Le logiciel libre : un enjeu politique et social. Discussion autour de l’action institutionnelle de l’April

Titre :
Le logiciel libre : un enjeu politique et social. Discussion autour de l’action institutionnelle de l’April
Intervenant :
Étienne Gonnu
Lieu :
Rencontres mondiales du logiciel libre 2018 - Strasbourg
Date :
juillet 2018
Durée :
42 min
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Licence de la transcription :
Verbatim
Illustration :
copie d’écran de la vidéo
transcription réalisée par nos soins.

Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas forcément celles de l’April.

Description

Par les libertés qu’ils offrent, les logiciels libres sont d’une certaine manière la traduction informatique des éléments structurant d’une démocratie, notamment exprimé dans la devise : liberté, égalité, fraternité.
Cette analogie, souvent entendue, n’a rien perdu de sa justesse : le logiciel libre est plus que jamais un enjeu fondamentalement politique et social. Et c’est fort de cette conviction que l’April mène ses actions visant à défendre et promouvoir les libertés informatiques de toutes et de tous.
Cette conférence se propose ainsi de présenter et d’échanger sur les différentes actions institutionnelles de l’association : priorité au logiciel libre, Open Bar Microsoft, directive droit d’auteur, Éducation, logiciels libres de caisse, etc.

Transcription

Bonjour. Je pense qu’il est l’heure, on peut commencer. Du coup je vais être au pupitre professoral, mais très bien ! Je m’appelle Étienne Gonnu. J’ai la chance d’être chargé de mission affaires publiques pour l’April [1], l’association de promotion et de défense du logiciel libre dans l’espace francophone. Est-ce qu’il y a des gens qui ne connaissent pas l’April ici ? J’ai cette chance-là. Je suis donc chargé de mission affaires publiques depuis janvier 2016.
Rappel rapide : créée en 1996, à peu près 4000 personnes physiques et morales adhérentes. On est à présent quatre permanents :

  • Frédéric Couchet qui est un des fondateurs de l’April et le délégué général de l’association ;
  • ma collègue Isabella Vanni qui s’occupe de tout ce qui est aspect sensibilisation, vie associative ;
  • on a Elsa Pottier qui nous a rejoints il y a quelques mois pour s’occuper de la gestion des adhérents parce que 4000 adhérents ça représente du boulot et pas mal d’aspects administratifs ;
  • et moi-même,
  • et on s’appuie sur énormément d’activités bénévoles, très actives, sans qui on ne pourrait pas mener les actions qu’on mène.

Avant de rentrer, juste pour peut-être me présenter rapidement, je ne suis pas du tout technicien. Ce n’est pas quelque chose que je dis pour m’excuser, mais justement je le revendique pour dire que pour moi le logiciel libre n’est pas du tout juste une question, une problématique pour informaticiens et informaticiennes ; c’est vraiment un enjeu de société global. J’ai une formation de juriste tout d’abord en droit comparé, puis je me suis spécialisé en droit du numérique ce qui m’a amené à travailler à l’April depuis deux ans et demi maintenant.
Je pense que je n’ai pas besoin de rentrer dans les grandes lignes pour expliquer ce qu’est le logiciel libre ; je pense que si vous êtes ici c’est que vous connaissez déjà. Comme il y a une captation vidéo on peut rappeler très rapidement que ça s’appuie sur quatre libertés essentielles :

  • la liberté d’utiliser le logiciel comme bon nous semble ;
  • de pouvoir en étudier le fonctionnement, d’accéder à son code source ;
  • de pouvoir le modifier, l’adapter à ses besoins ;
  • puis de pouvoir distribuer, le diffuser, que ce soit le logiciel en lui-même ou les modifications qu’on a pu en faire.

