Léa-Linux : Documentation communautaire

Présentation

  • Titre : Léa-Linux Documentation communautaire
  • Intervenants : Jiel Beaumadier
  • Lieu : Bruxelles, RMLL 2013
  • Date : 11 juillet 2013
  • Durée : 30min47
  • Média : Lien vers la vidéo
  • Licence : CC-BY-SA

Transcription

Je vais vous présenter Léa-Linux, documentation communautaire. C’est une présentation qui avait déjà eu lieu avec le même titre à Genève l’année dernière, sauf qu’en fait ce ne sera pas exactement pas la même chose. Si vous l’avez déjà vue, vous ne reverrez pas la même chose, il y aura des choses en moins, il y aura des choses en plus. Je suis très content d’être ici à Bruxelles pour fermer le thème « communauté ». La présentation se déroulera sur trois axes. En premier je vais expliquer ce qu’est Léa-Linux, pour les gens qui ne connaissent pas, à quoi ça sert, etc. Ensuite : Léa-Linux, comment ça marche, comment on s’en sert, comment on l’utilise, comment on y participe. Et puis enfin, je vais présenter un petit peu quels sont les enjeux à long terme, les défis qu’on a quand on a un site qui est aussi long. C’est un site qui a quinze ans.

Léa-Linux est un site web. C’est un projet qui a vocation à rester sur le web. C’est un site d’aide. En fait on est là pour aider les gens et c’est pour cela que j’ai précisé que c’était un site web, parce qu’il y a beaucoup de façons d’aider les gens. Une façon notamment, ce sont les groupes d’utilisateurs du logiciel libre, dans chaque ville, où les gens vont et se font aider, etc. Nous sommes un peu quand les gens rentrent chez eux, qu’ils sont tout seul ; ils vont sur leur moteur de recherche, ils tapent une question et ils viennent chez nous.
Ensuite, nous sommes un site francophone. Nous avons vocation à faire de la documentation en langue française. C’est francophone parce que c’est véritablement francophone : c’est-à-dire qu’on a des contributeurs qui viennent du Maroc, on en a du Québec, on en a de Belgique, on a des Français.
Ensuite notre but : faire un site convivial, d’ailleurs Léa veut dire « Linux Entre Amis ».
Enfin, c’est un site qui a pour but de parler de GNU/Linux puisqu’il faut bien se limiter à quelque chose. On a déjà été contactés pour faire de la documentation sur BSD, etc. On a des documentations sur les logiciels, etc., mais on n’a pas vocation à devenir une plate-forme sur le Hurd ou sur FreeBSD, en tout cas pas pour l’instant.
Le site. Voilà. Là on voit exactement comment est le site. Je vais détailler un peu les différentes rubriques. Voilà comment se présente Léa-Linux, son logo, avec différentes rubriques et puis ici notre petit blog.
Léa-Linux je viens de présenter ce que c’est, mais pourquoi est-ce apparu Léa-Linux ? Léa-Linux est apparu en 1998, et en 1998, en fait, c’était un peu particulier, il n’y avait quasiment que des sites en anglais pour l’aide et quasiment que des pages de manuel. C’est-à-dire que si on voulait une info, c’était vraiment de la documentation pour les informaticiens, pour les geeks, en tout cas pas du tout pour le grand public. La ménagère de cinquante ans, elle arrivait, Linux, elle regardait, c’était un peu trop compliqué, elle arrêtait. Les fondateurs de Léa-Linux, Serge Tchesmeli et Jean-Christophe Cardot, s’étaient rencontrés sur les listes de diffusion de la distribution Mandrake - qui est aujourd’hui Mageia - et ils se sont aperçus qu’en fait il y avait vraiment un besoin, il y avait plein de gens qui n’étaient pas forcément des informaticiens, pas forcément des experts, qui avaient besoin de l’aide pour Linux mais de l’aide avec des vrais mots. Les ressources sur l’internet, en français il n’y avait rien. Et pour les francophones, tout le monde n’étant pas anglophone, tout le monde n’ayant pas un niveau d’anglais nécessaire ou un niveau d’anglais technique, il fallait des ressources en français et c’est ça qui a donné naissance au site Léa-Linux.
