Importance de l’éducation populaire au numérique - Genma - PSESHSF2016

Titre :
De l’importance de l’éducation populaire au numérique
Intervenant :
Genma
Lieu :
PSESHSF
Date :
Juillet 2016
Durée :
55 min 29
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Licence de la transcription :
Verbatim

Description

L’Informatique et Internet sont partout dans nos vies quotidiennes. Il me semble important que le grand public, tout à chacun soit à même de s’approprier les connaissances nécessaires et suffisantes pour comprendre ces outils qui changent les fondements mêmes de notre société, dans notre accès à l’information, aux connaissances, au partage, à la communication… Comment communiquer vers ce public, comment faire de l’éducation populaire au numérique ?

Transcription

Bonjour à toutes et à tous. Je suis ici pour vous parler de l’importance de l’éducation populaire au numérique. C’est un titre un peu pompeux, on va voir ce n’est pas aussi compliqué que ça.

Accessibilité

Déjà je voudrais commencer par l’accessibilité. Quand on fait une conférence la première à chose à faire c’est de voir si tout le monde arrive à lire la présentation. Donc là, il y a peut-être la qualité de l’écran ou, etc. Je sais par expérience que les couleurs que moi j’utilise sont visibles par toutes et tous, mais si jamais il y quelqu’un qui avait des difficultés à voir ces couleurs-là ou autre, il faudrait le signaler parce que ça me permettrait d’améliorer les prochaines présentations. Après, il faut savoir que la présentation est disponible en ligne, donc ce n’est pas la peine de prendre des notes, vous pouvez vous contenter d’écouter. S’il y a des choses que vous voulez reprendre à tête reposée, vous pourrez le faire.
Public : On peut twitter ?
Genma : Oui pardon ? Oui, on peut twitter, il n’y a pas de souci. Je ne m’offusquerai pas si vous êtes en train de pianoter comme des malades, il n’y a aucun souci avec ça.
Et après un autre souci d’accessibilité, c’est celui de l’audition. Je parle très vite, mais vraiment très vite, je pense que vous vous en rendrez compte. Donc s’il y a quelqu’un qui a un souci avec ma vitesse d’expression, vous faites un signe, vous me faites « parle un petit moins vite », je ne m’en offusquerai pas, au contraire, le but c’est vraiment d’être compris par toutes et tous ; ce n’est pas qu’il y ait quelqu’un qui reste sur le bord de la route.
Public : Comme à Nuit debout ?
Genma : Ouais, vous faites comme à Nuit debout, un peu un signe, parle-moins vite. Des fois quand, par exemple, il y a un interprète, ça peut être un souci, parce que l’interprète il faut qu’il fasse ça en langue des signes. Donc ce sont des petites choses qui sont importantes pour l’accessibilité. Donc je disais l’importance de la communication, c’est un peu le fil conducteur de ma présentation. Ça commence par ça : être accessible visuellement et de façon auditive. Pour l’accessibilité, pour la mobilité, il faut voir, ça c’est une contrainte par rapport au lieu. Le conférencier n’est pas forcément le plus à même pour ça. Donc c’est parti. Voilà.

Qui je suis ?

À propos de moi. Pour celles et ceux qui ne me connaissent pas encore, je m’appelle Genma, j’ai un blog [1] et un twitter. Je vous laisse chercher ou sinon vous venez me voir et je vous ferai ma petite présentation personnelle. Ce qui est vraiment important, pourquoi je parle de moi, c’est que j’ai avant tout une expérience d’autodidacte. J’ai appris à apprendre l’informatique. Je ne suis pas informaticien de formation, je n’ai pas fait une école d’ingénieur ou autre. J’ai appris grâce à des gens qui ont pris le temps de partager sur Internet leurs connaissances. Donc je remercie tous les hackeurs et les hackeuses qui ont partagé des tas de tutos, qui ont fait des tas de choses sur Internet qui m’ont permis, moi, d’apprendre. Et maintenant j’ai certain bagage informatique qui me permet, à mon tour, de diffuser mes connaissances. Moi je suis plus dans un aspect de vulgarisation, de sensibilisation des personnes, pour les amener, elles-mêmes, à s’approprier ces connaissances-là. Comme je dis, je me définis comme un vulgarisateur. J’ai fait des formations, des conférences, des ateliers, destinés avant tout à des grands publics, aussi des gens qui je qualifierais de libristes, quelquefois des journalistes ou même des fois des geeks activistes. J’ai différentes activités dans le milieu associatif surtout libriste, tout ce qui est Framasoft [2], Mozilla Firefox, les Cafés vie privée [3], etc., donc je gravite autour de toutes ces sphères-là. Donc ce que je voudrais présenter, là, c’est un petit peu un retour d’expérience sur comment parler des causes qui nous sont chères au grand public. Des fois on a envie d’en parler, de dire « oui le libre c’est très bien, etc. », mais on n’a peut-être pas les bonnes formulations et on se retrouve face à des personnes qui nous disent : « Oui, mais toi tu t’y connais. Toi tu es informaticien ! » D’où le côté « eh bien moi je ne suis pas informaticien de départ. J’ai pris le temps d’apprendre », et on va voir après quelles conséquences ça a.

Pourquoi de cette présentation ?

Là c’est un texte, je vais le résumer un petit peu. Je pense que l’avez toutes et tous constaté : l’informatique est présente dans notre vie de tous les jours. On a, potentiellement, tous accès à un ordinateur. On n’a pas forcément tous un ordinateur, parce que c’est quelque chose qui coûte cher, mais on a accès, au moins via les médiathèques, on les en remercie, accès à Internet. Donc on a accès à un outil de savoir, de connaissance et de partage. Il y a cette notion-là qui est importante aussi. Il faut que les personnes comprennent ce qu’est Internet, et que ce n’est pas uniquement un minitel, ce n’est pas TF1. Il y a une accessibilité à du savoir, mais aussi une possibilité de diffuser, à leur tour, le savoir. Et pour faire ça, il y a une importance de la communication et de la vulgarisation. Vulgarisation ça ne veut pas dire on raconte n’importe quoi. Il faut peut-être simplifier, mais il faut tenir des propos justes, il faut trouver les bonnes formulations. Il ne faut pas enseigner n’importe quoi. Donc c’est un équilibre à trouver entre je simplifie/je vulgarise, mais il ne faut pas non plus que la personne reparte avec des idées fausses ou des a priori, donc c’est un petit peu difficile.
C’est important pour moi, qu’on pense plus RTFM [Read the fucking manual, NdT]. RTFM, pour celles et ceux qui ne savent pas c’est « va lire ton foutu manuel ». Quand on dit à quelqu’un : « Oui, eh bien, tu n’as qu’à lire, il y a de la doc ». Oui, mais ce n’est pas forcément évident. Est-ce que la doc est vraiment accessible ? Parce qu’il y a peut-être des termes techniques qu’on ne comprend pas, qui, pour nous informaticiens, sont évidents et pour d’autres ne le sont pas. Donc il faut peut-être faire des glossaires ou autre et donc c’est important de garder ça en tête.
Et que chacun et chacune ait le moyen de s’approprier le numérique et de comprendre les enjeux. Moi, ma cause qui est importante, c’est j’adore Internet et j’ai envie que tout le monde puisse utiliser l’Internet que j’aime. Donc c’est l’importance de la neutralité du Net, l’importance de la vie privée, la lutte conte les GAFAM, etc., de faire passer le message, que la personne le comprenne et s’approprie, après, ce message-là, éventuellement le diffuse.

Comment éduquer au numérique ?