Pour peut-être juste donner un plan aussi rapide. Là je vais présenter rapidement ce pourquoi on considère que le logiciel libre est indispensable pour une société libre, surtout dans une société où l’informatique est omniprésente. Je vous présenterai rapidement quelques actus de ce début d’année, actualités institutionnelles, et puis je vais essayer de passer le maximum de temps sur notre dossier chaud du moment qui est la directive droit d’auteur, d’autant qu’on a eu le 5 juillet une belle victoire au Parlement européen, un vote qui nous permet d’avancer dans une bien meilleure direction que celle dans laquelle on était engagés jusqu’à présent. C’est un dossier qui est assez fourni, assez complexe, donc je vais essayer de vous en donner un aperçu dans les grandes lignes, je vais essayer d’éviter les raccourcis et puis, surtout, je vais essayer de ménager du temps pour qu’on puisse échanger si vous avez des questions à ce sujet. Voilà !
[Est affiché à l’écran le slogan « logiciel libre, société libre », NdT]. C’était notamment sur notre tee-shirt pour les 20 ans de l’association, on porte fièrement « logiciel libre, société libre ». Pourquoi est-ce qu’on dit ça ? Pourquoi est-ce qu’on considère que le logiciel libre est aussi important pour une société libre ? Je vais citer simplement — mais je trouve que la formule, en fait, est très parlante, vous l’avez souvent entendue je pense — Richard Stallman, le fondateur de la Free Software Foundation [2], un de premiers vraiment penseurs on va dire, celui qui a posé les bases de la réflexion sur le logiciel libre, aime comparer, considérer que le logiciel libre est l’incarnation informatique de la devise liberté, égalité, fraternité : liberté d’utiliser le logiciel comme bon nous semble ; fraternité parce que c’est quelque chose qui s’appuie sur la collaboration et puis l’égalité parce qu’on est tous égaux par rapport aux libertés qu’on a et surtout que le logiciel bénéficie à tous, sans distinction de classe et ainsi de suite.
J’aime bien rajouter à ça, pour compléter, cette idée, comparer un peu le logiciel libre aussi à ce qu’on peut considérer comme étant les éléments structurants d’une démocratie. Tout le monde peut avoir sa définition de ce qu’est une démocratie. Je pense qu’une des conditions essentielles dans une démocratie c’est la capacité à tous les membres de la société d’avoir un accès aux règles qui sont imposées à nous ; donc ça veut dire des règles intelligibles, des règles facilement accessibles et puis la capacité surtout, du coup, une fois qu’on a eu accès à ces règles, de pouvoir agir dessus et participer à leur élaboration ; ce que permettent, effectivement, les quatre libertés que je mentionnais.
Un autre aspect qui vient finalement dans la continuité de ce que j’évoquais, c’est ce qui est écrit dans l’énorme Déclaration universelle des droits de l’homme de 89, qui dit qu’on a un droit de résister à l’oppression. La version de 93 parle même d’un droit sacré de s’insurger contre un régime injuste. Là où je tire ce parallèle c’est que je trouve qu’une des forces du logiciel libre c’est cette capacité qu’on appelle le fork : pouvoir reproduire le logiciel, pouvoir repartir de zéro, repartir avec des éléments, repartir comme on veut finalement, pour pouvoir proposer autre chose avec d’autres personnes ou seul ; avoir cette capacité aussi de faire autrement, parce qu’on considère que les règles ne nous plaisent pas ou parce qu’on a juste d’autres idées, d’autres envies.
Effectivement on vit dans une société extrêmement informatisée. L’informatique va conditionner de nombreuses autres libertés fondamentales, typiquement la liberté d’expression ou le respect de notre vie privée, pour prendre vraiment les aspects les plus parlants.
Bien sûr le logiciel libre, avoir une informatique libre, que les outils qu’on va utiliser soient libres ne garantit pas de facto que la société soit plus juste, plus solidaire. Finalement c’est aussi ça qu’on défend, mais ça va amener une brique indispensable. Quelque part on peut dire que sans logiciel libre, il n’y a pas de société libre, ou alors une société sans informatique. Mais si on veut promouvoir une société plus libre, une société où l’informatique, où les outils informatiques sont aussi présents, on ne peut pas le faire sans logiciels libres.
Pour appuyer ce propos j’aime bien prendre un exemple, on parle souvent d’innovation ; c’est un terme, un buzzword qu’on entend régulièrement mais finalement qui est assez vide de sens. Innover, faire du nouveau, OK ! Pour quoi faire ? Qui décide ? Quels sont les intérêts en cause ? Le logiciel libre par les quatre libertés – c’est important aussi de dire que les quatre libertés sont cumulatives ; c’est la somme de ces libertés qui fait que le logiciel libre a du sens – est un outil potentiellement d’émancipation parce qu’il nous donne ces capacités collectivement de déterminer, finalement, ce qu’on va considérer comme une innovation pour une société libre. Typiquement, je ne sais pas, la lutte contre l’obsolescence programmée ça peut être une innovation qu’on va considérer plus juste. Des innovations qui vont permettre d’améliorer la reconnaissance faciale dans la rue ou qui vont améliorer l’efficacité de drones tueurs ou de surveillance, eh bien on peut se poser des questions quant à la valeur sociale que ça a, que ça amène.
Donc comme je vous disais, pour conclure ce propos, pour moi ce n’est vraiment pas juste un problème d’informaticiens ou d’informaticiennes parce que ça conditionne énormément d’aspects de notre société.
Ce n’est pas parce qu’on n’est pas en mesure de lire du code que ça ne nous concerne pas. Je pense qu’il peut y avoir un débat : est-ce que c’est intéressant pour tous les membres de la société d’être en mesure de lire du code ? Moi je n’ai pas de réponse, mais je pense qu’il y a un débat qui peut être intéressant là-dessus. Ce qui importe, finalement, c’est que par la transparence de ces outils, par leur manière de fonctionner, quiconque puisse avoir accès aux règles, puisse les modifier, puisse agir dessus. Pour prendre un exemple tout simple, une autre analogie : la liberté de la presse ; on n’est pas tous journalistes mais c’est une liberté qui va bénéficier à tous en termes de liberté en général par l’accès à l’information que ça nous donne, par la manière de pouvoir suivre, aussi, ce qui se passe ailleurs pour pouvoir diffuser l’information.
Maintenant que ce constat est fait, que fait l’April pour essayer de promouvoir le logiciel libre pour une société plus libre ? Comment on agit ?
On a vraiment deux gros angles d’attaque,on appelle ça la priorité au logiciel libre :

  • d’abord notre action priorité au logiciel libre pour les individus, à un niveau individuel ; ça c’est vraiment notre plan d’action sensibilisation. Si ce n’est pas fait vous pouvez aller discuter avec nos camarades au stand April dans le Village associatif ; ils pourront échanger avec vous, présenter ce qui peut être fait ;
  • et puis l’autre pan ça va être sur la promotion, la priorité au logiciel libre à un niveau collectif et c’est là où on va mettre en place, où s’exprime notre action institutionnelle.

Pour vous donner les grandes lignes, moi en tant que chargé de mission affaires publiques, je fais en fait du lobbying pour l’intérêt général qu’on considère ; c’est du plaidoyer politique. En gros, j’essaye d’influencer les politiques publiques pour que les libertés informatiques soient promues et défendues.
Je vais essayer de passer, on pourra en discuter par la suite, mais je voulais quand même mentionner ces trois actualités importantes.