Chez Léa-Linux on a une ligne éditoriale, une façon de fonctionner, en tout cas une vision de la documentation. Ce qu’on présente ce sont des documentations qui sont des documentations originales, c’est-à-dire qu’on ne fait pas de traduction. La traduction on considère que c’est vraiment un métier. C’est quelque chose qui est faisable, mais c’est très compliqué, et on pense que c’est mieux que les documentations pour les francophones soient faites par des gens francophones, directement dans leur langue. C’est sûrement ce qui donne quelque chose de plus clair et c’est ce qu’on essaye de faire. On a essayé de faire quelque chose qui est aussi clair, qui est limpide, qui est pédagogique. On fait attention à la qualité rédactionnelle comme tous les sites un peu sérieux. Donc pas trop de fautes d’orthographe, pas de fautes de grammaire, des phrases correctement écrites. C’est très important aussi parce que nous sommes justement francophones, on a remarqué par exemple que les Français ont tendance à mettre beaucoup d’abréviations etc. Parfois ces abréviations ne sont pas du tout comprises au Québec. C’est un exemple. Au Maroc ils ont certains termes qui ne vont pas être compris. C’est important de rester dans un français assez standard et assez bien écrit pour que tout le monde comprenne. Si on commence à écrire en langage phonétique peut-être que dans un autre pays de la francophonie... ou on a des gens, qui viennent sur Léa, pour qui le français est la langue seconde. Ça peut être des Espagnols, des Allemands et ces gens-là, évidemment, si ce n’est pas écrit en français standard ils ne comprennent pas du tout. On essaye d’être pédagogiques puisqu’on écrit un site qui s’adresse quand même avant tout aux débutants, au grand public, en tout cas pas forcément aux gens les plus expérimentés qui pouvaient accéder à d’autres sources.
Quelque chose de particulier de Léa-Linux c’est aussi que c’est un site indépendant. C’est quelque chose qui nous tient vraiment à cœur. On est un site d’informatique, on est un site du libre et on a une totale indépendance. C’est fait par des bénévoles, uniquement. C’est un site qui n’a pas de publicité. En fait des fois, nous, on décide de mettre, de promouvoir des projets, par exemple ce qui était assez amusant c’est que dans l’année 2002-2003 pendant un moment on a beaucoup fait de promotion pour Wikipédia et c’était rigolo parce qu’à l’époque Léa-Linux était plus important que Wikipédia, aujourd’hui ce n’est plus du tout le cas. Parfois on fait de la promotion pour des projets parce qu’on trouve ça bien. Là, ces derniers jours par exemple, on avait fait de la promotion pour la Quadrature du Net qui cherchait des fonds. C’est un projet intéressant. Mais on n’aura jamais de publicité pour, je ne sais pas, des marques de chips ; en tout cas actuellement ce n’est pas le cas.

Ensuite on n’est pas liés à un projet. Léa-Linux, ce qui est particulier, c’est aussi historique, parce qu’on était le premier site d’aide pour Linux en français. On ne vise pas une distribution en particulier. On n’est pas attachés à Ubuntu ou à Fedora ou à Debian ou peu importe. On vise toutes les distributions. On n’est pas attachés à un environnement de bureau. On essaye de faire le plus possible que nos documentations soient pour tous les projets. Si bien que, par exemple, typiquement quand quelqu’un écrit une documentation pour Léa-Linux, puisque c’est un site communautaire, la personne utilise une distribution, par exemple elle utilise Ubuntu au quotidien, ce qu’on essaye de faire à chaque fois c’est de rendre la documentation qui a été écrite la plus applicable à plus de distributions possibles, à plus d’environnements pour que tout le monde s’y retrouve.
Après comment ça marche Léa-Linux ? Léa-Linux est un site collaboratif. En fait c’est MediaWiki. C’est le même outil que Wikipédia, simplement la différence avec Wikipédia c’est qu’il y a une modération ’’a priori’’. C’est-à-dire que les gens postent une documentation, elle est d’abord relue avant d’être sur le site. Ça permet d’éviter le spam et ça permet aussi d’améliorer une documentation. Ça nous arrive souvent, par exemple on reçoit des documentions qui sont d’extrêmement bonne qualité technique et très claires, mais avec énormément de fautes d’orthographe. On relit avant, on corrige, ou si parfois les gens font une erreur, on apporte des choses en plus. C’est un wiki. Il suffit juste de se connecter, d’éditer une page et de créer une nouvelle documentation. Ce qui se fait aussi beaucoup c’est que comme c’est un site collaboratif, les gens corrigent une documentation. On voit une faute on corrige, on a quelque chose à rajouter, on corrige.
Léa est divisé en différentes rubriques. On a la rubrique, qui est un peu le cœur du site, ce sont des tutoriels, c’est-à-dire de l’aide sur un sujet. Comment installer un serveur web, découvrir Linux, par exemple c’est une de nos rubriques principales. Qu’est-ce que c’est Linux, qu’est-ce que l’environnement KDE, comment on l’utilise.