Donc j’ai dit le pourquoi, maintenant le comment. Comment on peut faire ça. Peut-être il faut commencer par définir le numérique. C’est un nouveau savoir fondamental, au même titre que parler, écrire et compter. Pour moi, à l’heure actuelle, dans la société moderne, il faut savoir utiliser le numérique au sens large. Donc il faut savoir lire, écrire et compter et savoir diffuser et, comment dire, et aller chercher de l’information via le numérique au sens large, Internet, etc. D’accord ? Le numérique c’est très large. Comment on pourrait définir ça ? C’est : est-ce que c’est être au courant des dernières tendances et savoir s’adapter ? Est-ce que c’est savoir coder ? Parce qu’on parle beaucoup de « on va appendre aux enfants à développer, à coder ». Est-ce que c’est savoir gérer un réseau ? Parce que, quand on a une box WI-FI chez soi, est-ce que ça va jusque-là ? Est-ce que c’est maîtriser les fichiers multimédias, pour les vieux et les vieilles comme moi qui ont connu l’époque du cédérom, du multimédia. Voilà. Donc ce n’est pas facile et c’est où on s’arrête, parce qu’il y a énormément de choses qu’on peut apprendre en informatique, donc c’est où on commence, où on s’arrête. Et je vais vous donner peut-être des réponses.
Je pense que ce qu’il est important de faire, c’est servir de facilitateur. C’est nous, en tant que sachants, que connaisseurs, on soit là pour faciliter l’accès à ces outils numériques aux personnes qui en ont, peut-être même, plus besoin que nous. Il faut faire de l’éducation populaire. Là c’est passer du temps à diffuser ses connaissances, aller vers l’autre, ne pas rester entre nous, entre informaticiens. Partager ses connaissances. Comme je dis c’est faire des tutos, des wikis, etc., c’est très important. Mais peut-être faire aussi des tutos plus simplifiés, plus accessibles. Toujours avoir cette notion de quel est le public que je vise. Faire des docs très techniques, mais aussi des docs un petit peu plus simplifiées. Pas simplistes, simplifiées, accessibles.
Dans quel but tout ça. C’est apprendre vraiment aux gens à être vraiment les acteurs du Web. C’est ça qui est important dans l’éducation au numérique, c’est que les gens deviennent des acteurs du Web, qu’ils ne soient pas des consommateurs. Et être acteur du Web, ce n’est pas commenter pour troller sur des sites de news people, c’est diffuser sa propre connaissance. Ça peut être le petit vieux, qui a connu la guerre, qui va faire sa biographie sur Internet pour partager son expérience. Ça peut être quelqu’un qui sait faire du pain ou de la bière, qui va partager sa conférence. Et PSES est un bon exemple de cette notion de partage, d’aller vers l’autre, de diffuser ses connaissances. C’est une forme d’éducation populaire. Donc on remercie les orgas de PSES pour nous proposer un superbe endroit, et la médiathèque aussi, pour faire cette diffusion de connaissance-là. Et puis d’une façon générale, il faut sensibiliser.

Quelques conseils

Quelques conseils que je me permets de donner par rapport à mon expérience : se rappeler d’où on vient. On a tous été des débutants. Rappelez-vous ça en tête, on a toutes et tous été des débutants, et on l’est encore dans beaucoup d’autres domaines. Je vais prendre un exemple un peu caricatural, je m’excuse par avance s’il y a des gens qui font du sport ou du marathon. J’ai un pote, lui c’est un marathonien, et il me fait : « Ah tu n’as pas couru tes vingt kilomètres ce week-end ! Mais tu es nul ! Oh tu ne fais pas ton footing tous les matins ! Mais tu es nul ! » Et là, il est dans le jugement. Je me dis « mais attends, c’est quoi cet abruti ! Il me traite de nul parce que je ne coure pas, etc. ». Mais pour lui c’est simple de courir ses cinq kilomètres tous les matins ou je n’en sais rien. C’est simple de faire son semi-marathon toutes les semaines. Pourquoi ? Parce qu’il a passé du temps, et des années, à s’entraîner, à courir encore et encore. Il a peut-être des facilités physiques pour pouvoir faire cet entraînement-là. Et toutes ces heures que lui a passées à courir dans un stade, moi ce sont des heures que j’ai passées à faire de l’informatique, à apprendre l’informatique. Donc si je lui dis : « Attends tu ne connais pas GNU/Linux, mais tu es nul. Tu utilises Windows 7 ! Ah, c’est le mal ! Pire, tu utilises Windows Vista, tu es vraiment un nul ! » Voilà, ça vous fait rire. Mais on a toutes et tous entendu ce genre de propos. Dites-vous que quand quelqu’un vous dit : « Tu es nul, tu ne fais pas ton marathon ! », ça revient à quand vous lui dites : « Mais attends, tu utilises Windows Vista, tu es nul ! »
Donc voilà, déjà on se braque par rapport à l’autre. D’où la notion qui est importante de respecter. Il faut respecter l’autre, il faut comprendre ses besoins, ses attentes, ses demandes, être à l’écoute. Dire : « Qu’est-ce que toi, tu as besoin de faire avec un ordinateur ? — Ah ben j’aimerais bien ! » Et lui expliquer les possibilités. Dire : « Voilà, tu peux faire un blog pour partager ton vécu. OK ? — Je n’y connais rien en informatique. — Qu’est-ce que tu voudrais faire ? — Ah ben, j’aimerais bien parler des recettes de cuisine que je fais. — D’accord. Eh bien je vais t’accompagner, je vais t’expliquer c’est quoi les bases d’Internet, c’est quoi un nom de domaine. » Et je ne vais pas commencer à lui faire de l’administration système sur le chiffrement par exemple, s’il n’en a pas besoin. C’est adapter le discours aux besoins de la personne. Donc mettre la personne au centre. Lui dire : « Voila, qu’est-ce que tu veux communiquer ? Comment tu veux le faire ? Jusqu’où tu es prêt à aller ? Combien de temps tu es prêt à passer pour faire ce que tu veux faire ? » Et ne pas lui cacher, par exemple s’il dit : « Ah j’aimerais bien avoir ma box pour faire mon auto-hébergement, etc. », ce ne sont pas les mêmes contraintes que de lancer un site internet. Donc vraiment lui dire : « Voilà, eh bien ça va te prendre du temps. Il y a des contraintes. Est-ce que tu as le temps d’apprendre ça ? Est-ce que tu es prêt à le faire ? » Il faut se mettre à son niveau, donc s’adapter et puis monter le niveau de compétence. Mais ne pas commencer très haut au départ. C’est vraiment commencer par définir le vocabulaire, être bien d’accord que la personne a compris et, petit à petit, on élève son niveau de connaissances et de compétences.
Il faut être patient, il faut être pédagogue. Ce n’est pas donné, ce n’est pas évident, ce n’est pas facile tous les jours, des fois on rage. Je pense qu’on a tous et toutes de parents qui disent : « Ouais, mais je clique, ça ne marche ! » OK. On va faire un cours de clic de souris : il y a un clic gauche, un clic droit. Des fois on en est à ce niveau. Ça fait sourire, mais oui, mais un jour, moi je ne savais pas utiliser une souris. J’ai appris à utiliser une souris. Alors peut-être ? Après on dit souvent : « Les enfants sont plus à l’aise, etc. » Non, c’est juste qu’ils n’ont pas d’appréhension ! Ils n’ont pas d’appréhension parce que pour eux il y a une tablette, OK, je touche. Ils ont un iPad, un Android, etc. Pour eux ce sont des icônes, je touche, je manipule et puis je fais planter le truc. Mais ils ne savent pas comment ça marche derrière. C’est juste qu’ils n’ont pas l’appréhension, par rapport à des personnes peut-être un peu plus adultes, un peu plus âgées, qui là vont dire : « Ah non je vais peut-être casser, je vais peut-être prendre un risque. « Moi, la première fois que j’ai eu mon ordi, le soir même je l’ai réinstallé parce que j’ai viré des fichiers dans C : Windows, et puis « Ah ben ça ne marche plus ». Ça fait rire, mais c’est comme ça que j’ai appris.
Dans le respect, il y a aussi : pas de propos sexistes, misogynes, excluant. Il ne faut pas que les personnes avec qui on discute se sentent exclues. Comme je disais, il y avait le côté marathonien, etc. Mais pareil, si on dit : « Ah, mais tu es nulle, tu es fille », même si on trouve ça drôle. Ou dire : « Ah mais toi tu es blonde ! » Non ! C’est une blague de merde ! On arrête ! Il faut être inclusif. Il ne faut pas être dans le jugement de l’autre, dire : « Tu serais un mec, tu comprendrais ! » On oublie toutes ces blagues de merde-là. On est dans le respect de l’autre, on a un être humain en face de soi, on prend le temps et on s’adapte. Après, il ne faut pas dire : « Oh, mais tu es trop bête pour comprendre ! » Non elle n’est pas trop bête ! C’est peut-être à nous de nous remettre en question et de se dire « on n’a peut-être pas le vocabulaire adapté ou autre. »
Donc d’une façon générale, je disais qu’il faut arrêter l’intégrisme. Ce n’est pas forcément l’intégrisme. C’est plus, comment dire, l’extrémisme. Mais pas l’arrêter. On peut dire : « Voilà, moi, dans mon idéal, je fais ça, je fais ça, etc. », mais pas imposer à l’autre. Lui dire : « Moi, mes règles de conduite c’est ça : je dis GNU/Linux », comme on verra après, etc., mais il faut peut-être un petit peu de tolérance.