« Open Bar » Microsoft/Ministère de la Défense

D’abord l’« Open Bar » Microsoft/Défense [3]. Est-ce qu’il y en a à qui ça ne parle pas du tout ? Il y un grand partenariat entre Microsoft et le ministère de la Défense qui, en gros, livre tout le ministère, pieds et poings liés, à Microsoft. Ça fait une sorte d’« Open Bar » parce que le ministère a juste à piocher dans les outils qu’il veut ce qui fait qu’effectivement ça crée un silo technologique au sein du ministère, avec toutes les problématiques d’interopérabilité, de concurrence, de souveraineté puisqu’on parle quand même du ministère de la Défense. Est-ce qu’il y en a à qui ça ne parle pas du tout ce partenariat ? Très bien. Donc c’est vraiment un des principaux dossiers de fond de l’April.

Notre objectif est une création d’une commission d’enquête parlementaire. On travaille là-dessus avec une sénatrice Les Républicains, Joëlle Garriaud-Maylam, qui est assez active sur ce dossier. Ça nous paraît très intéressant cet outil de la commission d’enquête parlementaire, déjà parce que ça envoie un message politique fort parce qu’en fait ça marche comme une cour de justice normale : ça veut dire qu’on est tenu, si on est convoqué, de se présenter ; on témoigne sous serment, donc c’est un outil qui est assez fort.
En début d’année — ça c’est toujours bien le fait de relayer l’information et que ça parle et que ça ait un poids politique — la télévision allemande a diffusé un reportage pour lequel on a été interviewés, un reportage plus largement sur les relations entre Microsoft et les administrations publiques, donc ils avaient aussi fait une séquence sur cet « Open Bar ». Ça a été diffusé en début d’année. À présent il y a en une version sous-titrée en anglais ; ça augmente finalement aussi l’ampleur, la capacité de diffusion de ce reportage.
Et puis une révélation qui est très intéressante qui a été faite par Next INpact, journal en ligne pour les questions numériques – j’y suis abonné ça vaut vraiment le coup, je vous invite à y jeter un œil et puis au bout d’un certain temps, en plus, ils mettent en accès libre leurs actus, donc une philosophie intéressante. Ce que Next Inpact nous a révélés c’est que ce contrat date de 2008. Les négociations ont commencé en 2007, juste après une élection présidentielle ; le timing est intéressant. On apprend qu’en 2005 il y aurait eu un rapport interne au ministère de la Défense, un rapport Tenneroni du nom de son rédacteur, qui recommandait, d’une part, la migration du ministère vers le logiciel libre et, d’autre part, de justement mettre fin à ce qui était déjà des protos accords globaux depuis 2001 entre Microsoft et le ministère et il recommandait de mettre fin à cela. La force de ce rapport c’est qu’apparemment – alors on n’a pas malheureusement de trace écrite de ça mais ça a l’air assez fiable par rapport aux sources, parce qu’on a pu en discuter avec le journaliste – ce rapport aurait été approuvé par la ministre de la Défense de l’époque, madame Alliot-Marie, qui aurait approuvé à l’époque ce texte. Donc ça soulève pas mal de questions. On va continuer à pousser pour la création, comme je disais, d’une commission d’enquête.

Réglementation des logiciels (libres) de caisse

Autre gros dossier, mine de rien, la réglementation des logiciels de caisse. Nous ce qui nous importe c’est pour les logiciels libres. Ça aussi c’est un dossier qui est très technique. Si c’est quelque chose qui peut vous intéresser on a liste dédiée au sujet comptabilité [4] sur laquelle on discute de ce sujet-là.

En gros, en 2016, loi de finances ; pour lutter contre la fraude ils veulent que les logiciels de caisse soient certifiés conformes par rapport à un certain nombre de critères. Dans sa première version ça interdisait de fait le logiciel libre parce que ça limitait drastiquement la liberté de modifier les logiciels. Donc grosse atteinte.

On a, dans un premier temps, eu un premier échange avec l’administration qui a été plutôt attentive à nos arguments. Il y a eu un premier ce qu’on appelle bulletin officiel de la finance publique, l’impôt public, le BOFIP ; en gros c’est la doctrine fiscale et c’est très important : c’est comment l’administration interprète la loi et entend l’appliquer, mais ça a valeur de loi donc c’est opposable ; c’est pour ça que c’est quelque chose de très important. Il y a eu une belle avancée, même si ce n’était pas satisfaisant sur tous les points, mais il y a une prise en compte, quand même, de nos arguments et notamment la reconnaissance du logiciel libre.

Il y a eu une nouvelle loi de finances, des évolutions ! Bref on a rediscuté avec eux et là, le 4 juillet, il y a eu une mise à jour de ce document. C’était le 4 juillet, je l’ai survolé ; il y a quelques aspects intéressants, d’autres qui méritent encore évolution, mais il y a eu déjà quelques avancées supplémentaires, notamment au niveau des définitions. Donc là c’est une chose et notamment au sein de cette liste de discussion, sur laquelle on va travailler, voir, repérer peut-être les points dangereux et puis essayer de redéployer un échange avec Bercy si nécessaire, sachant que voilà, ce sont des documents qui peuvent être mis à jour. Alors c’est difficile à obtenir mais c’est quelque chose qui est du domaine du possible.

Libre à vous !, comprendre et agir avec l’April

Et enfin je vous parle de Libre à vous ! C’est une émission de radio qu’on commence tout juste, on a fait trois enregistrements, diffusée tous les premier mardi du mois de 15 heures 30 à 17 heures en direct sur Radio Cause-Commune.fm. C’est une émission qui, sur la bande FM, est limitée à l’Île-de-France, mais disponible en webradio.
On a parlé bien sûr, lors des dernières émissions, de la directive droit d’auteur et sur ce lien que vous voyez on recense les émissions [5] que le groupe Transcriptions transcrit, par exemple si vous préférez lire, et on a listé pas mal de références que je vais mentionner par la suite.
La prochaine émission sera le 4 septembre. C’est un bel outil ; du coup on explique un peu nos actions ; on explique aussi comment agir avec nous et comment nous aider à promouvoir le logiciel libre dans les différents dossiers qu’on va suivre. C’est un nouvel outil très utile pour nous et sur lequel on va continuer à s’appuyer.