Ensuite on a des documentations un peu plus spécifiques. Ce sont des fiches. Ce sont des tutoriels très courts qui servent à faire une seule tâche précise. Par exemple comment aller sur le réseau Jabber avec Linux. Là on va avoir première étape faire ci, deuxième étape faire ça, troisième étape faire ça.
Ensuite on a des trucs et astuces, c’est-à-dire un petit truc, comment afficher un texte plus grand dans tel ou tel logiciel etc, dans Firefox par exemple en appuyant sur la touche « plus », ce genre de choses.
Ensuite on a trois rubriques, moins connues en général sur le site, qui sont un peu périphériques. Une logithèque qui est un peu une bibliothèque de logiciels, toute une liste de logiciels classés par thèmes, par exemple une liste de logiciels bureautiques, un liste de jeux classés par thèmes, etc. On a besoin de faire une tâche compliquée. On cherche des logiciels par exemple pour observer le ciel, hop, on va aller dans la rubrique astronomie, on va trouver toute une liste de logiciels libres qui existent, avec les liens, qu’on pourra installer. Ça c’est la logithèque.
On a une "pilothèque" qui contient une liste de pilotes qui peuvent nous servir à faire marcher nos cartes Wi-Fi , nos imprimantes, etc.

Et puis un annuaire, le Léannuaire, l’annuaire de tous les projets libres, les logiciels libres, les sites libres où on peut trouver des informations autour du logiciel libre, où il y a la liste, par exemple, de tous les groupes d’utilisateurs de logiciel libre et ainsi de suite. Ça c’est vraiment la partie wiki.
Ensuite on a une partie forums. Avant c’était une partie documentation, maintenant on est dans une partie plus interactive. Ce sont des forums classés par thèmes. D’abord classés par distribution : si on a une question spécifique Ubuntu, une question spécifique Mageia, une question spécifique Debian, on va dans le forum concerné. Après on a des rubriques plus génériques, multimédia, matériel, administration. Enfin on a une rubrique qui s’appelle « aide » pour les questions qu’on aurait qui ne se trouvent dans aucune autre rubrique. On vient, on s’inscrit, on pose une question et on attend la réponse et si on a laissé son e-mail on peut recevoir la réponse par e-mail. Après voilà on interagit. Souvent quelqu’un demande des précisions sur un problème. On répond et puis si ça se passe bien, eh bien on a la solution à notre problème.

Et enfin, on a un autre de mode de fonctionnement qui est une liste de diffusion. On s’inscrit. Ensuite tous les jours on reçoit par mails des gens qui posent de questions, ça envoie un mail à toute la liste, toute la liste reçoit la question, les gens répondent et puis au fur et à mesure du fil de discussion les problèmes se résolvent. D’ailleurs sur la page mailing-list, on trouve les archives, si on veut chercher dans les archives les problèmes qu’il y a eu.
Comment participer à Léa-Linux. C’est très simple. Le but est de partager son expérience et il faut savoir que ce n’est pas forcément compliqué. Souvent, dès qu’on est débutant, même si ça fait peut-être une semaine qu’on a découvert Linux, hé bien en une semaine on a appris des choses et c’est comme ça peut-être qu’on va pouvoir aider un débutant qui, lui, a commencé hier. La première contribution, la plus simple, c’est de modifier du contenu. On voit le contenu, on dit : tiens, moi j’ai eu ce problème-là, il n’est pas écrit. Tiens, quelqu’un a mis un truc sur un forum j’ai une précision à apporter ; on l’apporte.
La deuxième chose c’est créer du contenu. C’est un site collaboratif. Les documentations nous arrivent ; il y en a qui sont écrites par les membres du site, mais il y en a aussi beaucoup qui sont écrites par des contributeurs extérieurs. On dit : tiens moi j’aime bien tel logiciel, je fais ma généalogie avec Gramps moi j’adore la généalogie, je fais ça tout le temps. Tiens il n’y a pas de tutoriel sur Gramps, c’est dommage, je vais faire ça, je vais le mettre à disposition de la communauté et comme ça, on crée une page, on crée un petit tutoriel, et les gens pourront aussi utiliser.