Il faut sortir de notre tour d’ivoire

Le point important c’est il faut sortir de notre tour d’ivoire. Un petit test pour voir ceux qui sont nés avant les années 2000. Comment on peut faire pour sortir de notre tour d’ivoire ?
Utiliser un vocabulaire adapté. Attention bouchez-vous les oreilles. On peut dire Linux et même Ubuntu. Ce que j’ai dit, tout à l’heure, c’est il faut simplifier, mais il ne faut pas mettre dans l’erreur. Donc on va commencer par dire « voilà, il y a Ubuntu. » Et après si la personne est réceptive, elle commence à comprendre un petit peu, on va dire « il y a Linux ». Et après on va dire « et il faut dire GNU/Linux ». Mais il ne faut pas commencer en disant : « Ouais, j’ai un truc qui s’appelle… Linux ! — GNU/Linux ! » Non ! Tout de suite on est agression. « Tu n’as pas couru ton marathon, tu es nul ! » Non, on va lui dire : « Écoute, il y a Linux, c’est un noyau, etc. — Ah, mais c’est quoi un noyau ? — Eh ben c’est le moteur. » Un moteur, on connaît. Adapter le discours. Si éventuellement la personne est réceptive, on va lui dire « GNU/Linux » et après peut-être qu’elle dira « GNU/Linux ». Mais peut-être qu’elle ne dira jamais ça, elle dira peut-être « Linux » ou « ah ton truc avec le pingouin. Ou ton truc là, avec le renard, que je clique pour aller sur Internet ». Il faut accepter que oui il y a des personnes qui puissent utiliser un vocabulaire qui n’est pas forcément le nôtre. Ce qui est important c’est que le message passe. Idéalement, on va élever le niveau de connaissances, utiliser le bon vocabulaire, mais, au départ, il faut faire des petites concessions, même si ça déplaît à Richard [Stallman, NdT] !
On va parler par exemple de coffre-fort numérique. On ne va pas de suite parler de VeraCrypt, TrueCrypt, KeePass. Oui c’est la finalité derrière. Mais, de mon expérience, quand je parle aux gens je dis : « Tu vas faire un coffre-fort numérique ». Là, les gens tout de suite comprennent. Coffre-fort c’est quelque chose, c’est un objet qu’on comprend. Et après on amène, on dit : « Tiens, est-ce que tu aimerais avoir un coffre-fort numérique pour mettre tes documents en sécurité ? Les gens disent oui. Je dis OK. Alors ce coffre-fort numérique c’est KeePass ou c’est VeraCrypt, etc. », et là on amène le tutoriel technique. On a créé un besoin ou on a dit à la personne « tu as peut-être besoin de ça », mais comme elle sait que le logiciel, là, qui a un nom bizarre, un truc en anglais, machin, c’est un coffre-fort numérique c’est plus facile pour elle d’appréhender les connaissances techniques derrière.
Il faut accepter qu’on dise « crypter ».
Public : Ah non !
Genma :’ Oui. Mais j’explique ! J’ai dit « il faut accepter ». Ce qu’il faut dire c’est, la personne dit « crypter », il ne faut pas dire : « ’Ah, mais on dit chiffrer ! On va dire écoute OK, c’est crypter, dans le bon vocabulaire, crypter est un anglicisme ». Mais déjà le mot anglicisme est peut-être compliqué, il faut peut-être le définir. Et après on va élever le niveau de connaissance, dire : « Voilà, crypter n’est pas le bon terme, on utilise chiffrer. » Mais il ne faut pas être dans le jugement. On apporte la connaissance, mais ne pas tout de suite sauter sur ses grands chevaux et dire : « Ah non, on ne dit pas crypter ! » Après, moi je me permets de crypter mes disques durs parce que je les chiffre et après je les mets dans le caveau familial, donc ils ont à la fois chiffrés et cryptés. Voilà pour l’humour. Non mais ça, ça fait sourire. Rappelez-vous le marathonien : « Oh tu ne cours pas ton marathon tu es nul ! Ah tu dis crypter ! Ahhh ! » Non ! Ça peut être marrant entre nous, mais quelqu’un d’extérieur va dire « c’est quoi ces gens, ils parlent de trucs obscurs. » Donc il faut faire attention.
On peut utiliser des métaphores pour une communication adaptée. Utiliser des analogies comme celle des recettes de cuisine. Un bon exemple que moi j’ai trouvé pour communiquer sur ce qu’est le logiciel libre, j’ai utilisé les recettes de cuisine. Donc toujours pareil : on utilise une métaphore, une image, pour aider la personne à comprendre un concept et après, on l’amène à des choses un peu plus techniques. Si on commence par la GPL c’est…, la règle 0, la règle 1. Ça devient compliqué ! On peut faire un petit peu simple. Ou « le logiciel libre je le définirai en trois mots : liberté, égalité, fraternité ». C’est un petit, déjà, une forme de vulgarisation, c’est un petit peu plus accessible. Une autre forme c’est de dire « voilà, le droit d’accéder au code source. Il faut voir un programme informatique, un logiciel, comme un gâteau. On a une recette de cuisine, on va pouvoir regarder ce qu’il y a dedans. L’intérêt de regarder ce qu’il y a dedans, c’est de voir ce qu’il y a. S’il y a des allergènes, je suis allergique aux noisettes, je sais que le gâteau n’est pas bon pour moi. Mais comme je peux le modifier, je vais pouvoir enlever les noisettes et les remplacer par quelque chose de meilleur, ou autre, ou faire un gâteau à la vanille, au chocolat, etc. » Et là, la personne elle comprend. Elle dit : « Ah ouais, tu peux faire la même chose sur informatique ? Oui. Si tu sais cuisiner, tu fais des gâteaux autres. Si tu sais programmer, tu vas faire des logiciels autres, en partant d’un logiciel déjà défini ».
Le droit de faire des copies du logiciel, c’est typiquement les livres de recettes de cuisine. Le droit de vendre du logiciel. On peut vendre du logiciel libre. Oui, on vend un service. Le service qu’on vend, c’est quoi ? C’est un gâteau qui est déjà tout fait, qu’on achète au pâtissier ou version industrielle. Moi je n’ai pas le temps de cuisiner et je n’y connais rien, eh bien je vais acheter un gâteau déjà tout fait, qui peut suivre éventuellement une recette que j’ai regardée, qui dit « voilà, il n’y a pas d’allergènes », donc je peux manger ce gâteau-là. Et là, tout de suite, la notion de logiciel libre passe beaucoup plus facilement auprès des personnes.
Et le droit d’améliorer, eh bien c’est typiquement les sites où, comme je disais, modifier la recette, l’améliorer, la changer. Et là, voilà en quelques images, je lui ai fait passer le concept de logiciel libre. Donc si vous voulez expliquer à quelqu’un c’est quoi le logiciel libre, c’est quoi les GNU/Linux, etc., utilisez l’analogie des recettes de cuisine. Et après on passe à : il y a la GPL, c’est une licence. C’est quoi une licence ? C’est une sorte de contrat, etc., et on va un peu plus loin. Et comme au départ on a déjà donné des notions, des concepts, on a permis à la personne de s’approprier les notions, c’est plus facile après d’aborder les choses un peu plus techniques.
Donc il faut utiliser une communication accessible.
Quelques exemples, pour les enfants il y a Scratch For Kids ou Python pour les Kids. Là on voit il y a un visuel coloré. C’est amener des notions de programmation, mais ce n’est pas tout de suite de la doc Python, ce n’est pas un man Python, il y a des petits exemples, des formes de jeux et donc ça c’est une communication accessible. Il y a Il était une fois l’Internet. Et là c’est un très bon exemple : comprendre comment ça marche Internet sous forme de théâtre, mais comme je le disais la vulgarisation ne veut pas dire raconter n’importe quoi. Les personnes qui ont fait Il était une fois l’Internet. Et là c’est un très bon exemple : comment comprendre Internet, comment ça marche sous forme de théâtre se sont beaucoup documentées, ont pris le temps de comprendre les concepts et vont amener des notions sous forme un peu ludique, donc là sous forme de théâtre. Donc c’est cet après-midi quinze heures, c’est ça ? Donc pour celles et eux que ça intéresse, cet après-midi quinze heures, vous aurez le spectacle, un extrait de Il était une fois l’Internet. Je vous recommande. Et voilà c’est un bon exemple. Ça permet de découvrir un domaine sans tout de suite mettre les mains dans le cambouis, rentrer dans la technique et après, si on veut, on peut le faire.