Directive droit d’auteur

Est-ce que, je ne sais pas, il y en qui n’ont jamais entendu parler de cette directive ? C’est vrai que ça a fait pas mal de bruit. C’est quand même une directive qui a commencé à être étudiée en octobre 2016, donc ça date un peu. Il y a eu plein de péripéties, de reports de vote, etc., je ne vais pas rentrer dans les détails ce n’est pas très intéressant. Peut-être juste avoir à l’esprit que la première directive droit d’auteur, antérieure du moins, date de 2001 ; donc il y a eu pas mal d’évolutions. Notamment le texte de 2001 sacralisait les DRM ; les DRM ce sont ces outils de restriction d’usage qui permettent de bloquer certains usages si ça ne convient pas au titulaire de droits d’auteur ; donc une vraie menace sur les libertés informatiques. Bon bref ! Ce texte-là les sacralisait. Bref 2001 ! Ça faisait quelque temps qu’ils réfléchissaient à la réviser.
En 2015 un rapport de l’eurodéputée Julia Reda sur cette révision. Je mentionne cette eurodéputée du Parti pirate ; c’est une femme allemande du Parti pirate dans son pays et groupe des Verts au Parlement européen et je la mentionne parce que c’est vraiment l’eurodéputée la plus active sur ce dossier. Elle a fait — elle et son équipe parce que, bien sûr, elle n’agit pas seule — un travail assez formidable de pédagogie autour de la directive dont je vais vous parler et son rapport était assez ambitieux, notamment parce qu’il prenait vraiment à cœur, enfin il plaçait aussi les droits des utilisateurs et utilisatrices en son cœur ; ce qui n’est pas du tout, malheureusement, le cas de cette directive.
Proposition en octobre 2016 de la Commission européenne et les tensions sont surtout — il y a eu pas mal d’autres sujets de discussion — mais surtout articulées autour de deux articles et nous on s’est focalisés et concentrés sur l’article 13.
L’article 11 prévoyait d’attribuer des droits voisins aux droits d’auteur aux éditeurs de presse ; en gros de les traiter comme des producteurs par analogie aussi aux oeuvres culturelles et l’idée c’est de leur permettre – enfin la critique c’était contre Google, parce que c’est la loi anti-Google plus ou moins : sur les moteurs de recherche ils vont référencer des liens vers les journaux, ils se rémunèrent du coup par la régie publicitaire et c’est de permettre aux éditeurs de presse de récupérer de l’argent là.

C’est vrai qu’il y a un problème de la presse, comment rémunérer la presse ; c’est vrai que ce sont des questions. Malheureusement ça c’est outil très dangereux.

Déjà qu’ils aient le droit d’auteur ce n’est pas un droit qui est approprié, ça a été dit par de nombreux académiciens spécialistes de ces sujets-là et, en gros, ça pose des questions en termes de censure ; ça leur donne un droit de pouvoir censurer l’hyperlien. L’hyperlien c’est quand même un peu structurant de comment fonctionne Internet. Eux disent, dans le texte, que les hyperliens ne sont pas concernés sans définir ce que c’est et sachant que, bien sûr, ce que eux visent à pouvoir contrôler c’est ce qu’on appelle les Snippets, les liens enrichis avec un petit résumé et une image. Donc on s’inquiète beaucoup des conséquences de ça et notamment parce qu’en Allemagne, en Angleterre [NdT : il s’agit de l’Espagne et non pas de l’Angleterre], ils ont essayé, enfin cette loi a été inscrite dans ces deux pays et ça a eu des conséquences assez dramatiques parce que Google, avec les moyens qu’il a, a dit : « On ne va pas payer, ce n’est pas grave, on va faire nos propres nouvelles, enfin nos propres informations ». Moi j’ai moins travaillé sur ce truc-là.
Celui sur lequel j’ai le plus travaillé c’est l’article 13. L’article 13 dont l’idée c’est de responsabiliser les plateformes de partage de contenu, ce qu’ils appellent les fournisseurs de services en ligne de partage de contenu. En gros ce serait d’obliger ces plateformes à mettre en place des filtres automatisés pour détecter ce qui relèverait ou non du droit d’auteur.

