Interview de Olivier Ertzscheid - Bonus de Philippe Borrel - Internet ou la révolution du partage

Titre :
Interview de Olivier Ertzscheid/Bonus de Internet ou la révolution du partage
Intervenant :
Olivier Ertzscheid
Lieu :
Arte - Documentaire de Philippe Borrel Internet ou la révolution du partage
Date :
mai 2019
Durée :
3 min
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Licence de la transcription :
Verbatim
Illustration :
capture d’écran de la vidéo

Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l’April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Le code c’est un médium, c’est un moyen, c’est un outil au travers duquel on va permettre de prendre un certain nombre de décisions de manière automatique, mais où on est en train de s’apercevoir que derrière ces décisions on transmet avant tout des valeurs. Ça c’est Lawrence Lessig qui l’avait très bien expliqué au début des années 2000 dans son article et dans son bouquin Code Is Law où il disait : « Attention ! La plupart des décisions qu’on prendra dans 20 ans, dans 30 ans, dans une société qui sera entièrement numérique ou digitale, la quasi-totalité des décisions sera prise par des logiciels et du code informatique. Et la bonne question à se poser – disait-il – c’est : les gens qui programment ces logiciels c’est quoi leurs valeurs ? Quelles sont les valeurs qu’ils vont injecter à l’intérieur ? »
Ce qui pose question aujourd’hui — qu’il y ait de la place pour des acteurs privés, pour un marché sur Internet, c’est un environnement qui a mûri, donc c’est tout à fait légitime, normal, et ça ne me pose de soucis, à priori, en tant que citoyen, en tant que chercheur — ce qui est compliqué c’est de voir jusqu’où cet espace privé, privatif, peut grignoter des espaces publics, des espaces de liberté publique, collective et individuelle. Et là malheureusement, depuis on va dire dix ans pour faire simple, on s’aperçoit que le curseur, ce qui est en train d’être grignoté c’est plutôt l’espace des libertés publiques collectives et individuelles. Il y a des mouvements qui se structurent pour défendre ces espaces. Il y a tout le mouvement des communs. Il y a beaucoup de gens qui réfléchissent, qui agissent. Il y a aussi ces espaces collaboratifs, d’éducation populaire dans lequel on est aujourd’hui, qui bataillent tous les jours pour former, pour expliquer, mais on est aussi face à des logiques institutionnelles, à des logiques politiques où il y beaucoup d’argent qui est en jeu et où ça reste compliqué de faire exister ces espaces-là.
Par exemple, dans le domaine du logiciel, tout le monde connaît le logiciel Adobe Acrobat, tout le monde lit des fichiers PDF, donc tout le monde a besoin d’un logiciel, par exemple le logiciel Acrobat Reader qui est gratuit, qu’on peut utiliser pour lire ces fichiers PDF. Mais pour créer ces fichiers PDF, pour aller un petit peu au-delà, pour les modifier, on est obligé, souvent, de basculer à nouveau dans des logiques payantes. Donc on va être obligé de payer pour continuer de pouvoir lire ces articles fabriqués en PDF.
C’est pour ça que les logiques propriétaires, les logiques de marché – encore une fois il est normal qu’il y ait des entreprises, qu’elles développent des produits, qu’elles gagnent de l’argent avec –, mais il y a un certain nombre de secteurs et la connaissance en est un, où il est vital, littéralement vital, d’avoir des plans B, d’avoir des alternatives non propriétaires, c’est-à-dire qui vont permettre de garder la main sur la production, la lecture et l’écriture des connaissances.

Toute l’idée est là, c’est-à-dire que la connaissance n’est pas là pour générer ou pour produire ou pour s’inscrire dans un business model. Il peut y avoir des business models qui permettent de vendre de la connaissance, mais il faut que la connaissance reste libre, accessible, gratuitement, publiquement.
Le partage et l’appropriation c’est la base, c’est ce qui nous permet de faire société, c’est simplement ça, ce n’est même pas un enjeu politique, économique ; s’il n’y a pas de partage ! Aucune société humaine ne s’est construite à l’abri du partage, jamais, ni de la copie. Vous pouvez remonter où vous voulez Alexandrie, Babylone, avant ; pour qu’une société existe il faut toujours qu’on puisse copier, s’inspirer, reprendre et partager ce qu’on a copié, sinon c’est une société qui est stérile et qui est morte.

Avertissement : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant⋅e⋅s mais rendant le discours fluide. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.