Un visuel qui interpelle, qui est lié à la culture populaire. Un bon exemple c’est Framasoft avec sa campagne de sensibilisation Dégooglisons Internet [4], qui a repris l’image avec les irréductibles villages libristes et les camps romains à côté. Eh bien là, tout de suite, ça attire l’œil, ça parle aux gens. Et après, on va dire aux gens : « Est-ce que vous avez un compte Facebook ? La plupart des gens me répondent oui. Est-ce que vous mettez tout sur Facebook. Et puis là les personnes vont me dire : eh bien non, je ne mets pas tout. Pourquoi ? » Je ne suis pas dans le jugement dire « ah vous avez un compte Facebook, c’est le mal ! » Non ! Je suscite l’interrogation de la personne. La personne me dit : « Oui, j’ai un compte Facebook. OK. Est-ce que vous mettez tout ? Eh bien non je ne mets pas tout. Pourquoi ? » À aucun moment je n’ai été dans le jugement. J’ai été dans l’interrogation. Et après la personne me dit : « Parce qu’on peut m’espionner ou je n’ai pas envie qu’ils sachent tout de moi ». Et là, on amène les notions un peu plus techniques en disant : « Est-ce que vous savez que chaque fois que le « j’aime » de Facebook, le petit bouton « j’aime » apparaît, Facebook sait que vous êtes allé sur le site », la notion de tracker, etc., on élève le niveau de compétence et on voit un petit peu si la personne est réceptive ou pas. Ou si la personne dit : « De toutes façons je n’ai rien à cacher, je mets tout sur Facebook », on adapte le discours. Il ne faut pas être dans le jugement dire : « Non, mais de toutes façons, on a tous quelque chose à cacher ». Non ! C’est essayer de comprendre comment la personne pense, essayer de faire passer son argumentaire et d’adapter la communication. Mais ne pas être dans le jugement. Rappelez-vous le marathonien.
Un bon exemple de communication aussi, c’était France 4 qui avait fait un reportage être invisible sur le Net, qui avait une sorte de quiz avec une centaine de questions de sensibilisation diverses et variées sur est-ce qu’on peut dire chiffrer ou crypter. Il y avait l’hygiène numérique, c’est quoi ? Est-ce que c’est nettoyer son clavier ? Bill a un bracelet connecté qui mesure son rythme cardiaque. On voit l’accélération de son rythme cardiaque quand il est avec Monica, est-ce que c’est gênant ou pas ? Voilà, ça fait sourire. Et après il y avait un petit texte explicatif qui sensibilise à la problématique des objets connectés. Si ça vous intéresse, moi, ce que je m’étais amusé à faire parce que c’est du Flash ce n’est pas accessible, j’ai fait des captures d’écran de toutes les questions et réponses du quiz et j’ai mis ça disponible librement. Donc ce n’est peut-être pas dans le respect du droit d’auteur et tout ça, mais au moins c’est accessible. Ce n’est pas du Flash et ça permet de garder une trace. C’est plus pour encourager et remercier les auteurs de ce travail-là. Je ne touche pas d’argent dessus, c’est disponible, c’est un PDF. C’est pour montrer que ça c’est une forme de communication accessible. Et puis un petit bisou à la personne qu’on voit sur l’affiche, là, qui se reconnaîtra.
Donner des cours d’hygiène numérique ce n’est pas laver son clavier, quoique qu’il y a des claviers lavables. Vous savez que les claviers il y a beaucoup de germes, etc., qui sont sur les claviers qui restent et qui se développent. Donner des cours d’hygiène numérique c’est quoi ?
Une définition simple que je donne, moi, quand je parle aux gens. Je dis « quand on était petit on nous a dit lave-toi les mains avant de passer à table. Et puis on fait ouais papa et maman ils sont soûlants et tout. Ne lèche pas la barre du métro ! Alors rien que pour les embêter on fait : Ah ! Je lèche la barre du métro ! » Et après on est bien malade et on fait « peut-être que papa et maman ils ont bien raison, peut-être que je me lave les mains, et que je fasse, que je les écoute ». Eh bien l’hygiène numérique, c’est le pendant, c’est dire comment éviter une gastro informatique. Quand je dis ça aux gens je dis « vous voulez que je vous parle d’hygiène numérique ? L’hygiène numérique, c’est quoi ? On va éviter une gastro informatique. Et là tout de suite OK, ça m’intéresse ». Et on amène des notions comme…
On me vole mon PC. Là il y a un PC qui traîne, je pars en courant avec. Les organisateurs de PSES ne vont pas être contents, mais comme j’ai fait du marathon, en fait, je cours très vite. Et puis ils vont me dire « ah, mais ce n’est pas grave, il y a un mot de passe dessus ». Un mot de passe, moi j’ai les connaissances techniques pour le faire sauter. Donc cette notion de PC volé va amener deux notions : la notion de qu’est-ce que moi je vais trouver en tant que voleur ? Il y a un mot de passe, etc., mais ce n’est pas grave. On va dire à la personne « mettez un coffre-fort numérique pour protéger vos données les plus importantes », et après on va au-delà des notions de coffre-fort numérique, on va dire « vous allez chiffrer votre disque dur ». Mais comme on a créé un besoin. La personne dit « ah oui, mais même s’il y a un mot de passe on peut quand même voir mes données qu’il y a dessus. Oui. Qu’est-ce que je peux faire ? Coffre-fort numérique. Comment je peux faire un coffre-fort numérique ? Je vais vous expliquer, tutoriel sur Keepass ou autre, vous chiffrez votre disque dur » et là, on amène les notions. Et on est parti d’un exemple simple, le vol de PC.
Et après, l’autre exemple que je donne, c’est le PC je le pousse, il tombe par terre. Il est cassé. Qu’est-ce qu’on perd comme données ? Les gens me disent « oui, mais les sauvegardes. Je dis OK, le PC là, il tombe par terre, c’est le vôtre, il tombe par terre, quelles sont les données que vous allez perdre ? Euh ! Voilà vous êtes bien embêté. OK. Ouais c’est bon ». je termine.Et donc ça amène la notion de sauvegarde. On dit est-ce que vous savez faire des sauvegardes ? Oui, je sais, mais je ne sais pas trop. Et donc, là on va expliquer comment faire une bonne sauvegarde, etc. On est parti d’un exemple simple.
Si je suis dans les temps, donc c’est bon j’ai trente minutes. J’ai quelques exemples, une façon d’expliquer c’est quoi les phrases de passe. Phrase de passe c’est un mot compliqué. On dit « plus c’est long plus c’est bon ». Ça fait rire « plus c’est long plus c’est bon ». On dit aux gens un bon mot de passe « plus c’est long plus c’est bon ». Déjà dire un bon mot de passe c’est un mot de passe qu’on n’utilise pas partout. On ne met pas le même mot de passe partout. Là les gens souvent disent : « J’ai le même mot de passe partout, qu’est-ce que je peux faire ? Utiliser un coffre-fort numérique pour stocker ses mots de passe. » Typiquement Keepass et on explique comment marche Keepas. On me dit « oui, mais le coffre-fort numérique, il faut le verrouiller ». Donc on va mettre une phrase de passe. Une phrase de passe c’est « le soleil est rouge et la lune est verte ». C’est une phrase de passe, ce sont plusieurs mots qu’on a combinés, qui ne veulent rien dire et qu’on va facilement retenir. Après on pourra le complexifier un petit peu. Et on explique que plus la phrase de passe est complexe et longue, plus elle est solide.
Après il ne faut pas induire, comme je disais au départ, des faux sentiments de sécurité. Expliquer que si quelqu’un nous en veut vraiment, il pourra forcer le coffre-fort. Le bon moyen, si on me tape dessus, moi le mot de passe, je le donne. Il n’y a pas besoin de faire les techniques de cracker, etc. Non, on me tape dessus, on me torture, le mot de passe, je vais le donner. Donc expliquer que le coffre-fort numérique est une protection qui a ses limites, ce n’est pas une protection absolue. Ne pas créer un faux sentiment de sécurité. Et c’est ça qui est difficile dans la vulgarisation. On simplifie, on simplifie à l’extrême. Il ne faut pas que la personne se dise « oh ben c’est bon, j’utilise Tor et puis je suis super anonyme, etc. » Non, parce qu’il y a des façons de casser cet anonymat, etc. Donc bien faire comprendre à la personne les enjeux, jusqu’où ça va, les limites des technologies qu’elle utilise.