Ça marche en deux temps : d’abord ils veulent imposer une licence globale, mais on sait bien que par rapport au volume d’œuvres ! Donc licence globale qui devrait couvrir, finalement, l’ensemble des œuvres qui potentiellement pourraient être mises en ligne sur une plateforme et qui devrait avoir une licence sur chacune des œuvres existant sous droit d’auteur, ce qui est impossible de fait. Sans ces licences-là les plateformes devraient pro-activement, par des mesures forcément automatisées vu les volumes d’informations qui passent, devraient pro-activement empêcher les contenus sans autorisation des titulaires de droit d’être mis en ligne. Donc ça fait un filtrage automatisé. Ce n’est pas anodin parce que c’est vraiment une remise en cause d’un principe, notamment qui était inscrit à la directive e-commerce de 2000, qui est un principe assez structurant qui s’appuie sur une distinction entre éditeur et hébergeur, qui serait peut-être amenée à évoluer, mais du coup ça serait la directive e-commerce qu’il faudrait revoir et pas dans le cadre de la directive droit d’auteur. Donc ça distingue hébergeur et éditeur et pour les hébergeurs, déjà on ne peut pas leur imposer de surveiller l’ensemble des contenus et leur responsabilité ne sera engagée que si au moment où on leur a signalé un contenu qui serait illicite, par exemple parce qu’il serait contrevenant par rapport au droit d’auteur, s’ils n’ont pas agi activement pour retirer ce contenu considéré comme illicite et si ce n’est pas manifeste qu’il soit illicite. C’est ce qu’on appelle le Notice and take down : on vous le signale donc vous le retirez. Et à ça ils veulent remplacer, c’est ce que propose finalement l’article 13 ce qu’on appellerait Notice and keep down, ce serait empêcher les œuvres, alors déjà si elles ont été signalées d’être remises en ligne et puis, de manière générale, empêcher les œuvres qui ne seraient pas autorisées préalablement à être mise en ligne.
Bien sûr, la seule manière de faire ça c’est de vérifier l’ensemble des contenus qui passent donc de faire du filtrage ; je le précise parce que c’est un des arguments qui nous est généralement opposé par les défenseurs de ce texte, c’est qu’il n’y a pas le mot filtrage dedans, donc il n’y a pas de filtrage. C’est assez pauvre, surtout qu’on voit que ça paraît assez logique, quand on y réfléchit, que ça impose de fait du filtrage.

Le logiciel libre dans tout ça ?

Nous pourquoi on s’est mobilisés dans un premier temps ? C’est que le texte est quand même assez inquiétant.
Dans un premier temps le logiciel libre, en fait, était assez directement concerné ou du moins potentiellement impacté ; c’était difficile d’imaginer d’ailleurs à quel point cet impact aurait pu être fort, notamment parce que les forges logicielles sont des plateformes, les codes sources sont des contenus soumis au droit d’auteur. Donc ce sont des plateformes de partage de contenu soumis au droit d’auteur donc elles étaient concernées, donc elles auraient dû passer des licences, mettre en place ces filtres, ce qui va complètement à l’encontre, finalement, du fonctionnement même des forges.
Face à ça il y a eu d’abord une campagne SaveCodeShare à laquelle on a assez activement participé, avec, en son cœur, une lettre ouverte qu’on a traduite, lettre ouverte avec appel à signature. Donc c’était la FSFE, Free Software Foundation Europe et l’Open Forum Europe, deux structures européennes qui ont lancé cette initiative qu’on a donc soutenue.
Et une autre campagne qui a fait du bruit ; enfin pas une campagne, il y a eu un billet de GitHub pour exprimer ses fortes inquiétudes ainsi qu’une tribune de Roberto Di Cosmo pour ceux qui le connaissent qui est quand même un ingénieur informaticien très renommé, à juste titre, et aussi directeur de Software Heritage ; qui est quand même quelqu’un, finalement, qui sait de quoi il parle, donc tribune très intéressante.
Dans le process des négociations et des discussions sur ce texte, ça été acté, c’est inscrit au titre des exceptions.

Donc l’article 2 définit, en fait, ce que je vous disais, les fournisseurs de services de partage de contenu mis en ligne et précise une liste un peu restrictive de services qui échappent à ça sans qu’il y ait forcément de corrélation directe ; c’est vraiment un empilement d’exceptions. C’est-à-dire qu’à partir du moment où des acteurs ou un secteur peuvent se sentir menacés et qu’ils ont réussi à faire suffisamment de bruit — c’est le cas des forges logicielles, c’est le cas de Wikipédia, des plateformes d’achat d’objets physiques par exemple par rapport aux photos qu’elles mettent en avant parce qu’il peut y avoir des droits d’auteur — donc ils ont réussi à obtenir des exceptions. Ça montre aussi que le texte est finalement très mal pensé si à chaque fois il y a besoin de rajouter comme ça des exceptions parce que c’est très mal défini ; le champ d’application est très large et très mal défini, donc c’est très inquiétant. Alors c’est une satisfaction et c’est une victoire que les forges logicielles soient explicitement sorties du champ de ce texte, mais on considère là que notre idéal d’un Internet libre et ouvert, neutre et acentré reste menacé ; c’est pour ça qu’on reste très mobilisés sur ce texte.
Pour savoir ce que c’est, parce que la procédure européenne c’est quelque chose d’assez aride, voilà quelques éléments pour avoir un peu le contexte en tête.
Un point d’orgue d’une procédure européenne c’est ce qu’on appelle le « trilogue ». En gros comment ça marche : la Commission européenne propose un texte, propose une directive ou un règlement, ici une directive.