Donc ça c’était comment. Mais alors, pourquoi ? Pourquoi participerait-on à Léa plutôt que d’aller faire un foot avec ses copains, ou boire des bières ou faire des trucs ? Eh bien, c’est parce que c’est fait pour et par des libristes enthousiastes. C’est fait par des gens qui ont la pêche, qui sont sympas, c’est convivial et ça déjà c’est une bonne raison. Ensuite une très bonne raison sans doute c’est qu’il y a une bonne audience aussi, c’est un site à fort trafic puisque c’est un site ancien et il y a aussi la pérennité. Il faut savoir qu’on a un site qui a quinze ans. C’est assez gigantesque. C’est-à-dire que les docs qui ont été postées il y a quinze ans sont encore en ligne. Évidemment elles ne sont pas toutes à jour, ça dépend des domaines, il faut les mettre à jour régulièrement, mais néanmoins si vous postez aujourd’hui une documentation sur un sujet, vous avez de fortes chances que dans cinq ans vous pourrez y accéder. Ce n’est pas le cas pour tous les sites.
Ensuite pourquoi participer à Léa ? Eh bien parce que c’est un site collaboratif. Collaboratif veut dire que c’est sympathique, ça veut dire aussi que les gens pourront nous aider à progresser, pourront corriger nos choses et ensuite parce que, alors il faut avoir aussi l’envie, on peut avoir envie d’aider les autres. Souvent quand on a commencé le logiciel libre, on a commencé, on a trouvé des infos sur internet, on a rencontré des gens qui nous ont expliqué les choses, on va avoir envie de passer le relai, de dire moi aussi j’ai envie d’aider les autres, moi aussi maintenant qu’on m’a aidé, j’ai aussi envie de tendre une main pour qu’il y ait d’autres gens qui viennent l’utiliser, etc. Et donc Léa-Linux est un bon moyen pour ça, puisque ça permet d’écrire des documentations pour les autres, de répondre aux questions des autres sur les forums.
On a aussi un canal IRC, d’ailleurs. Je n’en ai pas parlé parce qu’il n’est pas ultra actif. Donc ça c’est un tchat. On vient en direct, on se connecte. C’est un salon de discussions. Il y a des gens qui peuvent répondre aux questions. Le problème de notre salon IRC, actuellement, c’est qu’il n’y a pas énormément d’activité, donc on peut aussi arriver et attendre deux heures sans qu’il n’y ait personne qui nous réponde. Du coup c’est quand même peut être mieux de passer par la liste ou les forums !
Voilà. Ça c’était pour vraiment ce qu’est Léa-Linux. Maintenant je vais vous présenter un peu quelque chose de plus large sachant que Léa-Linux est un vieux projet. Qu’est-ce qui peut se passer dans les vieux projets, dans les sites qui sont assez anciens ? Quels sont les défis, les menaces auxquelles ils doivent faire face, auxquelles on a été confrontés dans le temps.
Alors les premières menaces que je dirais ce sont les menaces extérieures et ce sont des vraies menaces qui nous occupent parfois beaucoup de temps. La première c’est le spam. C’est-à-dire que nous, avant, on utilisait en fait un CMS interne, un outil qu’on avait fabriqué nous-mêmes qui s’appelait NAWAK pour gérer le moteur du site, et puis finalement c’était très difficile à maintenir, ça nous prenait beaucoup de temps, on a décidé de passer à MediaWiki. MediaWiki est un projet libre qui fonctionne extrêmement bien. L’avantage c’est que ce n’est pas nous qui développons majoritairement la chose, c’est beaucoup utilisé, il y a beaucoup de plug-ins. C’est très agréable en terme d’administration, mais par contre c’est très répandu et comme c’est l’outil utilisé par Wikipédia, les spammeurs s’excitent énormément dessus. C’est quelque chose qui nous prend beaucoup de temps et c’est une des menaces importantes quand on a un grand site web avec des outils comme ça, c’est qu’on doit faire face à ce genre de tâches, qui sont assez ingrates puisque nous, notre but par exemple, c’est de diffuser la connaissance autour du logiciel libre, ce n’est pas de lutter contre les spammeurs, mais ça fait partie de n’importe quelle vie de site web.
Ensuite on a du vandalisme. Le vandalisme ce sont des gens qui vont effacer du contenu, qui vont faire n’importe quoi. Ça peut être aussi des gens qui vont poster des messages racistes dans un forum ou des messages politiques ou des choses qui n’ont rien à voir, qui vont faire que le projet qu’on porte, finalement, va être un peu pourri par ces vandales qui viennent juste pour tout casser ce que font les autres.
Ensuite on a des attaques informatiques pures et dures. Dès qu’on a un site qui a du fort trafic, nous heureusement ça ne nous est pas arrivé souvent, mais cette année voilà c’est arrivé que quelqu’un cherche à mettre par terre le serveur, et donc ça nous fait passer du temps, on doit parfois réparer des choses, faire des restaurations. Ça fait partie de la vie d’un site et c’est dommage quand on fait quelque chose pour les autres, on est tous des bénévoles, on est une asso loi 1901 derrière, donc une asso à but non lucratif et voilà, on doit aussi subir ce genre de choses. Ça c’est ce sont les premières menaces extérieures un peu « brutes » on va dire.