Si vous voulez expliquer les notions de mot de passe à quelqu’un vous dites « plus c’est long plus c’est bon » et puis vous enchaînez, après, sur des exemples simples.
Après moi j’ai des sortes de petites sketchs, un petit peu pour sensibiliser. Je vais me permettre de vous les faire.
J’ai belle-maman qui vient, tout à l’heure manger, chez moi et, dans l’après-midi, elle veut utiliser mon ordinateur. Sauf que la veille je voulais faire un cadeau à ma compagne, et puis c’est la mode des sextoys et tout ça, donc j’ai été sur Internet et puis j’ai cherché des sextoys. Ça en faire sourire certains, mais ça marche bien ça, tout ce qui est un peu gaulois, etc., ça attire l’attention, et puis la personne qui dort, bizarrement, dans la salle. Belle-maman arrive sur l’ordinateur. Elle veut regarder ses mails, ou je n’en sais rien, je lui prête, et puis d’un seul coup j’entends « oh, je ne connaissais pas ce modèle-là ! » Qu’est-ce qui est le plus gênant ? Eh bien oui, parce que je regarde qu’est-ce qui se passe. Ah oui, Il y a des tas de popups pour moins 10 % sur tel sextoys, etc. Qu’est-ce qui est le plus gênant ? Que belle-maman dise « oh je ne connaissais pas ce modèle-là » ou qu’il y ait des popups de sextoys. Et là, tout de suite, ça vous parle. Oui, ça fait marrer. Et là, tout de suite dans l’assemblée, j’ai une question de « Ouais, mais comment t’es pisté, comment elles font pour savoir ce qu’on a cherché, etc ? » Et là on va amener à la notion de tracker, on va montrer ??? et tout ça. Et en partant d’une simple chose un petit peu humoristique donc les fameux popups de sextoysça parle à tout le monde, on amène une notion que les gens ont déjà vue, le côté des pubs qui s’affichent, qui correspondent à ce qu’on a cherché. Et on va pourvoir aller un peu plus loin dans la technique.
Bon, je vais vous faire une confidence, j’ai des hémorroïdes, ce sont des choses qui arrivent. Hier on était samedi, je suis allé au supermarché et j’ai pris mes courses, etc., et j’ai pris ma petite crème pour les hémorroïdes. J’arrive en caisse. La caissière « Bonjour, ça va ? Genma la femme les enfants. Oui, ça va. Belle-maman, ça va ? Oui ça va. » Donc elle passe et puis d’un seul coup, tut, ça ne passe pas. « Bon alors le roller, tu peux aller me chercher le truc en caisse ? » C’était la crème pour hémorroïdes. Forcément quand il y a quelqu’un qui est en caisse et que ça ne passe pas. Qu’est-ce que fait tout le monde : « c’est quoi encore qu’il a acheté qui ne passe pas là ? » Donc il y a toute la caisse qui est derrière moi voit que j’ai acheté une crème pour hémorroïdes. Ce jour-là il y avait trois produits achetés, le quatrième offert, donc j’ai donné ma carte de fidélité. Donc en plus, mon magasin sait que j’ai acheté : j’ai associé le produit à ma carte de fidélité.
Ça c’est un exemple de la vie non numérique où il y a une traçabilité des produits que j’achète, qui sont des produits intimes, je n’ai peut-être pas envie de le faire savoir. Donc l’alternative c’est quoi ? C’est d’aller dans une pharmacie où je n’ai pas l’habitude d’aller. Je vais aller à la pharmacie de Choisy-le Roy, je vais mettre mon sweat à capuche, des lunettes noires, je vais changer un petit peu ma voix et je vais demander la préparation pour hémorroïdes. Ce sera un peu plus discret. Je veux pouvoir avoir cette possibilité dans le monde numérique. Avoir cette discrétion-là pour aller voir des choses plus personnelles, plus intimes. Et là, on va expliquer des notions sur c’est quoi Tor, c’est quoi l’anonymat, la vie privée, la surveillance, etc. En partant d’un exemple qui fait rire, en disant « j’ai des hémorroïdes », d’un petit sketch, après on va passer dans le monde sérieux, où là on va faire des démonstrations un peu techniques. Mais comme les personnes ont compris le but, une analogie, là le message côté informatique technique passe un peu plus facilement.
Pour sensibiliser à tout ce qui est surveillance généralisée moi, moi ce que je fais, c’est que je dis « voilà est-ce que vous donneriez vos clefs au commissariat ? » Là on habite près d’Orly, il peut y avoir des terroristes qui arrivent par avion, qui viennent se cacher chez vous. Vous êtes tous à PSES. Donc si la gendarmerie ou la police a le double de vos clefs, elles peuvent renter n’importe quand et vérifier dans vos placards, etc., qu’il n’y a pas un terroriste qui s’est caché dans la pile de draps. Vous êtes un peu plus en sécurité. Les gens me disent : « Non, mais c’est n’importe quoi ! » Non ! La police, elle vient n’importe quand. Vous n’êtes pas là, mais ce n’est pas grave, elle a le double des clefs, mais c’est pour votre sécurité ! Donnez confiance ! Là, les gens sont choqués. Et je dis « pourquoi vous acceptez ça sur Internet, que n’importe qui puisse regarder ce que vous faites, monitorer tout ce vous êtes en train de faire en temps réel ? » Et là ils me disent : « Ah mais c’est vrai ça ? Qu’est-ce qu’on peut faire contre ? »
En prenant une analogie du monde non numérique, on amène les notions qu’on voudrait faire passer pour le monde numérique, donc ce qui est surveillance, etc.
Si vous avez envie de vous lancer, de vous impliquer à votre tour, si vous pensez que vous avez des choses à partager puisque vous avez des connaissances, ce n’est pas si compliqué que ça. Le « yaka fokon », c’est bien beau de dire « il faut le faire », eh bien faites-le ! Il y a le monde associatif. Il y a, par exemple, Parinux qui fait énormément de choses dont les Premiers Samedis du Libre. Donc le premier samedi de chaque mois à la Cité des Sciences, il y a l’install party. Là on cherche des bénévoles, vous pouvez venir pour aider à installer GNU/Linux, votre distribution favorite et expliquer aux gens qui viennent. Parce que souvent les gens viennent, ils disent : « Windows, ça marche mal. Il y a Windows 10, ça me surveille de partout, etc. Je veux le truc du pingouin ou le Linux. Si on commence à dire non c’est GNU/Linux », ça ne va pas ! On leur dit, on explique un petit peu, on fait un accompagnement sur c’est quoi le logiciel libre, on aide à installer et on cherche des bénévoles pour ça. Donc le premier samedi du Libre ou Parinux.
Il y a aussi les Ubuntu Party qui ont lieu tous les six mois où pareil, on installe plus spécifiquement Ubuntu et puis il y a un certain nombre de conférences.
Pareil, à votre tour, si vous avez envie de passer de l’autre côté du miroir, donc côté scène, pour diffuser vos connaissances, faire rire les gens ou parler de choses sérieuses, faites-le. N’hésitez-pas. Partagez vos connaissances, vous avez forcément des choses à partager. Faites-le !
Il y a l’Agenda du Libre. Donc il y a un certain nombre d’événements qui ont partagés. Allez-y, impliquez-vous, participez. Et puis vous rencontrerez des gens sympas, petit à petit vous vous ferez des amis, des bons copains, des bonnes copines. Et puis vous allez aider à diffuser les connaissances numériques, et c’est important.
Sinon il y a aussi les Cafés vie privée, chiffrofêtes cryptoparties, lancez-vous, si vous vous sentez de le faire ou allez-y pour apprendre c’est quoi un coffre-fort numérique ? C’est quoi la surveillance ? C’est quoi le chiffrement ? Pourquoi il faut dire chiffrer et pas crypter ? C’est une très bonne initiative les Cafés vie privée, c’est avec des gens très sympas, donc allez-y, venez. Et comme ça vous allez avoir une meilleure hygiène numérique, d’une façon générale, et vous allez pouvoir après, à votre tour, diffuser ces connaissances-là. Donc voilà. Je suis dans les temps. Merci de votre attention et on passe aux questions.
Applaudissements