Par rapport à ce texte, ensuite, d’un côté, le Conseil de l’Union européenne — c’est représenté par les États membres, ce serait un peu le conseil des ministres, je pense qu’on peut faire cette analogie — et le Parlement européen de son côté, vont négocier en interne, vont amender le texte, vont réfléchir et débattre sur ce texte-là ; aboutir à un texte qui sera le leur. Après les trois institutions, chacune sur leur texte, se retrouvent plus ou moins derrière des portes closes, plutôt plus que moins, pour débattre et proposer un texte final qui, à la fin, sera soumis au vote du Parlement européen.
Au sein du Parlement européen, c’est un peu comme en France avec quelques différences, mais en gros, avant de passer dans ce qu’on appelle la séance plénière avec l’ensemble des parlementaires européens, il y a une commission qui est saisie.
Quand ça concerne le droit d’auteur c’est la commission JURI, pour affaires juridiques, qui est saisie de droit. C’est elle qui va proposer le texte final, qui va mener les débats pour aboutir à ce qu’on appelle un texte de compromis, c’est-à-dire qu’il y a plusieurs séries négociées entre groupes politiques, entre députés, pour obtenir un texte qui, théoriquement, serait un compromis des différentes positions exprimées. Là ce qui en sorti c’est loin d’être un compromis, mais enfin !
Je cite deux autres commissions : IMCO, c’est la commission de la concurrence et LIBE pour les libertés. Je les cite, déjà IMCO parce qu’elle a un statut particulier par rapport au droit d’auteur, elle est aussi saisie de droit sur certains points et surtout leurs textes, enfin leurs propositions étaient beaucoup plus nuancées ; ça ressemblait beaucoup plus à du compromis, ça donnait beaucoup plus de place aux droits des utilisateurs. Notamment lors du vote que je vais mentionner, celui du 5 juillet, la présidente de cette commission IMCO avait fait un assez beau plaidoyer contre ce texte ; on sentait qu’elle était vent debout contre ce texte.
En JURI, en gros, ils décident d’un texte et ils donnent un mandat au rapporteur de ce texte pour aller mener ce « trilogue ». Ça c’était le 20 juin, donc c’était un premier vote important ; c’était en gros on entérine, on acte la position de la commission JURI.
Le 20 juin le texte a effectivement été validé par la commission, que ce soit sur l’article 11 et 13 d’ailleurs, les deux articles ont à peine évolués, on va dire, par rapport à la Commission européenne ; il y a quelques propos de principe mais finalement assez vides de sens ; par exemple ils rappellent que, effectivement, les contenus qui seraient légitimement en ligne ne doivent pas être retirés, mais ils se contentent de le dire et c’est annulé de fait par, finalement, les obligations contenues dans le texte.
Donc le 20 juin ce texte est adopté.

Théoriquement le rapporteur va prendre ce nouveau texte voté et aller au « trilogue » pour négocier dessus.
Il y a une motion, une capacité, une procédure qui existe : c’est-à-dire que 10 % des parlementaires, ce qui correspond à 76 d’entre eux, peuvent déposer une motion de rejet sur le texte pour demander à ce qu’il puisse être de nouveau débattu et amendé en séance plénière. Et ça, c’était l’enjeu du vote du 5 juillet. C’est-à-dire que déjà la motion a été adoptée et puis, une fois que la motion de rejet est adoptée, il faut qu’au moins 50 %, donc la majorité des parlementaires en séance plénière, rejette le mandat ; ce qui a été le cas. Donc ça c’était vraiment ! Ce n’était finalement pas si serré que ça d’ailleurs ; on était inquiets jusqu’au bout, mais 318, il y a quand même 40 voix d’écart ce qui est plutôt une belle victoire du coup et ça donne un rapport de force intéressant pour la prochaine date. À priori ce serait le 12 [septembre], je ne suis pas sûr à quel point c’est fixé ; sur son site Julia Reda mentionne cette date. Là on aura de nouveaux débats en séance plénière avec des possibilités de déposer des amendements, enfin de proposer des amendements à des députés avec qui on a pu discuter déjà et notamment un amendement de suppression, ce qu’on appelle un amendement de suppression de l’article 13 et je pense qu’il y aura la même chose sur l’article 11.
Je pense qu’il est intéressant de revoir toute la campagne qui a été menée.
Dans un premier on trouvait notamment en France, ce que j’ai mis en vigilance, les lobbies culturels qui sont très puissants. Le ministère de la Culture est à fond pour l’article 13, à fond pour l’article 11 et donc c’est assez difficile, il y avait peut-être moins de visibilité en France. Si ce n’est qu’après un peu en amont du vote du 20 juin qui était donc très important, on a senti une montée en puissance, pas mal de prises de positions fortes ; la mobilisation était vraiment très transversale : c’était des associations comme nous qui promeuvent les libertés en ligne, qui promeuvent la liberté d’expression, enfin la liberté en général ; pas mal d’entreprises ; énormément d’académiciens sur les questions de droit d’auteur notamment.
Là je vous en ai notamment souligné deux : une lettre ouverte qui a été publiée sur le site de la Electronic Frontier Foundation, la signature, c’était le titre : « plus de 70 sommités du Net, cri d’alarme sur les dangers de l’article 13 ». On peut citer Tim Berners-Lee qui est quand même créateur du Web, Bruce Schneier un éminent cryptologue, énormément d’académiciens, Jimmy Wells, enfin voilà. Plus de 70 noms de premier plan. Et prise de position de David Kaye. Lui a écrit une lettre sur son inquiétude par rapport aux risques pour la liberté d’expression à la Commission. David Kaye c’est tout simplement le rapporteur spécial pour les Nations-Unies sur les questions de liberté d’expression. Je pense qu’on peut difficilement disqualifier, ignorer sa position sur ces sujets-là ; donc une lettre assez forte aussi où il exprime des craintes assez solides et puis il les argumente.
Ça c’était les symboles positifs.
Points de vigilance : je note posture caricaturale ; je la note aussi en vigilance parce que ce qui était difficile c’est qu’ils avaient des postures très caricaturales : on essayait d’avoir des arguments constructifs, eh bien ils disqualifiaient tous nos arguments comme étant de la fake news. Quand quelqu’un vous oppose juste fake news on sent que déjà il y a une certaine escroquerie derrière.
Dire que toute la campagne — ça c’était assez frustrant aussi — était orchestrée par les GAFAM qui tiraient dans l’ombre les ficelles de la mobilisation, avec un peu de mépris, moi je trouvais, vis-à-vis des gens qui se mobilisaient. Ils nous disaient qu’il y avait du harcèlement parce qu’ils recevaient 40 000 courriels dans leurs boîtes tous les je ne sais pas combien. On ne peut pas ignorer que sûrement les GAFAM se sont mobilisés, ils ont activé leurs lobbies ; finalement ça fait partie du jeu aussi.
Il y avait des outils en place ; je n’ai pas cité. Save Your Internet proposait des outils pour faciliter la prise de contact avec les parlementaires : ça listait les parlementaires ; ça proposait de pré-écrire un peu des messages, ce qu’on ne pense pas être la meilleure solution mais c’est vrai que ça facilite aussi la démarche et ça n’invalide pas, finalement, la sincérité de la démarche d’un citoyen qui utilise ce genre d’outil. Ils s’appuyaient là-dessus pour dire que c’étaient les GAFAM qui orchestraient tout, que les gens n’avaient pas l’intelligence, peut-être, de se saisir de ce dossier.
Je pense que ça les a desservis parce qu’à force d’être aussi caricaturaux, je pense que les députés arrivent quand même, enfin je pense qu’il y a certains parlementaires européens qui arrivent un peu à voir au-delà de ça, mais c’était très grossier, ça a peut-être participé aussi à cela.
Ça va être un enjeu aussi en septembre de s’assurer qu’il y ait un vrai débat de fond qui soit mené notamment sur les dangers d’un filtrage automatique tel que mis en avant par l’article 13.