Ensuite une autre menace quand on a un site web sur un thème c’est la concurrence des autres sites. De base ce n’est pas forcément un problème. Quand on a un site web, entre guillemets qu’on a « une réputation », qu’on fait du bon travail, les gens viennent vers nous et le fait qu’il y ait d’autres sites ce n’est pas du tout un problème, d’autant plus que dans le logiciel libre on a beaucoup de sites et on a parfois beaucoup de sites qui sont complémentaires. Nous Léa-Linux on est un site généraliste, on a des sites qui sont sur des distributions données, etc., qui viennent rendre un service complémentaire peut-être plus pertinemment que Léa ne le ferait sur ces sujets-là. Donc ça peut être très intéressant. En revanche on peut avoir parfois des sites qui vont arriver qui sont concurrents et qui ne sont pas forcément animés des mêmes intentions que nous. Ce qui arrive souvent ce sont des sites commerciaux. Dans l’histoire de Léa-Linux il y a eu beaucoup de sites d’aide qui se sont montés qui en fait étaient plutôt derrière dirigés par des entreprises commerciales qui ont des objectifs commerciaux par exemple de mettre de la pub ou de vendre leurs produits. Il font un site concurrent et peut-être ça fait baisser un peu le trafic de son site.
Ensuite il y a les sites persos. C’est un truc qui est très humain. Quelqu’un a une idée ou l’envie de partager la connaissance, il a envie de faire son site, avec son nom, pour partager sa connaissance. Ça peut être aussi quelque chose de très bien, ça va enrichir. Nous avons parlé tout à l’heure du Léannuaire sur Léa, il y a un annuaire de sites, on cite plein plein de sites persos sur le logiciel libre ou sur des thèmes, sur la musique libre, peu importe, qui sont très intéressants. Et enfin le libre a tendance, c’est un peu le mode bazar, chacun fait son site sur ce qu’il a envie de faire.
Alors il y a un côté qui est très positif, c’est qu’il y a des sites en plus, de l’information en plus. Quand on va sur Google on tombe sur Léa-Linux, mais on tombe aussi sur fedora.fr, sur tel autre site perso qui parle d’un autre problème, ça c’est vraiment génial, il n’y a aucun problème. Et pour Léa aussi c’est un plus puisqu’on peut mettre des liens vers d’autres sites qui sont intéressants. Mais ça peut être aussi une concurrence négative. En fait on s’est aperçus que ça divise. Par exemple si chacun met de la documentation sur son site, c’est beaucoup plus dur à trouver, c’est beaucoup plus dur à améliorer. Si les sites ne sont pas pérennes, ce qui arrive très souvent c’est qu’il y a des sites qui existent deux ans, des sites persos qui existent pendant deux ans, au bout de deux ils disparaissent, tout le contenu qu’ils avaient disparaît avec eux également, sauf si la personne a eu l’idée d’écrire à un autre site pour lui dire finalement j’arrête et je vous donne le contenu. Mais souvent ce n’est pas le cas, chacun fait des trucs dans son coin et finalement c’est peut-être moins bien. Ça c’est ce que rencontre n’importe quel projet. C’est aussi la communauté du logiciel libre, c’est un peu normal. Ça peut-être un aspect parfois un peu négatif auquel on doit faire face.
Ça c’était un peu les défis externes, quand on a un site on fait son projet puis ces des choses auxquelles on est confronté autour. On a aussi les défis qui sont purement internes. Par exemple nous Léa-Linux on est un site de documentation eh ben on est confronté à quoi ? On est confronté aux évolutions du monde Linux et aux évolutions de l’informatique. Au début on mettait de la documentation en ligne, on mettait en ligne, on mettait en ligne, on empilait, on empilait, on empilait, après on s’est aperçus eh bien oui cette documentation qui a été mise en ligne en 2001, aujourd’hui quelqu’un la lit, ça n’a plus rien à voir. Il voit une interface graphique, il se sauve en courant, il ne comprend pas le rapport avec son ordinateur qui permet de tout faire, etc. C’est aussi un énorme travail qu’il faut savoir quand on a un projet de documentation, c’est que la documentation peut se périmer très vite. Ça dépend des sujets. Il y a des sujets qui restent normaux, mais la documentation peut se périmer. Oui ?