Questions du public

Pas de questions ? Si ! Ah ! Il y a des mains qui se lèvent. Voilà.

Public :
Je vais poser une question. Déjà merci pour ta conférence, c’était absolument super. Première question, c’est une question sur laquelle je tombe souvent quand je parle de ce genre de sujet autour de moi et à laquelle, sur le moment, moi je n’ai pas forcément d’arguments parce que, en fait ça me paraît tellement logique que je ne trouve plus comment expliquer. C’est, au final, pourquoi c’est grave qu’il y ait de la surveillance de masse ? Pourquoi ? Parce que tu donnais l’exemple, tout à l’heure, de « est-ce que tu donnerais tes clefs au commissariat ? Il y a des gens qui te diront, tant qu’ils ne font rien de mal, au final, pourquoi c’est grave ? Ce sont des gens de confiance, c’est la police, c’est une institution ». J’entends des gens qui rigolent mais c’est vrai que, normalement, la police c’est une institution en laquelle on devrait pouvoir avoir confiance. Ce sont quand même des gens qui sont là pour faire le bien, en simplifiant, donc pourquoi c’est grave ?
Genma :
Ouais, je vois. C’est quand tu tombes face à de l’incompréhension ou la personne te dit : « Je n’ai rien à cacher, etc. » Il faut peut-être revoir ses basiques avec les très bons tutos « Je n’ai rien à cacher.fr [5] », etc., qui t’expliquent un petit peu en quoi c’est grave, pour avoir des arguments. Après il y a des personnes qu’on n’arrivera pas forcément à convaincre. Moi ce que j’essaye de faire, c’est de susciter l’interrogation. Si la personne ne comprend pas, eh bien tant pis. C’est comme je disais, ma liberté s’arrête où commence la sienne. Ma liberté c’est d’essayer de la convaincre qu’il y a des choses à cacher. Sa liberté c’est de dire « non, je n’ai rien à cacher. Que la police vienne chez moi, je n’ai aucun souci avec ça ». Donc on ne pourra pas forcément lui imposer. Peut-être lui dire : « Bon eh bien OK, je n’ai pas d’arguments là, va voir des sites, ou je vais y réfléchir je reviendrai ». Mais demander à la personne « si j’ai un argumentaire un peu plus construit, est-ce que tu acceptes que je revienne vers toi et en rediscuter ? » Mais si elle dit : « Non, de toutes façons, c’est bon, ton truc, je m’en fous ! » Si elle s’en fout, elle s’en fout ! Ce n’est pas grave, tant pis ! Il y a d’autres personnes à convaincre. On ne va pas perdre du temps avec celle-là. C’est vrai que là je n’ai pas forcément la réponse. Moi j’utilise l’exemple du commissariat, si ça passe tant mieux, si ça ne passe pas tant pis ! Il y a des gens qui aiment bien polluer et puis il y a des gens qui disent : « Non, je vais rouler à vélo. » Eh bien OK !
Public :
Pour rebondir sur ta question, il y a un argument que moi j’aimais bien, sur notamment l’utilisation de Tor, et ça marcherait assez bien sur les clefs au commissariat. C’est que l’utilisation de Tor, même si on n’a rien à cacher, permet à d’autres de se cacher. Et sur les clefs, enfin sur l’analogie clefs au commissariat, si on demande à tout le monde de volontairement donner ses clefs au commissariat, il n’y a que quelques personnes qui ne le font pas, eh bien ces personnes-là vont être suspectes. Effectivement peut-être passer autour de la personne « je n’ai rien à cacher », mais d’autres ont des choses à cacher et si toi, tu ne t’astreins pas à cacher certaines choses, ça veut dire que les personnes qui ont quelque chose à cacher…
Genma :
C’est un très bon exemple. Du coup ça m’inspire plein de choses, parce que là ça donne vraiment une réponse. Du coup comme ça tu peux dire aux gens : « Ouais, mais si tu as un bonnet rouge chez toi ? Ou si tu as un drapeau arc-en-ciel ? Ou si tu as des tracts syndicaux ? Peut-être que toi tu n’en as pas, mais ton voisin en a, donc lui il a des choses à cacher. » Surtout les tracts syndicaux, en ces temps-là, imagine. Voilà, c’est un très bon exemple, je le retiens, ça. Tu vois tu peux aller un plus loin dans l’argumentation : si la personne ne comprend pas, quelqu’un d’autre a des choses à cacher. Après si elle te dit : « Ouais, mais le truc arc-en-ciel je m’en fous ou le syndicat, je ne suis pas syndicaliste, etc. » OK. Peut-être que la personne est obtuse, tant pis. Il y a une dame qui veut réagir.
Public :
On peut prendre aussi un autre exemple si on ne veut pas prendre le « donner ses clefs au commissariat », c’est : est-ce qu’on partirait de chez soi en laissant la porte ouverte ? C’est tout !
Genma :
Oui, très bien. Oui c’est vrai qu’il y a cette notion de porte ouverte. Parce qu’on se protège plus dans des notions de vol. Un voleur qui va accéder chez nous, c’est un viol de notre intimité. On se sent généralement mal à l’aise après, quand on se dit il a, fouillé partout. Et la police on pourrait se dire « oui, mais la police c’est légitime ». Mais après ça dépend, c’est trouver un équilibre. Ouais, mais c’est un autre exemple aussi. Essayer, peut-être cet argument-là. Peut-être que la personne dira : « Oui la police ce n’est pas grave parce que c’est l’autorité. Par contre si c’est un voleur, Ah non ça c’est le mal ! » Il faut essayer de trouver. Et puis ce n’est pas évident. Je n’ai pas la réponse et justement l’intérêt de la question c’est que ce soit interactif. Je remercie, justement : il faut que ça soit un travail collaboratif, que chacun amène ses idées, ses notions, comment il ferait lui ou elle ferait. Voilà.
Public :
Sur la question des installations à des Ubuntu parties, installer du matériel GNU/Linux sur des ordinateurs, notamment chez ses parents parce que ça fait chier de faire de la maintenance de Windows, qu’on ne comprend plus rien et tout ça. Et en fait, je l’ai fait un moment. Maintenant je ne le fais plus, parce qu’en fait, dès que quelque chose ne marche pas, ça va te tomber sur toi. Si Google ne se lance pas, c’est de ta faute ! C’est parce que tu as installé du matériel, machin. Et ça prend un temps fou à se déplacer chez les gens, chez les parents, chez les copains et tout ça, à qui on a installé. Pour le coup, c’est une responsabilité que maintenant je prends beaucoup plus avec des pincettes parce que c’est super chiant que : « Ah le clic il ne marche pas. Ah tu as vérifié, juste si ta souris était branchée. Non, c’est la faute de ton matériel, tu as installé n’importe quoi ! » Et c’est super fatigant en fait.
Genma :
Ouais. Je suis bien d’accord. C’est vrai que c’est quelque chose auquel on se confronte. Et c’est ce que je disais au départ, l’important, aussi, c’est d’élever le niveau de connaissances. C’est de sensibiliser les personnes où il y a un minimum à apprendre. C’est presque de l’hygiène numérique déjà de savoir que si une souris est débranchée, elle ne va pas marcher. Tu vois, ce n’est pas forcément de l’hygiène pure, mais ça rejoint un petit peu ces notions de base. Si la tour n’est pas allumée, l’ordinateur ne marche pas. C’est normal. Les gens vont te dire : « Ah mais non, ça ne marche pas, c’est compliqué ». Non ! Il faut réussir à trouver les mots et à faire comprendre aux gens que oui, pour que l’ordinateur, pour qu’il y ait des choses qui s’affichent, il faut peut-être que l’écran soit allumé. Et démystifier le côté technique de « ah non c’est trop compliqué, toi tu es informaticien ! » Ce n’est pas évident. C’est du travail de longue haleine. Avec les proches, les parents, c’est encore pire. Parce toi tu t’y connais, t’es informaticien. Et quand ils disent : « Toi tu t’y connais, t’es informaticien », ils sont un peu comme s’ils disaient : « Mais toi tu sais courir facilement, tu es marathonien ». C’est un peu le pendant. Et donc réussir à convaincre que Non ! L’ordinateur est un outil formidable, il permet d’accéder à Internet. Qu’est-ce que tu veux faire ? Moi j’ai envie de consulter des sites, etc. OK. Eh bien pour pouvoir consulter ces sites, il y a un minimum à apprendre, le minimum c’est comprendre c’est quoi un clavier, que quand tu appuies sur des lettres, eh bien ça tape des lettres ; que la souris bouge, il faut qu’elle soit branchée. Ce n’est pas évident j’en ai parfaitement conscience. C’est juste sensibiliser, dire « vous n’êtes pas seul ». Il faut se tenir à l’écoute et ne pas laisser tomber et ne pas tomber dans « Ah non, ton Windows il est pourri, je vais t’installer autre chose ! C’est dire « peut-être que si tu as plein de virus sur ton Windows, il y a deux problèmes : que le système est mal conçu et que tu as une mauvaise hygiène numérique. Ouais, mais quand je vais sur un site pornographique il y a des trucs qui me disent mon Flash n’est pas à jour, j’ai installé. Eh ben non, c’est une mauvaise pratique. » Et hop, et on enchaîne sur l’hygiène numérique. On lui dit « Eh bien voilà, en cliquant sur mettre à jour le lecteur de vidéos sur ton site porno, eh bien tu t’es chopé une gastro-informatique ». Ne pas dire : « Ah t’es trop nul, il ne fallait pas cliquer ! »
Public :
Ou une MST !
Genma :
Ou une MST, très bien, une MST. Voilà. Mais ce n’est pas évident, j’en ai parfaitement conscience. C’est justement aussi le but de susciter le débat. D’autres réactions ou ? Devant.
Public :
Merci encore pour cette conf. J’ai souvent rencontré des personnes qui souhaitaient contribuer mais qui pensaient ne pas avoir les compétences. C’est plutôt des conseils pour les inciter à faire, justement, du partage, de l’initiation aux autres. J’ai rencontré des personnes qui disaient par exemple : « Oui, j’aime bien plein de programmes, mais je ne sais pas ce que je peux faire pour, justement, y contribuer, les améliorer tout simplement. »
Genma :
Il y a plein de choses. Par exemple aller dans les communautés correspondantes. Si, je ne sais pas, moi, on aime bien Firefox et on dit j’aime bien. On va voir les gens de Mozilla et dire : « Ça, ce n’est pas intuitif pour moi ou on m’a dit que ce n’était pas intuitif. » C’est presque dire si on n’est pas informaticien, au contraire, lisez les documentations et il faut dire après « voilà, ton truc-là, c’est du langage d’informaticien, je ne comprends rien. Ce n’est pas évident. Ou j’ai essayé d’installer ça, j’ai réussi parce que je suis un peu geek, j’arrive à bidouiller, mais ce n’est pas évident. » Il ne faut pas hésiter à remonter aux développeurs, aux informaticiens, etc., ce qui n’est pas évident. Ça peut être travailler l’ergonomie dire « ton bouton n’est pas accessible ». Ou faire de la traduction, tout simplement. Dire « ouais, mais ton truc c’est en anglais. OK je comprends l’anglais ou je n’ai pas compris ! » Faire de la traduction ou du partage. Faire des retours d’expériences aussi. Dire quand on a un petit bagage aller vers d’autres. Parce que quelqu’un qui a dix ans de Linux derrière lui ne va peut-être pas être à l’aise en termes de communication.
Public :
Est-ce que tu recommandes aux débutants d’aller sur IRC, de leur proposer, justement, si tu veux voir une communauté autour d’un logiciel rends-toi sur le canal IRC ou va sur Twitter autour du programme.
Genma :
Je vais vous faire une confidence, je ne vais pas sur IRC. Pourtant ça fait quize ans. Ouais, c’est une confidence ! Voilà. Ça fait quinze ans que je suis dans le monde informatique. J’entends toujours des développeurs « ouais IRC, etc., et tout ça. » Je ne connais pas les commandes IRC, je sais comment on peut y aller, mais j’y vais rarement. Et en plus il y a un côté hermétique. Les logiciels que j’envoie, c’est un peu limite. Ah dans mon terminal, j’ai mon truc IRC, c’est mon client IRC, etc. Ce n’est pas évident, si tu dis déjà IRC, il faut expliquer c’est quoi. À la limite je préfère qu’on dise aux gens : « Tu vas sur la page Facebook de Parinux, je ne sais pas s’il y a une, mais bon, je vais en choquer certains, mais c’est plus aller rencontrer dans les associations, dans le monde non numérique, pour t’impliquer, discuter, etc.
Public :
Oui, parce que ça fait tout de suite très rustre, pas accueillant.
Genma :
Oui, c’est ça, comme tu dis. IRC, c’est sûrement, j’en suis persuadé, c’est un outil génial, mais pour le commun des mortels, c’est rustre, c’est un vieil outil et puis, comment dire, ce n’est pas le meilleur moyen. C’est dire « va sur la documentation du site, par exemple ubuntu-fr.org [6], regarde si tu arrives à comprendre ou pas. Si tu n’arrives pas à comprendre eh bien on va travailler. Éventuellement un système peut-être de parrainage. On va travailler ensemble, ou tu me dis : « Ça je n’ai pas compris » et puis moi qui ai un peu plus de connaissances, je vais essayer de vulgariser. Après je le fais relire à la personne pour voir si elle comprend. Si maintenant elle comprend, eh bien on aura enrichi la doc. Voilà.