Comment agir ?

Parce que c’est ça aussi qui est important.

En amont, notamment, de ce vote de septembre, déjà ne serait-ce que de faire du bruit, de donner vie à cette mobilisation, de diffuser l’information par rapport à cela sur des réseaux sociaux. Là je vous ai listé, par exemple, ce qu’on appelle les tags, les mots buzz les plus utilisés ; donc ça donne de la visibilité.
Peut-être à vérifier, mais il semble bien qu’elle avait proposé, madame Julia Reda, une mobilisation en ligne sur une date. C’est vrai que quand on donne une date comme ça, ça permet vraiment de valoriser une mobilisation en ligne ; ce serait un dimanche il me semble.
Le mieux, bien sûr, c’est de contacter les parlementaires, courriel et idéalement un appel. Pas besoin d’être un expert en fait. Ça permet aussi de prouver finalement son existence ; on appelle en tant que citoyen et en général ils y sont assez sensibles.

Donc contacter les parlementaires, il y a la liste qui est très facile à trouver sur le site du Parlement européen ; en plus on a des filtres par pays, par groupe politique ; donc ça c’est assez simple à trouver.
Et je dis pas besoin d’être un expert parce que les éléments ils les ont. Ce qui vraiment importe c’est d’arriver, de montrer pourquoi on est inquiet, de citer un exemple, pas besoin de parler des heures ; juste on s’exprime.
Par exemple ma stratégie, alors on peut écrire avant ou après ; moi j’appelle, je me présente : « Bonjour Étienne Gonnu, je travaille pour l’April, je vous appelle au sujet de l’article 13 de la directive droit d’auteur, est-ce que je pourrais parler à la ou au député ou à la personne de son équipe qui travaille sur ce sujet ? » En général on parle à un collaborateur, mais vu que ce sont eux qui bossent sur les dossiers, qui font le travail de fond, ce n’est pas un problème. Donc « est-ce que vous avez une position ? Oui ? Non ? »

En général moi je me liste, j’essaie d’aller voir avant sur leur site s’ils ont déjà pris une position ou pas. Je dis : « On est inquiets sur le filtrage automatique parce que ça nous paraît être de la censure ». Là je développe, donc il y a un échange qui se met en place. Et puis à la fin je propose, « je vous cite ces éléments, je vous propose de les envoyer », et du coup je pense que quand ils le reçoivent ils savent d’où ça vient et ça le valorise.
Mais l’inverse, je pense, marche très bien et ça facilite aussi d’envoyer en amont un mail, de dire « je vous ai envoyé ça, est-ce que vous l’avez lu ? Qu’est-ce que vous en avez pensé ? »
Moi je déteste parler au téléphone et en fait on se lance dedans, ça devient un jeu et puis on est pris aussi par l’importance de l’enjeu ; ça peut aller assez vite.
Les députés francophones, je vous citais, en France c’est difficile : pour le moment en plénière il n’y a que huit eurodéputés français qui ont voté contre l’article 13, essentiellement Europe Écologie Les Verts ; la délégation du Parti socialiste est plutôt très favorable à l’article 13, du moins la cheffe de la délégation, madame Rozière ; je ne pense que ce soit la peine de l’appeler. Moi j’ai appelé une autre personne qui le défendait. On appelle « oui je sais, ce sont les GAFAM » ; j’essaye de pousser les arguments ; on m’a dit : « Oui, vous faites comme Monsanto » et puis on a raccroché ; on est un peu à un niveau ! C’est difficile d’avoir un débat de fond.

Je pense qu’il y a pas mal de députés qui peuvent être sensibles et qui n’ont pas forcément une position tranchée.
Septembre va être un beau moment pour ouvrir un peu les débats. Et je vous ai remis le lien [6]. D’avoir des références utiles ça aide aussi à avoir des arguments sur lesquels s’appuyer ou à envoyer aux députés.
D’autres manières d’agir.

On a eu une bénévole qui a fait pas mal d’illustrations. L’illustration ce n’est pas mal sur les réseaux sociaux ; ça arrête un peu l’œil ; c’est une manière de communiquer qui est quand même intéressante.