Intervenant : Du coup, le choix que vous faites, c’est essentiellement de la mise à jour ou il vous arrive de supprimer purement et radicalement du contenu ?
Jiel Beaumadier : En fait ce sont les deux. Si ce n’est pas trop dépassé on essaye de mettre à jour. C’est toujours en général mieux de mettre à jour s’il y a beaucoup de contenu, mais effectivement c’est ce qui nous arrive maintenant. Ça dépend de l’âge en fait des documentations et de l’évolution. Il y a quand même toute une série de documentations, il faut mieux en créer de nouvelles. Mais on ne les supprime jamais. En fait on met un bandeau « cette documentation est obsolète », elles sont dans une catégorie « obsolète ». Pourquoi on fait ça ? Parfois il y a des gens qui récupèrent du très vieux matériel et qui vont quand même installer des vieilles applis ou des choses comme ça. Parfois même à but historique, ça peut être intéressant de savoir comment une application marchait avant. Tout ce contenu-là est gardé mais il y a un bandeau « obsolète » et c’est vrai qu’il y a des documentations, on a fait des documentations sur le Wi-Fi par exemple qui ont été faites tout au début, ou même comment installer parfois une distribution. Au début c’était très compliqué, c’était des trucs des disquettes et tout ça. Aujourd’hui la personne arrive, disquette ! On a des gens sur les forums qui sont assez jeunes, ils ne savent même pas ce qu’est une disquette. Ils voient ça dans une documentation, ils ne vont pas comprendre. Donc des fois, oui, il faut complètement refaire une nouvelle documentation C’est plus propre. Ça dépend, c’est au cas par cas.
Ensuite voila, ce que j’ai mis, j’ai mis Ethan différent de Jean-Kevin. Ce sont des prénoms. Ce que je voulais dire c’est que le débutant d’il y a dix ans, Jean-Kevin, ce n’est pas forcément le même que celui d’aujourd’hui. C’est-à-dire que ça aussi ça a beaucoup changé. Léa-Linux on a commencé, on a fait un site pour les débutants, ce n’était pas du tout pareil. À l’époque il n’y avait pas de logiciel pour lire les vidéos sous Linux, les interfaces graphiques quasiment personne ne les utilisait, en tout cas, pour aujourd’hui c’était quand même des gens qui s’y connaissaient quand même un peu en informatique, qui étaient des curieux. Aujourd’hui, on voit des gens arriver sur Léa-Linux qui sont des gens, en fait ils ont entendu le mot Linux, ils l’ont vu tourner, peut-être pas, hop, ils ont envie d’installer. Ce sont des gens qui ne sont pas du tout en informatique, quelqu’un qui est jardinier dit : "Moi j’en ai marre d’acheter des licences Windows, j’ai envie d’utiliser Linux sur mon PC et puis j’aimerais bien savoir comment marche le Wi-Fi", tout ça, il vient chez nous. Ce n’est pas du tout le même débutant et là-aussi on a dû s’adapter. Donc ça ce sont les défis qu’on a, en tout cas du côté utilisateur.
Et puis après vient quelque chose qui concerne tous les sites web et qui prend énormément de temps, on a aussi tout ce qui se passe derrière. C’est-à-dire quelque chose que les gens qui viennent sur Léa-Linux ne voient jamais, tout ce qui est côté administration système et qui existe. Là aussi, il faut passer du temps, il faut mettre à jour les logiciels. La charte graphique, pareil, c’est important. On a eu, il y a quelques années, une charte graphique qui commençait à être un peu vieillissante on était un site, ce n’était pas très convivial, les gens n’avaient plus trop envie de venir dessus. Ça peut être bien de faire quelque chose d’un peu nouveau, et en fait régulièrement on s’aperçoit qu’il y a des évolutions, il faut savoir se remettre en question. Par exemple on avait abandonné notre CMS pour mettre MediaWiki. Peut-être qu’un jour on abandonnera MediaWiki pour mettre quelque chose qui sera plus à la mode ou plus fonctionnel à ce moment-là.
Ensuite un problème auquel on doit faire face, évidemment, c’est la disponibilité. Comme on a un site à fort trafic avec des centaines de gens qui viennent par jour, des milliers, il faut que le site soit dispo. Il faut que le site soit dispo tout le temps, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Et ça, quand on est des bénévoles, quand on n’est pas nombreux, ce n’est pas du tout du tout facile. L’année dernière on a eu une mise à jour qui s’est très mal passée. Une mise à jour système avec un serveur qui n’a pas redémarré et on s’est retrouvés un peu plus de deux mois [sic !] complètement dans le noir. C’est quelque chose qui nous arrive en moyenne tous les cinq - six ans, c’est dommage. Ce sont les choses auxquelles aussi on doit faire face et contre lesquelles il faut lutter. Et puis la loi de Murphy, la loi de l’embêtement maximum, c’est-à-dire que quand on a un problème, très souvent on a d’autres problèmes. On a le serveur qui ne démarre pas, on arrive à le faire redémarrer et puis finalement il y a du piratage. Ce sont les choses auxquelles on doit faire face.