Le plus simple c’est vraiment d’aller dans les associations. Dire « voilà moi j’ai un peu de temps et j’ai envie de faire ça. » Le ça étant je veux faire de la traduction, je veux faire de la communication, je veux développer ou autre. Il y aura forcément des choses à faire. Il y avait d’autres réactions ?
Stéphane Bortzmeyer : Oui, je fais un atelier de formation IRC après et tu verras qu’il y a du graphique et des couleurs.
Genma : Oui, bien sûr !

Stéphane Bortzmeyer : Sinon, maître Eolas t’a écouté et sur Twitter il a fait une blague gauloise : « Que fait un druide qui veut un site internet ? Il achète un nom de dolmen. »
Applaudissements

Public :
Juste une petite intervention, en fait, sur les personnes qui veulent s’investir dans le Libre et s’investir pour partager les connaissances. Quelquefois il faut se faire violence. Quelquefois il faut se dire « est-ce que je peux intervenir dans telle association. Il y a des personnes qui sont vachement compétentes, plus compétentes que moi, je vais être ridicule ! » Non, il faut se faire violence, il faut se dire « oui j’ai des choses à apporter ». Parce qu’on a tous des particularités, on apporte tous une richesse. Il ne faut pas se dire « non, moi je ne vais pas intervenir, tu as vu le niveau de celui-là, je vais être ridicule à côté de lui ! » Non, il faut vraiment se faire violence, quelquefois, et essayer de dire « moi j’ai ma richesse, j’ai ma particularité et je peux apporter des choses, que ce soit dans le développement, que ce soit dans la technique. Pas forcément dans la technique ! Dans l’aide ! » On donne, on vient on donne un coup de main pour installer la salle, et petit à petit on s’habitue à intervenir, on s’habitue à être dans le milieu. Et voilà ! J’invite les gens à venir, à franchir le pas et à se faire violence, justement, pour enrichir la communauté du Libre.
Genma :
Il y avait une question au fond et je voudrais rebondir sur ce qui a été dit là. Moi je sais que par exemple à l’ubuntu-fr, régulièrement il y a des gens qui font les sandwichs, qu’on ne voit jamais, parce qu’il y a les gens qui arrivent sur scène, qui font leurs rigolos en racontant des blagues sur leurs hémorroïdes et puis il y a les gens qui sont en coulisses, qui préparent les sandwichs pour que moi je puisse manger le midi, moi et les autres. Eh bien je prends le temps d’aller les voir et de leur dire merci. Et puis ils me disent : « Je ne savais pas trop comment aider, je ne suis pas informaticien. » Je dis « eh bien écoute, le boulot que tu fais il est génial. Tu prépares les sandwichs. Moi j’arrive. Je fais mon kéké sur la scène et tout ça, et après je peux manger le midi, et je fais, c’est grâce à toi qui as passé toute la matinée à faire des sandwichs ». Et ça, c’est un bénévolat qui est super important et on a besoin de ces personnes-là. Et après la personne me dit : « Ah ben tiens, au fait, cet après-midi j’ai un peu de temps, est-ce que tu peux m’expliquer ? Là on va lui expliquer. En fait ouais, mais je connais tout ça. Eh bien si tu connais, viens de l’autre côté, viens expliquer, partage à ton tour ! » Comme on a sympathisé, la personne se sent un peu moins « ah, mais je suis nul ». Non, tu n’es pas nul. C’est juste que tu as passé du temps à apprendre d’autres choses. Tu as passé du temps à, je ne sais pas moi, à apprendre la couture, ou faire à manger, faire des super salades véganes, etc., pendant que moi je potassais des man pages. Rappelez-vous le marathonien. Voilà. C’est tout ce que j’ai à dire, et puis on va prendre la question au fond.
Stéphane Bortzmeyer :
Il y a un IRC ouvert.
Genma :
Non il n’y a plus de questions ? Ah excuse-moi. Voilà, vas-y.
Public :
Du coup c’est vrai qu’on a besoin de faire de la pédagogie. Je pense qu’on a aussi besoin de faire de la pédagogie auprès de nos pairs pour qu’ils comprennent qu’on a besoin de faire de la pédagogie. Quelle approche tu recommandes vis-à-vis de ça ? Puisque ce n’est pas toujours évident. Tu vas tomber face à des gens qui vont dire : « Facebook, c’est le mal, je ne veux pas en entendre parler. Aucune condition. Qui vont te dire ouais, mais les utilisateurs, ils sont chiants ils ne comprennent rien, ils ne font pas d’efforts. »
Genma :
C’est un peu ce que j’ai essayé de dire dans la conférence, c’est que les gens se remettent, peut-être moi le premier, on se remette en question, qu’on ne soit pas dans le jugement de l’autre. Comme tu dis oui, les gens ne comprennent rien. Oui, OK. Mes parents ne veulent pas apprendre. OK. C’est du travail de chaque part. C’est faire comprendre à la personne qu’elle aura un petit effort à faire pour s’approprier l’ordinateur, que ce n’est pas magique. Si elle veut faire des trucs sur Internet, il faut qu’elle comprenne comment ça marche et ce n’est pas « oh c’est nul ton truc, ça ne fait pas ce que je veux. Non, c’est parce que tu ne lui demandes pas de faire ce que tu veux ! Il faut que tu comprennes comment il faut le faire. » Et après, c’est aussi à nous d’essayer de s’adapter, d’être pédagogues. Après ce n’est pas donné à tout le monde d’être pédagogue, etc. C’est peut-être dire : « OK, moi je ne suis pas capable de t’expliquer ou je ne me sens pas de t’expliquer, mais il y a quelqu’un qui est peut-être plus adapté ou avec qui tu seras plus à l’aise, donc je t’invite à aller voir cette personne-là. Et une fois que tu auras le bagage technique nécessaire, eh bien là je pourrais t’expliquer, parce que moi je ne suis pas trop dans la vulgarisation, je suis plus dans le côté technique. » C’est un peu ce que je fais, moi. Et savoir aussi ses limites. Je sais que si on me demande des super trucs en crypto, etc., je dis : « Non. Écoute, là ce sont des questions de technique, je ne sais pas répondre, je vais t’inviter à voir telle ou telle personne qui là va te répondre de façon peut-être un peu plus technique. » Je ne sais pas si ça répond vraiment à ta question du coup, plus ou moins ! Ce n’est pas évident. C’est une réponse simple, ce n’est pas évident, on y travaille, on essaye. Peut-être que le partage non ? Vas-y, si tu veux.
Public :
Du coup, c’est par rapport à la première question sur les gens qui ne s’estiment pas légitimes à intervenir. Bon, du coup il y a déjà eu des éléments de réponses que je vais certainement répéter. En pédagogie c’est très important, en fait, d’y aller par paliers. Par exemple quelqu’un qui serait au niveau 1 de connaissances, je parle en crypto, moi je vais considérer que je suis niveau 1, je vais prendre aeris qui va être au niveau 10, moi je peux quand même apporter quelque chose à quelqu’un qui est au niveau 0.
Genma :
Tout à fait.
Public :
Et je pense que la personne qui est au niveau 0, si aeris lui explique des trucs, je pense qu’elle va avoir un peu de mal ! Non parce que voilà ! Ça va être un peu compliqué. Donc c’est assez important et on essaie de faire ça, j’avais envie de dire, à l’école, c’est mettre ensemble des élèves qui ont un niveau proche pour que l’élève qui est au niveau un petit peu au-dessus de l’autre le ramène à son niveau. C’est-à-dire moi je peux peut-être tirer quelqu’un au niveau 1. Et peut-être quelqu’un qui va être au niveau 3, pourra moi me monter au niveau 3, et quand moi je serai au niveau 3, la personne que moi j’ai amené au niveau 1, je vais pouvoir l’amener au niveau 3. Et comme ça on va monter petit à petit. Donc même si on n’est pas tous au niveau 10, ce n’est pas grave. On peut apprendre des choses à des gens qui sont au niveau en dessous. Et ça, il faut prendre conscience de ce qu’on sait et qu’on peut apporter des choses.
Genma :
Il y a une réaction de aeris.
aeris
 : On a aussi besoin, justement, d’avoir des personnes de niveau 0 jusqu’à 9, parce que les personnes niveau 10 on est très sollicitées et on n’a pas le temps. Et on a besoin d’avoir des personnes. Tout le monde n’a pas besoin forcément d’avoir l’explication de niveau 10 directement. Donc effectivement, avoir des gens vers qui on peut rediriger, qui vont pouvoir temporiser un peu et monter un peu le niveau avant d’arriver directement près du niveau 10. Et puis il y en a encore au-dessus, je te rassure ! Ça peut être très utile aussi justement sur les Cafés vie privée, pendant qu’on peut avoir un atelier relativement débutants, pendant ce temps-là ça laisse le temps pour aller discuter avec un lanceur d’alerte à côté. Alors que si on était tout seul, on ne pourrait pas s’occuper du lanceur d’alerte et il risquerait de faire des conneries. Donc c’est très important d’avoir beaucoup de monde, tous niveaux confondus, et ce sera toujours utile d’avoir plus de bras. On n’a jamais assez de bras de toutes façons. N’hésitez pas à venir !
Genma :
Donc c’est pour ça. On recrute et il ne faut pas voir ça comme des groupes de : il y a le groupe des débutants ou le groupe des nuls. Non, ce sont des groupes par affinité. Il faut vraiment le présenter comme ça, dire voilà, il y a ceux qui veulent apprendre le coffre-fort numérique. En fait c’est ce qu’on fait au début des Cafés vie privée, on demande un peu les thématiques. Il y a des gens qui disent : « Je ne connais rien je viens découvrir. OK. Eh bien on va commencer par présentation de l’hygiène numérique, des bases, le tracking sur Internet ». Il y a des gens qui viennent en disant : « Moi je veux apprendre tel algo et comment configurer ma clef SSH, etc. ». Il y a des gens qui vont être complètement largués avec ce que je viens de dire là. Eh bien ce n’est pas grave, on fait un groupe spécialisé sur les clefs SSH, etc. Ce sont un peu des groupes de niveau, mais c’est par rapport au besoin qui définit le niveau. Moi je suis lanceur d’alerte, j’ai un niveau de connaissances élevé à avoir. Donc je vais être dans le groupe des gens qui ont besoin de connaissances élevées. Mais ce ne sont pas des groupes de nuls ou moins nuls. Ce sont des groupes de « qu’est-ce que j’ai envie de faire » et je vais dans le groupe qui correspond à ce dont j’ai besoin. Il ne faut pas le voir, vraiment, comme une notion de nul pas nul. Non. C’est plus en fonction des besoins et plus j’ai besoin de sécurité élevée, plus j’ai besoin d’aller loin dans la technique. C’est un équilibre à trouver. On va prendre les réactions avant de finir.
Public :
Je voulais compléter cette question-là. Il y a aussi le débutant, parfois est meilleur que l’expert, pour expliquer à un autre débutant. Pour plusieurs raisons. C’est-à.-dire parfois il va être plus crédible que l’expert. L’exemple simple c’est justement sur la simplicité de Linux. C’est quand tu es expert et que tu vas dire : « Mets Linux, ça sera plus simple à utiliser pour toi que Windows parce que tu n’auras pas besoin de faire tes mises à jour d’antivirus, parce que ce sera plus sécurisé, tu auras moins de problèmes, ce sera un peu plus carré que ton Windows. » Le débutant va te répondre : « Ah mais toi c’est normal, tu t’y connais bien, Linux c’est facile pour toi ! » Et si c’est un débutant qui le dit, eh bien ça a beaucoup plus de poids qu’un expert.