On peut participer : on a traduit quelques textes d’anglais vers le français pour en amplifier la diffusion, notamment des articles du journaliste Glyn Moody qui est très actif lui aussi ; c’est un défenseur des libertés informatiques depuis pas mal d’années et il a écrit des articles assez intéressants pour déconstruire les arguments qui étaient opposés. Donc on en a traduit quelques-uns.
Proposer les argumentaires. Ce dont je me servais beaucoup ? Pierre Beyssac, un ingénieur informaticien et un défenseur du logiciel libre de longue date également, a publié en ligne un billet dans lequel il explique comment fonctionne le filtrage ; il explique qu’il y a trois différentes manières de poser le filtrage ; les problématiques, pourquoi est-ce qu’un filtre automatique marche mal, les problèmes c’est qu’un filtre ne peut pas avoir la subtilité de compréhension de ce que c’est le droit d’auteur ; il y a des problèmes de faux positifs, c’est-à-dire qu’il va considérer à tort qu’une œuvre est contrevenante alors qu’elle est légitimement en ligne. Voilà ! Si vous avez un champ d’expertise, si vous aimez écrire, c’est une manière de faire aussi et en tout cas ce billet de Pierre Beyssac est très utile ; moi je m’en servais régulièrement dans mes prises de contact avec des parlementaires.
Ça nous laisse du temps pour les questions. Vous pouvez adhérer à l’April. Voici mes informations. Atelier [7] c’est la liste, je ne l’ai pas mentionnée, c’est la liste où on discute globalement des sujets institutionnels ; celle-ci est réservée aux membres. La liste comptabilité pour le sujet des logiciels de caisse, celle-ci est il me semble ouverte au public.
Donc si vous avez des questions. [Utilisation du micro] Notamment parce qu’il y a des captations vidéos et pour l’équipe de transcriptions, ça aide quand même le micro effectivement.
Public : Est-ce qu’il y a un logiciel de caisse disponible libre ?
Étienne : Oui. Il y a des solutions dans différents formats. Je ne connais pas les noms. Il y a Pastèque par exemple. Je crois que Pastèque le logiciel est disponible, je crois que la société qui est derrière ils ont arrêté. Mais Pastèque je crois qu’il marche plutôt bien. Openbravo, oui ; je n’ai plus les noms en tête effectivement, mais je sais qu’il y en a pas mal, Dolibarr, alors qui ont parfois plus des fonctions de comptabilité pure. Tout l’enjeu c’est de définir ce que c’est un encaissement, qui a été bien mieux défini maintenant. Il y avait des logiciels qui étaient inquiets par comment satisfaire les obligations. Donc c’est seulement l’encaissement à proprement parler. Il y a toute une liste. Typiquement si vous avez un besoin spécifique, ça arrive vraiment sur cette liste des gens qui disent : « Voilà, j’ai ce besoin-là, est-ce que vous avez un logiciel à me recommander ? » C’est aussi une liste qui sert à ça.
Public : Je vois que tu vises le Parlement européen. Est-ce que tu vises aussi le Parlement français au niveau francophone ?
Étienne : Pas là. On a essayé, donc on a déjà eu sur des sujets équivalents ou assimilés des contacts avec des parlementaires français. Moi je les ai contactés pour dire « si vous connaissez, si vous êtes en relation avec des parlementaires européens, vous pouvez peut-être transmettre nos inquiétudes », parce que ça donne aussi un peu de valeur aux propos.
Déjà on a une énergie qui est, de fait, limitée aussi par le temps et par ce qu’on peut faire. On essaie de cibler là où les décisions sont actuellement prises. On verra comment ça se passe dans la suite. Une directive, normalement, fait l’objet d’une transposition dans le droit par les parlements nationaux. À un moment donné il y a des chances que cette directive arrive au Parlement français ; là, la marge de manœuvre est un peu plus restreinte parce qu’elle est conditionnée par la directive et à ce moment-là, effectivement, on pourra se focaliser sur le Parlement.

On essaie vraiment de cibler à chaque fois plutôt l’institution qui est concernée directement.
Public : Du coup une autre question. Par exemple tu dis qu’il y a huit parlementaires qui ont voté contre. Comment est-ce que tu fais pour trouver cette information par exemple sur le site ? C’est vraiment typiquement ma problématique.
Étienne : C’est difficile. Globalement suivre les évolutions des textes au niveau du Parlement européen, de l’Union européenne en général, ce n’est pas simple parce que je trouve que les sites sont assez mal faits. Sur le vote du 5 juillet, c’était à scrutin public donc les votes étaient enregistrés. Je ne sais plus qui a mis en ligne mais l’information a été assez rapidement disponible. Je vous recommande la députée Julia Reda sur son site qui est listé dans les éléments de références Libre à vous ! que je vous ai mentionnés, sur april.org-libre-a-vous. Julia Reda essaie de suivre et de donner régulièrement des infos. Souvent c’est en anglais ; elle essaie de traduire. On avait traduit un de ses billets en français ; elle l’a mis sur son site ; en général elle essaie ; donc la liste des votants, les textes au fur et à mesure de leurs évolutions ; elle essaie d’amener un peu de transparence dans tout ça.
Public : Par rapport à la FSFE qui fait aussi du lobbying dans le même domaine, est-ce que vous travaillez ensemble ? Comment ça se passe avec eux ?
Étienne : Là, par exemple, je mentionnais la campagne Save Code Share. Eux ils ont lancé ça ; nous on a relayé dans nos propres réseaux l’existence de cette campagne, on a poussé les gens à aller signer la lettre ouverte pour lui donner plus de visibilité ; on l’a traduite en français.
Après nous, en général, on a plutôt une vocation à travailler au niveau français, national, mais parce que ça nous permet de mieux répartir notre énergie. Là il y a un contexte européen ; c’est vrai que du coup on n’est pas forcément, de manière générale, sur les mêmes dossiers. Là effectivement on avait un dossier commun. Eux ont lancé cette campagne et puis nous, après, on a relayé ; c’est aussi comme ça qu’on collabore.
Merci pour votre attention.
[Applaudissements]