Enfin on a des choses qui n’ont absolument rien à voir ni avec le site, ni avec l’informatique, c’est tout ce qui concerne les problèmes logistiques et juridiques, qui existent aussi. Quand on a un site web ou quand on se déplace il va falloir une assurance, il va falloir des choses comme ça. Ce sont des choses dont il faut s’occuper, des tâches administratives, etc. On a un site web, il y a des forums, il y a des gens qui commentent, on doit respecter par exemple si on est hébergé en France, on doit respecter la loi française. Quelqu’un n’a pas le droit de mettre des propos racistes. Ce sont des choses auxquelles on dit faire face qui ne sont pas vraiment des choses qui nous passionnent puisqu’on est là pour faire de l’aide pour Linux, pour le logiciel libre, mais on doit aussi s’en occuper.
Enfin quelque chose aussi qui est très important quand on fait un projet, on dit ça aussi en sécurité informatique, on dit souvent sécurité informatique, il faut faire attention aux virus, il faut faire attention aux attaques externes, mais la menace interne est aussi parfois très importante. C’est pareil quand on fait un projet, parfois les problèmes viennent de l’intérieur. Les problèmes de l’intérieur ça veut dire que déjà, ça prend du temps, ça prend énormément de temps de s’occuper d’un projet libre, n’importe quelle association, n’importe quel projet qu’on fait en tant que bénévole, c’est quelque chose qui prend du temps. C’est quelque chose qu’il faut savoir, des fois on peut être lassé.
Ensuite, un projet ce sont des gens. Léa-Linux ce sont des gens, c’est une communauté. Ce sont des gens qui sont différents, qui ont une histoire différente. Ce sont de gens qui peuvent avoir des égos, des gens qui, comme ils s’engagent bénévolement, qu’ils dépensent du temps, c’est une chose qu’il faut gérer. Chacun a ses égos, a ses envies et il faut essayer de ne pas se disputer. Ce n’est pas toujours facile quand on travaille pendant des années ensemble, parfois on a des vues complètement opposées. Des gens disent : « il faut faire ça », d’autres font : « non il ne faut surtout pas ». Il faut gérer l’aspect humain, les égos et les sensibilités. Il y a des gens, si une fois la personne va proposer quelque chose et puis quelqu’un va critiquer même gentiment en disant « je pense que ce n’est pas une bonne idée », tout de suite la personne va se vexer, etc. ce sont des choses qu’il faut gérer. Quand on a une communauté, on doit un peu gérer l’aspect humain. Ça peut dégénérer en ’’flamewar’’, en guerre, c’est arrivé, des fois, sur Léa-Linux.
Le dernier problème quand on a un projet dans la longueur et nous l’avons pleinement vécu, c’est le renouvellement humain. C’est-à-dire que les gens sont bénévoles, ils s’engagent de toutes leurs forces, ils passent une heure par jour tous les jours, deux heures par jour. Au bout d’un moment ils sont lassés, au bout d’un moment ils vieillissent. On en a eu à Léa-Linux, et c’est heureux pour eux, qui ont eu des enfants, les enfants ça prend du temps. On en a eu qui sont partis en tant qu’expatriés à l’étranger, à l’autre bout du monde. Voilà on est à l’autre bout du monde, on a une nouvelle vie. On a des gens qui ont dit : "hé bien moi maintenant, ça fait huit ans que j’aide les gens, j’ai peut-être envie de faire autre chose ou de penser à moi ou d’ouvrir un restaurant", enfin peu importe. Les gens font autre chose et dans ce cas là il faut aussi savoir passer le relai et faire qu’il y ait des nouveaux qui s’engagent. Et nous, à Léa-Linux, justement, on a eu des périodes où il y a eu un espèce de flottement justement entre les gens les plus anciens qui commençaient vraiment à partir un peu et puis les nouveaux arrivés et ce n’est pas toujours facile parce que les anciens ont leurs habitudes, ils connaissent très bien le projet, les nouveaux parfois sont un peu timides, ils n’osent pas, ils ne connaissent pas tous les aspects. Là c’est quelque chose qu’il faut savoir faire, donner la main, transmettre. Ce n’est pas toujours facile. Il faut aussi savoir intégrer les nouvelles personnes dans une équipe. Encore une fois Léa-Linux, même si justement il y a eu du renouvellement, c’est quand même un peu toujours les mêmes gens et donc il faut savoir tendre la main pour que les nouvelles personnes se sentent accueillies dans un groupe où déjà tout le monde un peu se connaît. C’est un peu un défi.