L’autre chose aussi, ça va être une histoire du vocabulaire. C’est-à-dire qu’on parlait de pédagogie. Il y a le problème de pédagogie, mais il y a aussi : l’expert maîtrise un vocabulaire que le débutant et n’a pas forcément et n’a pas toutes les clefs pour comprendre. Et même si l’expert parle bien, parfois on ne se rend pas compte du vocabulaire qu’on utilise, et ça peut déstabiliser un débutant. Alors que si c’est un débutant un petit plus expérimenté, il ne maîtrisera pas forcément ce vocabulaire, il expliquera peut-être les choses d’une manière moins précise, parfois avec des erreurs, mais ses connaissances seront peut-être beaucoup plus accessibles au débutant d’un niveau inférieur.

Genma :
Comme tu dis : le chiffrer/crypter. Un débutant va dire à l’autre : « Ah, ben si tu veux crypter », et puis ça parlera tout de suite. Alors que si on lui dit : « Ah, si tu veux chiffrer. C’est quoi ton truc chiffrer ? C’est crypter. Ah OK, d’accord ! » C’est un bon exemple.
Public :
J’avais une autre petite réaction aussi par rapport à l’installation. Parfois on hésite à installer Linux à des gens pour le problème de la maintenance. Et je pense qu’il faut parfois faire l’effort de pousser un petit peu les gens à passer à Linux. Le problème de la maintenance parfois ! Moi j’ai eu la grave surprise de voir qu’il y avait des débutants. Je me disais « mince, je vais devoir me taper toute la maintenance derrière, parce qu’ils ne vont pas trouver dans leur entourage des personnes ressources ». En fait, maintenant, comme de plus en plus de gens connaissent Linux, finalement on les lâche et ils se débrouillent très bien. La preuve en est c’est que, moi je suis dans un LUG [Linux Users’ Groups, NdT], et il y a des gens on ne les voit pas pendant plusieurs années. On ne les revoit que quand ils changent d’ordinateur et ils se débrouillent très bien, de manière autonome, et on n’a pas besoin de faire de maintenance derrière. Je pense que c’est bien de parfois tenter.
Genma :
Idéalement en fait il faut les former à la maintenance. Leur expliquer : tu fais tes mises à jour, tu cliques ici, etc. Il y a un accompagnement aussi à ce qu’ils s’approprient l’outil. Et pour moi, s’approprier l’outil c’est comprendre qu’il y a les mises à jour à faire, comme pour ma voiture, je vais vérifier les niveaux d’huile ou la pression de mes pneus avant de partir en vacances, eh bien je fais les mises à jour de mon ordinateur. Je m’approprie l’outil. On va peut-être prendre la dernière réaction, la toute dernière, vas-y.
Public :
Moi je travaille beaucoup avec des journalistes, pour des questions de protection des sources et ce genre de choses. Et je les pousse, vraiment, à utiliser du logiciel libre, au jour le jour, pour tous leurs usages, en fait. Pas seulement pour protéger les sources, mais pour tout ce qu’ils ont à faire avec le numérique. Ce dont on s’aperçoit c’est effectivement, nous on est organisé en association donc on a la possibilité de les accompagner pratiquement, faire des astreintes pour pallier aux urgences, en fait, comme c’est une profession critique, etc. Peut-être que ça vaut le coup de s’organiser avec trois/quatre potes pour faire un support plus ou moins efficace, mais qui permette aux gens de poser leurs questions un peu quand ils veulent, et de les guider aussi et de les accompagner pour passer de niveau, petit à petit.
Genma :
Ça revient un peu à tout ce que fait Parinux avec les Premiers samedis, où c’est un rendez-vous régulier, on peut venir pour avoir toutes sortes d’assistance. Il y a les systèmes de parrainage avec par exemple Parrain-Linux. Mais le but ce n’est pas de résoudre les problèmes de la personne. C’est de l’accompagner pour qu’elle apprenne à les résoudre et pour qu’elle puisse après, éventuellement, aider d’autres personnes. C’est ça qui est important comme message à faire passer. Ce n’est pas « je te fais ton truc et c’est bon ! ». C’est non ! C’est « je t’accompagne pour que toi tu saches le faire et que tu puisses, éventuellement un jour, aider d’autres personnes. » Toujours cette notion d’appropriation de l’outil. Et on conclura là-dessus, je pense. Merci à toutes et à tous. Bonne continuation !

Applaudissements