 févier 2020 à la FPH dans le 11e arrondissement, accueil à partir de 18 heures 30, vous avez les informations sur le site april.org. C’est dans le cadre de la contribution au Libre qui est d’ailleurs organisée chaque jeudi soir à la FPH.

On a parlé tout à l’heure de Nextcloud avec Nina Cercy et François Poulain. Le samedi 22 février de 10 heures à 12 heures, à Vandœuvre-lès-Nancy dans la Fabrique collective de la Culture du Libre, médiathèque Jules Verne, il y aura une matinée consacrée à Nextcloud, un outil collaboratif. N’hésitez pas à y aller.

À la Porte de Versailles à Paris, dans le cadre du Salon de l’Agriculture, eh oui, dans le cadre du Salon de l’Agriculture, du vendredi 21 février ou dimanche 23 février, il y a un hackathon pastoral qui va être organisé. N’hésitez pas à vous y rendre, je suppose que c’est un stand et le site web c’est hackathon-pastoral.com, hackacthon c’est h, a, c, k, a, t, h, o, n.

Vous avez tous les autres évènements sur le site de l’Agenda du Libre, agendadulibre.org.

Je vais rappeler quand même que récemment, comme l’a dit François Poulain, le site du Chapril comporte deux nouveaux services libres : on a beaucoup parlé de Nextcloud, le site, si vous voulez le tester c’est valise.chapril.org. Il y a un deuxième service qui est ouvert, c’est un service de simple partage rapide de fichiers, c’est drop.chapril.org. Vos fichiers sont chiffrés sur votre navigateur, donc la confidentialité de vos données est maximale et le service est basé sur le logiciel libre Firefox sSend. N’hésitez pas à tester et vous retrouvez l’ensemble des services sur chapril.org.
Nous émission se termine. Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission : Isabella Vanni, Tristan Duval, Nina Cercy, François Poulain. Je ne sais pas s’il faut remercier Luk, il nous a encore posé un lapin, mais on le remercie quand même.

Aux manettes de la régie aujourd’hui Étienne Gonnu.

Merci également à Sylvain Kuntzmann qui s’occupe du traitement des podcasts et j’en profite pour signaler que nous faisons un appel pour trouver des gens pour nous aider à traiter les podcasts parce que Sylvain s’en occupe chaque semaine. Donc si vous avez envie de l’aider à traiter les podcasts pour améliorer leur qualité avant leur mise en ligne n’hésitez pas à nous contacter.
Vous retrouverez sur notre site web, april.org, toutes les références utiles, ainsi que sur le site de la radio, causecommune.fm. N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu mais aussi de points d’amélioration. Toutes vos remarques et questions sont les bienvenues.
Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission. Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas à en parler autour de vous. Faites-la connaître et faites également connaître la radio Cause Commune, la voix des possibles.
La prochaine émission aura lieu mardi 25 février 2020. Le sujet long ne sera pas en direct, nous l’avons enregistré récemment et il portera sur le burn-out dans le domaine professionnel, avec notamment le témoignage assez rare d’un développeur libriste qui nous fait un témoignage sur son burn-out et sur sa reconstruction de vie.
Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve mardi prochain et d’ici là, portez-vous bien.
Générique de fin d’émission :Wesh Tone par Realaze.

Avertissement : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant⋅e⋅s mais rendant le discours fluide. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.