Heureusement il y a des solutions. Les solutions c’est la patience, parce que c’est bénévole, on prend du temps, il faut être patient. Ensuite la passion c’est un peu comme tout, il faut être passionné dans ce qu’on fait et là chez Léa-Linux, c’est vrai que la plupart des gens qui sont dans l’association, qui sont des contributeurs, qui postent souvent sur les forums pour aider les autres, ce sont de gens qui ont la passion du logiciel libre, qui ont la passion d’aider les autres qui ont envie d’aider les autres et c’est ça qui permet de tenir quand on a un projet. Évidemment à chaque fois je parle de Léa-Linux, mais c’est vrai pour n’importe quel projet, si on veut faire un projet à long terme, il faut que ce soit quelque chose dans lequel on est vraiment à fond dedans. Il y a d’autres solutions, chacun peut trouver ses solutions.
Une dernière solution qui est très bien et qui permet vraiment d’aider quand on a un projet, en tout cas dans le logiciel libre, c’est la communauté. C’est vraiment quelque chose qui est très important. Léa-Linux, au cours du temps a été aidé par énormément d’autres projets. Des projets qui nous ont aidés à venir à tel endroit, qui nous ont invités à faire une présentation. L’hébergement par exemple de Léa-Linux nous a été offert, plusieurs fois il nous a été offert par des entreprises différentes. On a eu un serveur une fois qui a été donné. Tout ça c’est grâce à la communauté du logiciel libre. Quand on a besoin de quelque chose ou quand on a une information à faire passer on peut la relayer sur d’autres sites. Heureusement dans le logiciel libre il y a vraiment une entraide entre les groupes qui permet aussi de tenir de voir ce que font les autres. Tiens tel projet est monté comme ça, peut-être que nous on pourrait faire comme ça et ainsi de suite.
Ça va être le temps de la conclusion. Léa c’est bien. J’espère que je vous ai convaincus que c’est vraiment un projet auquel il faut contribuer. Pourquoi ? Parce que c’est un projet qui diffuse et partage la connaissance, qui est dans l’écosystème du libre. Aujourd’hui c’est un des sites majeurs du libre parmi d’autres, parmi LinuxFr, Framasoft et ainsi de suite. Il y a plusieurs projets qui ont des têtes différentes et qui sont complémentaires, Léa-Linux est un de ces projets. Et puis parce que parmi les quatre libertés du logiciel libre, il y a deux libertés, la liberté d’exécuter le programme et la liberté d’étudier le fonctionnement du programme et de l’adapter à ses besoins, ça c’est quelque chose qu’on ne peut pas faire si on ne peut pas trouver de la documentation, si on ne peut pas trouver les gens nous aident. Avant tout, pour que ces libertés du logiciel libre là puissent exister, il faut de la documentation, il faut de l’aide et c’est là où Léa-Linux est un des sites qui répond à ce besoin. Ça c’était pour la partie Léa-Linux.
Pour un tel projet évidemment c’est aussi une galère. Il faut beaucoup d’efforts, beaucoup d’efforts, beaucoup d’efforts. On ne pourrait même pas faire une liste des gens. Il y a énormément de gens, peut-être des centaines qui ont fait des articles pour apporter des contributions, des centaines de gens qui ont aidé les gens sur les forums, sur la mailing-list et tout ça c’est aussi Léa-Linux. Chaque personne a mis son grain de sable et c’est ça qui a permis que le projet existe et continue. Et puis finalement eh bien Léa c’est qui ? C’est vous aussi. Les ressources de chacun sont limitées ça veut dire que chacun contribue, mais chaque bénévole a un temps, il a une vie, il a des passions, il fait bien autre chose en dehors du site web, il a déjà un travail, il est étudiant aussi. Les ressources de chacun sont limitées, mais si on se met tous ensemble finalement, si chacun on passe cinq minutes sur un projet comme Léa, ou sur un logiciel, c’est le principe du logiciel libre, si chacun vraiment en étant concentré un tout petit temps, cinq minutes, dix minutes, finalement c’est ça qui permet de bâtir un grand projet.
Voilà, j’ai terminé. Avez-vous des questions ?

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